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Le Radeau de la Méduse
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Théodore Géricault, 1819491 × 716 cm Musée du Louvre, Paris Le Radeau de la Méduse est un tableau de Théodore Géricault actuellement conservé au musée du Louvre, à Paris.
Sommaire
Les faits historiques
En 1816, après Waterloo, Louis XVIII se réinstalle sur le trône de France. Le Sénégal vient d'être restitué à la France par les Britanniques ; le 17 juin une flottille appareille de l'île d'Aix avec la frégate La Méduse sous les ordres du commandant Hugues Duroy de Chaumareys, à son bord le futur gouverneur du Sénégal, le colonel Julien Schmaltz, accompagné de sa femme Reine Schmaltz, de leur fille, de scientifiques, de soldats et de colons. L'inexpérience, les états de services sous l'ancien régime du commandant créent un climat de suspicion et de haine. Les tensions entre Chaumareys et notamment les lieutenants Espiaux et Reynaud, mais aussi l'équipage, provoquent l'échouage de La Méduse sur le banc d'Arguin, à 160 km de la côte mauritanienne, les opérations de déséchouage se passent mal. Un radeau est chargé lourdement, la Méduse flotte à nouveau mais des avaries surviennent. L'évacuation est délicate :
- les 233 passagers privilégiés, dont Chaumareys, Schmaltz et sa famille, embarquent sur six canots et chaloupes, dix-sept marins restent à bord de La Méduse, trois survivront ;
- mais 149 marins et soldats doivent s'entasser sur le radeau long de 20 mètres et large de 7 mètres avec peu de vivres. Lorsque l'amarre avec les autres canots se brise ou est volontairement larguée, le commandant laisse les passagers du radeau livrés à leur sort. La situation se dégrade rapidement, dès la première nuit 20 hommes se sont suicidés ou ont été massacrés.
Après 12 jours, le radeau est repéré par le brick L'Argus, quinze rescapés restent à bord : pour leur survie ils ont pratiqué très vraisemblablement le cannibalisme, cinq mourront dans les jours qui suivent.
Le commandant de Chaumareys fut condamné à trois ans de prison.
Le tableau
Un décret spécial du 12 novembre 1824 autorisa l'État à acheter Le Radeau de la Méduse pour la somme de six mille cinq francs à Dedreux-Dorcy, l'ami le plus proche de Théodore Géricault. Le tableau fut peint de novembre 1818 à août 1819.
Analyse de la toile de Géricault
Sujet provocateur, il était considéré comme réaliste voire quasiment journalistique, mais en fait, il s'agit d'une œuvre romantique, ce tableau montre en effet la vie, la mort, l'espoir et le désespoir. C'est une composition classique, les corps sont disposés presque de façon sculpturale et cela représente aussi la société française qui va à la dérive politiquement.
L'œuvre est en fait au cœur de tensions sociales, politiques et artistiques auxquelles Géricault participe mais qu'il subit aussi ; ce tableau est une prise de position contre l'État monarchiste, qui a voulu étouffer l'affaire.
L'époque et le pays
- Pays : France
- Époque historique et mouvement artistique : XIXe siècle, naissance du romantisme (1815-1850)
Analyse stylistique du tableau
Structure du tableau
- « Architecture » du tableau : le tableau ne comporte aucune symétrie ; il présente beaucoup de désordre volontaire qui s’apparente au thème, et plusieurs lignes de force, dont une principale, deux plans (au premier plan, le radeau et au deuxième, le paysage), c'est une structure pyramidale sur une base instable (la mer).
- Le regard est entraîné par la ligne ascendante qui part du cadavre en bas à gauche, dont les jambes pendent en dehors du radeau, pour aboutir au marin dressé à droite et qui agite un linge en direction du navire salvateur. Le mouvement représenté est tout à fait logique, car il correspond à la réalité du fait divers historique : les quinze rescapés du radeau de La Méduse sont en effet récupérés par un navire, L’Argus. Le sens ascendant de la ligne marque une succession dans les sentiments qu’éprouvent les naufragés, du désespoir à l’espoir (même les nuages fort sombres, les couleurs et la lumière sur les cotés et au second plan renforcent cette idée de salut). Ce symbole est encore accentué par la gestuelle et les positions des individus du radeau. Le mouvement est également classique, car il correspond au regard occidental, et le système de lecture de gauche à droite.
- Au fur et à mesure de la conception de son tableau, Géricault a diminué progressivement la taille du bateau salvateur dans son tableau, pour n’en faire finalement qu’un tout petit point à peine suggéré, rendant le salut des hommes en détresse incertain. De plus, si l’on observe les voiles du radeau, on remarque qu’elles sont gonflées par un vent qui pousse ledit radeau vers la gauche, c'est-à-dire à l’opposé de L’Argus, dans le sens contraire de la lecture et, plus symboliquement, vers la mort. Ce « contre-mouvement » a aussi un effet inverse à celui décrit ci-dessus, et équilibre les forces en présence dans la scène.
- Caractéristiques de l'espace représenté : l’espace extérieur (en mer) fort proche, avec du relief mais peu de profondeur à cause de la place importante que prend le radeau dans le tableau, masquant ainsi la presque totalité du paysage marin du second plan.
- Perspective : pas de point de fuite car les deux autres bords du radeau sont masqués par les personnages qui s’y trouvent. Le cadrage est frontal, ou en plan rapproché.
- Type d'espace : espace «théâtral », composé (les personnages sont disposés de manière à former une courbe qui monte vers le coin supérieur droit du tableau, c’est la ligne de force)
- Réalisme : Géricault a, avant de peindre cette toile, mené une véritable enquête sur le naufrage de La Méduse, réunissant tous les éléments pour créer un tableau réaliste. Cependant il ne l'exécuta pas. En effet, le Noir au sommet de l'échafaudage présente un dos musclé, alors qu'après 12 jours de famine, les os deviennent saillants et les muscles fondent. De même, les cadavres ont une peau pâle quelque peu idéalisée, et ils ne présentent pas les marques violettes de la décomposition. Chaque personnage est bien coiffé et rasé de près. Quant à la réalité contextuelle, elle n'est pas représentée : le jour où les naufragés furent retrouvés, la mer était calme, le ciel dégagé. Cependant Géricault aurait eu du mal à insuffler cette tension et ce désespoir en figurant une mer belle et un ciel bleu, aussi a-t-il transformé la réalité, montrant une mer agitée et un ciel tourmenté et sombre. Le peintre ne cherche pas à peindre la réalité, il est en quête de monumentalité, il veut transformer son tableau de fait divers en un tableau d'Histoire, le genre le plus prestigieux au XIXe siècle.
- Mouvement ou immobilité : la toile représente un moment assez agité. En effet, la scène représentée, inspirée d’un fait divers de l’époque, se déroule en mer, le radeau étant ballotté par les flots violents, les naufragés criant à l’aide afin qu’un navire vienne les secourir, les uns pleurant la mort d’un proche, les autres agonisant. Le moment précis de l’épisode est proche du dénouement de la tragédie alors que les survivants aperçoivent L'Argus. Le tableau conte ainsi, par toutes ces expressions de peur, d’angoisse, d’agonie ou encore d’espoir que l’on peut lire sur les visages si réalistes des personnages, l’histoire autour de laquelle tourne la toile de Géricault.
Géricault a soigneusement préparé la réalisation du Radeau de la Méduse et il en espérait beaucoup au Salon de 1819. L’artiste demanda même au charpentier de la Méduse, qui comptait parmi les survivants, de reconstituer le radeau. Il fit également des croquis de cadavres, et envisagea même que trois des survivants qui avaient publié un récit de leur aventure (le charpentier, l’ingénieur Corréard et le médecin Savigny) servent de modèles afin d’être le plus réaliste possible.
Couleurs et luminosité
- Couleurs : La palette des couleurs utilisées dans Le Radeau de la Méduse, très réduite, va du beige au noir, en passant par le brun clair et le brun foncé. On obtient ainsi une atmosphère générale de tons chauds, avec des couleurs en bonne harmonie, mais dégageant une impression dramatique, de détresse. La couleur dominante du tableau est le beige, et les teintes sont généralement mates. Cependant, un élément se détache du tableau par sa couleur, il s’agit de l’étole rouge foncé que porte le vieillard qui tient un cadavre d’une main, en bas à gauche du tableau.
- Contour ou coloration ? Le romantisme est caractérisé par des contours moins nets, plus flous (qui annoncent l’Impressionnisme) ; dans Le Radeau de la Méduse, les contours sont en effet très flous, quasi-inexistants, et l’on pourrait croire qu’il s’agit d’une coloration, mais l’analyse est difficile si l’on n’a vraiment pas le tableau sous les yeux mais une reproduction.
- Technique de la pose des couleurs : Dans ce tableau, Géricault a préféré la technique du grattage, une méthode que l’on retrouve dans certains de ses papiers huilés.
- Luminosité : Le tableau, au premier abord, est plutôt sombre, mais contient une ligne plus claire (le ciel jaunâtre qui apparaît derrière le radeau) et le contraste entre les deux parties n’est pas très fort car les tons appartiennent à la même gamme de couleurs. Les ombres présentes dans le tableau ont pour source un soleil marin très lumineux diffusant une lumière très jaune, mais entièrement caché par la voile du radeau.
Analyse sémantique du tableau
Pour le contexte des faits historiques, voir la partie Les faits historiques.
Géricault commencera son tableau pendant les retentissements provoqués par les révélations des survivants. Pour fixer l'errance des damnés du radeau de La Méduse il a choisi un moment proche du dénouement de la tragédie alors que les survivants aperçoivent L'Argus. L’œuvre est en fait au cœur de tensions sociales, politiques et artistiques auxquelles Géricault participe mais qu’il subit aussi, il s'agit donc d'une prise de position contre l’État monarchiste, qui a voulu étouffer l'affaire.
Le naufrage de la Méduse peut être symboliquement vu comme l’image d’une époque, celle de l’Empire. On peut également y voir une représentation de l’entrée de l’actualité et du sensationnel dans la peinture.
Autre élément à noter, c'est un homme noir qui se tient à l'avant du radeau et fait signe au navire qui va sauver les naufragés. L'image est tout autant symbolique que politique.
L’artiste a réalisé ce tableau pour montrer ses talents, afin de se faire connaître du grand public, et c’est pourquoi il le présenta au Salon de 1819, où il fait sensation et manifeste l’émergence de la jeune école de peinture romantique.
C’est Eugène Delacroix qui a posé comme modèle pour le jeune homme au centre, dans le bas, le bras gauche sur une poutre. Plusieurs personnages du tableau portent des bandages enroulés autour des pieds. En effet, une étude du tableau aux rayons X a révélé que Géricault avait tenté de leur dessiner des pieds, en pure perte.
Œuvres portant le même nom
La bibliographie du livre de Michel Hanniet intitulé Le Naufrage de La Méduse (L'Ancre marine, 2006) recense les articles, livres, œuvres théâtrales, picturales, filmiques ou autres ayant pris pour titre Le Radeau de La Méduse, parmi lesquels les suivants.
- Le Radeau de la Méduse est le titre d'un film avec Jean Yanne et Claude Jade, réalisé par Iradj Azimi, sorti sur les écrans en 1998.
- Le groupe irlandais de folk rock The Pogues relate cet événement et la toile de Géricault dans la chanson The Wake Of The Medusa ("le sillage de la Méduse") sur l'album Hell's Ditch (1990), extrait : « They ran off with the money ... And left us with the rope » (ils prirent la fuite avec l'argent et nous laissèrent la corde).
- Speedy Graphito a présenté une exposition sur le thème du Radeau de la Méduse en 1987. Il a été édité la même année 600 exemplaires d'un ouvrage avec les principales toiles de l'exposition et un texte de Jean Seisser relatant l'histoire imaginaire d'un de ses ancêtres qui aurait fait partie des survivants du radeau de la Méduse.
- Le Radeau de la Méduse a également inspiré François Weyergans qui transpose le mythe dans notre société contemporaine. Le roman, mis à part le premier chapitre, s'écarte passablement du sujet tout en lui faisant des clins d’œil réguliers.
Bibliographie
- Alexandre Corréard et Henry Savigny, Le Naufrage de la frégate « La Méduse », faisant partie de l'expédition du Sénégal en 1816, l'ouvrage de référence ;
- Michel Hanniet, Le Naufrage de La Méduse, paroles de rescapés, éditions "ancre de marine" . Publié en Octobre 2006, cet ouvrage de 495 pages constitue le récit le plus complet jamais publié. Il contient de nombreux inédits et corrige les inexactitudes et les préjugés racistes contenus dans la trop célèbre relation « arrangée » par Corréard.
(La bibliographie du travail de recherche effectué par Michel Hanniet recense 182 titres d'écrits et d'œuvres diverses suscitées ayant le naufrage de La Méduse pour sujet ou source d'inspiration).
Clins d’œil
Le Radeau de la Méduse est un tableau très célèbre, et il a à son tour inspiré plusieurs autres artistes, parmi lesquels :
- Erró. Notamment, dans sa toile de 1992, Poupée du Radeau de la Méduse, conservée à Hafnarhus-Musée de Reykjavík.
- Hergé, sur la couverture de l’album des aventures de Tintin Coke en stock (dans l’album, l’allusion est encore plus explicite lorsque le capitaine Haddock tombe à l'eau et se retrouve avec une méduse sur la tête, puis Tintin qui demande au Capitaine s'il veut vraiment que ce soit le radeau de la Méduse[1]) ;
- Laurent Boutonnat, qui a réalisé le clip de Mylene Farmer Les mots en 2001 (les références sont flagrantes).
- René Goscinny et Albert Uderzo, dans l’album Astérix légionnaire : le radeau sur lequel finissent les pirates est une copie fidèle du Radeau de la Méduse ; l’allusion est expliquée par la bulle du chef des pirates ("Je suis médusé"). Cette allusion est mise en image par le réalisateur Alain Chabat dans le film Astérix et Cléopâtre (2002) lors du dernier naufrage des pirates.
- Georges Brassens, dont la célèbre chanson Les copains d'abord commence par ces mots : « Non ce n'était pas le radeau/De la Méduse ce bateau/Qu'on se le dise au fond des ports/Dise au fond des ports... »
- De cape et de crocs. Dans le huitième tome, il y a une copie du radeau de la Méduse reprenant les couleurs du tableau.
- Gérard Rancinan. Revisite le tableau en Radeau des illusions en 2008 - [1]
- L'album Trait de Génie de la série de bande dessinée Léonard, où Disciple reconstitue avec des amis la scène du Radeau de la Méduse pour inspirer un tableau à Léonard, qui rejette la proposition.
- Au début des années '90, le sculpteur John Connell, dans son "The Raft Project" crée avec l'artiste peintre Eugene Newmann, a recrée "Le Radeau de la Méduse" avec des sculptures en taille réelle réalisées avec du bois, du papier et du goudron, et placées sur un grand radeau de bois[2].
- L'album Le Naufragé du A dans la série des aventures de Philémon du dessinateur Fred, présente également une allusion à ce tableau.
- Le film La Plage, à la fin, lorsque les habitants de la plage doivent la quitter.
- Le film Musée haut, musée bas, dernière scène.
- La pochette de l'album The Divinity Of Oceans du groupe de « doom metal » allemand Ahab est représentée par ce tableau.
Voir aussi
Liens externes
- Analyse très détaillée du tableau, tant sur la composition que sur la signification
- Histoire du Sénégal : le naufrage de La Méduse et le tableau de Géricault
- Explication et histoire sur le radeau de la Méduse
- Analyse du fait historique
- Analyse par l'Observatoire international des crises
- L'Histoire du naufrage sur le site du Parc National du Banc d'Arguin, Mauritanie
Notes et références
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