Victor Riqueti de Mirabeau

Victor Riqueti de Mirabeau
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Victor Riqueti de Mirabeau
Mirabeau père.jpg

Naissance 5 octobre 1715
Pertuis
Décès 11 juillet 1789 (à 73 ans)
Argenteuil
Nationalité Drapeau de France France
Profession Économiste, philosophe

Victor Riqueti, marquis de Mirabeau, né à Pertuis le 5 octobre 1715, et mort à Argenteuil le 13 juillet 1789, est un économiste et philosophe français.

Victor Riquetti est marquis de Mirabeau, comte de Beaumont, vicomte de Saint-Mathieu, baron de Pierre-Buffière et en cette qualité premier baron du Limousin, seigneur de Roquelaure, de Négréaux, de Saint-Auquille, de Pierre-Aigue, du Bignon, Chéronnac, de Brie, Champagnac, Puyméreau[1]…, ce à la mort de son père (1737) et du fait de son mariage (1743).

Le marquis de Mirabeau est le premier de sa famille à délaisser la carrière militaire pour se diriger vers celle des lettres. Et voulant paraître à la Cour, il achète un hôtel particulier à Paris et un château au Bignon, dans le Gâtinais, pour se rapprocher de la cour. En 1743, son mariage avec Marie-Geneviève de Vassan, originaire du Limousin, permet à cet économiste français de tester sur les terres de son épouse ses théories agronomiques. Il fait partie de l’école des physiocrates et publie notamment l’Ami des hommes ou Traité sur la population (1756) et surtout « Philosophie rurale ou économie générale et politique de l'agriculture, réduite à l'ordre immuable des lois physiques et morales qui assurent la prospérité des empires » (1763). Il est le père du comte de Mirabeau et du vicomte de Mirabeau, deux grandes figures de la Révolution française. Il est membre des académies de Marseille, de La Rochelle et de Montauban[2]. Les travaux du marquis de Mirabeau sur les finances et l’économie politique, matières peu connues alors et pour ainsi dire encore mystérieuses, lui valent des adversaires et des amis, également passionnés. Mais c’est un homme dont les principes contrastent singulièrement avec les actions.

Sommaire

Biographie

Sa famille

La statue originale de Louis XIV (1686).

Ses ancêtres, s’étant enfuis de Florence, ville agitée par des dissensions civiles, sont recueillis en Provence dans le commencement du XIIIe siècle. Ils acquièrent dans cette province des propriétés considérables, y contractent des alliances avec des familles aristocratiques et savent, à diverses époques, se montrer utiles à leur nouvelle patrie dans les charges dont ils sont revêtus.

Pourtant l’esprit contestataire, dans cette famille, n’est pas né au Siècle des Lumières. Victor est le petit-fils d’un homme qui avait pris Louis XIV en grippe, certainement pour le remercier à sa façon d’avoir érigé ses terres en marquisat. Lorsqu’il fut question de faire la dédicace de la place des Victoires et de cette statue pédestre que M. le duc de la Feuillade y avait élevée au roi, monument peu décent, et par des éloges ridicules également contraire à la vraie grandeur d’un héros et à la noble liberté d’un citoyen, le régiment des gardes fut commandé pour assister à la cérémonie. M. de Mirabeau, qui avait une compagnie dans ce régiment, s’y rendit à la tête de sa troupe. En passant sur le Pont-Neuf, il la fit arrêter devant la statue de Henri IV, et s’adressant à ses soldats : « Messieurs, leur dit-il, saluons celui-ci, il en vaut bien un autre. » C’était mal prendre son temps pour faire l’éloge du grand et bon Henri : il déplut si fort à Louis XIV, qu’il fut ordonné à ce Mirabeau de se défaire de sa compagnie. Celui-ci, en se conformant aux ordres du roi, demanda de donner sa démission entre les mains du roi même, et la dit en la présentant : « Sire, j’ai l’honneur de remercier Votre Majesté de ce qu’après l’avoir servie pendant quarante ans, elle me dispense de la reconnaissance. » Voilà ce que l’on conte du grand-père[3]

Le marquis de Mirabeau est le fils de Jean-Antoine de Riquety (1666-1737), un brigadier des armées du roi, blessé 27 fois, d’où une infirmité des deux bras. Il refuse pour cette raison la charge de lieutenant-général pour le roi en Dauphiné. Sa mère, Françoise de Castellane, est la fille du marquis Jean-François de Castellane. Son père a été Page du Grand-Maître de Malte et le frère de Victor est Grand’Croix et général des galères de Malte.

Un jeune officier (1728-1743)

Victor Riquetti reçoit une éducation très stricte. Il est d’abord reçu chevalier de Malte au Grand Prieuré de Saint-Gilles, le 1er septembre 1718, à l’âge de trois ans[4]. Il entre en 1728, à treize ans, au service comme enseigne, et devient capitaine de grenadiers au régiment de Durfort-Duras, dont son père avait été colonel et qu’il avait vendu en 1712 au marquis de Gensac. Il se distingue aux sièges de Kehl et de Philippsburg, à l’attaque des hauteurs de Dettingen, où il est blessé, aux combats de Hispersberg et de Clausen[5].

Le marquis de Mirabeau fait la campagne de Bavière en 1741-1742 dans le régiment de son père qui est décédé en 1737, et il est décoré de la croix de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis en 1743. Comme il ne peut acheter un régiment, il quitte l’armée.

Le château du Bignon (1740)

Voulant se rapprocher de la capitale, il quitte la Provence, « où l’on ne pratique plus, disait-il, ce culte de respect attaché à des races antiques ». Chez le marquis de Mirabeau, l’orgueil nobiliaire touche à la folie. Il écrit : Sous Philippe le Bel (1268- 1314), se répandent par tout le royaume des sénéchaux, des baillis, des procureurs, chargés d’intervenir judiciairement entre le créancier noble et le débiteur roturier. C’en est fait : le démembrement de la propriété féodale va commencer. La noblesse de robe s’élève en face de la noblesse d’épée; et, pour parler le langage du marquis de Mirabeau : de cette époque date la lente conquête de la province par l’écritoire[6]. Ce dédain pour des familles de grands serviteurs de la France est étonnant, car venant d’un descendant de réfugiés italiens, certes de noble naissance, comme l’écrira le juge d'Armes de France, mais qui ne sont anoblis qu’au XVIe siècle, soit des siècles après bien des familles de robe françaises.

En 1740, le marquis de Mirabeau, sur le conseil d’un ami qui lui conseille de se rapprocher de Versailles achète le château du Bignon. Le biographe et descendant des Mirabeau, Humbert de Montlaur, donne une esquisse du château : « C’est une vaste construction, bâtie à l’époque de la Renaissance, au milieu de douves, encadrée de bois, de prés et de ruisseaux… Ce panier d’herbe est si drôlement mélangé d’arbres, de bocages, d’eaux et de cultures qu’on dirait que tous les oiseaux de la contrée s’y sont donnés rendez-vous. » Les travaux entrepris par le marquis au Bignon sont considérables : toujours d’après Humbert de Montlaur, « le château est entièrement refait, on meuble les appartements, les pacages sont mués en prairies, on change le cours d’une rivière, on plante, on creuse, on dessine un parc ». C’est dans ces lieux que se réunissaient les physiocrates.

Mirabeau achète aussi un hôtel particulier à Paris en 1741. Pendant six années quand il n’est pas à la guerre, il dilapide l’héritage de son père, mort en 1737, en compagnie de son cousin Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues et du poète Lefranc de Pompignan. Ce sont peut-être ses deux amis qui le poussent à faire un riche mariage pour payer ses dettes qui s’accumulent et continuer à faire la fête. Ses lettres à Vauvenargues nous dévoilent un marquis de Mirabeau trop complaisant envers lui-même, toujours remarquables par un naturel abondant et facile, par une aisance spirituelle et gaie, toujours très sensé des idées, mais dont le style est obscur, pesant, et baroque, mélangé de tropes bizarres, d’incohérentes métaphores, en un mot, il faut le dire un ramassis de galimatias intolérables. A travers ses premiers écrits à ses proches on imagine les incohérences, les bizarreries, aussi bien que la jactance de l’écrivain futur; mais on y reconnaît, en même temps, un tour original et un vif esprit[7]. Néanmoins son frère le bailli lui dit : Prends donc garde, ton style n’est pas clair, même pour les gens instruits, les figures rendent tes ouvrages intraduisibles dans les autres langues.

Mirabeau achète en 1775 l’hôtel de Vassan, c’est-à-dire la partie centrale et la chapelle de l’hôtel de la Reine Marguerite, aux 6 et 8 de la rue de Seine, dans le faubourg Saint-Germain, achetée par la fille et le gendre de Chrestienne Leclerc du Vivier, un certain Jacques de Vassan, arrière-grand-père de sa femme[8]. Le marquis n’y habite pas.

Son mariage (1743)

Blason des Vassan

Le marquis de Mirabeau épouse, par contrat du 11 avril 1743, Marie Geneviève de Vassan, vicomtesse de Saint Mathieu, baronne de Pierre-Buffière, dame de La Tournelle, de Chéronnac, de Brie, Champagnac, Puyméreau et Sauvebœuf, veuve de Jean François de Ferrières, chevalier, marquis de Sauvebœuf, grand sénéchal d’Auvergne, capitaine au Régiment Royal Infanterie, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, fille de Charles, marquis de Vassan, seigneur de la Tournelle, Cuvergnou, Germaincourt, Grand Champ, etc., brigadier des armées du roi, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, et d’Anne Thérèse de Ferrières de Sauvebœuf, première baronne du Limousin, vicomtesse de Saint Mathieu, dame de Sauvebœuf, Brie, Champagnac, Puyméreau, etc. La mariée est donc fort riche, mais point belle, selon ses contemporains. Cela n’est pas très grave, le marquis se marie sans la voir précédemment le 21 avril 1743, continue à avoir de nombreuses maîtresses et lui fait dix enfants, savoir :

En 1757, le marquis de Mirabeau se sépare de sa femme avec éclat. Il a cru pouvoir la reléguer au fin fond de la province par une lettre de cachet. Celui qui va être baptisé l’ami des hommes commence là une série de procès qui perdus ou gagnés vont avoir des conséquences désastreuses. Il obtient grâce à ses amis ministres 54 lettres de cachet contre les siens[9]. Et pourtant, ce marquis écrit : « Que plutôt l’état périsse, si la main sacrée du souverain signe la plus petite injustice. »

Marie Geneviève de Vassan décide d’aller à Paris en 1772, et commence à lui faire des procès pour obtenir une séparation des biens, que le marquis s’est appropriés. Leurs enfants l’encouragent à prendre cette mesure. Il vit publiquement avec Madame de Pailly, une Suissesse qui est sa maîtresse depuis 1756, et qui n’est pas étrangère aux procès scandaleux du marquis contre sa femme, et à ses démêlés avec son fils, le célèbre révolutionnaire. Après bien des procès, et malgré l’appui de ses amis et admirateurs, il se retrouve ruiné et malade. Il vend son château du Bignon, et loue une maison à Argenteuil, où il vit tranquillement jusqu’à sa mort.

Un économiste et un philosophe

À trois ans, je prêchais ; à six, j’étais un prodige ; à douze, un objet d’espoir ; à vingt, un brûlot ; à trente, un politique de théorie; à quarante, je ne suis plus qu’un bon homme écrit-il dans une lettre inédite à la comtesse de Rochefort, du 27 décembre 1756. Mais c’est le bon homme qui va intéresser ses contemporains et les générations qui suivront.

Dès 1735, le marquis de Mirabeau s’intéresse aux théories d’économie politique. Quand il est en garnison à Bordeaux, Mirabeau père fait la connaissance de Montesquieu, et après avoir quitté l’armée il lui écrit et lui envoie son premier travail, son Testament politique en 1747. Encore confidentiel, il préconise pour la prospérité de la France un retour aux valeurs de la noblesse française médiévale. L’ouvrage qui suit est écrit en 1750 et a comme titre : Utilité des états provinciaux. Il prône que les institutions provinciales s’épanouissent à partir de la province et soient organisées par elle, et est empreint de nostalgie nobiliaire… Ce livre est souvent attribué à Montesquieu, qui est devenu son ami et qui partage avec lui certaines idées.

Mirabeau est très influencé par les théories de François Quesnay.

En 1756, débute la parution de l’Ami des hommes ou Traité sur la population : l’ouvrage va contribuer à la renommée de son auteur. Économiste politique, il paraphrase en partie François Quesnay (1694-1774) et ses amis de l’école des Physiocrates, mais ce livre a été vraiment écrit avant que le marquis fasse la connaissance du médecin de Madame de Pompadour. D’après l’auteur la vraie richesse ne consiste que dans la population. Or la population dépend de sa subsistance, et la subsistance ne se tire que de l’agriculture. Ainsi pour ce physiocrate convaincu, tout dépend de l’agriculture : elle reste le premier des arts. Mirabeau se range derrière l’idée que Plus vous faites rapporter à la terre et plus vous la peuplez. La cinquième partie est datée de 1760. La sixième partie de l’Ami des hommes contient d’ailleurs l’explication de Mirabeau du Tableau économique de François Quesnay, qui n’avait connu jusqu’alors que de très petits tirages. Melchior Grimm fait une critique sévère de cet ouvrage dans l’une de ses lettres écrite en juillet 1757 : Il vient de paraître un ouvrage qui fait beaucoup de bruit, et qui mérite par l’importance de son objet qu’on s’y arrête ; il est intitulé : l’Ami des Hommes, ou Traité de la population. C’est une apologie de l’agriculture contre le luxe et contre les oppressions d’un gouvernement mal éclairé, en trois volumes in-4°, assez considérables. L’auteur, M. le marquis de Mirabeau, est provençal; quoique jeune, il a quitté le service depuis longtemps, sans doute pour quelque mécontentement particulier. La hardiesse qui règne dans cet ouvrage lui a donné une grande vogue. On a eu la maladresse de le supprimer, ce qui a ajouté à sa réputation. Pour juger ce traité en général et en deux mots, on peut dire que l’auteur en aurait fait un grand et bel ouvrage, s’il avait de la noblesse et de l’élévation dans son style[3].

En 1760, le marquis de Mirabeau est emprisonné, pendant cinq jours, à la prison du château de Vincennes.

Néanmoins fier d’avoir fait parler de lui et d’avoir été censuré, le marquis rédige de nombreux autres écrits philanthropiques, entre autres la Théorie de l’Impôt. À l’occasion de ce dernier ouvrage en 1760, il est emprisonné, pendant cinq jours, à la prison du château de Vincennes, puis exilé, pendant deux mois, au Bignon. Il s’en est pris aux fermiers généraux avec une véhémence qui annonce déjà celle de son fils.

Dans son château, l’école des physiocrates est vraiment fondée, et en 1765 le marquis achète Le journal de l’agriculture, du commerce, et finances, qui devient la revue de l’école.

Léopold II d'Autriche, futur empereur, le margrave de Bade, Turgot et les rois Stanislas II de Pologne et Gustave III de Suède sont ses lecteurs et sont en partie influencés par ses idées. Il est même fait grand croix de l’Ordre de Vasa. Stanislas-Auguste, roi de Pologne rencontre plus tard le marquis économiste à Paris et lui parle un jour de Montesquieu. Les rêveries surannées de cet homme, répond le marquis, ne sont plus estimées que dans quelques cours du Nord[10].

Les admirateurs du marquis de Mirabeau sont parfois des personnalités fort différentes. Le Dauphin, Louis de France (1729-1765) qualifie l’Ami des hommes de « bréviaire des honnêtes gens » et le cite sans cesse. Il veut même confier l’éducation du futur Louis XVI à Mirabeau, mais finalement un militaire très catholique et conservateur lui sera préféré. L'ami des hommes offre aussi l’hospitalité à Jean-Jacques Rousseau, mais il le remercie juste par quelques formules de politesse[10].

L’agronome

La mode du gentleman-farmer est beaucoup moins répandue en France qu’en Angleterre. Une partie de la noblesse vit à Versailles ou dans ses hôtels parisiens. Les nobles de province achètent ou héritent de charges et vivent dans les villes. Seuls les hobereaux, après avoir servi le roi dans l’armée ou la marine, survivent dans des manoirs ou de petits châteaux avec leurs pensions. La terre rapporte peu, sauf à quelques intendants, et les rendements sont mauvais. D’ailleurs, malgré toutes ses terres, le marquis de Mirabeau n’a pas pu se payer un régiment. Pourtant cet aristocrate, bien introduit dans les milieux éclairés parisiens, va être fasciné par ce qui est pour lui la « vraie richesse », l’agriculture. Plus qu’à ses domaines en Provence ou en Limousin, le marquis de Mirabeau s’intéresse à sa terre du Bignon, près de Paris, plus accueillante à une agronomie appliquée.

Le marquis de Mirabeau ne se contente pas de séjourner dans son château. Il le restaure et fait cultiver ses terres avec de nouvelles techniques agricoles. Dans ses livres, on trouve énoncés des principes comme le primat de l’agriculture, et la condamnation de la finance, du luxe et de la « cupidité », dans un monde sous la conduite de propriétaires et d’un « roi pasteur ». Ce que cette lecture garde de traditionnel n’a pas résisté à la célèbre leçon de morale administrée au marquis par le véritable oracle de la physiocratie naissante, le docteur François Quesnay. Mirabeau en fait le récit dans une lettre à Rousseau (juillet 1757) : corrigeant la copie, le docteur critique la nouvelle édition du Mémoire que vient de produire le marquis, et lui fait garder sous le coude son Traité de la monarchie. Car c’est Quesnay qui, dans les articles « Fermiers » et « Grains » de l’Encyclopédie, comme dans son Tableau économique (1759), définit alors la ligne du mouvement, opposant l’agriculture à l’héritage manufacturier du colbertisme, mais plaidant la cause d’une grande culture gérée par des propriétaires de type moderne, bénéficiant de la liberté des échanges, condition du bon prix, conforme à l’ordre naturel. Plus que comme une exigence d’ordre moral, c’est donc comme une science que se présente la doctrine nouvelle à laquelle le marquis se rallie, en même temps que toute une école se forme, avec l’abbé Nicolas Baudeau, l’avocat Guillaume-François Le Trosne, André Morellet, l’intendant Mercier Lariviere et Pierre Samuel du Pont de Nemours

Le marquis de Mirabeau écrit de son côté en 1763 une Philosophie rurale, puis entre 1767 et 1768 des Lettres sur la dépravation, la restauration et la stabilité de l’ordre rural, qui illustrent la continuité de son approche moralisante. Victor Riqueti, marquis de Mirabeau va d’ailleurs essayer d’inculquer de force ses idées à son fils, Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau.

Ses rapports avec le comte de Mirabeau, l’un de ses fils

Le marquis de Mirabeau essaie de donner à son fils quelque goût pour ses théories sur l’économie politique. Honoré Gabriel est destiné par son père à la profession des armes, et lui-même tourne d’abord ses vues de ce côté. Celui-ci projette de l’envoyer aux colonies hollandaises. Il parle aussi de la honte d’un mariage mal assorti, car Honoré Gabriel a épousé la fille du puissant marquis de Marignane. Et puis c’est une nouvelle lettre de cachet. Mirabeau est arrêté et conduit au château d'If.

Le fort de Joux, où il fait emprisonner son fils.

Le commandant du fort écrit au marquis de Mirabeau pour le solliciter de rendre la liberté à son fils. Pressé par ces sollicitations, ce père obtient l’ordre de le faire transférer du château d’If au fort de Joux, situé à peu de distance de Pontarlier, avec injonction au commandant du château de laisser à son prisonnier la faculté de se rendre dans cette ville. Mais, le comte y fait des dettes, et ce seul mot de dettes met en fureur le marquis. Le résultat devait en être nécessairement un ordre de consigner le prisonnier au fort de Joux, et de rompre toute sorte de communication avec Pontarlier.

Pour une autre affaire, Honoré Gabriel est arrêté. Dès que le marquis de Mirabeau apprend l’arrestation de son fils, il obtint un ordre de le faire conduire dans un fort de l’Alsace.

De retour en Provence, Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau est néanmoins bien accueilli par sa famille et se réconcilie avec son père[11].

La fin de sa vie

Sa fortune, qui n’est pas aussi considérable qu’on le prétend, diminue du fait de l’état d’abandon où il laisse ses principales terres, par de ruineux essais agricoles et par l’entreprise, infructueusement dispendieuse, d’une grande exploitation de mines. Une des autres causes de la diminution de sa fortune est la volonté du marquis de former deux branches de sa race, et de se mettre à acheter de grandes terres lointaines, qu’il faut revendre. L’ami des hommes achète en Gascogne, le duché de Roquelaure, dont il espère obtenir le titre.

Son jeune frère, Jean Antoine Riquetti, le chevalier de Mirabeau, général des galères de Malte revient en France en 1767 et prend en charge le château des Mirabeau et aide le marquis dans ses procès désastreux. Néanmoins, il doit vendre le château du Bignon.

Le marquis de Mirabeau loue une maison de campagne à Argenteuil, selon certains auteurs. En réalité, il s’agit d’un vaste château et ses dépendances, entourés de jardins à la française avec pièces d’eau.

Le marquis était depuis longtemps, affecté d’un catarrhe chronique pulmonaire. Son fils le visite de temps en temps, et en est assez bien reçu. Jamais, du reste, la politique ne se mêle à leurs entretiens, assez courts d’ailleurs. Mais le marquis se fait lire dans plusieurs journaux les relations des séances où son fils a figuré, et la transcription de ses discours.

Il meurt à Argenteuil, le 13 juillet 1789, la veille même du jour de la prise de la Bastille. Mirabeau est profondément affecté de cette perte qui, dit-il, va mettre en deuil tous les citoyens du monde. Il se charge des cérémonies. Mais dans l’église paroissiale des Bénédictins d’Argenteuil, une simple pierre couvre son tombeau en 1790, quand la municipalité lui rend hommage.

Œuvres de Victor Riqueti de Mirabeau

Les principaux écrits du marquis de Mirabeau sont :

  • Voyage de Languedoc et de Provence, édition entièrement différente de celle d’Amsterdam et plus correcte que celle d’Avignon, 1745.
  • Examen des Poésies sacrées de Le Franc de Pompignan, 1755.
    Petit ouvrage fastidieux et ridicule panégyrique, que Pompignan a la maladresse d’adopter dans une édition de luxe qu’il donna de ses poésies.
  • L’Ami des hommes, ou Traité de la Population, Hambourg : Chretien Hérold, 1756-1762, 6 vol. in-12 Texte en ligne .
  • Dialogue entre le Surintendant d’O et L.D.H., contenu dans : Précis de l’organisation, ou Mémoire sur les États provinciaux, 1757-1758.
  • Réponse du correspondant à son banquier, 1759.
  • Lettres sur la dépravation de l’ordre légal… ; Lettres sur la restauration de l’ordre légal, précédé du Discours sur cette question, quelle est la vertu la plus nécessaire aux héros, et quels sont les héros à qui cette vertu a manqué, 1759.
  • Lettre sur les corvées, 1760.
  • Tableau économique avec ses explications, 1760.
  • Théorie de l’Impôt, Paris, 1760.
  • Mémoire sur l’agriculture, envoyé à la très louable société d’agriculture de Berne; avec l’extrait des six premiers livres du Corps complet d’économie rustique de feu M. Thomas Hale, 1762.
  • avec François Quesnay, Philosophie rurale ou Économie générale et particulière de l’agriculture, réduite à l’ordre immuable des lois physiques et morales qui assurent la prospérité des empires, Amsterdam (Paris) : libraires associés, 1763, in-4°, XXVI-412 p. (ou 3 vol. in-12) Texte en ligne ; abrégé sous le titre Éléments de la philosophie rurale, La Haye : libraires associés, 1767-1768, in-12, II-CVI-241 p. et tableau.
  • Éphémérides du citoyen, 1765-1772.
  • Lettres sur le commerce des grains, 1768.
  • Les Économiques, par L. D. H. (L’Ami des hommes.), Dédiées au grand-duc de Toscane. Amsterdam, 1769.
  • Lettres d’un ingénieur de province un intendant des ponts-et-chaussées, роur servir de suite à l’Ami des homme, Avignon (Paris), 1770.
  • Lettres économiques, Amsterdam, 1770.
  • Les Devoirs, imprimé à Milan, au monastère de Saint-Ambroise, en 1770. Ce titre est une allusion à l’un des traités les plus connus du saint archevêque de Milan.
  • Leçons économiques (Abrégé), Abrégé des principes de l’économie politique, 1773.
  • Science (la), ou les Droits et les Devoirs de l’Homme. Par L. D. H., Lausanne, Grasset, 1774.
  • Lettres sur la législation, Ou l’ordre légal dépravé, rétabli et perpétué, L. D. H. Berne, 1775.
  • Nouvelles éphémérides économiques. Troisième partie. Événements publics. no 1er Éloge funèbre de M. François Quesnay, prononcé… dans l’assemblée de ses disciples par M. le Mis de Mirabeau, 1775.
  • Entretiens d’un jeune prince avec son gouverneur, ouvrage divisé en trois parties… 1785.
  • Recueils de contes et nouvelles, par M. le marquis de M***, 1785.
  • Mémoire concernant l’utilité des États provinciaux, relativement à l’autorité royale, aux finances, au bonheur, & à l’avantage des peuples, 1787.
  • Rêve d’un goutteux, (vers la fin de 1788)[12].

Notes et références

  1. La Chesnaye-Desbois
  2. Joseph-Marie Quérard. La France littéraire ou Dictionnaire bibliographique des savants, historiens et gens de lettres de la France, ainsi que des littérateurs étrangers qui ont écrit en français, plus particulièrement pendant les XVIIIe et XIXe siècles: « MIRABEU (Victor Riquetti, marquis de) ». Paris: Firmin Didot, 1834; t.  6, p. 154.
  3. a et b Correspondance littéraire, philosophique et critique, adressée à un souverain d’Allemagne, de Friedrich Melchior Grimm, Freiherr von, et Denis Diderot, p. 371
  4. La Chesnaye-Desbois.
  5. Nouvelle Biographie générale, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours avec les renseignements bibliographiques et l’indication des sources à consulter, sous la dir. de Mr. le Dr. Hoefer, p. 627
  6. Histoire de la Révolution française, de Louis Blanc, p. 150
  7. Œuvres posthumes et œuvres inédites de Vauvenargues, p. 88
  8. Jacques Sylvestre de Sancy, Pierre Gaxotte, Philippe Siguret, Yvan Christ, Le faubourg Saint-Germain, p. 106
  9. Revue de Saintonge & d’Aunis, Bulletin de la Société des archives historique…, 1896, p. 312
  10. a et b Nouvelle Biographie générale, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours avec les renseignements bibliographiques et l’indication des sources à consulter, sous la dir. de Mr. le Dr. Hoefer, p. 627
  11. Mémoires biographiques, littéraires et politiques de Mirabeau / écrits par lui-même, par son père, son oncle et son fils adoptif…, Mirabeau, Honoré-Gabriel de Riquetti, Mirabeau, Victor de Riquetti, Mirabeau, Jean-Antoine-Joseph-Charles-Elzéar de Riquetti, Lucas de Montigny, Gabriel, p. 129 et suivantes.
  12. Nouvelle biographie générale, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours avec les renseignements bibliographiques et l’indication des sources à consulter, sous la dir. de Mr. le Dr. Hoefer, p. 627, B.N.F. et La France littéraire, ou Dictionnaire bibliographique des savants…, p. 154 et 155.

Bibliographie

  • René de La Croix de Castries, Mirabeau ou l’échec d’un destin, Paris, Fayard, 1960.
  • Louis de Loménie, Les Mirabeau : nouvelles études sur la Société française au XVIIIe siècle, Paris, Dentu, 1879-1891, 2 vol.
  • Anthony Mergey, « La question des municipalités dans l’Introduction au Mémoire sur les États provinciaux du marquis de Mirabeau (1758) », Revue de la recherche juridique - Droit prospectif, 2, 4, 2006, p. 2523-2548 (ISBN 0249-8731))
  • Henri Ripert, Le Marquis de Mirabeau, ses théories politiques et économiques, Paris, A. Rousseau, 1901.
  • Albert Soboul (avant propos d’), Les Mirabeau et leur temps, Société des études, Centre aixois d’études et de recherches sur le XVIIIe siècle, 1968.

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