Algebre lineaire

Algebre lineaire

Algèbre linéaire

L’algèbre linéaire est la branche des mathématiques qui s'intéresse à l'étude des espaces vectoriels (ou espaces linéaires), de leurs éléments les vecteurs, des transformations linéaires et des systèmes d'équations linéaires (théorie des matrices).

Sommaire

Histoire

L'histoire de l'algèbre linéaire commence avec René Descartes qui le premier pose des problèmes de géométrie, comme l'intersection de deux droites, sous forme d'équation linéaire. Il établit alors un pont entre deux branches mathématiques jusqu'à présent séparées : l'algèbre et la géométrie. S'il ne définit pas la notion de base de l'algèbre linéaire qui est l'espace vectoriel, il l'utilise déjà avec succès. Après cette découverte, les progrès en algèbre linéaire vont se limiter à des études ponctuelles comme la définition et l'analyse des premières propriétés des déterminants par Jean d'Alembert.

Ce n'est qu'au XIXe siècle que l'algèbre linéaire devient une branche des mathématiques à part entière. Carl Friedrich Gauss trouve une méthode générique pour la résolution des systèmes d'équations linéaires, Marie Ennemond Camille Jordan résout définitivement le problème de la réduction d'endomorphisme. En 1843, William Rowan Hamilton (inventeur du terme vector) découvre les quaternions. En 1844, Hermann Grassmann publie un livre Die lineare Ausdehnungslehre.

Le début du XXe siècle voit la naissance de la formalisation moderne des mathématiques. Les espaces vectoriels deviennent alors une structure générale omni-présente dans presque tous les domaines mathématiques.

Intérêt

Sous leur forme la plus simple, les espaces vectoriels représentent intuitivement les déplacements dans les espaces géométriques élémentaires comme la droite, le plan ou notre espace physique. Les bases de cette théorie remplacent maintenant la représentation construite par Euclide au IIIe siècle av. J.-C.. La construction moderne permet de généraliser la notion d'espace à des dimensions quelconques.

L'algèbre linéaire permet de résoudre tout un ensemble d'équations dites linéaires utilisées non seulement en mathématiques ou en mécanique, mais dans de nombreuses autres branches comme les sciences naturelles ou les sciences sociales.

Les espaces vectoriels forment aussi un outil fondamental pour les sciences de l'ingénieur et servent de base à de nombreux domaines dans la recherche opérationnelle.

Enfin, c'est un outil utilisé en mathématiques pour résoudre des problèmes aussi divers que la théorie des groupes, des anneaux ou des corps, l'analyse fonctionnelle, la géométrie différentielle ou la théorie des nombres.

Présentation élémentaire

L'algèbre linéaire commence par l'étude de vecteurs dans les espaces cartésiens de dimension 2 et 3. Un vecteur, ici, est un segment de droite caractérisé à la fois par sa longueur (ou norme), sa direction et son sens. Les vecteurs peuvent alors être utilisés pour représenter certaines entités physiques comme des déplacements, additionnés entre eux ou encore multipliés par des scalaires (nombres), formant ainsi le premier exemple concret d'espace vectoriel.

L'algèbre linéaire moderne a été étendue pour considérer les espaces de dimension arbitraire ou infinie. Un espace vectoriel de dimension n est appelé un n-espace. La plupart des résultats obtenus dans les 2-espaces et 3-espaces peuvent être étendus aux espaces de dimensions supérieures. Bien que beaucoup de personnes ne peuvent appréhender correctement un vecteur dans un n-espace, ils sont utiles pour représenter des données. Les vecteurs étant des listes ordonnées à n composantes, on peut manipuler ces données efficacement dans cet environnement. Par exemple en économie, on peut créer et utiliser des vecteurs à huit dimensions pour représenter le produit national brut de huit pays.

Quelques théorèmes

  • Tout espace vectoriel de dimension finie possède au moins une base.
  • Toutes les bases du même espace vectoriel de dimension finie ont même nombre de vecteurs.
  • Théorème de la « base incomplète » : soit E un espace vectoriel de dimension finie, G une famille génératrice de E et L une famille libre de vecteurs de G. Alors il existe au moins une base B de E telle que L soit incluse dans B et B incluse dans G.
  • Tout espace vectoriel A possède un espace dual A*; si A est de dimension finie, A* est de même dimension.
  • Formule de Grassmann : Soient E et G deux sous espaces vectoriels d'un même espace vectoriel de dimension finie. On a alors :
\text{Dim} (E + G) = \text{Dim} (E) + \text{Dim} (G) - \text{Dim} (E \cap G)

D'autres théorèmes concernent les conditions d'inversion de matrices de divers types :

Un théorème intéressant à l'époque des mémoires d'ordinateurs de petite taille était qu'on pouvait travailler séparément sur des sous-ensembles (« blocs ») d'une matrice en les combinant ensuite par les mêmes règles qu'on utilise pour combiner des scalaires dans les matrices. Avec les mémoires actuelles de plusieurs gigaoctets, cette question a perdu un peu de son intérêt pratique, mais reste très prisée en théorie des nombres, pour la décomposition en produit de facteurs premiers avec le crible général de corps de nombres (GNFS) (méthode Lanczos par blocs).

Utilisations

Les espaces vectoriels forment le support et le fondement de l'algèbre linéaire. Ils sont aussi présents dans de nombreux domaines distincts. S'il n'est pas possible d'indiquer ici tous les cas d'utilisation, on peut tout de même citer pour les principales structures objet de théories, des exemples significatifs. Leurs rôles dans de vastes théories ne traitant pas d'une structure particulière, comme celles des nombres algébriques ou de Galois peuvent aussi être évoqués.

Les espaces vectoriels utilisés sont d'une grande diversité. On y trouve les classiques espaces vectoriels de dimension deux et trois sur les nombres réels, cependant la dimension peut être quelconque, même infini. Les nombres complexes sont aussi très utilisés, ainsi que les rationnels. Il n'est pas rare qu'une partie des nombres réels ou complexes soit considéré comme un espace vectoriel rationnel. Le corps de base peut aussi contenir un nombre fini d'éléments, définissant parfois un espace vectoriel dont le cardinal est fini.

Les propriétés géométriques de la structure permettent la démonstration de nombreux théorèmes. Elles ne se limitent pas aux cas où l'espace est réel, même dans le cas de corps plus insolites comme les corps finis ou les extensions finies des rationnels, les propriétés géométriques s'avèrent parfois essentielles.

Groupe fini

Article détaillé : Représentations d'un groupe fini.
Représentation du groupe symétrique d'ordre quatre comme groupe des rotations du cube dans un espace vectoriel de dimension trois.

La classification des groupes finis est une vaste question, encore objet de recherche en 2009. Si le groupe contient un petit nombre d'éléments, les théorèmes de Sylow peuvent suffire pour en déterminer la structure. Une méthode beaucoup plus puissante est nécessaire dans le cas général.

Georg Frobenius (1849-1917), à la suite de travaux de Richard Dedekind (1831 1916) développe une nouvelle théorie[1] en 1896. Elle se fonde sur l'idée que l'ensemble des symétries d'un espace vectoriel possède une structure de groupe. Il est toujours possible de représenter un groupe fini par des symétries bien choisies sur un espace vectoriel de dimension suffisante. Un groupe est ainsi incarné par des transformations géométriques simples. Une telle incarnation prend le nom de représentation d'un groupe.

Les espaces vectoriels choisis sont de dimension finie, en général sur le corps des complexes[2], cependant pour disposer de bonnes propriétés arithmétiques le corps peut être celui des rationnels[3] ou encore utiliser des entiers algébriques comme pour la démonstration du théorème de William Burnside (1852-1927) sur les groupes résolubles[4]. Richard Brauer (1901-1977) étudie un cas très abstrait, celui des représentations sur un espace vectoriel construit à l'aide d'un corps fini[5].

Un exemple relativement simple d'utilisation de cette théorie est donné par Burnside , avec son théorème sur les groupes de type fini et d'exposant fini[6].

Anneau

Article détaillé : théorie des anneaux.
Emmy Noether utilise la notion d'espace vectoriel pour étudier les anneaux portant maintenant son nom.

Un exemple célèbre d'anneau disposant aussi d'une structure d'espace vectoriel est celui des polynômes à coefficients dans un corps. Cet espace vectoriel, de dimension infinie, est largement utilisé en algèbre linéaire, à travers par exemple le polynôme minimal ou caractéristique. Le morphisme canonique entre les polynômes et les applications linéaires d'un espace vectoriel est à l'origine d'une structure d'algèbre qui est un anneau, si la multiplication externe est oubliée.

Cette méthode permet d'élucider la structure de certains anneaux. Si la caractéristique d'un anneau est soit nulle soit égale à un nombre premier, alors l'anneau est aussi un espace vectoriel sur tout sous-anneau disposant d'une structure de corps. C'est par exemple le cas du plus petit sous-anneau contenant l'unité. L'espace vectoriel ressemble à la structure développée par Grassman. Cette remarque est utilisée au début du XXe siècle, en particulier par Emil Artin (1898 - 1962) et Emmy Noether (1882 - 1935) pour élucider cette structure dans le cas des anneaux artiniens et noethériens, qui sont des copies de sous-algèbres sur un espace vectoriel construit sur sous-anneau qui s'avère être un corps.

Un exemple est la généralisation du théorème de Joseph Wedderburn (1882 - 1948) par Artin et portant maintenant le nom d'Artin-Wedderburn. Il est important pour l'étude des algèbres non commutatives, ce théorème permet, par exemple, de construire le corps des quaternions à l'aide d'une représentation du groupe associé sur un espace vectoriel réel de dimension quatre.

Théorie de Galois

Article détaillé : Théorie de Galois.
Un pentagone en théorie de Galois est une figure d'un espace vectoriel rationnel de dimension quatre. Le fait que la dimension soit une puissance de deux est une condition nécessaire pour une construction à la règle et au compas.

La théorie de Galois contient de nombreux exemples d'espaces vectoriels. Elle consiste à étudier un corps comme un espace vectoriel sur un sous-corps. Ainsi chaque sous-corps permet de considérer la structure initiale comme un espace vectoriel particulier.

Un exemple d'application est celui des figures constructible à la règle et au compas. Ces points forment un corps disposant d'une structure d'espace vectoriel sur les nombres rationnels. Il est de dimension infinie et, pour chaque points, le plus petit sous-corps le contenant est de dimension finie égale à une puissance de deux. Un tel sous-corps est appelé une tour d'extension quadratique. Cette propriété de ces espaces vectoriel permet de résoudre d'antiques conjectures comme la duplication du cube, la trisection de l'angle ou la construction d'un polygone régulier.

L'exemple historique de la théorie est celui de la résolution d'une équation polynomiale. Le théorème d'Abel donne une condition nécessaire et suffisante de résolution par radicaux. Les espaces vectoriels utilisés ont pour éléments ceux du plus petit corps L contenant tous les coefficients du polynôme ainsi que ses racines et le corps sous-jacent est un sous-corps K du premier contenant tous les coefficients. Le groupe de Galois est composé des automorphismes du corps L et laissant invariant le corps K. Il correspond à un nombre fini de symétries de l'espace vectoriel. L'élément clé de la démonstration montre que l'équation est résoluble seulement si ces symétries sont diagonalisables.

Voir aussi

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Références

  1. C. W. Curtis Representation theory of finite groups, from Frobenius to Brauer Math. Intelligencer p 48-57 1992
  2. Les 11 premiers chapitres de Jean-Pierre Serre, Représentations linéaires des groupes finis [détail des éditions] ne concernent que les espaces vectoriels complexes
  3. W. Feit Characters of finite groups W. A. Benjamin Publ, New-York 1967
  4. William Burnside Theory of Groups of Finite Order Dover Publications 2004
  5. Richard Brauer Über die Darstellung von Gruppen in Galoisschen Feldern Act. Sci. Ind. 195 1935
  6. William Burnside On an unsettled question in the theory of discontinuous groups Quart.J.Math. 33 pages 230 à 238 1902

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