La représentation du nu dans l'art

La représentation du nu dans l'art

Représentation artistique du nu

Une sculpture de la Renaissance : Le David de Michel-ange

En art, le nu désigne la représention du corps humain nu. Le terme « nu », en tant que thème artistique, appartient au vocabulaire des Beaux-Arts depuis le XVIIe siècle. À travers l'histoire il fut le miroir des implications psychologiques, philosophiques et esthétiques du corps dans des sociétés données; cet exercice constamment renouvelé est une tentative qui, par une voie sensible, définit l'être humain, souvent dans son acception « naturelle ».

Plutôt que le sujet représenté lui-même, c'est une forme d’art qui essaie de recréer une image du corps humain, tout en respectant les exigences esthétiques et morales de l'époque, à travers la peinture, la sculpture ou maintenant la photographie. Depuis la préhistoire, la représentation de corps nus est un des thèmes majeurs de l'art.

Sommaire

Le nu de la préhistoire

La Vénus de Willendorf
(23 000 ans av. J.-C.)

L'évolution de l'être humain s'est accompagnée d'un éloignement progressif de l'état de nature, notamment par l'habillement qui est propre à l'être humain. On peut voir dans la représentation de l'être humain nu, c'est-à-dire réduit à sa nature même d'être charnel, la volonté implicite de retrouver ses origines ou de trouver des réponses à une existence complexe.

La première apparition de la nudité dans les arts est concomitante à celle de l'art lui-même. Les œuvres picturales et sculptées nous ont renseignés sur le rapport que les hommes de cette époque avaient avec leur corps. Un des meilleurs exemples en est la représentation de la femme et de la femme enceinte. La plupart du temps, elles sont potelées et fortes, symboles de fécondité et d'opulence : ce genre de représentation peut être interprété comme une démarche mystique afin de s'attirer ces dites fécondité et opulence (art et croyance étant alors très liés). De plus, beauté et survie étaient fortement associées : comme chez les animaux, le partenaire le mieux portant, celui en meilleure santé était celui qui avait le plus de chances de survivre et d'être le meilleur géniteur.

Dans les représentations de femmes, le visage et les détails sont minimisés alors que les seins, le ventre (fécond) et le sexe sont accentués, exagérés. Certains neurologues estiment que le cerveau humain (comme celui de certains animaux) est attiré par les exagérations ; ceci expliquerait ce genre de représentations primitives ainsi que l'attrait du public pour certaines œuvres d'art (exagérées) plutôt que pour d'autres. Des représentations exagérées de certaines parties du corps font aussi leur apparition (principalement des phallus). L'exagération peut aussi être simplement comprise comme le moyen premier et volontaire d'indiquer l'importance d'un élément.

Dans son discours pour la séance publique annuelle du 24 novembre 2004 de l'Académie des Beaux-Arts (dont le thème était cette année là « le nu ») le secrétaire perpétuel Arnaud d'Hauterives fit remarquer qu' « à l’exception de quelques statuettes de Vénus préhistoriques comme celle de Willendorf, aux seins pesants et aux hanches démesurées, à l’exception de quelques représentations schématiques de chasseurs sur les parois des grottes, les premiers nus de l’histoire de l’Art sont grecs, et ce sont des hommes. »

L'Antiquité

Ganymède, vase grec Ve siècle av. J.-C.

L'art se développe dans l'Antiquité en même temps que les civilisations et l'apparition de l'écriture. Les thèmes et les courants artistiques se diversifient selon les civilisations.

En Égypte tout d'abord, la représentation est très codifiée (traduisant probablement un besoin d'ordre social). Les corps sont représentés suivant un schéma de proportions précis ; les artistes utilisaient une grille de proportions avant d'exécuter le dessin, ce qui donne une uniformisation des représentations dans tous les lieux (temples, tombes, palais) et dans le temps (sur une période de plusieurs siècles, il n'y a pas de changement majeur). Les représentations de corps habillés sont alors prédominantes (du moins dans les peintures religieuses et officielles).

À l'inverse de la codification et de l'ordre égyptien, apparaissent plus tard l'art grec puis romain. Les grecs porteront une grande attention au corps, surtout masculin, à son entretien et à la beauté, perçue comme sacrée. Entre les kouros archaïques, qui rappellent les poses égyptiennes hiératiques, et la sculpture hellénistique qui frise le portrait, de nombreux artistes ont fixé les canons du nu masculin. Leurs dieux deviennent anthropomorphes et, au fil du temps, leurs représentations charnelles sont de plus en plus précises.

Les artistes grecs étudient de façon minutieuse l'anatomie et les proportions, et les représentations figées font place à des images de plus en plus réalistes. Générations après générations, les parties du corps sont fidèlement reproduites. On s'attache alors au mouvement et aux poses plus naturelles. Pour cela, on évite la symétrie des mouvements (par le contrapposto). Les représentations d'Apollon, Vénus et autres modèles grecs par ces artistes ont ainsi imposé leurs canons de beauté et d'harmonie, qui seront redécouverts et glorifiés par les artistes de la Renaissance.

Les efforts anatomiques et la progression des techniques de sculpture amènent alors une amélioration du réalisme dans la représentation du nu. On note toutefois par la suite un retour à l'instinct naturel d'exagération du corps. Les artistes mettent en valeur certaines parties et certains muscles, et en minimisent d'autres (le canon du petit pénis en est un exemple flagrant, la disparition de la fente vulvaire en est un autre, celle-ci restant cependant couramment présente dans la sculpture indienne, par exemple). Les statues ou décors de poterie comportant une représentation de phallus en érection, d'une taille surdimensionnée, assez courante à l'époque, sont dites ithyphalliques. On retrouvera ces représentations plus tard chez des peintres japonais comme Hokusai ou Tsukioka Settei. Concernant les femmes, lorsque les fesses sont particulièrement mises en valeur, une statue est dite callipyge (qui a de belles fesses).

Voir aussi : sculpture grecque

Le Moyen Âge

Les Très riches heures du duc de Berry

Le Moyen Âge n'aime pas représenter le nu, sans doute en raison de l'utilisation quasi-exclusive de l'art à des fins religieuses. En effet, le nu est pour le Moyen Âge un rappel de la condition mortelle et imparfaite de l'homme, en rapport avec le péché originel.

Il ne faut pas croire cependant qu'il n'existe aucun nu dans l'art du Moyen Âge : il est au contraire fréquemment représenté, pour des raisons iconographiques. Par exemple dans les représentations des enfers sur les tympans des églises, on trouve fréquemment des personnages nus, dont les parties génitales sont dévorées par des griffons, des serpents, des scorpions... De même, les représentations d'Adam et Ève prennent parfois (mais pas toujours) la forme de nus : ainsi, l'Adam de Notre-Dame de Paris, actuellement conservé au musée de Cluny, est représenté nu, et très proche du canon antique. La Renaissance de 1200 est en effet un des facteurs de développement du nu (masculin principalement). A noter qu'Adam et Eve sont toujours dépeints avec un nombril (ce qui, compte tenu de leur ascendance divine, est illogique puisqu'ils ne sont pas issus d'une gestation).

Dans l'imagerie sacrée, la nudité reste pourtant rare, et il faut attendre le XVe siècle pour qu'un certain relâchement ait lieu. Ainsi, dans le magnifique Bréviaire de Marie de Savoie, réalisé à Chambéry, entre 1400 et 1450, on note la présence de nombreux petits enfants nus dans les marges. On observe l'apparition de vierges allaitant, plutôt dans la sculpture que dans la peinture, comme le prouvent les réactions indignées de certains ecclésiastiques devant la Vierge à l'enfant de Jean Fouquet alors que des Vierges de pierre montraient leur sein au XIVe siècle déjà. Cela n'empêche pas les miniaturistes des Très Riches Heures du duc de Berry et d'autres manuscrits de la même époque de représenter des nus lorsqu'ils en éprouvent le besoin.

Une évolution intéressante est celle des représentations de Jésus enfant  : son corps commence à être dévoilé à partir du XIIIe siècle, mais il n'est représenté nu qu'à partir de 1400 environ.

La Renaissance

Étude anatomique de Léonard de Vinci (1504)

C'est bien évidemment sur l'Art de l'Antiquité que les maîtres italiens ont fondé leurs canons esthétiques, mais l'art de la Renaissance a toutefois suivi son propre cheminement, avec des supports différents (peinture sur toile, fresque, sculpture) et un grand nombre d'innovations techniques (la peinture à l'huile, la perspective linéaire, le sfumato, le trompe-l'œil,...), qui lui confèrent des caractéristiques propres. Le corps nu est représenté essentiellement dans des œuvres sur des thèmes mythologiques (voir ci-contre Lucas Cranach l'Ancien, « Vénus debout dans un paysage » (1529) ou Agnolo Bronzino, « Vénus et Cupidon » (v. 1540-50) ) ou religieux.

A la Renaissance, le nu devient un sujet à part entière et exprime une esthétique nouvelle, dans laquelle les artistes traduisent l'évolution de la société. Au début, les corps sont particulièrement corpulents (gras) car on souhaitait montrer que l'on entrait dans une nouvelle ère d'opulence et surtout parce que le désir premier des humanistes était de placer l'homme au centre de l'univers. Plus tard, les corps adipeux laissèrent la place à des corps musclés. Les corps, également figés au début, ont évolué à l'instar de ceux de l'Antiquité. Ces deux caractéristiques (musculature et mouvement) furent améliorées par l'étude des maîtres anciens mais surtout par la recherche anatomique sur modèles vivants ou cadavres (comme le fit Léonard de Vinci). Le nu féminin, tout en exprimant un idéal de beauté, commence à traduire un érotisme, qui posera quelques problèmes dans la réception des œuvres en raison des mentalités qui n'étaient pas prêtes à accepter ce type de représentation.

Les artistes durent trouver toutes sortes de stratagèmes pour que la nudité ne soit pas choquante et n'entraîne pas le rejet de l'œuvre. Soit la pose elle-même masquait ce qu'on ne voulait pas montrer, soit un cache-sexe plus ou moins opportun fut largement employé, autant sur les sculptures que dans la peinture : c'était soit un morceau d'étoffe, soit une feuille de vigne (comme sur Adam) ou de figuier, et parfois des éléments plus ingénieux comme les cheveux (pour la Naissance de Vénus de Botticelli).

Le premier nu peint par Botticelli est masculin. Il s'agit du corps nu du général assyrien Holopherne découvert décapité par ses aides de camp, deuxième panneau d'un diptyque dont le panneau gauche montre le retour de Judith suivie de sa servante portant la tête du général dans un panier. Le second nu du même peintre, masculin également, est un Saint Sébastien percé de flèches, montré en pied lié à une colonne, et auquel, pour la première fois, Botticelli fait observer une double arabesque. Dans ces deux œuvres, le sexe du personnage est dissimulé sous des voiles opportuns. Dans "La Naissance de Vénus", panneau peint une dizaine d'années plus tard, la déesse est représentée nue de face, en pied, grandeur nature. Commandé par Lorenzo di Pierfrancesco, parent de Laurent de Médicis, comme pendant du "Triomphe du Printemps" (dont le Magnifique, son tuteur, lui avait fait cadeau), ce tableau était destiné à décorer sa villa de Castello, proche de Florence. Seuls pouvaient l'admirer les amis de son propriétaire, des néoplatoniciens amateurs de mythologie gréco-romaine et souvent collectionneurs de statues antiques, que la nudité ne pouvait choquer. Botticelli représente dans cette œuvre une Vénus pudique, dont l'attitude est vraisemblablement inspirée par un bas-relief romain. Il montre la déesse sous les traits de Simonetta Vespucci, en dépit du fait que cette jeune femme était morte depuis au moins huit ans quand il a peint d'elle ce portrait idéalisé et très stylisé ! Déesse de la beauté et de l'amour, la Vénus nue de Botticelli est au contraire très chaste, se couvrant d'une main la poitrine, dissimulant de l'autre son pubis derrière une mèche de sa longue chevelure flottant au vent. En outre, le peintre a estompé la pointe des seins et le nombril de sa Vénus, et il lui a donné de plus un regard rêveur qui supprime toute équivoque de l'esprit du spectateur. Loin d'avoir voulu peindre une "Venus Erotica", Botticelli a peint la "Venus Humanitas" des platoniciens, pour lesquels la contemplation de la beauté donnait aux hommes une image de la perfection divine. Une copie du personnage central de la "Naissance de Vénus" a été réalisé se découpant sur un fond brun par l'atelier de Botticelli, modèle dont devait s'inspirer ultérieurement Lorenzo di Credi pour peindre sa propre Vénus". Botticelli peignit un dernier nu féminin environ vingt ans plus tard , "la Vérité" de sa "Calomnie d'Apelle", pour laquelle il reprit la silhouette de Simonetta Vespucci telle qu'il l'avait représentée dans sa "Naissance de Vénus", le corps observant la même double arabesque, une main levée pour indiquer le ciel, l'autre main dissimulant pudiquement son sexe.

Giorgione peint, après Botticelli, le premier nu féminin important de la Renaissance (voir ci-dessous). Il s’agit encore de Vénus, endormie dans un paysage. La déesse est représentée non plus debout, mais allongée, de face, sa tête reposant au creux de son bras, l’autre bras épousant la courbe de la hanche pour venir dissimuler le pubis. Titien reprendra cette pose vingt-cinq ans plus tard, en la transposant dans un intérieur.

La Vénus de Lorenzo di Credi — peinte vers 1490 — représente une femme nue debout sur un fond sombre. Ce personnage est une copie manifeste du personnage central de La Naissance de Vénus de Botticelli, à ceci près que Lorenzo di Credi a employé une palette plus chaude que celle de Botticelli, qu'il a donné à sa déesse une tête inspirée de la statuaire romaine, et qu'ayant supprimé de ce fait la longue chevelure de la Vénus de Botticelli grâce à laquelle celle-ci pouvait dissimuler son pubis, il a pourvu sa Vénus d'un voile dont l'extrémité retombante tient lieu de cache-sexe. On notera Lorenzo di Credi a conservé la très élégante double arabesque du corps de la déesse de Botticelli, mouvement qui alors justifié par le fait que sa Vénus se tient en équilibre instable sur une coquille mouvante, ne s'explique plus pour la Vénus de Lorenzo di Credi. Si, dans le cas présent, on ne peut considérer que le peintre ait ajouté ce voile superflu par pudeur mais par nécessité eu égard à son modèle, il est certain que des voiles ayant vocation de cache-sexe aient été effectivement ajoutés, parfois après coup, à certaines anatomies, comme ceux qui furent apposés, après le Concile de Trente, sur les sexes des personnages du Jugement dernier de la Chapelle Sixtine. Le peintre Daniele da Volterra qui accomplît ce travail y gagna le surnom de « culottier du pape ».

Néanmoins, on note des solutions variables quant à la représentation des sexes (surtout masculins). En effet, le courant des sujets religieux, promu par le mécénat officiel de l'Église, s'affrontait avec un mécénat privé néo-classique qui appréciait les sujets mythologiques, comme les Médicis, avec des compromis fréquents dans les collections privées de certains ecclésiastiques.

L'expulsion d'Adam et Ève du Paradis, fresque de Masaccio (1428)

Quant il n'y avait pas de cache-sexe, souvent le sexe était prépubère, à la manière antique. Il est d'ailleurs quelquefois difficile de différencier les enfants, adolescents et adultes dans la mesure où la musculature ne correspond ni au visage ni au sexe (comme dans les œuvres du Caravage ou de Michel-Ange). Mais certains ne s'embarrassaient pas de ces convenances, comme le David de Michel-Ange ou le Persée de Cellini, exposés aux regards sur la place publique dès leur création.

La Renaissance amène aussi l'apparition de représentations d'enfants de façon réaliste, en rupture avec les représentations du Moyen Âge où ils étaient généralement représentés comme des adultes en miniature, avec des visages d'adultes. Les représentations de Jésus enfant sont innombrables.

Certains nus de la Renaissance furent censurés, soit par les artistes aux ordres des commanditaires, soit plus tard par les descendants des propriétaires des œuvres. C'est notamment le cas d'une fresque de Masaccio (ci-contre) sur laquelle les sexes des deux personnages furent recouverts de feuilles de figuier deux siècles plus tard (et enlevées lors de la dernière restauration).

Art baroque et maniérisme

En droite ligne de la renaissance, l'art baroque et le maniérisme introduisent une exagération systématique dans les poses, le style et les sentiments donnés aux sujets représentés. La motivation des peintres n'est plus obligatoirement la recherche du réalisme presque anatomique (celui-ci a déjà été atteint). Grâce au clair-obscur introduit par le Caravage, puis Rembrandt, les corps et la chair se détachent désormais des second-plans et sont éclairés comme jamais auparavant. On n'hésite pas à montrer des corps meurtris, contrefaits ou torturés, comme Laocoon du Greco ou les innombrables représentations du Christ.

Rococo

Odalisque de Boucher, 1740

En totale contradiction avec les courants précédents viendra plus tard le rococo. Celui-ci se caractérise par la mise en avant de scènes privées. Dans cette optique, les nus sont eux aussi des scènes privées, principalement féminins et assez souvent érotiques. Watteau peint une dame faisant sa toilette, François Boucher lui n'hésite pas à peindre nue une des courtisanes de Louis XV, ou encore à se servir de sa propre femme comme modèle de son Odalisque (dans une pose très suggestive).

Pour autant les thèmes mythologiques et surtout les allégories (principalement l'amour) ne sont pas délaissés; Ils suivent les caractéristiques du courant: couleurs (et formes) douces et diffuses.

Néoclassicisme

Cupidon et Psyché de Jacques Louis David (1817)
Spartacus de Denis Foyatier (1830)

Les découvertes archéologiques qui résultèrent des fouilles d'Herculanum (1738) puis de Pompéi (1748) eurent un grand retentissement dans le domaine artistique. Elles contribuèrent à la mise au goût du jour du classicisme et, à travers lui, du néoclassicisme. Le mouvement néoclassique prônait un nouveau retour aux racines antiques (en opposition au rococo). L'art grec et romain deviennent le modèle qu'il faut suivre. C'est le départ d'un vaste mouvement qui englobe la peinture, la sculpture, mais aussi la littérature, et l'architecture.

Le classicisme se situant après la période baroque, à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, donne la prédominance à la raison sur le sentiment. En peinture, l'œuvre de Poussin est la plus représentative. Le néoclassicisme, entretenu par le système des Beaux-Arts jusqu'à la fin du XIXe siècle, repose sur des principes identiques.

Proche du Romantisme, il donna lieu a de nombreuses déclinaisons de thèmes mythologiques classiques, mais également de thèmes liés à la naissance du concept de nationalisme (Gaulois, Hongrois, Tchèque, etc.).

Toutefois, le néoclassicisme est lié aux idéaux révolutionnaires (notamment chez Jacques-Louis David) où les nus apparaissaient le plus souvent dans des scènes de guerre, avant d'être intégrés aux représentations de la bourgeoisie de la Restauration et de la Troisième République.

En peinture, les nus néoclassiques de cette seconde phase se caractérisent par un rendu velouté et uni, proches de l'idéal de pureté et de virginité de la première période romantique. Les nus les plus connus de cette période sont ceux de Dominique Ingres, notamment sa Grande Odalisque, dont les vertèbres supplémentaires ajoutent une note maniériste.

En sculpture, on fait un grand usage de sujets et de poses antiques, dont la célèbre Vénus de Canova pour laquelle Pauline Bonaparte avait posé. Si le nu intégral ne choque plus guère pour les œuvres publiques monumentales, on note une pratique particulière concernant les sculptures en bronze destinées aux particuliers. Souvent on y ajoute un cache-sexe opportun, bout de pagne ou feuille de vigne, y compris pour les reproductions d'antiques.

Romantisme

La querelle des classiques et des romantiques ne fut pas seulement littéraire ; elle se produisit aussi dans l'art et influença fortement la peinture et la sculpture de la première moitié du XIXe siècle. Succédant à l'art quasi-officiel de la période de l'Empire, très lié aux goûts personnels de Napoléon et aux conventions imposées par David, l'art romantique tente un mariage entre la forme antique et le sentiment moderne, entre le classique et le romantique. En France, il se développa sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, et fut la dernière étape avant l'apparition du réalisme et de l'impressionnisme, qui triomphèrent dans la seconde moitié du siècle.

La peinture romantique, réaction du sentiment contre la raison, se caractérise par un goût très marqué pour la dramatisation. Les peintres n'hésitent plus à montrer la réalité, aussi violente qu'elle puisse être. La peinture romantique se caractérise aussi par l'arrivée de l'exotisme dans les mœurs occidentales, par le fantasme du harem (voir dans la galerie en fin d'article, Au harem - Femme au bain de Théodore Chassériau, (1854) ), des femmes mises à disposition; les œuvres deviennent plus libérées, quelque peu voyeuristes et les premiers nus exprimant la sensualité et parfois même la sexualité, commencent à faire une timide apparition grâce à l'Orient... La peinture romantique est une totale rupture avec le classicisme et s'écarte également du néoclassicisme par un relâchement des conventions formelles : ce ne sont plus les formes et les sujets que l'on met en valeur, mais davantage l'intensité des couleurs, des contrastes et de la lumière (cf. La querelle du dessin et de la couleur entre Ingres et Delacroix).

Tandis qu'en peinture la dispute s'élevait entre le dessin et la couleur, en sculpture la question se posait entre l'antique et le moderne. Les sculpteurs eux-aussi cherchaient un rajeunissement.

Mais le romantisme en sculpture n'apparut qu'assez tard, vers 1830, et dura peu. Jusque-là les artistes, n'osant pas rompre avec le canon traditionnel, tentaient seulement d'accentuer le mouvement des lignes ou de leur donner plus de souplesse : le Spartacus de Foyatier ou le Coureur de Marathon de Cortot, de facture néoclassique ne manifestent encore qu'un timide acheminement vers la liberté.

Les sculpteurs vraiment romantiques se révèlent par le choix de leurs sujets : la littérature moderne, le Moyen Âge et la Bible sont leur source d'inspiration. Jehan Duseigneur expose en 1831 un Roland furieux nu et épileptique, et en 1833 un Quasimodo et Esméralda ; Étex donne en 1833 un Caïn hirsute, et une Françoise de Rimini ; Préault, le type du sculpteur romantique, au ciseau truculent, a des trouvailles funèbres, comme son célèbre Masque du silence, ou des effets shakespeariens comme l' Ophélie noyée du musée de Marseille ; en 1836, Rude fait éclater sur l'Arc de Triomphe sa Marseillaise hurlant l'hymne de la liberté, sculpture frémissante de vie, une des plus grandes pages sculpturales du siècle.

Mais le sculpteur romantique par excellence, c'est David d'Angers (1788-1856) l'artiste exalté par Vigny, célébré par Hugo, romantique, de cœur et de tête, qui, dès le salon de 1824, livrait à côté de Delacroix le combat romantique avec sa Mort de Bonchamp, classique encore par le nu, mais romantique par l'accent et le geste.

Impressionnisme et Réalisme

Olympia de Manet (1863)
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Ces deux mouvements de la seconde partie du XIXe siècle firent scandale à leur époque en utilisant le nu dans des situations réalistes et non plus pour des scènes mythologiques.

Proches des préoccupations sociales de leur époque, les peintres réalistes privilégièrent les études de nus féminins sur le vif, dans des situations quotidiennes. Loin de l'idéalisation du néoclassicisme, ces œuvres crues furent considérées comme de la pornographie.

Les nus impressionnistes empruntèrent à l'école réaliste un goût pour le quotidien, en opérant toutefois un retour marqué à certaines scènes bucoliques, idéalisées. Un des initiateurs du mouvement fut Édouard Manet dont l'œuvre Olympia provoqua un tollé car il représentait une femme ordinaire, probablement une prostituée, nue mais ayant gardé son collier, un bracelet et ses mules aux pieds et accompagnée d'une domestique noire (lui présentant peut-être le bouquet d'un admirateur ?) et d'un chaton noir. Le même peintre provoqua un scandale mémorable au Salon des Refusés en 1863 en présentant une toile désormais célèbre, le Déjeuner sur l'herbe, où une femme entièrement nue participe à un simple pique-nique dans la nature en compagnie d'hommes habillés.

Enfin, Gustave Courbet alla plus loin encore en montrant avec son tableau L'Origine du monde qu'une représentation très crue du corps humain, à la limite de la pornographie, peut être considérée comme de l'art (ce tableau ne fut montré qu'au cercle restreint de ses propriétaires successifs jusqu'à son exposition récente).

Expressionnisme

L'art fasciste

Prometheus d'Arno Breker.

Le néoclassicisme a connu un renouveau au XXe siècle, du fait de régimes dictatoriaux qui en attendaient une image de permanence et de continuité de la civilisation. L'Italie fasciste et l'Allemagne nazie ont puisé dans les représentations idéalisées de la Grèce et de la Rome antique, pour constituer leurs outils de propagande. La propagande nazie notamment montra un réel désir de retourner à un mode de vie proche de celui de l'Antiquité en ce qui concerne la pratique des sports (de façon collective) ainsi que dans le rapport à la nudité ; en effet, le régime soutint le mouvement naturiste allemand (bien qu'il ait été sceptique au début).

Le nu artistique a été utilisé pour montrer la perfection du corps « aryen » et sportif (ce qui a été notable lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1936 avec, en particulier, sa présentation cinématographique par Leni Riefenstahl). On ne peut que convenir des similitudes entre le décor des jeux de Berlin, avec les statues d'Arno Breker, et le Foro Italico (Stade des marbres) de Mussolini à Rome, dont le stade est couronné de nus masculins monumentaux.

Les canons de l'art stalinien, utilisés dans les pays communistes, puisent dans le même répertoire. Les statues du Palais du Trocadéro, qui a accueilli l'Exposition universelle en 1937, avec les pavillons géants de l'Allemagne nazie et de l'URSS communiste, sont également proches de ce style. En France on peut citer Pierre Le Faguay comme sculpteur de ce courant.

Les représentations masculines (comme celles d'Arno Breker) étaient bien souvent des pastiches des représentations classiques, avec une carrure exagérée, des poses rigides (comme le bras tendu vers la victoire) et un regard devant inspirer le courage. Le tout était parfois accentué par les dimensions monumentales des œuvres, ce qui ne les rend pas très proches du modèle humain, mais plutôt d'un hypothétique surhomme, d'un héros, de l'image qu'on se fait du courage lui-même.

Le nu contemporain

Abstraction puis figuration

Au début du XXe siècle, période de mutations historiques de l'art et de ses prérogatives, l'art figuratif a été réinterprété grâce à l'éclairage nouveau qu'ont pu offrir les nouvelles techniques et les nouvelles approches (la psychanalyse par exemple).

Les Demoiselles d'Avignon (de Picasso, 1906) sont un exemple célèbre de distorsion de nus à travers le prisme multifocal du cubisme. L'expressionnisme abstrait ne quitte pas la thématique traditionnelle du nu qui reste perceptible. Le pop art s'est également réapproprié des images commerciales de nus, voire d'images pornographiques (Tom Wesselmann).

Si les représentations de nus sont entrées dans les standards de l'imagerie collective, de nouvelles voies n'ont cessé d'être explorées, notamment, le body art (ou art corporel) a donné, à travers des performances, des représentations parfois crues du corps, devenu un thème majeur de réflexion autour d'enjeux sociaux, psychiques, politiques, et personnels.

Les automutilations de Gina Pane, ou les Fuck Faces, sculptures de Jake et Dinos Chapman, ont souvent suscité des réactions négatives de la part du public. Le corps, ayant abandonné sa dimension de représentation canonique des catégories esthétiques classiques, est devenu un vecteur de réflexion et de subversion. En été 2005, le musée Léopold de Vienne a proposé l'entrée gratuite à l'exposition "La Vérité nue" à ses visiteurs nus.

Le body art ou art corporel

Suite aux premières performances ou happenings du Black Moutain College aux États-Unis, la mise en scène du corps - le plus souvent, celui de l'artiste lui-même - est devenu un nouveau médium de transfiguration du corps. En France, c'est notamment avec Michel Journiac, dans les années 1970, que l'art corporel, où apparaissent très souvent des corps nus, a émergé. Plus récemment, Ana Mendieta, explorant les rites yoruba de sa culture cubaine d'origine, entrait nue dans un cratère, dans un mouvement d'appel à son corps embryonnaire. Les performances d'Yves Klein, où le corps de jeunes filles mêlé à de la peinture bleue laisse son empreinte sur des toiles, est également une scène de body-art célèbre.

Nouveaux domaines d'exercice

En photographie

Installation de Spencer Tunick à Mexico

A son origine la photographie de nu a été utilisée par des artistes comme nouveau moyen d'esquisser un modèle. Le musée d'Orsay, par exemple, possède des nus sur lesquels ont été tracés des carrés destinés à aider dans la reproduction et l'agrandissement du modèle sur une toile [1].

Bien que liée depuis ses débuts à l'érotisme et mettant majoritairement en scène des femmes, la photographie de nu ne se limite pas à cette image.

Vers le milieu du XXeme siècle certains magazines ont commencé à mélanger les genres artistiques et érotiques pour détourner les problèmes de censure encore très présents à l'époque, n'hésitant pas à présenter au grand public comme artistiques des photos en réalité bien plus proches de l'érotique.

La composition photographique obéit à ses propres règles et permet une réinterprétation du thème. David Hamilton est notamment connu pour ses mises en scènes éthérées de corps nus féminins, couleur et noir et blanc.

L'américain Spencer Tunick a pris quant à lui le parti de photographier des masses de corps nus, mettant en scène de façon spectaculaire des groupes de plusieurs milliers de personnes nues, volontaires, dans des endroits publics[2].

Les mises en scène de Joel-Peter Witkin, où interviennent des personnages bizarres, handicapés ou surpondérés, sont une réinterprétation gothique contemporaine du nu.

Les nus masculins du photographe parisien Paul Eden renouent avec la beauté classique tant décriée dans l’art contemporain.

Un photographe comme le Finlandais Arno Rafael Minkkinen photographie son corps nu qu'il met en scène dans des paysages de son pays natal, réinventant l'autoportrait.

En France, le photographe Pierre-Jean Amar recherche dans ses nus à la fois l'expression de l'esthétisme des formes du corps féminin et l'évocation de la sensualité, en jouant beaucoup avec la lumière.

Chaque année, à la fin de l'hiver la ville d'Arles, ville d'image et de photographie, accueille le Festival européen de la photo de nu.

Au cinéma

Nu artistique

Le nu au cinéma est bien plus courant chez les réalisateurs européens car il est lié à l'acceptation du nu par chaque population spectatrice. Les scènes nues se sont principalement développées dans les années 1970 et 1980. Avant cette période, la nudité était interdite, puis elle a été tolérée mais non frontalement et était quasi exclusivement féminine (la nudité des James Bond girls en est un bon exemple). Avec la « libération des mœurs » des années 1970, on a vu apparaître une nudité frontale, d'abord féminine puis masculine. À la même époque, sont apparus les films pornographiques et leur légalisation. Dans les années 1990, la nudité dans les films grand public s'est plutôt raréfiée.

Aux États-Unis, la législation est bien plus stricte quant à la classification des films contenant des scènes de nu. Au Japon, le critère d'acceptabilité est la présentation ou non de poils pubiens.

Les techniques numériques

Image obtenue par le logiciel Poser

Le développement des techniques d'imagerie numériques (logiciels de retouche comme Photoshop ou The Gimp, de synthèse d'images comme Poser) ont été suivis par de nouveaux thèmes de réflexion sur une plasticité et une interchangeabilité croissante des représentations du corps. Les artistes Aziz + Cucher créent par exemple des images d'individus à la peau sans orifices, imperméable et insensibilisée. Simon Costin, quant à lui, se met en scène dans des poses d'automutilation plantées dans un univers aseptisé.

Nu et société

Nu et féminisme

Des artistes féministes engagées ont dénoncé la prépondérance drastique des représentations de nus féminins dans les espaces muséaux et l'idéologie phallocrate qui (selon elles) y est associée.

Cependant il ne faut pas oublier qu'en art le nu et particulièrement le nu féminin implique le plus souvent une valeur symbolique. Selon les époques et les oeuvres il peut tout aussi bien symboliser la perfection d'une divinité antique, l'innocence d'Eve au paradis que le libertinage du XVIIIeme siècle...

Voir aussi Image de la femme.

Nu et pédophilie

En 2000, une artiste néerlandaise, Kiki Lamers, s'est vue interdire d'exposer en France car ses photos incluaient notamment des enfants nus (sans aucun caractère sexuel, cependant) ; d'autres artistes comme les photographes David Hamilton, Sally Mann, Jock Sturges, Jan Saudek, Will McBride ou même Robert Mapplethorpe, pour ne citer que les plus célèbres, avaient aussi connu ce genre d'attaques. La législation étant de plus en plus stricte en ce domaine, on peut se demander par exemple si des œuvres telles que L'Amour victorieux du Caravage ou les peintures de Henry Scott Tuke seraient acceptées ou censurées de nos jours.

Galerie

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Bibliographie

  • Pierre-Jean Amar, Nus, avec un texte de Raymond Jean, Nathan, 1990 — ISBN 2-092-40075-4
  • Marie-Jo Bonnet, Les deux amies. Essai sur le couple de femmes dans l'histoire de l'art, 328 p., éditions Blanche, Paris, 2000 — ISBN 2-911621-94-8
  • Kenneth Clark, Le Nu, coll. Art, Le Livre de poche, 1969 — (Réédition : Hachette Pluriel Reference, 1998, ISBN 2-012-78909-9)
  • William A. Ewing, Le Corps, Œuvres photographiques sur la forme humaine , 432 p., Éditions Assouline, 1994 — (Réédition : 2002, ISBN 2-843-23067-5)
  • William A. Ewing, Le Siècle du corps , 232 pp., Éditions de La Martinière, 2000 — ISBN 2-7324-2676-8
  • Michèle Haddad, La Divine et l'Impure, le nu au XIXe siècle, Éditons du Jaguar, 1990 — ISBN 2-869-50174-9

2676-8

Voir aussi

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Références

  1. Voir photo du XIXeme siècle au musée d'Orsay
  2. Exemples du travail de Spencer Tunick: Barcelone, New York, Londres

Articles connexes

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