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Kourou
Pour le fleuve, voir Kourou (fleuve).Kourou Administration Pays France Région Guyane Département Guyane Arrondissement Arrondissement de Cayenne Canton Canton de Kourou Code Insee abr. 97304 Code postal 97310 Maire
Mandat en coursJean-Étienne Antoinette (sénateur)
2008-2014Intercommunalité aucune Démographie Population 23 813 hab. (2006) Densité 11 hab./km² Géographie Coordonnées Altitudes mini. 0 m — maxi. 141 m Superficie 2 160 km² Kourou est une commune française, située dans le département de Guyane. Avec 23 813 habitants en 2006, Kourou est la quatrième ville la plus peuplée de ce département d’outre-mer (DOM) derrière Cayenne, Saint-Laurent-du-Maroni et Matoury. Ses habitants sont appelés les Kourouciens et les Kourouciennes.
Autrefois connue pour son bagne, elle est aujourd’hui surtout réputée pour abriter le Centre spatial guyanais (CSG), locomotive économique de toute la Guyane.
Sommaire
Géographie
Commune située au nord-est de l’Amérique du Sud, sur le littoral guyanais, Kourou est localisée à l’embouchure de son fleuve éponyme. Derrière la ville se trouvent quatre monts : la Carapa, le Pariacabo, la montagne Café et la montagne Lombard. Elle est parsemée de trois lacs : le Bois Diable, le Marie-Claire, et le Bois Chaudat[1]. Les environs sont un mélange de savane sèche et inondée (cette dernière appelée pripri), ainsi que de forêt tropicale[2],[3]. Elle est localisée à 60 km au nord-ouest de la préfecture du département, Cayenne.
De longues plages de sable bordent la côte Atlantique ; elles sont délimitées au nord par des mangroves et au sud par le fleuve Kourou. Ces plages ne sont pas orientées nord-ouest comme sur le reste du littoral (à l’exception de celle à l’embouchure du Mahury) à cause des rochers de la Pointe des Roches. Le reste de la côte, comme ailleurs en Amazonie, voit un apport constant de sédiments dû aux nombreux fleuves amazoniens (dont les eaux sont d’ailleurs brunes pour cette même raison), surtout de l’Amazone lui-même. Les sédiments s’accumulent sur la côte, formant de longues étendues de vase qui sont colonisées par les palétuviers, formant des mangroves ; les étendues de vase et les mangroves reculent et avancent selon les orages de la saison des pluies, les marées, les houles, et les nouveaux apports de sédiments. La configuration de la côte change donc d’année en année[3].
Kourou est située dans une zone sismique d’intensité faible ; des tremblements de terre peuvent survenir dans le nord-est de l’Amérique du Sud et dans les Guyanes causés par les contacts entre les plaques tectoniques sud-américaine et caraïbe. Une secousse d’une magnitude de 5,2 a été ressentie le 8 juin 2006[4].
Kourou, possédant le port le plus proche, est le point de départ des excursions aux îles du Salut, situées à dix kilomètres de la côte.
Climat
Le climat de Kourou est équatorial humide avec alternance de saisons sèches et humides : la petite saison des pluies de la mi-décembre à mars, la petite saison sèche en mars, la grande saison des pluies de la fin mars à juillet, et la grande saison sèche de juillet à la mi-décembre. La pluviométrie annuelle moyenne est de 3 000 mm, et l’insolation peut atteindre les 2 200 heures annuelles, voire plus[5]. L’année 2003 fut très sèche en Guyane et en Amazonie en général ; la saison des pluies fut déficiente[6] mais les années postérieures virent une pluviométrie dans la moyenne, diminuant les effets de la sécheresse.
La température moyenne est de 26 °C (avec un minimum d’environ 18 ° et un maximum de 36 °, voire plus durant la saison sèche). L’humidité moyenne oscille entre 80 et 90 % ; elle varie de 75 à 98 % pendant la saison des pluies. Pendant la saison sèche elle est d’environ 50 % en début d’après-midi et de 100 % tôt le matin vers 6 h[5].
Il n’y a aucun risque qu’un ouragan touche la côte guyanaise[5],[7]. Les vents n’y sont pas violents, comme ailleurs en Guyane. La vitesse maximale jamais enregistrée par la station météo du CSG depuis son installation en 1968[8] est de 83 km/h (soit 23 m/s)[7]. Les alizés y sont fréquents, diminuant la présence des moustiques omniprésents dans l’intérieur du département[5].
Faune et flore
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Kourou étant une ville nouvelle, construite avec beaucoup d’espaces verts et d’immeubles ne dépassant pas les trois étages, la faune et la flore amazonienne est souvent vue en ville, au contraire d’autres villes guyanaises plus urbanisées, dont la capitale, Cayenne.
La faune de Kourou est très variée et typique du littoral amazonien : on trouve des caïmans dans les trois lacs de la ville, et celle-ci étant entourée de forêt tropicale humide, on peut voir dans les environs des agoutis, des tatous, des tapirs du Brésil, des porcs-épics brésiliens, des cabiaïs, des pakiras, des jaguars etc.[9],[10]
Les mangroves et les étendues de vase abritent de nombreuses espèces de crustacés, dont de nombreuses variétés de crevettes, dont la pêche est une industrie importante sur toute la côte guyanaise[11]. Elles abritent aussi des crabes, des urubus noirs, des aigrettes (aigrettes neigeuses, grandes aigrettes et plusieurs autres espèces), des hérons (hérons bihoreaux...), des ibis rouges et ibis blancs, des spatules rosées, des bécasseaux. Les palétuviers les plus souvent rencontrés sont ceux des genres Avicennia (Avicennia germinans), Rhizophora (Rhizophora mangle et Rhizophora racemosa), et Laguncularia (Laguncularia racemosa)[12].
On peut voir des lamantins des Caraïbes aux alentours de la Pointe des Roches lors de la marée haute[13].
En ville on trouve surtout des iguanes communs, des lézards, des caïmans dans les lacs, parfois des serpents à sonnettes, des matoutous (avicularia versicolor), des couleuvres, et de nombreuses espèces de tortues ainsi que d’oiseaux (dont les ibis blancs, souvent présents sur les rives des lacs)[10].
La ville étant autrefois entièrement entourée de mangroves et construite sur un marais, de temps en temps elle se voit envahie de papillons de cendre, qui de leurs ailes blanchâtres dégagent une fine poussière très urticante qui peut déclencher de fortes réactions allergiques, appelées papillonite. Quand ces nuées de papillons apparaissent, on éteint tout l’éclairage public pour ne pas les attirer sur la ville. Il n’y a que les lampes rouges qui ne les attirent pas. On allume alors de forts projecteurs sur un bassin ou un lac pour y noyer les papillons. Les épisodes de papillonite sont beaucoup moins fréquents depuis que les légionnaires ont abattu beaucoup de palétuviers des mangroves[14].
Histoire
L’histoire de Kourou est bien longue et commence des milliers d’années avant l’arrivée des Européens. Les Amérindiens ayant une culture orale, il est pratiquement impossible de retracer les événements antérieurs à la colonisation. Même après, la région étant colonisée et abandonnée plusieurs fois tout au long de son histoire, les sources restent clairsemées, fragmentaires et se contredisent parfois. Les rares chercheurs étudiant l’histoire de la région s’appuient sur les fouilles archéologiques et sur les quelques documents d’époque, dont des récits de voyage et des documents officiels rédigés pour la plupart dans la lointaine « Métropole ».
Période précolombienne
Les amérindiens Kali'na prédominaient dans la région avant la venue des Français, jusqu’à la fin du XVIIe siècle[15]. Les fouilles archéologiques menées avant la construction du barrage de Petit-Saut sur la Sinnamary, à quelques kilomètres au nord de Kourou, ont permis la découverte de traces de présence amérindienne vieilles de deux mille ans[16].
Il existe un site près de la ville, appelé « les Roches Gravées »[17] , où l’on peut voir des exemples d’art rupestre amérindien. Il se situe à quelques centaines de mètres du pied du mont Carapa, à l’arrière de la zone industrielle de Pariacabo que l’on traverse pour rejoindre le pont du Kourou sur la route de Cayenne. Ce sont les explorateurs français Henri Coudreau et Jules Crevaux qui sont les premiers à mentionner les gravures amérindiennes en Guyane, au début du XIXe siècle[18], mais on doit attendre 1955 pour qu’un chasseur de papillons, Eugène Le Moult, ne redécouvre les roches de Carapa. Sa trouvaille sera à nouveau oubliée pendant plusieurs années, jusqu’à ce qu’un chercheur du CSG, Yves Dejean, tombe sur une vieille carte de la région mentionnant les roches. Il les retrouve, et le mont Carapa étant sur propriété du CSG, celui-ci décide de mettre en valeur le site et y construit des carbets pour les protéger des intempéries[19].
Les débuts de la colonisation
En 1500, l’explorateur espagnol Vicente Yañez Pinzon longe les côtes guyanaises et passe devant l’emplacement actuel de Kourou[20].
En 1645 deux frères capucins s’installent à Kourou avec un domestique. Les frères servent de médiateurs avec les Amérindiens Palikour, qui sont alors en guerre contre les Français. Cette année-là, le petit établissement est attaqué par des guerriers palikours. Le fort de Cépérou à Cayenne n’a que 25 hommes ; quand les renforts (forts de 40 hommes) de la Compagnie de Rouen du sieur Poncet de Brétigny arrivent, la petite colonie guyanaise est presque entièrement décimée. La plus grande partie des survivants partent aux îles du Salut, inhabitées et à l’époque encore connues sous le nom des « îles du Diable », mais 16 d’entre eux, dont les deux frères capucins, pour des raisons aujourd’hui inconnues, décident de s’installer au Mahury. Ils sont massacrés par les Amérindiens six semaines plus tard ; il n’y a que deux survivants, des jeunes qui se réfugient dans le fort Cépérou, y sont retrouvés par des Amérindiens onze jours après le massacre et bien traités. L’un d’eux, appelé « Le Vendangeur », sert plus tard d’interprète entre les Blancs et les Amérindiens[21].
En février 1665 le navire « La Suzanne », sous le commandement du capitaine Baron de la Compagnie de la France équinoxiale, arrive à Cayenne. La colonie compte alors 1 060 habitants y compris la petite garnison, 40 femmes blanches et 200 esclaves. Les Français, alors en paix avec les Amérindiens, construisent un poste à « Caourou » (Kourou) et des forts à Sinnamary et Camoripo (aujourd’hui la Montagne d’Argent) à l’embouchure de l’Oyapock[22].
Le 26 janvier 1666, le roi de France déclare la guerre aux Anglais ; la petite colonie de Guyane, faiblement peuplée et mal défendue, est sous la menace d’attaques des Anglais et des Hollandais, tous les deux ayant des colonies proches.
En 1744, le physicien et géographe La Condamine, chargé de conduire une expédition au Pérou afin de mesurer la longueur d’un arc de méridien d’un degré à proximité de l’équateur, passe par la région kouroucienne et donne son nom à l’un des monts derrière Kourou, avant de rejoindre Cayenne.
La mission jésuite
Le père jésuite Pierre Aimé Lombard, né à Lyon en 1678, part pour Cayenne le 4 mai 1709 après avoir enseigné les humanités en France ; il débarque à Cayenne le 12 juin et y prononce ses vœux en 1711[23]. Il devient, avec le père Simon Ramette, l’un des plus importants personnages de la colonie.
Les deux hommes décident d’évangéliser les Amérindiens ; ils se mettent à apprendre le kali'na, langue de la tribu du même nom[24], avec un dictionnaire et un livre sur la grammaire de cette langue. Ils installent leur petite mission sur le Carouabo à côté d’un important village amérindien. Le premier contact est, selon Lombard, « pénible » ; ils n’avancent guère dans leur travail pendant huit mois[25].
Ils changent alors de méthode : choisissant les Amérindiens qu’ils jugeaient être les plus « intelligents », ils les instruisent dans leur propre langue, le kali'na. Les pères jésuites font baptiser quinze Kali'na à l’église Saint Nicolas de Cayenne en décembre 1710, en grande pompe (le gouverneur, Rémy Guillouet d’Orvilliers, ainsi que d’importants officiers, en sont les témoins). Cette stratégie rencontre plus de succès, puisque l’année suivante 80 Kali'na demandent à être baptisés[25].
Ramette est appelé à Cayenne en 1712. Lombard reste à Kourou pour y éduquer les enfants ; à cette époque il a 300 fidèles. Il fait construire une petite église et met en valeur les terrains de Guatémala (petit bourg situé sur l’autre rive du fleuve Kourou)[26]. En 1730 le père Gaspard du Molard, coadjuteur et architecte, construit un très grand bâtiment incluant deux infirmeries (une pour les femmes, une autre pour les hommes), pour y soigner les Amérindiens, dont beaucoup d’agriculteurs et ouvriers[25].
Lombard décède près de sa mission en 1748, ayant éduqué et évangélisé environ 8 000 Amérindiens[25].
La Compagnie de Jésus est dissoute en 1762, la petite mission prospère est abandonnée et Kourou reste un petit hameau jusqu’à l’arrivée de l'expédition. Les bâtiments de la mission servent d’abri aux colons.
L’expédition de Kourou
En 1763, la Grande-Bretagne prend possession de la Nouvelle-France en vertu du traité de Paris qui met fin à la guerre de Sept Ans. La Guyane apprend la nouvelle le 30 janvier 1763 avec l’arrivée de la frégate « La Diligente », qui met un temps record pour traverser l’Atlantique : seulement 32 jours[27]. En route « La Diligente » passe devant un navire corsaire anglais mais ne s’arrête pas pour lui donner les nouvelles de la paix. Le 31 janvier un corsaire anglais, peut-être le même, attaque le petit hameau de Kourou à six heures du matin. Les Amérindiens s’enfuient, permettant aux Anglais de piller l’église, le presbytère, et quelques maisons. Les Amérindiens reviennent avec des fusils peu après, tuant un corsaire et faisant battre en retraite les autres. Le détachement envoyé sur place revient à Cayenne le 7 février avec un missionnaire à demi nu qui loue le courage des Amérindiens et demande des armes et munitions pour mieux défendre Kourou[28].
Ayant perdu une très grande partie de ses terres en Amérique, le gouvernement français décide d’envoyer une grande expédition en Guyane. L’idée vient de Brûletout de Préfontaine, qui en parle à Choiseul, ministre de la marine. Préfontaine voulait y envoyer une centaine d’émigrants ; Choiseul augmente ce nombre à 15 000 alors la Guyane n’avait que 7 635 habitants. Ce sera la seule tentative massive de colonisation volontaire de la Guyane[29],[30].
Environ 9 000 à 12 000 personnes[31], tentées par les légendes de l’Eldorado véhiculées par la propagande du gouvernement, débarquent à Kourou, après une longue et difficile traversée de 51 jours[32]. Les ports de départ choisis sont Rochefort, Le Havre et Marseille ; le premier convoi quitte Rochefort en octobre 1763 et arrive à Kourou le 20 décembre. Les autres le suivent peu après. De décembre 1763 à février 1765 débarquent environ 9 000 colons[29],[33].
Ils viennent de toute l’Europe : il y a des Rhénans, des Prussiens, des Autrichiens, des Suisses, des Néerlandais, des Belges, des Français (dont beaucoup d’Alsaciens), et même des Acadiens des colonies françaises de l’Amérique du Nord. Ils sont artisans, paysans et même prêtres (la seule religion officiellement permise étant le Catholicisme)[34]. Ces gens du Nord débarquent en Amazonie en pleine petite saison des pluies, aux embouchures du Kourou et de la Sinnamary[29].
L’intendant nouvellement nommé pour l’expédition est Jean Baptiste Thibault de Chanvalon[35], et le nouveau gouverneur de Guyane est le chevalier Étienne François Turgot, frère de l’intendant et physiocrate lui aussi.
Les conditions de vie étant très mauvaises, principalement à cause des marécages et l’expédition mal préparée (il n’y avait que de petites cabanes ou des tentes en toile pour servir d’abri et les vivres périmèrent rapidement à cause du climat), on estime que les trois quarts des colons sont décimés en peu de temps par les fièvres et autres maladies. Sur 12 000 colons, en incluant les soldats et les naissances sur la terre guyanaise, 7 000 décèdent avant le 1er octobre 1765 et de 2 à 3 000 sont rapatriés[36]. Ce taux de mortalité très élevé ne prend pas en compte les esclaves et les Amérindiens morts à cause des maladies que les Européens leurs auraient transmis[37].
Jacques-François Artur, le médecin du roi en Guyane de 1738 à 1771, raconte soigner, dans toute la colonie, surtout des petites fièvres non identifiées jugées bénignes, des « fluxions de poitrine », des « maux hépatiques » (l’alcoolisme étant un grave problème dans toutes les strates de la société guyanaise), des maladies de peau (les irritants étant nombreux aux tropiques), et à Kourou surtout du paludisme (qui reste encore aujourd’hui un problème dans les climats tropicaux). La fièvre jaune emporte elle aussi beaucoup de colons, ainsi que la petite vérole[38], la typhoïde, le typhus et la dysenterie[39].
Certains se réfugient aux îles du Salut (d’où leur nom ; avant, elles se nommaient les « îles du Diable »). Les îles, grâce aux alizés quasi-permanents, n’ont presque pas de moustiques, porteurs de maladies[40]. Ces îles servent également de déchargement pour les navires en provenance de France, car l’embouchure du Kourou ne permet pas à ceux ayant un trop fort tirant d’eau d’y entrer.
Très peu de colons choisissent de rester en Guyane, on estime ce nombre à seulement 1 800[41].
Le désastre notoire de cette expédition aboutit en France à un scandale qui se conclut par l’édiction de lettres patentes en 1767, dont l’une des mesures est l’emprisonnement de l’intendant Chanvalon dans différentes forteresses de France (Bastille, Mont Saint Michel...), et l’exil de Turgot. Brûletout de Préfontaine, quant à lui, s’installe sur ses terres à Kourou[42],[43].
L’échec de l’expédition a nourri la légende noire de la Guyane. Le pays prend le surnom d'« Enfer Vert », dont il essaie encore aujourd’hui de se débarrasser et qui fut utilisé comme argument pour la construction du bagne. Aucune autre colonisation « de masse » ne fut jamais tentée, les politiques du XIXe siècle étant il est vrai tournées vers l’Afrique et l’Asie, et ce dans une lutte tactique avec l’Angleterre. Aussi, la population blanche fut toujours très faible par rapport à celle des esclaves. Ce n’est qu’au milieu du XIXe avec l’abolition de l’esclavage, et l’installation du bagne, que la population augmente.
Entre l’expédition et le bagne
De 1795 à 1798 on envoie en Guyane des révolutionnaires Billaud-Varenne, Collot d'Herbois, puis, à la suite du coup d'État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) des prêtres réfractaires et des opposants politiques (dont Barbé-Marbois, Pichegru, Laffon de Ladebat...), les prêtres d'abord à Counanama et les seconds à Sinnamary[44]. 328 hommes sont déportés, 187 morts sur place ou pendant leur évasion, 22 évadés, 11 établis en Guyane et 108 rapatriés par Bonaparte en 1800[33],[45].
Les déportations de fructidor an V à Sinnamary et à Counanama ne sont pas du tout assimilables aux envois au bagne de Guyane qui leur ont succédé au XIXe siècle. D’une part les déportés n’étaient pas des criminels condamnés légalement par un tribunal, mais seulement des ennemis politiques du moment déportés là sans aucun jugement ; d’autre part ils n’étaient pas incarcérés mais jouissaient d’une certaine liberté sous réserve de ne pas s’éloigner de leurs lieux de résidence forcée. Enfin à l’époque il existait pour les forçats de vrais bagnes installés dans des grands ports de France (Brest, Cherbourg, Le Havre, Lorient, Marseille, Toulon, Rochefort notamment) Il n’y avait alors aucun bagne en Guyane. Les bagnes portuaires parfois qualifiés de « galères à terre » avaient en effet remplacé les navires galères qu’on utilisait plus.
Les déportations de fructidor servirent ensuite de modèle pour d’autres exils politiques puis pour des tentatives de « colonisation pénitentiaire » ; ce n’est qu’en 1854 qu’une loi créa officiellement le « bagne de la transportation » qui ne sera supprimé définitivement qu’en 1938.
Il y eut un petit épisode curieux au début des années 1820 : le gouverneur Laussat, autrefois préfet colonial de la Louisiane, fait venir de cette région 20 Américains, issus de sept familles d’origine irlandaise ; ils débarquent le 18 novembre 1821. Il rebaptise un petit coin de la région de Kourou « Laussatdelphie » en son honneur ; il s’agit de la savane Ollivier sur la crique Passoura, au nord de la ville actuelle. Les colons irlandais refusent de devenir agriculteurs (Laussat dira qu’ils manquaient de vocation agricole[33]) et sont rapatriés en Louisiane un an plus tard. Laussat fera de même avec des Chinois et Malais envoyés à Kaw y faire cultiver du thé, projet qui se soldera aussi par un échec[46].
À l’époque les établissements à l’ouest de Kourou, Sinnamary, Iracoubo, à l’exception de Mana, sont sous le contrôle des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny et abritaient des habitations (plantations) de deux à cinq personnes se consacrant à l’élevage et aux cultures vivrières[47]. Kourou fut l’un des seuls établissements ayant un bourg où les habitants pouvaient se rassembler pour des fêtes ou d’autres évènements ; celui-ci se situe au port de Kourou, un peu avant l’embouchure du Kourou et de la Pointe des Roches. Le canal de Kourou est construit pour améliorer le transport de marchandises et la communication entre les habitations, souvent isolées par les marais ou la boue pendant la saison des pluies[48].
L’éruption de la Montagne Pelée en 1902 pousse un grand nombre de réfugiés à s’installer ailleurs, ravivant les espoirs de repeupler la Guyane, toujours beaucoup moins peuplée que les Antilles françaises. Les notables guyanais prévoient d’héberger 900 agriculteurs martiniquais ; le gouverneur était plus ambitieux, en prévoyant 18 000 dans la région de Kourou. Finalement, seulement 572 choisissent de s’installer en Guyane, à Montjoly (à dix kilomètres de Cayenne) ; 317 individuellement et 255 en convoi organisé par le gouvernement[49]. Des immigrants de Sainte-Lucie, de la Dominique, du Liban, de la Chine, et de l’Indonésie s’installent ailleurs en Guyane en petit nombre[50].