- Tonneau (récipient)
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Un tonneau est un conteneur de révolution servant à conserver les liquides de consommation. Inventé par les Celtes, le tonneau a traversé les siècles. Il se distingue de la barrique par son assemblage en bois plus épais et sa durée de vie plus longue.
Sommaire
Histoire
Antiquité
L'amphore est, dans l'Antiquité, le récipient le plus utilisé pour le transport de produits de base : le vin, l'huile d'olive, la bière (zythum et zythogala) et les sauces de poissons (de type garum).
Le cintrage du bois à chaud est connu des Celtes, des Phéniciens et des Égyptiens. Vers 350 ans avant J.C., des Celtes de la région des Balkans auraient utilisé cette technique pour fabriquer des récipients étanches de forme arrondie : l'invention du tonneau leur est attribuée[1]. En plus de cette paternité gauloise est évoquée l'hypothèse de la piste étrusque est aussi évoquée[2]. Hérodote mentionne au Ve siècle av. J.-C. un commerce de vin par voie maritime, entre l'Arménie et la Mésopotamie, utilisant des tonneaux en bois de palmier. Le palmier est un bois difficile à cintrer, aussi différents bois sont testés pour fabriquer des tonneaux. La tonneau en chêne, cerclé de fer, serait une invention gauloise gauloise, leur servant notamment à conserver la cervoise et à transporter des liquides comme de l'eau potable. Jules César mentionne son utilisation au cours d'un siège dans son Commentaires sur la Guerre des Gaules[3]. La substitution progressive du tonneau (plus léger, roulable ou transportable à dos d'animal) aux amphores (lourdes, fragiles, peu empilables) se répand dans la partie septentrionale de l'Empire romain au Ier siècle où il est principalement utilisé pour la conservation et le transport du vin qui se faisaient jusqu'alors dans des amphores grecques. Son emploi se généralise à compter du IIIe siècle. C'est une reconnaissance de cet objet utilitaire et une révolution pour le marché du vin de l'Antiquité, probablement même un facteur de développement du marché du vin.
Les premières corporations de bateliers gallo-romaines les utilisent le long des fleuves navigables à bord de lourdes barques, car ils sont plus maniables que les fragiles amphores romaines, et donnent moins de goût que les outres en peau d'ovins ou de bovins.
Moyen Âge
Sa diffusion se fait tout au long du Moyen Âge, du nord au sud de l'Europe, par le biais des rivières, des fleuves, des mers et des océans, des ports, des routes, des foires, des marchés régionaux ou internationaux (Foires de Champagne). Il accompagne l'essor des premières grandes villes marchandes italiennes, flamandes, allemandes (La Hanse), anglaises (Bristol) ou françaises (La Rochelle, Bordeaux, Nantes), puis se diffuse à d'autres continents, surtout à partir des Grandes découvertes et de l'accélération de la mondialisation, des conquêtes et du commerce transatlantique.
Époque moderne
Vers 1650, ce récipient fut associé à une expérience célèbre : le crève tonneau. Il permit d'écrire le Principe de Pascal.
Héritée des anciennes mesures médiévales, une grande disparité jointe à un chevauchement des volumes sous des dénominations différentes ne fut pas abolie sous la Révolution. Elle perdura jusqu'au milieu du XIXe siècle. Les négociants en vin de Paris, par l'intermédiaire de leur hebdomadaire, nouvellement créé, Le Journal de Bercy et de l'Entrepôt. Le Moniteur Vinicole, lancèrent une pétition à l'adresse de Napoléon III, qui fut publiée le 6 octobre 1856. Au nom des principaux propriétaires et négociants de France, ils demandaient à l'empereur « l'unité des mesures de jaugeage des vins » et l'application du système métrique sur les contenants dont les volumes variaient « d'une contrée viticole à l'autreet souvent dans un même département ». Les pétitionnaires expliquaient qu'ils s'estimaient frustrés, chaque année, d'environ 1 000 000 d'hectolitres et demandaient instamment l'application des textes de lois de 1793, 1812 et 1837[4].
Époque contemporaine
Durant la première guerre mondiale, dès octobre 1914, l'Intendance afin d'améliorer la vie des poilus dans les tranchées ajouta à l'ordinaire des troupes avec une ration de vin. Tout soldat reçut quotidiennement un quart de vin. Cette ration fut reconnue insuffisante et doublée par le Parlement, en janvier 1916. Ce demi-litre fut augmenté à partir de janvier 1918, et la ration passa à trois quarts de litre par jour. C'est dire l'importance considérable que prit le tonneau pour le transport du vin jusqu'au front[5].
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Le tonneau de pinard est vide
Or « si le vin ne manque pas, en revanche les tonneaux manquent au vin. Depuis le début des hostilités, la tonnellerie ne fabrique plus, et par contre les besoins qu'elle doit satisfaire ont sans cesse grandi... Si tous revenaient à leur point de départ ! Beaucoup, hélas! une fois vides, s'égarent sur la route du retour ; beaucoup d'autres reviennent, glorieux blessés de guerre, aux douves cassées, brisques coûteuses... Des remèdes ont été cherchés : faute de bois de chêne, on a eu recours au bois du châtaignier dont l'usure sera plus rapide. Malgré tous ces palliatifs, l'Intendance pousse un cri d'alarme: « Si vous voulez du vin, ménagez les tonneaux », clame-t-elle désespérément »[5].
Article détaillé : Pinard (vin).Pourquoi utiliser un tonneau en bois ? D'abord pour faciliter le transport d'un liquide, mais aussi et surtout aujourd'hui pour donner du goût à une boisson. Le bois du tonneau apporte au bout de quelques mois des tannins aux liquides (vins rouges, spiritueux) qu'il contient, mais aussi des arômes secondaires (vanille, noix de coco, noisette, beurre...) donnant souvent à une boisson plus de complexité et de garde (5 à 10 ans de garde selon les appellations, les cépages...). Cette caractéristique est utilisée aussi pour fabriquer en Italie le célèbre vinaigre balsamique. Cette technique de vieillissement peut être remplacée selon les législations régionales ou nationales dans certains procédés de vinification par l'ajout de copeaux de chêne dans le moût stocké en cuve inox ; le producteur ou le négociant n'a pas le droit alors de mentionner sur l'étiquette que son vin a vieilli en fût de chêne. Cette technique permet surtout une oxygénation contrôlée, mesurable, son utilisation entraînant une évaporation des liquides plus connue sous le nom de part des anges, le tonneau n'étant pas complètement étanche. On recommande le vieillissement en fûts de nombreux vins rouges (Pauillac ou Chianti Classico par exemple) ou blancs (Bourgogne ou Chardonnay américain par exemple), de certains vins mutés ou spiritueux connus mondialement (cherrys, whiskeys, cognacs, armagnac, rhums, calvados) et de certaines bières (lambic, kriek, faro, bière rouge).
Fabrication
Leur fabrication à la main a fait place à des machines outils. Les tonneliers se sont effacés en ne conservant plus que la réparation des transports accidentés[6].
Leur confection nécessite des troncs d'arbre, généralement de chêne, à l'état de billes qui sont fendus en quartiers. Ces derniers sont débités en merrains. Cintrés à chaud; ils forment les douelles. Celles-ci sont creusées d'une rainure appelée jable dans laquelle vont aller s'encastrer les fonds dénommés contres et chanteaux. Des cercles, en bois ou en feuillard maintiennent le tonneau qui peut être déplacé par roulage ou balancement[6].
De nos jours, l'entonnage s'est maintenu dans le vocabulaire vinicole. S'il ne consiste plus à remplir des tonneaux, il correspond au remplissage des cuves des camions-citernes et de leurs remorques[6].
Jusqu'au milieu du XXe siècle, les tonneaux étaient le mode de colisage le plus pratique pour le transport ou de stockage, bien que n'étant pas le plus économique. Toutes sortes de produits en vrac, des clous aux pièces d'or, y étaient stockés. Les sacs et les caisses étaient meilleur marché, mais ils n'étaient pas aussi robustes et ils étaient plus difficiles à manipuler à poids égal. En effet, un tonneau roule évidemment très bien comme un cylindre, mais s'il est debout, tout manœuvre adroit réussit à le déplacer sans effort en le roulant incliné, en équilibre sur son arête. Ainsi, des concours d'adresse se déroulaient autrefois aux halles où les livreurs devaient courir avec un tonneau. Les tonneaux perdirent peu à peu leur importance au cours du XXe siècle, en raison de l'apparition de la palettisation et de la conteneurisation de la chaîne logistique.
À la fin du XXe siècle, de tonneaux en tôle d'acier sont toujours utilisés pour le stockage et le transport de nombreux liquides, tels que l'huile, le pétrole et les déchets dangereux. La bière sous pression pour les bars est toujours livrée en tonneaux métalliques, soit en aluminium soudé (deux parties embouties ou en métal repoussé), soit en trois parties serties à la façon de certaines boîtes de conserve.
Autres noms
- Un tonnelet est un petit tonneau. Sous la simple dénomination de tonneau sont connus des récipients de différents volumes : tonneau de Missy et de Soupir (685 l), de Beaurieux (719 l), de Craônelle (754 l), de Saint-Denis (773 l), de Paris (804 l), d’Anvers (824 l), de la Rochelle (913 l), de Jumigny (922 l), de Laon (1017 l), du Sud Hainaut (1026 l), du Valenciennois (1082 l), du Quesnoy (1082 l), de Mons (1252 l).
- Un fût est un tonneau de 30 à 50 litres. Mais dans certaines régions sa capacité est beaucoup plus importante comme en Bourgogne (228 l), en Armagnac (273 l) ou à Cognac (350 l).
- Un baril est un petit tonneau de contenance variable selon sa destination, utilisé pour le transport et la conservation de liquides, d'aliments ou de matières sèches (définition du CNRTL) ; ce peut être aussi un emballage cartonné (pour les lessives, par exemple) ; en métrologie, c’est l’unité de volume utilisée pour le pétrole. Sont connus pour le vin les barils de Madère (15 l), de Carpentras (26 l), de Malaga (30 l), des Hautes-Alpes (32 l), d’Alicante (38 l) et du Gard (45 l). Seul le barillo corse (150 l) fait exception. Dans la même catégorie de tonneaux servant à l'expédition ou de référence de mesure, il existait le boisseau (13 l), la baste bordelaise (25 l), la manrée d’Anjou et le pot d’Auvergne (40 l), la demi-coque (53 l) et le sixain (60 l).
- Une pièce est un récipient vinaire servant essentiellement à la conservation et au vieillissement du vin. Ces pièces avaient des volumes variables comme celles du Mâconnais (142 l), de Champagne (200 l), d’Auvergne (210 l), de Mâcon (212 l), de Beaujolais (212 l), du Rhône (212 l), beaujolaise (216 l), de Chalon-sur-Saône (222 l), d’Anjou (225 l), bordelaise, de Bourgogne, de l’Île de France et de l’Eure (228 l), du Loiret (230 l), de Touraine (250 l),d’Anvers (412 l) et d’Armagnac (420 l). Sous l'appellation demi-pièce sont connues celles de Paris (115 l), de Côte d’Or (128 l) et de Reims (200 l) qui ont servi à l'expédition.
- Un foudre est un tonneau grande capacité. Celui de Moselle atteint un volume de 1 000 litres. Dans cette même catégorie sont aussi connus pour les pays germaniques le fass ou le halbstück de Rheingau (600 l), le bucket de Wurtenberg (1810 l) et le stück (1200 l).
Article détaillé : Tonneaux monstres.Différentes capacités
- Anée : de l’Isère (76 l), du Rhône (93 l), de Bresse et du Mâconnais (300 l) ;
- Barbantane (563 l) ;
- Bassenne d’Anvers (pour la malvoisie) (316 l) ;
- Botte : d’Anvers (490 l), Malvoisie (490 l), (botta) d’Espagne (500 l), de Provence (520 l) ;
- Bussard (350 l) ;
- Busse : de la Mayenne (232 l), de la Sarthe (240 l) ;
- Butt de Xérès (480 l) ;
- Charge : de la Meuse (40 l), de la Meurthe (40 l), de l’Isère (100 l), des Hautes-Alpes (110 l), du Roussillon (118 l), de Castelnaudary (138 l), bordelaise (800 l) ;
- Comporte (46 l) : du Midi (43 l), de Narbonne (94 l) ;
- Demi : du Mâconnais (106 l), bordelaise (110 l) ;
- Demi-botte (221 l) ;
- Demi-feuillette (68 l) ;
- Demi-muid : gros (152 l), très gros (167 l), (ou petit muid) du Languedoc (365 l) , du Gard (560 l), de Cognac (600 l) ;
- Douil bordelais (400 l) ;
- Feuillette : de Mâcon (112 l), de Côte d’Or (114 l), ordinaire (130 l), de Chablis (132 l), de Paris (133 l), de l’Yonne (136 l) ;
- Pipe (410 l) : de Madère (418 l), d’Anjou (480 l), de Porto (522 l), du Languedoc (533 l), de la Rochelle (533 l), de Cognac (600 l), de Paris (620 l), 3-6 du Languedoc (650 l) ;
- Poinçon : de Blois (228 l), du Cher (250 l) ;
- Quart : de bordelaise (55 l), de Paris (67 l), de muid (68 l), botte (106 l) ,
- Quartaut ou champ (94 l), bourguignon (57 l), d’Orléans (114 l), de Beaune (114 l), du Châlonnais (114 l), de tiercerolle (114 l), busse (122 l), de Vouvray (125 l), d’Auvergne (137 l) ;
- Queue : d’Anvers (412 l), de Beaune (457 l), de Missy et Soupir (457 l), de Beaurieux (480 l), de Craônelle (503 l), de Reims (568 l), de Jumigny (615 l), d’Hermenonville (672 l), de Laon (678 l), d’Avesne (684 l), de Paris (894 l) ;
- Saumée provençale (110 l) ;
- Setier : du Vendômois (8 l), parisis (11 l), du Hainaut (12 l), du Bas-Hainaut (14 l), d’Anvers (39 l) ;
- Tiercerolle du Gard (230 l) ;
- Tierçon (53 l) : de Champagne (91 l), de Cognac (560 l), ;
- Tonneau bordelais : (900 l) soit 4 Barriques
- Velte ou verge : bordelaise (7, 530l).
Notes et références
- (en) K. MacNeil, The Wine Bible, Workman Publishing, 2001, p. 40
- Exposition "Et le tonneau fût !"
- Jean-François Gautier, Le vin, Le Cavalier Bleu, 2001, p. 19
- Achille Larive, Le Moniteur Vinicole. Journal de Bercy et de l'Entrepôt, n° 7, mercredi 6 octobre 1856, pp. 1 et 2.
- Gaston Phélip, Le vin du soldat
- Edgar Scotti, Petite histoire du vignoble en Algérie, 1830-1962
Annexes
Bibliographie
- Au temps des légionnaires romains, collection La Vie privée des Hommes, Hachette, 1978, collectif, textes de Pierre Miquel (ISBN 2-01-003352-3)
Articles connexes
- Komodaru
- Tonnelier
- Merrandier
- Vinification
- Tonneau (formules)
- Tonneaux monstres
- Conservation de la viande
Liens externes
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