- Prométhée (Q153)
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Le Prométhée est un sous-marin français de type 1 500 tonnes. Il a coulé au large du cap Lévi (Manche) le 7 juillet 1932, entraînant la mort de 62 de ses 69 hommes d'équipages.
Sommaire
Le Prométhée
Le Prométhée fait partie d'une série assez homogène de 31 sous-marins océaniques classe Le Redoutable, aussi dénommés 1 500 tonnes en raison de leur déplacement. Tous sont entrés en service entre 1931 (Le Redoutable) et 1937 (Casabianca).
Longs de 92,30 mètres et larges de 8,10, ils ont un tirant d'eau de 4,40 mètres et peuvent plonger jusqu'à 80 mètres. Ils déplacent en surface 1 572 tonnes et en plongée 2 082 tonnes. Propulsés en surface par deux moteurs diesel d'une puissance totale de 6 000 ch, leur vitesse maximum est de 18,6 nœuds. En plongée, la propulsion électrique de 2 250 ch leur permet d'atteindre 10 nœuds. Appelés aussi « sous-marins de grandes croisières », leur rayon d'action en surface est de 5 000 milles nautiques à 10 nœuds et en plongée de 100 milles nautiques à 5 nœuds.
Le Prométhée est mis en chantier le 10 janvier 1928 à l'arsenal de Cherbourg, sous le numéro de coque Q153, car il s'agit du 153e sous-marin construit par la Marine nationale. Le lancement a lieu le 23 octobre 1930, les travaux se poursuivant jusqu'à la date du naufrage. Un premier incident se déroule lors du lancement, lorsque le Prométhée sort de son axe et manque d'arracher la tribune officielle[1].
Le navire est commandé par le lieutenant de vaisseau Amaury Couespel du Mesnil, assisté du lieutenant de vaisseau Jacques de Fourcault et de l'enseigne de vaisseau André Bienvenue, ainsi que l'ingénieur mécanicien Louis Bouthier.
Le naufrage
Un an et demi après le lancement, le sous-marin est en achèvement et entame une série d'essais avant d'être recetté par la Marine nationale. Le Prométhée quitte le port de Cherbourg le jeudi 7 juillet 1932 vers 9 heures en direction du nord-est pour sa cinquième sortie. Les essais du jours consistent à étalonner les moteurs électriques et les deux moteurs diesel Schneider de propulsion en surface, développant 3 000 chevaux chacun. L'équipage est alors accompagné par seize ouvriers de l'arsenal et cinq ingénieurs et ouvriers venus du Creusot pour les essais moteurs. Ces essais sont conduits sous la responsabilité conjointe du commandant et de l'ingénieur du génie maritime Ambroise Aveline.
D'après le commandant, les tests sur les moteurs électriques, dont le rôle est d'assurer la propulsion en plongée, se sont achevés peu avant midi, le 7 juillet. Le Prométhée est à l'arrêt à près de sept milles nautiques du cap Lévi, au large de la commune de Fermanville. Le commandant ordonne alors de lancer les essais des diesels ; il entend des bruits d'air comprimé qu'il interprète comme des ratés dans le démarrage des moteurs. Quelques secondes après, il entend de l'agitation sur le pont du sous-marin et monte sur le kiosque, pensant qu'un marin ait pu tomber à la mer. Au cours de sa montée, il entend nettement les purges des ballasts s'ouvrir sans qu'il aperçoive quelqu'un au poste de commande électrique. Lorsqu'il sort, il constate que son navire s'enfonce rapidement par l'arrière. L'enseigne Bienvenue ordonne immédiatement la fermeture des panneaux de pont qui permettent la communication entre l'intérieur et l'extérieur du sous-marin. À la suite de l'ordre de Couespel du Mesnil, les bouées et les caillebotis sont largués. Le sous-marin s'enfonce de plus en plus vite ; l'eau atteint la passerelle et le commandant est précipité à l'eau avec la quinzaine de personnes sur le pont à cet instant. Le sous-marin disparaît avec un angle maximal que Couespel du Mesnil estime à environ 80° par rapport à l'horizon : le Prométhée est en train de sombrer à la verticale. L'ensemble des événements n'a pas duré plus d'une minute[2].
Sept marins seulement – parmi lesquels le lieutenant Couespel du Mesnil et l'enseigne Bienvenue – ont survécu jusqu'à l'arrivée du pêcheur cherbourgeois Yves Nicole à bord de sa barque, l'Yvette II[3].
62 personnes disparaissent avec le sous-marin. Le programme des essais de la propulsion en surface ne prévoyant pas d'effectuer de plongée, le Prométhée n'était donc pas équipé pour ce type de manœuvre dont la première devait avoir lieu le 20 juillet[4]. Les autorités militaires et civiles de Cherbourg ont dû rapidement se rendre à l'évidence de la perte de l'équipage en quelques heures.
Les tentatives de sauvetage et de renflouement
L'annonce du naufrage est connue à Cherbourg au retour de l'Yvette II dans le milieu de l'après-midi. Immédiatement, plusieurs navires présents à Cherbourg se rendent sur place, aidés par des hydravions de la Marine nationale, pour tenter de sauver l'équipage. Très rapidement, des moyens internationaux sont coordonnés. On fait notamment appel à deux navires de sauvetage de la Société italienne de récupération maritime (SORIMA), l'Artiglio et le Rostro qui se sont rendus célèbres dans les années 1920 en intervenant sur de nombreux naufrages. Respectivement basés au Havre et à Brest, les deux navires arrivent à Cherbourg au matin du 9 juillet. Un scaphandre rigide est expédié par train depuis la base navale de Toulon[5].
Le 8 juillet, l'aviso Ailette repère la bouée téléphonique du Prométhée sans qu'il soit possible de savoir si elle a été déclenchée automatiquement ou délibérément par l'équipage prisonnier. Plusieurs tentatives ont lieu pour entrer en contact avec l'équipage. Deux séries d'appels téléphoniques sont passées le 8 et le 9 juillet par le biais de la bouée du Prométhée mais ceux-ci restent vains[6]. Le sous-marin Eurydice et le contre-torpilleur polonais Ernest Cox, qui a supervisé le renflouement de la flotte allemande sabordée à Scapa Flow – afin d'étudier la possibilité de renflouer le Prométhée pour les besoins de l'enquête et rendre les corps aux familles. Tous concluent rapidement à l'impossibilité de l'entreprise : la profondeur et surtout la force des courants de la région rendraient toute tentative longue, difficile, très coûteuse mais surtout dangereuse compte-tenu des moyens techniques de l'époque et l'idée du renflouement est officiellement abandonnée le 14 juillet[8].
Les causes du naufrage
Dès le soir du 8 juillet, le préfet maritime de Cherbourg, le vice-amiral Le Dô, nomme une commission d'enquête afin d'élucider les raisons pour lesquelles le sous-marin a plongé si brusquement sans qu'un tel ordre n'ait été donné. Mais en l'absence de preuves matérielles, la commission n'a pu établir son travail que d'après l'audition des survivants, au premier rang desquels figure le commandant du Prométhée, le lieutenant de vaisseau Couespel du Mesnil[9], ainsi que par des essais menés en bassin sur le sous-marin Archimède, identique au Prométhée[4].
Dans un souci constant d'efficacité, les ingénieurs ont beaucoup travaillé pour rendre la plongée des sous-marins la plus rapide possible. Les 1 500 tonnes pouvaient plonger en un peu plus de trente secondes. Le Prométhée était encore en phase d'essais et c'était l'une de ses premières sorties à la mer. Comme le commandant n'a vu personne au poste de commande et que l'accident s'est produit alors qu'on venait d'ordonner la mise en route des moteurs diesel, la commission a conclu le 13 juillet à une ouverture « inopinée, rapide et générale des purges » qui permettent de remplir les ballasts d'eau, ce qui a pour effet d'alourdir le sous-marin et de le faire plonger. Cette ouverture inopinée pourrait être due à une erreur de branchement dans les systèmes oléo-pneumatiques des vannes de sectionnement[9]. Ce dysfonctionnement était connu avant le naufrage du Prométhée : un incident similaire s'était produit sans gravité sur Le Redoutable en 1929 et le commandant du Vengeur avait adressé un procès-verbal sur le sujet en novembre 1929, confortée par le témoignage du commandant du Surcouf en 1930. Mais aucune instruction officielle n'a été donnée aux commandants de sous-marins[2]. À la suite du naufrage, les vannes de sectionnement incriminées ont toutes été modifiées sur les sous-marins français[10].
Les scaphandriers ont fait le tour des panneaux de pont et ont remarqué que tous ceux qu'ils avaient pu observer étaient fermés. Cependant, ils n'ont pas pu atteindre la passerelle pour en vérifier la bonne fermeture de ses panneaux. La forte inclinaison du Prométhée au moment de sa disparition peut laisser supposer qu'un panneau de la passerelle soit resté ouvert, laissant ainsi l'eau s'engouffrer dans le sous-marin, l'alourdissant jusqu'à l'entraîner par le fond[11].
Le lieutenant de vaisseau Amaury Couespel du Mesnil est traduit devant le conseil de guerre le 3 novembre 1932, afin de répondre de la perte de son navire[2]. Il est acquitté à l'unanimité le lendemain[12].
Réactions et hommages
Le naufrage du Prométhée a produit une très vive émotion en France et en Europe[1]. Les cérémonies du 14 juillet sont annulées dans de nombreuses communes, à commencer par Cherbourg[5]. Une cérémonie d'hommages nationale a lieu le 30 juillet à Cherbourg et sur le lieu du naufrage, en présence du président du Conseil Édouard Herriot et du ministre de la Marine Georges Leygues. Des fonds venus de toute la France ont permis l'érection d'un monument en forme de croix à la mémoire des disparus sur la pointe de Fréval, à Fermanville, le point de terre le plus proche du lieu du naufrage.
Une rue porte le nom du sous-marin Prométhée à Dunkerque, en l'honneur des 19 marins disparus originaires de la ville[13].
Notes et références
- « Un drame survenu pendant les essais du sous-marin », dans La Presse de la Manche, 27 décembre 2006
- « Le procès du Prométhée devant le Conseil de Guerre », dans L'Ouest-Éclair, 4 novembre 1932, p. 1-4 [texte intégral (page consultée le 22 novembre 2011)]
- « Le sous-marin Prométhée qui effectuait ses essais coule au large de Cherbourg », dans L'Ouest-Éclair, 8 juillet 1932, p. 1 [texte intégral (page consultée le 21 novembre 2011)]
- « Une déclaration du commandant Couespel du Mesnil sur les causes de la catastrophe », dans L'Ouest-Éclair, 11 juillet 1932, p. 1 [texte intégral (page consultée le 22 novembre 2011)]
- « Plus d'espoir de sauver les malheureux enfermés dans les flancs du sous-marins », dans L'Ouest-Éclair, 10 juillet 1932, p. 1 [texte intégral (page consultée le 17 novembre 2011)]
- « La catastrophe du Prométhée », dans L'Ouest-Éclair, 9 juillet 1932, p. 1 [texte intégral (page consultée le 17 novembre 2011)]
- « Plus d'espoir de sauver les malheureux enfermés dans les flancs du sous-marins », dans L'Ouest-Éclair, 10 juillet 1932, p. 2 [texte intégral (page consultée le 17 novembre 2011)]
- « Le Prométhée ne sera pas renfloué », dans L'Ouest-Éclair, 15 juillet 1932, p. 1 [texte intégral (page consultée le 22 novembre 2011)]
- « Les causes de la catastrophe du Prométhée », dans L'Ouest-Éclair, 14 juillet 1932, p. 1 [texte intégral (page consultée le 21 novembre 2011)]
- « La leçon du Prométhée », dans L'Ouest-Éclair, 8 novembre 1932, p. 1 [texte intégral (page consultée le 22 novembre 2011)]
- « La position des panneaux de la passerelle n'a pu être vérifiée », dans L'Ouest-Éclair, 14 juillet 1932, p. 2 [texte intégral (page consultée le 21 novembre 2011)]
- « Le Conseil de Guerre a acquitté à l'unanimité le commandant du Prométhée », dans L'Ouest-Éclair, 5 novembre 1932, p. 1 [texte intégral (page consultée le 22 novembre 2011)]
- Prométhée - Une rue de Dunkerque baptisée au nom du Sous-Marin qui coula le 7 juillet 1932 » sur sous-mama.org, 1er juillet 2004. Consulté le 17 novembre 2011 Jean-Luc Delaeter, «
Bibliographie
- Claude Huan, Les Sous-marins français 1918-1945, Rennes, Marines Éditions, 2004, 240 p. (ISBN 978-2915379075)
- Henri Le Masson, Les Sous-marins français des origines (1863) à nos jours, Brest, Éditions de la Cité, 1981, 320 p. (ISBN 978-2851860200)
Voir aussi
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