- Endomorphisme Nilpotent
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Endomorphisme nilpotent
Un endomorphisme nilpotent est un morphisme d'un objet mathématique sur lui-même, qui, composé par lui-même un nombre suffisant de fois, donne l'application nulle. Un exemple est donné dans l'illustration.
Le concept de nilpotence est important en mathématique. Il correspond à un cas particulier de diviseur de 0. On le trouve non seulement en algèbre linéaire mais aussi dans l'étude des groupe de Lie avec l'analyse des algèbres de Lie nilpotentes, mais aussi, par exemple, dans la théorie des anneaux.
En algèbre linéaire, les endomorphismes nilpotents sont importants car ils interviennent dans la réduction des endomorphismes, c’est-à-dire la représentation d'un endomorphisme quelconque sous une forme la plus simple possible. On en trouve des utilisations pratiques par exemple pour la résolution d'équations différentielles linéaires.
Un moyen de reconnaître le caractère nilpotent d'un endomorphisme est de multiplier la matrice qui le représente (dans une base de l'espace vectoriel concerné) par elle-même successivement, jusqu'à ce qu'une de ses puissances soit nulle.
Il existe un pendant à la notion d'endomorphisme nilpotent, il correspond aux matrices nilpotentes. Ces matrices offrent une approche plus concrète du concept et permettent une utilisation pratique sous la forme de calcul.
Sommaire
Définition
Soit un espace vectoriel sur un corps et un endomorphisme de , est dit nilpotent si et seulement s'il existe un entier n tel que . Le plus petit entier n vérifiant cette propriété est appelé indice de l'endomorphisme.
Soit x un vecteur, alors on appelle indice de x pour l'application nilpotente le plus petit entier p tel que up(x) = 0.
Intérêt du concept
Nilpotence et réduction
Un enjeu important en mathématique est celui de la réduction, c’est-à-dire de la décomposition d'un concept en sous-concepts plus simples et qui décrivent l'intégralité du concept initial. Dans le cadre des applications linéaires la réduction est traitée dans l'article Réduction d'endomorphisme. En dimension finie, les endomorphismes nilpotents jouent un rôle important dans le cas ou est un corps algébriquement clos. Un corps est dit algébriquement clos si et seulement si tous les polynômes sont scindés, autrement dit si tous les polynômes s'écrivent comme produit de polynômes du premier degré. C'est par exemple le cas pour les nombres complexes. Sous cette hypothèse, la théorie de la réduction d'endomorphisme montre que le cas général se résume à la somme d'un endomorphisme diagonalisable et d'un nilpotent. Ce résultat est connu sous le nom de Décomposition de Dunford.
Si la clôture algébrique du corps n'est plus vraie, alors il est toujours possible d'étendre l'espace vectoriel sur un corps algébriquement clos. Cette technique est largement utilisée. Pour les réels, la physique n'utilise pratiquement que cette approche.
Applications
Puisqu'il est possible d'étendre à la clôture algébrique, la réduction des endomorphismes dans ce contexte joue un rôle essentiel en mathématique. Les endomorphismes nilpotents sont donc nécessaires à divers branches des mathématiques. En algèbre linéaire, ils interviennent naturellement dans la réduction de Jordan qui correspond à un cas important de réduction des endomorphismes. Les techniques utilisées sont celles des polynômes d'endomorphismes. Les conséquences se retrouvent sur la résolution de systèmes d'équations linéaires, dans la résolution d'équations différentielles linéaires où ils apparaissent comme des cas limites. En mathématiques appliquées, ils sont importants pour la recherche d'algorithmes, on utilise alors essentiellement les matrices nilpotentes où des représentations simples sont alors nécessaires.
Propriétés
L'exemple illustre l'essentiel des propriétés des endomorphismes nilpotents. On y trouve des propriétés sur l'indice des endomorphismes et des vecteurs, des conditions nécessaires et suffisantes grâce aux polynômes. Des réductions avec une décomposition en espaces propres et l'existence d'une base réduite. Il existe aussi des propriétés calculatoires des matrices nilpotentes traitées dans l'article Matrice nilpotente.
Nilpotence et indice
L'indice d'un endomorphisme nilpotent possède deux grandes propriétés :
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- L'indice d'un endomorphisme nilpotent est inférieur ou égal à la dimension de l'espace (pour la démonstration penser à utiliser la suite (kerfn)).
- Il existe un vecteur dont l'indice est celui de l'endomorphisme.
Nilpotence et polynômes en dimension finie
Les polynômes fournissent non seulement des conditions nécessaires et suffisantes pour la nilpotence, mais renseignent de plus sur l'indice.
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- Un endomorphisme est nilpotent si et seulement si son polynôme caractéristique est égal à ( − X)n ou n est la dimension de l'espace.
- Un endomorphisme est nilpotent si et seulement si son polynôme minimal est égal à Xp ou p est l'indice de l'endomorphisme.
- Le polynôme minimal d'un vecteur x est égal à ou px est l'indice du vecteur x.
Nilpotence et réduction en dimension finie
Le principe de réduction consiste à trouver une décomposition en somme directe de sous-espaces stables de l'espace vectoriel. Il en existe une pour les endomorphismes nilpotents. Et elle est compatible avec la réduction de Jordan. Cette approche est générale à l'analyse des endomorphismes. Dans le cas des endomorphismes nilpotents, elle est intimement liée à la notion de base réduite.
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- Si est un vecteur d'indice p alors la famille est une famille libre.
- Il existe une suite de sous-espaces vectoriels stables par u, non réduits au vecteur nul, qui engendrent par somme directe l'espace tout entier, et tel que, pour tout i, il existe un vecteur non nul d'indice pour lequel la famille forme une base de . La réunion de ces familles forme une base de l'espace entier. On appelle ces sous-espaces des espaces de Jordan.
- La restriction de u à est de noyau non réduit au vecteur nul et possède une unique valeur propre 0. Cette propriété reste vraie pour l'endomorphisme lui-même.
- La décomposition est maximale, c’est-à-dire qu'il n'existe pas de décomposition en sous-espaces vectoriels stables qui génèrent en somme directe l'espace entier et qui comprennent plus d'éléments que la décomposition précédente si aucun sous-espace vectoriel est réduit au vecteur nul.
Démonstration-
- Un endomorphisme u est nilpotent si et seulement si son polynôme minimal est égal à Xp ou p est l'indice de l'endomorphisme.
Par définition de la nilpotence, Xp est un polynôme annulateur de l'endomorphisme u, et ce n'est le cas d'aucun de ses diviseurs stricts. Comme est un anneau euclidien, et donc qu'il vérifie l'identité de Bezout, le polynôme unitaire Xp divise tous les polynômes annulateurs de u : on dit que Xp est le polynôme minimal de u. De la même façon où px est l'indice du vecteur x, est le plus petit polynôme unitaire au sens de la divisibilité qui, appliqué à u, annule x, c'est-à-dire le polynôme minimal de x. Cela a pour conséquence immédiate qu'aucun polynôme de u non nul de degré strictement inférieur à px n'annule x, ce qui se traduit sur l'espace vectoriel par :
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- Si x est un vecteur d'indice px alors la famille est une famille libre.
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- Il existe toujours un vecteur dont l'indice est celui de l'endomorphisme.
En effet le polynôme minimal d'un vecteur divise le polynôme minimal de l'endomorphisme, donc est un Xk, pour k ≤ p, et si aucun n'était de degré p, Xp − 1 annulerait u.
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- L'indice d'un endomorphisme nilpotent est toujours inférieur ou égal à la dimension de l'espace.
Cette proposition est une conséquence directe des deux résultats précédents.
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- Il existe une suite (Ei) de sous-espaces vectoriels stables par u, non réduit au vecteur nul, qui engendre par somme directe l'espace tout entier, et tel que, pour tout i, il existe un vecteur xi non nuls d'indice pi pour lequel la famille forme une base de Ei.
À noter que pi > 0, et que les indices pi=1 sont ceux de vecteurs du noyau de u. Démontrons ce résultat par récurrence sur p l'indice de l'endomorphisme.
Si p est égal à 1. L'endomorphisme est nul et le résultat est trivial.
Supposons le résultat vrai pour k et démontrons le pour k+1. Soit u un endomorphisme d'indice k+1. Considérons alors la restriction de u à u(E). C'est un endomorphisme nilpotent d'indice k. Par hypothèse de récurrence, il existe une suite (Fi) de sous-espaces vectoriels stables par u, non réduit au vecteur nul, qui engendre par somme directe l'espace u(E), et tel que, pour tout i, il existe un vecteur u(xi) non nuls d'indice ki pour lequel la famille est une base de Ei.
Montrons alors que la suite forme une famille libre de E que nous noterons . Pour cela, considérons une combinaison linéaire nulle de cette famille :
Si nous appliquons l'endomorphisme u à cette égalité, en retranchant tous les termes nuls de la forme on obtient:
Cette combinaison linéaire est la combinaison linéaire d'une base de u(E), on en déduit la nullité de tous les coefficients αij pour j différent de ki. En supprimant tous ces termes dans l'égalité (1), on obtient :
C'est une combinaison linéaire nulle d'éléments d'une base de u(E) (ki ≥ 1), les coefficients sont donc aussi nuls. Toute combinaison linéaire vérifiant (1) ne possède donc que des coefficients nuls, ce qui montre que la famille est libre.
E est la somme de l'espace engendré par et du noyau de u. En effet, par construction de la famille , son image engendre u(E), et donc tout vecteur de E a même image qu'une combinaison linéaire de cette famille, et la différence entre les deux vecteurs est donc dans le noyau de u. Quand la famille n'est pas génératrice de E, on peut donc la compléter par des vecteurs du noyau, chacun d'indice 1, ce qui termine la preuve.
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- La restriction de u à Ei est de noyau non réduit au vecteur nul et possède une unique valeur propre 0. Cette propriété reste vraie pour l'endomorphisme lui-même.
La restriction de u à Ei est un endomorphisme nilpotent, son polynôme minimal est une puissance de X, la seule valeur propre est 0 et comme 0 est valeur propre, le noyau est non nul. Ce raisonnement s'applique aussi à u sur l'espace vectoriel entier, ce qui démontre la fin de la proposition.
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- Un endomorphisme est nilpotent si et seulement si son polynôme caractéristique est égal à ( − X)n ou n est la dimension de l'espace.
La seule valeur propre est 0, donc sur sa clôture algébrique, le polynôme caractéristique est scindé et possède pour racine uniquement 0. Ce polynôme est donc une puissance de X, et de degré n. Son signe provient du signe du monôme de plus haut degré de tous les polynômes caractéristiques.
Applications en mathématiques
Matrice nilpotente
Les résultats théoriques obtenus à l'aide de l'analyse des endomorphismes nilpotents ont des conséquences importantes sur les matrices nilpotentes. Ces résultats sont traités dans l'article Matrice nilpotente.
Réduction des endomorphismes
Dans le cas où le corps est algébriquement clos et en dimension finie, les endomorphismes nilpotents jouent un rôle particulier dans la problématique de la réduction des endomorphismes. Le cas général, celui où toutes les racines du polynôme minimal sont simples, correspond aux endomorphismes diagonalisables. Ce cas génère un ensemble d'endomorphismes partout dense. En revanche, en cas de racine multiple, alors il existe une composante nilpotente.
Cette décomposition joue un rôle important dans les calculs que l'on observe dans l'univers des matrices. Elle permet par exemple de prouver que toute matrice est trigonalisable et offre une forme particulièrement simple en bloc de Jordan.
De nombreux algorithmes relèvent directement de cette décomposition. Elle permet d'accélérer massivement la résolution d'un système d'équations linéaires.
Équation différentielle linéaire
La réduction de Jordan joue un rôle particulier pour les équations différentielles linéaires. Par exemple, dans le cas où les coefficients sont constants, alors le calcul de l'exponentielle d'une matrice dans le cas général est largement plus simple dans le cas d'une représentation matricielle réduite par la méthode de Jordan. Il est alors important de pouvoir calculer l'exponentielle d'une matrice nilpotente. Ce cas est exposé dans l'article Matrice nilpotente.
Groupes de Lie
Dans l'étude des groupes de Lie, on s'intéresse parfois à ce que l'on appelle groupes de Lie nilpotents. Comme pour tout groupe de Lie, leur structure est décrite par leur fibré tangent, qui est muni d'une structure d'algèbre de Lie. Les représentations de ces algèbres dans les endomorphismes s'obtiennent à partir d'endomorphismes nilpotents.
Sources
Liens internes
principaux articles utilisés pour les démonstrations
Principaux articles utilisant la notion d'endomorphisme nilpotent
Liens externes
Références
- Serge Lang Algèbre Dunod
- Portail des mathématiques
Catégorie : Application linéaire -
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