Commune de Paris (1871)

Commune de Paris (1871)
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Affiche du Comité de Salut public de la Commune de Paris.
Guerre civile, lithographie d'Édouard Manet, 1871.

La Commune de Paris est une période insurrectionnelle de l'histoire de Paris qui dura deux mois, du 18 mars au 28 mai 1871 (pour s'achever par la « Semaine sanglante » du 21 au 28 mai). Cette insurrection contre le gouvernement issu de l'Assemblée nationale, qui venait d'être élue au suffrage universel masculin, établit pour la ville une organisation proche de l'autogestion. Elle fut une réaction à la défaite française lors de la guerre franco-prussienne de 1870.

Sommaire

À l'origine de la Commune

De 1804 à 1871, la France a vécu principalement sous des régimes monarchiques plus ou moins autoritaires : Premier Empire, Restauration, Monarchie de Juillet, Second Empire. Le régime républicain et la démocratie n'ont fonctionné que très peu d'années.

La Commune de Paris trouve sa source dans un élan républicain se référant à la Première République et au gouvernement révolutionnaire de la Commune de 1792, ainsi qu'à l'insurrection populaire de juin 1848, sous la Deuxième République, qui a été réprimée de façon sanglante par le gouvernement issu de la Révolution de février 1848. C'est d'ailleurs depuis cette période que le drapeau rouge rallie insurrectionnalistes et barricadiers, parce qu'il symbolise le sang du peuple ouvrier face à un drapeau tricolore devenu synonyme de la répression bourgeoise[1].

La défaite de 1870 et ses conséquences

En juillet 1870, Napoléon III entreprend contre la Prusse une guerre mal préparée, qui le conduit rapidement à la défaite. Le 4 septembre 1870, à la suite d'une journée d'émeute parisienne, l'Empire est renversé. Un gouvernement de défense nationale s'installe à l'hôtel de ville de Paris pour poursuivre la guerre contre les États allemands, dont les troupes occupent le nord du pays. Paris est assiégé et connaît une grave famine au cours de l'hiver 1870-1871. Les Français, humiliés, apprennent que l'Empire allemand a été proclamé dans la galerie des Glaces du château de Versailles le 18 janvier 1871.

Jules Favre signe avec le chancelier allemand Bismarck un armistice qui prévoit, outre l'arrêt des hostilités pour une période de quinze jours renouvelables, la convocation d'une assemblée nationale chargée de décider de la poursuite de la guerre ou de la conclusion de la paix.

Les évènements font monter la tension à Paris au sein du petit peuple où se retrouve « ce qui a produit la sans-culotterie en 1792-1794 : ébénistes, tanneurs, cordonniers, tailleurs, maçons, charpentiers... »[2].

Les élections du 8 février, organisées dans la précipitation pour ratifier au plus vite l'armistice, envoient une forte proportion de monarchistes, candidats des listes « pour la paix », à l'Assemblée nationale. La plus grande partie des élus de Paris sont des républicains des listes « pour la guerre », souvent extrémistes. En effet, le peuple parisien pense s'être correctement défendu et ne se considère pas comme vaincu. Il existe un fossé grandissant, confinant parfois à l'exaspération, entre les provinces et la capitale.

La guerre de 1870 a profondément marqué la ville qui a subi un siège très dur et dont la population a souffert de la faim. L'armistice de janvier 1871 paraît insupportable aux Parisiens qui ont résisté à l'ennemi pendant près de quatre mois. « Les insurgés vibraient d'un patriotisme de gauche que la honte de la défaite exaspérait[3]. »

L'attitude du gouvernement n'est pas conciliante, notamment lorsqu'il nomme trois bonapartistes aux postes de préfet de police (Marie-Edmond Valentin), de chef de la Garde nationale (le général d'Aurelle de Paladines) et de gouverneur (le général Vinoy), nominations vécues comme une provocation par les Parisiens. Le 9 mars 1871, le préfet de police interdit les principaux journaux d'extrême gauche, dont Le Cri du peuple de Jules Vallès.

L'attitude de l'Assemblée, royaliste et pacifiste, qualifiée d'« assemblée de ruraux » par les Parisiens, contribue à l'exacerbation des tensions. Le 10 mars 1871, elle transfère son siège de Paris à Versailles parce qu'elle voit dans Paris « le chef-lieu de la révolution organisée, la capitale de l'idée révolutionnaire »[4]. Par une loi du même jour, elle met fin au moratoire sur les effets de commerce, acculant à la faillite des milliers d'artisans et de commerçants, et supprime la solde d'un franc cinquante par jour payée aux gardes nationaux.

Le contexte social parisien

À Paris, la mixité sociale dans les quartiers, de règle depuis le Moyen Âge, a presque disparu avec les transformations urbanistiques du Second Empire. Les quartiers de l'ouest (7e, 8e, 16e et 17e arrondissements) concentrent les plus riches des Parisiens (avec leur domesticité). Les quartiers centraux conservent encore des personnes aisées. Mais les classes populaires ont été regroupées à l'est (10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e et 20e arrondissements). Les ouvriers sont très nombreux : 442 000 sur 1,8 million d'habitants, selon le recensement de 1866 ; ainsi que les artisans (près de 70 000, la plupart travaillant seuls ou avec un unique ouvrier) et les très petits commerçants dont la situation sociale est assez proche de celle des ouvriers. Ces classes populaires ont commencé à s'organiser.

Le droit de grève, accordé en 1864, a été très utilisé dans les dernières années du Second Empire. À l'occasion des élections législatives de février 1864, des ouvriers publient le manifeste des Soixante, qui réclame la liberté du travail, l'accès au crédit et la solidarité. Depuis septembre 1864, il existe une Internationale ouvrière qui a des représentants à Paris (en 1868, le gouvernement impérial dissout sa section française dont les membres ont participé à des manifestations républicaines).

La loi sur la liberté de la presse de 1868 permet l'émergence publique de revendications économiques anti-capitalistes : la « nationalisation » des banques, des assurances, des mines, des chemins de fer (programme de Malon et Varlin pour les élections législatives de 1869)... Les blanquistes, qui prônent l'insurrection, se manifestent de plus en plus.

Les classes populaires parisiennes craignent de se voir une nouvelle fois frustrées des bénéfices de « leur » révolution de septembre 1870 (renversement du Second Empire). Déjà, après les journées révolutionnaires parisiennes de juillet 1830 comme après celles de février 1848, suivies des élections de mai 1848, les classes aisées avaient confisqué le pouvoir politique à leur profit en installant la monarchie de Juillet et le Second Empire. En 1871, les Parisiens sont méfiants envers l'assemblée élue en février, où les deux tiers des députés sont des monarchistes de diverses tendances ou des bonapartistes.

Comme l'écrit Jean-Jacques Chevalier, « la Commune était l'expression, chez ses meneurs, d'un républicanisme ultra rouge, antireligieux, jacobin, prolétarien, fouetté par la haine pour cette assemblée monarchiste[3]. »

Certains historiens voient encore d'autres facteurs dans son déclenchement, notamment Jacques Rougerie qui souligne le rôle de la révolution hausmannienne et interprète la Commune comme « une tentative de réappropriation populaire de l'espace urbain[5]. »

Le déclenchement

Adolphe Thiers avait commandé la construction des fortifications qui entouraient Paris alors qu'il était ministre de Louis-Philippe. Il avait conçu cette enceinte pour défendre la ville contre des ennemis, mais avait aussi déjà calculé à l'époque que, pour mettre un terme aux insurrections populaires, il suffisait d'enfermer les insurgés dans la ville, puis de les réprimer. Durant la Révolution de 1848, Thiers avait vainement proposé ce plan au roi Louis-Philippe pour briser la révolution parisienne.

Le 17 mars 1871, Thiers et son gouvernement, évaluant mal l'état d'esprit des Parisiens, envoient au cours de la nuit la troupe sous le commandement du général Vinoy s'emparer des canons de la butte Montmartre. Ce même jour, Thiers organise l'arrestation de Blanqui[6] qui se reposait chez un ami médecin à Bretenoux (Lot). De là, il le fait transférer en Bretagne, sous surveillance militaire, avec ordre de tirer en cas d'évasion.

Quand le gouvernement décide de désarmer les Parisiens, ceux-ci se sentent directement menacés. Il s'agit de leur soustraire les 227 canons entreposés à Belleville et à Montmartre. Les Parisiens considèrent comme leur propriété ces canons qu'ils ont eux-mêmes payés par souscription lors de la guerre contre la Prusse. Ils se voient sans défense vis-à-vis d'éventuelles attaques des troupes gouvernementales (comme en juin 1848). Cependant ils disposent de près de 500 000 fusils.

Les canons du 18 mars.

L'expérience de la Commune

Mise en place

Soulèvement du 18 mars

Article détaillé : Soulèvement du 18 mars 1871.

A Montmartre, Belleville, Ménilmontant, l'armée réussit sans difficulté à reprendre les canons. Cependant il faut les transporter et les chevaux manquent. Une note du 16 mars 1871 du 3e bureau au ministre de la Guerre a pressé la réaffectation des 1 800 chevaux disponibles. Ce 18 mars, donc, l'armée attend les chevaux. On tente même de descendre les canons à bras d'hommes. À Montmartre, au matin, le peuple parisien s'éveille et s'oppose à la troupe venue chercher les canons. Puis, rapidement, celle-ci fraternise avec lui. Un peu partout dans Paris, la population s'en prend aux représentants supposés du gouvernement, élève des barricades et fraternise avec la troupe. Deux généraux, Lecomte et Clément-Thomas, responsables de massacres en juin 1848, sont fusillés rue des Rosiers[7] malgré les ordres contraires du Comité de vigilance de Montmartre[8] et l'intervention du maire du 18e arrondissement, Clemenceau. C'est le début de l'insurrection.

Thiers gagne Versailles. Des Parisiens (100 000 selon Thiers lui-même[réf. nécessaire]), surtout habitants des quartiers chics de l'ouest parisien ou fonctionnaires, l'y suivent. Il semble qu'au cours des semaines suivantes, une bonne moitié de la population parisienne ait quitté la capitale.[réf. nécessaire]

Élection du Conseil de la Commune

Le 25 mars, un jour avant les élections le Comité Central de la Garde Nationale lance auprès des parisiens un appel à la vigilance et à la réflexion avant d’élire leurs représentants. Les élections sont organisées le 26 mars pour désigner les 92 membres du Conseil de la Commune. Compte tenu des départs de Parisiens, avant et après le siège de Paris par les Prussiens, et de ceux qui suivent Thiers à Versailles, les abstentions sont d'environ vingt-cinq pour cent, taux normal pour l'époque[réf. nécessaire]. L'élection d'une vingtaine de candidats « modérés », représentant les classes aisées, montre que le scrutin fut relativement libre. Les arrondissements de l'est et du nord (18e, 19e, 20e, 10e, 11e), le 12e et le 13e dans le sud ont voté massivement pour les candidats fédérés. Les 1er, 2e, 3e, 9e et 16e ont quant à eux voté massivement pour les candidats présentés par les maires du Parti de l'Ordre (environ 40 000 voix) et les abstentions y ont été très importantes. En réalité, 70 élus seulement siègeront, du fait de la démission rapide de modérés, de l'impossibilité d'être à Paris pour certains (par exemple Blanqui) et des doubles élections. Le Conseil est représentatif des classes populaires et de la petite bourgeoisie parisiennes. On y trouve 25 ouvriers, 12 artisans, 4 employés, 6 commerçants, 3 avocats, 3 médecins, 1 pharmacien, 1 vétérinaire, 1 ingénieur, 1 architecte, 2 artistes peintres, 12 journalistes.

Toutes les tendances politiques républicaines et socialistes sont représentées, jusqu'aux anarchistes. Parmi la vingtaine de « jacobins », admirateurs de la Révolution de 1789 et plutôt centralisateurs, on trouve Charles Delescluze, Félix Pyat, Charles Ferdinand Gambon ou Paschal Grousset. À peine plus nombreux sont les « radicaux », partisans de l'autonomie municipale et d'une république démocratique et sociale, tels Arthur Arnould, Charles Amouroux, Victor Clément et Jules Bergeret. On compte une dizaine de « blanquistes », adeptes de l'insurrection et avant-gardistes, comme Jean-Baptiste Chardon, Émile Eudes, Théophile Ferré, Raoul Rigault ou Gabriel Ranvier. Quelques « proudhoniens », partisans de réformes sociales, siègent : Léo Fränkel, Benoît Malon, Eugène Varlin... Enfin, des « indépendants » ont été élus, tels Jules Vallès et Gustave Courbet.

Rapidement, le Conseil de la Commune se divise en « majorité » et « minorité » :

  • les majoritaires sont les jacobins, les blanquistes et les indépendants ; pour eux, le politique l'emporte sur le social ; se voulant les continuateurs de l'action des « montagnards » de 1793, ils ne sont pas hostiles aux mesures centralisatrices, voire autoritaires ; ils voteront cependant toutes les mesures sociales de la Commune ;
  • les minoritaires sont les radicaux et les « internationalistes » proudhoniens ; ils s'attachent à promouvoir des mesures sociales et anti-autoritaires ; ils sont les partisans de la République sociale.

Ces tendances se cristallisent le 28 avril à propos de la création d'un Comité de Salut public, organisme que les minoritaires refusent comme contraire à l'aspiration démocratique et autonomiste de la Commune. Les majoritaires en imposent la création le 1er mai par 45 voix contre 23. Toutefois ces luttes d'influence restent incomprises d'une grande partie des Parisiens et les deux tendances feront combat commun dès l'entrée des troupes versaillaises dans Paris.

Vie politique

À côté des personnalités élues, les classes populaires de Paris manifestent une extraordinaire effervescence politique. Les élections à répétition, le 26 mars pour le Conseil de la Commune et le 16 avril pour des élections complémentaires, maintiennent la tension politique. Les cérémonies officielles permettent aussi les rassemblements : l'installation du Conseil de la Commune à l'hôtel de ville le 28 mars, les obsèques du socialiste Pierre Leroux à la mi-avril, la destruction de l'hôtel particulier de Thiers, la démolition de la colonne Vendôme le 16 mai.

Surtout, la population peut se retrouver dans de nombreux clubs pour y discuter de la situation, proposer des solutions voire faire pression sur les élus ou aider l'administration communale. Réunis dans les lieux les plus divers, ils permettent à des orateurs réguliers ou occasionnels de faire entendre les aspirations de la population et de débattre de la mise sur pied d'un nouvel ordre social favorable aux classes populaires (comme au Club de la Révolution, animé par Louise Michel). Si ces clubs sont nombreux dans les quartiers centraux (1er, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e arrondissements), les quartiers chics de l'ouest parisien (7e, 8e et 16e) n'en comptent aucun. Les clubs se fédèrent le 7 mai afin d'avoir des contacts plus efficaces avec le Conseil de la Commune.

S'ajoutant aux titres déjà existants, plus de soixante-dix journaux sont créés pendant les soixante-dix jours de la Commune. Mais la liberté de la presse est restreinte dès le 18 avril et, le 18 mai, le Comité de Salut public interdit les publications favorables au gouvernement Thiers. Parmi les journaux les plus influents figurent Le Cri du peuple de Jules Vallès, Le Mot d'ordre d'Henri Rochefort, L'Affranchi de Paschal Grousset, Le Père Duchêne d'Eugène Vermersch, La Sociale avec la féministe André Léo et Le Vengeur de Félix Pyat.

Réalisations

« La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de la force brute et de la fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l'un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète : La colonne de la place Vendôme sera démolie[9]. »

— Placard de la Commune de Paris

Dès le 29 mars, le Conseil de la Commune forme en son sein dix commissions : exécutive, militaire, subsistances, finances, justice, sûreté générale, travail, industrie et échanges, services publics et enseignement. Le 21 avril le Conseil décide de nommer un membre de la commission exécutive « délégué » auprès de chacune des neuf autres commissions pour en diriger les travaux. Gustave Cluseret devient délégué à la Guerre (remplacé le 1er mai par Louis Rossel, lui-même remplacé le 10 mai par Charles Delescluze) ; Auguste Viard est délégué aux Subsistances ; Édouard Vaillant à l'Enseignement ; Raoul Rigault à la Sûreté générale (où il sera remplacé le 24 avril par Frédéric Cournet, puis le 13 mai par Théophile Ferré) ; Léo Fränkel est nommé au Travail, à l'Industrie et aux Échanges ; Jules Andrieu aux Travaux publics. Le Comité de Salut public, créé le 28 avril, dont les attributions n'ont pas été précisées, vient empiéter sur celles des commissions et crée une certaine confusion (qui aboutit le 10 mai à la démission de Louis Rossel).

La Commune administre Paris jusqu'au 20 mai. Des nombreuses mesures prises et appliquées pendant les 70 journées d'une activité législatrice considérable, la plupart seront abolies après sa destruction. Certaines ne seront reprises par la République que plusieurs décennies plus tard.

Mesures d'urgence

Le Conseil de la Commune commence par régler les questions qui sont à l'origine du soulèvement du 18 mars : le 29 mars, un décret remet les loyers non payés d'octobre 1870 à avril 1871, la vente des objets déposés au Mont-de-Piété est suspendue ; le 12 avril, les poursuites concernant les échéances non payées sont suspendues ; le 16 avril, un délai de trois ans est accordé pour le réglement des dettes et des échéances ; le 6 mai, le dégagement gratuit des dépôts de moins de 20 francs au Mont-de-Piété est permis (décret du 6 mai 1871, J.O. du 7 mai).

La solidarité est également organisée : une pension est versée aux blessés ainsi qu'aux veuves (600 francs) et aux orphelins (365 francs) des gardes nationaux tués au combat (8 et 10 avril) ; le 25 avril, un décret réquisitionne les logements vacants au profit des sinistrés des bombardements allemands et versaillais ; des orphelinats sont créés avec l'aide en fourniture des familles parisiennes.

La question du ravitaillement est devenue moins cruciale que pendant le siège hivernal de Paris par les Prussiens : à l'exception du pain qui est taxé, les aliments se trouvent en suffisance grâce aux stocks accumulés après le siège et aux arrivages des terres agricoles et des jardins situés entre les fortifications et les lignes allemandes. Mais par circulaire du 21 avril, le gouvernement Thiers impose le blocus ferroviaire de la capitale. Le 22 avril, des ventes publiques de pommes de terre et des boucheries municipales sont créées pour soulager le budget des familles (dont les dépenses alimentaires constituent à l'époque l'essentiel). Cantines municipales et distributions de repas (à l'exemple des « marmites de Varlin ») fonctionnent, des bons de pain sont distribués.

Chute de la colonne Vendôme
(photographie d'Eugène Disderi).

La Commune prend aussi quelques mesures symboliques : le drapeau rouge est adopté le 28 mars et le calendrier républicain (an 79 de la République) remis en vigueur. La destruction de la colonne Vendôme, considérée comme le symbole du despotisme impérial, est décrétée le 12 avril et réalisée le 16 mai. Sont aussi décidées la confiscation des biens de Thiers et la destruction de son hôtel particulier à Paris (Thiers se fera rembourser plus d'un million de francs).

Démocratie et citoyenneté

L'appel du 22 mars énonce que « les membres de l'assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l'opinion, sont révocables, comptables et responsables » et que leur mandat est impératif. C'est la consécration du gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple : une démocratie directe reposant sur une citoyenneté active, renouant avec l'esprit de la constitution de 1793 qui fait du droit à l'insurrection « le plus sacré des droits et le plus imprescriptible des devoirs ».[réf. nécessaire]

La Commune de Paris ouvre la citoyenneté aux étrangers : « Considérant que le drapeau de la commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent...[10] ».

Travail et démocratie sociale

Le Conseil de la Commune, issu d'un mouvement populaire, se préoccupe d'améliorer la condition des prolétaires. La Commune entend réaliser l'aspiration du mouvement ouvrier français du XIXe siècle : « l'émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes » (La Sociale[réf. nécessaire]).

Le 16 avril, un décret réquisitionne les ateliers abandonnés par leurs propriétaires (assimilés à des déserteurs) ; il prévoit de les remettre à des coopératives ouvrières après indemnisation du propriétaire. Deux ateliers fonctionnent ainsi pour la fabrication d'armes ; la journée de travail y est de 10 heures et l'encadrement est élu par les salariés. Le 20 avril, les bureaux de placement de la main d'œuvre, entreprises privées très florissantes sous l'Empire, monopoles agissant bien souvent comme des « négriers », sont supprimés et remplacés par des bureaux municipaux. Le même jour, le travail de nuit dans les boulangeries est interdit, mais il faut lutter contre le travail clandestin par des saisies de marchandises et l'affichage de la sanction dans les boutiques. Pour contrer une pratique très répandue, la Commune interdit les amendes et retenues sur salaires, dans les administrations publiques comme dans les entreprises privées (28 avril). Pour lutter contre le sous-salariat dans les appels d'offres concernant les marchés publics, un cahier des charges avec indication du salaire minimum est créé.

La Commune annonce les prémices de l'autogestion.[réf. nécessaire] Dans les entreprises, un conseil de direction est élu tous les 15 jours par l'atelier et un ouvrier est chargé de transmettre les réclamations.

Femmes défendant la barricade de la place Blanche (lithographie).

Vers l'émancipation des femmes

Article connexe : Féminisme en France.

Pendant la Commune, sous l'impulsion d'Élisabeth Dmitrieff, jeune aristocrate russe, et de Nathalie Lemel, ouvrière relieuse, se crée l'un des premiers mouvements féminins de masse, l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. L'Union réclame le droit au travail et l'égalité des salaires (un commencement d'application est mis en place pour les institutrices), elle participe au recensement des ateliers abandonnés par leurs patrons (les francs fileurs) réfugiés à Versailles et organise des ateliers autogérés. La Commune reconnaît l'union libre (elle verse une pension aux veuves de fédérés mariées ou non, ainsi qu'à leurs enfants légitimes ou naturels). Des femmes mettent en application le décret de séparation des Églises et de l'État dans les écoles et les hôpitaux, se battent, comme Louise Michel et d'autres, sous l'habit des « fédérés » et défendent Paris contre les « versaillais » sur les barricades (elles sont une centaine, place Blanche, avec Nathalie Lemel). Sur le chemin de l'émancipation des femmes, la Commune a marqué une étape importante[11].

Presse

Thiers chargeant les communards (couverture du Fils du père Duchêne Illustré).

La liberté de la presse est réaffirmée le 19 mars par le Comité central de la Garde nationale et les journaux anticommunards continuent donc de paraître à Paris. Ils se livrent à des attaques violentes contre le soulèvement et relaient les mots d'ordre politiques de Thiers. Aussi, dès le 5 avril, Le Journal des Débats et La Liberté, jugés proversaillais, sont interdits. Le 12, Le Moniteur universel connaît le même sort. La presse proversaillaise continuant ses attaques, le 9 avril, la Commission de Sûreté générale rappelle que la « déclaration préalable » reste en vigueur. Dès le 18 avril, la Commune menace d'interdiction les journaux « favorables aux intérêts de l'armée ennemie » qui continuent tout de même de paraître. C'est surtout en mai que la lutte contre la presse proversaillaise prend de la vigueur : le 5 mai, 7 journaux sont supprimés, le 11 ce sont 5 autres journaux et le 18 mai, 9 autres. Néanmoins, les publications interdites peuvent reparaître quelques jours plus tard du fait de la totale liberté laissée pour la fondation d'un journal. De son côté, la presse parisienne procommunarde ne peut être diffusée en province du fait de la vigilance du gouvernement Thiers.[réf. nécessaire]

Fonctionnaires

La Commune doit faire face à l'absentéisme des fonctionnaires, qui pour une grande part sont partis à Versailles avec Adolphe Thiers ou restent chez eux comme ce dernier le leur ordonne. Il s'agit aussi de changer l'état d'esprit de ces agents publics recrutés sous le Second Empire. La Commune décide l'élection au suffrage universel des fonctionnaires (y compris dans la justice et dans l'enseignement), l'instauration d'un traitement maximum (2 avril) de 6 000 francs annuels (l'équivalent du salaire d'un ouvrier[réf. nécessaire]) et l'interdiction du cumul (4 mai). Les fonctionnaires ne doivent plus le serment politique et professionnel.

Justice

La plupart des professionnels de la justice ayant disparu (il n'y a plus que deux notaires en activité dans Paris), il faut pourvoir à tous les postes. Il y a beaucoup de projets mais, faute de temps, peu sont mis en application. Les enfants légitimés sont considérés comme reconnus de droit ; le mariage libre par consentement mutuel est instauré (avec un âge minimum de 16 ans pour les femmes, 18 ans pour les hommes) ; la gratuité des actes notariaux (donation, testament, contrat de mariage) est décidée. Pour tempérer l'activité répressive de Rigault à la Sûreté générale, une sorte d’habeas corpus est mise en place : les cas des suspects arrêtés par le Comité central de la Garde nationale ou la Sûreté doivent recevoir une instruction immédiate (8 avril) ; les perquisitions et réquisitions sans mandat sont interdites (14 avril) ; il est obligatoire d'inscrire le motif de l'arrestation sur les registres d'écrous (18 avril) ; une inspection des prisons est créée (23 avril).

Enseignement

Dans l'enseignement, le personnel de l'administration centrale s'est réfugié à Versailles, les professeurs du secondaire et du supérieur, assez peu favorables à la Commune, ont déserté lycées et facultés et les écoles privées congréganistes, nombreuses car favorisées par la loi Falloux de 1850, ont été vidées de leurs élèves[12] depuis le décret du 2 avril « séparant l'Église de l’État ». Édouard Vaillant, chargé de ce secteur, prévoit une réforme qui vise à l'uniformisation de la formation primaire et professionnelle. Deux écoles professionnelles, une de garçons et une de filles, sont ouvertes. L’enseignement est laïcisé : l'enseignement confessionnel est interdit, les signes religieux chrétiens sont enlevés des salles de classe. Une commission exclusivement composée de femmes est formée le 21 mai pour réfléchir sur l'instruction des filles. Quelques municipalités d'arrondissement, celle du 20e en particulier, qui ont alors la responsabilité financière de l'enseignement primaire, rendent l'école gratuite et laïque. Le personnel enseignant, qui est à la charge des municipalités, reçoit une rémunération de 1 500 francs annuels pour les aides-instituteurs et 2 000 pour les directeurs, avec égalité de traitement entre hommes et femmes.

Cultes

Dans le domaine des cultes, la Commune rompt avec le concordat de 1802 qui faisait du catholicisme « la religion de la majorité des Français » et des membres du clergé des fonctionnaires. À la fin de l'Empire, les classes populaires parisiennes sont assez hostiles au catholicisme, trop lié au régime impérial et aux conservateurs (liens notamment incarnés en la personne de l'impératrice Eugénie). L'anticléricalisme a été revigoré par la propagande blanquiste, d'un athéisme militant, et par l'attitude du pape Pie IX face à l'unification de l'Italie. Le 2 avril, la Commune décrète la séparation de l'Église (catholique) et de l'État, la suppression du budget des cultes et la sécularisation des biens des congrégations religieuses.

Le même jour, l'archevêque de Paris, Georges Darboy, est arrêté comme otage. Les religieux des couvents de Picpus, des Dames-Blanches et d'Arcueil sont inquiétés ou arrêtés sous divers motifs. Les églises Saint-Laurent et Notre-Dame-des-Victoires sont perquisitionnées. Les propositions d'échange de l'archevêque contre Auguste Blanqui, détenu par le gouvernement Thiers, sont repoussées par celui-ci le 12 avril, puis le 14 mai. Le prélat est exécuté par les communards, avec quatre autres ecclésiastiques, en réplique à l'avance des troupes versaillaises.

« Communards » contre « versaillais »

Les Prussiens favorisèrent l'offensive contre la Commune. Ici, batterie prussienne au fort d'Aubervilliers, pointée sur Paris.

Mobilisation des deux camps

Une grande partie de l'action de la Commune fut absorbée dans la lutte contre l'offensive menée par les troupes du gouvernement Thiers, les « versaillais ».

Comme le montre sa correspondance télégraphique avec Jules Favre, qui négocie la paix avec les Allemands,[réf. nécessaire] Thiers bénéficie de l'appui du chancelier allemand Bismarck. Il s'agit en effet de mettre fin au plus tôt aux hostilités entre la France et l'Allemagne, une des conditions étant le désarmement de Paris. Alors que la convention d'armistice n'autorise que 40 000 soldats français en région parisienne, Bismarck libère rapidement près de 60 000 prisonniers de guerre qui peuvent s'adjoindre aux 12 000 soldats dont dispose Thiers. Le 1er avril, celui-ci déclare à l'Assemblée nationale qu'il met sur pieds « une des plus belles armées que la France ait possédée ». Les versaillais seront 130 000 au début de la Semaine sanglante. Ces soldats de métier (la durée du service est de 7 ans) sont surtout issus de milieu paysan. Les conseils de révision écartent la plupart des jeunes ouvriers pour « déficience physique », en raison des conditions de travail que l'industrie de l'époque impose malgré la loi de 1841 sur le travail des enfants. Les troupes sont commandées par le vaincu de Sedan, le maréchal de Mac Mahon. Par les banlieues nord et est qu'ils contrôlent, les Allemands laissent passer les troupes versaillaises qui veulent contourner Paris. De plus, par convention avec le gouvernement Thiers, ils occupent le Chemin de fer du Nord, établissent un barrage de troupes de la Marne à Montreuil et massent 80 canons et 5 000 soldats près de la porte et du fort de Vincennes tenus par la Commune, bloquant ainsi la sortie de la capitale par l'est.

Face à une armée nombreuse, expérimentée et bien armée, la Commune dispose des hommes de la Garde nationale. Depuis la Restauration, tous les hommes de 25 à 50 ans pourvus de leurs droits politiques en font partie. Sous le Second Empire, tous les hommes mariés de 25 à 50 ans sont enrôlés.[réf. nécessaire] Les armes sont fournies par l'État mais l'habillement reste à la charge du garde. À Paris, le recrutement se fait par arrondissement. Dans les limites communales le service est gratuit, mais le garde reçoit une solde s'il sert au-delà. Le 12 août 1870, le gouvernement réorganise 60 bataillons. Les quartiers bourgeois de Paris (l'ouest et le centre de la capitale) en fournissent plus des trois quarts. Début septembre le gouvernement de la Défense nationale en crée 60 autres, fin septembre il y a 254 bataillons. Les nouvelles créations sont aux trois quarts issues des quartiers populaires de l'Est parisien (10e, 11e, 18e, 19e et 20e arrondissements). On peut y voir l'effet du siège de Paris par les Allemands, qui ranime la fibre patriotique des Parisiens, mais aussi de l'attrait accru de la solde dans le contexte de chômage consécutif au blocus qui accompagne le siège. Au cours de celui-ci, le manque d'entraînement de ces bataillons a pour résultat des performances militaires assez médiocres et leur attitude volontiers frondeuse — ils refusent catégoriquement de se porter sur Sedan — ne les rapproche pas des autres unités françaises.[réf. nécessaire]

Mobilisation de la Garde nationale.

Le 5 avril, la Commune décrète la mobilisation comme volontaires des jeunes gens de 17 à 19 ans et en service obligatoire des célibataires et hommes mariés de 19 à 40 ans. Ces soldats n'ont pratiquement pas d'expérience militaire et s'ils sont animés d'ardeur républicaine, sont aussi assez réticents à la discipline. La troupe souffre, malgré quelques exceptions remarquables (Dombrowski, Louis Rossel), d'une insuffisance du commandement, car les officiers sont élus plus sur leurs convictions que sur leurs capacités à diriger des soldats.

En théorie, la Commune dispose de près de 194 000 hommes de troupe, sous-officiers et officiers (nombre publié par le Journal officiel de la Commune le 6 mai). En fait, les combattants sont moins nombreux et les estimations des contemporains vont de 10 000 (Camille Pelletan) à 41 500 (Cluseret, délégué à la Guerre, le 5 avril). On peut les estimer à 25-30 000 début avril et moitié moins à la mi-mai, cette décrue pouvant s'expliquer par le fait que beaucoup d'inscrits qui ne l'étaient que pour la solde restèrent spectateurs pendant les combats, sans compter ceux qui périrent dans les opérations militaires contre les troupes versaillaises.[réf. nécessaire]

Second siège de Paris

Barricade, lithographie d'Édouard Manet, 1871.

Les versaillais passent à l'attaque les premiers. Le 21 mars, ils occupent le fort du Mont-Valérien où les fédérés de la Commune ont négligé de s'installer : cette position qui domine toute la proche banlieue ouest de Paris leur donne un avantage considérable. Le 30 mars, le général de Gallifet occupe le rond-point de Courbevoie et le 2 avril, les versaillais s'emparent de Courbevoie et de Puteaux, les fédérés se repliant vers Neuilly. Le 3 avril, la Commune lance, sous les ordres de Flourens, Eudes et Duval, une contre-offensive en direction de Versailles : elle se solde par un échec à Rueil et à Châtillon. Gustave Flourens est tué par un officier de gendarmerie à Rueil et Duval fusillé avec son état-major le 4, sans procès, sur ordre du général Vinoy. Le même jour, Gustave Cluseret est nommé délégué à la Guerre de la Commune. En réponse aux actes des versaillais, celle-ci vote, le 5 avril, le décret des otages (trois otages fusillés pour un communard exécuté), qui ne sera mis en application que pendant la Semaine sanglante, fin mai. Pendant trois semaines environ, les combats sont sporadiques mais les bombardements intensifs, en particulier sur Neuilly qui, le 25, bénéficie d'une suspension d'armes pour permettre l'évacuation de la population. Cette période permet à l'armée versaillaise de se renforcer.

Article détaillé : Bataille d'Issy.

Au soir du 26 avril, le village des Moulineaux est occupé par les versaillais qui, le 29, menacent le fort d'Issy où des ordres contradictoires ont entraîné un début d'évacuation. Le 1er mai, Louis Rossel est nommé délégué à la Guerre en remplacement de Cluseret qui a été révoqué. Le 4 mai, les versaillais, aidés par une trahison (qui sera le motif de l’arrestation des dominicains d'Arcueil), enlèvent la redoute du Moulin-Sacquet où ils se livrent à des atrocités.[réf. nécessaire] Le 5, ils s'emparent du village de Clamart. Le 8, l'enceinte fortifiée de Paris est violemment bombardée de Grenelle à Passy, tandis que le 9, le fort d'Issy est pris par les versaillais. Le 8 mai, le gouvernement Thiers a adressé un ultimatum aux Parisiens sommés de capituler. Le 10, Charles Delescluze remplace Louis Rossel démissionnaire comme délégué à la Guerre. Le 13, les versaillais occupent le fort de Vanves mais sont arrêtés par l'artillerie de remparts de la Commune. Le 17, la cartoucherie de l'avenue Rapp explose dans des circonstances peu claires : on parlera de sabotage, mais il s'agissait d'une poudrerie dans laquelle on faisait des travaux de soudure.[réf. nécessaire]

Le 21 mai, grâce à Jules Ducatel, piqueur des Ponts et Chaussées, qui leur a laissé ouverte la poterne du bastion n° 64[réf. nécessaire], les versaillais pénétrent dans Paris par la porte de Saint-Cloud. Commence alors la Semaine sanglante. Ducatel, arrêté par les fédérés, va être fusillé devant l'école militaire quand il est sauvé par l'arrivée de l'armée régulière. Son acte inspire au directeur du Figaro, Henri de Villemesant, le lancement d'une souscription publique qui rapporte à l'intéressé 125 000 francs-or.

Répression

Article détaillé : Semaine sanglante.
L'arrestation de Louise Michel le 24 mai 1871
Cadavres de communards
(photographie attribuée à Eugène Disderi).
Plaque commémorative, mur des fédérés à Satory.


La Commune est finalement vaincue durant la Semaine sanglante qui débute avec l'entrée des troupes versaillaises dans Paris le 21 mai pour s'achever par les derniers combats au cimetière du Père-Lachaise le 28 mai. La répression contre les communards est impitoyable : tous les témoins mentionnent les nombreuses exécutions sommaires commises par les troupes versaillaises, frappant par exemple ceux dont les mains portent ou semblent porter des traces de poudre révélant l'emploi récent d'armes à feu. On évoque, selon les sources, de 10 000 à 17 000 victimes, Lissagaray dans son Histoire de la Commune de 1871 allant jusqu'au chiffre de 30 000).[réf. nécessaire] Le total serait de 20 000 fusillés sans jugement[13].

Dans le même temps, les communards exécutent 47 otages. La plupart sont des religieux. Le plus célèbre d'entre eux, l'archevêque de Paris Georges Darboy, est arrêté le 4 avril 1871 avec quatre autres clercs en application du « décret des otages » du 2 prairial An 79. Enfermé à la prison Mazas, il est exécuté à la Roquette, à la suite de l'attaque versaillaise, le 24 mai. À cette exécution s'ajoutent celles des dominicains d'Arcueil et des jésuites de la rue Haxo.

Des conseils de guerre furent tenus à Versailles pour juger les insurgés en 1871.

Les tribunaux prononceront 10 137 condamnations dont 93 à mort, 251 aux travaux forcés, 4 586 à la déportation (en particulier en Nouvelle-Calédonie), les autres à des peines de prison variables. 23 condamnés à mort seront effectivement exécutés. Les lois d'amnistie interviendront en 1880. Longtemps encore après les évènements, la gauche restera hostile au général Gaston de Galliffet, surnommé pour son zèle répressif « le boucher de la Commune ». Bien que siégeant à l'extrême-droite, Albert de Mun s'élèvera contre la violence de la répression.

Les fédérés furent accusés d'avoir détruit une partie de Paris[réf. nécessaire] en incendiant de nombreux immeubles et en particulier plusieurs monuments publics historiques : le palais des Tuileries, symbole du pouvoir royal et impérial, le palais de justice dont cependant la Sainte-Chapelle et la cour de cassation échappèrent aux flammes, le palais de la Légion d'honneur, le palais d'Orsay où siégeait la cour des comptes, l'aile centrale du Palais-Royal où siégeait le conseil d'État, l'hôtel de ville, la galerie de tapisseries de la Manufacture des Gobelins, la Bibliothèque impériale au Louvre. Le Louvre échappa à la destruction grâce à un colonel versaillais qui fit intervenir ses soldats pour empêcher que le feu ne se communique du palais des Tuileries au musée.

L'hôtel de ville.

La bibliothèque de l'hôtel de ville et la totalité des archives de Paris furent anéanties durant ces incendies, ainsi que tout l'état civil parisien (un exemplaire existait au palais de justice, l'autre à l'hôtel de ville qui furent tous deux la proie des flammes). La plus grande partie des archives de la police fut également détruite par le feu. D'autres richesses culturelles connurent le même sort, à l'exemple de la maison de Prosper Mérimée, rue de Lille, qui brûla avec tous ses livres, souvenirs, correspondances et manuscrits.

Cependant les bombardements des troupes versaillaises provoquèrent aussi de nombreux incendies et leurs tirs d'artillerie furent la cause de nombreuses destructions, notamment dans tout l'ouest parisien. Le ministère des Finances, rue de Rivoli, fut la proie des flammes.[réf. nécessaire] Des combats de rue farouches occasionnèrent à la capitale des dégâts gigantesques qu'il fut aisé, après coup, d'attribuer aux seuls fédérés vaincus.[réf. nécessaire]

Prolongements

Dans plusieurs autres villes de France (Marseille, Lyon, Saint-Étienne, Narbonne, Toulouse, Le Creusot, Limoges[14]), des communes furent proclamées à partir du 23 mars 1871, mais furent toutes rapidement réprimées.

À l'emplacement du point de départ du soulèvement communard parisien, la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre fut construite par l'Église et l'État pour, entre autres, « expier les crimes des fédérés ». Sa construction débuta en 1873.

Pour Karl Marx, la Commune de Paris était la première insurrection prolétarienne autonome. Elle a, depuis, été revendiquée comme modèle — mais avec des points de vue différents — par la gauche, l'extrême gauche et les anarchistes ; elle a inspiré de nombreux mouvements, qui y ont cherché des leçons leur permettant d'entreprendre d'autres révolutions : la Révolution russe et les conseils (soviets), la révolution espagnole et les collectivités, etc.

Chronologie

Derniers combats au Père-Lachaise
(tableau de Félix Philippoteaux).

Évocations artistiques

Littérature

Théâtre

  • L'Ami de l'ordre, drame en un acte de Georges Darien, 1898.
  • Les Jours de la Commune (Die Tage der Commune), pièce de Bertold Brecht créée en 1949 (Théâtre complet, tome VI, L'Arche, 1957).
  • Barricade, par la compagnie Jolie Môme, création collective inspirée d'Adamov et de Brecht. Pièce créée en 1999 à la Cartoucherie de Vincennes et rejouée régulièrement depuis.
  • La Commune de Paris, par la compagnie Pierre Debauche. Pièce créée en mars 2007 au Théâtre du Jour à Agen, dans une mise en scène de Robert Angebaud.
  • U-topie, textes, mise en scène et chansons de Guillaume Paul. Pièce créée en avril 2009 à l'Heure bleue de Saint-Martin-d'Hères, représentée du 12 au 23 mai 2009 au Théâtre du Pavé à Toulouse et rejouée notamment au festival d'Avignon en 2010.

Musique

Article détaillé : Chansons de la Commune.

Cinéma

  • La Nouvelle Babylone (Novyy Vavilon), film soviétique de 1929 réalisé par Grigori Kozintsev et Leonid Trauberg. Ce film muet en noir et blanc compte 120 minutes dans sa version initiale et 93 minutes dans la version restaurée de 2004. Plus qu'un simple produit de la propagande soviétique de l'époque, l'œuvre s'inscrit dans la tradition expressionniste du début du XXe siècle (exagération des formes et des contrastes par des angles de prise de vue improbables, notamment). On y suit la rencontre et le destin tragique de deux amants amenés par les événements à se trouver de part et d'autre des barricades pendant la Commune.
  • La Commune de Paris, court-métrage documentaire de 1951 (25 minutes) réalisé par Robert Ménégoz.
  • La Commune (Paris, 1871), film réalisé par Peter Watkins, produit en 2000 par l'Office national du film du Canada. Il s'agit d'un film noir et blanc de 345 minutes où ont joué plus de 200 acteurs. L'historien Jacques Rougerie le « considère comme l'œuvre cinématographique la plus accomplie et la plus remarquable sur la Commune, dont elle restitue extraordinairement le climat, avec une fidélité historique impeccable[20]

Bande dessinée

  • Ciment de l'histoire, série de dessins de Jihel (années 1970-1980).
  • Voleurs d'empire, série en sept tomes écrite par Jean Dufaux et dessinée par Martin Jamar (1993-2002). C'est une histoire fantastique qui se déroule sur l'arrière-plan historique de la guerre franco-prussienne en province et de la Commune à Paris.
  • Le Cri du peuple, série en quatre tomes de Jacques Tardi (2001-2004). Adaptation du roman de Jean Vautrin.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Témoignages et écrits de contemporains

  • Jean Allemane, Mémoires d'un communard, rééd. Paris, Maspero, 2001.
  • Arthur Arnould , Histoire populaire et parlementaire de la commune de Paris, rééd. Lyon, Jacques-Marie Laffont et associés, 1981, 2009 ; 1e éd. 1877.
  • Alfred du Breuil Hélion de La Guéronnière, La Commune sanglante ou Le legs incendiaire : Histoire et tablettes du sang de la Commune de Paris, 1871.
  • Joannes Caton, Journal d'un déporté de la Commune à l'Ile des Pins, France-Empire, 1986.
  • Victor de Compiègne, « Souvenirs d'un Versaillais pendant le second siège de Paris » dans Voyages, chasses et guerres, Paris, Plon, 1876. (OCLC 1831225).
  • Jules Guesde, Le Livre rouge de la justice rurale : À la mémoire de Charles Delescluze, rééd. Paris, Éditions d'Histoire sociale, 1968, 85 p. ; 1e éd. Genève, Blanchard, 1871.
  • Pierre Kropotkine, « La Commune de Paris », texte de mars 1881 repris dans La Brochure mensuelle n° 180 de décembre 1937 [lire en ligne] et sur Wikisource.
  • Prosper-Olivier Lissagaray, Huit journées de mai derrière les barricades, rééd. Paris, Gallimard, 1978, 128 p. ; 1e éd. Bruxelles, Bureau du petit journal, 1871, 327 p.
  • Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, rééd. Paris, La Découverte, 526p. 2004 (ISBN 2-7071-4520-3) / Première publication en 1876 / seconde publication rallongée, éd Dentu, Paris, 1896 en ligne sur Gallica [1]; 1e éd. Bruxelles, Librairie contemporaine de Henri Kistemaecers, 1876.
  • Laurent Martin, Histoire complète de la révolution de Paris en 1871, Paris, Alfred Duquesne, 1871.
  • Paul Martine, Souvenirs d'un insurgé : La Commune 1871, récit d'un agrégé d'histoire et acteur de la Commune, Paris, Librairie académique Perrin, 1971.
  • Karl Marx, La Guerre civile en France, 1871.
  • Louise Michel, La Commune : Histoire et souvenirs, 1898.
  • Edgar Monteil, Souvenirs de la Commune : 1871, 1883.
  • Jacques-Henry Paradis, Journal du siège de Paris : septembre 1870 - janvier 1871, rééd. Tallandier, coll. « Texto », 2008 ; 1e éd. 1872.
  • Maxime Vuillaume, Mes Cahiers rouges au temps de la Commune, rééd. coll. Babel 1999, La Découverte 2011.
  • Les Murailles politiques françaises du 18 mars au 27 mai 1871, Paris, L. Le Chevalier, 1874 (en ligne sur Gallica).

Études historiques

  • Alain Amicabile, La Commune de Paris. Toujours vivante !, L'Ingénu éditions, 2009, 292 p.
  • Jean Baronnet et Jean Chalou, Communards en Nouvelle-Calédonie. Histoire de la déportation, Mercure de France, 1987.
  • Georges Bourgin, La Guerre de 1870-1871 et la Commune, Les Éditions nationales, 1939 (réédition Flammarion, 1971).
  • Martin Breaugh, L'Expérience plébéienne. Une histoire discontinue de la liberté politique, Payot, coll. « Critique de la politique », 2007.
  • Jean Bruhat, J. Dautry, E. Tersen, La Commune de 1871, Éditions sociales, 1960 (réédition Flammarion, 1971).
  • Marcel Cerf, Le d'Artagnan de la Commune (le colonel Maxime Lisbonne), Éd. du Panorama (Suisse), 1967.
  • Marcel Cerf, Édouard Moreau, l'âme du Comité central de la Commune, Denoël, 1971.
  • Marcel Cerf, Le Mousquetaire de la plume, Henry Bauër. En annexe, lettres inédites de Louise Michel à Henry Bauër, Académie d'histoire, 1975.
  • Armand Dayot, L'Invasion, le siège, la Commune. 1870-1871. D'après des peintures, gravures, photographies, sculptures, médailles autographes, objets du temps, Tristan Mage, 2003.
  • Guy Debord, Attila Kotányi, Raoul Vaneigem, « Sur la Commune », texte du 18 mars 1962 repris dans Internationale situationniste n° 12 de septembre 1969, p. 109-111 (en ligne).
  • Wilhelm Dinesen, Paris sous la Commune, Éditions Michel de Maule, 2003.
  • Maurice Dommanget, l'Instruction publique sous la Commune, Paris, 1928.
  • Louis Dubreuilh, La Commune, dans Histoire socialiste sous la direction de Jean Jaurès, 1908.
  • Paul Ducatel, La Commune de Paris vue à travers l'imagerie populaire, Éditions Grassin, 1971.
  • Hélène Duparc, De Paris à Nouméa. L'histoire des communards de la Commune de Paris déportés en Nouvelle-Calédonie, Éd. Orphie, 2003.
  • Charles Feld et François Hincker, Paris au front d'insurgé, la Commune en images, Éd. du Cercle d'art et Encyclopédies Diderot, 1971.
  • Jeanne Gaillard, Communes de province, Commune de Paris, 1870-1871, Paris, Flammarion, 1971, 183 p.
  • Henri Lefebvre, La Proclamation de la Commune, Gallimard, 1965.
  • Paul Lidsky, Les écrivains contre la Commune [1970], La Découverte, 2010.
  • Pierre Milza, L'Année terrible, Perrin, 2 volumes, 2009.
  • Bernard Noêl, Dictionnaire de la Commune, Flammarion, collection « Champs », 2 volumes, 1978.
  • Nicole Priollaud, 1871, La Commune de Paris, textes réunis, Éd. Liana Levi-Sylvie Messinger, 1983.
  • Charles Rihs, La Commune de Paris - sa structure et ses doctrines (1871), Droz, Genève, 1955, réédition Seuil, 1973.
  • Jacques Rougerie, La Commune de 1871, PUF, coll. « Que sais-je ? » n°581.
  • Jacques Rougerie, Procès des communards, Paris, Julliard, collection "Archives", 1964.
  • Jacques Rougerie, Paris libre, 1871, Paris, Le Seuil, 2004 (1e éd. 1971), 289 p.
  • William Serman, La Commune de Paris (1871), Paris, Fayard, 1986, 621 p.
  • Georges Soria, Grande histoire de la commune, introduction H. Guillemin, Livre club Diderot et Laffont, 5 volumes, 1970.
  • C. Talès, La Commune de 1871, Paris, Spartacus, 2008, 157 p.
  • Bertrand Tillier, La Commune de Paris, révolution sans image ? Politique et représentations dans la France républicaine (1871-1914), Champ Vallon, 2004, 522 p.
  • Robert Tombs, La Guerre contre Paris, 1871, Paris, Aubier, 1997.
  • Michel Winock, La Fièvre hexagonale. Les grandes crises politiques de 1871 à 1968, Paris, Seuil, 1995, 471 p.
  • Michel Winock, J.-P. Azéma, Les Communards, Paris, Seuil, 1970.
  • Jacques Zwirn, La Commune de Paris aujourd'hui, Les Éditions de l'atelier, 1999.

Liens externes

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Notes et références

  1. Le drapeau rouge était, au début de la Révolution, le signal d'application de la loi martiale, levé devant l'émeute avant les sommations : à partir de 1790 on le trouve repris par la foule qui, par dérision ou provocation, renverse le symbole pour en faire un appel à la répression des actions contre-révolutionnaires. Voir Marc Angenot, « Le Drapeau rouge : rituels et discours » in L'Esthétique de la rue : Colloque d'Amiens, Paris, L'Harmattan, 1997, 236 p. (ISBN 2-7384-6547-1), p. 75.
  2. Guy Antonetti, Histoire contemporaine politique et sociale, p. 310.
  3. a et b Jean-Jacques Chevalier, Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à 1958, p. 294.
  4. Jules Simon, Le Gouvernement de Monsieur Thiers, tome I, p. 95.
  5. Jacques Rougerie, La Commune, 1988.
  6. Républicain révolutionnaire insurrectionnaliste, surnommé « l'Enfermé » pour avoir passé plus de la moitié de sa vie dans les prisons des rois et de l'empereur.
  7. Il s'agit d'une ancienne rue de Montmartre, dont le tracé a été en partie repris par l'actuelle rue du Chevalier-de-La-Barre.
  8. Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, ch. 3 (trad. anglaise d'Eleanor Marx).
  9. Martial Delpit, Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars, Paris, 1872.
  10. Commission des élections, 30 mars 1871, au sujet de Léo Fränkel. Reprise dans Militantisme et histoire, par Marie-Danielle Demélas et Alain Boscus, p.177, Presses universitaires du Mirail, 2000.
  11. « Femmes de la Commune » sur le site de l'association des Amis de la Commune de Paris (1871). Consulté le 20 avril 2011.
  12. Plus de la moitié des 160 000 enfants parisiens scolarisés dans le primaire.
  13. Nadine Viver, Dictionnaire de la France au XIXe siècle, Hachette, 2002 (ISBN 2-01-145375-5), p. 78-79.
  14. D’autres mouvements sont signalés à « Béziers, Perpignan (25 mars), à Grenoble (16 avril), Bordeaux (16 et 17 avril), Nîmes (le 18 avril), Périgueux, Cuers, Foix, Rouen, Le Havre et même à Alger, etc. » Cf. René Bianco, « 1871, la Commune... en province », Le Monde libertaire, n°1314, 3-9 avril 2003.
  15. Texte du décret sur Wikisource.
  16. André Guérin, La Folle Guerre de 1870, Hachette, 1970, p. 333.
  17. Et décidément, il nous faut /Nous secouer dans votre rôle... écrit Rimbaud à propos de Thiers et Picard (voir la citation sur Wikisource).
  18. À qui l'on doit cette phrase en forme d'épitaphe : « Le cadavre est à terre, mais l'idée est debout. »
  19. Ce titre reprend celui du quotidien de Jules Vallès.
  20. Jacques Rougerie, Paris libre, 1871, Le Seuil, Paris, 2004 (1e éd. 1971), 289 p., p. 282.


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