- Lixus
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Lixus (ليكسوس) est une ville antique fondée par les Phéniciens vers -700 puis annexée par les Carthaginois, elle est située à quelques kilomètres au nord de la petite ville de Larache au Maroc, sur la rive droite de l'oued Loukkos. Son nom primitif était « Shemish », terme à rapprocher de la racine sémitique « shms » et désignant le soleil. Il semble que l'acropole de Shemish ait été consacrée au dieu phénicien Baal Melqart, ce qui explique la richesse du sanctuaire et de son mobilier, notablement influencé par les tendances artistiques cananéennes, égyptiennes et crétoises. Lixus est certainement une des cités les plus anciennes d'Afrique du Nord répertoriées à ce jour, cadette de quelques décennies de l'illustre Carthage, fondée sur le même modèle d'une colline-acropole dominant un estuaire, situation topographique très recherchée des Phéniciens.
Histoire
Auréolée de prestige dans l'Antiquité, elle est citée dans la mythologie grecque comme une ville légendaire où se situent deux des exploits d'Hercule. C'est à Lixus, en effet, qu'il aurait vaincu Antée, le fondateur de Tanger, et cueilli les pommes d'or du jardin des Hespérides, que défendait si bien un dragon[1]. Plus prosaïquement, Lixus prit son essor au point de devenir indépendante de Tyr, et fonda son propre empire dont les origines et les actions restent largement méconnues. Les Lixites auraient largement exploré le littoral atlantique de l'Afrique jusqu'au golfe de Guinée, et au nord se seraient aventurés jusqu'aux îles Cassitérides à proximité de la Grande-Bretagne[2]. Des sites aussi éloignés tels que Cerné correspondant peut-être à l'actuelle Tarfaya seraient en fait des colonies lixites. Lixus se peupla de Phéniciens, de Cananéens, d'Égéens, dont beaucoup se mélangèrent certainement aux autochtones berbères, donnant naissance à une société métissée caractéristique de l'environnement punique. Il semble même que Lixus ait accueillie une communauté hébraïque, témoignage possible de la plus ancienne présence israélite datable sur le sol marocain.
L'empire lixite déclina au profit de l'autre grand empire punique, celui de Carthage sur la côte orientale du Maghreb qui finit par le supplanter. Lixus tomba sous contrôle carthaginois mais conserva une forte personnalité spécifique, encore visible à l'époque des rois de Maurétanie avec des institutions propres comme le sénat et le système de coprincipauté. En outre, Lixus demeurait un sanctuaire respecté et vénéré comme celui de Baal rapidement assimilé à Hercule par un phénomène de syncrétisme encore très courant dans le monde punique.
L'ère du royaume maure sous protectorat romain de 25 av. J.-C. à 42 ap. J.-C., fut une nouvelle période de prospérité pour Lixus. Le port très actif exportait alors vers Rome du bois de thya, du blé, des raisins, et surtout des produits maritimes, thon et condiments à base de poisson élaborés dans les nombreuses industries spécialisées. À cette époque la cité se construisit de nouveaux quartiers résidentiels fortement marqués par l'urbanisme hellénistique et se dota d'un théâtre, supposé distraire la main d'œuvre des usines de transformation du poisson. Par suite de l'assassinat du dernier roi de Maurétanie Ptolémée en 40 le pays fut annexé par l'Empire romain et conquis par les légions au bout de deux années de campagne militaire. Claude lui donna le statut de colonie romaine[1] ce qui distinguait Lixus des autres cités de la nouvelle province de Maurétanie Tingitane, presque toutes des municipalités de droit latin ou pérégrin.
Lixus développa encore ses infrastructures à l'époque romaine et dépassa l'enceinte maurétanienne en direction du fleuve Loukkos. Des thermes furent édifiés, ornés de splendides pavements de mosaïques, tandis que l'acropole compta désormais un temple dédié à Saturne dont le culte était fort répandu dans les provinces romaines d'Afrique du Nord. À compter du IVe siècle, la situation changea sensiblement et la faiblesse localisée de l'administration impériale entraîna un repli de la cité derrière son enceinte primitive. Des fortifications furent élevées à proximité de Lixus, afin de défendre la vallée du Loukkos contre les incursions des Maures qui battaient en brèche la domination de Rome. Cette nouvelle orientation correspondait également au choix de Dioclétien d'évacuer la plus grande partie de la Tingitane et de centrer le dispositif militaire sur le détroit de Gibraltar.
Il semble que le christianisme se développa dans cette région, au point que Lixus fut érigée en évêché. Les dernières industries liées aux activités maritimes cessèrent leurs activités dans les années 430, ce qui coïncide avec l'invasion des Vandales venus par l'Espagne voisine. Dès lors la cité périclita lentement mais sûrement, son sort demeurant sujet à caution, très certainement plus ou moins intégrée dans l'orbite de la lointaine Byzance. Les premières troupes musulmanes qui atteignirent les rivages atlantiques à la fin du VIIe siècle découvrirent une agglomération christianisée survivant parmi les vestiges d'une époque plus glorieuse mais révolue. Le califat omeyyade y établit des éléments militaires issus de tribus nord-arabiques. De cette époque datent la mosquée et les bains mis au jour non loin de l'antique acropole. Mais le sort de l'antique Lixus était définitivement scellé. Elle devait disparaître au profit de la ville nouvelle de Larache, s'acroissant de l'autre côté du Loukkos.
Notes
- Pline l'Ancien, Histoires naturelles, livre V, I, 3
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Liens externes
Catégories :- Histoire du Maroc
- Cités phéniciennes et puniques
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