Berthold Proly

Berthold Proly

Pierre-Jean Berthold de Proli, le 18 décembre 1750 à Bruxelles et guillotiné à Paris le 5 germinal an II, est un homme politique belge venu en France sous Louis XVI et qui participa activement aux événements de la Révolution française.

à Bruxelles et baptisé le lendemain sous le nom de Proli (avec un « i »[1]) en léglise de la paroisse du Finistère, il était le fils du comte Balthazar Proli, conseiller et receveur-général des domaines et finances de limpératrice dAutriche, directeur à Anvers dune importante maison de banque. La chronique scandaleuse disait lenfant fils naturel du prince de Kaunitz, le « cocher du carrrosse européen » qui, alors quil était gouverneur des Pays-Bas, aurait eu des « bontés » pour la comtesse Proli née Marie-Anne Cloots[2].

Sommaire

Commerce maritime et spéculation boursière

Le jeune homme fit de bonnes études à Paris puis il se rendit à Nantes il étudia le haut commerce. Puis il voyagea. Il séjourna deux ans aux Indes il fonda la Compagnie de commerce de la mer rouge dont les navires arboraient le pavillon sarde, avec Nice pour port dattache. il affréta des navires pour le compte de Jean-Joseph de Laborde avec la famille duquel il resta en relation daffaires et de société. Ayant fait fortune, il revint à Paris il sinstalla définitivement en septembre 1782. Il avait le titre dauditeur à la Chambre des comptes de Bruxelles mais il continua de soccuper daffaires commerciales et industrielles « pour le trafic de la Mer Rouge et des Indes ». Il participa aux grandes spéculations des années prérévolutionnaires, notamment avec labbé dEspagnac, le baron de Batz et les initiés de lentourage du Contrôleur des finances Calonne. Ils furent tous partie prenante dans la grosse spéculation sur les actions de la Nouvelle Compagnie des Indes quils rachetèrent en masse à la faveur dun mouvement baissier qui fut suivi dune hausse rapide. Joueur le comte Proly se ruina en peu dannées, et en 1789, il vivait des débris de sa grande fortune, dassez beaux restes toutefois.

Un révolutionnaire esthète et raffiné

Il était un esthète, raffiné et cultivé, passionné par la peinture classique dont il fit le commerce avec son ami Laborde de Méréville. Introduit dans la société du duc dOrléans, il se lia particulièrement avec le comte Goury de Champgrand, ami personnel de dOrléans, qui occupait avec sa fille[3] deux vastes appartement situés au-dessus des arcades du Palais Royal. Il vint habiter chez eux. Le Palais-Royal fut, en vérité, son quartier général. Il fréquentait non seulement le salon de jeu de Champgrand mais également le « club des Étrangers » de la rue du Mail que dirigeaient ses amis Hyppolite Sanguin de Livry et Boniface de Castellane. En 1792, on le voyait toujours errer dune maison à lautre, que ce soit chez Pelletier-Descarrières venaient, en 1792 et 1793, les Exagérés de la Commune et les membres de la Bande noire, ou au contraire chez Mme de Sainte-Amaranthe se pressait une clientèle que lexécution de Louis XVI devait disperser.

Depuis le début de la Révolution, Proly rédigeait avec son ami Jacques Marie Joseph Régnier, ancien commissaire à la cour des aides, un journal intitulé le Cosmopolite[4] qui lui assura une réputation de patriotisme. Y était associé lami denfance de Proly, le citoyen Nicolas-Joseph Joachin de Busscher de lEpinoy, un « galopin diplomatique » qui passa en jugement en 1794 pour espionnage au profit de lAutriche[5]. Dans la petite cour de Proly, on remarquait un certain Porteau « brave garçon que, disait-il, jaime autant que mes maîtresses autrefois ». Il semble avoir eu un attirance, comme son cousin Anacharsis Cloots, pour les hommes[6]. Quand il nétait pas chez Champgrand, Proly logeait rue Vivienne chez Richer de Sérisy, autre ami journaliste, un muscadin dont lhomosexualité était notoire, puis il vécut rue des Filles-Saint-Thomas, n° 20, chez François Desfieux dont on ne connaît pas de relations féminines. En revanche, dans ses lettres, celui-ci ne cache pas son affection pour Proly (« Je te salue et tembrasse bien sincèrement, ton frère et ton ami... »). Quand les choses allèrent très mal en nivôse et pluviôse an II, Proly dut provisoirement son salut à Hérault de Séchelles dans une maison de qui il logea, rue du Bouloi. Les uns et les autres se voyaient chez une ancienne danseuse, Mme de Cheminot, née Edme Coupée Dumanoir ex-Melle Coupée, qui eut un salon intéressant rue Neuve des Mathurins, dont on disait quil nétait « meublé que dhommes »[7]. Lorsque cette dame qui avait émigré à Genève, et était revenueprétendument pour accomplir une mission secrète en Suisse à elle confiée par Proly –, elle se retrouva inscrite sur la liste des émigrés. On sut que son passeport avait été obtenu grâce à ses amis Cloots et Proly, avec laide de Claude Basire du Comité de sûreté générale et de Lhuillier du Département, qui cherchaient maintenant tous à la radier des listes démigration[8]. Or tout était irrégulier et le citoyen Dufourny dénonça des pressions, révélant par la même occasion que des passe-droits étaient soutirés contre argent à ladministration.

Les Exagérés en mission à létranger

À la demande de Beurnonville, ministre de la guerre, Proly se fit donner par le ministre Lebrun-Tondu la mission secrète de se rendre aux Pays-Bas pour « surveiller » la conduite de Dumouriez, sur la fidélité duquel les Jacobins commençaient à concevoir des soupçons. son rôle en fait est assez mal défini et on en connaît que ce que Proly lui-même en a dit après la défection de Dumouriez[9] À son retour, Proly et ses deux collègues remirent le procès-verbal de ses opérations au ministre Lebrun, qui les avait envoyés. Lu le 1er avril 1795 à la tribune de la Convention nationale, ce procès-verbal fut bientôt communiqué à la société des Jacobins. Le général transfuge fut dénoncé, à leur tribune, comme traître à la patrie.

La montée en puissance des Exagérés

Avec Desfieux, Proly simpliqua dans le mouvement Exagéré. Il disposait de fonds très importants confiés à lui par des banquiers français et étrangers, et ne tarda pas à être élu membre du comité central qui préparasur plusieurs semainesles émeutes des 31 mai et 2 juin 1793. Il fut de ceux qui tirèrent gloire dêtre à lorigine de larrestation de vingt-neuf députés girondins et de deux ministres.

Le 4 septembre 1793, sur la proposition de Georges-Jacques Danton, la Convention décrétait que les assemblées des sections parisiennes qui se tenaient tous les jours, ne pourraient plus que se tenir deux fois la semaine, le jeudi et le dimanche, afin de diminuer une agitation endémique qui laissait présager un mouvement populaire contre la Convention.

Proly et Desfieux avaient trouvé le moyen de tourner ce décret en constituant dans les sections des clubs locaux, véritables sociétés populaires qui tenaient séance dans la salle réservée aux assemblées des sections, les jours ces assemblées étaient interdites. Bientôt, pour accentuer le noyautage, ils fédérèrent les clubs des sections dans un Comité central dont ils eurent la direction. Ce comité devenait une force qui sopposait sourdement aux autorités constituées de Paris, et surtout ladministration du Département. Dufourny qui entendait contrôler le Département de Paris quil présidait, fit arrêter Proly au début doctobre 1793. Mais celui-ci, se plaignit et fut relâché sur intervention de Hérault de Séchelles qui, comme Bertrand Barère, sapait discrètement lautorité de Robespierre et protégeait régulièrement, sous le masque dun patriotisme exigeant, les initiatives des Exagérés, mouvement auquel ils appartenaient eux-mêmes. À nouveau décrété darrestation le 27 brumaire, Proly dut se cacher. De la maison de Mme de Gougenot, épouse dun directeur de la Compagnie des Indes et ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette, à Ménilmontant il avait trouvé abri, il se rendit dans celle dHérault de Séchelles dont la situation personnelles nétait pas bonne.

Pendant quil se cachait, on arrêta son domestique et secrétaire François Bompard[10], ce qui permit de mettre la main sur pratiquement tous les papiers de Proly.

Resté fidèle au mouvement exagéré dont Hébert était la figure la plus « visible » mais non la plus influente, Proly entra ouvertement dans la ligne de mire de Robespierre qui, à loccasion de la révélation de laffaire du décret liquidant la Compagnie des Indes, prit la mesure dune « conspiration » dont il ne distinguait pas très bien les contours et identifiait encore moins les vrais instigateurs. Limplication de plusieurs Montagnards en vue, tous membres du premier Comité de sûreté générale - François Chabot, Joseph Delaunay, Claude Basire et Charles-Nicolas Osselin notamment - et la campagne de diffamation lancée contre eux par Jacques-René Hébert, lui donnèrent la mesure de la gravité de la situation. Il y allait de lhonneur de la convention tout entière. Il sen prit dabord à ceux dont on parlait le plus, parmi lesquels Proly contre qui on pouvait articuler assez facilement une accusation despionnage à la solde de Léopold pour le compte de lAutriche.

Procès biaisé

Dans une accusation figurant dans les papiers manuscrits soi-disant trouvés chez Robespierre[11], on remarque une pièce qui était en effet susceptible dinquiéter lIncorruptible : « Comment se fait-il que Proly, étranger et fils de la maîtresse du prince de Kaunitz, par conséquent très fort dans le cas dêtre soupçonné le bâtard et le pensionnaire de ce prince autrichien, se soit donné, à Paris, comme un patriote à trente-six karats (sic), et quil nait pu jusquici passer, malgré son adresse, que pour un intrigant ? Comment se fait-il que Proly, qui nest rien, qui ne doit se mêler de rien, soit fourré dans toutes les affaires ? Comment se fait-il que Proly et Desfieux, et leur cabale, sachent tous les secrets du gouvernement quinze jours avant la convention nationale ; quils connaissent les promotions futures, et quà point nommé ils aient des nouvelles fraîches et ostensibles sur toutes les affaires, et des nouvelles secrètes, quon devine à leur allure, et daprès lesquelles ils se conduisent ? Comment se fait-il que Desfieux et Proly, étant de grands patriotes, soient les inséparables des banquiers étrangers les plus dangereux, tels que Walquiers, de Bruxelles[12], agent de lempereur tels que Simon, de Bruxelles[13], agent de lempereur ; tels que Grenus, de Genève, grand inséparable de Proly… ; tels que Greffus[14] et Mons, autres agens[15] de lempereur. ». Il le signala comme un intrigant dangereux en rapport avec la cour de Vienne, le fit arrêter deux fois, et relâcher.

Malgré les efforts de Barère pour lui éviter le pire sans trop se compromettre lui-même, lex-comte Berthold Proly fut impliqué dans la conspiration des Exagérés avec Hébert et Chaumette. Arrêté au Vautherland (Wauxhall de la rue de Bondy ?) alors quil errait dans Paris, il fut aussitôt incarcéré. Traduit devant le Tribunal révolutionnaire, il réclama des témoins à décharge (Jean Bon Saint-André, Bentabole, Jay de Sainte-Foix et de Girardin)[16]. Trop de preuves laccablaient. Fouquier-Tinville qui agissait sur ordre des comités réunis, nécouta que les témoins à charge (Sambat et Mme Violette, Moenne et surtout Dufourny), et il fut condamné à mort et exécuté au terme dun procès très biaisé.

Notes

  1. Observation pertinente du colonel Herlaut dans sa biographie de Dubuisson. Il nempêche, lintéressé a constamment signé « Proly », nom sous lequel ses contemporains lont connu.
  2. Il était donc cousin de Anacharsis Cloots, lOrateur du genre humain, avec lequel il fut exécuté.
  3. Future, Mme de Rohan Rochefort, puis comtesse de Saint-Simon puis baronne de Bawr, nom sous lequel elle écrivit des Mémoires.
  4. Imprimé chez Janson, Cloître Saint-Merry, à partir de décembre 1791.
  5. à Bruxelles vers 1734, demeurant maon Égalité, n°18. Arrêté le 4 frimaire.
  6. Jusque récemment lhistoriographie française a un gros problème avec lhomosexualité, ce qui devient dailleurs assez comique quand on aborde le cas de personnages comme Cambacérès.
  7. Olivier Blanc, « La Ville-lEvêque et ses abords », in Autour de la Madeleine, ouvrage collectif publié par laction artistique de la Ville de Paris, Paris, 2005, p. 102.
  8. voir AN, W145 p. 241; AN, Minutier acte Proly/Cheminot, Duclos-Dufresnoy, le 23/8/1793; BHVP, Ms.762; A. Tuetey, Répertoire, volumes X et XI.
  9. Officiellement, Proly avait aussi été envoyé, avec Ulric Dubuisson et Jacob Péreyra, pour faire tomber la banque dAngleterre, vaste programme qui neut évidemment pas le moindre commencement dexécution.
  10. Fils dun employé de la Cie des Indes en 1757 à Lorient, marchand de tableaux pour le compte de Proly. Sa maîtresse Catherine-Victoire Olivier fut arrêtée avec lui. Leurs interrogatoires levèrent tous les points dombre sur la conduite de Proly.
  11. I, 75-78.
  12. Édouard de Walquiers.
  13. Célèbres industriels de Bruxelles qui épousèrent respectivement Melle Candeille et Melle Lange.
  14. Alias « Greffulhe ».
  15. Orthographe dépoque.
  16. AN, W136, II, p. 58.

Source

  • Alexandre Tuetey, Répertoire des sources manuscrites de lhistoire de Paris pendant la Révolution, volume X et surtout XI.
  • Étienne de Jouy, Biographie nouvelle des contemporains, t. 17, Paris, Librairie historique, 1824, p. 130-1.

Bibliographie


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