Civilisation Carthaginoise

Civilisation Carthaginoise

Civilisation carthaginoise

Statuette dorant (IIIe siècle av. J.-C.) trouvée dans la nécropole de Puig des Molins (Ibiza) et exposée au Musée archéologique national de Madrid

La civilisation carthaginoise ou civilisation punique[1] est une ancienne civilisation située dans le bassin méditerranéen et à lorigine de lune des plus grandes puissances commerciales et militaires de cette région dans lAntiquité.

Fondée par des Phéniciens sur les rives du golfe de Tunis, Carthage a pris peu à peu lascendant sur les cités phéniciennes de la Méditerranée occidentale, avant dessaimer à son tour et de développer sa propre civilisation. Celle-ci est cependant moins connue que celle de sa rivale, en raison de la destruction de la cité par larmée romaine à la fin de la Troisième Guerre punique, une fin relatée par des sources gréco-romaines qui furent largement et durablement relayées dans lhistoriographie. Bien que décriée au travers de la célèbre punica fides, préjugé issu dune longue tradition de méfiance envers les Phéniciens à partir dHomère, cette civilisation suscita néanmoins des avis plus favorables :

« Par leur puissance, ils égalèrent les Grecs, par leur richesse, les Perses. »

— Appien, Libyca, 2

Cette civilisation résulte du mélange de la culture indigène, constituée par les Berbères en Afrique, et de la civilisation quapportèrent avec eux les colons phéniciens[2].

Il nest ainsi pas aisé de distinguer ce qui relève des Puniques de ce qui relève des Phéniciens dans le produit des fouilles archéologiques[3], dont le dynamisme depuis les années 1970 a ouvert de vastes champs détudes apparaît lunité de cette civilisation en dépit de particularismes locaux. Malgré ces progrès, de nombreuses inconnues sur la civilisation non-matérielle perdurent, liées à la nature des sources : toujours secondaires, par la perte de toute la littérature punique, lacunaires et souvent subjectives.

Sommaire

Histoire

Article détaillé : Histoire de Carthage.

Des origines au Ve siècle

Phéniciens en Afrique

LAfrique du Nord qui, au départ, nest vraisemblablement pour les Phéniciens quune simple étape sur la route des métaux dEspagne, connaît des installations phéniciennes permanentes de façon très précoce, comme Utique qui est fondée en 1101 av. J.-C. selon Pline lAncien[4]. Le XIIe siècle av. J.-C. aurait vu également une installation à Lixus au Maroc[5] et la fondation de Gadès en Espagne[6].

Routes du commerce phénicien

La date de la fondation de Carthage par Didon, une princesse tyrienne, a toujours fait lobjet dun débat, non seulement durant lAntiquité mais encore de nos jours. Deux traditions antiques se sont affrontées : la plus diffusée la situait en 814 av. J.-C., à la suite de Timée de Tauroménion dont il ne reste que des fragments[7] réutilisés par dautres auteurs. Lautre légende plaçait quant à elle la naissance de Carthage aux alentours de la guerre de Troie, tradition reprise par Appien[8].

Les fouilles archéologiques nayant rien livré dune date aussi ancienne, certains historiens ont émis lhypothèse dune fondation beaucoup plus tardive (vers 670 av. J.-C.), voire dune double fondation, un comptoir ayant précédé la naissance de la cité au sens strict selon Pierre Cintas. Les historiens les plus récents se fondent sur lanalyse des annales de Tyr, utilisées comme source par Ménandre et Flavius Josèphe, pour accepter une datation autour du dernier quart du IXe siècle av. J.-C..

Substrat libyen

À lépoque des premières installations phéniciennes, lAfrique du Nord est occupée par des populations libyennes importantes, dont la continuité avec les Berbères du Maghreb a été défendue par Gabriel Camps. Il a été considéré quil y avait un hiatus chronologique trop important et surtout des vagues dinvasions successives trop nombreuses pour navoir pas marqué les populations locales de façon durable. Les Égyptiens mentionnent les Libyens sous le nom de Lebou dès le XIIe siècle av. J.-C. comme étant les populations situées immédiatement à louest de leur territoire.

Lorigine des populations libyennes a été relatée par un grand nombre de légendes et de traditions, plus ou moins fantaisistes, certaines faisant état dune origine mède, voire perse, selon Procope de Césarée[9]. Mieux informé, Salluste évoque lorigine des Libyens dans sa Guerre de Jugurtha[10]. Strabon[11] a également décrit leurs différentes tribus, les divers noms nentraînant pas nécessairement une distinction ethnique et ne remettant donc pas en cause lunité du peuplement de cette région au moment de larrivée des Phéniciens.

Expansion en Méditerranée et en Afrique

Mainmise sur les possessions phéniciennes en Méditerranée occidentale et colonisation punique

Il est très difficile de distinguer, à partir des fouilles archéologiques menées dans lensemble du domaine phénico-punique, ce qui relève des Phéniciens de ce qui relève des Puniques. Ainsi, les archéologues ne signalent pas de rupture comme pour certains sites anciens (Bithia et Nora en Sardaigne). La fondation dIbiza, traditionnellement datée de 675 av. J.-C., a donc pu être le fait des uns comme des autres.

L’« empire » punique, dont la formation et le fonctionnement ne relèvent pas dun impérialisme au sens strict, est désormais considéré comme une sorte de confédération des colonies préexistantes derrière la plus puissante dentre elles au moment du déclin de la cité mère, Tyr. Carthage aurait été chargée dassurer la sécurité collective et la politique extérieure, voire commerciale, de la communauté.

Les Phéniciens dOccident puis les Puniques ont eu des relations précoces avec dautres civilisations, surtout les Étrusques, avec lesquels des liens commerciaux se tissent[12]. Larchéologie témoigne de ces échanges, avec en particulier les lamelles de Pyrgi de Caere et certaines découvertes effectuées dans les nécropoles carthaginoises : vases de production étrusque dits bucchero mais aussi inscription en étrusque sur laquelle un Carthaginois se présente[13]. Lalliance avec les Étrusques a aussi visé à entraver lexpansion des Phocéens dOccident, lopération aboutissant à la défaite phocéenne dAlalia[14]. À partir du déclin des Étrusques, lalliance devient cependant inopérante.

Antagonisme avec les Grecs : les guerres siciliennes

La prospérité de Carthage, liée au commerce maritime, entraîne une rivalité avec les Grecs sur le territoire sicilien. C'est pourquoi lîle reste longtemps une zone daffrontements locaux, dus à la volonté des protagonistes dimplanter des comptoirs ou des colonies sur ses côtes.

Au début du Ve siècle av. J.-C., le conflit change de nature : Gélon, tyran de Syracuse, tente dunifier lîle avec le soutien de plusieurs cités grecques. La guerre, inévitable, éclate avec Carthage, qui obtient peut-être laide de lEmpire perse[15]. Hamilcar de Giscon, commandant les troupes puniques, est battu à la bataille dHimère en 480 av. J.-C.

Possessions de Carthage en Afrique au temps de linvasion dAgathocle

Vers 410 av. J.-C., Carthage sest remise de ce revers ; son implantation africaine est plus puissante, et les expéditions lointaines dHannon et dHimilcon confortent sa maîtrise des mers. Hannibal de Giscon prend alors pied en Sicile en 409 av. J.-C. et remporte des victoires localisées qui ne touchent cependant pas Syracuse. En 405 av. J.-C., la seconde expédition est plus difficile, le chef de larmée ayant succombé à une épidémie de peste lors du siège dAgrigente. Himilcon, qui succède à Hannibal, parvient à négocier avec Denys une cessation des hostilités qui est davantage une trêve quune paix réelle. Dès 398 av. J.-C., Denys attaque en effet Motyé, qui tombe mais est reprise par la suite. Un nouveau siège a lieu devant Syracuse et dure jusquen 396 av. J.-C., année la peste oblige sa levée. La guerre continue durant soixante ans entre les belligérants. En 340 av. J.-C., larmée carthaginoise reste cantonnée uniquement au sud-ouest de lîle.

En 315 av. J.-C., Agathocle de Syracuse sempare de Messine et, en 311 av. J.-C., envahit les derniers comptoirs carthaginois de Sicile. Hamilcar mène la riposte ; en 310 av. J.-C., il contrôle la quasi-totalité de la Sicile et met le siège devant Syracuse. Lexpédition menée par Agathocle sur le continent africain représente une victoire puisque Carthage est contrainte de rappeler son armée pour défendre son propre territoire ; la guerre dure trois années et sachève par la fuite dAgathocle.

Ve siècle et naissance dun empire africain

Selon le point de vue le plus communément admis, Carthage sest tournée vers son arrière-pays à la suite de la défaite dHimère en 480 av. J.-C[16]. Toutefois, cette thèse est de plus en plus remise en cause par des historiens qui estiment que limplantation africaine était devenue plus importante de manière tardive. Le Ve siècle naurait vu dans cette optique quune extension de lespace nécessaire à lalimentation dune population croissante.

Antagonisme avec Rome et fin de la Carthage punique

Premières relations avec Rome : les traités

Les premières relations avec Rome sont pacifiques, comme le prouvent les traités conclus en 509 av. J.-C.transmis par lœuvre de Polybe[17]puis en 348 av. J.-C. et 306 av. J.-C. ; ils garantissent à Carthage lexclusivité du commerce depuis lAfrique du Nord et labsence de pillage mené contre les alliés de Rome en Italie. La durée de plus en plus brève entre ces traités a été considérée comme significative des tensions croissantes entre les deux puissances.

Affrontement : les guerres puniques

Article détaillé : Guerres puniques.
Variations du domaine carthaginois, de 265 à 149 av. J.-C., et localisation des principaux faits darmes de la période

Les épisodes dénommés « guerres puniques » voient lantagonisme sétendre sur plus dun siècle, de 264 à 146 av. J.-C., lissue ayant pu sembler longtemps incertaine.

Le premier conflit a lieu de 264 à 241 av. J.-C., aboutissant pour Carthage à la perte de la Sicile et au paiement dun lourd tribut. Cette première défaite engendre de graves conséquences sociales avec lépisode de la guerre des Mercenaires, entre 240 et 237 av. J.-C., la ville étant finalement sauvée par Hamilcar Barca. Rome profite de ces difficultés internes pour alourdir les conditions de la paix.

Après cette étape, limpérialisme de Carthage soriente vers la péninsule Ibérique et se heurte aux alliés de Rome, rendant le second conflit inéluctable (219-201 av. J.-C.) après le siège de Sagonte. Lors de laventure italienne, Hannibal Barca se montre capable de victoires éclatantes mais dans lincapacité de les exploiter pour pousser son avantage et mettre à genoux une Rome pourtant vacillante. Après 205 av. J.-C., la guerre ne se déroule plus que sur le sol africain, lannée 202 av. J.-C. marquant la victoire finale de Scipion l'Africain à Zama.

Au cours des cinquante années qui suivent, Carthage rembourse de façon régulière le lourd tribut, mais en même temps elle se dote déquipements coûteux, tels que les ports puniques dans leur dernier état de développement. La cité semble avoir retrouvé à cette époque une prospérité certaine, corroborée par la construction de programmes édilitaires concertés comme celui du quartier punique de Byrsa (lié au suffétat dHannibal Barca).

Pourtant, face au relèvement de la cité et à la fin du paiement du tribut, Rome impose aux Carthaginois dabandonner la ville et de se retirer dans larrière-pays et, partant, de renoncer à leur identité maritime[18]. À ce propos, Velleius Paterculus a écrit que « Rome, déjà maîtresse du monde, ne se sentait pas en sûreté tant que subsisterait le nom de Carthage »[19]. Le refus logique qui suit cette intransigeance entraîne le troisième et dernier conflit. Celui-ci, marqué par le siège de Carthage, dure trois années. À son terme, même si du sel na pas été répandu sur le sol ainsi que lhistoriographie de la fin du XIXe et du début du XXe siècle le relate[20], la destruction de la ville est totale et une malédiction jetée sur son site, lequel est déclaré sacer. Carthage nexiste plus comme entité politique, mais longtemps perdurent des aspects de sa civilisation, essaimés en Méditerranée : éléments religieux, artistiques et linguistiques, voire institutionnels en Afrique du Nord.

Géographie

Localisation des implantations

Les sites occupés par les Phéniciens puis les Puniques, tournés vers la mer pour assurer la liaison avec les routes commerciales, devaient également garantir la sécurité des habitants en les protégeant dun arrière-pays qui pouvait leur être hostile. Cette sécurité était naturellement assurée sur une île, comme à Gadès ou Motyé, mais également, bien que dans une moindre mesure, sur une presquîle ou un espace entouré de collines rendant, en cas dattaque, sa défense plus aisée. De ce point de vue, lexcellence du site de Carthage explique quil ait été vanté par plusieurs auteurs anciens[21], notamment Strabon qui comparaissait le site à un « navire à lancre ». Cependant, la qualité protectrice du site naturel ne pouvait suffire, ce qui impliquait quon la renforce par des aménagements supplémentaires, comme par exemple à Motyé : lîle fut ainsi ceinturée par une muraille, une chaussée permettant de rejoindre la terre ferme et de faciliter lapprovisionnement.

Carthage, la ville principale : caractères généraux

Article détaillé : Site archéologique de Carthage.
Vue du quartier Hannibal de Byrsa avec des murs en opus africanum datant du début du IIe siècle av. J.-C.

Selon la légende[22], Carthage se serait développée à partir de la colline de Byrsa, citadelle et centre religieux, puis étendue dans la plaine côtière et sur les collines au nord, avec le faubourg de Mégara (aujourdhui La Marsa) qui semble avoir été construit dune manière plus anarchique que le reste de la ville ; il sagit peut-être du faubourg le plus récent et celui-ci naurait donc pas eu le temps de se structurer. Car, à lexception de Mégara, Carthage a été aménagée selon un plan assez ordonné, aux rues rectilignes, sauf sur les collines lurbanisation a tout de même été pensée. Globalement, la plaine était quadrillée par les rues, lagora et les places faisant le lien avec les rues qui rayonnaient vers les collines. La cité était entourée dépaisses murailles de blocs dune pierre blanche qui la rendait lumineuse et visible de loin. Les fouilles du quartier dit de Magon ont permis détudier lévolution des structures défensives et urbanistiques sur une longue durée[23]. La cité était donc conçue selon un plan qui suggère que les Grecs pourraient ne pas être exclusivement à lorigine des plans urbains rectilignes ordonnés sur deux axes, se croisant perpendiculairement en leur centre, communs à la plupart des cités du monde antique.

Le quartier dégagé sur la colline de Byrsa a été bâti selon un plan orthogonal, laissant apparaître laspect organisé de lurbanisme. Les rues, pavées et droites mais faites de terre battue sur les collines, se recoupaient à angle droit[24]. Par pragmatisme, le relief est pris en compte dans les axes des rues qui changent, avec adjonction de volées descaliers ; de larges marches étaient aménagées le relief du terrain les rendait nécessaires.

Ses quartiers dhabitations étaient en partie édifiés au moyen dune sorte de ciment mêlé à des tessons de céramiques, ce mélange étant utilisé pour le sol des pièces ou lélévation des murs. Les maisons étaient pourvues de couloirs et des escaliers en bois permettaient de monter dans les étages. Les habitations étaient alimentées en eau par des citernes souterraines recueillant leau de pluie, à partir dune cour centrale, grâce à des canalisations. Il ny avait pas de réseau dégouts mais des sortes de fosses septiques.

Parmi les principaux éléments de la cité figurent lagora, les ports marchand et militaire, des boutiques et échoppes diverses, des entrepôts, des quartiers dartisans en périphérie (comme celui des potiers), des places de marchés, des nécropoles (dont plusieurs situées entre les habitations et la plaine, et dautres plus haut sur les collines) ainsi que des temples. Le tout était couronné par la citadelle centrale sur la colline de Byrsa, qui accueillait aussi les principaux temples, comme celui dEshmoun.

Carthage était une grande cité cosmopolite de lAntiquité, vivaient des Phéniciens et se côtoyaient Grecs, Berbères dAfrique du Nord, Ibères dEspagne et autres peuples issus des territoires carthaginois doutre-mer mais provenant aussi dAfrique subsaharienne via les côtes de locéan Atlantique ou les routes des oasis, routes reprises plus tard par les Romains. Les mariages mixtes ny étaient pas rares, contribuant à développer une civilisation particulière.

Possessions : zone dinfluence ou empire ?

Carthage et ses territoires sous son influence politique et commerciale vers 264 av. J.-C.

À lépoque de sa plus grande expansion territoriale, en 264 avant J.-C., laire dinfluence de Carthage était constituée de la majeure partie de la Méditerranée occidentale par le biais de ses comptoirs en Afrique du Nord (dont louest de la Libye et au moins une partie de la côte maurétanienne), en Sicile, en Sardaigne, aux îles Baléares et en Hispanie, sans compter de petites îles comme Malte, les îles Éoliennes et les îles Pélages, mais aussi par le contrôle quelle exerçait sur danciens établissements phéniciens tels que Lixus (près de Tanger au Maroc), Mogador (actuelle Essaouira sur la côte atlantique du Maroc), Gadès (actuelle Cadix en Andalousie) et Utique. Parmi les grandes cités puniques figurent, outre la capitale Carthage, Hadrumète, Ruspina, Carthagène ou encore Hippone.

Gadès et Utique (sur le territoire de lactuelle Tunisie) furent fondées par les Phéniciens entre le XIIe et le Xe siècle av. J.-C.. Carthage a pour sa part été fondée sur une presquîle entourée de lagunes au nord-est de lactuelle Tunis. Au sommet de sa gloire, la cité compte 700 000 habitants si lon en croit Strabon, un géographe grec du IIe siècle av. J.-C.

Même si le type de liens entre Carthage et les diverses composantes de ses possessions nous échappe très largement, la métropole se chargeant sans doute des relations diplomatiques et du commerce, Sabatino Moscati a pu considérer l’« incapacité [de Carthage] à créer un empire solide et structuré » comme une cause de sa défaite finale[25].

Architecture et urbanisme

Protéger la cité : la ville fortifiée

Les auteurs anciens ont longuement évoqué les murailles des cités puniques à loccasion de la relation des sièges subis par certaines dentre elles[26]. Outre les citadelles des cités principales existaient également des forteresses destinées au contrôle dun territoire donné[27]. Les fouilles archéologiques ont largement confirmé la diffusion dans tout lespace punique du modèle de la ville avec enceinte fortifiée, du moins dans létat actuel des recherches[27]. Les fouilles du quartier Magon de Carthage ont mis en évidence le tracé de la muraille de la cité, au travers de laquelle une porte était percée, du côté de la mer.

Les Puniques ont réutilisé dans certains cas des murailles antérieures, comme à Eryx en Sicile, et leurs propres forteresses ont parfois servi de soubassement à dautres éléments fortifiés, comme à Kélibia dans la péninsule du cap Bon.

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Espaces publics et structures : routes et ports

Article détaillé : Ports puniques de Carthage.
Cales de radoub de lîlot de lamirauté (après le IVe siècle av. J.-C.)

Lespace public sorganisait autour de lagora : centre de la cité, la place était bordée par la bâtisse du Sénat et également par des bâtiments aux fonctions religieuses. Lagora de Carthage, même si sa localisation est à peu près connue, na pas fait lobjet de reconnaissances archéologiques.

Lemplacement des sites utilisés par les Puniques nécessitait la mise en place de structures, ports et cothons. Même si les bateaux durent être seulement à labri dans des anses ou dans des sites naturels privilégiés, comme le stagnum de Motyé, au début de leur histoire, il est vite apparu indispensable de créer des structures artificielles appelées « cothon »[28]. On retrouve ce type de port artificiel à Rachgoun, Motyé ou Sulcis[29] voire à Mahdia, même si cette dernière attribution est discutée[30].

Cothon de Motyé (avant 397 av. J.-C.)

Dans le cas de Carthage, les installationsdu moins dans leur état final car la question de la localisation des ports primitifs de Carthage nest toujours pas régléesont très élaborées et décrites par un texte célèbre dAppien[31]. La phase finale de la construction eut vraisemblablement lieu dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C., avec un port marchand doublé dun port circulaire possédant un îlot (dit de lamirauté) permettant la sécurité de la flotte de guerre, ainsi quune discrétion limitant les risques despionnage[32].

La fouille de ces structures lors de la campagne internationale de Carthage a confirmé certaines données des textes, en particulier le nombre de 220 navires[33] pouvant y être abrités semblant désormais vraisemblable, à quelques dizaines dunités près. Lhivernage y était assuré par des cales de radoub installées sur lîlot et autour du port militaire à la fin de la période de domination carthaginoise[34]. Sur les pourtours du port de commerce se situait par ailleurs une zone dentrepôts[35], voire dateliers dartisans.

Architecture sacrée

Article détaillé : Tophet de Carthage.
Tophet de Monte Sirai en Sardaigne (IVe ‑ IIe siècles av. J.-C.)

La place de lespace sacré dans la civilisation carthaginoise est liée à la topographie urbaine, même si larchéologie a parfois mis en évidence labsence de règles dans le positionnement des lieux affectés à cet usage. On en a en effet retrouvé tant dans les centres urbains ou acropoles que dans les périphéries, si ce nest même dans les zones rurales. La localisation des lieux de culte est dépendante de la croissance des cités, qui reste une inconnue pour une très large part, leur position dans la cité ayant pu de ce fait évoluer.

Temple dEshmoun-Esculape de Nora, IIe siècle av. J.-C.

Certains sont connus par les sources littéraires, ainsi le temple dEshmoun, le plus grand sanctuaire de Carthage, qui était situé selon Appien en haut de lacropole, à laquelle on a identifié la colline Saint-Louis, rebaptisée Byrsa. Cependant, le sommet totalement arasé à lépoque romaine a entraîné la perte de lensemble de ses vestiges[36]. Le temple de Melqart à Gadès fut quant à lui très longtemps réputé, jusquà lépoque romaine. Le sanctuaire dAstarté à Tas Silg, à Malte, succédant à un espace cultuel indigène, fut également célèbre. Les fouilles de Carthage ont permis par ailleurs de dégager des espaces cultuels plus modestes, aux abords de lactuelle gare du TGM de Salammbô à Carthage, mais aussi en bordure du village de Sidi Bou Saïd. Il semblerait aussi que la campagne internationale de lUnesco ait retrouvé le temple dit dApollon à la lisière de lespace utilisé par lagora, auquel il faudrait associer nombre de stèles découvertes dans les environs au XIXe siècle et attribuées au tophet[37]. Le sanctuaire rural de Thinissut (actuelle Bir Bou Regba), quoique daté du début de lempire romain, possède tous les caractères des sanctuaires orientaux, tant par son ensemble de cours juxtaposées que par son mobilier de statues de terre cuite, dont la représentation de Ba'al Hammon[38].

Le tophet est une structure que lon retrouve sur de nombreux sites de Méditerranée occidentale et situé à lécart de la cité, voire dans un lieu insalubre, dans le cas de Carthage. Laire se présente comme un espace occupé peu à peu par des dépositions durnes et de stèles, et que lon recouvre de terre afin de continuer à lutiliser[39]. Létude de la structure a entraîné depuis les origines un débat très virulent, qui persiste encore, les fouilles ne parvenant pas à mettre un terme aux polémiques issues de certaines sources classiques. Selon certains auteurs, on aurait un sanctuaire et un cimetière.

Architecture privée

Maison à péristyle de la rue de lApotropaion de Kerkouane, fin du IVe - début du IIIe siècle av. J.-C.

Les fouilles de Kerkouane et des deux quartiers puniques de Carthage, ceux de Magon et dHannibal, ont mis en évidence des quartiers organisés selon un plan en damier et disposant de larges rues.

Maison punique de Byrsa datant du IIe siècle av. J.-C.

Lorganisation de la maison punique est désormais bien connue. Lentrée des habitations du quartier de Byrsa, baptisé quartier Hannibal, est très étroite, un long couloir menant à une cour possédant un puisard et autour de laquelle sordonne la bâtisse. À lavant se situait un espace consacré, selon certaines interprétations, au commerce ; un escalier conduisait à létage. Différentes sources, en particulier Appien, affirment que les bâtisses possédaient six étages[40], les traces archéologiques ayant confirmé la présence de plusieurs étages mais avec une interrogation sur leur nombre[41]. Certaines demeures apparaissent plus somptueuses que les autres, en particulier une villa à péristyle dans le quartier de Magon. On observe la même distinction dans les constructions de Kerkouane avec le bel exemple de la villa de la rue de lApotropaion.

Lorganisation des maisons a fait dire à M'hamed Hassine Fantar que lon avait un modèle oriental, avec une appropriation de substrats libyens. La question de leau dans le monde punique est de la responsabilité de chacun, les maisons individuelles étant pourvues de citernes qui aident aujourdhui les archéologues dans létude de la topographie urbaine. Enfin, on a retrouvé de nombreuses baignoires-sabots sur le site de Kerkouane.

Architecture funéraire

Larchitecture funéraire est le premier élément à avoir été étudié dès la fin du XIXe siècle, en particulier à Carthage, les exhumations donnant lieu à de véritables cérémonies mondaines[42]. La localisation en arc de cercle de ces nécropoles[43] a permis de circonscrire la cité punique et dexaminer les variations de son périmètre.

Les archéologues ont remarqué une certaine typologie des tombes, généralement creusées dans la roche et non construites, soit selon un type de tombe à puits simple avec cercueil au fond ou à étage, ou bien comprenant un escalier menant à un puits. Le mode de linhumation prédomine largement, sauf à certaines périodes comme la montré la fouille de la nécropole punique de Puig des Molins.

Le mobilier et la décoration de ces sépultures sont stéréotypés : poteries, talismans, bijoux, pierres, usage de locre rouge (symbole du sang et donc de la vie), œufs dautruche peints (symbole de la renaissance) ou encore miniatures de mobilier en argile. Le cercueil est souvent enduit de plâtre. Un sarcophage de bois, dans un état exceptionnel de conservation, a été découvert à Kerkouane mais cet exemple reste unique à ce jour. Diverses tombes ont été ornées de décorations peintes, ainsi celles des tombes du Djebel Mlezza au cap Bon, qui ont pu apparaître comme symbolisant la croyance punique en un au-delà, lâme du défunt effectuant une sorte de voyage : selon François Decret, « pour ce peuple de marins, la Cité céleste était le dernier port aborder »[44].

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Architecture et mosaïque puniques

Peu de vestiges de larchitecture punique ont subsisté en élévation du fait de lapplication du principe Delenda est Carthago, mais plusieurs caractéristiques peuvent se dégager des recherches archéologiques. Les fouilles de Carthage, en particulier celles du quartier dhabitation de bord de mer dit « quartier Magon », et de Kerkouane, ont mis en évidence les apports architecturaux de lÉgypte antique pour les périodes les plus anciennes et de la Grèce antique pour les périodes plus récentes.

Lutilisation de la corniche à gorge ainsi que des modèles réduits de façades de temples sur les stèles avec disque solaire et uræi témoignent de linfluence égyptienne[45]. Des fragments de colonnes moulurées de grès dEl Haouaria ornées de stuc ont aussi été retrouvés, ainsi que les preuves de lusage de lordre ionique, notamment dans lexemple du naïskos de Thuburbo Majus[46], et de lordre dorique dans les fouilles de la colline de Byrsa.

Les fouilles de Kerkouane, mais aussi du flanc sud de Byrsa, ont également révélé la présence de mosaïques dites pavimenta punica, des tesselles étant agglomérées à une sorte de mortier rouge[47]. On a aussi découvert des représentations figurées du signe de Tanit, entre autres dans la cité du cap Bon. Ces objets datés du IIIe siècle av. J.-C. remettent en cause lorigine grecque de la mosaïque classique, longtemps considérée comme un fait acquis par les historiens et les archéologues.

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Moyens de la puissance : marine et armée

Serge Lancel dans sa synthèse a associé les deux termes[48], tant il est vain de vouloir étudier la civilisation carthaginoise sans appréhender ces deux piliers de lexpansion punique en Méditerranée occidentale.

Marine

Carthage a bénéficié des avancées phéniciennes en matière de construction navale et de commerce maritime. La marine punique a eu dès le départ pour objet de protéger et de garder secrètes les routes commerciales, en particulier par un contrôle de la zone du détroit de Gibraltar.

Figuration dun navire punique sur une stèle tardive du tophet de Carthage exposée au Musée national de Carthage, IIIe-IIe siècle av. J.-C.

Au service du commerce, la marine a écarté les concurrents grecs, en particulier les Phocéens. Carthage domina longtemps les mers ; elle possédait la technologie maritime et la connaissance des mers la plus avancée. Copiée par les Romains pour rattraper leur retard dans ce domaine, sa puissance navale fut réduite considérablement dès la Première Guerre punique.

Types de navires

Article détaillé : Flotte carthaginoise.

Les deux marines de Carthage (marchande et de guerre) ont eu la même finalité, à savoir la préservation du commerce.

Représentation dun navire sur un relief romain en marbre du IIe siècle trouvé en Tunisie et exposée au British Museum

La puissance navale de Carthage sexplique sans doute par sa maîtrise des techniques de navigation. Elle sappuie sur deux types de navires : les trirèmes, galère à trois rangs superposés de rames, et les quinquérèmes, galère avec quatre puis cinq rameurs sur un banc de nage. Les navires étaient équipés de proues à protomé de tête de cheval, comme le suggèrent certaines représentations iconographiques. Excellents constructeurs de navires, les Puniques ont bâti grâce à leur flotte un empire maritime que certains ont pu comparer à celui dAthènes.

La découverte de lépave de Marsala, un navire de guerre, au large de la Sicile, a précisé les connaissances actuelles sur la construction navale punique du IIIe siècle av. J.-C. ; les navires de lépoque étaient construits selon une technique très élaborée, identifiée à la mise en œuvre déléments « préfabriqués »[49]. Cette technique confirme ce que disent les textes, notamment ceux dAppien[50]. Le navire, qualifié de chiourme, possédait un éperon destiné à frapper les bateaux ennemis[51].

Périples

Zone explorée lors du périple de Hannon

Les périples maritimes témoignent de la hardiesse des marins puniques et de leur maîtrise des mers. Il est possible quils aient découvert de nouvelles terres : le périple de Hannon mène ainsi les Puniques de Gadès à longer les côtes du continent africain jusquau golfe de Guinée avec une flotte de navires carthaginois. Celui dHimilcon les aurait conduits aux îles Cassitérides vers la Grande-Bretagne, sur la route de létain.

Les marins de Néchao seraient parvenus pour leur part à effectuer les premiers la circumnavigation du continent africain[52].

Armée

Article détaillé : Armée de Carthage.

Recrutement et commandement

Restitution dun frondeur des îles Baléares par Johnny Shumate

La question du recrutement de larmée carthaginoise, des mercenaires et de la place des citoyens a été soulignée par lhistoriographie depuis lAntiquité : la défaite de Carthage serait liée au recrutement de soldats professionnels et au manque dengagement des citoyens, contrairement au modèle grec puis romain. Cet argument omet le courage des soldats lors des derniers combats, sengage la population, et ne prend pas en compte lorganisation de la marine militaire, qui se faisait autour de citoyens.

Larmée punique se composait de soldats de diverses origines : des mercenaires, des citoyens engagés volontairement mais aussi des sujets de ses territoires ou de ceux de ses alliés. Cette armée présentait donc un fort caractère cosmopolite ; chaque partie apportait des unités en guise de participation à leffort commun. Une telle structure nétait pas sans danger lorsque lÉtat nétait plus en mesure de régler la solde, comme le démontra la guerre des Mercenaires au lendemain de la Première Guerre punique.

Le commandement carthaginois était aux mains de militaires issus des grandes familles et désignés par lassemblée du peuple[53]. La hiérarchie militaire demeure toutefois mal connue, même sil semble avéré que le titre de général correspond à celui de rab. La cité ne se montrait guère indulgente envers les officiers vaincus, les textes énonçant maints exemples de généraux crucifiés ou exécutés[54].

Unités

Armement et unités terrestres

Les armées de Carthage ne différaient que peu des autres armées de lépoque. Les changements dans les structures et les manœuvres sont dus à Hannibal Barca, désireux de modifier une armée fondée sur les phalanges[55] issues de la tradition grecque[56], au moins pour la période la mieux connue de son histoire, à partir des guerres siciliennes puis puniques.

Les unités étaient diverses, organisées en bataillons selon leur origine ethnique, et armées parfois selon leurs traditions propres. Linfanterie légère comprenait, outre des citoyens armés de lances et dépées[57], des unités spécialisées : ainsi les frondeurs des îles Baléares, des archers ou des lanciers libyens armés de javelots, poignards et boucliers de cuir[58], et également des groupes de fantassins ibères équipés de boucliers et dune épée courte appelée falcata[57]. Le bataillon sacré décrit par Diodore de Sicile[59] et Plutarque[60] possédait un armement spécifique. Linfanterie lourde était organisée en phalanges selon le modèle macédonien, mais on ignore si la sarisse, caractéristique de cette formation, était usitée dans larmée carthaginoise.

Les autres unités terrestres se constituaient surtout de cavaliers, uniquement numides au départ puis issus dautres origines, dont Ibères et Gaulois[58]. Cet élément très mobile a fait la différence sur les champs de bataille de la Deuxième Guerre punique. Léquipement incluait également des chars de guerre, sans doute venus dune longue tradition libyenne liée aux contacts de ce peuple avec les armées égyptiennes, et surtout les éléphants de guerre. Cette dernière unité, mise en exergue par les contemporains des guerres puniques, fut dans les faits limitée en nombre et dun usage tardif, vraisemblablement après la guerre de Pyrrhus en Italie. Un tel usage répondait à des finalités plus psychologiques que militaires. Ces éléphants appartenaient probablement à une espèce locale, plus petite que léléphant dAsie. Pour ce qui est des cornacs, on signale parfois une origine indienne[61].

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Unités marines

Les unités marines ont évolué au cours de lhistoire : la trirème, apparue dès le VIe siècle av. J.-C., embarquait 200 hommes outre les rameurs. La quadrirème fut inventée à lépoque hellénistique. Quant à la quinquérème, embarquant 300 hommes au plus, elle fut conçue pendant les guerres puniques. La logistique était assurée par dautres navires, appelés gauloi.

Techniques et manœuvres

Parmi les apports macédoniens à lart de la guerre carthaginois, les historiens relèvent lorganisation en phalange[62] ainsi que la disposition de larmée en campagne et les camps. Cependant, des changements sont dus à Hannibal Barca : limportance stratégique de la cavalerie, les nouvelles manœuvres denveloppement de ladversaire (bataille de Cannes)[63], voire une stratégie dembuscade pour pallier un désavantage numérique comme lors de la bataille du lac Trasimène. Les éléphants de guerre, peu et tardivement utilisés mais remarqués par les adversaires, jouaient avant tout un rôle dintimidation et de désorganisation des lignes ennemies.

En ce qui concerne la guerre sur mer, lusage de lépoque était déperonner les navires. Pour contrer lavance carthaginoise, les Romains mirent au point le « corbeau » afin de faciliter labordage et reprendre lavantage. Ils purent ainsi écraser Carthage lors de la bataille de Mylae.

Les Carthaginois étaient également maîtres en poliorcétique, utilisant des tours de siège, balistes et catapultes.

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Politique et société

Institutions

Lorganisation politique de Carthage était louée par de nombreux auteurs antiques qui mettaient en avant sa « réputation dexcellence »[64]. Si peu de détails sont connus sur le gouvernement de la grande cité, on dispose néanmoins dun texte précieux dAristote[65] qui la dépeint comme un modèle de constitution « mixte », équilibrée et présentant les meilleures caractéristiques des divers types de régimes politiques ; ce document a alimenté un débat vif, certains historiens, dont Stéphane Gsell, le considérant comme une description tardive[66]. Les chercheurs privilégient désormais une évolution des institutions au cours de lhistoire[67].

En dépit des insuffisances de linformation dont on dispose sur Carthage, les données sont beaucoup plus importantes que pour les autres cités puniques.

Problématique de la royauté à Carthage

Même si Didon était issue dune famille royale, aucun élément dans la légende ne la cite comme reine. Les auteurs grecs ou latins mentionnent la présence de basileis ou de reges. La théorie de la royauté de Carthage, âprement défendue et développée par Gilbert-Charles Picard à la suite de Karl Julius Beloch, est dorénavant réfutée par la plupart des historiens. Une partie de lhistoriographie a également supposé des ambitions monarchiques sur le modèle hellénistique aux Barcides en Espagne, hypothèse également écartée par Maurice Sznycer[68].

Le monde phénico-punique nignorait pourtant pas la monarchie : les rois phéniciens mentionnés à Tyr nétaient toutefois pas détenteurs dun pouvoir absolu[69].

Suffètes

Article détaillé : Suffète.

Plus conforme aux traditions orientales et de Tyr, le gouvernement devait être comparable à celui de Rome, avec un Sénat et deux suffètes (littéralement « juges ») élus chaque année mais appelés « rois » par les Romains et les Grecs en raison de leur incapacité à trouver dans leur culture un terme adéquat pour transmettre la réalité punique[70].

On pense que ces suffètes exerçaient à la fois le pouvoir judiciaire et exécutif mais non le pouvoir militaire, réservé à des chefs élus séparément chaque année par lassemblée du peuple et recrutés parmi les grandes familles de la cité. Le cas dHannibal Barca peut être souligné, étant élu suffète après la défaite de Zama, en 196 avant J.-C. selon Tite-Live[71]. Le pouvoir des suffètes était vraisemblablement un pouvoir civil dadministration de la chose publique[72].

Éléments oligarchiques

Les suffètes étaient assistés par un « Conseil des Anciens » : les textes évoquent les « Anciens de Carthage » tout comme à Lepcis Magna on mentionne encore en pleine époque romaine les « Grands de Lepcis »[73]. Ce Conseil a été assimilé au Sénat, les membres étant dénommés dans les diverses sources gerontes ou seniores.

Le Sénat, probablement composé par les membres des familles influentes, compta sans doute plusieurs centaines de membres[74]. Il avait compétence pour toutes les affaires de la cité : guerre, paix, diplomatie, etc. Les généraux rendaient compte de leurs actes devant cette assemblée, qui avait le dernier mot. On ne sait toutefois pas si les suffètes étaient élus par ces oligarques ou par lensemble du peuple.

En outre, Aristote est le seul à mentionner un conseil restreint, les « Cent-Quatre » ou les « Cent »[75], et les « pentarchies ». Ces institutions sont mal connues, la première ayant reçu, sur la base dun texte de Justin, un rôle judiciaire[76].

Éléments démocratiques

Une assemblée du peuple est citée dans le texte dAristote et, si lon en croit Polybe, elle avait pris du pouvoir durant le IIIe et le IIe siècles av. J.-C.[77]. Ce pouvoir était sans doute grand ; le même auteur parle dune corruption largement diffusée pour lobtention des magistratures[78] et des commandements militaires. Certaines affaires étaient évoquées devant cette assemblée en cas de désaccord entre les institutions à forme oligarchique, même si ces assertions ne sont étayées par aucune preuve archéologique.

On suppose que seuls les hommes libres y étaient admis et certaines sources, dont Diodore de Sicile, font état dune réunion sur lagora de la cité[79].

Ces inconnues ne permettent donc pas de déterminer quel était le degré de démocratie dans lancienne Carthage. Cependant, il semble acquis que les principales familles de marchands exerçaient lessentiel du pouvoir.

Organisation sociale

La société carthaginoise était très stratifiée : une aristocratie dorigine tyrienne devait détenir lessentiel du pouvoir économique, politique et religieux ; le reste de la population se partageait entre une proportion inconnue dartisans et de commerçants et un prolétariat hétéroclite composé desclaves mais aussi de populations natives, voire puniques. La place des femmes reste encore sujette à débat.

Stratification de la société

Stèle du prêtre à lenfant trouvée au tophet de Carthage et déposée au Musée national du Bardo (IIIe siècle av. J.-C.)

Laristocratie carthaginoise avait comme caractéristiques son origine tyrienne, sa fortune liée à des fonctions darmateurs puis de propriétaires fonciers, son rôle dans les magistratures et un mode de vie particulier dans un habitat luxueux (au cap Bon ou dans le quartier de Mégara).

Au sein de cette aristocratie devaient se recruter les prêtres, qui formaient une classe très organisée mais ne jouaient aucun rôle politique. Le sacerdoce pouvait être également exercé par les femmes. Leur habillement est connu notamment grâce à la Stèle du prêtre à lenfant ; le personnage identifié comme le célébrant porte une robe de lin et une coiffe particulière qui couronne une tête rasée.

Les classes populaires sont méconnues mais on suppose quelles étaient formées dhommes libres et desclaves pouvant être attachés à une personne ou à lÉtat. En outre, on trouvait dans les cités carthaginoises un certain nombre détrangers issus de lensemble du bassin méditerranéen[80].

Femmes

Marbre attribué à Christophe Cochet (mort en 1637), représentant Didon, et déposé au Louvre

En dépit des personnalités fortes et des destins tragiques comme ceux de Didon-Elissa, Sophonisbe et lépouse dHasdrubal le Boétharque, les femmes à Carthage apparaissent peu dans les sources disponibles. Quoique marquée par un caractère patriarcal, la société carthaginoise accorde une relative indépendance aux femmes : létude des stèles du tophet de Carthage a mis en évidence des sacrifices effectués par des femmes en leur propre nom[81]. De surcroît, il semble que nombre dactivités professionnelles leur étaient ouvertes.

Cette indépendance était toutefois tempérée par une certaine instrumentalisation des femmes au service de leur famille, au moment du choix de leur époux ou à des fins politiques, voire économiques : lhistoire de Sophonisbe est particulièrement évocatrice de cette sujétion, mariée successivement aux rois numides Syphax puis Massinissa[82]. Le contexte du mariage est peu connu et lon ignore si la polygamie était pratiquée. En revanche, des cas de mariages mixtes figurent dans des sources et se retrouvent peut-être aussi dans des fouilles de sépultures multiples, avec un rite phénicien pour lun des individus inhumés et africain pour un autre. Fille dHasdrubal Gisco, général carthaginois, elle épousa Syphax, roi de Numidie, sur ordre de son père afin de sceller une alliance entre Carthaginois et Numides.

Populations natives

Les populations autochtones sont encore plus difficiles à appréhender. Le contact avec les premiers navigateurs, même sil est concevable au travers du commerce silencieux dHérodote au but commercial affirmé, sest transformé en une relation qui peut se concevoir en termes de domination[83]. Il est avéré au travers de divers textes conservés que lemprise carthaginoise a été lourde, tant au moment de la conquête quaux temps difficiles des guerres puniques, comme en témoignent les révoltes qui se sont succédé. Cependant, les populations natives de lextérieur, en particulier sous légide de Massinissa, ont contribué à la chute de la cité en raison de leurs empiètements successifs durant la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C..

Économie

Carthage constituait un empire commercial, maritime, terrestre et agricole. De ce fait, le lien entre toutes les contrées, quelles soient puniques ou sous influence punique, se faisait par la mer grâce à la marine carthaginoise.

Commerce

Routes des métaux précieux et produits importés

Vitrine de vases dorigine grecque et étrusque, argile, au Musée national du Bardo

Les Carthaginois, tout comme leurs ancêtres phéniciens, étaient dexcellents marins et commerçants. Lhistorien latin Pline lAncien écrit à leur propos que « les Puniques inventèrent le commerce »[84].

Comme Tyr, Carthage faisait le négoce des métaux, en recherchant surtout des matières premières qui lui ont permis dasseoir sa richesse et de développer son réseau commercial : argent, mais aussi cuivre et étain en provenance des comptoirs du sud de lHispanie (royaume de Tartessos). Dans cette région, les mines étaient à la fois facilement exploitables et accessibles. Létain se trouvait également dans les îles Cassitérides (actuelle Grande-Bretagne).

De manière secondaire, les Carthaginois ont importé et diffusé de petits objets manufacturés : céramiques grecques et étrusques mais aussi, dès le VIIe siècle av. J.-C. des éléments dartisanat égyptien comme des amulettes. Le négoce se pratiquait aussi par caravanes mais ce type déchange était beaucoup plus aléatoire et dangereux. Ce commerce terrestre permet dexpliquer certaines implantations, en particulier en Libye et dans le sud de la Tunisie actuelle. Le but des Phénico-puniques était dexporter les métaux à létat brut vers lOrient ; jusquau VIe siècle av. J.-C., ils jouissaient dun monopole du commerce et de la navigation en Méditerranée occidentale grâce auquel ils bénéficiaient dun libre accès aux métaux, et aux ressources humaines et agricoles de régions entières.

Produits exportés

Murex brandaris dont était issue la couleur pourpre, par Martin Lister, in Historia Conchyliorum (1685-1692)

Les Carthaginois exportaient des produits manufacturés par leurs artisans ou importés : des céramiques, des objets en verre (spécialité phénicienne) ou encore du tissu teint en pourprespécialité phénicienne tirée du murex dont la préparation aboutit à cette couleur si prisée dans lAntiquité —, travail de livoire, bois et métaux (placage divoire, dor ou dargent sur différents matériaux). En raison de leur caractère potentiellement périssable, il est parfois difficile didentifier certains de ces produits dexportation : les tissus, très réputés, nont pas laissé de traces archéologiques en dehors damas de murex ou de poids destinés à tendre les tentures.

Commerce et exploration

Les voyages dexploration sexpliquent par la recherche de minerais et de nouveaux débouchés commerciaux : létain de Grande-Bretagne et dHispanie, lor ou dautres matières premières en Afrique subsaharienne. Certains produits servant au négoce étaient fabriqués par les ateliers carthaginois.

Agriculture et pêche

Territoire agricole de Carthage

À laube de la Première Guerre punique, Carthage contrôlait en Afrique du Nord un territoire denviron 73 000 km2son hinterland, constitué par lactuelle Tunisie, représentait alors un territoire dévolu à lagriculture supérieur en superficie à celui de Rome et de ses alliés réunis, et reste lune des zones agricoles de premier plan dans lEmpire romainpour une population de près de quatre millions dhabitants. Une telle population nécessitait un approvisionnement régulier et un arrière-pays capable dassurer une production suffisante en quantité et en qualité : une production de céréales destinée à toutes les couches sociales, mais aussi une production de fruits ou de viande destinée à une population plus aisée.

Ce territoire a été largement amputé par les attaques de Massinissa dans le dernier demi-siècle dexistence de la cité, pour se limiter à une superficie inférieure à 25 000 km2 en 146 av. J.-C.[16].

La zone occupée par Carthage en Afrique était très fertile car elle jouissait dune pluviosité amplement suffisante pour la production agricole. Ces atouts ont été exploités par la suite dans la province dAfrique romaine[85].

Culture et élevage

Les Carthaginois ont développé la greffe de lolivier à des fins damélioration de la productivité

Carthage a très vite instauré un partage des tâches entre des cultures à visée spéculative, dans les terres proches de la capitale, et les cultures céréalières laissées aux populations libyennes, ces dernières étant soumises à un tribut en nature dont le poids, en particulier durant les guerres puniques, a pu influencer le cours des événements en les poussant à la révolte[86]. La cité a développé son hinterland grâce à la culture de lamande, de la figue, de lolive, de la grenadeperçue comme un fruit punique par les Romainset de la vigne, en plus du blé. Ces plantes étaient déjà présentes à létat sauvage dans la région mais les Phéniciens y ont apporté des plants qui leur ont permis dexporter dans tout le bassin méditerranéen : on trouve ainsi des traces de produits agricoles puniques jusquen Grèce.

Lélevage était pratiqué de longue date par les populations autochtones, en particulier celui des chevaux, des bœufs et des mulets[87].

Techniques agricoles

La réussite de Carthage sexplique aussi par ses prouesses en matière dagronomie. Les Carthaginois sont parvenus à développer les techniques agricoles parmi les plus efficaces de lAntiquité puisque celles-ci furent reprises par les Romains à travers la traduction en latin du traité du punique Magon[88]. Columelle a conservé des fragments de lœuvre punique, dont un processus de vinification[89]. La plantation des oliveraies obéissait à des règles précises, en particulier lespacement entre les plants, règles parfois encore respectées de nos jours.

Le matériel agricole jouait un rôle important dans lamélioration de la production, comme en témoignent les représentations de charrues, notamment sur une sculpture retrouvée sur le territoire de la Libye actuelle[90], ce qui na pas manqué de trancher avec la production libyenne traditionnelle[91].

Pêche et produits de la mer

Fabrique de garum de Baelo Claudia (environs de Cadix) datée de lépoque romaine

La pêche était une activité répandue à lépoque punique et, outre des productions de salaisons et de murex, il est établi que ce sont les Phénico-puniques qui ont répandu lusage du garum dans le bassin méditerranéen. Cette sauce à base de poissons gras, utilisée en cuisine et dans un but médicinal, était produite à grande échelle au sein dinstallations retrouvées sur un certain nombre de sites[92]. La production et la commercialisation du garum se sont poursuivies largement à lépoque romaine.

Art et artisanat

Sculptures

Pierre

Lessentiel des éléments conservés jusquà nos jours est lié à un usage funéraire. Dautres sculptures existent, mais de taille réduite, comme la Dame de Galera ou le protomé de lion de SantAntioco.

Les cippes et stèles, parfois en forme de bétyles ou « maison du dieu », laissent apparaître une évolution stylistique. Sculptés dans le grès au départ, ces éléments sont conçus par la suite en calcaire, parfois flanqués dacrotères et de motifs incisés à linfluence grecque marquée : motifs animaliers, végétaux, humains et surtout symboles. À partir des Ve et IVe siècles av. J.-C., on voit la diffusion du motif dit « signe de Tanit » qui se retrouve sur bien dautres supports. On la cru présent uniquement en Méditerranée occidentale, mais les recherches actuelles témoignent dune présence sur les sites du Levant[93]. Dautres motifs ont pu être reconnus ainsi celui de lidole-bouteille. On distingue des différences locales, en particulier à Motyé, les représentations humaines sont plus précoces et plus généralisées quà Carthage[94].

Les sarcophages sont très représentatifs du métissage propre aux Phénico-puniques : le type anthropoïde originellement présent en Phénicie a évolué en Méditerranée occidentale. Outre en Afrique, des exemples bien conservés ont été retrouvés en Sicile et dans la péninsule ibérique. Au IVe siècle av. J.-C., le type change en Tunisie pour figurer au-dessus une statue du défunt[95]. Les sarcophages de Sainte-Monique, dénommés du prêtre et de la prêtresse et conservés au Musée national de Carthage, sont particulièrement intéressants par le traitement du drapé et lattitude des deux personnages : le prêtre a la main droite levée en un geste de bénédiction[96], la prêtresse tient pour sa part une colombe ; les mains gauches des deux personnages portent un vase à encens à lusage liturgique connu, d le nom donné à ces œuvres[97].

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Terres cuites

La production des terres cuites, très variée, consistait en des masques grotesques aux traits marqués, dorigine sans doute levantine[98]. Les formes en sont diverses ; les rides et les bouches déformées saccompagnent parfois de motifs géométriques. Des masques aux traits négroïdes caractérisés ont également été retrouvés. Destinés à être suspendus, ces masques avaient une fonction apotropaïque : ils étaient censés chasser les démons.

Il existait aussi des protomés représentant la partie supérieure de corps dhommes ou de femmes. Le style de ce type de produits est divers, à la fois égyptien mais également grec à partir du VIe siècle av. J.-C., et on en a établi une classification[99].

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La production de coroplastie ou coroplathie était répandue dans nombre de sites puniques, de lAfrique du Nord aux îles Baléares en passant par la Sicile et la Sardaigne. Il sagit de figurines moulées, tenant des objets (des tambourins par exemple) ou de petits animaux ; des stéréotypes phénico-puniques cohabitent avec dautres stéréotypes hellénisants, voire liés à une production locale[98]. La technique a été également utilisée pour des pièces de dimension variable, à usage religieux, y compris après la chute de Carthage. On en a découvert plusieurs exemplaires dans les fouilles du sanctuaire de Thinissut au cap Bon (petite sculpture de Ba'al Hammon encadré par deux sphinges mais également de belles représentations de grande taille de Tanit « léontocéphale » et de Déméter).

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Vie quotidienne

Les Puniques étaient des artisans spécialisés et reconnus. Les Grecs leur donnaient la réputation de vendre des bibelots, verroterie fabriquée par les artisans en échange de produits de valeur comme les matières premières issues des régions quils abordaient avec leurs navires. Ainsi, nombre dobjets et de bibelots phéniciens dinspiration diverse (grecque, égyptienne, etc.) ont été découverts sur les sites quils fréquentaient. Les nécropoles qui ont fait lobjet de fouilles archéologiques depuis le XIXe siècle ont livré un matériel important et varié qui dénote un artisanat développé[100] : travail des métaux avec en particulier des exemples de rasoirs de bronze ornés le plus souvent de motifs gravés, petits masques de pâte de verre à fonction apotropaïque qui ornaient des colliers, ivoires et os gravés mais aussi bijoux.

Céramiques

Pour la poterie utilisée dans la vie quotidienne, hors contexte religieux, les fouilles ont livré des céramiques à but alimentaire ou culinaire et aussi des lampes à huile dont les formes démontrent une production stéréotypée et rationalisée ; des exemples de vases-biberons ont aussi été retrouvés.

Si, à partir du IIIe siècle av. J.-C., on voit nombre dimitations dimportations grecques, il persiste une production typique dénommée « moules à gâteaux »[101].

Les fouilles des nécropoles de Carthage ont mis au jour des maquettes représentant des éléments de la vie quotidienne : un four à pain de type tabouna, déposé au Musée national de Carthage, mais aussi de petites pièces de mobilier qui permettent dimaginer lintérieur des habitations.

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Amulettes

Vitrine de bijoux puniques au Musée national du Bardo

De nombreuses amulettes dos, de pâte de verre et de pierre ont été retrouvées dans les sépultures, essentiellement de femmes et denfants, ayant pour objet de protéger les défunts au moyen de rites magiques. Elles étaient importées (surtout dÉgypte) ou fabriquées sur place. Certains thèmes sont récurrents, comme le dieu égyptien Bès, mais aussi Horus ou lœil Oudjat[102].

Bijoux

Bijoux puniques de la collection du Musée national de Carthage

De somptueux bijoux dor, dargent et de pierres dures proviennent des nécropoles. Liée à la structure du commerce phénico-punique et issue dune longue tradition orientale, cette production consiste en des colliers très chargés et lourds, mais aussi en des bagues, anneaux doreille ou de nez (dits aussi nezem) significatifs de lapparence qui devait être celle des Puniques, aspect largement raillé dans les sources classiques. Des scarabées ont également été découverts ainsi que des étuis porte-amulettes à la fonction protectrice évidente[103].

Ivoires et os

On trouve aussi de petites tablettes en ivoire sculpté, matériau souvent remplacé par de los, dun coût moindre. Linfluence orientale ancienne, voire égyptienne, est récurrente dans ces artefacts fréquents sur les divers sites de Méditerranée tant orientale quoccidentale. Un grand nombre dobjets de cette nature date des VIIIe ‑ IVe siècles av. J.-C. et la présence dans les mêmes lieux divoire à létat brut suggère une fabrication locale[104].

Rasoirs de bronze

Rasoir punique de bronze trouvé dans la nécropole de Puig des Molins (Ibiza) (VIe ‑ IVe siècles av. J.-C.), Madrid, Musée archéologique national

De nombreux rasoirs de bronze ou de fer ont été découverts dans les nécropoles ultérieures au VIIe siècle av. J.-C.. De tels objets ont été liés à une symbolique de purification des défunts. Ils exerçaient une fonction religieuse, voire talismanique[105] et ont pu être destinés à être suspendus, du moins pour ce type de matériel présent dans le monde ibérique.

En outre, à partir du Ve siècle av. J.-C., une décoration sest fait jour. Ces dessinsparfois figurés sur les deux faces dans le cas des exemplaires tardifstémoignent dinfluences variées, essentiellement égyptienne ou égéenne. La production a pu atteindre des développements autonomes dans les diverses régions des possessions carthaginoises, démontrant de réelles capacités créatives[106].

Verre

Selon une légende relatée par Pline lAncien[107], le verre a été inventé par les Phéniciens, qui en auraient conservé le secret de fabrication durant une longue période. En fait, ils ont sans doute développé la technique du soufflage et surtout commercialisé leur production à une large échelle[108], ce qui aurait permis la naissance de la légende.

Les découvertes sont assez fréquentes sur les sites archéologiques[109], tant en Occident quen Méditerranée orientale. Les objets les plus typiques sont de petits masques à figure humaine et à faciès varié, destinés à être insérés dans des colliers comportant de petites billes de verre ; il existait aussi de petits pots à onguent ou à parfum. Les pièces les plus remarquables sont colorées dans la masse.

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Numismatique et glyptique

Monnaie carthaginoise avec une tête de déesse couronnée de céréales aux environs de 250 av. J.-C. Londres, British Museum

Les monnaies carthaginoises apparaissent tardivement : elles ne datent pas davant 480 voire 430 av. J.-C.[110].

Les éléments qui y sont figurés témoignent dune grande diversité des thèmes abordés dans les monnayages carthaginois dAfrique, de Sicile, de Sardaigne, de la péninsule ibérique et sur les trois derniers siècles dexistence de la métropole. La glyptique était quant à elle très répandue et issue dune très longue tradition orientale : on a retrouvé des sceaux en nombre dans les nécropoles puniques, tout en constatant une certaine dégénérescence à partir de la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C.[111].

Langue et littérature

Langue

Article détaillé : Phénicien.
Inscription libyque et punique du mausolée libyco-punique de Dougga désormais exposée au British Museum (IIe siècle av. J.-C.)

La langue phénicienne a servi de liant et de fonds linguistique et culturel commun aux Phéniciens dOccident[112], dont le centre était Carthage la punique. Cette langue, utilisée par les élites comme par les populations des régions sous influence puniqueNumides et Berbères du Maghreb (comme au Maroc) mais aussi Ibères et autres populations du royaume de Tartessos (dans le sud de lHispanie) —, était véhiculée en profondeur dans leurs territoires.

Elle a perduré, malgré la prépondérance du latin, jusquà larrivée des envahisseurs arabes au VIe siècle. À cette date, cette langue déclinante était devenue un patois local, au moins dans certaines régions. Corollaire de la langue, lalphabet phénicien, ancêtre de lalphabet grec, sest répandu dans tout le bassin méditerranéen jusquà devenir le vecteur de la pensée des peuples de la sphère punique. Cette écriture sans voyelles sest modifiée après limplantation romaine en Afrique du Nord, tendant à inclure des voyelles. Son aspect sest différencié dans le temps et selon les régions. Au IVe siècle, lalphabet latin était utilisé pour transcrire la langue punique[113].

Littérature et épigraphie

Stèle de Nora avec mise en évidence de lalphabet phénicien (IXe ‑ VIIIe siècles av. J.-C.), Cagliari, Musée archéologique national

La littérature carthaginoise ne nous est pas parvenue, mais on sait quil existait à Carthage de nombreuses bibliothèques, ce qui induit une certaine production littéraire ou à tout le moins une diffusion de la littérature de lépoque, en particulier celle de langue grecque[114]. La philosophie était répandue dans le milieu punique, certains noms sont connus par ce quen disent Diogène Laërce ou Jamblique de Chalcis[115] ; le plus célèbre philosophe dorigine carthaginoise est sans conteste Clitomaque.

Il existait une littérature de droit, dhistoire, de géographie, même si tout cela a été perdu. Toutefois, on a conservé des fragments de limportant traité dagronomie de Magon, qui influença fortement les Romains : la preuve en est que la traduction en latin a été décidée par les conquérants au lendemain de la prise de la cité[114]. Les auteurs romains postérieurs en citent des extraits et ne tarissent pas déloges à son sujet (Pline lAncien[116], Varron[117] et Columelle[118],[119]). Le récit du périple de Hannon, même sil sagit dun texte rédigé en grec, doit être la traduction dun texte punique probablement affiché dans un temple[120]. Cependant, difficile dinterprétation, le document suscita de nombreuses polémiques.

De nombreuses stèles fournissent cependant tout un corpus dinscriptions, notamment les stèles trouvées en quantité dans les tophets, dont celui de Carthage. Ces textes ont été collectés au sein du Corpus Inscriptionum Semiticarum[121]. Mais ils apparaissent très stéréotypés et apportent peu à la connaissance de la cité. En outre, ils ne livrent guère dinformations sur lonomastique, les noms propres connus étant en nombre limité.

Par ailleurs, les archéologues ont mis au jour un petit nombre de documents appelés « tarifs de sacrifices », qui étaient placés dans les temples[120]. Le plus connu dentre eux est le « tarif de Marseille », ainsi nommé car il fut retrouvé dans le port de cette ville. En dépit de sa localisation, il est, selon les spécialistes, dorigine carthaginoise. Il faut également citer comme inscription particulière le cas des lamelles de Pyrgi découvertes à Caere, en Italie, qui offrent un éclairage sur les relations entre Étrusques et Puniques au VIe siècle av. J.-C..

Religion

La religion est laspect de la civilisation carthaginoise qui a fait lobjet de la plus importante polémique en raison des accusations de monstruosité portées sur les rites de sacrifices denfants que mentionnent des sources antiques, de Diodore de Sicile à Tertullien[122], et relayées jusquà nos jours par plusieurs scientifiques.

Panthéon

La mythologie de Carthage est en grande partie héritée de celle des Phéniciens, et sa religion, malgré une transcription en latin ou en grec dans les sources antiques, garde tout au long de son histoire ce caractère profondément ouest-sémitique[123].

Brûle-parfum de Carthage représentant Ba'al Hammon avec une tiare à plumes (IIe siècle av. J.-C.), argile, Musée national de Carthage

Le panthéon, fondé sur une base sémitique, évolue au cours du temps, souvent après une rencontre avec des traditions locales. De plus, certaines divinités acquièrent dans diverses colonies le caractère de poliade : Tinnit ou Tanit a pu être considérée comme la poliade de Carthage, Melqart jouant ce rôle à Gadèslieu il possédait un temple réputé —, tout comme Sid (Sardus Pater à lépoque romaine) en Sardaigne[124].

Le panthéon, qui possède un nombre relativement élevé de divinités[125], est dominé par Ba'al Hammon en Afrique du Nord et souvent accompagné de Tanit (face de Ba'al) comme parèdre. Ba'al et Tanit ont vraisemblablement acquis des caractères spécifiques en Afrique du Nord car, en Orient, les caractères de Ba'al diffèrent de ceux de la divinité carthaginoise alors quAstarté, qui était sa parèdre en Orient, semble plus effacée dans la sphère carthaginoise, même si son culte est avéré[126].

On observe donc une certaine continuité religieuse, les anciens dieux phéniciens étant toujours vénérés chez les Carthaginois, comme Astarté, déesse de la fécondité et de la guerre, Eshmoun, dieu de la médecine, et Melqart, dieu phénicien de lexpansion et de lenrichissement de lexpérience humaine. Melqart adopte pour sa part des caractères du héros grec Héraclès. Ba'al Hammon, originaire de Phénicie, est aussi influencé par des apports égyptiens ; Ammon était connu en Libye et dans pratiquement toute lAfrique du Nord, et il fut assimilé à un dieu local dont la représentation était également un bélier. Ce dieu et son culte étaient en relation avec le feu et le soleil. À lépoque romaine, le culte de Ba'al a adopté des traits de Jupiter, dieu majeur du panthéon romain. Il avait toujours cours à larrivée du christianisme.

Enfin, au moins un culte grec, celui de Déméter et Coré, lié à la fertilité et à la moisson, apparaît dans la culture carthaginoise à loccasion de la guerre gréco-punique. Selon Diodore de Sicile, lors du saccage du temple de ces déesses à Syracuse en 396 avant J.-C., des calamités sabattirent sur larmée carthaginoise. De ce fait, les autorités décidèrent lintroduction de leurs cultes afin que les divinités obtiennent réparation. Il existe également des indices dun culte de la déesse égyptienne Isis[127].

Les divinités du panthéon punique étaient particulièrement honorées aux moments importants de lhistoire, par exemple pour rendre grâce du succès dune expédition maritime ou favoriser une entreprise militaire à venir.

Sanctuaires et rites

Les lieux de culte sont des constructions spécifiques ou des espaces aménagés. Plusieurs temples urbains ont été retrouvés dans des endroits divers ; leur emplacement nobéissait donc pas à une règle précise. Ceux situés en bord de mer bénéficiaient de leur contact avec les étrangers (offrandes, ex-votos, donation, etc.). On a également découvert des sanctuaires dans des grottes.

La religion était une affaire dÉtat à Carthage ; même si les prêtres nintervenaient pas directement dans la politique intérieure ou extérieure, ils jouissaient dune grande influence sur une société profondément religieuse. Les cultes étaient structurés par une hiérarchie de prêtres dont les plus hautes fonctions étaient occupées par les membres des familles les plus puissantes de la cité[128]. Toute une société semble avoir été attachée aux temples : serviteurs, barbiers, esclaves. Les fidèles pouvaient acheter des ex-voto dans des dépendances du lieu de culte[129]. Dans un certain nombre de temples[130] existait une prostitution sacrée, masculine et féminine, définitive ou seulement provisoire.

Scène religieuse représentée sur une stèle de Carthage déposée au Musée du Louvre

Les cultes jouaient un rôle économique important grâce aux offrandes (comme les viandes et autres denrées) aux dieux et aux prêtres. Le sacrifice avait aussi un poids significatif : des « tarifs » étaient définis pour chaque type de sacrifice en fonction de chaque demande, dont plusieurs exemples ont été conservés ; lun dentre eux est exposé au musée Borély de Marseille. Les sacrifices avérés dans ces documents sont variés : animaux, petits (oiseaux) ou grands (bœuf), mais aussi végétaux, aliments ou objets. Après le partage du produit du sacrifice entre divinité, prêtre et fidèle, une stèle était érigée en guise de commémoration[131].

Vue dune partie des stèles du tophet de Carthage

La question du tophet est centrale dans la polémique, de par la faiblesse des sources qui fait la part belle aux interprétations les plus diverses. Il y eut notamment lidentification du tophet avec le rituel du moloch, relaté par les auteurs anciens comme étant un sacrifice denfants. Dans divers tophets, les archéologues ont retrouvé des stèles en grand nombre avec des inscriptions stéréotypées évoquant la réalisation dun vœu ou un remerciement :

« À la grande dame Tanit Péné Ba'al et au seigneur Baal Hammon, ce qua offert [un tel], fils d[un tel], quils [Ba'al] ou quelle [Tanit] entende[nt] sa voix et le bénisse[nt][132]. »

Ces textes restent cependant peu explicites et surtout répétitifs[133].

En dépit de sources antiques à charge, il faut relever labsence dindications dans certains des textes essentiels, comme Tite-Live. Ce silence peut surprendre car les Romains navaient aucun intérêt à cacher un argument qui aurait justifié le sort réservé à Carthage[134]. Le débat sur le sacrifice des enfants dans la civilisation punique nest toujours pas tranché, la science nétant capable ni de donner les causes des décès daprès les ossements contenus dans les urnes ni de dire si ce lieu était autre chose quune nécropole pour enfants.

Les cultes et leur pratique ont laissé des traces visibles dans les différentes colonies phéniciennes de Méditerranée occidentale, devenues carthaginoises, mais aussi chez les peuples entrés en contact avec cette civilisation, comme les Berbères de Numidie et de Maurétanie et les Ibères.

Religiosité populaire

Poids carré en plomb portant le signe de Tanit, Ve-IIe siècles av. J.-C., Paris, Musée du Louvre

On note une différence entre la religion dÉtat et la croyance populaire, en raison des amulettes et autres talismans à des fins de protection contre les démons ou les maladies, révélant une forte influence égyptienne. De même, on remarque un culte des divinités égyptiennes, comme le dieu nain Bès, parmi les classes populaires. Ainsi, de nombreux objets retrouvés dans les fouilles avaient pour but la protection des vivants et des morts (masques, amulettes figurant Bès mais aussi rasoirs). La magie imprégnait la vie ; elle était blanche mais aussi noire afin décarter des rivaux potentiels[135].

Le culte des ancêtres était probablement observé au sein des foyers mais il reste relativement obscur. Des interdits alimentaires, en particulier celui du porc, eurent cours jusquau début du IVe siècle[136].

Les Puniques avaient foi en une vie après la mort, comme lattestent des chambres mortuairesmême si lincinération était aussi pratiquée les défunts préparés pour leur vie dans lau-delà étaient accompagnés doffrandes en nourriture et en boissons. Leur tombe était décorée comme une demeure et lon parfumait le tombeau avant de le refermer. Certains morts étaient couchés selon le rite oriental alors que dautres étaient en position fœtale, selon la tradition berbère, et enduits docre, démontrant une influence locale sur la religion carthaginoise, au moins en Afrique du Nord. De même, on a retrouvé dans des tombes puniques aux îles Baléares des statuettes typiques de la culture locale.

Civilisation exogène et métissée

La vie culturelle de cette civilisation, que certains ont appelée thalassocratie du fait de son rapport étroit et durable avec la mer, résulte du mélange des influences indigènes, phénicienne, grecque mais aussi égyptienne.

Persistances orientales et apports africains

Lart phénicien est un subtil mélange déléments grecs et égyptiens. Si la culture égyptienne a profondément influencé les Phéniciens dès le IIIe millénaire avJ.-C., la culture hellénique a pris le relais à partir du IVe siècle av. J.-C.. La culture phénicienne émerge à partir de leffondrement égyptien, à la suite de linvasion des Peuples de la mer en 1200 av. J.-C.. Avant son existence, elle était confondue dans laire syro-libanaise (Pays de Canaan). Dailleurs, certains Puniques dOccident se nommeront Cananéens longtemps après labsorption de lempire carthaginois par les Romains. En effet, du fait de la position géographique de Carthage et alors que les Phéniciens sont présents dans lOccident méditerranéen, la cité punique cristallise et regroupe cette présence, la transformant en empire, tout en favorisant lessor de la colonisation.

Identité carthaginoise

Mausolée libyco-punique de Dougga, IIe siècle av. J.-C.

Lart punique, celui des Phéniciens dOccident, montre des composantes égyptiennes comme le travail du verreavec les petits masques de verre des tombes puniques spécifiques à la mentalité phénicienne et qui servent à repousser loin du mort les mauvais esprits ou démonset des motifs comme le lotus que lon retrouve sur des objets ou sur la décoration de bâtiments. En outre, à partir du IVe siècle av. J.-C., apparaissent des traces dinfluence hellène se superposant aux influences égyptiennes et sajoutant à la culture phénicienne primitive.

Le mausolée libyco-punique de Dougga occupe une place particulière car il symbolise le syncrétisme architectural entre traditions égyptiennes et apports grecs, voire hellénistiques[137]. Il subsiste dautres témoins de cette architecture funéraire monumentale comme à Sabratha.

Éphèbe de Motyé, vers 450-440 av. J.-C., marbre, Motyé, Musée Whittaker

La sculpture évolue dun style hiératique, presque symbolique, vers une esthétique plus figurative mais idéalisant la perfection. Léphèbe de Motyé, un marbre du Ve siècle av. J.-C. découvert lors de fouilles terrestres en 1979, témoigne de ce contact avec le monde grec de Sicile. Cette statue a donné lieu à diverses thèses : certains y ont vu une représentation de Melqart avec une nette influence grecque alors dautres chercheurs considèrent la statue comme une œuvre grecque transportée à Motyé à la suite dopérations militaires. Dautres encore lidentifient comme une commande à un artiste grec de Sicile du Ve siècle av. J.-C. mais selon les canons carthaginois, en particulier sur le plan vestimentaire[138] ; on a même évoqué un rôle daurige voire un commanditaire de jeux[139]. Lambiguïté des canons de cette œuvre entraîne « une perte des repères habituels, source dinconfort intellectuel et esthétique »[140]. Le sarcophage dit « de la prêtresse » de la nécropole des rabs montre également ces influences mêlées.

Les canons esthétiques des protomés indiquent le même métissage et les critères à lorigine des choix des artisans restent difficiles à appréhender. Les statuettes dIbiza révèlent quant à elles une influence locale sans doute liée au relatif isolement de lîle[141].

Métropole située entre Orient et Occident, Carthage a globalement joué un rôle facilitateur déchanges économiques et culturels, révélant une grande porosité aux apports extérieurs[142].

Persistances après la chute

Opus africanum du Capitole de Dougga, IIe siècle ap. J.-C.
Édicule funèbre gréco-punique de Marsala, époque romaine impériale, actuellement exposé au Musée archéologique régional Antonio Salinas de Palerme

La civilisation punique a perduré bien au-delà de la destruction de Carthage en 146 av. J.-C., dans les institutions locales des cités romaines, dans larchitecture et surtout dans la religion et dans la langue. On constate la présence de suffètes, magistrats municipaux, dans les institutions des cités romaines dAfrique du Nord jusquau IIe siècle[143]. Parfois, les suffètes étaient au nombre de trois, ce qui est considéré par certains sémitisants comme un apport berbère.

Les persistances dans larchitecture concernent surtout lopus africanum et la mosaïque. Lopus africanum est un type de construction à chaînage retrouvé dans les fouilles de Kerkouane ainsi que sur bien dautres sites puniques, et dont lun des exemples de lépoque romaine se situe au Capitole de Dougga. Quant à la mosaïque, lécole de mosaïstes africains, particulièrement habile et bénéficiant en outre de marbres de belle qualité, a largement diffusé ses modèles de bestiaires et de scènes mythologiques dans lEmpire romain.

Dans le domaine religieux, la persistance du culte rendu à Saturne africain[144] et linterpretatio romana du Ba'al punique ainsi que de sa parèdre Caelestis, transposant la déesse Tanit[145], a été étudiée ; le culte de Sardus Pater en Sardaigne procède de la même évolution. Les sanctuaires ruraux se sont maintenus, comme à Thinissut et à Bou Kornine. Le sanctuaire néo-punique le plus important fouillé jusquà présent, et ayant livré les témoignages les plus intéressants de fusion déléments libyques et puniques, se trouve à El Hofra (Cirta). On a découvert des éléments de continuité dans les stèles dites « de la Ghorfa » ainsi quune vitalité du Saturne africain, dieu infernal et pourvoyeur des moissons, jusquà la fin du premier quart du IVe siècle[146].

La transmission des « livres puniques » des bibliothèques de la cité martyre vers les souverains numides[147] a fait lobjet dâpres discussions, leur utilisation par Salluste lors de lélaboration de sa Guerre de Jugurtha ayant été évoquée. Cependant, on perd très vite la trace de ces ouvrages dans les sources ; ils ne sont plus évoqués que comme souvenir dès Augustin dHippone[148].

Il semble également que durant longtemps la langue punique sest maintenue, comme en témoignent les textes dits « néo-puniques » et la diffusion de la langue dans les royaumes numides, en particulier dans leur monnayage[149]. Augustin lévoque même dans lune de ses œuvres[150]. Ce maintien dune langue sémitique a pu faciliter larabisation du Maghreb selon Stéphane Gsell et M'hamed Hassine Fantar après lui[151].

Naissance et essor dune discipline

Redécouverte de la civilisation

Lintérêt pour le monde phénico-punique est au XVIIe siècleavec en particulier le rôle des Phéniciens appréhendé dans la Geographia sacra de Samuel Bochartmais sest épanoui surtout aux XVIIIe ‑ XIXe siècles, sous langle de lépigraphie et de la philologie. C'est au XVIIIe siècle qua été découverte la stèle de Nora qui fit lobjet de nombreuses études.

Au XIXe siècle, dans le contexte de colonisation contemporaine, de vastes fouilles sont effectuées dans les pays du Maghreb, axées surtout sur lépoque romaine et byzantine, les vestiges de la période antérieure étant moins impressionnants et nobéissant pas à lidéologie sous-jacente à ces recherches. Néanmoins, au début du XXe siècle des découvertes majeures ont lieu comme le tophet de Carthage en 1921 et, avant cette date, il faut signaler le rôle pionnier de Joseph Whitaker à Motyé.

Indépendance de la discipline et apports de larchéologie

Après la dernière période de loccupation coloniale, avec larrivée de chercheurs (comme Gilbert-Charles Picard), la vague des indépendances à partir de 1956 permet léclosion dune école de recherches en Tunisie, représentée notamment par M'hamed Hassine Fantar et Abdelmajid Ennabli. Les fouilles depuis la Libye jusquau Maroc, ainsi quen Espagne (îles Baléares et Andalousie) et en Italie avec les recherches en Sicile et surtout létude à visée exhaustive de la Sardaigne phénico-punique, élargissent considérablement la problématique[152].

Champ détude actuel

Depuis la fin des années 1970 et la naissance du Congrès international des études phéniciennes et puniques, les savants des divers pays de lespace punique mettent en place une synergie dans leurs axes de recherche, en particulier les chercheurs italiens de lUniversité La Sapienza de Rome (à la suite de Sabatino Moscati), et leurs collègues espagnols et tunisiens.

Stéphane Gsell, dans le tome IV de sa monumentale Histoire ancienne de lAfrique du Nord, a des mots très durs sur la civilisation carthaginoise :

« Pour sa part, Carthage a fort peu contribué à la civilisation générale. Son luxe na guère été utile à lart. Nous avons dit ce que son industrie, qui ninventa rien, se traîna dans la routine, et dont la technique même est soit médiocre, soit mauvaise[153]. »

Les avancées de larchéologie depuis la seconde moitié du XXe siècle ont permis de nuancer ce propos, qui reste celui dun homme marqué par le classicisme, car la civilisation carthaginoise nentre pas dans ce schéma dune domination des arts majeurs[154] et ne pouvait que difficilement être appréhendée par un savant du premier tiers du XXe siècle, qui a par ailleurs œuvré à la faire sortir de loubli.

Les nombreuses expositions ayant eu lieu à partir des années 1980, depuis celle du Palazzo Grassi en 1988 pour ne citer que la plus marquante jusquà celle de lInstitut du monde arabe[155] en 2007-2008, démontrent lintérêt du public pour une civilisation ouverte sur les autres, « entre Orient et Occident » selon Serge Lancel et en ce sens très contemporaine, malgré son « identité ambigüe ».

Notes et références

  1. « Punique » veut dire « phénicien » en latin, sachant que le mot « phénicien » vient du grec Φοινικήϊος ou Phoinikếïos. Lui-même est fortement lié au mot grec « pourpre » (φοῖνιξ ou phoĩnix), une spécialité phénicienne. Toutefois, le terme nest pas synonyme selon certains auteurs.
  2. « Les Carthaginois ne sont pas seulement des Phéniciens venus sinstaller à louest, comme on la souvent dit. Plusieurs données invitent à leur reconnaître une spécificité [...] En réalité, la civilisation carthaginoise est le produit dune hybridation. Lélément phénicien sest mélangé à lélément autochtone, qui apparaît sous le nom de libou’', « les Libyens ». »

    — Mhamed Hassine Fantar, « Lidentité carthaginoise est faite de couches multiples », Les Cahiers de Science & Vie, n°104, mai 2008, p. 25

  3. Sabatino Moscati, Lépopée des Phéniciens, 1971, p. 174
  4. Pline lAncien, Histoire naturelle, XVI, 216
  5. Pline lAncien, op. cit., XIX, 63
  6. Velleius Paterculus, Histoire romaine, I, 2, 3
  7. Fragment 82
  8. Appien, Libyca, I, 1
  9. Procope de Césarée, Guerre contre les Vandales, II, 10-13
  10. Gabriel Camps, Les Berbères, mémoire et identité, pp. 36-50
  11. (fr) Strabon, Géographie, XVII, 3
  12. Aristote, Politique, III, 9, 6
  13. Michel Gras, « Étrusques », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, éd. Brépols, Paris, 1992, p. 163
  14. Édouard Lipinski, « Alalia », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, p. 14
  15. Selon la tradition, la bataille dHimère eut lieu le même jour que la bataille de Salamine.
  16. a et b François Decret, Carthage ou lempire de la mer, éd. Seuil (coll. Points histoire), Paris, 1977, p. 85
  17. Polybe, Histoire générale, III, 5
  18. Hédi Dridi, Carthage et le monde punique, éd. Les Belles Lettres, Paris, 2006, p. 56
  19. Aïcha Ben Abed, « Carthage. Capitale de lAfrica », Connaissance des arts’', hors-série Carthage n°69, 1995, p. 28
  20. Voir à ce propos R.T. Ridley, « To Be Taken with a Pinch of Salt: The Destruction of Carthage », Classical Philology, vol. 81, n°2, 1986
  21. François Decret, op. cit., p. 55
  22. Maria Giulia Amadasi Guzzo, Carthage, éd. PUF, Paris, 2007, p. 59
  23. Friedrich Rakob, « Lhabitat ancien et le système urbanistique », Pour sauver Carthage. Exploration et conservation de la cité punique, romaine et byzantine, éd. Unesco/INAA, 1992, pp. 29-37
  24. Mhamed Hassine Fantar, Carthage la cité punique, éd. Cérès, Tunis, 1995, p. 40
  25. Sabatino Moscati, « Lempire carthaginois », Les Phéniciens, éd. Gallimard, coll. Lunivers des formes, Paris, 2007, p. 65
  26. Pour développer cet aspect, consulter en particulier les descriptions des murailles de Carthage.
  27. a et b Édouard Lipinski, « Fortifications », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, pp. 175-176
  28. Édouard Lipinski [sous la dir. de], Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, éd. Brépols, Paris, 1992, p. 463, p. 121
  29. Hédi Dridi, op. cit., p. 74
  30. Les installations portuaires ont en effet été attribuées à lépoque fatimide de la cité.
  31. Appien, Libyca, 96
  32. Hédi Dridi, op. cit., p. 73
  33. Selon Appien, Libyca, 96, cité dans François Decret, op. cit., 1977, p. 65
  34. Hédi Dridi, op. cit., p. 76
  35. Hédi Dridi, op. cit., p. 77
  36. Azedine Beschaouch, La légende de Carthage, éd. Découvertes Gallimard, Paris, 1993, p. 81
  37. Azedine Beschaouch, op. cit., pp. 84-86
  38. Serge Lancel et Édouard Lipinski, « Thinissut », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, p. 451
  39. Édouard Lipinski [sous la dir. de], op. cit., p. 463
  40. Appien, Libyca, 128
  41. Serge Lancel et Jean-Paul Morel, « La colline de Byrsa : les vestiges puniques », Pour sauver Carthage. Exploration et conservation de la cité punique, romaine et byzantine, p. 55
  42. Serge Lancel, Carthage, éd. Fayard, Paris, 1992, p. 71
  43. Colette Picard, Carthage, éd. Les Belles Lettres, Paris, 1951, p. 39
  44. François Decret, op. cit., pp. 151-152
  45. Serge Lancel, op. cit., pp. 417-418
  46. Serge Lancel, op. cit., p. 426
  47. Madeleine Hours-Miédan, Carthage, éd. PUF, Paris, 1982, p. 99
  48. Serge Lancel, op. cit., p. 155
  49. Honor Frost, cité par Serge Lancel, op. cit., p. 185
  50. Appien, Libyca, 121
  51. Serge Lancel, op. cit., p. 183
  52. Hérodote, LEnquête, IV « Melpomène », 42
  53. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XXV, 8
  54. Hédi Dridi, op. cit., p. 113
  55. Polybe, op. cit., I, 33
  56. Yann Le Bohec, Histoire militaire des guerres puniques. 264-146 avant J.-C., éd. du Rocher, Monaco, 2003, p. 39
  57. a et b Hédi Dridi, op. cit., p. 117
  58. a et b Hédi Dridi, op. cit., p. 121
  59. Diodore de Sicile, op. cit., XVI, 80, 2
  60. Plutarque, Timoléon’', 27-28
  61. Hédi Dridi, op. cit., p. 122
  62. Hédi Dridi, op. cit., p. 123
  63. Hédi Dridi, op. cit., pp. 124-125
  64. Polybe, op. cit., VI, 43
  65. Aristote, Politique, II, XI, 1-16
  66. Stéphane Gsell, Histoire ancienne de lAfrique du Nord, tome II (LÉtat carthaginois), Paris, 1918, p. 184
  67. Maurice Sznycer, « Carthage et la civilisation punique », Rome et la conquête du monde méditerranéen, tome 2 (Genèse dun empire), éd. PUF, Paris, 1978, pp. 562-563
  68. Maurice Sznycer, op. cit., pp. 566-567
  69. Maurice Sznycer, op. cit., p. 565
  70. Maurice Sznycer, op. cit., p. 568
  71. Tite-Live, Histoire romaine (Ab Urbe condita), XXIII, 46, 3
  72. Sénèque, De tranquillitate animi, IV, 5
  73. Maurice Sznycer, op. cit., p. 576
  74. Maurice Sznycer, op. cit., p. 578
  75. Aristote, Politique, II, 11, 3 et 7
  76. Justin, Epitoma historiarum Philippicarum Pompei Trogi, XIX, 2, 5-6
  77. Polybe, op. cit., VI, 51
  78. Polybe, op. cit., VI, 56, 4
  79. Diodore de Sicile, op. cit., XX, 9, 4
  80. Hédi Dridi, op. cit., pp. 97-102
  81. Hédi Dridi, op. cit., p. 239
  82. Hédi Dridi, op. cit., p. 241
  83. Polybe, op. cit., I, 2, 71-72, cité par François Decret, op. cit., p. 92
  84. François Decret, op. cit., p. 103
  85. François Decret, op. cit., pp. 87-88
  86. Polybe, op. cit., I, 2, 71-72
  87. Polybe, op. cit., XII, 3, 3
  88. François Decret, op. cit., p. 87
  89. De re rustica, XII, 39, 1-2
  90. Voir la représentation dune scène de charrue tirée par un dromadaire dans Florence Heimburger, « Naissance dun empire », Les cahiers de Science et Vie, n°104, avril-mai 2008, p. 37
  91. François Decret, op. cit., p. 88
  92. Véronique Krings et Édouard Lipinski, « Garum », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, p. 185
  93. Selon François Bertrandy, « Signe de Tanit », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, p. 417
  94. Serge Lancel, op. cit., p. 448
  95. Jean Ferron, « Sarcophages », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, p. 392
  96. André Parrot, Maurice H. Chéhab et Sabatino Moscati, Les Phéniciens, éd. Gallimard, coll. Lunivers des formes, Paris, 2007, p. 214
  97. Hédi Slim et Nicolas Fauqué, La Tunisie antique. De Hannibal à saint Augustin, éd. Mengès, Paris, 2001, p. 73
  98. a et b Maria Giulia Amadasi Guzzo, op. cit., p. 108
  99. Serge Lancel, op. cit., pp. 455-460
  100. Maria Giulia Amadasi Guzzo, op. cit., p. 106
  101. Serge Lancel, op. cit., p. 466
  102. Éric Gubel, « Amulettes » , Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, pp. 27-28
  103. Giovanna Pisano, « Les bijoux », Les Phéniciens’', pp. 418-444
  104. Maria Giulia Amadasi Guzzo, op. cit., p. 106
  105. Serge Lancel, op. cit., p. 453
  106. Serena Maria Cecchini, « Rasoirs », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, pp. 371-372
  107. Pline lAncien, op. cit., XXXVI, 190-191
  108. Éric Gubler, « Verrerie », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, p. 490
  109. Maria Luisa Uberti, « Le verre », Les Phéniciens’', pp. 536-561
  110. Jacques Alexandropoulos, « Numismatique », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, pp. 320-327
  111. Éric Gubel, « Glyptique », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, p. 194
  112. Serge Lancel, op. cit., p. 466
  113. Serge Lancel, op. cit., p. 587
  114. a et b Maria Giulia Amadasi Guzzo, op. cit., 2007, p. 121
  115. Hédi Dridi, op. cit., p. 196
  116. Pline lAncien, op. cit., XVIII, 22-23
  117. Varron, De re rustica, I, 1, 10-11
  118. Columelle, De re rustica, I, 1, 3
  119. Columelle, op. cit., XII, 4, 2
  120. a et b Madeleine Hours-Miédan, op. cit., p. 17
  121. Madeleine Hours-Miédan, op. cit., p. 16
  122. Tertullien, Apologétique, IX, 2-3
  123. Maurice Sznycer, op. cit., p. 586
  124. Hédi Dridi, op. cit., p. 172
  125. Hédi Dridi, op. cit., pp. 170-175
  126. Maurice Sznycer, op. cit., p. 588
  127. Hédi Dridi, op. cit., p. 177
  128. Hédi Dridi, op. cit., p. 178
  129. Hédi Dridi, op. cit., p. 180
  130. C'est le cas à Sicca Veneria (actuelle Le Kef) selon Valère Maxime, Factorum dictorumque memorabilium. Libri IX, II, 6, 15.
  131. Hédi Dridi, op. cit., p. 185
  132. Serge Lancel, « Questions sur le tophet de Carthage », La Tunisie, carrefour du monde antique, éd. Faton, Paris, 1995, p. 41
  133. Serge Lancel, op. cit., p. 340
  134. Serge Lancel, op. cit., p. 348
  135. Hédi Dridi, op. cit., p. 194
  136. Hédi Dridi, op. cit., p. 182
  137. Filippo Coarelli et Yvon Thébert cités par Serge Lancel, op. cit., p. 421
  138. Vincenzo Tusa, « Le jeune homme de Motyé », Les Phéniciens’', pp. 618-621
  139. Vincenzo Tusa cité par Serge Lancel, op. cit., p. 439
  140. Serge Lancel, op. cit., p. 440
  141. Serge Lancel, op. cit., p. 460
  142. Serge Lancel, op. cit., p. 462
  143. Édouard Lipinski, op. cit., p. 429
  144. Sur cette question, se reporter aux travaux de Marcel Le Glay.
  145. Serge Lancel, op. cit., p. 580
  146. Serge Lancel, op. cit., pp. 584-586
  147. Pline lAncien, op. cit., XVIII, 22
  148. Augustin dHippone, Epistolae ad romanos inchoata expositio, 17, 2
  149. Serge Lancel, op. cit., pp. 475-476
  150. Selon Augustin dHippone, op. cit., 13, les Africains parlant punique se font appeler « Cananéens ».
  151. Serge Lancel, op. cit., p. 589
  152. Édouard Lipinski, « Études phénico-puniques », Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, pp. 164-165
  153. Stéphane Gsell, Histoire ancienne de lAfrique du Nord, tome IV (La civilisation carthaginoise), Paris, 1920, p. 486
  154. Serge Lancel, op. cit., p. 416
  155. (fr) Exposition « La Méditerranée des Phéniciens » (6 novembre 2007-20 avril 2008) sur Institut du monde arabe. Consulté le 17 mai 2009

Bibliographie

Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article : source utilisée pour la rédaction de cet article

Généralités

  • Michel Gras, Pierre Rouillard et Javier Teixidor, LUnivers phénicien, éd. Arthaud, Paris, 1994 (ISBN 2700307321)
  • Stéphane Gsell, Histoire ancienne de lAfrique du Nord, tome IV (La civilisation carthaginoise), Paris, 1920 Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Véronique Krings [sous la dir. de], La civilisation phénicienne et punique. Manuel de recherches, 1995 Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Édouard Lipinski [sous la dir. de], Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, éd. Brépols, Paris, 1992 (ISBN 2503500331) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Sabatino Moscati, Lépopée des Phéniciens, Paris, 1971
  • « Carthage, la cité qui fit trembler Rome », Les cahiers de Science et Vie, n°104, avril-mai 2008 Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Carthage

  • Maria Giulia Amadasi Guzzo, Carthage, éd. PUF, Paris, 2007 (ISBN 9782130539629) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Azedine Beschaouch, La légende de Carthage, éd. Découvertes Gallimard, Paris, 1993 (ISBN 2070532127) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • François Decret, Carthage ou lempire de la mer, éd. Seuil (coll. Points histoire), Paris, 1977 (ISBN 2020047128) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Hédi Dridi, Carthage et le monde punique, éd. Les Belles Lettres, Paris, 2006 (ISBN 2251410333) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • M'hamed Hassine Fantar, Carthage. Approche dune civilisation, éd. Alif, Tunis, 1993
  • Madeleine Hours-Miédan, Carthage, éd. PUF, Paris, 1982 (ISBN 2130374891) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Serge Lancel, Carthage, éd. Fayard, Paris, 1992 (rééd. Cérès, Tunis, 1999) (ISBN 9973194209) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Yann Le Bohec, Histoire militaire des guerres puniques. 264-146 avant J.-C., éd. du Rocher, Monaco, 2003 (ISBN 2268021475) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Gilbert et Colette Charles-Picard, La vie quotidienne à Carthage au temps dHannibal, éd. Hachette, Paris, 1958
  • Colette Picard, Carthage, éd. Les Belles Lettres, Paris, 1951
  • Maurice Sznycer, « Carthage et la civilisation punique », Rome et la conquête du monde méditerranéen, tome 2 (Genèse dun empire), éd. PUF, Paris, 1978, pp. 545-593 Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jean-Gabriel Demerliac et Jean Meirat, Hannon ou lempire punique, éd. Les Belles Lettres, Paris, 1983 (ISBN 2251334173)

Art et catalogues dexpositions

  • Badr-Eddine Arodaky [sous la dir. de], La Méditerranée des Phéniciens. De Tyr à Carthage, éd. Somogy, Paris, 2007 (ISBN 9782757201305)
  • Sabatino Moscati [sous la dir. de], Les Phéniciens. Lexpansion phénicienne, éd. Le Chemin vert, Paris, 1989 (ISBN 2714423787)
  • André Parrot, Maurice H. Chéhab et Sabatino Moscati, Les Phéniciens, éd. Gallimard, coll. Lunivers des formes, Paris, 2007
  • Collectif, Carthage. Lhistoire, sa trace et son écho, éd. Association française daction artistique, Paris, 1995 (ISBN 9973220269)
  • Collectif, De Carthage à Kairouan. 2 000 ans dart et dhistoire en Tunisie, éd. Association française daction artistique, Paris, 1982
  • Collectif, « La Méditerranée des Phéniciens », Connaissance des arts, n°344, octobre 2007

Archéologie

  • Pierre Cintas, Manuel darchéologie punique, éd. Picard, Paris, 1970 (tome 1)-1976 (tome 2 [posth.])
  • Abdelmajid Ennabli et Hédi Slim, Carthage. Le site archéologique, éd. Cérès, Tunis, 1993 (ISBN 997370083X)
  • M'hamed Hassine Fantar, Kerkouane, cité punique au pays berbère de Tamezrat, éd. Alif, Tunis, 2005 (ISBN 9973-22-120-6)
  • Hédi Slim et Nicolas Fauqué, La Tunisie antique. De Hannibal à saint Augustin, éd. Mengès, Paris, 2001 (ISBN 285620421X)
  • Collectif, « Carthage, sa naissance, sa grandeur », Archéologie vivante, vol. 1, n°2, 1968-1969
  • Collectif, « La Méditerranée des Phéniciens », Connaissance des arts, n°344, octobre 2007
  • Collectif, La Tunisie, carrefour du monde antique, éd. Faton, Paris, 1995 Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Collectif, Pour sauver Carthage. Exploration et conservation de la cité punique, romaine et byzantine, éd. Unesco/INAA, 1992 (ISBN 9232027828) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Voir aussi

Articles connexes

Histoire
Musées abritant des antiquités puniques

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