Journées du 31 mai et du 2 juin 1793

Journées du 31 mai et du 2 juin 1793

Les journées du 31 mai et du 2 juin 1793 voient la chute des Girondins, sous la pression du peuple de Paris.

Sommaire

Les événements préalables

Après l'annonce de la trahison de Dumouriez le 1er avril 1793, le conflit entre la Gironde et la Montagne s'était exacerbé. Au sein des sections parisiennes et provinciales, une lutte opposait depuis janvier les modérés, parfois proches des Girondins, et les radicaux, sensibles aux revendications des Enragés, qui, dans un contexte d'effondrement de l'assignat, d'inflation, de vie chère, de récession et de travail rare, réclamaient la taxation, la réquisition des denrées, des secours publics aux pauvres et aux familles de volontaires, le cours forcé de l'assignat et l'instauration d'une Terreur légale contre les accapareurs et les suspects. Ce mouvement était incarné par Jacques Roux et Jean-François Varlet à Paris, par Taboureau[1] à Orléans, par Chalier et Leclerc à Lyon. Dès le jour de l'annonce de la trahison de Dumouriez, Varlet fonda à l'Évêché un comité central révolutionnaire, dit le comité de l'Évêché, tandis que Jacques Roux provoquait la formation d'une assemblée générale des comités de surveillance de Paris, qui obtint le soutien de la Commune et de son procureur, Chaumette. Hostiles aux Girondins, le comité et l'assemblée générale s'opposaient également l'un à l'autre, le secrétaire du comité, Germain Truchon[2], étant un adversaire de Roux[3].

Le 3 avril, Robespierre demanda devant la convention la mise en accusation des complices du général, déclaré traître à la patrie, « et notamment Brissot », attaque réitérée le 10 avril.

Le 5 avril, le Club des Jacobins, présidé par Marat, adressa aux sociétés affiliées une circulaire les invitant à demander la destitution des députés ayant voté en faveur de l'appel au peuple lors du procès de Louis XVI[4]. En réaction, le 13 avril, sur proposition de Guadet, la Convention vota la mise en accusation de Marat par 226 voix contre 93 et 47 abstentions. Toutefois, le tribunal révolutionnaire l'acquitta le 24 avril.

Le 15 avril, 35 des 48 sections révolutionnaires de Paris présentèrent à la Convention une pétition réclamant le retrait de 22 députés girondins.

Pour contrer la menace, alors que Robespierre présentait le 24 avril un projet de déclaration des droits subordonnant la propriété à l'utilité sociale, la Gironde porta le débat sur la question sociale, invoquant la menace des « anarchistes » et de la « loi agraire ». Le 30 avril, Pétion lança une Lettre aux partisans dans laquelle il tentait de mobiliser les notables en brandissant le spectre de la loi agraire. Le 3 mai, de même, à la suite d'une manifestation de 10 000 sans-culottes, il appela les modérés à reprendre les contrôles des assemblées générales de section[5].

Le 9 mai, les sections de Bordeaux dominées par la bourgeoisie marchande, envoyèrent une adresse menaçante contre les « anarchistes », comme à Nantes. À Marseille, les représentants en mission furent expulsés le 29 avril, et un comité général des sections fut formé, qui se mit à poursuivre sans-culottes et jacobins. À Lyon, modérés et royalistes renversèrent la municipalité montagnarde le 29 mai, et Chalier fut emprisonné, avant d'être guillotiné le 17 juillet[5].

À Paris, Guadet dénonça le 18 mai la Commune, parlant d'« autorités anarchiques, avides à la fois d'argent et de domination » et proposant leur cassation immédiate. Une Commission extraordinaire des Douze ne comprenant que des Girondins fut instituée. Le 24 mai, celle-ci ordonna l'arrestation d'Hébert, ainsi que Varlet ou Dobsen. Une lutte violente s'engagea alors pour le contrôle des assemblées générales et des comités de section, qui se prolongea dans nombre de sections durant l'été[6].

Le 25 mai, la Commune réclama la libération d'Hébert, son substitut, demande à laquelle Isnard, qui présidait alors la Convention, répondit en menaçant Paris d'anéantissement.

Le lendemain, Robespierre appela, aux Jacobins, à l'insurrection. Le 28 mai, la section de la Cité convoqua les autres sections pour le lendemain à l'Évêché pour organiser l'insurrection. Le 29 mai, un comité insurrectionnel de 9 membres, connu sous le nom de Comité de l'Évêché, fut formé par les délégués de 33 sections. Libérés la veille par la Convention, après le départ des Girondins de la salle des séances, Varlet et Dobsen en faisaient partie. Le 30 mai, le directoire de département adhéra à l'insurrection.

Le 31 mai, le comité de l'Évêché fut élargi à un comité central révolutionnaires de 25 membres, par l'adjonction de 4 membres de la Commune de Paris et de 11 représentants du département[6].

L'insurrection du 31 mai

Sous la direction du Comité de l'Évêché, l'insurrection du 31 mai se déroula sur le modèle de la journée du 10 août 1792. Après qu'on eut fait sonné le tocsin, les pétitionnaires des sections et de la Commune se présentèrent vers 17 heures à la barre de l'Assemblée, cependant que la foule occupait les abords du bâtiment. Cette pétition réclamait l'exclusion des chefs de la Gironde, la suppression de la commission des Douze, l'arrestation des suspects, l'épuration des administrations, la création d'une armée révolutionnaire, l'attribution du droit de vote aux seuls sans-culottes, la fixation du prix du pain à 3 sous grâce à une taxe sur les riches, la distribution de secours publics aux vieillards, aux infirmes et aux parents de volontaires aux armées. Sur le rapport de Barère au nom du comité de salut public, et malgré l'intervention de Robespierre, la Convention se borna à casser la commission des Douze.

L'insurrection du 2 juin

Le dimanche 2 juin, une nouvelle insurrection éclata. Sur l'ordre du comité insurrectionnel, 80 000 hommes de la garde nationale emmenés par Hanriot cernèrent la Convention, tandis qu'une députation allait demander à l'Assemblée l'arrestation immédiate des chefs girondins.

Après un débat confus, l'ensemble de la Convention sortit à la suite de son président, Hérault de Séchelles, pour tenter de forcer le passage. En réponse, Hanriot ordonna: « Canonniers à vos pièces! » Vaincue, la Convention regagna la salle des séances, où, sur la proposition de Georges Couthon, furent décrétés d'arrestation à leur domicile les 22 représentants réclamés par les pétitionnaires, ainsi que les membres de la commission des Douze et les ministres Clavière et Lebrun-Tondu. Boyer-Fonfrède et Saint-Martin-Valogne ayant été exclus de la mesure à la demande de Legendre, puis Ducos, Dussaulx et Lanthenas à la demande, entre autres, de Couthon et de Marat, c'est donc 29 députés girondins qui furent décrétés d'arrestation à leur domicile, avec les ministres Clavière et Lebrun-Tondu : Barbaroux, Birotteau, Brissot, Buzot, Chambon, Gensonné, Gorsas, Grangeneuve, Guadet, Lanjuinais, Lasource, Lehardy, Lesage, Lidon, Louvet, Pétion, Salles, Valazé, Vergniaud, et dix membres de la commission des Douze : Bergoeing, Boilleau, Gardien, Gomaire, Kervélégan, La Hosdinière, Henry-Larivière, Mollevaut, Rabaut, Viger[7].

Suites

Placés en résidence surveillée à leur domicile, plusieurs députés girondins s'enfuirent et favorisèrent les insurrections fédéralistes en Normandie, en Bretagne, dans le Sud-Ouest et dans le Midi. De même, 75 députés[8] signèrent entre le 6 et le 19 juin des protestations contre la journée du 2 juin[9]. Pour rassurer les départements, inquiets devant la menace d'une dictature des sans-culottes parisiens, le rapport de Saint-Just sur les députés détenus ou fugitifs, présenté le 8 juillet, était des plus modérés.

Sur le plan social, la loi du 3 juin 1793 sur le mode de vente des biens des émigrés précisait qu'ils seraient divisés en petites parcelles pour favoriser les paysans pauvres, qui pourraient bénéficier d'un délai de dix ans pour payer. La loi du 10 juin sur le partage des biens communaux, autorisé à titre facultatif, indiquait qu'il se ferait à parts égales, pour tous les habitants domiciliés, et non les seuls propriétaires, et que chaque lot serait tiré au sort. Enfin, la loi du 17 juillet sur le régime féodal supprima définitivement l'ensemble des droits féodaux sans indemnité (au contraire de la nuit du 4 août), les titres devant être déposés au greffe des municipalités pour être brûlés.

Sur le plan politique, la constitution de l'an I fut votée le 24 juin sur le rapport d'Hérault de Séchelles, après une discussion rapide. Quant à la déclaration des droits, si elle rejetait la modification de définition de la propriété, elle reconnaissait le droit à l'insurrection. Soumise à la ratification populaire, la constitution fut adoptée par plus de 1 800 000 oui contre environ 17 000 non, plus de 100 000 votants ne l'approuvant qu'avec des amendements modérant le texte, résultats proclamés le 10 août 1793. Cette constitution ne fut cependant jamais appliquée.

Pour Raymonde Monnier, dans cette insurrection, les Jacobins conservèrent de bout en bout l'initiative ainsi que la direction politique de l'événement. Les Enragés, partisans de mesures sociales radicales et de la démocratie directe, qui avaient contribué à sa préparation, ne parvinrent jamais à faire triompher leurs vues[10].

Source principale

  • Albert Soboul, La Révolution française, Messidor/Éditions sociales, 1982, deuxième partie, chapitre 2, « La fin de la Gironde (mars-juin 1793) ».

Notes et références

  1. Sur François Pierre Alexandre Taboureau de Montigny, avocat né à Orléans le 2 juillet 1746 mort dans la même ville en 1803, voir Albert Mathiez, « Un enragé inconnu: Taboureau de Montigny », Annales historiques de la Révolution française, tome VII, mai et juillet 1930, pp. 209-230 et 305-322, et Georges Lefebvre, « Quelques notes sur Taboureau, "L'Enragé" d'Orléans », AHRF, tome VIII, mars 1931, pp. 140-148.
  2. Sur Germain Truchon, avocat au Parlement de Paris né le 2 avril 1741 à Vincelles, près d'Auxerre, rayé du tableau des avocats de Paris pour bigamie, élu de la section des Gravilliers, substitut du procureur de la Commune de Paris, arrêté le 27 mai 1794 et interné à la prison du Luxembourg, libéré le 4 novembre 1795 suite à l'amnistie, lire Une Grande figure de la Révolution Germain Truchon dit « Longue barbe », d'Henri Tribout de Morembert (Imprimerie nationale, 1955).
  3. Jean-Paul Bertaud, La Révolution française, Perrin, 1989 (rééd. coll. Tempus, 2004, p. 195).
  4. Compte-rendu de la séance du 5 avril 1793 du club des Jacobins, sous la présidence de Marat
  5. a et b Jean-Paul Bertaud, La Révolution française, op. cit., p. 198.
  6. a et b Raymonde Monnier, « Mai-juin 1793 (Journées de) », dans Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989 (rééd. Quadrige, 2005, p. 699).
  7. Archives parlementaires de 1787 à 1860, Paris, P. Dupont, 1897-1913, tome 65, p. 708.
  8. Ces 75 députés sont: Amyon, Aubry, Babey, Bailleul, Blad, Blanqui, Blaux, Blaviel, Bohan, Bresson, Cazeneuve, Chasset, Chastellain, Corbel, Couppé des Côtes-du-Nord, Dabray, Daunou, Defermon, Delamarre, Derazey, Descamps, Doublet, Dubusc, Dugué d'Assé, Duprat, Dussaulx, Estadens, Faure de la Seine-Inférieure, Fayolle, Ferroux, Fleury, Gamon, Garilhe, Girault, Grenot, Guiter, Hecquet, Jary, Lacaze, Laplaigne, Laurence, Laurenceot, Lauze de Perret, Lebreton, Lefebvre de la Loire-Inférieure, Lefebvre de la Seine-Inférieure, Maïsse, Marbos, Massa, Masuyer, Mercier, Moysset, Obelin, Olivier-Gérente, Periès de l’Aude, Peyre, Philippe-Delleville, Queinnec, Rabaut-Pommier, Ribereau, Rouault, Rouzet, Royer, Ruault, Saladin, Salmon, Saurine, Savary, Serres, Soubeyran de Saint Prix, Tournier, Vallée, Varlet, Vernier et Vincent.
  9. « Protestations contre le 2 juin émanant de membres de la Convention », in Louis Mortimer Ternaux, Histoire de la terreur, 1792-1794, Paris, Michel Lévy frères, 1869, tome 7, p. 541-545
  10. Raymonde Monnier, « Mai-juin 1793 (Journées de) », dans Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, op. cit., p. 700.

Filmographie

  • Abel Gance, Napoléon, 1927, Scène dite de "la Double Tempête". "Un des plus hauts sommets du cinéma" (Georges Sadoul)

Bibliographie

  • Alphonse Aulard, La Société des Jacobins: Recueil de documents pour l'histoire du Club des Jacobins de Paris, tome 5: « janvier 1793 à mars 1794 », Elibron Classics, 2003, 720 pages (ISBN 9780543951595)
  • Louis Blanc, Histoire de la révolution française, Paris, Pagnerre, Furne et Cie, 1866, tome VIII, chapitres X et XI: « Les Douze renversés » et « Chute des Girondins », pp. 389-454
  • Haïm Burstin, Une révolution à l'œuvre: le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), chapitre 2: « Un printemps insurrectionnel », Champ Vallon, 2005, 923 pages, pp. 542-585
  • Adolphe Thiers, Histoire de la révolution française, Paris, Furne et Cie, 1854, tome IV, livre XIV: « trente un mai », pp. 92-184

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