- Tonnelier
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Le tonnelier est un artisan qui avec une grande précision est chargé de confectionner des fûts en bois. Tout le savoir-faire du tonnelier est réuni dans cet objet pratique et nécessaire. Son coup de main et son coup d'œil feront la bonne barrique qui permettra le vieillissement du vin, de la bière ou de l'alcool.
« Comment a-t-on pu imaginer de faire tenir un liquide dans un montage de morceaux de bois fort difficile à assembler ? La plus grande partie des inventions humaines figurait déjà dans la nature : la maison, c'est la grotte, le bateau, c'est le tronc d'arbre qui flotte, même la roue, c'est le soleil qui roule dans l'espace. Le récipient naturel, c'est l'amphore, le vase fabriqué à l'image d'une pierre creuse, en moulant l'argile humide, ou bien c'est l'outre que l'on trouve toute faite en creusant la peau d'un bouc. Mais la barrique est bien une invention de poètes, l'imagination d'un peuple de rêveurs, insoucieux du temps et de la vie pratique, nos ancêtres les Celtes[1]. »
Sommaire
Histoire
[réf. nécessaire] Le tonneau est connu en Europe depuis plus de 2 000 ans, inventé par les Gaulois ; il servait à stocker des produits liquides (vin, bière, cidre, eau), mais également solides comme les grains, les salaisons et même les clous. D'abord appelé charpentier de tonneau, les maîtres tonneliers « tonloiers » ou « barilliers » étaient déjà réunis en corporation au IXe siècle. Au XIIIe siècle, ils remirent leurs statuts pour approbation en même temps que 121 autres corps de métiers. En 1444, Charles VII de France confirma les statuts des tonneliers ou barilliers (les tonneliers charpentiers ou foudriers ont pour leur part été rattachés à la corporation des charpentiers dès le Xe siècle). Il donne par la même occasion aux tonneliers barilliers le privilège de déchargeurs de vin : ils sont les seuls à avoir le droit de débarquer le vin qui arrive par bateau.
Au Moyen Âge, les rois avaient leurs propres tonneliers, chargés d'entretenir les barils et les muids. Ils faisaient aussi fonction d'échanson (fonction historiquement avérée du règne de Charlemagne à celui de saint Louis).
Les maîtres brasseurs, alors organisés en corporation avaient également le métier de tonnelier pendant le saison chaude, durant laquelle le brassage était interdit.
Les fabrications des tonneliers étaient nombreuses : baquets, bailles, baignoires, barattes, barils, barillets, cuveaux, seaux, seillons, hottes et bien sur tonneaux. Le tonnelier de village était pratiquement le seul à fabriquer des tonneaux ou à réparer les vieux fûts des vignerons. Il était payé à la pièce.
La barrique a été inventée par les Celtes et adoptée par les Romains comme l'attestent des bas-reliefs de scènes de hâlage avec les tonneaux bien visibles sur les embarcations datant du Ier siècle av. J.‑C. Et depuis plus de 2 000 ans, les tonneaux ont servi de contenant à diverses denrées.
Actuellement, le tonneau est principalement utilisé pour les vins et les alcools « vieillis en futs de chêne ».
Bien qu'aucune machine n'ait pu remplacer complètement l'homme dans la fabrication des barriques, il reste aujourd'hui une centaine d'entreprises de tonnellerie en France, ce qui représente environ 400 tonneliers et 500 000 tonneaux. Ces entreprises sont aujourd'hui florissantes, exportent dans le monde entier 80% de leur fabrication, et certaines sont même cotées en Bourse, ce qui en fait un des métiers les plus dynamiques de l'industrie du bois.
D'immenses tonnelleries mécanisées existent aux USA pour la fabrication des fûts à whisky. Il existe des tonnelleries au Portugal, en Espagne, en Italie, en Irlande, en Suisse, en Autriche, en Hongrie, et dans la plupart des régions vinicoles traditionnelles.
La matière
Le principal matériau utilisé est le bois de chêne, fendu sur quartier en merrains par le merrandier dans les forêts du Limousin, de l'Allier (Tronçais), de la Nièvre (Bertranges), des Vosges (Darney) ou de Normandie. L'essor du commerce au XIXe siècle a permis aux tonneliers d'utiliser avec avantage les très beaux chênes provenant de Russie et d'Ukraine. Le chêne blanc d'Amérique est utilisé traditionnellement pour le whisky.
Les essences à zone initiale poreuse (ZIP) comme le chêne, le châtaignier, l'acacia(robinier), le frêne permettent tous de fabriquer des tonneaux. Des tonneaux en merisier et en sapin (stockage de la sève de pin) peuvent être utilisés.
Lorsque le tonneau servait à stocker tous les liquides, huiles voire solides (poudre) imaginables, les tonneliers utilisaient naturellement les essences de bois à leur disposition localement, avec comme seules contraintes l'étanchéité et la neutralité du tonneau par rapport au produit stocké. À l'opposé, de nos jours, le tonneau de chêne est utilisé avec les vins pour ses caractéristiques aromatiques très appréciées.
Le tonnelier utilise également des cercles de bois liés à l'osier, ou plus récemment des cercles de fers.
Les outils et la fabrication
Après séchage à l'air libre pendant plusieurs années, les merrains sont sciés à la longueur du tonneau. Puis, par l'opération de dolage, le merrain devient douelle ou douve. Cette opération consiste à donner à la planche de bois la forme extérieure du tonneau. Cette opération se pratiquait à l'aide d'une doloire et d'une plane.
Ensuite vient le jointage : le tonnelier couche les chants de la douelle sur la colombe (ancêtre de la dégauchisseuse) et donne à la douelle la flèche correspondant au tonneau ; la forme de la douelle - arrondi et pente des joints - est vérifiée à l'aide de gabarits. Cette opération doit être minutieuse, car l'étanchéité et la forme du tonneau en dépendent.
Après avoir déterminé la bonne quantité de douelles, le tonnelier effectue la mise en rose, en réunissant dans un fragile équilibre les douelles en tronc de cône. À l'aide d'un marteau et d'une chasse, il positionne les premiers cercles provisoires sur le tonneau (cercle de talus à l'extrémité supérieure, puis en dessous cercle de collet et cercle de bouge).
Les carcasses ainsi formées sont mises à chauffer sur une chaufferette (brasero) alimentée vivement au bois de chêne. Au bout d'une demi-heure, et après plusieurs arrosages à l'eau chaude, le tonneau est cintré à l'aide du bâtissoir (aussi appelé botissoire ou recueilleux), appareil à vis permettant le serrage d'un câble.
Une fois le tonneau cintré et les cercles installés sur le deuxième côté, le tonneau est mis à réchauffer sur un brasero, le but étant autant de cuire la fibre du bois cintré pour qu'il garde sa forme de par ses propriétés thermoélastiques, que de développer les arômes et goûts de noisette, beurré, vanillé, voire fumé, qui s'accordent si bien avec les vins. Cette cuisson peut durer jusqu'à une heure, l'important étant de cuire le bois en profondeur.
Différents rabots et pioches permettent d'égaliser, de chanfreiner, de creuser la rainure (jable) où viendra se loger le fond ; ils ont pour noms rabot cintré, rabot jabloir ou jabloir ou ruelle, chanfrinière ou stockholm, asse…
Les fonds sont tracés au compas et assemblés par goujons en fer ou en bois de robinier ou faux-acacia[2] , appelé communément "acacia" en France, utilisé pour ses qualités mécaniques et son imputrescibilité. Le profil s'insérant dans la rainure est taillé à la plane.
Une fois préparés, les fonds sont installés dans la rainure préparé sur le tonneau à l'aide d'un tire-fond et d'un chien servant à écarter les douelles. L'étanchéité est assurée par un mélange de farine, de cendre et d'eau sur les bases d'une pâte à pain.
Un trou de bonde est alors percé sur le tonneau grâce à une vrille, puis agrandi à la bondonnière (rabot conique à manche).
L'étanchéité est alors testée lors de l'éprouvage à l'eau chaude en balançant fortement le tonneau d'un fond sur l'autre. Toute fuite donne lieu à une réparation.
Les cercles provisoires sont alors enlevés, les douelles sont raclées ou poncées, et des cercles définitifs sont mis en place. Des cercles en bois de châtaignier sont installés en tête (les poignées, servant à saisir fermement le tonneau) et en bouge (cercles de roule, protégeant et stabilisant le tonneau lors des roulages). Les tonneaux de fabrication courante sont le plus souvent cerclés de lames d'acier recourbées et rivetées par le tonnelier sur son enclume (appelée bigorne).
Pour terminer, un trou de broquereau servant aux soutirages et à l'installation d'un robinet peut être percé sur les fonds.
Capacité des fûts
Les différentes dimensions des fûts :
- Galopin 0,23 litre
- Chopine 0,46 litre
- Pinte 0,93 litre
- Pot 1,83 litre
- Setier 7,43 litres
- Broc 8 litres
- Anée : de l’Isère (76 l), du Rhône (93 l), de Bresse et du Mâconnais (300 l) ;
- Barbantane (563 l) ;
- Baril : de Madère (15 l), de Carpentras (26 l), de Malaga (30 l), des Hautes-Alpes (32 l), d’Alicante (38 l), du Gard (45 l) ;
- Barillo corse (150 l) ;
- Barrique des Haute-Alpes (80 l), de Champagne (200 l), de l’Hermitage (205 l), de Cognac (205 l), de Charente (205 l), de Freusies (208 l), de la Drôme (210 l), du Vivarais (214 l), du Tarn (214 l), du Languedoc (214 l), du Rhône (220 l), de Cahors (224 l), bordelaise (225 l), de Bordeaux (225 l), de la Rochelle (226 l), de Beaune, de la Dordogne, de Frontignan, du Gers, du Lot, du Lot-et-Garonne, du Tarn-et-Garonne (228 l), de Tours et de Saumur (232l), de la Vienne (252 l), du Cher (259 l), basque (270 l), des Deux-Sèvres (295 l), de Châtellerault (300 l), de la Chalosse (304 l), des Landes (304 l), de Paris (402 l);
- Bassenne d’Anvers (pour la malvoisie) (316 l) ;
- Baste bordelaise (25 l) ;
- Boisseau (13 l) ;
- Botte : d’Anvers (490 l), Malvoisie (490 l), (botta) d’Espagne (500 l), de Provence (520 l) ;
- Bucket de Wurtenberg (1810 l) ;
- Bussard (350 l) ;
- Busse : de la Mayenne (232 l), de la Sarthe (240 l) ;
- Butt de Xérès (480 l) ;
- Charge : de la Meuse (40 l), de la Meurthe (40 l), de l’Isère (100 l), des Hautes-Alpes (110 l), du Roussillon (118 l), de Castelnaudary (138 l), bordelaise (800 l) ;
- Comporte (46 l) : du Midi (43 l), de Narbonne (94 l) ;
- Demi : du Mâconnais (106 l), bordelaise (110 l) ;
- Demi-botte (221 l) ;
- Demi-coque (53 l) ;
- Demi-feuillette (68 l) ;
- Demi-muid : gros (152 l), très gros (167 l), (ou petit muid) du Languedoc (365 l), du Gard (560 l), de Cognac (600 l) ;
- Demi-pièce : de Paris (115 l), de Côte d’Or (128 l), de Reims (200 l) ;
- Demi-queue (108 l), de Villeneuve (175 l), de Champagne (183 l), de Château-Thierry (183 l), de Saint-Dizier (213 l), de Mâcon (213 l), de Montigny (213 l), de Charlieux (213 l), d’Orléans (213 l), de l’Hermitage (215 l), de la Garonne (217 l), de Cahors (221 l), des Riceys (221 l), de Lachaise (221 l), de Sancerre (221 l), du Gâtinais (221 l), chalonnaise (224 l), Grosbard (224 l), de Beaune (228 l), de Sologne (232 l), (ou pièce) de Blois (236 l), de Chinon, nantaise, d’Anjou, de Montlouis et du Cher (243 l), de Condrieu (251 l), de Vouvray (255 l), d’Auvergne (265 l), du Languedoc (274 l), du Comtat Venaissin (275 l), de Saint-Gilles (289 l) ;
- Douil bordelais (400 l) ;
- Fass de Rheingau (600 l) ;
- Feuillette : de Mâcon (112 l), de Côte d’Or (114 l), ordinaire (130 l), de Chablis (132 l), de Paris (133 l), de l’Yonne (136 l) ;
- Foudre de Moselle (1000 l) ;
- Fût : de Bourgogne (228 l), d'Armagnac (273 l), de Cognac (350 l) ;
- Halbstück de Rheingau (600 l) ;
- Jeannette de Bretagne : (70 l)
- Manrée d’Anjou (40 l) ;
- Muid : de Missy et Soupir (137 l), de Craônelle (137 l), de Jumigny (137 l), de Beaurieux (137 l), de Laon (145 l), de Bourguignon-sur-Montbazin (153 l), de Mons (182 l), d’Hermenonville (226 l), de Valenciennes (227 l), du Quesnay (227 l), d’Avesne et du sud Hainaut (228 l), de l’Aisne et de l’Ile-de-France (250 l), ordinaire (251, 370 l), de Compiègne et de l’Eure (266 l), de Paris (268 l), de l’Yonne (272 l), du Rhône (288 l), d’Orléans (289 l), de Cahors et de Bourgogne (297 l), commun (300 l), rapé (304 l), gros (320 l), très gros (342 l), très gros de Bourgogne (350 l), de Saint-Gilles (380 l), du Languedoc (450 l), du Roussillon (472 l), de Montpellier (510 l), de l’Hérault (685 l) ;
- Pièce : du Mâconnais (142 l), de Champagne (200 l), d’Auvergne (210 l), de Mâcon (212 l), de Beaujolais (212 l), du Rhône (212 l), beaujolaise (216 l), de Chalons-sur-Saône (222 l), d’Anjou (225 l), bordelaise, de Bourgogne, de l’Île de France et de l’Eure (228 l), du Loiret (230 l), de Touraine (250 l), d’Anvers (412 l), d’Armagnac (420 l) ;
- Pipe (410 l) : de Madère (418 l), d’Anjou (480 l), de Porto (522 l), du Languedoc (533 l), de la Rochelle (533 l), de Cognac (600 l), de Paris (620 l), 3-6 du Languedoc (650 l) ;
- Poinçon : de Blois (228 l), du Cher (250 l) ;
- Pot d’Auvergne (40 l) ;
- Quart : de bordelaise (55 l), de Paris (67 l), de muid (68 l), botte (106 l) ,
- Quartaut ou champ (94 l), bourguignon (57 l), d’Orléans (114 l), de Beaune (114 l), du Chalonnais (114 l), de tiercerolle (114 l), busse (122 l), de Vouvray (125 l), d’Auvergne (137 l) ;
- Queue : d’Anvers (412 l), de Beaune (457 l), de Missy et Soupir (457 l), de Beaurieux (480 l), de Craônelle (503 l), de Reims (568 l), de Jumigny (615 l), d’Hermenonville (672 l), de Laon (678 l), d’Avesne (684 l), de Paris (894 l) ;
- Saumée provençale (110 l) ;
- Setier : du Vendômois (8 l), parisis (11 l), du Hainaut (12 l), du Bas-Hainaut (14 l), d’Anvers (39 l) ;
- Sixain (60 l) ;
- Stück (1200 l) ;
- Tiercerolle du Gard (230 l) ;
- Tierçon (53 l) : de Champagne (91 l), de Cognac (560 l), ;
- Tonneau de Missy et de Soupir (685 l), de Beaurieux (719 l), de Craônelle (754 l), de Saint-Denis (773 l), de Paris (804 l), d’Anvers (824 l), de la Rochelle (913 l), de Jumigny (922 l), de Laon (1017 l), du Sud Hainaut (1026 l), du Valenciennois (1082 l), du Quesnoy (1082 l), de Mons (1252 l) ;
- Velte ou verge : bordelaise (7, 530l).
Article détaillé : Tonneaux monstres.Compléments
Articles connexes
Références
- Pierre Boujut, tonnelier, dans Des métiers et des hommes au village, de Bernard Henry, 1975
- http://www.vallee-du-ciron.com/Documents/Ouvrages/Bazadais/Bazadais3.htm
Bibliographie
- R. Brunet, Manuel de tonnellerie, Bibliothèque professionnelle, Librairie J-B Bailliere & Fils, Paris, 1925
- Bernard Henry, « M. Picard, tonnelier dans le Sancerre », dans Des métiers et des hommes au village, Le Seuil, 1975
- Gérard Boutet, « Moïse Bertrand, tonnelier aux Ruelles », dans Les gagnes-misère, Jean-Cyrille Godefroy, 1986.
- Jean Taransaud (maître tonnelier de Cognac), Le Livre de la tonnellerie, 1993
- Pierre Boujut, Célébration de la barrique. 1970
- Nicolas Vivas, Manuel de tonnellerie, Féret, 2002
Liens externes
- (fr) Le site du Musée de la Vigne et du Vin avec en tout plus de 400 objets consacrés à la tonnellerie
- (fr) Une vidéo explicative sur la fabrication d'un tonneau
- (fr) L'art de la tonnellerie, l'exemple chez François Frères
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