Georges Jacques Danton

Georges Jacques Danton
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Georges Jacques Danton
Portrait de Danton par Constance-Marie Charpentier, Musée Carnavalet
Portrait de Danton par Constance-Marie Charpentier, Musée Carnavalet

Naissance 26 octobre 1759
France monarchie Arcis-sur-Aube
Décès 5 avril 1794 (à 34 ans)
Drapeau de la France Paris
Nationalité Drapeau de France France
Pays de résidence France
Diplôme Licence de droit
Profession Avocat
Activité principale Homme politique
Conjoint Gabrielle Charpentier
Louise Gély
Signature

GeorgesDantonSignature.jpg

Georges Jacques Danton, le 26 octobre 1759 à Arcis-sur-Aube et mort guillotiné le 5 avril 1794 (16 germinal an II) à Paris, est un avocat et un homme politique français.

Danton est une des figures emblématiques de la Révolution française tout comme Mirabeau avec qui il partage un prodigieux talent oratoire et un tempérament impétueux, avide de jouissances (les ennemis de la Révolution l'appellent le Mirabeau du ruisseau), ou comme Robespierre, à qui tout loppose, le style, le tempérament et le type de talent. Il incarne la « Patrie en danger » dans les heures tragiques de linvasion daoût 1792 quand il s'efforce de fédérer contre l'ennemi toutes les énergies de la nation : pour vaincre, dit-il, « il nous faut de laudace, encore de laudace, toujours de laudace et la France sera sauvée ! ».

Comme Robespierre, il sest vite constitué autour de sa personne une légende. Et sest déchaînée entre historiens robespierristes et dantonistes une polémique idéologique et politique qui a culminé sous la IIIe République. Pour les premiers, Danton est un politicien sans scrupules, vénal, capable de trahir la Révolution ; pour les seconds, il est un ardent démocrate, un patriote indéfectible, un homme dÉtat généreux.

Sommaire

Biographie

Période précédant la Révolution

Georges Jacques Danton est à Arcis-sur-Aube, dans la province de Champagne, le 26 octobre 1759 de Jacques Danton (mort le 24 février 1762 à l'âge de 40 ans), procureur du lieu et de sa seconde épouse, Marie-Madeleine Camut (morte le 12 octobre 1813), fille d'un charpentier. Marié en 1754, le couple a quatre enfants. Jacques Danton vient de Plancy, gros village situé à quatre lieues dArcis, son père cultive encore la terre en 1760.

Il a un an lorsquun taureau, se jetant sur une vache qui lallaite, le blesse dun coup de corne, lui laissant une difformité à la lèvre supérieure gauche. Plus tard, comme il est doué d'une grande force, il veut se mesurer à un taureau qui lui écrase le nez dun coup de sabot. Enfin, il contracte dans sa jeunesse la petite vérole, dont il conserve des traces sur le visage[1].

Son père étant mort et sa mère remariée le 24 juillet 1770 à un marchand de grain, Jean Recordain, il est mis au petit séminaire de Troyes, puis au collège des Oratoriens, plus libéral, il reste jusqu'à la classe de rhétorique.

En 1780, il part pour Paris il se fait engager comme clerc chez un procureur (équivalent de l'époque de l' avoué), Me Vinot, qui l'emploie de 1780 à 1787. En 1784, il se rend à la faculté de droit de Reims pour obtenir une licence, puis regagne Paris comme avocat stagiaire.

Au café du Parnasse quil fréquente, « un des établissements de limonadier les plus considérés de Paris », presque en face du Palais, au coin de la place de lÉcole et du quai, il rencontre sa future femme, Antoinette-Gabrielle Charpentier, fille du propriétaire, « jeune, jolie et de manières douces » (son portrait peint par David est au musée de Troyes). Avec la dot de 20 000 livres quelle lui apporte et des prêts cautionnés par sa famille dArcis, il peut acheter en 1787 la charge d'avocat de Me Huet de Paisy pour la somme de 78 000 livres.

Il se marie la même année à Saint-Germain-lAuxerrois et sinstalle cour du Commerce. LÉtat actuel de Paris de 1788 indique au no 1 de cette cour : Cabinet de M. d'Anton[2], avocat ès conseils .

La Révolution

Avocat modeste et inconnu à la veille de la Révolution, Danton va faire ses classes révolutionnaires à la tête des assemblées de son quartier et en particulier du club des Cordeliers, dont il devient un orateur réputé. Cest la chute de la monarchie (journée du 10 août 1792) qui le hisse à des responsabilités gouvernementales et en fait un des chefs de la Révolution.

Un agitateur de quartier (1789-10 août 1792)

A lemplacement de la maison de Danton, emportée par le percement du boulevard Saint-Germain en 1877, la Ville de Paris a érigé en 1891, en hommage à « lâme de la défense nationale », une statue, œuvre du sculpteur Auguste Paris, qui représente le tribun debout, entouré de deux volontaires, en train de haranguer la foule.

En 1789, Danton habite le district des Cordeliers (devenu en mai 1790 la section du Théâtre-Français) dans le quartier du Luxembourg[3], quartier de libraires, de journalistes et dimprimeurs. Il demeure au no 1 de la cour du Commerce-Saint-André, passage bordé de boutiques reliant la rue Saint-André-des-Arts à la rue de l'École-de-Médecine, qui connait son heure de gloire sous la Révolution : Marat y a son imprimerie au no 8, Camille Desmoulins y séjourne, la guillotine est expérimentée sur des moutons en 1790 dans la cour du no 9[4].

Appartenant à la moyenne bourgeoisie, titulaire dun office, il participe aux élections du tiers état aux États Généraux de 1789 ( 412 votants dans le district des Cordeliers; 11 706 pour Paris qui compte environ 650 000 habitants et doit élire 40 députés[5]) et s'enrôle dans la garde bourgeoise de son district.

Il acquiert sa renommée dans les assemblées de son quartier : assemblée de district dont il est élu et réélu président, puis assemblée de section quil domine comme il domine le club des Cordeliers, crée en avril 1790 dans lancien couvent des Cordeliers avant de sinscrire au club des Jacobins.

Car Danton, comme Mirabeau, est une « gueule », un personnage théâtral, figure « repoussante et atroce, avec un air de grande jovialité » selon Mme Roland qui le hait. Orateur dinstinct, ses harangues improvisées (il n'écrit jamais ses discours) enflamment ses auditeurs. Les contemporains disent que ses formes athlétiques effrayaient, que sa figure devenait féroce à la tribune. La voix aussi était terrible. "Cette voix de Stentor, dit Levasseur, retentissait au milieu de l'Assemblée, comme le canon d'alarme qui appelle les soldats sur la brèche." Un autre témoin oculaire, Thibaudeau, le décrit aux Cordeliers :

«  Je fus frappé de sa haute stature, de ses formes athlétiques, de lirrégularité de ses traits labourés de petite vérole, de sa parole âpre, brusque, retentissante, de son geste dramatique, de la mobilité de sa physionomie, de son regard assuré et pénétrant, de lénergie et de laudace dont son attitude et tous ses mouvements étaient empreintsIl présidait la séance avec la décision, la prestesse et lautorité dun homme qui sent sa puissance[6]. »

Lhistorien Georges Lefebvre en trace le portrait suivant :

« Il était nonchalant et paresseux ; cétait un colosse débordant de vie, mais dont le souci profond et spontané était de jouir de lexistence, sans se mettre en peine de lui assigner une fin idéologique ou morale, en se tenant le plus près possible de la nature, sans souci du lendemain surtout. On le comprend encore mieux quand on le voit fier de sa force, de labus quil en faisait et de ses prouesses amoureuses ; si solide quil fût, il avait des moments de dépression qui aggravaient sa paresse, et dégénéraient en atonie. Et enfin, il me parait vraiment quil fut « magnanime » comme le dit Royer-Collard. Sil ignorait les scrupules, il ne connaissait pas non plus la haine, la rancune, la soif de vengeance qui ont tant contribué à déformer la Terreur et à lensanglanter.
(…) Avec son goût très vif, mais sain, pour les plaisirs de la vie, le cœur sur la main, et la dépense facile, insouciant et indulgent, dune verve intarissable et primesautière, qui népargnait pas les propos salés, Danton plaisait naturellement à beaucoup de gens. (…) Aimant lexistence, il était optimiste ; débordant de sève, il respirait ordinairement lénergie ; ainsi devait-il simposer aisément comme un chef : cétait un entraineur dhommes[7]. »

On sait aujourd'hui sans contestation possible[8] que Danton a touché de largent de la Cour selon le plan de corruption, proposé à Louis XVI par Mirabeau, qui visait notamment les journalistes et les orateurs de club. On sait quavec cet argent il a remboursé les emprunts faits pour acquérir son office davocat et acheté des biens nationaux à Arcis-sur-Aube. Mais on ne sait rien de précis sur les services quil a pu rendre à ceux qui le payaient. « Ils sont imperceptibles » dit Mona Ozouf[9]. « Sur ce que la Cour obtint de lui, nous ne savons rien » écrit Georges Lefebvre[10].

Sa renommée grandit vite. Le district quil préside sillustre aussi dans la lutte contre Bailly, le maire de Paris et contre La Fayette. Il sinsurge en janvier 90 pour soustraire Marat aux poursuites judiciaires. Si Danton ne participe pas directement aux grandes « journées » révolutionnaires14 juillet, 6 octobre, 20 juin, 10 aoûtil les arrange, les prépare. Le 13 juillet, il harangue les troupes cordelières. Début octobre, il rédige laffiche des Cordeliers qui appelle les Parisiens aux armes. Le 16 juillet 1791 dans laprès-midi, la veille de la fusillade du Champ-de-Mars, il va lire la pétition des Jacobins au Champ-de-Mars sur lautel de la patrie. Mais le 17, il est absent lorsque la garde nationale commandée par La Fayette tire sur les pétitionnaires, faisant une cinquantaine de victimes. Une série de mesures répressives contre les chefs des sociétés populaires suit cette journée dramatique, lobligeant à se réfugier à Arcis-sur-Aube, puis en Angleterre.

Après l'amnistie votée à l'Assemblée le 13 septembre, il revient à Paris. Il tente de se faire élire à l'Assemblée législative mais l'opposition des modérés à l'assemblée électorale de Paris l'en empêche. En décembre 1791, lors du renouvellement partiel de la municipalité, marqué par une forte abstention (la défaite de La Fayette à la mairie au poste de Bailly démissionnaire marque le déclin du parti « constitutionnel » qui a jusque- dominé l'Hôtel de Ville), il est élu second substitut adjoint du procureur de la Commune Manuel. Dans le débat sur la guerre au club des jacobins commencé au début de décembre 1791, il penche plutôt du côté de Robespierre que de Brissot sans adopter une position antibelliciste aussi vigoureuse que celles de son ami[11]. Mais le 30 décembre 1791 les deux hommes firent font commun avec succès contre une tentative déguisée de Brissot de musellement de lopinion antibelliciste» au club des jacobins, selon les critères invoqués par le député de la Gironde dans son discours du joursoumission aux lois» et "respect de la constitution")[12]. On peut difficilement croire Legendre quand sans doute pour sauver sa tête en mars 1794 il rapporte à Robespierre cette phrase que Danton aurait prononcé dans ce long débat : "s'il (Robespierre) veut se perdre, qu'il se perde tout seul."

Car, élu président du club le 27 avril 1792 le 10 mai, en réaction à des insultes des Brissotins à l'encontre d'un présumé « despotisme dopinion »,de Robespierre, Danton proteste :

"M. Robespierre n'a jamais exercé ici que le despotisme de la raison[13]".

A la veille de la chute de la monarchie (journée du 10 août 1792), Danton est un des hommes en vue du clubisme parisien (Cordeliers, Jacobins).

Premier passage au gouvernement (aoûtseptembre 1792) - Ministre de la Justice

Le nouveau conseil général de la Commune (288 membres) se réunit en permanence comme une assemblée nationale. Un homme se détache : Robespierre.
Le comité de surveillance de la Commune est chargé de la police politique et de la coordination des comités de surveillance des sections. Dix membres y siègent, dont Marat.

Danton est un des grands bénéficiaires de cette journée à laquelle il na pas participé personnellement. Il sest targué au Tribunal révolutionnaire davoir « fait » le 10 août mais on ne sait rien de précis sur son rôle, les témoignages étant rares et contestés.

Face à la Commune insurrectionnelle qui sappuie sur les sections insurgées et qui tient Paris, lAssemblée législative na dautres choix que de suspendre Louis XVI et de lui substituer un Conseil exécutif provisoire de six membres composé des anciens ministres girondins (Roland à lIntérieur, Servan à la Guerre, Clavière aux Finances) avec Monge à la Marine et Lebrun aux Affaires étrangères. Les Girondins, hostiles au Paris révolutionnaire, ont besoin dun homme populaire et engagé avec les insurgés pour faire la liaison avec la Commune insurrectionnelle. Ils font nommer Danton au ministère de la Justice.

Condorcet, qui bien quadversaire malheureux de Danton aux élections de substitut et dans le débat sur la guerre, soutient sa candidature, explique son vote :

« Il fallait dans le ministère un homme qui eût la confiance de ce peuple dont les agitations venaient de renverser le trône (…) qui par son ascendant pût contenir les instruments très méprisables dune révolution utile, glorieuse et nécessaire (…) qui par son talent pour la parole, par son esprit, par son caractère, navilît point le ministère. Danton seul avait ces qualités[14]. »

Et Condorcet ajoute cette considération significative :

« Dailleurs Danton a cette qualité si précieuse que nont jamais les hommes ordinaires : il ne hait ou ne craint ni les lumières, ni les talents, ni la vertu.  »

Danton sinstalle place Vendôme, devenue place des Piques, et fait aussitôt entrer ses amis au ministère : Desmoulins est nommé secrétaire du Sceau, Fabre d'Églantine secrétaire général de la Justice (jusqu'alors un seul fonctionnaire occupait les deux postes), Robert chef des secrétaires particuliers.

Dans un climat de violence et de peur sopposent des autorités rivales, il va devenir, par sa personnalité et son autorité naturelle, le vrai chef du Conseil exécutif.

La Commune insurrectionnelle force lAssemblée à faire emprisonner Louis XVI au Temple, à convoquer une Convention nationale élue au suffrage universel chargée délaborer une Constitution et met en place le dispositif de ce que lon a appelé « la première Terreur » qui préfigure celle de 1793 : suppression des journaux dopposition, perquisitions, visites domiciliaires, arrestations de prêtres réfractaires, des notables aristocrates, des anciens ministres feuillants, premier Tribunal révolutionnaire (qui ne fera guillotiner que trois « conspirateurs »). «  commence laction des agents de la nation doit cesser la vengeance populaire » dit Danton.

Paris vit à lheure des préparatifs militaires, de la patrie en danger, des volontaires. Le 21 août, on apprend la première insurrection vendéenne. À la fin du mois, les frontières sont franchies. Le duc de Brunswick avec une armée de 80 000 austro-prussiens savance vers Paris. Les soldats de la Révolution reculent.

Le 28 août, Roland, soutenu par Servan et Clavière, propose dabandonner Paris et de se retirer au-delà de la Loire avec lAssemblée et le roi. Seul des ministres Danton sy oppose avec tant dindignation et de menaces que les autres y renoncent. Le même jour, devant lAssemblée, il félicite la Commune pour les mesures déjà prises, puis fait décider lenvoi dans les départements de commissaires (cest lui qui les choisira, presque tous parmi les membres de la Commune) qui procéderont aux levées de volontaires (30 000 hommes à Paris et dans les départements voisins) et à la réquisition des denrées nécessaires au ravitaillement des armées. Il fait enfin autoriser les visites domiciliaires de suspects, décidées par la Commune.

Le 2 septembre, Paris apprend que duc de Brunswick a occupé Verdun, que ses troupes sont à deux jours de la capitale. Danton, en costume rouge, monte à la tribune de lAssemblée et prononce son célèbre discours, salué par une ovation assourdissante :

« Il est bien satisfaisant, messieurs, pour les ministres dun peuple libre, davoir à lui annoncer que la patrie va être sauvée. Tout sémeut, tout sébranle, tout brûle de combattre ! (…) Le tocsin quon va sonner nest point un signal dalarme, cest la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, il nous faut de laudace, encore de laudace, toujours de laudace, et la France sera sauvée !  »

Grâce à lui, grâce aux décrets quil fait voter à lAssemblée, une impulsion nouvelle sera donnée à la poursuite de la guerre. Larmée sent que le gouvernement, désormais, est résolu à lutter. Jusquà Valmy, cest lui qui va incarner le mieux cette volonté de vaincre et cette passion de lunion révolutionnaire, mieux que la Commune et les Girondins, obsédés par leur haine réciproque.

A Paris, du 2 au 6 septembre, dans un climat de panique et de peur lié à linvasion du territoire et aux appels au meurtre des journaux de Marat et dHébert, des sans-culottes massacrent entre 1 100 et 1 400 personnes détenues dans les prisons. Les contemporains et certains historiens[15]ont attribué à Danton un rôle dans ces événements, mais rien ne prouve que les massacres aient été organisés par lui, ni par aucun autre. On sait seulement que, ministre de la Justice, il na rien fait pour les arrêter. « Lattitude des autorités est, sur le moment, embarrassée » écrit François Furet[16] « Toutes se sentent débordées et intimidées. Ni la Commune, ni son Comité de surveillance, nont préparé les massacres : ils les ont laissé faire en cherchant à en limiter la portée. Ministre de la Justice, Danton sest abstenu de toute intervention. Lopinion révolutionnaire a, dans son ensemble, non pas approuvé mais justifié lévénement. »

Le 4 septembre, pendant les massacres, le Comité de surveillance de la Commune siège Marat lance des mandats darrestation contre Roland et Brissot. Cette fois Danton intervient et, sopposant à Marat en une altercation caractéristique des deux hommes, fait révoquer les mandats ; de même, il réussit habilement à faire échapper Adrien Duport, Talleyrand et Charles de Lameth.

Le 20 septembre, Valmy sauve la France de linvasion et donne le signal de la détente. Le même jour, la Convention se réunit, première assemblée élue au suffrage universel à deux degrés (mais seuls les militants révolutionnaires ont osé paraître aux assemblées primaires). A Paris, Robespierre est élu le premier, puis cest le tour de Danton qui obtient le plus grand nombre de voix : 638 sur 700 présents. Ses amis, Camille Desmoulins, Legendre et Fabre dEglantine sont élus avec lui. Il opte pour la députation, quittant le Conseil exécutif.

La Convention nationale

Élus par moins de 10% de la population, les 749 Conventionnels sont tous issus du mouvement révolutionnaire. Deux factions rivales, les Montagnards et les Girondins entrent aussitôt en lutte pour le contrôle de la Convention (ces factions, divisées, de composition fluctuante, sans lignes politiques claires, ne sont pas des partis au sens moderne du terme). La majorité des députés, « la Plaine ou le Marais » (qui ne sont pas des « modérés »), suivent les Montagnards ou les Girondins selon quils estiment que les uns ou les autres incarnent le mieux les espoirs collectifs. Danton siège à gauche avec la Montagne. Malgré les attaques des Girondins, il sera longtemps le défenseur de lunion entre les factions.

À la Convention, le 4 octobre, Danton propose de déclarer que la patrie nest plus en danger. Il ne demande quà renoncer aux mesures extrêmes. Surtout, il mesure les risques que font courir à la Révolution les querelles fratricides entre républicains. Il prêche la conciliation et appelle plusieurs fois l'assemblée à la « sainte harmonie ». « C'est en vain que l'on se plaignait à Danton de la faction girondine, écrira Robespierre, il soutenait qu'il n'y avait point de faction et que tout était le résultat de la vanité et des animosités personnelles[17]. » Mais les attaques des Girondins se concentrent sur lui, Marat et Robespierre - les « triumvirs » - accusés daspirer à la dictature. Danton défend Robespierre ( « Tous ceux qui parlent de la faction Robespierre sont, à mes yeux, ou des hommes prévenus ou de mauvais citoyens » ) mais se désolidarise de Marat (« Je naime pas lindividu Marat. Je dis avec franchise que jai fait lexpérience de son tempérament : il est volcanique, acariâtre et insociable. »). Les Girondins lattaquent sur sa gestion des fonds secrets du ministère de la Justice. Roland, ministre de lIntérieur donne scrupuleusement ses comptes. Danton en est incapable[18]. Harcelé par Brissot, il néchappe que par la lassitude de la Convention et longtemps les Girondins crieront « Et les comptes ? » pour linterrompre à la tribune. Son influence est en baisse, au profit de Robespierre qui devient le vrai chef de la Montagne.

Peut-être écœuré par ces attaques et par léchec de ses tentatives de conciliation, Danton se fait envoyer fin novembre par la Convention en Belgique avec trois autres commissaires, pour enquêter sur les besoins de l'armée du nord. Le général Dumouriez se plaignait du directoire dachats, mis en place par la Convention en remplacement de son fournisseur aux armées (et ami de Danton) labbé dEspagnac, et accusait le directoire de laisser larmée dans le dénuement[19]. Il part le 30 novembre alors que débute le procès de Louis XVI.

Danton aurait souhaité sauver Louis XVI. Il aurait cru que cétait une des conditions de la paix. Robespierre écrira en mars 1794 : « Il voulait quon se contentât de le bannir. La force de lopinion détermina la sienne[20]. » En 1816 Théodore de Lameth, venu de Londres pour tenter de sauver le roi, raconte que Danton lui a promis de laider : « Je ferai avec prudence mais hardiesse tout ce que je pourrai. Je mexposerai si je vois une chance de succès, mais si je perds toute espérance, je vous le déclare, ne voulant pas faire tomber ma tête avec la sienne, je serai parmi ceux qui le condamneront[21]. » Ajoutant cependant sans illusion : « Peut-on sauver un roi mis en jugement ? Il est mort quand il paraît devant ses juges. » Pour sauver le roi, il faut des fonds. Talon, interrogé en 1803 par la police de Bonaparte, déclare avoir proposé, de la part de Danton, à William Pitt et au roi de Prusse « de faire sauver, par un décret de déportation, la totalité de la famille royale» et ajoute : « Il me fut démontré, n'ayant pu avoir aucune réponse, que les puissances étrangères se refusaient aux sacrifices pécuniaires demandés par Danton[22] ». On sait[23] cependant que le banquier Le Couteulx versa deux millions à Ocariz, qui représentait lEspagne à Paris pour acheter des voix durant le procès du roi. « Jadmets quon laisse en suspens la question de savoir si Danton entendait ou non garder pour lui une portion des millions quil demandait, écrit Georges Lefebvre[24], mais quil les ait sollicités, je ne parviens pas à en douter. » De retour à Paris les 16 et 18 janvier, Danton vote la mort du roi sans sursis.

Cette vénalité politique hautement défendue par Mathiez est cependant loin d'être assurée et a été contestée[25]. On est bien obligé de redire avec Mona Ozouf que les services rendus à la Contre-révolution sont "imperceptibles" ; voire contredisent l'accusation si l'on procède à une analyse épistémologique du dossier. Le 6 novembre 1792 le tout premier il demande la publication intégrale du rapport Valazé, (premier acte énonciatif des crimes de Louis Capet) qui venait être lu, en même temps qu'il rejette l'inviolabilité de Louis XVI et appelle à la condamnation en cas de reconnaissance de sa culpabilité. Le 15 novembre, il exprime le souhait d'un rapport sur le décret du 13, présenté par Pétion sur le thème "Louis est-il jugeable ?" en précisant la nécessité de se prononcer sur l'inviolabilité, le mode de jugement et la peine. Dans cette logique le 30 novembre, avant de partir en mission il appelle à l'accélération des procédures de jugement afin d'obtenir au plus vite la condamnation à mort de Louis Capet. Il aurait même dit en privé : "il ne faut pas juger le roi mais simplement le tuer[26]". De ce fait, en février 1793 il avait la confiance pleine et entière des régicides ou pro-régicides qu'on n'a jamais dans cette affaire soupçonnés de corruption : de René Choudieu à l'abbé Grégoire et Hérault de Séchelles[27]. Si on s'en tient aux faits, par ses propres votes il a ignoré les menaces de révélations de cette corruption politique par Bertrand dans une lettre du 11 décembre 1792 qu'il a découverte à son retour de mission, c'est-à dire au moment de choisir[28]. Les tentatives vénales de sauvetage du roi ont existé mais selon René Choudieu cité toujours à charge contre Danton, elles concernaient majoritairement ceux qui n'avaient pas voté la mort du roi ou dans quelques cas contraires qui avaient assorti la peine capitale de l'appel au peuple et du sursis. Ce qui n'était évidemment pas le cas de Danton ; ni d'ailleurs des "Dantonistes" montrés du doigt dans cette affaire (Lacroix, Chabot, Bazire, Fabre d'Eglantine, Robert, Thuriot)[29]. Le 16 janvier Alors que des girondins tels que Lanjuinais et Lehardy désireux de sauver le roi réclamaient le vote de la mort une majorité des 2/3 il fit front avec des Montagnards et réclama avec succès le vote de la mort à la majorité simple[30]

"... Je demande si vous n'avez pas voté à la majorité absolue seulement la république, la guerre ; et je demande si le sang qui coule au milieu des combats ne coule pas définitivement ? Les complices de Louis n'ont-ils pas subi immédiatement la peine sans aucun recours au peuple et en vertu de l'arrêt d'un tribunal extraordinaire ? Celui qui a été l'âme de ces complots mérite-t-il une exception[31] ?"...

Toujours le 16 janvier, à propos d'une discussion futile sur une pièce de théâtre, il s'exclame  : "Je vous lavouerai citoyens , je croyais quil sagissait dune tragédie que vous devez donner en spectacle à toute lEurope. Je croyais quaujourdhui vous deviez faire tomber la tête du tyran et cest dune misérable comédie dont vous vous occupez."[32]

Il se trouve que l'Espagne qui aurait tenté de l'acheter envoya une lettre au Président de la Convention. Danton protesta fermement les risques d'une négociation visiblement destinée à faire traîner le procès voire à l'annuler.

"Cependant qu'on entende si on le veut cet ambassadeur, mais que le président lui fasse une réponse digne du peuple dont il sera l'organe et qu'il lui dise que les vainqueurs de Jemmapes ne démentiront pas la gloire qu'ils ont acquise, et qu'ils retrouveront, pour exterminer tous les rois de l'Europe conjurés contre nous, les forces qui déjà les ont fait vaincre... Rejetez, rejetez, citoyens, toute proposition honteuse..."[33]

Par ailleurs contrairement à ce qu'affirme Bertrand de Molleville, Danton motiva son vote. Toujours, le 16 janvier, il s'écrie

- "Je ne suis point de cette foule d'hommes d'Etat qui ignorent qu'on ne compose pas avec les tyrans, qui ignorent qu'on ne frappe les rois qu'à la tête, qui ignorent qu'on ne doit rien attendre de ceux de l'Europe que par la force de nos armes ! Je vote la mort du tyran[34]" !

Le lendemain 17 en fin d'après-midi, le vote terminé avec une très courte majorité favorable à la mort inconditionnelle, on préfère décider du sursis. Tallien, montagnard comme lui, demande qu'il soit ouvert sur le champ. Danton s'y oppose :

"Il ne faut pas décréter, en sommeillant, les plus chers intérêts de la patrie. Je déclare que ce ne sera ni par la lassitude, ni par la terreur qu'on parviendra à entraîner la Convention nationale à statuer, dans la précipitation d'une délibération irréfléchie, sur une question à laquelle la vie d'un homme et le salut public sont également attachés... Je demande donc la question préalable sur la proposition de Tallien ; et que, si cette proposition était mise aux voix, elle ne pût l'être que par l'appel nominal." [35]

Il est difficile de ne pas prendre en compte les remarques de Louis Barthou quand il écrivait

"Quand il parlait à la tribune, Danton avait toute la Convention pour témoin et pour juge des responsabilités qu'il assumait : il accomplissait un acte. Qui fut le témoin de ses entrevues avec Lameth ?" [36]

Dordre économique, sa mission en Belgique déborde vite sur le terrain politique et militaire. La Belgique doit-elle sériger en république indépendante ou être réunie à la France ? Qui doit faire les frais de la guerre ? Si la République doit payer, dit Cambon, le « contrôleur général des finances de la Convention », il est impossible de continuer la guerre. Danton se décide pour lannexion. Il prépare à Bruxelles, contre lavis de Dumouriez soucieux de ménager les Belges, le célèbre décret sur l'administration révolutionnaire française des pays conquis. Ce décret qui, selon la formule de Georges Lefebvre, « entreprend, sous la protection des baïonnettes françaises, de rendre les peuples heureux sans les consulter, et à leurs frais », présenté à la Convention par Cambon le 15 décembre et adopté par acclamation, proclame la « souveraineté du peuple » dans les pays occupés, labolition de la noblesse et des privilèges, la confiscation des biens du clergé et de la noblesse pour servir de gage aux assignats émis et la création dune administration provisoire.

Le 31 janvier, Danton vient demander à la Convention la réunion de la Belgique. Il développe dans un fameux discours la théorie des frontières naturelles qui va orienter pendant deux décennies la politique de la France :

« Ses limites sont marquées par la nature. Nous les atteindrons toutes, des quatre coins de lhorizon : du côté du Rhin, du côté de locéan, du côté des Alpes. doivent finir les bornes de notre République et nulle puissance ne pourra nous empêcher de les atteindre. »

Danton est renvoyé en Belgique avec Camus et Delacroix. Dans cette seconde mission, les commissaires (« presque occupés que de leurs plaisirs » dit leur collègue Merlin de Douai), vont faire appliquer le décret par la force. Aux contributions et réquisitions va s'ajouter le pillage individuel. Danton et Delacroix vont acquérir une réputation de violence et de débauche sinon de déprédation[37].

Sa femme meurt en son absence à la naissance de son troisième fils. De retour en France le 16 février, désespéré, il fait exhumer le corps et mouler le buste par le sculpteur Deseine. Il reçoit une lettre de condoléance de Robespierre : « Si, dans les seuls malheurs qui puissent ébranler une âme comme la tienne, la certitude davoir un ami tendre et dévoué peut toffrir quelque consolation, je te la présente. Je taime plus que jamais, et jusquà la mort. Dès ce moment, je suis toi-même. Embrasse ton ami[38]. » On ne le voit pas, du 17 février au 8 mars, reparaître à la Convention.

Jacobin, ministre des Affaires étrangères dans le ministère girondin de mars 1792, général en chef de larmée du Nord en août 1792, vainqueur à Valmy, Dumouriez occupe la Belgique après la victoire de Jemmapes. Général politique, soutenu par les Girondins, il nourrit lespoir de diriger un état belge indépendant. Après la défaite de Neerwinden, il échoue dans une marche sur Paris pour rétablir la monarchie au profit du futur Louis-Philippe, lieutenant général dans son armée, et passe à lennemi début avril 1793. Très lié avec lui dans les premiers mois de 1793, Danton le soutiendra jusquau bout et sera accusé, sans aucune preuve, de complicité.

Reparti en Belgique le 5 mars à lappel de Delacroix, il trouve une situation désastreuse. Alors que Dumouriez vient d'entrer en Hollande, les Autrichiens battent le général Miranda qui doit abandonner Liège. Les habitants se révoltent contre larmée française. Le 7, les commissaires, réunis à Bruxelles, décident de « dépêcher à Paris Danton et Delacroix pour hâter les grandes mesures ».

Outre les revers militaires en Belgique la situation de la République est grave : soulèvements dans les campagnes après la décision le 23 février de lever 300 000 hommes, insurrection de la Vendée, difficultés économiques entraînant à Paris une vague dagitation orchestrée par les « Enragés » qui réclament le « maximum » des prix et des changements sociaux. Face à cette situation, il ny a pas de direction homogène et efficace. Le gouvernement est tiraillé entre les généraux, les ministres du Conseil exécutif (qui depuis la Constituante ne peuvent être députés) et la Convention, toujours plus divisée entre Girondins et Montagnards et soumise à la pression des sans-culottes parisiens.

Le printemps 1793 fournit à Danton, qui a maintes fois proposé avec la Plaine, par la voix de Barère, un gouvernement dunion nationale, loccasion de mettre son énergie et son éloquence au service de la Révolution. Les onze discours quil prononce du 8 mars au 1er avril sont empreints dune sorte de frénésie. Sitôt arrivé à Paris le 8 mars, il monte à la tribune :

« Nous avons, dit-il, fait plusieurs fois lexpérience que tel est le caractère français quil faut des dangers pour retrouver toute son énergie. Eh bien, ce moment est arrivé ! Oui, il faut le dire à la France entière ; si vous ne volez pas au secours de vos frères de la Belgique, si Dumouriez est enveloppé, si son armée était obligée de mettre bas les armes, qui peut calculer les malheurs incalculables dun pareil évènement. La fortune publique anéantie, la mort de 600 000 français pourrait en être la suite. Citoyens, vous navez pas une minute à perdre ! »

Il fait voter lenvoi de commissaires dans les sections pour engager les citoyens à voler au secours de la Belgique et provoquer une nouvelle expression de patriotisme.

Le 9 mars, il appelle avec succès à la libération des prisonniers pour dettes ; proposition transformée en loi d'interdiction absolue de ce type d'emprisonnements, sur l'initiative de Jeanbon Saint-André. Le 10, Danton prononce deux discours ; le matin, un appel à lénergie et à lunion :

« Vos dissensions sont nuisibles. Vos discussions sont misérables. Battons lennemi et ensuite nous disputerons. Eh ! Que mimporte, pourvu que la France soit libre, que mon nom soit flétri ! Jai consenti à passer pour un buveur de sang ! Buvons le sang des ennemis de lhumanité, mais enfin que lEurope soit libre ! Remplissez vos destinées, point de passions, point de querelles, suivons la vague de la Liberté ! »

Le discours sachève dans une ovation « universelle » dit le compte rendu. Le soir, les commissaires envoyés dans les sections évoquent la création dun Tribunal révolutionnaire (celui institué le 17 août 1792 avait été supprimé le 29 novembre), tribunal extraordinaire jugeant sans appel et dont les jugements sont applicables sous 24 heures. La majorité de lassemblée effarouchée est hésitante. Il est 6 heures. Pour en sortir, le président déclare la séance levée.

«  Soudain Danton sélance à la tribune en rugissant : « Je somme tous les bons citoyens de ne pas quitter leur poste ! ». Les députés, éberlués, regagnent leur place.
Danton :
« Quoi, citoyens, au moment , Miranda battu, Dumouriez enveloppé va être obligé de mettre bas les armes, vous pourriez vous séparer sans prendre les grandes mesures quexige le salut de la chose publique ? Je sais à quel point il est important de prendre des mesures qui punissent les contre-révolutionnaires… »
Une voix dans la salle : « Septembre ! »
« Le salut du peuple exige de grands moyens et des mesures terribles. Puisquon a osé dans cette assemblée rappeler les journées sanglantes sur lesquelles tout bon citoyen a gémi je dirai, moi, que si un tribunal révolutionnaire eût existé le peuple auquel on a si souvent, si cruellement reproché ces journées ne les aurait pas ensanglantées. Faisons ce que na pas fait lAssemblée législative, soyons terribles pour éviter au peuple de lêtre et organisons un tribunal non pas bien, cest impossible, mais le moins mal qui se pourra, afin que le peuple sache que le glaive de la liberté pèse sur la tête de tous ses ennemis. Je demande que, séance tenante, le tribunal révolutionnaire soit organisé, et que le pouvoir exécutif reçoive les moyens daction et dénergie qui lui sont nécessaires. »
Une voix dans la salle : « Tu agis comme un roi ! »
Danton : « Et toi comme un lâche[39]!» »

Après une intervention de Robespierre visant à empêcher qu'il ne puisse toucher les patriotes, la loi instituant le Tribunal révolutionnaire - devant lequel, après la reine et les Girondins, il devait lui-même comparaître un an après - est votée.

C'est dans la salle du Manège des Tuileries que se réunit la Convention jusquau 9 mai 1793.

Le 15 mars, la Convention reçoit une lettre menaçante de Dumouriez, la rendant responsable de ses défaites. Malgré lindignation générale, Danton soppose à un décret daccusation contre lui et se fait envoyer en Belgique pour le raisonner. Il le rejoint le 20 ; dans lintervalle, Dumouriez sest fait écraser à Neerwinden le 18. Danton nobtient quun vague billet de soumission (« Jai épuisé tous les moyens de ramener cet homme aux bons principes. » dira-t-il) ; il rentre à Paris, mais au lieu de venir rendre compte de sa mission, disparaît plusieurs jours. Parti de Bruxelles le 21, il ne réapparait au Comité de défense général que le 26, ce qui a intrigué contemporains et historiens. Lorsque la Convention apprend la défaite de Neerwinden et les tractations de Dumouriez avec les Autrichiens, elle renouvelle le 25 mars, dans un élan dunion, son Comité de défense générale en y élisant des Girondins, des hommes de la Plaine et des Montagnards, Danton, Desmoulins, Dubois-Crancé et Robespierre. A la première séance, le 26, Danton, enfin réapparu, prend encore la défense de Dumouriez, reconnaît que le général a des torts, mais se porte garant de son désintéressement. Robespierre sétonne de lattitude de Danton et demande la destitution immédiate du général en chef. Les Girondins font bloc avec Danton pour la faire refuser. Le lendemain 27, à la Convention, Robespierre fait de nouveau le procès de Dumouriez. Cest seulement le 30 mars quelle se décide à envoyer des commissaires pour le citer à comparaître. Dumouriez les fait arrêter le 1er avril et les livre aux Autrichiens. Il tente ensuite dentrainer son armée contre Paris mais se heurte à ses propres troupes et passe à lennemi accompagné de quelques généraux, dont Egalité fils (le duc de Chartres, futur Louis-Philippe, fils du duc dOrléans, Philippe-Egalité, qui va être arrêté à Paris par les comités).

Jusqu'au dernier moment, Danton a cherché à établir lunion entre les républicains, contrairement à Robespierre et aux Montagnards qui jugeaient lunion avec les Girondins impossible (« Quoique assis au sommet de la Montagne, écrit le robespierriste Levasseur[40], il avait été jusque-, sinon lhomme de la Droite, du moins en quelque sorte le chef du Marais. »). La trahison de Dumouriez va provoquer la rupture de Danton avec la Gironde. Le 1er avril, à la Convention, les Girondins laccusent de complicité. Danton, soutenu par la Montagne (qui comprit, dit Levasseur, « que son impétueuse éloquence allait rompre toutes les digues ») répond en attaquant à son tour. Se tournant vers la Montagne, il sécrie :

« Je dois commencer par vous rendre hommage, citoyens qui êtes placés à cette Montagne : vous avez mieux jugé que moi. Jai cru longtemps que, quel que fût limpétuosité de mon caractère, je devais tempérer les moyens que la nature ma départis, je devais employer, dans les circonstances difficiles ma placé ma mission, la modération que mont paru commander les évènements. Vous maccusiez de faiblesse ; vous aviez raison, je le reconnais devant la France entièreEh bien ! je crois quil nest plus de trêve entre la Montagne, entre les patriotes qui ont voulu la mort du tyran et les lâches qui, en voulant le sauver, nous ont calomniés dans toute la France.  »

Au cours dune séance dramatique, la Gironde et lui se renvoient laccusation davoir trempé dans le complot monarchique du général en chef. Seul résultat immédiat de cette mêlée : les Girondins font décréter que les députés suspects de complicité avec lennemi ne seront plus protégés par linviolabilité parlementaire. Le soir, aux Jacobins, Robespierre prend la défense de Danton et demande la mise en accusation des Girondins.

La Plaine ne songe pas à suivre Robespierre, mais les circonstances linclinent vers Danton. Le 6 avril, la Convention crée enfin le Comité de Salut public, réclamé par Danton et Robespierre dès le 10 mars et y place des hommes qui ne sont pas trop impliqués dans le conflit entre Gironde et Montagne et qui souhaitent lunité: sept députés de la Plaine, Barère en tête, la Montagne nest représentée que par Danton et son ami Delacroix.

Second passage au gouvernement (avril - juillet 1793) – Membre du Comité de salut public

Danton à la Convention, croqué en quelques coups de crayon par son collègue David. C'est le Danton un peu fatigué et alourdi de 1794. L'artiste, qui a cédé à quelques préoccupations caricaturales, a saisi une attitude caractéristique de l'orateur écoutant et bougonnant à part lui[41].
Louise Gély (1776-1856), seconde femme de Danton, quelle épouse le 17 juin 1793, se tient debout derrière Antoine Danton, fils de Gabrielle Charpentier, première femme de lavocat. Louise sera veuve à 17 ans. Peinture de Boilly gravée en couleurs par Cazenave sous le titre L'Optique.

Le Comité de salut public, chargé de surveiller et danimer le Conseil exécutif des ministres devient très vite le véritable pouvoir exécutif de la Convention. Composé de neuf membres rééligibles tous les mois par la Convention, il se réunit au deuxième étage du pavillon de Flore, devenu le pavillon de lEgalité et ses délibérations demeurent secrètes. Dominé par Danton, il va être réélu intégralement le 10 mai et le 10 juin (il sagrandit à cette date de 4 adjoints, 3 robespierristes, Saint-Just, Couthon, Jean Bon Saint-André, et un ami de Danton, Hérault de Séchelles).

Danton, « le plus modéré des Montagnards[42] », se refuse aux mesures révolutionnaires réclamées par les sections et les clubs parisiens (économie dirigée, levée en masse, loi des suspects) face à une situation extérieure et intérieure de plus en plus menaçante (invasion étrangère, contre-révolution intérieure). La Terreur ne sera mise à lordre du jour quaprès son départ. Chargé au Comité de salut public des Affaires étrangères, il rêve dun compromis avec lEurope et essaie de négocier en secret pour fissurer le bloc de la coalition, prêt à offrir la libération de la reine. Le 13 avril, il détermine la Convention à désavouer la guerre de propagande et à déclarer quelle « ne simmiscerait en aucune manière dans le gouvernement des autres puissances ». Mais ses tentatives naboutissent pas et se heurtent à une situation militaire défavorable. La Belgique et la rive gauche du Rhin reprises par les coalisés, la France ne disposait plus de monnaie d'échange. « Que pouvait offrir Danton ? se demande Georges Lefebvre[43] Labandon des conquêtes de la République ? Les coalisés les avaient reprises et comptaient démembrer la France ; ils se moquaient des propositions dérisoires dun régicide aux abois. Cette diplomatie, souvent louée depuis, supposait la victoire ou la capitulation déguisée en compromis. »

Cette politique de ménagements mécontente les sans-culottes exaspérés par la cherté des denrées de première nécessité ainsi que Robespierre et ses amis qui aspirent à le remplacer. « Tes formes robustes, dira Saint-Just dans son réquisitoire, semblaient déguiser la faiblesse de tes conseils (…) Tous tes exordes à la tribune commençaient comme le tonnerre et tu finissais par faire transiger la vérité et le mensonge. »

À la la Convention, la lutte entre la Gironde et la Montagne sexacerbe. Pour écraser les Girondins, les Montagnards vont sallier aux sans-culottes, en acceptant certaines de leurs revendications sociales. Le 13 avril, malgré Danton qui tente de sy opposer (« Nentamez pas la Convention ! » sécrie t-il), les Girondins font voter la mise en accusation de Marat, mais le jury du Tribunal révolutionnaire lacquitte et il est ramené en triomphe par la foule à lassemblée. Le 18 mai, la Convention élit une commission de douze membres, tous girondins, pour enquêter sur les agissements de la Commune. Le 24, cette commission arrête Hebert et Varlet. Le 25, Isnard répond par des menaces[44] à une délégation de la Commune venue demander leur libération. Le 26, Robespierre lance aux Jacobins un appel à une « insurrection » des députés « patriotes »contre leurs collègues accusés de trahisons. Danton tente de désamorcer la « journée » qui se prépare en faisant voter le 27 à minuit la cassation de la Commission des Douze ; en vain car elle est rétablie le lendemain. Le 31 mai, la Convention est encerclée par les sans-culottes qui réclament larrestation des Girondins et des mesures sociales. Lassemblée se contente de supprimer de nouveau la Commission et renvoie les pétitions au Comité de salut public. Le lendemain 2 juin, une foule de 80 000 hommes armés de 150 canons investit la Convention. Après une tentative de sortie en cortège qui se heurte aux canons de Hanriot, lassemblée doit se résigner à décréter darrestation 29 de ses membres. Danton a laissé faire. Les Cordeliers laccuseront davoir voulu empêcher sinon modérer laction des sans-culottes.

Danton va essayer de ne pas achever danéantir la droite. Les députés girondins consignés chez eux sont gardés si mollement quune partie séchappe. Encouragés par lattitude du Comité de salut public, 73 députés signent une protestation contre le 2 juin. Le 6, Barère et Danton proposent la suppression de tous les comités révolutionnaires de sections, la destitution dHanriot et lenvoi dotages aux départements dont on avait arrêté les députés (preuve que Danton ne voulait pas la mort des Girondins) mais Robespierre fait repousser ces mesures. Danton ninsiste pas.

Le 16 juin, Danton se remarie. Il épouse Louise Gély, jeune fille qui soccupe de ses enfants, amie de sa première femme. Elle est charmante, jeune (16 ans) et pieuse. Pour lépouser, il consent se marier devant un prêtre insermenté échappé aux massacres de septembre. La dot de 40 000 livres apportée par la jeune fille est en réalité payée par lui et le régime est celui, rare à lépoque, de la séparation des biens.

Plus occupé par son bonheur privé que par les soucis dÉtat, il ne vient plus aux Jacobins. Ses absences à la Convention sont remarquées. Il néglige même le Comité. Les clubs et la Commune laccusent dinertie. Le 23 juin Vadier dénonce les « endormeurs » du Comité. Marat attaque le Comité « de la perte publique ». Même son ami Chabot lui reproche aux Jacobins davoir « perdu son énergie ».

Danton semble las, usé par les défaites de lété. Attaqué vivement le 8 à la Convention, il ne se défend pas. Le 10 juillet, lors du renouvellement du Comité de salut public, il demande à la Convention de lécarter, par fatigue ou par calcul, ou les deux à la fois.

« Peut-être, écrit François Furet[45], fait-il un calcul politique qui va se révéler redoutable : puisque le pouvoir la compromis, que les autres se compromettent à leur tour et le laissent se refaire une virginité ! Le 10 juillet, à sa demande, la Convention lécarte du Comité quelle renouvelle. Élu malgré lui le 5 septembre, il refuse encore sa participation au pouvoir. Jaurès a bien vu quel danger cette attitude faisait planer sur la majorité et sur lui-même : un ministrable puissant qui refuse le pouvoir risque dêtre demain le pôle autour duquel se cristallisera lopposition. »

Les robespierristes entrent au Comité. Robespierre lui-même sy fait porter deux semaines plus tard. « Jamais substitution dune équipe à lautre ne se fit plus simplement » écrit Louis Madelin[46].

Le chef des « Indulgents »

Camille Desmoulins (1760-1794), « lhomme du 14 juillet », lami de Danton et de Robespierre. À la fin de 1793, il veut, avec Danton et ceux qui le soutiennent, les Indulgents, arrêter la Terreur et négocier la paix. Il écrit dans son journal (Vieux Cordelier, n° 4: « Ouvrez les prisons à 200 000 citoyens que vous appelez suspects, car, dans la Déclaration des Droits, il ny a point de maisons de suspicionVous voulez exterminer tous vos ennemis par la guillotine ! Mais y eut-il jamais plus grande folie ! … Croyez-moi, la liberté serait consolidée et lEurope vaincue si vous aviez un Comité de Clémence ! »

Le nouveau Comité de Salut public à peine installé, les événements désastreux se multiplient pendant lété 1793 : soulèvements dans les provinces après lélimination des Girondins (Lyon, Bordeaux, Marseille), victoire des vendéens à Vihiers (17 juillet), aux frontières capitulation de Valenciennes (28 juillet) et Mayence, Toulon livrée aux Anglais (29 août). La République « nest plus, dit Barère le 23 août dans son discours sur la levée en masse, quune grande ville assiégée ». À Paris, la crise économique saccentue, les luttes pour le pouvoir entre les factions révolutionnaires sexacerbent. Les revers militaires résultent surtout de la confusion et des désaccords sur le plan de la direction politique et du commandement militaire.

Hébert (1757-1794), rédacteur du Père Duchesne, le journal des sans-culottes, se veut le successeur de Marat. Les Hébertistes, nom que les historiens donneront après coup à cette faction, veulent renforcer l'économie dirigée et radicaliser la terreur. Ils dirigent le mouvement sans-culotte et contrôlent le club des Cordeliers (on les appelle aussi les Cordeliers), le ministère de la Guerre dont le secrétaire général est Vincent et larmée révolutionnaire parisienne, créée sous la pression de la rue, dont le chef est Ronsin. Autre appui : la Commune dont le maire Pache, le procureur Chaumette et le commandant de la garde nationale Hanriot leur sont favorables.

Danton, de retour aux Jacobins dès le 12 juillet il se fait applaudir, participe à ces luttes en essayant de déborder le Comité avec tous ceux que mécontente Robespierre et va faire pendant lété de la surenchère révolutionnaire. Le 25, il est élu président de la Convention. Mais les Hébertistes, qui sont aussi candidats à la succession du pouvoir avec lappui des sans-culottes, laccusent de modérantisme : « Cet homme peut en imposer par de grands mots, cet homme sans cesse nous vante son patriotisme, mais nous ne serons jamais dupes… » dit Vincent aux Cordeliers, le vieux club de Danton. Le 2 septembre, à la nouvelle que Toulon sest livrée aux Anglais, les sans-culottes, soutenus par la Commune, préparent une nouvelle « journée ». Les Jacobins sy rallient pour canaliser le mouvement. Le 5, la Convention, cernée par les manifestants, met « la Terreur à lordre du jour ». La pression sans-culotte accélère les mesures révolutionnaires et fait entrer Billaud-Varennes et Collot dHerbois au Comité, mais elle ne parvient pas à le remettre en cause. Désormais ce quon est convenu dappeler le Grand Comité, dominé par Robespierre, va reprendre la situation en main et exercer une dictature de fait jusquen juillet 1794.

Le 5 et le 6 septembre, Danton prononce des discours révolutionnaires très applaudis à la Convention qui décrète « quil soit adjoint au Comité ». Après deux jours de réflexion, il refuse. « Je ne serai daucun Comité, sécrie-t-il le 13 septembre, mais léperon de tous. »

Et puis, subitement, du 13 septembre au 22 novembre 1793, il va disparaître. Le 13 octobre, le président communique à la Convention la lettre suivante :

« Délivré dune maladie grave, jai besoin, pour abréger le temps de ma convalescence, daller respirer lair natal ; je prie en conséquence la Convention de mautoriser à me rendre à Arcis-sur-Aube. Il est inutile que je proteste que je reviendrai avec empressement à mon poste aussitôt que mes forces me permettront de prendre part à ses travaux. »

Garat raconte : « Il ne pouvait plus parler que de la campagneIl avait besoin de fuir les hommes pour respirer[47] ». Telle attitude indique que la neurasthénie lassaillait et déjà le terrassait, dit son biographe Louis Madelin.

En son absence, ses amis continuent leurs attaques à la Convention contre le Comité. Le 25 Thuriot met en cause sa politique économique et sociale. Lassemblée applaudit et élit au Comité Briez, qui était en mission à Valenciennes lors de la capitulation. Robespierre doit menacer de quitter le Comité pour faire repousser la décision : « celui qui était à Valenciennes lorsque lennemi y est entré nest pas fait pour être membre du Comité de Salut public. Ce membre ne répondra jamais à la question : pourquoi nêtes-vous pas mort ? ». Il faut, exige-t-il, proclamer que vous conservez toute votre confiance au Comité. La Convention, se dressant alors en fait le serment. Fin octobre, vingt-deux Girondins comparaissent devant le Tribunal révolutionnaire. « Je ne pourrai les sauver » dit Danton à Garat, les larmes dans les yeux. Le 1er novembre, ils sont guillotinés en chantant encore « la Marseillaise » au pied de léchafaud. Suivent Mme Roland, Bailly, Barnave, Houchard, Biron, 177 condamnations à mort dans les trois derniers mois de 1793.

Danton rentre le 20 novembre pour venir au secours de ses amis, députés montagnards compromis dans l'affaire de la falsification du décret de suppression de la Compagnie des Indes (voir le détail dans larticle en question: Chabot et Bazire, ont été arrêtés le 19 novembre par le Comité de Salut public. Fabre d'Églantine, lié politiquement à Danton, reste libre bien que le Comité soit au courant de sa signature de complaisance. Car Robespierre a besoin de Danton et des modérés pour combattre la déchristianisation dans laquelle il voit une manœuvre politique de débordement par les Hébertistes .

Loffensive des Indulgents (décembre 1793-janvier 1794)

Pendant plus dun mois, de décembre au milieu de janvier, il se forme comme un axe Robespierre-Danton sur la base dune vigoureuse offensive contre la déchristianisation et les « ultra-révolutionnaires ». Les amis de Danton attaquent les leaders hébertistes avec lapprobation tacite de Robespierre. Camille Desmoulins lance un nouveau journal, Le Vieux Cordelier, dont les premiers numéros qui sattaquent aux Hébertistes et à tout le courant déchristianisateur, obtiennent un énorme succès. En même temps, on apprend les premières victoires révolutionnaires. Les menaces militaires satténuent sans disparaître : la première guerre de Vendée est gagnée, Lyon révoltée capitule en octobre, linsurrection de Toulon est battue en décembre, larmée repousse les coalisés sur les frontières.

Danton incarne alors un courant plus modéré de la Montagne qui pense quavec le redressement de la situation militaire il convient de mettre fin à la Terreur et de faire la paix : « Je demande quon épargne le sang des hommes. », sécrie-t-il le 2 décembre à la Convention. Il semble quil ait espéré détacher Robespierre des membres du Comité liés aux Hébertistes (Billaud-Varennes et Collot) et partager avec lui les responsabilités gouvernementales[48].

Le 12 décembre, Bourdon demande à la Convention le renouvellement du Comité de Salut public dont les pouvoirs expirent le lendemain et Merlin de Thionville propose de le renouveler tous les mois par tiers. La majorité ne les suit pas. Le 15, le n° 3 du Vieux Cordelier a un grand retentissement dans lopinion. Il ne se borne plus à attaquer les Hébertistes mais s'en prend au système de la Terreur et au Gouvernement révolutionnaire lui-même. Le 17, Fabre, Bourdon et Philippeaux font décréter darrestation par la Convention deux chefs hébertistes Ronsin et Vincent, sans même en référer aux Comités. Le 20, des femmes viennent supplier la Convention de délivrer les patriotes injustement incarcérés et Robespierre lui-même fait nommer un « comité de clémence » chargé de réviser les arrestations. Le 24, le n° 4 du Vieux Cordelier réclame pratiquement la libération des suspects.

Mais le revirement a eu lieu le 21 décembre. Collot dHerbois, de retour de Lyon et se voyant directement menacé, défend ses amis Ronsin et Vincent aux Jacobins et obtient que le club proteste contre leur arrestation. Billaud-Varennes fait révoquer par la Convention le comité de clémence. Robespierre met fin le 25 décembre aux espoirs dalliance de Danton en impliquant les deux factions adverses dans un même complot : « Le Gouvernement révolutionnaire doit voguer entre deux écueils, la faiblesse et la témérité, le modérantisme et lexcès ; le modérantisme qui est à la modération ce que limpuissance est à la chasteté ; et lexcès qui ressemble à lénergie comme lhydropisie à la santéLe 7 janvier, le 5ème numéro du Vieux Cordelier est attaqué aux Jacobins. Robespierre affecte dabord de traiter Camille en « bon enfant gâté qui a dheureuses dispositions et qui est égaré par de mauvaises compagnies » ; mais celui-ci, lentendant demander que son journal soit brûlé, riposte par une citation de Rousseau : « Brûler nest pas répondre. ». Robespierre éclate alors : « Lhomme qui tient aussi fortement à des écrits perfides est peut-être plus quégaréPour isoler Danton de Robespierre, Billaud et Collot font manœuvrer le Comité de sûreté générale qui « découvre » le faux décret de liquidation de la Compagnie des Indes signé par Fabre dEglantine, dont le gouvernement connaît lexistence depuis un mois. Fabre est arrêté le 12 janvier. Le lendemain, Danton prend sa défense mais il est isolé. « Malheur à celui qui a siégé aux côtés de Fabre, sécrie Billaud-Varenne, et qui est encore sa dupe. » Cest léchec de loffensive des Indulgents[49].

Provisoirement, les divers courants de la Montagne tombent d'accord à la Convention pour voter le 4 février labolition de l'esclavage dans les colonies sur proposition de Levasseur après un rapport dun des trois députés de Saint-Domingue arrivés à Paris. Danton intervient presque seul dans un célèbre discours il proclame : « Lançons la liberté dans les colonies », liant le fait de libérer les esclaves à la volonté de ruiner lAngleterre (« cest aujourdhui que langlais est mort »). Mais il se félicite également de l'entrée la veille (3 février 1794) des deux nouveaux députés de couleur à la Convention et place l'abolition sous le signe philosophique du "compas des principes" et du "flambeau de la raison[50]". Labolition sera fêtée au Temple de la Raison (Notre-Dame) par la Commune en présence de Chaumette, dHébert et des nouveaux députés de Saint-Domingue le 18 février.

La contre-offensive des Hébertistes (février 1794)

La crise des subsistances, aggravée par la loi du maximum général (taxation des denrées et des salaires) et la libération de Ronsin et de Vincent (2 février) marquent une reprise de lagitation des sans-culottes : attroupements devant les boutiques, pillages, violences. Le club des Cordeliers, dirigé par Vincent mène lattaque. Le 12 février, Hébert dénonce la clique qui a inventé le mot «  ultra-révolutionnaire » ; le 22, il réclame des solutions à la crise des subsistances. Le Comité répond par les décrets de ventôse : nouveau maximum général (Barère), confiscation des biens des suspects au profit des patriotes indigents (Saint-Just). Mais le 2 mars, Ronsin parle dinsurrection. Le 4, Hébert affirme que Robespierre est daccord avec les Indulgents; les Cordeliers voilent les Droits de lhomme. Carrier réclame une « sainte insurrection » ; Hébert sy rallie. Mais, mal préparée, non suivie par la Commune, elle échoue.

La liquidation des factions (mars-avril 1794)

Isolés, les dirigeants cordeliers sont arrêtés dans la nuit du 13 au 14 mars. Le procès se tient du 21 au 24 mars. La technique de lamalgame permet de mêler à Hébert, Ronsin, Vincent et Momoro des réfugiés étrangers Cloots, Proli, Pereira, afin de les présenter comme des complices du « complot de létranger ». Tous sont exécutés le 24 mars sans que les sans-culottes ne bougent.

Le lendemain de larrestation des Hébertistes, Danton et ses amis qui ont gardé le silence pendant ces évènements, reprennent loffensive. Le numéro 7 du Vieux Cordelier, qui ne paraîtra pas, réclame le renouvellement du Comité et une paix aussi rapide que possible. Mais Robespierre est décidé à frapper les chefs des Indulgents. « Toutes les factions doivent périr du même coup » dit-il à la Convention le 15 mars. Il semble néanmoins qu'il ait hésité à mettre Danton sur la liste en considération du passé commun et des services rendus à la République. Il a accepté de le rencontrer. On ne sait pas ce qui sest dit entre les deux hommes mais on sait que Robespierre est sorti de lentretien avec une froideur que tous les témoins ont notée. Daprès les confidences de Barère, Robespierre aurait voulu sauver Camille, son ancien camarade de collège, celui qui lavait choisi comme témoin de son mariage. Mais les pressions de Collot dHerbois, Billaud-Varennes, Barère et surtout Saint-Just ont emporté la décision.

Mandat d'arrêt de Danton et de ses amis par le Comité de Salut public et le Comité de sûreté générale le 30 mars 1794. Archives Nationales, Paris.
On a limpression que ces quelques lignes raturées et surchargées ont été écrites au cours dune discussion dans un certain désarroi. Barère aurait tenu la plume. Billaud-Varenne signe fermement le premier. Carnot aurait dit en mettant sa signature[51] : « Songez-y bien, une tête comme celle de Danton en entraîne beaucoup dautres. » Robespierre signe tout en bas un des derniers. Du Comité de Salut public, seul Lindet refuse de signer.

Le 30 mars, le Comité ordonne larrestation de Danton, Delacroix, Desmoulins et Philippeaux. Cest Saint-Just qui est chargé du rapport devant la Convention. Soutenu par Robespierre, il veut que les accusés soient présents à la lecture du rapport et quon les arrête en fin de séance. La majorité du Comité sy oppose par crainte dun débat dangereux. « Si nous ne le faisons pas guillotiner, nous le serons. » De rage, Saint-Just aurait jeté son chapeau au feu[52].

Le lendemain, à la Convention consternée, Legendre demande que les accusés puissent venir se défendre. Une partie de lassemblée est prête à le suivre. Cest Robespierre qui intervient : « Legendre a parlé de Danton, parce quil croit sans doute quà ce nom est attaché un privilège. Non, nous ne voulons point de privilèges ! Nous nen voulons pas didoles ! Nous verrons dans ce jour si la Convention saura briser une prétendue idole pourrie depuis longtemps, ou si dans sa chute elle écrasera la Convention et le peuple français ! ». Et fixant Legendre : « Quiconque tremble est coupable. » Après son intervention et celle de Barère, Saint-Just présente son rapport rédigé à partir des notes de Robespierre[53]. Comme pour les Hébertistes, on associe aux accusés politiques, les prévaricateurs (Fabre, Chabot, Basire, Delauney) et des affairistes comme labbé dEspagnac, les banquiers autrichiens Frey et le financier espagnol Guzman, étrangers de surcroit pour rattacher les accusés à la « conspiration de létranger ».

Le procès, ouvert le 2 avril, est un procès politique, jugé davance. Au bout de deux séances, laccusateur Fouquier-Tinville et le président Herman doivent réclamer laide du Comité : « Un orage horrible grondeLes accusés en appellent au peuple entierMalgré la fermeté du tribunal, il est instant que vous vouliez bien nous indiquer notre règle de conduite, et le seul moyen serait un décret, à ce que nous prévoyons[54]. » Un projet de complot en vue darracher les accusés de leur prison (Lucile Desmoulins aurait proposé de largent « pour assassiner les patriotes et le Tribunal ») permet à Saint-Just de faire voter par la Convention un décret mettant les accusés hors des débats. La défense de Danton est étranglée comme avait été étouffée celle des Girondins.

Danton conduit à léchafaud. Sanguine attribuée à Wille. « Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine ! »

Danton est guillotiné le 5 avril à trente-quatre ans. Il existe un récit de son exécution par Arnault :

« Lexécution commençait quand, après avoir traversé les Tuileries, jarrivai à la grille qui ouvre sur la place Louis XV. De , je vis les condamnés, non pas monter mais paraître tour à tour sur le fatal théâtre, pour disparaître aussitôt par leffet du mouvement que leur imprimait la planche ou le lit sur lequel allait commencer pour eux léternel repos (…) Danton parut le dernier sur ce théâtre, inondé du sang de tous ses amis. Le jour tombait. Je vis se dresser ce tribun, qui, à demi éclairé par le soleil mourant. Rien de plus audacieux comme la contenance de lathlète de la Révolution ; rien de plus formidable comme lattitude de ce profil qui défiait la hache, comme lexpression de cette tête qui, prête à tomber, paraissait encore dicter des lois. Effroyable pantomime ! Le temps ne saurait leffacer de ma mémoire. Jy trouve toute lexpression du sentiment qui inspirait à Danton ses dernières paroles, paroles terribles que je ne pus entendre, mais quon répétait en frémissant dhorreur et dadmiration : « Noublie pas surtout, noublie pas de montrer ma tête au peuple : elle est bonne à voir[55]. »

Le 13 avril, une dernière « fournée » envoie à la guillotine Lucile Desmoulins, la femme de Camille, Chaumette et la veuve dHébert.

Ayant obligé la Convention à livrer Danton, le Comité se croyait sûr de sa majorité. "« Il se trompait », écrit Georges Lefebvre, « elle ne lui pardonnait pas ces sacrifices. Tant de places vides répandaient une terreur secrète qui, aisément, tournerait en rébellion, car cétait sa position de médiateur entre lassemblée et les sans-culottes qui avaient fait la force du Comité; en rompant avec ces derniers, il libérait lassemblée et, pour achever de se perdre, il ne lui restait plus quà se diviser[56]. » »

Historiographie

Au XIXe siècle, la tradition républicaine a vite réhabilité Danton. Michelet, qui va se consacrer pendant dix ans aux sept volumes de son histoire de la Révolution française, parus entre 1847 et 1842, fait de Danton lincarnation de la Révolution, « le vrai génie pratique, la force et la substance qui la caractérise fondamentalement ». Son génie ? « Laction, comme dit un ancien. Quoi encore ? Laction. Et laction comme troisième élément[57]. » Edgar Quinet, dans sa Révolution de 1865 voit dans le triple appel de Danton à laudace « la devise de tout un peuple ». Pour Auguste Comte et les positivistes, la philosophie encyclopédiste a produit au moins deux héros : « lun théoriquecest Condorcet, lautre pratiquecest Danton. »

Le véritable promoteur du culte de Danton est le docteur Robinet, un disciple de Comte, qui consacre 25 ans de sa vie à militer pour Danton. Son premier livre Danton. Mémoire sur sa vie privée date de 1865 ; son dernier, Danton, homme dEtat, de 1889.

Les républicains fondateurs de la IIIe République qui veulent une incarnation républicaine de la Révolution (ce qui exclut Mirabeau) non compromise dans la Terreur (ce qui exclut Robespierre), font de Danton le héros par excellence de la Révolution française. Danton a alors sa rue, sa statue, son cuirassé. Son nom est évoqué dans toutes les cérémonies officielles.

Le début du XXe siècle va être marqué par une célèbre polémique entre deux grands historiens universitaires de gauche, Aulard et Mathiez (le premier est radical, le second socialiste) au sujet de Robespierre et Danton. Alphonse Aulard, le premier à occuper la chaire dhistoire de la Révolution française à la Sorbonne, créée en 1886, est un admirateur de Danton qui incarne pour lui la synthèse de la Révolution française et en qui il voit un précurseur de Gambetta. La réaction a lieu en 1908 avec Albert Mathiez, ancien collaborateur dAulard qui a été son directeur de thèse. Cest lui qui va établir de façon quasi irréfutable, en épluchant minutieusement ses comptes et en faisant un inventaire systématique de ses amis douteux, la corruption de Danton. Il fonde sa propre revue destinée à exalter lœuvre de Robespierre et va reprendre, en létayant de documents, le réquisitoire de Robespierre et de Saint-Just contre Danton. Pour lui et pour les historiens de la Société des études robespierristes qui se réclament de lui, Danton est un vendu et un débauché qui a mené une politique de double-jeu.

Georges Lefebvre, qui occupe à son tour en 1937 la chaire dhistoire de la Révolution à la Sorbonne et sera jusquà sa mort en 1959 le spécialiste incontesté du domaine, adopte une position moins partisane et plus équilibrée : admettant la vénalité, il nen tire pas toutes les conséquences quen déduit Mathiez sur la politique de Danton. Cest la position quadoptent les historiens contemporains François Furet et Mona Ozouf qui sintéressent surtout aux contradictions et à la complexité du personnage. Pour François Furet, Danton est « un homme politique opportuniste, intermittent, peu délicat sur les moyens, en même temps qu'un orateur un peu génial dans l'improvisation, et un vrai tempérament politique dans les grandes occasions : la Patrie en danger, la levée en masse, le Salut public, son procès enfin[58] ». Il reproche à Mathiez d'avoir tout mélangé : la corruption privée très vraisemblable avec la vénalité politique qui l'était beaucoup moins : comment sinon expliquer le déroulement du procès dan lequel "le personnage fut mis hors des débats pour être plus facilement condamné sur les ordres de Robespierre[59]" ?".

Gérard Walter écrit dans son introduction au procès de Danton (Actes du Tribunal révolutionnaire, Mercure de France, 1986:

« Que demandons-nous à Danton? Est-ce de savoir combien dargent il a gagné au cours de sa carrière politique, et comment ? Ou quels sont les services quil a rendus à la Révolution ? Si lon entend le juger sous ce dernier rapport, ce nest pas le bilan de sa fortune quil y a lieu de dresser, mais celui de ses actes. Si celui-ci, en fin de compte, est en mesure détablir que lactivité de Danton a contribué effectivement au triomphe de la Révolution, peu importe sil a reçu de la Cour ou ailleurs, 30 000 livres, ou 300 000, ou même 3 millions. Par contre, sil avait été démontré quil neût jamais touché un sol de personne, mais quil ne fut pas le sauveur de la France révolutionnaire à lépoque les Allemands et les émigrés marchaient sur Paris, on aurait bien le devoir de le proclamer « grand honnête homme », mais aussi celui de le rayer définitivement du nombre des grands révolutionnaires. »

Citations

  • Au club des Jacobins : à propos du boycottage d'un décret émancipateur des mulâtres par le député des colonies, Gouy d'Arcy
  • Je tiens pour lâche sinon pour cupide, quiconque prétend opposer sa résistance particulière à un décret. Il faut que le membre s'explique soit en se justifiant soit en sortant de la société(10 juin 1791)[60].


  • Au club des Jacobins : sur la guerre voulue par Brissot

Je vous prouverai les dangers de cette guerre.(14 décembre 1791)[61].


  • A lAssemblée législative et à la Convention :
    • De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace et la France est sauvée (2 septembre 1792)
    • Après le pain, l'éducation est le premier besoin du peuple[62](13 août 1793).


  • A la Convention:
  • Sur le maintien de la liberté des cultes
  • Quand vous aurez eu pendant quelque temps des officiers de morale qui auront fait pénétrer la lumière auprès des chaumières, alors il sera bon de parler au peuple morale et philosophie. (30 novembre 1792)[63]


  • Sur le jugement du roi
  • Le jugement du ci-devant roi est attendu avec impatience ; d'une part, le républicain est indigné de ce que ce procès semble interminable ; de l'autre, le royaliste s'agite en tous sens, et comme il a encore des moyens de finances et qu'il conserve son orgueil accoutumé, vous verrez au grand scandale et au grand malheur de la France, ces deux partis s'entrechoquer encore.(30 novembre 1792)[63]


  • Sur la libération des prisonniers pour dettes
  • Je demande que la Convention nationale déclare que tout citoyen français, emprisonné pour dettes, sera mis en liberté, parce qu'un tel emprisonnement est contraire à la saine morale, aux droits de l'homme, aux vrais principes de la liberté.(9 mars 1793)[64]


  • Sur la création d'un Tribunal Révolutionnaire
  • Faisons ce que n'a pas fait l'Assemblée législative ; soyons terribles pour dispenser le peuple de l'être ; organisons un tribunal, non pas bien, cela est impossible, mais le moins mal qu'il se pourra, afin que le glaive de la loi pèse sur la tête de tous ses ennemis. (10 mars 1793)[64]


  • Sur l'abolition de l'esclavage dans les colonies,
  • Représentants du peuple français, jusqu'ici nous n'avions décrété la liberté qu'en égoïstes, pour nous seuls ; mais aujourd'hui nous proclamons à la face de l'univers et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle. (16 Pluviôse an II- 4 février 1794) [65]


  • Notes de Robespierre contre Danton utilisées par Saint-Just dans son rapport d'accusation à la Convention le 11 Germinal an II-31 mars 1794 :
    • « Le mot de vertu faisait rire Danton ; il n'y avait pas de vertu plus solide, disait-il plaisamment, que celle qu'il déployait toutes les nuits avec sa femme. »
    • « Quand je montrais à Danton le système de calomnie des brissotins développé dans les papiers publics, il me répondait : "Que m'importe ! L'opinion publique est une putain, la postérité une sottise !. »


  • Avant son arrestation (à ceux qui lui conseillent de fuir:
    • On n'emporte pas sa patrie sous la semelle de ses souliers.


  • A son procès (le procès-verbal du Tribunal révolutionnaire a été très "arrangé" et son grand discours purement supprimé:
    • Interrogé sur ses noms, prénoms, domicile : Bientôt dans le néant, et mon nom au Panthéon.
    • Moi vendu ! Moi ! Un homme de ma trempe est impayable !
    • J'ai trop servi. La vie m'est à charge.


  • A son exécution :
    • Devant la maison de Robespierre : "Robespierre, tu me suis ! Ta maison sera rasée ! On y sèmera du sel !"
    • Au bourreau : Tu montreras ma tête au peuple ; elle en vaut bien la peine.

Sources

Les sources principales de cet article sont :

Bibliographie

  • Alphonse Aulard:
    • La Société des Jacobins, Paris, 1889-1897, 6 volumes.
    • Danton, Paris, Picard-Bernheim, 1887.
    • La Diplomatie au premier Comité de salut public, Etudes et leçons, III.
  • Louis Barthou, Danton, Paris, 1932.
  • Louis Blanc, Histoire de la révolution française, Paris, 1854
  • Olivier Blanc:
    • La Corruption sous la terreur, (les Hommes et l'Histoire, coll. dirigée par Claude Quétel), Paris, Laffont, 1992.
    • Les Espions de la Révolution et de l'Empire, Paris, Perrin, 1995.
  • Frédéric Bluche, Danton, Paris, Perrin, 1984, 493 p.
  • Françoise Brunel:
    • "Les députés montagnards" dans Albert Soboul, actes du colloque Girondins et Montagnards, Paris, Société des études robespierristes, 1980, p. 343-361.
    • "Montagne/ Montagnards" dans Albert Soboul, Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989.
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  • Discours civiques de Danton, Paris, Libro Vérita, 2007.
  • Bernard Gainot, "Danton" dans Bernard Gainot, Dictionnaire des membres du comité de salut public ; dictionnaire analytique biographique et comparé des 62 membres du Comité de salut public, Paris, Tallandier, 1990.
  • Jean-Philippe Giboury, "Danton" dans Dictionnaire des régicides, Paris, Perrin, 1989.
  • Ernest Hamel, Robespierre, Ledrapier, 1867, 2 vol.
  • Claude Goyard(dir), Le bicentenaire du procès du roi ; actes du colloque de Paris, Sénat, 8 janvier 1993, Palais de justice, 9 janvier 1993, Paris, F_X de Guibert, 1993.
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  • Georges Lefebvre,
    • "Sur Danton", dans Études sur la Révolution française, PUF, 1963
    • La Révolution française, Paris, PUF, 1989.
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  • Louis Madelin, Danton, Paris, Hachette, 1924.
  • Albert Mathiez:
    • Danton et la paix, Paris, La Renaissance du livre, 1919, , 262 p.
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    • Étude critique sur les journées des 5 et 6 octobre 1789, Paris, 1899, 104 p.
    • "Danton, Talon, Pitt et la mort de Louis XVI" , Annales Révolutionnaires, 1916, p. 367-376.
    • La Révolution française, Paris , A. Colin, 1922-1927, 3 vol.
    • Autour de Danton, Paris, Payot, 1926.
    • Études robespierristes. La corruptions parlementaire sous la Terreur, Paris, 1926.
    • Le Dix août, Paris, Hachette, 1931, 127 p.
    • Girondins et Montagnards, Paris, Firmin-Didot, 1930, 305 p.
    • "Les Notes de Robespierre contre les Dantonistes, Essai d'édition critique" dans Annales révolutionnaires, juillet-septembre 1918; Etudes sur Robespierre, Paris, Messidor/editions sociales, 1989, p.112-145 ; Œuvres de Maximilien Robespierre, tome XI, Société des études robespierristes, 2007 p. 419-449.
  • Mona Ozouf, article « Danton », dans Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, 1988.
  • Alison Patrick, The Men of The First French Republic, Baltimore, John Hopkins Univesity Press, 1972.
  • Jean-Daniel Piquet,
    • "Lettre secrète de l'abbé Grégoire et de ses trois collègues en mission dans le Mont-Blanc à Danton",Cahiers d'Histoire, Lyon * Grenoble * Clermont * Saint -Etienne * Chambéry * Avignon, 2001-t.46-n°3/4, pp.397-415.
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    • L'émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795), Paris, Karthala, 2002.
    • "L'émancipation des Noirs dans les débats de la société des Jacobins de Paris (1791-1794)" dans actes du colloque Esclavage, résistances, abolitions, Marcel DORIGNY (dir), 123è Congrès des Sociétés Historiques et Scientifiques, Fort-de-France- Schoelcher, 6-10 avril 1998, 575 p. ; Paris, Ed. du C.T.H.S., 1999, pp. 187-198.
    • "Le discours abolitionniste de Danton (16 pluviôse an II)",Revue d'Histoire et de Philosophie Religieuses, tome 90, juillet-septembre 2010, p. 353-377.
  • Jean François Eugène Robinet:
    • Danton, Mémoire sur sa vie privée, Paris, 1865.
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    • Danton homme d'État, Paris, 1889.
  • Gustave Rouanet, "Danton et le procès de Louis XVI, d'après Théodore Lameth", Annales Révolutionnaires, 1916 p. 1-33.
  • Albert Soboul, Histoire de la Révolution française, Paris, Gallimard, 1962.
  • André Stil, Quand Robespierre et Danton inventaient la France, Paris, Grasset, 1988.
  • Jean Tulard, Alfred Fierro et Jean-François Fayard, Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Laffont, 1987.
  • Gérard Walter, Maximilien de Robespierre, Paris Gallimard, 1961
  • Claudine Wolikow, "Danton", dans Albert Soboul, Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989.

Notes et références

  1. Jean François Eugène Robinet, Danton, mémoire sur sa vie privée, Charavay, 1865, pp. 158-159.
  2. Jeune avocat, Danton s'octroie une particule. Il se fait appeler et signe dAnton. Sans doute juge-t-il que cela vaut mieux pour attirer le client à une époque le préjugé nobiliaire est très fort. Président des Cordeliers, il signera encore en décembre 1789 dAnton des arrêtés du Club.
    Un autre révolutionnaire célèbre, Barère, jeune avocat lui-aussi, prend, à la même époque, le nom de Barère de Vieuzac.
  3. Paris compte en 1789 16 quartiers divisés le plus souvent en 4 districts et représentant au total 60 districts. Le décret du 21 mai 1790 remplace les 60 districts par 48 sections. Il sagit de circonscriptions électorales. Les électeurs actifs (77 500 électeurs actifs sur 650 000 habitants environ) sy réunissent en assemblée avec un président et un bureau. Avec lavancement de la Révolution, les assemblées siègeront en permanence et rassembleront tous les électeurs, les modérés étant cependant le plus souvent écartés.
  4. Dominique Leborgne, Saint-Germain-des Prés et son faubourg, Parigramme, 2005, p.99
  5. Ces chiffres sont donnésavec réserve- par Jean Tulard dans La Révolution, collection Nouvelle Histoire de Paris, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, p.76, 1989
  6. Antoine-Claire Thibaudeau, Mémoires sur la Convention et le Directoire, Paris, Editions SPM, 2007
  7. Georges Lefebvre, Sur Danton dans Etudes sur la Révolution française, PUF, 1963
  8. La vénalité de Danton, mise à jour par les travaux d'Albert Mathiez, est admise par les historiens modernes de la Révolution française, de Georges Lefebvre à François Furet, en passant par Albert Soboul et Mona Ozouf
  9. François Furet, Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution française, article Danton, Flammarion, 1988, p. 254.
  10. Georges Lefebvre, La Révolution française, PUF, 1968, p.259.
  11. Louis Barthou, Danton', Paris, 1932
  12. Gérard Walter, Maximilien de Robespierre, Paris, Gallimard, 1961, p. 277-278; depuis le 5 décembre 1791, cette opinion fut exprimée au moins par Billaud-Varennes, Machenaud, Camille Desmoulins, Amédée Doppet et soutenue par les tribunes du club ainsi que par la plupart des journaux démocrates.
  13. Frédéric Bluche, Danton, Paris, Perrin 1984, p.163
  14. Fragments de justification dans Œuvres de Condorcet, Paris, Firmin-Didot , 1847-1849, t.1, P.602-603
  15. dont Albert Mathiez, Autour de Danton, Paris, 1926, chap. IV et VII
  16. François Furet et Denis Richet, La Révolution française, Fayard, 1973, p.173)
  17. Albert Mathiez, Etudes sur Robespierre, Les notes contre les Dantonistes, Editions sociales, 1973, p.137
  18. On ne saura jamais si Danton a employé une partie des fonds secrets du ministère à des dépenses personnelles. Il ny a aucune preuve. Danton prétendit en avoir justifié devant ses collègues en labsence de Roland, et ceux-ci finirent par attester quil disait vrai. Mais on les soupçonna de complaisance et Danton lui-même a reconnu devant lAssemblée que sa comptabilité navait pas été rigoureuse (voir G. Lefebvre, Sur Danton).
  19. « Il faut, écrit-il au ministre de la guerre Pache le 30 novembre 1792, que je sois maître de mes moyens, je n'ai ni pain, ni argent ni fourrages... Si cet état de chose n'est pas changé, je donne ma démission dans huit jours » (cité par Pouget de Saint-André, Le Général Dumouriez, Perrin, 1914, p. 123).
  20. Albert Mathiez, Etudes sur Robespierre, Les notes contre les Dantonistes, Editions sociales, 1973, p.144)
  21. Théodore de Lameth, Mémoires, p.243 sur Gallica [1].
  22. Albert Mathiez, Talon et la police de Bonaparte, Girondins et Montagnards, Paris, Firmin-Didot, 1930 (rééd. Les Éditions de la Passion, 1988, p. 247).
  23. Georges Lefebvre, La Révolution française, PUF, 1968, p.291.
  24. Etudes sur la Révolution française, PUF, 1963, p.82.
  25. Louis Bartou,Danton1932
  26. Jean-Philippe Giboury, "Danton" dans Dictionnaire des régicides, Paris, Perrin, 1989, p.109
  27. Jean-Daniel Piquet, "Lettre secrète de l'abbé Grégoire et de ses trois collègues en mission dans le Mont-Blanc, à Danton" Cahiers d'Histoire, n° 3-4, 2001, p. 397-415
  28. Louis Barthou, op cit .
  29. René Choudieu, mémoires et notes, Paris, 1897, p. 274 ; Jean-Daniel Piquet, art. cit., p. 411-415
  30. Frédéric Bluche, op cit. p. 252. François Furet, Denis Richet, La Révolution française, Paris, Fayard, 1973, p.180 ; Albert Mathiez, Danton et la paix, Paris, 1919 p. 293. Ce dernier tout à son acrimonie contre Danton salue bizarrement la proposition girondine selon lui plus conforme aux règles du procès
  31. Danton, Discours civiques, procès du roi.
  32. cité par André Fribourg, "Discours de Danton", édition critique, 1910
  33. Discours civiques de Danton, Paris, Libro in Véritas, 2007
  34. Frédéric Bluche, Danton, Paris Perrin, 1984 p. 252-253.
  35. Discours civiques de Danton, Paris,Libro in Veritas, 2007
  36. Louis Barthou, Danton, Paris, Albin Michel, 1932 p. 417-418
  37. Danton et Delacroix expédièrent de Belgique deux voitures arrêtées à Béthune faute de laissez-passer. Un inventaire fut dressé qui a disparu avant leur procès. Que contenaient-elles ? « 400 000 livres dobjets précieux », selon les accusateurs du Tribunal révolutionnaire, « des malles de linge » selon les accusés. Il est impossible de trancher. Albert Mathiez parle de « trois fourgons chargés de linge fin et d'argenterie expédiés par des créatures de Danton et par son ordre et destinés à lui et à Delacroix » (Albert Mathiez, « Danton. L'histoire et la légende », Girondins et Montagnards, Les Éditions de la passion, 1988, p. 291).
  38. Robert Christophe, Danton, Perrin, 1964, p. 318).
  39. Actes du Tribunal révolutionnaire, Mercure de France, coll. Le temps retrouvé, 1986, p. XIV.
  40. Mémoires de R. Levasseur (de la Sarthe), ex-conventionnel, Paris, Rapilly, 1829.
  41. Le commentaire est de Alphonse Aullard
  42. François Furet, La Révolution, Hachette, 1988, p.140.
  43. La Révolution française, PUF, 1968, p.359
  44. « Si jamais la Convention était avilie, si jamais, par une de ces insurrections, qui, depuis le 10 mars, se renouvellent sans cesseil arrivait quon portât atteinte à la représentation nationale, je vous le déclare au nom de la France entière, Paris serait anéanti ; bientôt on chercherait sur les rives de la Seine si Paris a existé. »
  45. François Furet, Denis Richet, La Révolution française, Fayard,1973, p.214
  46. Louis Madelin, Danton, Hachette, 1914
  47. Garat, Mémoires sur la Révolution ou exposé de ma conduite dans les Affaires et dans la Fonction Publique, Paris, J.J.Smits et Cie, an III de la République (1795)
  48. C'est ce que dit Garat dans ses Mémoires rapportant des confidences faites par Danton à son retour d'Arcis
  49. Albert Mathiez, La Révolution française, coll. 10/18, 1978, t.2, p.286. Georges Lefebvre fait le même constat.
  50. voir Jean-Daniel Piquet,"Le discours abolitionniste de Danton (16 pluviôse an II)" Revue d'Histoire et de Philosophie religieuse, juillet-septembre 2010, p.353-377 ; André Stil, Quand Robespierre et Danton inventaient la France Paris, Grasset, 1988 :; Yves Benot, "Comment la Convention a-t-elle voté l'abolition de l'esclavage en l'an II ?", Révolutions aux colonies , 1993 p.13-25 ; Id. Annales Historiques de la Révolution Française 3ème-4ème trimestres 1993 p. 349-361.
  51. Hippolyte Carnot, Mémoires sur Carnot par son fils, édition de 1893, T.1, p.375
  52. Louis Madelin, Danton, Hachette, 1914, p.286 et Bernard Vinot, Saint-Just ,Fayard, 1985, p.249.
  53. Les notes rédigées par Robespierre à la veille du procès des Dantonistes et destinées à être utilisées par Saint-Just dans son réquisitoire à la Convention ont été publiées en 1841. En voici quelques extraits:
    • C'est en vain que l'on se plaignait à Danton de la faction girondine : il soutenait qu'il n'y avait point de faction et que tout était le résultat de la vanité et des animosités personnelles.
    • Il ne faut pas oublier les thés de Robert, ou d'Orléans faisait lui-même le punch, ou Fabre, Danton et Wimpffen assistaient. C'était qu'on cherchait à attirer le plus grand nombre de députés de la Montagne pour les séduire ou pour les compromettre.
    • Il ne voulait pas la mort du tyran; il voulait qu'on se contentât de le bannir, comme Dumouriez.
    • Il a vu avec horreur la révolution du 31 mai ; il a cherché à la faire avorter ou à la tourner contre la liberté, en demandant la tête du général Hanriot, sous prétexte qu'il avait gêné la liberté des membres de la Convention.
    • Danton voulait une amnistie pour tous les coupables; il s'en est expliqué ouvertement; il voulait donc la contre-révolution. Il voulait la dissolution de la Convention, ensuite la destruction du gouvernement : il voulait donc la contre-révolution.
    • Il y avait un trait de Danton qui prouve une âme ingrate et noire : il avait hautement préconisé les dernières productions de Desmoulins : il avait osé, aux Jacobins, réclamer en leur faveur la liberté de la presse, lorsque je proposai pour elles les honneurs de la brûlure. Dans la dernière visite dont je parle, il me parla de Desmoulins avec mépris : il attribua ses écarts à un vice privé et nonteux, mais absolument étranger à la Révolution.
  54. lettre de Fouquier-Tinville adressée au Comité de Salut public citée dans Actes du Tribunal révolutionnaire, Mercure de France, 1986, p.439
  55. A.V. Arnault, Souvenirs dun sexagénaire, librairie Dufey, Paris, 1833. Réédition : Champion, Paris, 2003
  56. Georges Lefebvre, La Révolution française, PUF, 1968, p.389.
  57. Cette citation et les deux suivantes sont extraites de larticle Danton de Mona Ozouf - Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, 1988
  58. François Furet, La Révolution, Hachette, 1988, p.129.
  59. François Furet, "histoire universitaire de la Révolution" dans Dictionnaire critique de la Révolution française, 285 p., p.111-140(p 129)
  60. Alphonse Aulard, recueil de la société des jacobins tome 2, p.493-494
  61. Gérard Walter, Maximilien de Robespierre Paris, Gallimard 1961 p. 253.
  62. Cette citation a appuyé la loi voté le 28 mars 1882. Cette loi déclare l'obligation pour les enfants de 6 à 13 ans révolus de recevoir une éducation primaire.
  63. a et b André Fribourg, Discours de Danton, édition critique, Paris, 1910 p. 245-249
  64. a et b Discours civiques de Danton ; André Fribourg, Discours de Danont édition critique, p.281
  65. Archives Parlementaires, 1ère série tome 84, p.284

Représentations

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Articles connexes

Lien externe

Précédé par Georges Jacques Danton Suivi par
Étienne Dejoly
Ministre français de la Justice
10 août - 9 octobre 1792
Dominique Joseph Garat
André Jeanbon Saint André
Président de la Convention
25 juillet - 8 août 1793
Marie-Jean Hérault de Séchelles

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