Tenseur (mathématiques)

Tenseur (mathématiques)
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Les tenseurs sont des objets mathématiques issus de l'algèbre multilinéaire permettant de généraliser les scalaires et les vecteurs. On les rencontre notamment en analyse vectorielle et en géométrie différentielle fréquemment utilisés au sein de champs de tenseurs.

Le présent article ne se consacre qu'aux tenseurs dans des espaces vectoriels de dimension finie, bien que des généralisations en dimension infinie et même pour des modules existent.

Sommaire

Principe général

Le principe est de généraliser les notions de scalaires et de vecteurs en dimension finie. Les tenseurs d'un type donné se comportent eux-mêmes comme des vecteurs :

  • ils possèdent une addition et un produit par les scalaires ;
  • ils sont indépendants d'un choix de base mais peuvent être représentés par des tableaux à plusieurs entrées pour un choix de base donnée.

À ceci s'ajoute deux opérations : un produit, dit tensoriel, permettant de multiplier deux tenseurs (éventuellement de natures distinctes) ainsi qu'une application linéaire qui réduit leur taille appelée contraction.

Comme évoqué ci-dessus les scalaires et les vecteurs constituent des exemples simples de tenseurs. Dans une base donnée un vecteur (tenseur d'ordre 1) peut être représenté par la donne d'un n-uplet de coordonnées. Les matrices n \times n - qui peuvent représenter suivant les cas des endomorphismes, des bivecteurs ou encore des formes bilinéaires - forment une extension des n-uplets similaire à l'extension que représente les n-uplets par rapport aux scalaires. Les objets descriptibles par des matrices constituent donc les premiers types de tenseurs non triviaux, appelés tenseurs d'ordre 2. En prolongeant la réflexion on peut imaginer, toujours de manière informelle, des matrices cubiques n \times n \times n, correspondant aux tenseurs d'ordre 3, et ainsi de suite.

Tensor-order-comparison.png

Les deux opérations classiques de la manipulation des tenseurs peuvent être intuitivement illustrés par certaines opérations matricielles. Il est en effet connu qu'en multipliant une matrice colonne par une matrice ligne (c'est-à-dire deux n-uplets) on obtient une matrice carrée (ou rectangulaire si les opérandes n'ont pas la même dimension). Il existe donc des transformations permettant d'augmenter l'ordre des tenseurs. Cette idée est à la base du produit tensoriel.

À l'inverse, le produit d'une matrice ligne par une matrice colonne se réduit à un scalaire. On voit ici apparaître l'idée de contraction.

Produit tensoriel d'espaces vectoriels de dimensions finies

Il est pratique, avant d'étudier le produit tensoriel de vecteurs et de donner un sens plus précis au terme tenseur, de considérer les espaces vectoriels qui interviennent dans sa définition. On note que le même symbole, à savoir \otimes, est utilisé pour construire à la fois les tenseurs et les espaces auxquels ils appartiennent.

On notera par la suite \mathcal{L}_k( E_1 \times \cdots \times E_k, F) l'ensemble des applications k-linéaires de E_1 \times \cdots \times E_k dans F (c'est-à-dire linéaires par rapport à chacune de leur k variables).

Définitions

Soient E et F deux espaces vectoriels de dimension finie sur un corps commutatif \mathbb{K} (en pratique il s'agit souvent de \mathbb{R} ou de \mathbb{C} mais d'autres corps sont possibles). On note E * le dual de E. Le produit tensoriel de E par F - noté E \otimes_\mathbb{K} F ou E \otimes F s'il n'y a pas d'ambigüités sur le corps - est un cas particulier de produit tensoriel de modules. Une définition plus simple peut être ici de le définir comme l'espace vectoriel des formes bilinéaires sur E^* \times F^*.

E \otimes F = \mathcal{L}_2( E^* \times F^*, \mathbb{K})

On rappelle par ailleurs qu'en dimension finie, on assimile sans problème E à son bidual E * * . On a donc de même :

E^* \otimes F^* = \mathcal{L}_2( E \times F, \mathbb{K})
E \otimes F^* = \mathcal{L}_2( E^* \times F, \mathbb{K})
E^* \otimes F = \mathcal{L}_2( E \times F^*, \mathbb{K})

Dans la théorie des catégories, les \mathbb{K}-espaces vectoriels (de dimension finie mais on peut généraliser en dimension quelconque) forment un exemple standard de catégorie monoïdale pour le produit tensoriel ainsi défini.

Propriétés

Associativité 
Les ensembles (E \otimes F) \otimes G, E \otimes (F \otimes G) et \mathcal{L}_3(E^* \times F^* \times G^*, \mathbb{K}) sont canoniquement isomorphes. Cette caractéristique permet de considérer le produit tensoriel comme associatif et d'assimiler le produit de k espaces vectoriels de dimensions finis à l'ensemble des formes k-linéaires sur les espaces duaux. Le parenthésage est donc inutile :
(E \otimes F) \otimes G = E \otimes (F \otimes G) = \mathcal{L}_3(E^* \times F^* \times G^*, \mathbb{K})
E_1 \otimes \cdots \otimes E_k = \mathcal{L}_k( E_1^* \times \cdots \times E_k^*, \mathbb{K})
Dimension 
La dimension d'un produit tensoriel d'espaces est égale au produit des dimensions de tous les espaces.
 \dim(E_1 \otimes \cdots \otimes E_k) = \dim(E_1) \cdots \dim(E_k)
Le corps des scalaires 
\mathbb{K} étant un espace vectoriel de dimension 1 sur lui-même, il peut être utilisé dans le produit tensoriel. E \otimes \mathbb{K} et \mathbb{K} \otimes E sont canoniquement isomorphes à E. On peut donc considérer \mathbb{K} comme une sorte d'élément neutre.
E \otimes \mathbb{K} = \mathbb{K} \otimes E = E
Puissances tensorielles 
On peut définir la k-ième puissance tensorielle d'un espace E, notée E^{\otimes k} ou \bigotimes_k E, par :
  • pour k \geq 2, E^{\otimes k} = E^{\otimes (k-1)} \otimes E ;
  • pour k = 1, en extrapolant les définitions précédentes, E^{\otimes 1} = \mathcal{L}( E^*, \mathbb{K} ) = E^{**} = E ;
  • pour k = 0, le choix de E^{\otimes 0} = \mathbb{K} permet de généraliser les formules de manière cohérente.
On a par ailleurs les propriétés :
E^{\otimes k} \otimes E^{\otimes l} = E^{\otimes (k + l)}
(E^{\otimes k})^{\otimes l} = E^{\otimes (k l)}
Dualité 
Encore une fois par isomorphisme canonique on a : (E_1 \otimes \cdots \otimes E_k)^* = E_1^* \otimes \cdots \otimes E_k^*
Ensemble des applications linéaires et multilinéaires 
L'ensemble \mathcal{L}(E,F) des applications linéaires de E dans F est canoniquement isomorphes à F \otimes E^*. Plus généralement l'ensemble des applications k-linéaires de E_1 \times \cdots \times E_k dans F est canoniquement isomorphes à F \otimes E_1^* \otimes \cdots \otimes E_k^*. Il est donc possible de confondre ces espaces.
À propos de la commutativité 
Il existe un isomorphisme entre E \otimes F et F \otimes E. En pratique les assimiler (c'est-à-dire rendre \otimes commutatif) n'est cependant pas toujours une bonne chose. C'est en particulier problématique lorsque E = F. En effet, cette assimilation pourrait dans ce cas amener à croire que le produit tensoriel de deux éléments (décrit ci-dessous) est commutatif ; ce qui n'est pas le cas.
Dans la suite de cet article on considérera donc, sauf mention contraire, E \otimes F et F \otimes E comme deux espaces distincts. Les considérations liées à leur isomorphismes sont abordés dans ce paragraphe.

Tenseurs et produit tensoriel sur les éléments

L'intérêt premier du produit tensoriel est de définir une opération sur les vecteurs (ou plus généralement les éléments des modules) ayant des propriétés similaires à celle d'un produit. Cela dit, contrairement aux produits habituels, le produit tensoriel n'est pas une opération interne : il peut s'effectuer sur des vecteurs issus d'espaces vectoriels différents et son résultat (à quelques exceptions prés) n'appartient à aucun des espaces en question. Les éléments intervenant dans de tels produits portent le nom de tenseurs.

Article détaillé : Produit tensoriel.

Définition

Soit \phi \in E^* et \psi \in F^* deux formes linéaires. On notera \phi \otimes \psi l'application définie par :

\forall u \in E, \forall v \in F, (\phi \otimes \psi) (u,v) = \phi(u) \cdot \psi(v)

Il s'agit d'une forme bilinéaire : on a donc \phi \otimes \psi \in E^* \otimes F^*. Le produit se généralise facilement aux formes multilinéaires.

Comme en dimension finie E = E * * , tout vecteur u (respectivement v) peut être assimilé à une forme linéaire sur E * (respectivement F * ). On définit ainsi de manière générale le produit tensoriel de u et v, noté u \otimes v, comme forme bilinéaire sur  E^* \times F^*.

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La forme bilinéraire \phi \otimes \psi est donc un tenseur appartenant à E^* \otimes F^*. La forme bilinéaire u \otimes v est quant à elle un tenseur appartenant à E \otimes F. Les tenseurs peuvent donc être définis (en dimension finie) comme des formes multilinéaires munis d'un produit \otimes.

Remarques

  • Réciproquement, tout tenseur T \in E \otimes F ne s'écrit pas nécessairement comme un produit T = u \otimes v. En revanche, il peut toujours être décomposé en combinaison linéaire d'éléments de la forme u_i \otimes v_ju_i \in E et v_j \in F. C'est-à-dire qu'on peut toujours trouver des familles de vecteurs (ui)i et (vj)j et une famille de scalaires (Tij)ij telles que T = \sum_{i,j} T_{ij} \cdot u_i \otimes v_j .
  • On note bien que tout vecteur est un type de tenseur particulier (il est toujours assimilable à une forme 1-linéaire) et que tout tenseur fait partie d'un espace vectoriel. L'utilisation du terme tenseur sous-entend l'usage du produit tensoriel. En pratique le terme tenseur est surtout utilisé à propos de produits de vecteurs d'un même espace E ou de son dual E * .

Propriétés du produit tensoriel

Associativité 
Grâce à l'isomorphisme canonique on peut considérer que le produit tensoriel est associatif. Autrement dit (u \otimes v) \otimes w = u \otimes (v \otimes w). De plus on peut voir le tenseur u \otimes v \otimes w comme une forme trilinéaire : (u \otimes v \otimes w)(x,y,z) = u(x) \cdot v(y) \cdot w(z). D'une manière générale si on se donne k vecteurs u_i \in E_i, le tenseur u_1 \otimes \cdots \otimes u_k est un élément de E_1 \otimes \cdots \otimes E_k. C'est donc une forme k-linéaire.
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Non commutativité 
Si u \in E et v \in E, les tenseurs u \otimes v et v \otimes u appartiennent alors tous les deux au même espace E \otimes E. Néanmoins on prendra bien soin de noter que dans le cas général u \otimes v \neq v \otimes u.
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Distributivité 
Le produit tensoriel se comporte bien comme un produit vis-à-vis de l'addition des espaces vectoriels :
(u + u') \otimes v = u \otimes v + u' \otimes v
u \otimes (v+v') = u \otimes v + u \otimes v'
Généralisation des produits usuels 
On notera que le produit tensoriel généralise le produit par un scalaire défini sur les \mathbb{K}-espaces vectoriels (E,\mathbb{K},+,\cdot) ainsi que le produit dans le corps (\mathbb{K},+,\times). On a ainsi \lambda \otimes u = \lambda \cdot u et \lambda_1 \otimes \lambda_2 = \lambda_1 \times \lambda_2.
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Bases des espaces produits 
Soit (e_1, e_2, \cdots, e_n) une base de E et (\epsilon_1, \epsilon_2, ... \epsilon_m) une base de F. Alors la famille (e_i \otimes \epsilon_j)_{1 \leq i \leq n, 1 \leq j \leq m} forme une base de E \otimes F. Par conséquent tout élément T \in E \otimes F admet une unique famille de coordonnées sur cette base :
\exists! (T_{ij})_{ij} \in \mathbb{K}^{nm}, T = \sum_{i=1}^n \sum_{j=1}^m T_{ij} \cdot e_i \otimes \epsilon_j
Cette formule est bien cohérente avec le fait que \dim(E \otimes F) = \dim(E) \cdot \dim(F). Les coordonnées (Tij)ij sont explicitement calculables en utilisant les bases duales (e_1^*, e_2^*, \cdots, e_n^*) et (\epsilon_1^*, \epsilon_2^*, ... \epsilon_m^*) par la formule :
\forall i,\forall j,\quad T_{ij} = T( e_i^*, \epsilon_j^*)
Ces formules se généralisent pour k espaces vectoriels.

Opération de contraction

Article détaillé : Contraction tensorielle.

Définition

Soit \mathcal{E} un espace vectoriel de dimension finie sur un corps \mathbb{K} tel que \mathcal{E} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_k. On suppose qu'il existe deux indices i et j tels que E_i = E_j^* (ou de manière complétement équivalente E_j = E_i^*). Soit (e_1, e_2, \cdots, e_n) une base de Ei ; la base duale (e_1^*, e_2^*, \cdots, e_n^*) est donc une base de Ej. Etant donné un tenseur T \in \mathcal{E}, l'application

( u_1, \cdots, u_{i-1}, u_{i+1}, \cdots, u_{j-1}, u_{j+1}, \cdots, u_k ) \mapsto \sum_{r=1}^n T( u_1, \cdots, u_{i-1}, e_r^*, u_{i+1}, \cdots, u_{j-1}, e_r, u_{j+1}, \cdots, u_k )

est une forme (k − 2)-linéaire sur  E_1^* \times \cdots \times E_{i-1}^* \times E_{i+1}^* \times \cdots \times E_{j-1}^* \times E_{j+1}^* \times \cdots \times E_k^*, autrement dit un tenseur de  E_1 \otimes \cdots \otimes E_{i-1} \otimes E_{i+1} \otimes \cdots \otimes E_{j-1} \otimes E_{j+1} \otimes \cdots \otimes E_k. Par ailleurs cette forme est indépendante du choix de la base de Ei. L'opération s'appelle contraction de T sur les indices i et j. Elle est parfois notée trij

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Il est important de garder à l'esprit que l'opération de contraction n'est possible que pour deux indices correspondant à des espaces duaux entre eux et n'a aucun sens dans d'autres cas. Il s'agit en outre d'une opération linéaire de \mathcal{E} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_k dans \mathcal{F} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_{i-1} \otimes E_{i+1} \otimes \cdots \otimes E_{j-1} \otimes E_{j+1} \otimes \cdots \otimes E_k.

Produit contracté

En pratique la contraction est souvent utilisée au sein d'un opération appelée produit contracté et notée \odot, \bar\otimes ou même simplement \cdot. Le produit contracté de deux tenseurs est le résultat de leur produit tensoriel suivi d'une contraction d'un indice du premier par un indice du second. On notera que les notations sont lacunaires : elles ne précisent pas quels sont les indices de contraction. Par défaut, il s'agit en général du dernier indice du premier tenseur et du premier indice du second. Comme pour la contraction, le produit contracté ne fait sens que si les indices contractés correspondent à des espaces duaux.

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Propriétés du produit contacté

Associativité 
Le produit contracté est associatif si le tenseur du centre a au moins deux indices. Ainsi pour R \in E \otimes \cdots \otimes F^*, S \in F \otimes \cdots \otimes G^* et T \in G \otimes \cdots \otimes H^*, on a bien (R \odot S) \odot T = R \odot (S \odot T). Si le tenseur du centre n'a qu'un indice, il est possible que l'un des deux parenthésages ne fassent pas sens, et même dans le cas contraire, l'égalité ne sera pas réalisée dans le cas général.
Distributivité 
Le produit contracté se comporte bien comme un produit vis-à-vis de l'addition des espaces vectoriels :
(S + S') \odot T = S \odot T + S' \odot T
S \odot (T+T') = S \odot T + S \odot T'
Image par le tenseur ou produit contracté 
Étant donné un tenseur  T \in E_1^* \otimes \cdots \otimes E_k^* et k vecteurs tels que v_i \in E_i on peut effectuer deux opérations :
  • calculer l'image des k vecteurs par T (qui, rappelons-le, peut toujours être vue comme une forme multilinéaire) : T(v_1, \cdots, v_k) ;
  • calculer les produits contractés successifs de T par chaque vecteur ((\cdots(T \odot v_k) \cdots ) \odot v_2 ) \odot v_1 .
Il s'agit en fait d'une seule et même opération : T(v_1, \cdots, v_k) = ((\cdots(T \odot v_k) \cdots ) \odot v_2 ) \odot v_1
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D'une manière plus générale, si u \in E_i le tenseur (v_1,\cdots,v_{i-1},v_{i+1},\cdots,v_k) \mapsto T(v_1, \cdots, v_{i-1}, u, v_{i+1}, \cdots,v_k) construit en évaluant la i-ème position de T est égal au produit contracté de T en son i-ème indice par u en son unique indice. Dès lors il devient possible d'occulter complètement l'aspect fonctionnel de T pour ne considérer que ses propriétés algébriques.
Crochet de dualité 
Le crochet de dualité est donc un cas particulier du produit contracté : \langle \phi, u \rangle = \phi \odot u.
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Image par une application linéaire 
L'application linéaire f : E \rightarrow F pouvant être vue comme un tenseur T \in F \otimes E^*, on peut calculer l'image d'un vecteur u \in E comme étant le produit contracté T \odot u = f(u).
Composée d'applications linéaires 
Si f : E \rightarrow F et g : F \rightarrow G sont représentées par les tenseurs T \in F \otimes E^* et S \in G \otimes F^*, alors l'application composée g \circ f : E \rightarrow G peut être représentée par le tenseur S \odot T.

Produit contracté plusieurs fois

La contraction peut être exercée plusieurs fois à la suite d'un produit tensoriel. Par exemple le produit doublement contracté (noté :, \bar{\bar{\otimes}} ou par deux points dans un cercle) correspond à deux contractions successives après un produit tensoriel. Là encore les indices de contractions n'étant en général pas précisés, le produit doublement contracté S \bar{\bar{\otimes}} T correspond souvent à la contraction du dernier indice de S par le premier de T et de l'avant dernier de S par le deuxième de T.

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On peut définir de même un produit n fois contracté si les tenseurs le permettent.

Permutation d'indices

Les espaces E \otimes F et F \otimes E peuvent être mis en relation via un isomorphisme qui consiste simplement à inverser l'ordre des indices. Ainsi à tout T \in E \otimes F on peut associer un unique élément de F \otimes E, que l'on notera τ(12)T, tel que :

\forall u \in E^*, \forall v \in F^*, \quad \left[ \tau_{(12)} T \right] (v,u) = T(u,v)

Ce principe se généralise pour k espaces. Soit \mathcal{E} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_k un espace vectoriel de dimension finie sur un corps \mathbb{K} et \sigma \in \mathfrak{S}_k une permutation. On peut définir un isomorphisme τσ qui a tout élément T de \mathcal{E} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_k associe un tenseur τσT de \mathcal{F} = E_{\sigma(1)} \otimes \cdots \otimes E_{\sigma(k)}, défini par :

\forall v_i \in E_i^*, \quad \left[ \tau_\sigma T \right] (v_{\sigma(1)},\cdots,v_{\sigma(k)}) = T(v_1,\cdots,v_k)

On voit bien qu'une permutation induit naturellement un isomorphisme entre les espaces \mathcal{E} et \mathcal{F}.

Pour des raisons de commodité, on peut utiliser la notation canonique des permutations consistant à n'indiquer que la liste différentes permutations circulaires. Ainsi l'application τ(125) transforme l'indice 1 en l'indice 2, l'indice 2 en l'indice 5, l'indice 5 en l'indice 1 et laisse invariant les autres indices.

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En théorie des catégories, ce type d'applications, qui fournit une notion proche de la commutativité, est étudié dans le cadre des catégories monoïdales tressées.

Non unicité de l'isomorphisme

Pour des espaces \mathcal{E} et \mathcal{F} donnés à priori, l'existence d'une telle application τ n'implique cependant pas nécessairement son unicité. Supposons en effet qu'un espace Ei est présent plusieurs fois dans le produit \mathcal{E} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_k. Si l'espace \mathcal{F} est un produit des mêmes Ei (mais dans un ordre éventuellement différent), il existe plus d'une permutation σ telle que τσ soit un isomorphisme de \mathcal{E} dans \mathcal{F}. Ainsi pour \mathcal{E} = E \otimes F \otimes E \otimes E et \mathcal{F} = E \otimes E \otimes F \otimes E, on peut utiliser comme isomorphisme les applications τ(23), τ(1234), τ(14)(23), τ(234), τ(123) et τ(1423).

E \otimes E peut être mis en relation avec lui-même via deux permutations : l'identité τid et l'application τ(12). En généralisant à un ordre quelconque, l'espace \mathcal{E} = E^{\otimes k} peut être muni d'un groupe d'automorphismes constitué de telles applications. Ce groupe est en outre isomorphe à \mathfrak{S}_k.

C'est cette absence d'unicité dans le cas général qui oblige à tenir compte de l'ordre des indices. De fait, on s'abstient en règle générale de considérer le produit tensoriel d'espaces comme commutatif.

Propriétés

Transposition 
Dans le cas de produit de deux espaces, l'application τ(12) peut être appelée transposition. Cette notion est cohérente avec celle de transposition d'application linéaire. On sait en effet qu'une application linéaire f de E dans F peut être représentée par un tenseur T \in F \otimes E^*. Le tenseur transposé tT = τ(12)T, élément de E^* \otimes F = E^* \otimes (F^*)^* représente alors l'application transposée tf, application de F * dans E * .
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Composition et inverse 
Pour deux permutations σ et σ' de \mathfrak{S}_k, on a :
\tau_\sigma \circ \tau_{\sigma'} = \tau_{\sigma \circ \sigma'}
\left(\tau_\sigma \right)^{-1} = \tau_{(\sigma^{-1})}

Algèbre des tenseurs

Définition

Etant donné un espace vectoriel de dimension finie E on appelle tenseur sur E k fois contravariant et l fois covariant (ou tenseur (k,l)) tout élément de E^{\otimes k} \otimes (E^*)^{\otimes l}. k et l sont les variances de ce type de tenseur, k + l est leur ordre (ou rang). Les tenseurs de type (k,l) forment un espace vectoriel. On fixe les notations :

\mathcal{T}^k_l E = E^{\otimes k} \otimes (E^*)^{\otimes l}
\mathcal{T}^k E = \mathcal{T}^k_0 E = E^{\otimes k}
\mathcal{T}_l E = \mathcal{T}^0_l E = \mathcal{T}^l E^* = (E^*)^{\otimes l}

L'algèbre des tenseurs de E notée \mathcal{T} E est définie suivant les auteurs, soit comme la somme directe des espaces des tenseurs contravariants, soit comme la somme directe des espaces des tenseurs à la fois contravariants et covariants. Afin de distinguer ces deux cas, on adopte les notations suivantes (non conventionnelles) :

\mathcal{T}^\star E = \bigoplus_{k \geq 0} \mathcal{T}^k E
\mathcal{T}^\star_\star E = \bigoplus_{k \geq 0,l \geq 0} \mathcal{T}^k_l E

Les algébres (\mathcal{T}^\star E, \mathbb{K}, +,\cdot, \otimes) et (\mathcal{T}^\star_\star E, \mathbb{K}, +,\cdot, \otimes) sont des algèbres sur le corps \mathbb{K}. Ce sont même des algébres graduées sur respectivement \mathbb{N} et \mathbb{N}^2 ; toutes deux de dimension infinie.

L'algèbre extérieure sur E notée ΛE possède des liens privilégiés avec l'algèbre \mathcal{T}^\star E du fait d'une possible injection des espaces ΛkE dans \mathcal{T}^k E.

Article détaillé : Algèbre extérieure.

Elements

  • L'algèbre tensorielle est surtout définie afin de donner une structure générale à l'ensemble des tenseurs. Ceci nécessite de prolonger l'addition qui n'est a priori pas définie entre les éléments de \mathcal{T}^{k_1}_{l_1}E et de \mathcal{T}^{k_2}_{l_2}E si (k_1,l_1) \neq (k_2,l_2). Il faut pour cela introduire des éléments supplémentaires. Ainsi en considérant par exemple le cas de \mathcal{T}^\star E, un élément est formellement une suite (T_0,T_1,T_2,\cdots) telle que T_k \in \mathcal{T}^k E et, par définition des sommes directes, dont seul un nombre fini d'éléments est non nul. Néanmoins en physique et dans beaucoup d'applications seuls les éléments appartenant à des sous-espaces de type \mathcal{T}^k_l E ou \mathcal{T}^k E sont pris en considération (ce sont les seuls pour lesquels les notions d'ordre et de variance ont un sens). Ils sont parfois appelés éléments homogènes de l'algèbre graduée.
  • Les éléments de \mathcal{T}^k E (avec k > 0) sont généralement appelés tenseurs contravariants, ceux de \mathcal{T}_l E (avec l > 0) tenseurs covariants et ceux de \mathcal{T}^k_l E (avec (k,l) > 0) tenseurs mixtes.
  • En toute rigueur, l'algèbre \mathcal{T}^\star_\star E n'offre a priori pas de liberté quant à l'ordre des indices covariants et contravariants. Elle ne contient par exemple pas l'espace E \otimes E^* \otimes E \otimes E^* \otimes E^*. Néanmoins on convient généralement qu'un tel espace est, si nécessaire, assimilé à E \otimes E \otimes E^* \otimes E^* \otimes E^* par permutation des indices (les indices contravariants sont décalés vers l'avant au besoin) :
(S \otimes T)(\phi,\psi,u,v,w) = S(\phi,u) \cdot T(\psi,v,w)
Cette permutation permet d'affirmer que le produit tensoriel est bien une opération interne à \mathcal{T}^\star_\star E.

Propriétés

Ordre 
Si S et T sont des tenseurs respectivement (k1,l1) et (k2,l2) sur E, alors S \otimes T est (sous réserve de permutation des indices) un tenseur (k1 + k2,l1 + l2).
S \otimes T \in \mathcal{T}^{k_1+k_2}_{l_1+l_2} E
Un produit contracté S \odot T (sur des indices à préciser) est un tenseur (k1 + k2 − 1,l1 + l2 − 1). D'une manière générale toute opération de contraction diminue la covariance et la contravariance de 1. Elle réduit donc l'ordre de 2.
S \odot T \in \mathcal{T}^{k_1+k_2-1}_{l_1+l_2-1} E
Trace des endomorphismes 
Un endomorphisme de E peut être vue comme un élément T \in \mathcal{T}^1_1 E, autrement dit un tenseur (1,1). La trace de cet endomorphisme vaut tr(T) = tr12(T) ; c'est-à-dire le résultat de la contraction de T par rapport à ses deux indices.
Symétrie et antisymétrie 
Soit un tenseur T de \mathcal{T}^k_l E et deux indices i et j correspondant au même espace vectoriel (c'est-à-dire soit E soit E * pour les deux indices).
On dit que T est symétrique par rapport aux indices i et j si τ(ij)T = T .
On dit que T est antisymétrique par rapport aux indices i et j si τ(ij)T = − T .
On dit que T est totalement symétrique s'il est symétrique pour tout couple d'indice. Il faut donc pour cela qu'il appartienne à \mathcal{T}^k E ou \mathcal{T}_l E.
On dit que T est totalement antisymétrique s'il est antisymétrique pour tout couple d'indice. Là encore, l'espace doit être \mathcal{T}^k E ou \mathcal{T}_l E.
Produit scalaire 
Un produit scalaire réel (\cdot|\cdot) sur un espace E de dimension finie sur \mathbb{R} est un cas particulier de tenseur (0,2) symétrique qu'on peut noter g. Il est par ailleurs défini et positif. On a donc :
(u|v) = g(u,v) = u \odot g \odot v

Cas des espaces (pseudo)-euclidiens

Dans un espace euclidien (ou pseudo-euclidien) E, l'existence d'un produit scalaire réel g (respectivement d'un pseudo-produit scalaire ; c'est-à-dire d'une forme bilinéaire symétrique non dégénérée) fournit des propriétés particulières aux tenseurs. Celui-ci permet en effet d'établir un isomorphisme canonique m_g : u \in E \mapsto (g \odot u) \in E^* associant une unique forme linéaire à tout vecteur :

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Le (pseudo-)produit scalaire sur E définit en outre naturellement un (pseudo-)produit scalaire sur E * . Il s'agit de l'unique élément de E \otimes E, qu'on peut noter g * , vérifiant pour tout u \in E, g^* \odot g \odot u = u \odot g \odot g^* = u et pour tout \phi \in E^*, g \odot g^* \odot \phi = \phi \odot g^* \odot g = \phi. L'isomorphisme mg a pour réciproque m_g^{-1} : \phi \in E^* \mapsto (g^* \odot \phi) \in E.

Assimilation avec le dual

Via l'isomorphisme mg on peut alors assimiler tout élément de E * à un élément de E : m_g(u) \approx u. D'une manière générale, cela permet de ne plus distinguer les indices contravariants et covariants. Dans ces conditions, un tenseur de type (k,l) peut être aussi bien vu comme un tenseur (k + l,0) que (0,k + l). L'ordre k + l devient alors une caractéristique suffisante pour catégoriser tout tenseur construit sur E.

Propriétés

Correspondance entre produits scalaire et contracté 
Il devient possible de contracter deux vecteurs de E. Cette contraction s'identifie au produit scalaire : u \odot v = (u|v)
Bacterial-tensor-inner-product.png
Contractions sur des indices quelconques 
On peut maintenant contracter deux indices correspondant au même espace (pseudo-)euclidien E par utilisation implicite du produit scalaire :
Bacterial-tensor-euclidian-twice-contracted-product.png
A propos des espaces hermitiens 
Un produit scalaire hermitien n'est pas un tenseur : il n'est en effet que semi-linéaire par rapport à sa première variable. De fait, les propriétés énoncées ci-dessus ne s'appliquent pas dans le cadre des espaces hermitiens.

Calcul pratique

Article détaillé : Convention de sommation d'Einstein.

La manipulation effective des tenseurs nécessite généralement de les représenter dans des bases particulières (mais néanmoins arbitraires).

Soit (e_1, e_2, \cdots, e_n) une base de E. On notera (e1,e2,...en) sa base duale. Alors tout tenseur T de \mathcal{T}^k_l E peut s'écrire comme une combinaison linéaire de type : T = \sum_{i_1,\cdots,i_k} \sum_{j_1,\cdots,j_l} T^{i_1\cdots i_k}{}_{j_1\cdots j_l} \cdot e_{i_1} \otimes \cdots \otimes e_{i_k} \otimes e^{j_1} \otimes \cdots \otimes e^{j_l} Si la base est précisée par avance la donne des scalaires T^{i_1 \cdots i_k}{}_{j_1 \cdots j_l} caractérise entièrement le tenseur. Ils représentent les coordonnées du tenseur T dans la base considérée. L'ensemble des conventions d'utilisation des coordonnées des tenseurs est appelé convention d'Einstein.

Il est possible de mélanger indices covariants et contravariants. Les indices contravariants sont notés en indices supérieurs, les indices covariants en indices inférieurs. Ainsi \Delta \in E^* \otimes E^* \otimes E \otimes E^* \otimes E^* \otimes E se décompose dans une base donnée avec les composants Δijklmn.

Liens entre les notations

On se donne les tenseurs suivant :

  • Scalaires : \lambda \in \mathbb{K}, \mu \in \mathbb{K}, \nu \in \mathbb{K}
  • Vecteurs : u \in E, v \in E, w \in E
  • Covecteurs (formes linéaires) : \phi \in E^*, \psi \in E^*, \chi \in E^*
  • Tenseurs d'ordre 2 :
  • T \in E^* \otimes E
  • S \in E^* \otimes E^*
  • R \in E \otimes E^*
  • Q \in E^* \otimes E^*
  • P \in E \otimes E
  • O \in E \otimes E^*
  • Tenseurs d'ordre 3 et plus :
  • \Omega \in E^* \otimes E^* \otimes E
  • \Phi \in E \otimes E \otimes E^*
  • \Delta \in E^* \otimes E^* \otimes E \otimes E^* \otimes E^* \otimes E
  • \Gamma \in E \otimes E^* \otimes E^* \otimes E \otimes E^* \otimes E^*

On choisit par ailleurs une base (e_1, e_2, \cdots ) dans E. Ce choix induit naturellement celui de la base duale (e^1, e^2, \cdots ) dans E * . Les tenseurs précédemment définis admettent alors une seule décomposition dans ces bases.

Notation des opérations dans les espaces de dimension finie
Propriétés Notation standard Convention d'Einstein
Produit tensoriel T = \phi \otimes u T_i{}^j = \phi_i \; u^j
\Delta = S \otimes v \otimes \Omega \Delta_{ij}{}^k{}_{lm}{}^n = S_{ij} \; v^k \; \Omega_{lm}{}^n
R + v \otimes \chi = O R^i{}_j + v^i \; \chi_j = O^i{}_j
Produit contracté \lambda = \phi \odot u = \phi \; \bar\otimes \; u \lambda = \phi_m \; u^m
v \odot \Omega \odot \phi = \lambda \cdot S \odot P \odot \chi + \psi v^m \; \Omega_{mi}{}^n \; \phi_n = \lambda \; S_{ip} \; P^{pq} \; \chi_q + \psi_i
Contraction μ = tr12(T) μ = Tmm
tr13(Φ) = w Φmim = wi
Permutation d'indices T = τ(12)(R) = tR T_i{\;}^j = R^j{}_i
Γ = τ(123)(46)(Δ) Γijklmn = Δjkinml
Mélange \mathrm{tr}_{26}(\Delta) \; \bar{\bar{\otimes}} \; \Phi + \tau_{(23)}(\Omega) = \chi \otimes P \odot Q \Delta_{im}{}^j{}_{np}{}^m \; \Phi^{pn}{}_k + \Omega_{ik}{}^j = \chi_i \; P^{jq} \; Q_{qk}

Liens entre les notations dans le cas (pseudo-)euclidien

On considère par ailleurs l'existence du (pseudo-)produit scalaire g \in E^* \otimes E^*.

Notation des opérations dans les espaces euclidiens
Propriétés Notation standard Convention d'Einstein
Produit contracté \nu = u \odot v \nu = u^m \; g_{mn} \; v^n
u = P \odot w u^i = P^{im} \; g_{mn} \; w^n
Contraction ϕ = tr12(Φ) \phi_i = g_{mn} \; \Phi^{nm}{}_i

A propos des changements de base

On notera que seule la convention d'Einstein admet des formules de changement de base. En effet, puisqu'elle prend le parti de représenter un tenseur par un jeu de coordonnées dans une base (voire plusieurs bases) prédéfinie, il existe des formules pour déterminer les coordonnées d'un même tenseur dans une nouvelle base ( comme \hat{\Omega}_{lm}{}^n = \alpha_l{}^i \; \alpha_m{}^j \; \beta^n{}_k \; \Omega_{ij}{}^k). La notation standard étant par définition indépendante d'un choix de base, elle n'admet pas d'équivalents pour ces formules.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • A. I. Kostrikin, Yu I. Manin Linear Algebra and Geometry, CRC Press, 1989 (ISBN 2881246834)

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Tenseur (mathématiques) de Wikipédia en français (auteurs)

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