Analyse tensorielle

Analyse tensorielle

Tenseur

En mathématiques, plus précisément en algèbre multilinéaire et en géométrie différentielle, un tenseur désigne une fonction multilinéaire. En physique et en sciences de l'ingénieur, les tenseurs sont utilisés pour décrire et manipuler diverses grandeurs et propriétés physiques comme le champ électrique, la permittivité, la déformation etc.

Par extension, on utilise souvent le terme tenseur pour désigner un champ de tenseurs, c'est-à-dire une application qui associe à chaque point d'un espace géométrique un tenseur différent.

La première utilisation de la notion et du terme de tenseur s'est faite dans le cadre de la mécanique du continu, en relation avec la nécessité de décrire les contraintes et les déformations subies par les corps étendus, à partir de laquelle fut formalisée la mécanique rationnelle.

Les tenseurs sont largement utilisés dans la relativité générale, pour décrire rigoureusement l'espace-temps comme variété courbe quadri-dimensionnelle. Les tenseurs sont utilisés dans de nombreux autres domaines de la physique, y compris l'électromagnétisme, la mécanique des fluides et mécanique du solide. En particulier, le tenseur des efforts et le tenseur des déformations sont utilisés dans la science des constructions pour définir l'état de tension et de déformation en tout point d'une structure.

Les tenseurs sont également utilisés en géométrie différentielle pour définir sur une variété différentielle les notions géométriques de distance, d'angle et de volume. Cela se fait par le choix d'un tenseur métrique, c'est-à-dire un produit scalaire défini sur l'espace tangent de chaque point. Grâce à ce concept, sont alors définies et étudiées les questions liées à la courbure de la variété. D'autres tenseurs, tels que le tenseur de Riemann et le tenseur de Ricci, sont des outils importants pour cette étude.

Sommaire

Introduction

D'un point de vue physique, un tenseur est un objet très général, défini intrinsèquement à partir d'un espace vectoriel V (qui peut être par exemple l'espace euclidien tridimensionnel, ou bien l'espace-temps quadri-dimensionnel) et qui ne dépend pas d'un système de coordonnées particulier.

Par rapport à un système de coordonnées fixé, un vecteur de l'espace s'exprime comme une suite finie de nombres (ce sont les composantes du vecteur), soit : un n-uplet. Si on change de système de coordonnées, ce vecteur s'exprimera alors par un autre n-uplet, différent selon une loi bien précise. Un tenseur, exprimé dans un système de coordonnées particulier, est une sorte de n-uplet généralisé qui peut avoir 1 dimension (un n-uplet), ou 2 (une matrice) ou plus. Par un changement du système de coordonnées, les composantes d'un tenseur, comme celles d'un vecteur, sont modifiées par une loi précise.

Cette notion physique de tenseur comme "objet indépendant du système de coordonnées" est utile pour exprimer beaucoup de lois physiques, qui par leur nature ne dépendent pas des systèmes de coordonnées choisis. La notion mathématique d'un tenseur est réalisé d'une manière plus rigoureuse par l'algèbre linéaire. Dans le langage de l'algèbre linéaire, un système de coordonnées est une base et la loi de transformation est fournie par une matrice de changement de base. En outre, la définition d'un tenseur peut être donnée sans faire référence aux systèmes de coordonnées (aux bases), en utilisant la notion d'application multilinéaire et d'espace vectoriel dual

Histoire

Le mot tenseur est issu de l'anglais d'origine latine tensor, mot introduit en 1846 par William Rowan Hamilton pour décrire la norme dans un système algébrique (finalement nommé algèbre de Clifford). Le mot a été utilisé avec son sens actuel par Woldemar Voigt en 1899.

Le calcul différentiel tensoriel a été développé vers 1890 sous le nom de calcul différentiel absolu, et fut rendu accessible à beaucoup de mathématiciens par la publication par Tullio Levi-Civita 1900 du texte classique de même nom (en italien, suivi de traductions). Au XXe siècle, le sujet devient connu sous le nom de analyse tensorielle, et acquit une reconnaissance plus large avec l'introduction de la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein, autour de 1915.

La relativité générale est complètement formulée dans le langage des tenseurs. Einstein a appris à les utiliser, avec quelque difficulté, du géomètre Marcel Grossmann ou peut-être de Levi-Civita lui-même. On utilise également les tenseurs dans d'autres domaines, comme par exemple la mécanique des milieux continus.

Définition

Un tenseur est une application multilinéaire. L'algèbre des tenseurs est appelée algèbre tensorielle ou algèbre multilinéaire

La définition des tenseurs exposée ici est la plus intrinsèque, parce qu'elle ne fait pas usage des bases, et est la plus utilisée en mathématiques. Une définition alternative, amplement utilisée en Physique, nécessite de fixer une base et définit un tenseur par le comportement de ses composantes en cas de changement de base.

Soit V un espace vectoriel de dimension n sur un corps K. L'espace dual V * est l'espace vectoriel formé de toutes les formes linéaires

 f:V \to K. \,\!

L'espace V * est aussi de dimension n. Les éléments de V et V * sont appelés respectivement vecteurs et covecteurs.

Un tenseur est une application multilinéaire

T:\underbrace{V^*\times\ldots\times V^*}_h\times\underbrace{V\times\ldots\times V}_k\to K

Un tenseur T associe alors à k vecteurs  v_1,\ldots,v_k et h covecteurs  w_1,\ldots,w_h un scalaire

T(w_1,\ldots,w_h,v_1,\ldots,v_k).\,\!

La multilinéarité garantit que la fonction soit linéaire sur chaque variable.

L'ordre ou type du tenseur est le couple (h,k). On donne aussi le nom d'ordre ou de rang à la somme h+k.

Article détaillé : Tenseur (mathématiques).

Tenseur peut évoquer un champ de tenseurs au lieu d'un tenseur proprement dit, particulièrement en Physique. Les champs de tenseurs sont des applications qui a tout point d'un espace, font correspondre un tenseur particulier. On peut de ce fait considérer un champ de tenseurs comme tenseur dépendant d'un point de l'espace. Les opérations usuelles sur les tenseurs sont alors étendues aux champs de tenseurs.

Article détaillé : Champ tensoriel.

Représentation

Dans le cas où l'espace vectoriel V est de dimension finie n, on se donne une base de V. On peut alors représenter le tenseur T par une grandeur indicée h + k fois où chacun des indices va de 1 à n : (T_{i,j,k,...})_{1\le i,j,k...\le n}.

On appelle composante chacun des nombres Ti,j,k,...
Chaque indice multiplie le nombre de composantes nécessaires par n.
Représenter un tenseur d'ordre donné nécessite donc nordre composantes.

Pour distinguer les indices qui correspondent à ceux d'un vecteur ou d'un covecteur dans la définition, on mettra ces indices en haut pour les contravariants, en bas pour les covariants. voire le titre Composantes. Par exemple, avec h=1 et k=2 on aura 1 indice haut et deux indices bas. On notera le tenseur par ({T^{i}} _{j,k})_{1\le i,j,k \le n}, et chacune des n3 composantes par un nombre {T^{i}}_{j,k}.

Ordres 0, 1 et 2

  • Lorsque l'on dispose d'une base d'un espace vectoriel E sur un corps \mathbb{K}, tout vecteur de cet espace peut se décrire par ses coordonnées dans cette base. Ainsi, dans une base (\vec e_{1} ,\vec e_{2} ,\vec e_{3} ) donnée,
    le vecteur \vec u sera décrit par ses composantes
    (u1, u2, u3).
    Si l'on change de base, les composantes (les nombres u1, u2 et u3) changent, mais le vecteur \vec u reste le même. Le tenseur représente l'ensemble des représentations de \vec u dans toutes les bases. Un vecteur est un tenseur dit « d'ordre 1 ».
  • De même, une application linéaire ƒ d'un espace E vers un espace F est décrite par une matrice M dont les coefficients dépendent de la base de E et de celle de F. Le tenseur représente l'ensemble des représentations de ƒ dans toutes les bases. Une matrice est un tenseur dit « d'ordre 2 ».
  • Un scalaire est un simple nombre, qui ne dépend d'aucune base. On dit que le scalaire est un « tenseur d'ordre 0 ».

Ordre n

Une autre manière de voir est la suivante : une matrice M peut se noter par ses coefficients (Mij), ou plutôt \left( M_i^j \right), voir plus loin — soit deux indices —, un vecteur \vec u par ses composantes (ui) — soit un indice —, et un scalaire a simplement par lui-même — soit zéro indice.

On peut envisager des objets définis avec trois, quatre, n indices \left( A_{ijk\ldots} \right).

Un objet défini par n indices et vérifiant les formules de changement de base est un tenseur d'ordre n (cf. distinction entre vecteurs et pseudovecteurs).

Sur un espace vectoriel de dimension finie m, chaque indice peut prendre les valeurs de 1 à m. Un tenseur d'ordre n sur cet espace vectoriel a donc mn coefficients. Si le tenseur « relie » n espaces vectoriels de dimensions différentes m1,m2,...mn, alors le tenseur contient \scriptstyle \prod_{i=1}^n m_i coefficients.

Un tel tenseur d'ordre n représente une application multi-linéaire (forme n-linéaire) de E×E×… ×E dans \mathbb{K} :

\mathrm{T}(\vec a~, \vec b~, \ldots, \vec l~) = \sum_{i,j,...,u} a^i b^j \ldots\ l^u \ \mathrm{T}(e_i, e_j, \ldots, e_u)

On retrouve les coefficients du tenseur T en identifiant \scriptstyle \mathrm{T}_{ij\ldots u} = \mathrm{T}(e_i, e_j, \ldots, e_u).


Notations

Dans les notations, Tijk... représente la composante du tenseur T de coordonnées (i,j,k,...). Quand on veut désigner un tenseur dans sa globalité tout en indiquant l'ordre de ce tenseur, on peut souligner le nom du tenseur d'autant de trait que l'ordre du tenseur. Ainsi, avec cette notation, un vecteur sera noté \underline{u} plutôt que \vec u, et un tenseur de contraintes mécaniques (d'ordre 2) sera noté \underline{\underline{\sigma}}. Ceci est particulièrement utile quand on manipule des tenseurs d'ordres différents, ce qui est le cas en déformation élastique, pour laquelle on caractérise le comportement de déformation des matériaux par un tenseur \underline{\underline{\underline{\underline{M}}}} d'ordre 4, et les déformations \underline{\underline{\epsilon}} et contraintes \underline{\underline{\sigma}} par des tenseurs d'ordre 2. Dans le cas le plus simple de comportement élastique linéaire, \underline{\underline{\sigma}}=\underline{\underline{\underline{\underline{M}}}}:\underline{\underline{\epsilon}}.

Propriétés

Ordre

L'ordre d'un tenseur est le nombre d'indices matriciels nécessaires pour décrire une telle quantité. Par exemple en mécanique classique masse, température, et autres quantités scalaires sont des tenseurs d'ordre 0, mais force, déplacement et autres quantités vectorielles sont des tenseurs d'ordre 1. La théorie des tenseurs offre des aspects neufs à partir de l'ordre 2 et supérieurs.

Ordre est aussi le nom du couple (h,k)h désigne le nombre d'indices contravariants et k le nombre d'indices covariants.

Valence

Dans les applications physiques, on distingue les indices matriciels, selon qu'ils sont contravariants (en les mettant en exposant) ou covariants (en les mettant en indice), en fonction du comportement de la grandeur tensorielle considéré face à des transformations linéaires de l'espace. La valence d'un tenseur est le nombre des indices matriciels associé au type de chacun d'eux ; des tenseurs de même ordre mais de valences différentes ne se comportent pas de la même façon lors de changement du système de coordonnées. Par ailleurs, un indice covariant peut être changé en indice contravariant par produit tensoriel contracté avec le tenseur métrique. On appelle cette opération élever ou abaisser des indices.

On note la valence en disant que le tenseur est de type (n,m) où n est le nombre d'indices contravariants et m le nombre d'indices covariants. La valence ne note pas l'ordre des indices. La valence est aussi utilisée quand on note le tenseur par une lettre, un indice en haut signifie alors que le tenseur est contravariant pour cet indice, un indice en bas signifie que le tenseur est covariant pour cet indice. On notera donc les vecteurs avec un indice haut, et les formes linéaires avec un indice bas.

Exemples :

Les vecteurs sont des tenseurs d'ordre 1 contravariants. ils sont donc tenseurs de valence (1,0)

Les formes linéaires sont des tenseurs d'ordre 1 covariants. ils sont de valence (0,1)

L'intérêt d'une telle notation, c'est qu'en cas de changement de base, elle donne directement le nombre de multiplications par la matrice de changement de base à effectuer : n, et par son inverse : m.

Pour le changement de base d'un tenseur (1,1), on aura une multiplication par la matrice de changement de base, et une multiplication par son inverse, exactement comme pour les matrices en algèbre linéaire.

Exemples

En Physique

En physique, un exemple simple : considérons un bateau flottant sur l'eau. On veut décrire l'effet de l'application d'une force sur le déplacement du centre du bateau dans le plan horizontal. La force appliquée peut être modélisée par un vecteur, et l'accélération que subira le bateau par un autre vecteur. Ces deux vecteurs sont horizontaux. Mais leurs directions, qui devraient être identiques pour un objet de forme ronde, ne le sont plus pour un bateau, qui est plus allongé dans un sens que dans l'autre. La relation entre les deux vecteurs, qui n'est donc pas une relation de proportionnalité, est cependant une relation linéaire, au moins si on considère une force petite. Une telle relation peut être décrite en utilisant un tenseur de type (1,1) (1 fois contravariant, 1 fois covariant) (c'est à dire qu'ici il transforme un vecteur du plan en un autre vecteur du plan). Ce tenseur peut être représenté par une matrice (= tableau de nombres), qui, lorsqu'on la multiplie par un vecteur, donne un autre vecteur. De la même manière que les nombres qui représentent un vecteur changent quand on change de système de coordonnées, les nombres qui représentent le tenseur dans la matrice changent quand le système de coordonnées change.

En sciences de l'ingénieur, on peut également décrire les tensions, les forces intérieures subies par un solide ou un fluide par un tenseur. Le mot tenseur vient effectivement du verbe tendre, qui signifie soumettre à une tension. Considérons un élément de surface à l'intérieur du matériau ; les parties du matériau situées d'un côté de la surface exercent une force sur l'autre côté de la surface (et réciproquement). En général, cette force n'est pas orthogonale à la surface, mais dépendra linéairement de l'orientation de la surface. Nous pouvons la décrire par un tenseur d'élasticité linéaire, tenseur de type (2,0) (2 fois contravariant, 0 fois covariant), ou plus précisément, par un champ de tenseurs de type (2,0), puisque les forces de tension varient de point à point.

En mathématiques

Les formes bilinéaires telles le tenseur métrique ou le tenseur de courbure sont des exemples bien connus de tenseurs en géométrie différentielle.

Formellement, le type de tenseur dépend de la manière dont il est défini en termes de produit tensoriel. Par exemple, un tenseur d'ordre 3 pourrait avoir les dimensions 2, 5, 7. Ici les indices vont de 1, 1, 1 jusqu'à 2, 5, 7 ; donc le tenseur aura une valeur à 1, 1, 1, une autre à 1, 1, 2 et ainsi de suite pour un total de 70 valeurs. On peut écrire ce tenseur comme une suite de nombres rangés dans une matrice tridimensionnelle de taille 2*5*7. Le produit des dimensions de la matrice est alors équivalent à l'ordre du tenseur.

Un champ de tenseur associe un tenseur à chaque point d'une variété. Ainsi, au lieu de simplement avoir 70 valeurs, comme dans l'exemple ci-dessus, pour un tenseur de rang 3, et de dimensions 2, 5, 7 ; chaque point de l'espace serait associé à 70 valeurs. En d'autres mots, un champ de tenseur est une fonction à valeur tensorielle qui a pour domaine, par exemple, l'espace euclidien.

Composantes

Vecteurs

Dans la base B (\vec{e}_1,\vec{e}_2,\vec{e}_3), les composantes du vecteur \vec u sont (u1, u2, u3). Dans la base B' (\vec{e'}_1,\vec{e'}_2,\vec{e'}_3), elles sont (u'1, u'2, u'3). On cherche comment passer de l'une à l'autre des représentations.

Dans la base B, les vecteurs de la base B' s'écrivent :

\vec{e'}_{i} = e_{1i}\cdot \vec{e}_{1} + e_{2i}\cdot \vec{e}_{2} + e_{3i}\cdot \vec{e}_{3}

Par définition d'une base, chaque vecteur \vec{e}_{i} se décompose selon une combinaison linéaire unique des vecteurs de B'. On peut ainsi définir la matrice de changement de base P de B vers B' :

P = \begin{pmatrix} e_{11} & e_{12} & e_{13} \\ e_{21} & e_{22} & e_{23} \\ e_{31} & e_{32} & e_{33} \end{pmatrix}

les colonnes de la matrice de changement de base sont les coordonnées des vecteurs de l'ancienne base dans la nouvelle. On a alors

(u_{1},u_{2},u_{3}) = P \cdot (u'_{1},u'_{2},u'_{3}) et
(u'_{1},u'_{2},u'_{3}) = P^{-1} \cdot (u_{1},u_{2},u_{3}).

Lorsque les deux bases B et B' sont orthonormées, P vérifie en outre

P − 1 = tP.

Le changement de base se fait par multiplication d'une seule matrice de changement de base, le tenseur est dit d'ordre 1.

Matrices

Une matrice M représente une application linéaire ƒ d'un espace vers un autre pour une base donnée dans chaque espace. On peut donc changer de base dans l'espace de départ et dans l'espace d'arrivée. On peut donc définir deux matrices, P1 et P2 pour chacun des espaces. La matrice M' représentant ƒ pour les deux nouvelles bases se calcule donc en faisant

M' = ^{\rm t}P_{1} \cdot M \cdot P_{2}

Le changement de base se fait par multiplication de deux matrices de changement de base, le tenseur est dit d'ordre 2.

Formes linéaires

Considérons un espace à trois dimensions muni d'une base non orthogonale (on va la supposer normée pour simplifier la présentation). En effet, il y a de nombreux exemples dans la nature où il y a des axes « naturels » qui ne sont pas orthogonaux, par exemples les axes de certains cristaux. En fait, lorsqu'un phénomène est anisotrope, on peut souvent trouver des axes dits « principaux » pour lesquels les calculs se simplifient, et ces axes ne sont pas toujours orthogonaux.

Considérons une forme linéaire ƒ sur cet espace, qui à un vecteur \vec u associe un scalaire

f(\vec u) = f^{1}\cdot u_{1} + f^{2}\cdot u_{2} + f^{3}\cdot u_{3}

(les indices relatifs à la forme linéaire sont notés en haut pour permettre de les distinguer). Considérons la base (\vec{e}^{\ *i}), dite « base duale », définie par

\vec{e}^{\ *1} = \vec{e}_{2}\wedge \vec{e}_{3}
\vec{e}^{\ *2} = \vec{e}_{3}\wedge \vec{e}_{1}
\vec{e}^{\ *3} = \vec{e}_{1}\wedge \vec{e}_{2}

on a alors

\vec{e}_{i} \cdot \vec{e}^{\ *j} = \delta_{i}^j (symbole de Kronecker)

soit

\vec{e}_{i} \cdot \vec{e}^{\ *j} = 1 si i = j
\vec{e}_{i} \cdot \vec{e}^{\ *j} = 0 sinon

Si l'on définit le vecteur

\vec{f} = f^{1} \cdot \vec{e}^{\ *1} + f^{2} \cdot \vec{e}^{\ *2} + f^{3} \cdot \vec{e}^{\ *3}

on peut alors écrire

f(\vec u) = \vec{f} \cdot \vec u

La base des fonctions g i « produit scalaire par \vec{e}^{\ *i} »

g^i\ : E \rightarrow \mathbb{R}
\vec u \mapsto \vec{e}^{\ *i} \cdot \vec u

est une base des formes linéaires de l'espace ; on identifie souvent cette base de fonctions (g i ) avec la base de vecteurs (\vec{e}^{\ *i}) elle-même. L'espace vectoriel formé par les formes linéaires est appelé « espace dual » ou « espace réciproque ».

Si l'on fait un changement de base de l'espace direct, alors les composantes du vecteur \vec u se transforment selon

\hat{u}_{i} = \sum_{j} {p^j}_{i}\cdot u_{j}

p ji est le coefficient de la matrice de changement de base (noté eji dans le paragraphe précédent). En revanche, les composantes de \vec{f} se transforment selon

\hat{f}^{i} = \sum_{j} {p^i}_{j}\cdot f^{j}

on voit que dans le cas du changement de la base de formes linéaires, on multiplie par la matrice de changement de base, alors que dans le cas du changement de la base de vecteurs, on multiplie par sa transposée.

Variance

On voit donc que l'on a deux types d'indices. D'une part des indices de type « vecteur », notés avec un indice en bas (par exemple ui ), obtenus par projection du vecteur sur les axes parallèlement aux autres axes, et se transformant lors d'un changement de base par le produit de la transposée de la matrice de changement de base (P). Ces indices sont dits contravariants.

D'autre part des indices de type « forme linéaire », notés avec un indice en haut (par exemple ƒi ), obtenus par projection sur les axes perpendiculairement aux axes (\vec{e}^{\ *2} et \vec{e}^{\ *3} sont perpendiculaires à \vec{e}_{1}), et se transformant lors d'un changement de base par le produit de la matrice « directe » de changement de base (P). Ces indices sont dites covariants.

D'après la formule de changement de base des matrices, on voit que celles-ci sont une fois covariantes, une fois contravariantes, on devrait donc noter Mi j. Toutefois, on n'utilise que rarement cette notation tensorielle pour les matrices.

Convention d'Einstein

Un tenseur peut avoir des composantes covariantes et contravariantes, ce qui explique que certains indices soient notés en haut et d'autres en bas, par exemple Tabc.

On adopte souvent la convention de notation d'Einstein qui consiste à sommer lorsqu'un indice se trouve en haut et en bas dans un produit, par exemple

\sum_{j} p^{j}_{i}\cdot u_{j} et \sum_{j} p^{i}_{j}\cdot f^{\ j}

se notent respectivement

p^{j}_{i}\cdot u_{j} et p^{i}_{j}\cdot f^{\ j}

Opérations sur les tenseurs

Somme et multiplication par un scalaire

La somme de tenseurs de même ordre et mêmes valences est un tenseur de même ordre et de même valence que les deux tenseurs de départ. Dans ce cas, (\underline{\underline{a}}+\underline{\underline{b}})_{ij} = \underline{\underline{a}}_{ij}+\underline{\underline{b}}_{ij}.

Le produit d'un tenseur et d'un scalaire est un tenseur de même ordre et de même valence que le tenseur de départ.

L'ensemble des tenseurs d'ordre et de valence donnés forment donc un espace vectoriel.

Produit scalaire

Le produit scalaire de deux tenseurs de même ordre et de valences différentes pour chacun des indices (tous les indices qui sont contravariants pour l'un doivent être covariants pour l'autre) : le résultat est un scalaire.

Produit tensoriel

Le Produit tensoriel entre A d'ordre n, et B d'ordre p produit un tenseur d'ordre (n+p). Les n premiers indices sont repris de A, et les p indices suivants sont repris à partir de B. Leurs valence est la même que l'indice dont ils proviennent. Chaque composante du résultat est le produit :
- de la composante de A associée aux n premiers indices de la composante du résultat
- de la composante de B associée aux p derniers indices de la composante du résultat.
Exemple : Si on représente deux formes linéaires par deux tenseurs (donc tenseurs d'ordre 1 et covariants), alors le produit tensoriel des deux tenseurs représente une forme bilinéaire, linéaire par rapport à chacune des variables des formes linéaires de départ. La notion de produit tensoriel provient donc directement de la notion de produit de fonctions.

Abaissement d'indice

Un indice haut peut être changé en un indice bas par multiplication avec le tenseur métrique inverse, gab

T_{ac}=g_{ab} T^b_c

(On utilise la convention d'Einstein, le signe somme sur l'indice b est sous-entendu)
Le résultat est un tenseur de même ordre mais de valence différente : un indice contravariant est devenu covariant dans le tenseur résultat.

Élévation d'indice

Un indice bas peut être changé en indice haut par multiplication avec le tenseur métrique gab :

T^a_c=g^{ab}T_{bc}

Le résultat est un tenseur du même ordre mais de valence différente : un indice covariant est devenu contravariant dans le tenseur résultat.

Contraction

Le contracté d'un tenseur sur deux indices i et j, l'un étant covariant et l'autre contravariant est un tenseur d'ordre n-2 où n est l'ordre du tenseur de départ. Les indices i et j ont disparu dans le tenseur résultat ; la valence des autres indices est inchangée.

T^a=T^{ac}_c

Ici on a fait la somme sur toutes les valeurs possibles des deuxièmes et troisièmes indices, quand ceux-ci sont égaux.

Produit tensoriel contracté

Le produit tensoriel contracté entre A d'ordre n, et B d'ordre p, est un tenseur d'ordre (n+p-2). Les n-1 premiers indices proviennent de A (leurs valences respectives sont les mêmes que les n-1 premiers indices de A), les p-1 derniers proviennent de B (leurs valences respectives sont les mêmes que les p-1 derniers indices de B). Le produit tensoriel contracté est un produit tensoriel suivi d'une contraction entre l'indice n et l'indice n+1 du tenseur d'ordre n+p.
Une généralisation de ce produit contracté est le double-produit contracté (dont le résultat est un tenseur d'ordre n+p-4), le triple-produit contracté (dont le résultat est un tenseur d'ordre n+p-6), etc. De manière générale, le p-produit contracté définit un produit scalaire pour l'espace vectoriel des tenseurs d'ordre p. Le double-produit contracté est notamment très utilisé pour décrire la déformation élastique des matériaux.

Champs de tenseurs

Gradient

Le gradient d'un champ de tenseurs d'ordre n (ce sont les tenseurs qui sont d'ordre n) est un champ de tenseurs d'ordre n+1. Les n premiers indices ont la même valence que le tenseur de départ. L'indice supplémentaire est covariant. C'est une sorte de dérivée spatiale.

Divergence

La divergence d'un tenseur d'ordre n est un tenseur d'ordre n−1. L'indice manquant est contravariant.

Typologie

Dans le cas de l'ordre 2, un tenseur peut être symétrique ou antisymétrique (ou ni l'un, ni l'autre).

Pour un tenseur symétrique, on a la relation Tab = Tba.

Pour un tenseur antisymétrique, on a la relation Tab = -Tba.

En général, un tenseur n'est ni symétrique, ni antisymétrique. Un tenseur quelconque peut cependant être décomposé en une partie symétrique S et une partie antisymétrique A, avec les relations :

  • Sab = 1/2(Tab + Tba )
  • Aab = 1/2(Tab - Tba )

Les parties symétriques et antisymétriques réunies rassemblent autant d'information que le tenseur originel.

Cette règle peut être étendue aux tenseurs d'ordre quelconque. On dira alors que le tenseur est symétrique pour une paire d'indice, s'il est invariant par échange des deux indices, et qu'il est antisymétrique pour une paire d'indice s'il se transforme en son opposé par échange des deux indices.

Les indices de la paire considérée doivent avoir même valence.(Dans le cas contraire la propriété de symétrie dépendrait de la base choisie).

Dans le cas particulier d'un espace vectoriel de dimension 3, un tenseur antisymétrique d'ordre 2 porte le nom de pseudovecteur. (dont la matrice n'est antisymétrique qu'en base orthonormale ou si...)

Tenseur symétrique

Un tenseur est symétrique s'il est inchangé par des permutations des indices hauts ou une permutation des indices bas. Un tenseur d'ordre (0,2) ou bien (2,0) est symétrique si et seulement si ses composantes forment une matrice symétrique. Le fait pour une matrice d'être symétrique ne dépend pas de la base choisie (la propriété est conservée entre deux matrices semblables).

Tenseurs antisymétriques

Un tenseur est antisymétrique si, par une permutation quelconque des indices, il subit un changement de signe qui est le signe de la permutation. Un tenseur d'ordres (0,2) ou (2,0) est antisymétrique si et seulement si ses composantes forment une matrice antisymétrique. Pour un tenseur antisymétrique, les composantes dans lesquelles un indice se répète au moins deux fois sont toutes nulles. Par exemple, les j composantes Tiij du tenseur Tabc sont nulles. De ce fait, un tenseur de type (h,k) avec k > n ou h > n est nécessairement nul, parce que l'on ne peut avoir k (ou h) valeurs différentes dans \{1,\ldots,n\}. En outre (à une multiplication par un scalaire près), il existe un seul tenseur antisymétrique d'ordre (0,n) : le déterminant, ou tenseur de Levi-Civita.

Les tenseurs antisymétriques sont utilisés pour construire les formes differentielles.

Voir aussi

Liens internes

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Wikibooks propose un ouvrage abordant ce sujet : Calcul tensoriel.

Liens externes

Bibliographie

  • Claude Semay, Bernard Silvestre-Brac, Introduction au calcul tensoriel, Applications à la physique, Dunod, 2007, ISBN 978-2-10-050552-4


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