La Méduse

La Méduse

20°02′85″N 16°48′54″O / 20.05694, -16.815

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La Méduse est une frégate française devenue célèbre par son naufrage survenu le 2 juillet 1816 au large des côtes de Mauritanie. Ce naufrage, à l'origine de la mort de 160 personnes, dont 137 abandonnées sur un radeau de fortune, est évoqué par un tableau de Théodore Géricault : Le Radeau de La Méduse.

Sommaire

Historique de La Méduse

La frégate La Méduse est l'objet d'un contrat du 11 mars 1807 entre l'État et la société Michel Louis Crucy, établie à Paimbœuf (Loire-Inférieure)[1].

Elle est construite à la fin des années 1800 ; la coque est lancée le 1er juillet 1810. Le 26 septembre, le navire passe à Mindin[2], à l'extrémité de l'estuaire de la Loire surveillé par une flottille anglaise basée à Hoëdic. La Méduse, commandée par Joseph François Raoul, réussit à quitter l'estuaire le 28 décembre, en même temps que la frégate La Nymphe, construite à Basse-Indre sur un autre chantier Crucy.

Compte tenu du destin ultérieur de La Méduse, ont été rapportées quelques légendes prémonitoires. Dans son Histoire de la Commune de Nantes, Camille Mellinet évoque la « tristesse inexplicable » marquant la cérémonie du lancement de la coque. Par ailleurs, un matelot aurait dit, en voyant la figure de proue : « une mauvaise tête qui nous portera malheur ».

La première mission des deux frégates est de transporter à Batavia le gouverneur des Indes néerlandaises ainsi que son état-major et des soldats. La mission réussit, mais n'empêche pas la prise de Batavia par les Britanniques. Les deux frégates regagnent Brest en décembre 1811. Le rapport de Raoul sur La Méduse est dans l'ensemble favorable. Le commandement du navire passe ensuite à Ponée qui en est aussi satisfait.

En novembre 1813, La Méduse et la Nymphe partent pour une campagne de course dans l'Atlantique. Elles sont de retour en janvier 1814.

Après l'abdication de Napoléon, La Méduse, commandée par le chevalier de Cheffontaines, effectue une rotation aux Antilles ; elle est de retour à l'île d'Aix le 20 février 1815, puis subit un carénage à Rochefort. Ponée en reprend le commandement pendant les Cent-Jours. Le navire est toujours à Rochefort lorsqu'après Waterloo, Napoléon y vient le 8 juillet, envisageant un départ en Amérique sur la frégate Saale, aussi présente à Rochefort. Finalement, le projet de fuite est abandonné et Napoléon se constitue prisonnier le 15 juillet sur le HMS Bellerophon.

Le naufrage

En 1816, la France récupère ses comptoirs au Sénégal, occupés par les Britanniques au cours des guerres de l'Empire. Louis XVIII décide d'envoyer des colons prendre possession de ce territoire rétrocédé.

Le 17 juin 1816, une division de bateaux chargée d'acheminer les fonctionnaires et les militaires affectés au Sénégal, ainsi que des scientifiques et des colons (soit 392 personnes au total) quitte l’île d’Aix pour rallier Saint-Louis du Sénégal. La flotille est composée de la frégate La Méduse, navire amiral sous la direction du capitaine de frégate Hugues Duroy de Chaumareys, de la corvette l’Écho, du brick l’Argus et de la flûte la Loire. Parmi les passagers se trouvent notamment le colonel Schmaltz, nouveau gouverneur, sa femme, ainsi que le commis de première classe et futur explorateur Gaspard Théodore Mollien, à bord de La Méduse ; René Caillié à bord de la Loire[3]. De grandes quantités de matériel sont aussi embarquées.

Hugues Duroy de Chaumareys qui commande La Méduse est un noble royaliste qui n'a quasiment plus navigué depuis l'Ancien Régime. Il commence la traversée en distançant les autres navires[4], plus lents que le sien, et se retrouve ainsi isolé. N'écoutant pas les avis de ses officiers qui le détestent, il accorde toute confiance à un dénommé Richefort, un passager prétendant avoir déjà parcouru les parages. Il se trompe dans son estimation de la position du navire par rapport au banc d'Arguin, obstacle connu des navigateurs. Au lieu de le contourner en passant au large comme l'indiquent ses instructions, il rase les hauts-fonds, jusqu'à ce que l'inévitable se produise le 2 juillet.

« Plan du radeau de La Méduse, au moment de son abandon, 150 Français avaient été placés sur cette machine : 15 seulement furent sauvés treize jours après ».

La frégate s'échoue sur un banc de sable[5]. Plusieurs tentatives de renflouement échouent. L'équipage construit un radeau de vingt mètres sur sept, composé de pièces de bois, destiné à recevoir du matériel afin d'alléger le bateau. Après quelques jours, souffle une violente tempête qui secoue la frégate échouée, provoque plusieurs voies d'eau dans la carène et brise la quille. L'état-major du navire craint que le navire ne finisse par se désagréger. L'abandon est décidé. Une liste répartissant les personnes dans les canots de sauvetage est constituée en secret.

Le désordre est indescriptible. Plusieurs marins sont ivres morts en permanence, à l'instar du commandant Hugues Duroy de Chaumareys souvent aviné. Les officiers tentent de garder le contrôle de la situation, mais le commandant et les passagers de marque n'auraient pas brillé par leur exemple ce jour-là. Le 4 juillet, les six canots et chaloupes sont mises à l'eau ; sur le radeau s'entassent 152 marins et soldats avec quelques officiers, ainsi qu'une femme cantinière. Il est prévu que le radeau soit remorqué à terre par les chaloupes et tout le monde doit atteindre le Sénégal en longeant le littoral saharien. Dix-sept hommes restent sur l'épave de La Méduse espérant, sans doute, être secourus plus tard ; trois d'entre eux seulement seront retrouvés en vie, le 4 septembre suivant.

Très vite, les amarres ne relient plus (larguage volontaire, le radeau faisant dériver dangereusement la grosse chaloupe en surcharge ? Accident ?) les chaloupes à la masse considérable du radeau qui part à la dérive. Certaines chaloupes gagnent la côte, les hommes tentant leur chance dans le désert, accablés par la soif, la marche et l’hostilité des Bédouins. Ils arrivent après 15 jours d'errance récupérés par une caravane sous la houlette d'un officier déguisé en maure, mais il y eu plusieurs morts. D'autres chaloupes restent en mer et atteignent Saint-Louis en quatre jours, rejoignant l’Écho et l’Argus amarrés. Dans ces dernières se trouvent le commandant Chaumareys et le colonel Schmaltz.

Les marins et soldats du radeau, appelé rapidement la Machine, essaient de gagner la côte mais dérivent. L'équipée qui dure 13 jours fait de nombreuses victimes, et donna lieu à des noyades, bagarres et mutineries, tentatives de sabordage ainsi qu'à des faits de cannibalisme en raison du manque de vivres (la capture de poissons-volants étant insuffisante, certains rongent les cordes du radeau, mâchent leurs ceintures ou leurs chapeaux) comme d'eau potable. Le 17 juillet, le commandant Chaumareys envoie l'Argus non pas chercher les naufragés dont il estime qu'il ne reste aucun rescapé mas trois barils de 92 000 francs en pièces d'or et d'argent. Le brick, après avoir atteint Saint-Louis, retourne sur le lieu du naufrage et récupère seulement 15 rescapés, dont 5 mourront avant l'arrivée à Saint-Louis.

Retentissement

L'incompétence des officiers et les récits autour du radeau provoquèrent une certaine émotion dans l'opinion lorsque deux hommes de l'équipage, le chirurgien Savigny et l’ingénieur-géographe Corréard, les rapportent dans un livre. Suite à ce témoignage, un procès eut lieu en mars 1817, sous la Restauration, et Chaumareys fut reconnu responsable par le tribunal militaire de la Marine sur un vaisseau amiral mouillé en rade de Rochefort ; lui furent notamment reprochées son incompétence et sa lâcheté. Dégradé, privé de ses décorations et rayé des officiers de la Marine, il risquait la peine de mort mais fut finalement condamné à trois ans de prison.

Plus largement, le scandale et l'indignation qui suivirent le drame étaient aussi dirigés contre une marine archaïque aux mains des royalistes, qui avaient choisi d'ignorer les apports de l'Empire dans le domaine maritime. C’est la Restauration tout entière qui est mise en procès.

Postérité

Voir aussi

Liens externes

Documents publiés

  • Alexandre Corréard (ingénieur-géographe) et Jean-Baptiste Henri Savigny (chirurgien en second), Naufrage de la frégate La Méduse, faisant partie de l'expédition du Sénégal en 1816, Paris, 1817. Réédition : Jean de Bonnot, Paris, 1968. Disponible en ligne (5e édition, 1821) : [1], incluant :
    • 1re Relation (1817) ;
    • Jugement de Monsieur Hugues Duroy de Chaumareys ;
    • L. Brault, Ode sur le naufrage de la frégate « La Méduse ».
  • Monsieur D'Anglas de Pradel (lieutenant au bataillon du Sénégal, ex-Garde du corps du Roi), 2e Relation (1818).
  • Paul Charles Léonard Alexandre Rang Des Adrets dit Sander Rang (enseigne de vaisseau à bord de la frégate La Méduse), Notes destinées à la rédaction de la 3e Relation (paru la première fois en 1946).

Bibliographie

  • Érik Emptaz, La Malédiction de La Méduse, Grasset, 2005. Prix Encre marine, 2005.
  • Claude Cosneau, Mathurin Crucy, 1749-1826, architecte nantais néoclassique, catalogue de l'exposition, Musée Dobrée, Nantes, 1986.
  • Michel Hanniet, Le Naufrage de La Méduse, paroles de rescapés, Éditions Ancre de marine, 2006. Cet ouvrage de 495 pages constitue le récit le plus complet jamais publié. Il contient de nombreux inédits et corrige les inexactitudes et les préjugés racistes contenus dans la relation de Corréard. La bibliographie de Michel Hanniet recense 182 titres d'écrits et d'œuvres diverses ayant le naufrage de La Méduse pour sujet ou source d'inspiration.
  • Dorothée Koechlin de Bizemont, Écris Charlotte ! Journal d'une rescapé de La Méduse, Marines Éditions, 2010 (ISBN 978-2357430594) [présentation en ligne]

Références

  1. Yves Cossé, Les Frères Crucy, entrepreneurs de construction navale, Nantes, 1993, pages 194-198.
  2. Commune de Saint-Brevin-les-Pins.
  3. René Caillié, Voyage à Tombouctou, introduction.
  4. Le commandant du brick, Cornette de Vénancourt, qui revient au Sénégal en avril 1817 pour le compte de la Société coloniale philanthropique de Sénégambie, relate dans ses mémoires, éditées par la famille De Vénancourt (Bordeaux), les incompétences du commandant de La Méduse, celui-ci ne pouvant être en tête de la flottille. Le brick, plus rapide, file sur Saint-Louis d'où, ne voyant pas arriver la frégate, il repartira au bout de quelques jours pour lui porter secours.
  5. 19°54′N 19°24′W / 19.9, -19.4.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article La Méduse de Wikipédia en français (auteurs)

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