Khmers rouges

Khmers rouges

Les Khmers rouges (en khmer : Khmaer Krahom ខ្មែរក្រហម) sont le surnom d'un mouvement politique et militaire cambodgien communiste d'inspiration maoïste qui a dirigé le Cambodge de 1975 à 1979.

Apparu sous une première forme en 1951, le mouvement a cessé d'exister en 1999. Sa direction a été constituée jusqu'en 1981 par le Parti communiste du Kampuchéa, dit également Angkar (soit Organisation; en khmer : អង្ការ). De 1962 à 1997, le principal dirigeant des Khmers rouges a été Saloth Sâr, plus connu sous le nom de Pol Pot.

Les Khmers rouges ont pris le pouvoir au terme de plusieurs années de guerre civile, établissant le régime politique connu sous le nom de Kampuchéa démocratique. Entre 1975 et 1979, période durant laquelle ils dirigèrent le Cambodge, leur organisation a mis en place une dictature d'une extrême violence chargée, dans un cadre autarcique, de créer une société communiste sans classes, purgée de l'influence capitaliste et coloniale occidentale ainsi que de la religion.

Le régime khmer rouge a causé la mort de plusieurs centaines de milliers de Cambodgiens, selon les estimations minimales. Le Programme d'Étude sur le génocide cambodgien de l'Université Yale évalue le nombre de victimes à environ 1,7 million[1], soit plus de 20 % de la population de l'époque.

Sommaire

Appellations

Le nom de Khmers rouges recouvre, dans les faits, un ensemble de mouvements ayant connu différents noms officiels, mais ayant en commun la permanence, à partir du début des années 1960, d'un noyau dirigeant commun. Le surnom Khmers rouges leur a été attribué par Norodom Sihanouk dans les années 1950 et est utilisé couramment, en français, à travers le monde[2]. Eux-mêmes n'utilisaient pas ce terme.

Pour ce qui est des dénominations officielles, le parti politique composant le noyau dirigeant s'est intitulé successivement Parti révolutionnaire du peuple khmer, puis Parti ouvrier du Kampuchéa, puis Parti communiste du Kampuchéa, cette dernière dénomination restant secrète jusqu'en 1977. Le terme Angkar padevat (Organisation révolutionnaire) ou simplement Angkar était utilisé pour désigner la direction du parti et, par extension, celle du mouvement, voire le mouvement dans son ensemble. Le parti a été remplacé en 1981 par le Parti du Kampuchéa démocratique. Le Parti de l'unité nationale cambodgienne, autre vitrine politique des Khmers rouges, a existé au début des années 1990.

Le régime politique au pouvoir de 1975 à 1979, portait le nom de Kampuchéa démocratique, nom ensuite revendiqué par le gouvernement khmer rouge en exil. Un organisme destiné à gérer l'ensemble des activités du mouvement a été créé en 1979, sous le nom de Front de la grande union nationale démocratique patriotique du Kampuchéa.

Sur le plan militaire, les forces armées khmères rouges ont successivement porté le nom d'Armée révolutionnaire du Kampuchéa (1968-1970, puis 1975-1979), Forces armées populaires de libération nationale du Kampuchéa (1970-1975), et enfin Armée nationale du Kampuchéa démocratique (après 1979).

Au Cambodge même, la désignation a-Pot (terme péjoratif pouvant se traduire par « Polpotistes ») est couramment employée : ce fut notamment le cas sous le régime de la République populaire du Kampuchéa dont les dirigeants, eux-mêmes anciens Khmers rouges, tenaient à se démarquer du camp de Pol Pot[3].

Naissance du mouvement

Article détaillé : Parti communiste du Kampuchéa.

Les communistes cambodgiens durant la guerre d'Indochine

Article détaillé : Khmers issarak.

Le premier avatar du futur mouvement khmer rouge apparait lors du protectorat français. Durant la guerre d'Indochine, le Việt Minh réorganise ses alliés khmers et lao dans le but de structurer les guérillas communistes locales. Chacun des mouvements indépendantistes des trois pays de l'Indochine française doit alors être doté d'un parti distinct du Parti communiste indochinois (fondé en 1930) et essentiellement formé de Vietnamiens. Le PCI devient, lui-même, le Parti des travailleurs du Viêt Nam. Le parti cambodgien est formé en 1951, sous le nom de Parti révolutionnaire du peuple khmer (PRPK). Il est placé sous la présidence de Son Ngoc Minh, chef du gouvernement indépendantiste cambodgien. A l'origine, le parti est destiné à constituer le noyau dirigeant de la tendance communiste des Khmers issarak.

Formation politique en France

Une partie des futurs dirigeants khmers rouges effectuent, durant la guerre d'Indochine, leurs études en France. Membres de l'Association des étudiants khmers de France (AEK), présidée à partir d'octobre 1951 par le futur ministre Hou Yuon, ils se rallient progressivement à l'idéologie communiste. Lors d'une réunion à Sceaux, un groupe d'étudiants cambodgiens forment un « Cercle marxiste », placé sous la direction de Ieng Sary, assisté de Thiounn Mumm et Rath Samoeun. Le « Cercle marxiste », dont l'existence n'est pas publique, fonctionne comme un noyau dirigeant secret de l'AEK. Saloth Sâr (futur Pol Pot), le rejoint quelque temps après sa formation[4]. Les étudiants communistes cambodgiens, parmi lesquels on trouve Son Sen et Khieu Samphân, étudient les textes de Karl Marx, Lénine ou Staline[5]. Plusieurs d'entre eux, comme Saloth Sâr, Ieng Sary et Mey Mann, adhèrent au Parti communiste français. Ieng Sary rend la lecture de L'Humanité obligatoire au Cercle[6].

Fin de la guerre d'Indochine

Saloth Sâr et Rath Samoeun reviennent en Indochine française en 1953, et rejoignent un camp Việt Minh. Les activités du Parti révolutionnaire du peuple khmer sont alors totalement contrôlées par les communistes vietnamiens[7], au point que les issarak communistes sont surnommés par les Français « Khmers Việt Minh ». Malgré la participation des Khmers issarak à la lutte indépendantiste, c'est finalement l'action du roi Norodom Sihanouk qui entraîne la reconnaissance par la France, à la fin 1953, de l'indépendance du Royaume du Cambodge. À la fin de la guerre d'Indochine, les « Khmers Việt Minh », oubliés par les accords de Genève, déposent les armes ou se réfugient au Nord Viêt Nam. Malgré la fin du mouvement Khmer issarak, le Parti révolutionnaire du peuple khmer continue d'exister au Cambodge, mais doit limiter ses activités. Son Ngoc Minh résidant désormais à Hanoï, il est remplacé comme secrétaire général par Sieu Heng, mais le principal dirigeant du parti, en tant que responsable des zones urbaines, est Tou Samouth.

Opposition à Sihanouk

La participation de quelques intellectuels progressistes au gouvernement du Royaume du Cambodge reste provisoire et symbolique, la vie politique du pays étant dominée par le Sangkum Reastr Niyum, mouvement initié par le roi (puis premier ministre, puis chef de l'État à vie) Norodom Sihanouk. Les communistes cambodgiens, dont le parti demeure clandestin, ont pour vitrine légale le Pracheachon (littéralement Groupe du peuple), dirigé par Keo Meas. C'est durant les années 1950 que Sihanouk commence à utiliser l'expression Khmers rouges (reproduite en français dans le texte par les médias internationaux) pour désigner les communistes cambodgiens, par opposition aux « Khmers roses » du Parti démocrate, aux « Khmers bleus » réclamant la formation d'une république du Cambodge et aux « Khmers blancs » royalistes[8]. Tout en se rapprochant progressivement, sur le plan international, du camp communiste et notamment de la République populaire de Chine, Sihanouk réprime l'opposition de gauche cambodgienne et compromet tout développement électoral des communistes locaux. Ieng Sary retourne au Cambodge en janvier 1957, laissant à Khieu Samphân la direction du Cercle marxiste, et retrouve un mouvement communiste khmer qui lui apparaît alors moribond[9]. Khieu Samphân, revenu en 1959 au Cambodge, occupe un poste universitaire et dirige un hebdomadaire d'opposition de gauche, L'Observateur, ce qui lui vaut d'être passé à tabac en pleine rue par des hommes de main de l'appareil d'État. Le Pracheachon se présente à plusieurs scrutins électoraux, mais l'opposition à Sihanouk fait l'objet de mesures d'intimidation continuelles. Sieu Heng, le chef du PRPK, se révèle être en cheville avec le gouvernement et fait défection en 1959, rejoignant le camp de Sihanouk. Au printemps 1960, le PRPK adopte le nouveau nom de Parti ouvrier du Kampuchéa. Le secrétaire du parti, Tou Samouth, est suivi dans la hiérarchie par Nuon Chea, Saloth Sâr et Ieng Sary. C'est alors la première fois que les communistes cambodgiens choisissent eux-mêmes leur direction, en dehors de la tutelle de leurs alliés vietnamiens[10].

À partir de 1962, la direction nationale du parti (dite également Centre[11]) passe pour l'essentiel sous le contrôle des anciens étudiants parisiens[12]. En juillet, Tou Samouth disparait, probablement arrêté, torturé et tué par des hommes du général Lon Nol, ministre de l'intérieur de Sihanouk. Saloth Sâr est élu secrétaire général du parti pour le remplacer.

Passage à la clandestinité et guerre civile

Réorganisation

Constatant leur manque de moyens sur le terrain politique légal, et craignant de devoir subir une répression accrue, les chefs du Parti prennent le maquis en 1963, rejoignant d'abord des bases tenues par le Front national pour la libération du Sud Viêt Nam (Việt Cộng). Ils y apprennent les fondements de la gestion politique de la population et du contrôle policier qu'ils allaient appliquer une fois au pouvoir. En 1964, Saloth Sâr obtient d'établir le camp des Khmers à l'écart de celui des Vietnamiens. A l'automne, le plénum du comité central du parti se réunit dans une forêt et établit une résolution approuvant « toutes les formes de lutte » contre le gouvernement Sihanouk. Les communistes cambodgiens sont cependant en porte-à-faux avec les Vietnamiens, qui considèrent Sihanouk comme un « patriote » du fait de ses positions anti-américaines[13]. Entre avril 1965 et février 1966, Saloth Sâr et Keo Meas séjournent à Hanoï, mais n'obtiennent pas le soutien espéré de la part de leurs alliés, qui leur conseillent de ménager Sihanouk. Saloth Sâr séjourne également à Pékin, en République populaire de Chine, en décembre 1965, et décide à cette occasion de se rapprocher des Chinois, dont il se sent politiquement et stratégiquement plus proche. Décidés à se débarrasser à terme de la tutelle vietnamienne, les dirigeants khmers rouges rebaptisent secrètement leur parti, en octobre 1966, du nom de Parti communiste du Kampuchéa, seuls les membres du Centre étant au courant de ce changement. La base khmère rouge est éloignée de celle des Vietnamiens, et les différents comités de zone du mouvement se livrent à des préparatifs en vue du passage à la lutte armée[14]. Dans le courant 1967, trois hommes politiques de gauche, Khieu Samphân, Hou Yuon, et Hu Nim, rejoignent les maquis[15]. La plupart des observateurs et des acteurs politiques cambodgiens considèrent alors que les trois hommes, mystérieusement disparus, ont été tués par la police de Sihanouk[16] et l'annonce de leur présence aux côtés des Khmers rouges passe, un temps, pour une manipulation : surnommés « les trois fantômes », Khieu Samphân, Hou Yuon et Hu Nim sont présentés comme les dirigeants du mouvement, auquel ils donnent une aura de respectabilité, mais le vrai pouvoir demeure entre les mains de Saloth Sâr, de Nuon Chea, de Son Sen et de l'entourage de ces derniers, qui demeurent éloignés du devant de la scène. Les Khmers rouges continuent de fonctionner selon une logique du secret, ne révélant ni l'identité de leurs véritables dirigeants, ni même l'existence du Parti communiste du Kampuchéa. Au sein du mouvement, le PCK est désigné sous le nom de l'Angkar (l'Organisation) et seul le petit cercle de ses dirigeants connaît sa véritable nature[17].

Début de l'insurrection

Saloth Sâr, alias Pol Pot, alias « Frère numéro 1 », ici en 1978.

Les troupes des Khmers rouges, baptisées du nom officiel d'Armée révolutionnaire du Kampuchéa[18], lancent leur soulèvement proprement dit le 18 janvier 1968. Les premières opérations sont de petite envergure, mais leur permettent de s'emparer d'armes. En février et mars, des soulèvements sont lancés dans plusieurs provinces du Nord et du Sud-Ouest. Le surnom de « Khmers rouges », qui désignait auparavant, de manière générique, les communistes cambodgiens dans leur ensemble, devient celui des insurgés. A travers tout le pays, dix mille villageois quittent leurs foyers pour rejoindre les rebelles. Les révoltés manquent cependant encore cruellement de moyens, notamment pour ce qui est des communications, et Lon Nol, rappelé par Sihanouk au poste de ministre de la défense, puis de premier ministre, applique contre eux une politique de la terre brûlée. Les chefs militaires khmers rouges comme Ta Mok dans le Sud-Ouest, ou So Phim dans l'Est, dont les zones d'opérations sont isolées les unes des autres, doivent agir indépendamment, attendre des mois leurs ravitaillements en armes et souvent se contenter d'effectuer des raids-éclairs. À la fin 1968, les agissements des rebelles sont tout de même signalés dans douze des dix-neufs provinces du Cambodge[19].

Norodom Sihanouk, ici en 1972, a réprimé les communistes cambodgiens avant de former une alliance avec eux pour reprendre le pouvoir.

Alliance avec Sihanouk

Le 18 mars 1970, à l'instigation du prince Sisowath Sirik Matak et avec la bienveillance des États-Unis, Lon Nol dépose Norodom Sihanouk alors que ce dernier se trouve à Moscou, en URSS. Sihanouk, en quête d'alliés, se rend en République populaire de Chine et diffuse sur Radio Pékin un message promettant de lutter pour la « justice ». Phạm Văn Đồng, premier ministre du Nord Viêt Nam, se rend à Pékin et rencontre Sihanouk, lui demandant s'il est prêt à coopérer avec les Khmers rouges. Le 23 mars, Sihanouk se décide et annonce la formation d'un gouvernement en exil, le Gouvernement royal d'union nationale du Kampuchéa (GRUNK, dit également Gouvernement royal d'union nationale du Cambodge, soit GRUNC) et d'un mouvement de guérilla, le Front uni national du Kampuchéa (FUNK), appelant les Cambodgiens à prendre les armes contre le régime de Lon Nol. L'appel de Sihanouk a auparavant été relu et légèrement corrigé par le premier ministre chinois Zhou Enlai et par Saloth Sâr, qui se trouve alors à Pékin. Ce dernier cache sa présence et ne rencontre pas Sihanouk, se contentant de lui faire transmettre un message de soutien signé des « trois fantômes », Khieu Samphân, Hou Yuon, et Hu Nim, les chefs officiels. Proclamé le 5 mai, le GRUNK, basé à Pékin, est reconnu par la Chine, par la Corée du Nord, le Nord Viêt Nam, Cuba et quelques pays du Tiers-monde[20]. Khieu Samphân, Hou Yuon et Hu Nim figurent dans la liste des ministres : le Gouvernement Royal d'Union Nationale du Kampuchéa compte ensuite un nombre croissant de ministres khmers rouges, au gré de ses différents remaniements[21]. En mai 1970, les forces armées sont rebaptisées Forces armées populaires de libération nationale du Kampuchéa (FAPLNK)[22]. Au vu de la situation au Cambodge, le Nord Viêt Nam n'a aucune marge de manœuvre et soutient pleinement les Khmers rouges, auxquels il dispense armes et formations militaires, tout en occupant en leur nom des parties du territoire cambodgien[23].

En octobre 1970, le Cambodge prend le nom officiel de République khmère. L'incurie du régime de Lon Nol, les graves difficultés économiques des paysans cambodgiens, et l'effet dévastateur des bombardements de l'US Air Force sur le pays, notamment à la frontière entre le Cambodge et le Viêt Nam, poussent un nombre croissant d'habitants des zones rurales à rejoindre les Khmers rouges[24]. Le volume de bombes déversé à l'époque sur le Cambodge par l'aviation américaine est trois fois supérieur à celui lancé sur le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale. Des centaines de milliers de Cambodgiens sont amenés à fuir leurs villages pour se réfugier dans les forêts : à la fin de 1970, environ un million de personnes vivent dans les zones cambodgiennes contrôlées par le Viêt Cong, les troupes nord-vietnamiennes et les Khmers rouges. En 1970 et 1971, les Khmers rouges servent surtout de force d'appoint aux communistes vietnamiens actifs au Cambodge. Avec l'arrivée de nouvelles recrues, leurs troupes gagnent notablement en importance, tout en devenant très disparates, et mêlent des combattants actifs depuis le début de la guerre civile à des paysans inexpérimentés. En novembre 1970, Saloth Sâr et Nuon Chea passent une semaine avec les responsables nord-vietnamiens pour la zone cambodgienne : ces derniers acceptent de retirer leurs cadres civils des « zones libérées » dès que possible pour laisser la place à des administrateurs khmers rouges, et d'accroître le rôle militaire de ces derniers au Cambodge. En 1972, les troupes khmères rouges comptent environ 45 000 hommes, dont 10 000 unités de guérilla. La République populaire de Chine leur fournit de l'argent pour acheter des armes[25].

En janvier 1971, le comité central du Parti communiste du Kampuchéa se réunit, en l'absence de Khieu Samphân, Hu Nim et Hou Yuon, et réorganise les zones administratives du mouvement, tout en établissant la nécessité de bonnes relations avec les Nord-Vietnamiens, tant qu'ils combattent un ennemi commun. En mai 1972, Saloth Sâr réunit à nouveau le comité central après une tournée des « zones libérées » : une directive est adoptée, prévoyant un programme de collectivisation de l'agriculture, et la suppression du commerce privé. Le tiers de la population du Cambodge, soit plus de deux millions de personnes, vit alors sous le contrôle des Khmers rouges[26].

Dans le même temps, le Gouvernement Royal d'Union Nationale du Kampuchéa, dirigé officiellement à Pékin par l'ancien premier ministre de Sihanouk Penn Nouth, est totalement isolé de la réalité du terrain. Sihanouk ne reçoit que de rares messages, adressés par Khieu Samphân au nom de la « faction intérieure ». En 1971, Ieng Sary arrive à Pékin comme « représentant spécial de l'Intérieur », chargé d'assurer un lien avec les Chinois et les Vietnamiens et, d'après Sihanouk, de surveiller ce dernier[27].

Radicalisation du mouvement

Dans les premiers temps, les Khmers rouges appliquent une politique modérée dans les zones sous leur contrôle. L'attitude du mouvement se radicalise nettement après la réunion de mai 1972. Les musulmans Chams de la zone gérée par Vorn Vet se voient interdire le port du costume islamique ; la propriété foncière et certaines possessions privées sont collectivisées ; les mariages luxueux sont interdits. L'idéologie s'oriente vers un désir de refaçonner toute la société cambodgienne sur le modèle de la paysannerie « authentique ». Vers 1972, les relations avec les Vietnamiens commencent à se détériorer : la force militaire accrue des Khmers rouges entraîne des heurts avec les unités vietnamiennes. En outre, la dissolution des unités mixtes khmers-vietnamiennes est demandée, ainsi que le placement sous commandement khmer rouge des unités de guérilléros sihanoukistes (Khmers rumdo, soit Khmers de libération) entraînés par les Vietnamiens. Les anciens Khmers issarak communistes - environ un millier d'hommes - venus rejoindre le combat au Cambodge sont vus comme une « cinquième colonne » pro-vietnamienne potentielle et sont tenus en défiance. Les unités nord-vietnamiennes et Viêt Cong se retirent progressivement du Cambodge et des contrôles de plus en plus stricts sont par la suite imposés aux troupes Vietnamiennes désireuses de passer par le territoire[28]. Durant la guerre, le Cambodge est divisé en six zones : les zones Sud-Ouest, Est, Nord-Est, Nord, Nord-Ouest, et une zone spéciale autour de Phnom Penh. Ta Mok, secrétaire de la zone sud-Ouest, place les membres de sa famille (beaux-frères, fils, filles, gendres) aux postes-clés[29].

En mars 1973, Norodom Sihanouk et son épouse la reine Monique visitent la zone khmère rouge après être passés par la piste Hô Chi Minh, mais sont tenus à l'écart de la population. Le 20 mai 1973, les Khmers rouges commencent à appliquer dans les zones sous leur contrôle leur politique de collectivisation radicale, mise en place avec une rigueur particulière dans la zone nord. Si environ 25 % de paysans démunis y trouvent leur compte, le reste de la population est lésé, et environ 60 000 personnes fuient hors des zones khmères rouges. Dans le même temps, les cadres commencent à développer dans leurs séminaires une rhétorique xénophobe anti-vietnamienne, visant également « ceux qui ont des corps khmers et des esprits vietnamiens » (notamment les anciens Khmers issarak revenus de Hanoï). En 1973, le contrôle khmer rouge s'étend aux deux tiers du territoire cambodgien[30]. Les hommes de Pol Pot refusent par ailleurs de se joindre au processus de départ négocié des Américains, défini par les accords de paix de Paris : irrité, le gouvernement du Nord Viêt Nam diminue son aide aux rebelles cambodgiens, mais perd par là-même un moyen de pression sur eux[31].

En novembre 1973, les Khmers Rumdos sihanoukistes et les Khmers rouges se heurtent dans l'est ; l'année suivante, le front des Chams musulmans communistes est dispersé de la Zone Est, la seule à avoir autorisé une organisation cham autonome : les Khmers saor (ou Khmers blancs), pour l'essentiel des Chams communistes, pro-Sihanouk et pro-vietnamiens, entrent alors en dissidence[32]. En 1973, les forces khmères rouges procèdent dans leurs zones à des tueries massives pour imposer la nouvelle autorité, notamment dans la zone nord-est. Les membres des minorités ethniques formés à Hanoï sont victimes de purges. Plusieurs milliers de membres de groupes tribaux se rebellent et se réfugient à la frontière vietnamienne. Des cadres communistes d'ethnie lao sont exécutés[33]. Une répression impitoyable est mise en place pour mater la rébellion dans l'est : So Phim, responsable de zone, a pour instruction de « torturer férocement » les chefs des insurgés. Des roquettes de fabrication chinoise sont utilisées pour pilonner la ville révoltée d'Oudong. Après la prise de la ville en mars 1974, sa population est évacuée. En septembre de la même année, Saloth Sâr réunit le comité central et convient de la nécessité d'envoyer travailler aux champs la population des villes, rétive à l'autorité du nouveau régime[34].


Victoire militaire des Khmers rouges

Carte de l'offensive finale des Khmers rouges vers Phnom Penh, en 1975.

L'intervention américaine au Cambodge pour soutenir le régime de Lon Nol (en particulier les bombardements massifs qui s'intensifient jusqu'en août 1973) a contribué au renforcement du mouvement Khmer rouges[35], dont les effectifs passèrent de 4 000 en 1970 à 70 000 hommes en 1975[36] et à leur prise du pouvoir.

En septembre 1974, les troupes de Lon Nol reprennent Oudong, mais le régime de la République khmère est alors à l'agonie. Les États-Unis cherchent avant tout à se retirer du bourbier de la guerre du Viêt Nam, alors que les Khmers rouges, en position de force, refusent toute négociation. Le 1er janvier 1975, la dernière offensive en direction de Phnom Penh est lancée ; Oudong est reprise le 25 février par les troupes de Ke Pauk et les forces khmères rouges s'avancent sur la capitale via plusieurs routes nationales[37]. Le 1er avril, la ville de Neak Leung est prise, ouvrant la voie vers la capitale : Lon Nol prend la fuite le même jour[38]. Les Khmers rouges se livrent alors à une course de vitesse pour prendre Phnom Penh avant que les troupes du Nord Viêt Nam et du Việt Cộng ne prennent Saigon, pour des raisons de prestige politique, et pour éviter que les Vietnamiens n'aient la possibilité d'investir la capitale cambodgienne avant eux[39].

Le 4 avril, Chan Chakrey, chef militaire Khmer rumdo et commandant de la 1re division de la zone Est, reçoit du Centre l'instruction d'investir la capitale, puis d'en évacuer « provisoirement » la population ; il transmet ensuite l'information à Heng Samrin. Au sein de la direction des Khmers rouges, Hou Yuon se déclare hostile à ce plan ; Pol Pot l'accuse alors d'« oppositionnisme ». Peu après, Hou Yuon « disparaît » définitivement[40].

Le 17 avril, les troupes des Khmers rouges entrent dans Phnom Penh[41], treize jours avant la chute de Saigon. Dans de nombreux endroits du pays, les Khmers rouges sont d'abord bien accueillis par la population locale, qui se réjouit de l'arrêt des combats et du retour à la paix[42]. Ce même jour, Lon Non et Long Boret, deux des principaux dignitaires de la République khmère encore à Phnom Penh, sont exécutés sur la pelouse du Cercle sportif. Le prince Sisowath Sirik Matak, instigateur du coup d'état ayant amené à la chute du régime de Sihanouk, se réfugie pour sa part à l'ambassade de France avant trois jours plus tard de se rendre aux Khmers rouges[43] et d'être exécuté.

A la mi-mai 1975, l'incident du Mayagüez, qui oppose les forces américaines aux Khmers rouges, est le dernier affrontement impliquant les États-Unis dans le théâtre d'opérations de la guerre du Viêt Nam, prise au sens large.

Au pouvoir

Évacuation des villes

Les soldats khmers rouges qui entrent dans la capitale cambodgienne le 17 avril comptent notamment de jeunes adolescents, des paysans n'ayant jamais visité de ville, et des guérilleros ayant vécu durant des années dans la jungle[44]. Les Cambodgiens ne connaissent le nouveau pouvoir que sous le seul nom d'Angkar, mot dont la plupart ignorent ce qu'il recouvre. Au moment de leur prise de pouvoir, l'appareil des Khmers rouges se compose d'environ 120 000 militants et sympathisants, pour la plupart très récents, dont une moitié de combattants[45].

Pol Pot et Khieu Samphân, en compagnie de Nicolae Ceaușescu et de son épouse Elena, en 1978.

L'ordre d'évacuation de Phnom Penh est aussitôt mis à exécution, dans un climat de pagaille, accompagné d'accrochages entres diverses forces du FUNK (dont les sihanoukistes et les hommes de Hu Nim). Sous le prétexte d'un prochain bombardement américain, les deux millions environ d'habitants de la capitale sont forcés d'abandonner « provisoirement » (censément, pour quelques jours) leurs foyers et d'entamer sur les routes une marche vers les campagnes, dans des conditions désastreuses. Les malades sont sortis de forces des hôpitaux pour accompagner le reste de la population[46]. Plus de 10 000 personnes périssent des suites de l'évacuation de la capitale. Toutes les autres villes du pays sont évacuées dans les semaines suivantes au fur et à mesure de l'avancée des Khmers rouges. Kompong Som, principal port du pays, tombe le 18 avril, et est évacuée dans la foulée. Battambang est évacuée le 24. Les Cambodgiens refusant d'abandonner leurs maisons sont souvent abattus, ou tués dans la destruction de leurs logis[47]. Outre les motifs idéologiques de « purification » de la population urbaine vue comme marquée par la « corruption » et la « débauche », l'évacuation des villes vise également à éviter toute contestation du nouveau régime par la société civile, tout en privant Sihanouk de sa base de soutien[48].

Mise en place du régime

À partir du 20 mai et durant quatre jours, une conférence spéciale de l'organisation khmère rouge se tient dans la capitale désertée par ses habitants, sous la présidence de Nuon Chea et de Saloth Sâr qui se fait désormais appeler Pol Pot. Ce dernier définit - selon les rares témoignages existant de cette réunion dont la plupart des participants ont ensuite été éliminés - un plan en huit points pour appliquer la politique du Centre dans tout le Cambodge. Il prévoit l'évacuation de toutes les villes, l'abolition de tous les marchés, la suppression de la monnaie du régime de Lon Nol et le retrait de la monnaie révolutionnaire tout juste créée par les Khmers rouges, la sécularisation de tous les moines bouddhistes et leur mise au travail dans les rizières, l'exécution de tous les dignitaires du régime de Lon Nol, la création dans tout le pays de coopératives avec repas communaux, l'expulsion de la minorité vietnamienne et l'envoi de troupes à la frontière orientale. Nuon Chea, principal orateur, souligne la nécessité de rendre les gens « purs », et de débusquer et tuer tous les « espions »[49]. Le reste du monde est largement privé d'informations sur ce qui se passe au Cambodge, et ignore qui sont les véritables nouveaux dirigeants du pays[50]. En juillet, les forces armées du nouveau régime reprennent le nom d'Armée révolutionnaire du Kampuchéa, chaque responsable de zone remettant officiellement son autorité entre les mains du Comité central[51].

Ce n'est que plusieurs mois après leur prise de pouvoir que les Khmers rouges entreprennent de constituer un embryon de gouvernement. Officiellement, le GRUNC est toujours dirigé par Penn Nouth, et Norodom Sihanouk est chef de l'État, mais les deux hommes se trouvent encore à Pékin. En septembre 1975, Sihanouk séjourne à Phnom Penh durant trois semaines, est reçu avec tous les égards, et repart satisfait. Il défend le nouveau régime en octobre devant l'Assemblée générale des Nations unies[52]. Le 9 octobre, le comité permanent du PCK se réunit et proclame un gouvernement, au sein duquel Pol Pot est chargé des questions militaires et de l'économie, Khieu Samphân étant « responsable du Front et du gouvernement royal ». So Phim et Chan Chakrey ne se voient pas attribuer de postes[53]. Le 31 décembre, Sihanouk revient à nouveau au Cambodge, et se rend cette fois compte de la gravité de la situation. Virtuellement prisonnier, il préside le 5 janvier 1976 le conseil des ministres qui promulgue officiellement la constitution du nouveau régime, le Kampuchéa démocratique[54]. Début mars, Sihanouk remet sa démission, mais le Centre n'en tient pas compte, préférant attendre que soient organisées le 20 mars les élections du nouveau parlement, l'Assemblée des représentants du peuple cambodgien. Le 2 avril, la demande de démission de Sihanouk est rendue publique. Le 10, l'Assemblée se réunit et élit Nuon Chea à sa présidence et Ta Mok à sa vice-présidence. Un véritable gouvernement est ensuite formé : le 14 avril 1976, Pol Pot, se résolvant enfin à sortir de l'ombre, est nommé premier ministre par le parlement. Vorn Vet est vice-premier ministre chargé de l'économie, Ieng Sary des affaires étrangères, et Son Sen de la défense nationale. Khieu Samphân remplace Norodom Sihanouk comme chef de l'État, avec le titre de Président du Presidium[55]. Sihanouk est mis en résidence surveillée[56].

Collectivisation et déportations

L'Angkar met en place un système de purges visant des catégories sociales données. Plus de mille cambodgiens expatriés, intellectuels et membres de professions libérales, revenus au pays après la révolution, sont considérés comme suspects du fait de leur statut social, et envoyés en camp de travail[57],[58]. La population cambodgienne est divisée en plusieurs groupes : les anciennes élites du régime de Lon Nol, et ses partisans réels ou supposés deviennent les « déchus », ou le « peuple ancien »; les habitants des régions prises en 1975 deviennent le « peuple nouveau », ou les « candidats » (à un statut de citoyen). Les seuls citoyens de « plein droit » se trouvent dans le « peuple de base », soit les habitants des zones tenues depuis plusieurs années par les Khmers rouges[59]. Jusqu’en avril 1975, la plus grande partie de la population des zones khmères rouges est organisée en « groupes d’entraide mutuelle » (krom provas dai), soit des unités agricoles de dix à quinze personnes. À partir de mai 1973, puis après la victoire, la plus grande partie des krom sont regroupés en coopératives de niveau intérieure (sahakor kumrit teap) regroupant plusieurs centaines de personnes, ou un village entier. Des repas communautaires sont instaurés pour les paysans, et la vie de famille fait l'objet de restrictions rigoureuses, privant les Cambodgiens de toute intimité. Les paysans sont dépossédés de leurs terres, accaparées par l'État, des liens de famille traditionnels et de la religion. La région 33 dans la zone sud-ouest, l’un des sanctuaires les plus durs de la zone khmère rouge pendant la guerre de 1970-1975, est régie par un système d'espionnage et de terreur : les anciens soldats de Lon Nol et les « riches » sont abattus[60]. Le flux de citadins déportés dans les campagnes pose de graves problèmes à l'équilibre de la vie rurale : dans la zone Nord-ouest, 210 000 nouveaux venus s'ajoutent aux 170 000 habitants d'origine. Les Khmers rouges font tout pour segmenter la situation, et dresser le « peuple de base » contre le « peuple nouveau ». Seuls les anciens ont le droit de cultiver un lopin privé. De plus, au bout de quelques mois, les nouveaux ruraux doivent subir de nouvelles déportations[61].

Le régime du Kampuchéa démocratique cherche à rééduquer l'ensemble de la population pour détruire l'idée de propriété privée et tous les repères culturels rappelant l'ancienne société. En 1976-1977, avec la collectivisation forcée et brutale, l'alimentation de la population dans des cantines communes est définitivement mise en place pour assurer l'égalité des rations - chose qui ne fut généralement pas respectée. L'agriculture est totalement désorganisée par les transferts de population, la situation étant encore aggravée par l'incompétence du gouvernement en matière d'infrastructures. Un système d'autarcie régionale est mis en place, et le régime fixe des objectifs irréalistes de rendement de trois tonnes de paddy par hectare. Le pays souffre bientôt d'une famine généralisée, dont le régime fait consciemment usage pour mieux asservir la population. Les liens familiaux traditionnels sont détruits : on retire aux maris l'autorité sur leurs femmes et aux parents celle sur leurs enfants, ces derniers faisant l'objet d'une éducation en commun. Les Cambodgiens n'ont droit à aucune vie privée, à aucune liberté de conscience. Les moindres manquements dans le travail forcé peuvent être punis de mort. L'arbitraire des sanctions est total, le régime khmer rouge n'ayant aucun appareil judiciaire[62].

Les massacres ont laissé derrière eux de nombreux charniers dont les restes sont rassemblés dans des mausolées comme à Choeung Ek, devenu un lieu de commémoration des crimes des Khmers rouges.

Massacres et persécutions raciales

L'épuration est menée par la police secrète Khmère rouge, le Santebal (« branche spéciale »), placé sous la responsabilité directe de Kang Kek Ieu, alias Douch[63]. Le Kampuchéa démocratique n'a officiellement pas de prisons, mais les « centres de rééducation » se multiplient à travers le pays. Des cambodgiens y sont incarcérés sous les prétextes les plus variés, allant du délit de droit commun à la dissidence politique réelle ou supposée, en passant par les relations sexuelles hors mariage. Les prisonniers des centres sont détenus dans des conditions abominables, et régulièrement soumis à la torture, pour être amenés à confesser des délits souvent imaginaires. La durée de survie des détenus n'excède généralement pas trois mois. Le plus célèbre, mais pas forcément le plus meurtrier, de ces centres de détention est l'ancien lycée de Tuol Sleng, désigné sous le code S-21 et dirigé par Douch : environ 20 000 personnes y périssent[64]. Des exécutions en masses sont réalisées, ce qui donne lieu à de nombreux charniers répartis à travers tout le pays, comme celui de Choeung Ek près de Phnom Penh. La zone Est du pays, qui compte 1,7 millions d’habitants à la mi-1976, dont 300 000 « peuples nouveaux », est le secteur le moins pénible, les Khmers rouges s'y montrant moins brutaux qu’ailleurs et les exécutions étant nettement moins nombreuses. En 1977, cependant, la situation alimentaire s'y dégrade[65]. Le Centre affirme par contre son contrôle direct sur la zone Nord-ouest , où les purges puis les attaques contre les populations ordinaires se multiplient en 1977. Les ex-citadins sont arrêtés et « disparaissent » en grand nombre, les rations alimentaires réduites et la population affamée. Ieng Sary, Ieng Thirith et Pol Pot jouent un rôle clé dans le durcissement politique et les purges : durant l'été 1977, quarante responsables de la zone nord-ouest sont arrêtés. Les purges désorganisent gravement la production de riz, et la mortalité est élevée, y compris dans le sud-ouest dirigé par Ta Mok. L'oppression et l'arbitraire règnent dans le Kampuchéa démocratique[66].

Le nombre total de victimes du Kampuchéa démocratique reste sujet à débat, les estimations variant entre 740 000 et 2 200 000 morts[67], sur une population d'environ 7 890 000 habitants. Ces chiffres prennent en compte les massacres, les exécutions, les victimes de la famine provoquée et entretenue par l'incompétence du régime, ainsi que les persécutions et massacres dont font l'objet certaines ethnies telles les Chams ou les personnes d'origine vietnamienne[68],[69]. Les Khmers Krom, ainsi que les minorités thaïe et lao sont également victimes de tueries perpétrées par les forces de sécurité de la zone sud-ouest[70]. Pol Pot, par la suite, ne reconnaît que « quelques milliers » de victimes dues à « des erreurs dans l'application de notre politique consistant à donner l'abondance au peuple », tout en chiffrant par ailleurs à 600 000 le nombre de victimes de la guerre civile[71].

La vie interne du régime du Kampuchéa démocratique et du mouvement Khmer rouge est aussi marquée par les purges à l'intérieur de l'appareil : arrestations et exécutions se succèdent, sans le moindre procès. En avril 1976, Chan Chakrey, ancien responsable militaire de la zone Est, mène un soulèvement armé à Phnom Penh : il est arrêté et envoyé à Tuol Sleng, où il périt le mois suivant[72]. Les partisans de Sihanouk sont victimes de purges, de même que les anciens Khmers issarak jugés trop proches des Vietnamiens. Puis c'est Keo Meas, n°6 dans la hiérarchie du Parti communiste du Kampuchéa, qui est arrêté en septembre 1976; lui aussi meurt en captivité à Tuol Sleng. En juillet 1977, c'est le tour de Hu Nim. En avril-mai 1978, la purge de la zone Est, géographiquement proche du Viêt Nam et dont le chef, So Phim, s'est bâti un solide pouvoir personnel, est lancée[73]. Les troupes de Ke Pauk et de Son Sen attaquent la zone : So Phim se suicide, et la division de Heng Samrin est dispersée ; de violents combats ont encore lieu en juin et en juillet, et la population locale est évacuée[74]. Son Sen assume ensuite la direction de la zone Est, dont de nombreux cadres, parmi lesquels Heng Samrin et Hun Sen, ne doivent leur salut qu'à la fuite[75]. Plusieurs milliers de déportés de l'est sont massacrés dans le nord-ouest dans le courant de 1978[76]. Vorn Vet, vice-premier ministre chargé de l'économie, meurt à Tuol Sleng en 1978[77].

Début des hostilités avec les Vietnamiens

Dès mai 1975, des heurts frontaliers se produisent avec le voisin vietnamien, les Khmers rouges ayant notamment des visées sur la Cochinchine (Kampuchéa Krom pour les Cambodgiens), considérée par les Khmers comme le berceau historique de leur peuple. La volonté du Viêt Nam d'assurer le leadership des pays de la région accroît encore les tensions. A la mi-1977, les troupes khmères rouges effectuent plusieurs incursions en territoire vietnamien, tuant plusieurs centaines de civils : les troupes vietnamiennes ont l'ordre de ne pas contre-attaquer[78]. Le Kampuchéa démocratique refuse, la même année de signer avec Hanoï un « traité d'amitié et de coopération » comparable à celui conclu avec le Laos. Le gouvernement vietnamien est également inquiet de voir le Cambodge se rapprocher de la République populaire de Chine. À l'été 1977, Lê Duẩn et le bureau politique du Parti communiste vietnamien décident d'intervenir militairement contre les Khmers rouges. Une brève incursion sur le territoire cambodgien a lieu entre le 31 décembre 1977 et le 6 janvier 1978 : lors de leur retrait, 300 000 Cambodgiens en profitent pour quitter le pays dans le sillage des troupes vietnamiennes. Tandis que le gouvernement khmer rouge dénonce la razzia de ses citoyens, les Vietnamiens affirment que les Cambodgiens se sont réfugiés d'eux-mêmes[79]. En 1978, l'hostilité entre le Cambodge et le Viêt Nam atteint son paroxysme : aux appels à la haine raciale contre les Khmers et les métis succèdent, au Cambodge, les exécutions systématiques des gens « à l'esprit vietnamien dans un corps khmer ». Environ 200 000 personnes semblent avoir trouvé la mort durant l'année 1978 dans des massacres où Ke Pauk et Ta Mok paraissent avoir joué un grand rôle[80]. De leur côté, les Vietnamiens se préparent à engager les hostilités et établissent également des camps d'entraînement pour les réfugiés khmers[81].

Chute du régime

Article détaillé : Guerre Cambodge-Viêt Nam.

Tandis que les hommes de Pol Pot multiplient les purges internes, les Vietnamiens se préparent méthodiquement au combat, et importent massivement des armes depuis l'URSS. La radio vietnamienne révèle au monde les atrocités khmères rouges et appelle les Cambodgiens au soulèvement[82]. Le 2 décembre 1978, soixante-dix cadres et officiers dissidents, soutenus par le Viêt Nam où ils sont formés et encadrés par Lê Đức Thọ[83], fondent le Front uni de salut national du Kampuchéa (FUNSK), dont Heng Samrin prend la direction[84].

Le 25 décembre 1978, l'Armée populaire vietnamienne pénètre au Cambodge et démantèle en moins d'une semaine la défense mise au point par Son Sen. Pol Pot, au début du conflit, s'absorbe dans des activités de routine. Le 1er janvier 1979, le gouvernement du Kampuchéa démocratique commence à planifier son évacuation[85].

Norodom Sihanouk est tiré de sa résidence surveillée pour rencontrer Pol Pot : le dirigeant khmer rouge aurait tenu au prince, selon le témoignage de ce dernier, un discours délirant où il se serait déclaré convaincu de la victoire sur l'armée vietnamienne, grâce au soutien du peuple cambodgien[86] ; il prône également le retour à la guérilla, pour entraîner les Vietnamiens dans un bourbier[87]. Sihanouk est évacué vers Pékin avec son épouse. Ta Mok est le dernier dirigeant khmer rouge à quitter la capitale. Le 7 janvier 1979, les premiers blindés vietnamiens pénètrent dans Phnom Penh désertée par ses défenseurs. Quatre jours plus tard, le régime pro-vietnamien de la République populaire du Kampuchéa est proclamé, avec Heng Samrin comme président et le jeune Hun Sen comme ministre des affaires étrangères[88].

Malgré la peur de la domination vietnamienne traditionnellement ancrée dans les esprits cambodgiens, l'armée de Hanoï est aidée par les nombreuses défections de militaires khmers rouges, et accueillie avec soulagement par la population. La direction des Khmers rouges se replie le long de la frontière thaïlandaise : le général Kriangsak Chomanan, premier ministre de la Thaïlande, s'inquiétant de la progression du poids politique vietnamien dans la région, laisse les hommes de Pol Pot trouver refuge sur son territoire. A Pékin, Ieng Sary est reçu par Deng Xiaoping, puis par Hua Guofeng, qui lui reprochent les erreurs stratégiques et annoncent leur souhait de voir les Khmers rouges renouer avec Sihanouk. La Thaïlande accepte de son côté de laisser la République populaire de Chine soutenir les Khmers rouges transitant sur son sol en échange de l’arrêt de l'aide chinoise à la guérilla du Parti communiste thaïlandais[89]. Dès le 16 janvier 1979, la radio des Khmers rouges, La Voix du Kampuchéa démocratique, recommence à émettre, cette fois à partir du sud de la Chine[90]. Le 17 février 1979, la Chine procède à une invasion du nord du Viêt Nam dans le but proclamé de donner une leçon aux Vietnamiens. L'opération s'avère au final plus difficile que prévu, et échoue à forcer le retrait des unités vietnamiennes du Cambodge ; les troupes chinoises se retirent du Viêt Nam à la mi-mars[91],[92]. En août 1979, Pol Pot et Ieng Sary sont condamnés à mort par contumace dans un procès considéré comme « stalinien » par la communauté internationale[93],[94].

Au sein du nouveau régime de la République populaire du Kampuchéa, aucune épuration des cadres de l'administration du Kampuchéa démocratique n'a lieu. Au contraire, de nombreux anciens cadres intermédiaires du régime khmer rouge, niveau auquel ont été commis les crimes les plus arbitraires, se voient confier des responsabilités dans l'administration du nouveau régime, éventuellement après une brève période de « rééducation ». Dans les années qui suivent le renversement de Pol Pot, les anciens Khmers rouges dissidents sont même préférés par les Vietnamiens aux « Khmers Việt Minh » revenus d'Hanoï. Dès la fin 1981, le premier ministre Pen Sovan, représentant de cette dernière tendance, est évincé. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer cette préférence accordée par les Vietnamiens aux Khmers rouges dissidents : ceux-ci se seraient montrés moins sensibles à la corruption financière que les anciens Khmers issarak; ces derniers, ayant généralement vécu des années au Viêt Nam, auraient eu une meilleure connaissance des réalités politiques vietnamiennes et par conséquent une plus grande capacité de tenir tête à leurs protecteurs; enfin, les Khmers rouges dissidents, ayant le plus à perdre d'un retour de Pol Pot, auraient été jugés plus dociles[95].

Retour à la guérilla

Article détaillé : Conflit indochinois (1978-1999).
Carte des zones d'activités des khmers rouges en 1989-1990.

Survie du mouvement

Si la République populaire de Chine se contente d'une opération ponctuelle contre le Viêt Nam, elle s'engage par contre dans une hostilité de longue haleine à l'égard du régime de Hanoï, qui bénéficie pour sa part du soutien de l'URSS. La situation des populations cambodgiennes est dramatique : de cent mille à trois cent mille réfugiés civils se massent dans des camps à la frontière thaïlandaise, sur une zone d'environ trente kilomètres[96]. De son côté, Norodom Sihanouk, après son passage à Pékin, se rend à l'ONU, où il se fait l'avocat du Kampuchéa démocratique et dénonce l'invasion vietnamienne de son pays[97].

Durant l'été 1979, profitant de la mousson qui gêne la circulation des troupes vietnamiennes, les Khmers rouges se réorganisent dans le but de lancer des offensives, rebaptisant leurs forces armées du nom d'Armée nationale du Kampuchéa démocratique[98]. En juillet, Pol Pot installe son nouveau quartier général, le Bureau 131, sur le flanc du mont Thom. Les Khmers rouges bénéficient de l'assistance des forces spéciales thaïlandaises[99]; la Thaïlande assure la formation et le recrutement de diverses forces armées khmères sur lesquelles elle compte en cas d'invasion vietnamienne[100]. Politiquement, les Khmers rouges sont renforcés par un vote de l'Assemblée générale de l'ONU, qui décide en novembre 1979 de faire siéger la délégation du gouvernement en exil du Kampuchéa démocratique, et d'exclure la République populaire du Kampuchéa pro-vietnamienne. Les Khmers rouges réorganisent en outre leur mouvement pour le rendre plus présentable. En septembre 1979, Khieu Samphân prend la tête d'un nouvel organisme tenant lieu de gouvernement en exil, le Front de la grande union nationale démocratique patriotique du Kampuchéa (FGUNDPK), tandis que Pol Pot se contente du rôle plus discret de commandant des forces armées et ne fait plus aucune apparition publique à partir de 1980[101].

Nouvelle alliance avec Sihanouk

La révélation, par les Vietnamiens, des atrocités commises par les Khmers rouges, a gravement entaché leur légitimité : afin de les rendre plus acceptables pour l'opinion publique internationale, la République populaire de Chine les incite à s'allier à nouveau avec Norodom Sihanouk, personnalité plus acceptable pour les Occidentaux[102]. Malgré les pressions chinoises et l'accord de Pol Pot, Sihanouk refuse d'abord le poste de chef de l'État du gouvernement en exil, plusieurs de ses enfants et petits-enfants ayant disparu entre 1975 et 1979 ; puis, en 1981, constatant que les Khmers rouges résistent aux offensives des Vietnamiens pour les déloger de leurs bastions, il accepte de s'allier à nouveau à eux pour ne pas disparaître du jeu politique et conserver une chance de revenir au pouvoir. Le 4 septembre 1981, Sihanouk, Khieu Samphân et Son Sann publient une déclaration commune annonçant la formation d'un gouvernement de coalition pour libérer le Cambodge des « agresseurs vietnamiens »[103].

Dans les camps de réfugiés cambodgiens, la situation demeure critique. Les conditions alimentaire du pays ne s'étant pas améliorées, aux personnes ayant fui l'invasion s'ajoutent avec le temps ceux qui veulent se soustraire à la famine. Des mouvements de résistance à l'occupation vietnamienne se forment et se renforcent, accueillant une majorité de Khmers rouges . Ils doivent cependant partager l'autorité sur les réfugiés avec le Front national de libération du peuple khmer (FNLPK), fondé en 1979 par l'ancien premier ministre Son Sann, puis surtout avec le Front uni national pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif (FUNCINPEC) créé en 1981 par Norodom Sihanouk depuis son exil en Corée du Nord[102].

Soutiens internationaux

En décembre 1981, Pol Pot et Nuon Chea décident de dissoudre le Parti communiste du Kampuchéa, afin selon eux de pouvoir « s'unir avec d'autres forces nationales »[104]. Le PCK est officiellement dissout le 6 décembre[105]. Un nouveau parti, le Parti du Kampuchéa démocratique (PKD), est créé en 1982 pour être la vitrine politique des Khmers rouges ; il se présente comme un parti non plus communiste, mais « socialiste démocratique »[106]. Cette mue politique n'apporte cependant que peu de bénéfices aux Khmers rouges et cette nouvelle orientation « démocratique » ne convainc pas grand-monde au plan international[104].

Les États-Unis laissent de leur côté carte blanche à la République populaire de Chine sur le problème cambodgien et continuent de reconnaître le Kampuchéa démocratique comme gouvernement du Cambodge, pour marquer leur opposition à l'occupation vietnamienne soutenue par l'URSS. Avec le Royaume-Uni, ils apportent leur soutien aux PKD contre les Vietnamiens, par l'intermédiaire de la Thaïlande[107]. La Chine, les Occidentaux et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est contribuent à la concrétisation de l'alliance entre les Khmers rouges et les autres branches de la résistance anti-vietnamienne. Le 21 juin 1982 est créé à Kuala Lumpur le Gouvernement de coalition du Kampuchéa démocratique (GCKD), reconnu par l'ONU. Norodom Sihanouk, bien que jugeant lui-même l'alliance avec les Khmers rouges « ignominieuse », prend la présidence de la coalition : Khieu Samphân est quant à lui Vice-Président chargé des affaires étrangères et Son Sann, Premier ministre[108]. Ieng Sary perd une grande partie de ses responsabilités au sein du mouvement, du fait de l'inimitié de Sihanouk à son égard et de son implication dans les massacres du Kampuchéa démocratique, qui le rend peu présentable au plan international[109]. Malgré l'accord, des heurts continuent à se produire sur le terrain entre les différentes factions de la coalition[110].

Traque vietnamienne à la frontière thaïlandaise

En novembre 1984, la situation interne du Cambodge étant suffisamment stabilisée, les Vietnamiens entreprennent de nettoyer la frontière : jusqu'en avril 1985, des attaques aboutissent à chasser de leurs camps 250 000 réfugiés cambodgiens, qui s'installent dans des zones tenues par les différentes composantes de la guérilla. Plus de 55 000 personnes vivent ainsi dans les différentes zones frontalières sous contrôle khmer rouge, y compris à l'intérieur de la Thaïlande. La construction par les Vietnamiens et leurs alliés cambodgiens d'une zone défensive déboisée, surnommée mur de bambou et truffée de mines antipersonnel, cause des dizaines de milliers de morts, victimes notamment du paludisme et des mines[111]. L'aide internationale apportée aux réfugiés par les ONG bénéficie également aux Khmers rouges[112].

Le 2 septembre 1985, Pol Pot annonce sa retraite et laisse le commandement des forces armées à Son Sen, s'attribuant cependant la présidence d'un « Institut supérieur de défense nationale ». Les attributions de ce dernier poste officiel de Pol Pot sont floues, mais semblent indiquer que l'ancien secrétaire général du PCK conserve la direction des troupes khmères rouges[113], qui tentent de reprendre le contrôle de l'ouest du Cambodge. Environ 10 000 hommes demeurent en effet sous le commandement de Pol Pot, qui opère depuis un camp situé en Thaïlande. Ta Mok dirige également 10 000 hommes, dans la région d'O Trao. Khieu Samphân et Ieng Sary commandent quant à eux des troupes dans la région de Battambang, également depuis le territoire thaïlandais[114].

Début du processus de paix

En 1986, Mikhaïl Gorbatchev annonce la fin du soutien de l'URSS aux guerres et guérillas locales, dont l'occupation du Cambodge par le Viêt Nam ; le gouvernement vietnamien accélère alors le retrait de ses troupes du territoire cambodgien, déjà débuté plusieurs années auparavant. La situation pousse les différentes parties cambodgiennes à négocier, et en décembre 1987, le premier ministre de la République populaire du Kampuchéa, Hun Sen, rencontre Norodom Sihanouk à la Fère-en-Tardenois, en France. Les pourparles traînent cependant durant des années et, en septembre 1989, après le départ officiel des troupes vietnamiennes, les Khmers rouges accentuent leurs attaques contre les troupes régulières cambodgiennes. En avril 1991, cependant, les partisans de Pol Pot rejoignent les négociations après avoir reçu le feu vert de la Chine. Au terme de plus d'une décennie de combats, toutes les factions politiques cambodgiennes signent les accords de Paris sur le Cambodge de 1991, prévoyant des élections libres et le désarmement des différentes factions en présence. Le Cambodge est placé sous le contrôle d'une Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge (APRONUC) pour la période de transition[115]. En novembre 1991, Khieu Samphân et Son Sen se rendent à Phnom Penh pour y inaugurer la mission du PKD, mais ils sont malmenés par une foule en furie, sans que la police de Hun Sen n'intervienne, et doivent prendre la fuite[116],[117].

Après les accords de paix

Poursuite des hostilités

Malgré la signature des accords de Paris, les Khmers rouges ne désarment pas et violent plusieurs fois le cessez-le-feu en 1991 et 1992, allant jusqu'à enlever les chefs d'un camp de réfugiés, continuant de semer la terreur dans différentes régions où ils gagnent du terrain et s'en prenant toujours aux Vietnamiens de souche. Pol Pot prévoit, dans un plan confidentiel, de poursuivre l'« offensive stratégique » dans les campagnes. Le 2 septembre 1992, Sihanouk annonce que les élections auront lieu sans le PKD, qu'il conviendra d'« écarter ». Dix jours plus tard, il tente, avec le général Akashi, responsable de l'APRONUC, de rallier les Khmers rouges au processus de paix, mais n'obtient pas de résultat[118]. Tout en maintenant l'existence du Parti du Kampuchéa démocratique, les Khmers rouges créent un nouveau parti pour les représenter, le Parti de l'unité nationale cambodgienne - dirigé par Khieu Samphân et Son Sen - qui annonce son intention de participer aux élections prévues en mai 1993, mais néglige ensuite d'enregistrer ses candidatures et tente de saboter le scrutin. En janvier 1993, les Khmers rouges réaffirment leur intention de boycotter les élections. L'APRONUC renonce finalement à organiser le scrutin dans les zones sous leur domination[119]. En 1993, les Khmers rouges contrôlent plus d'un demi-million de Cambodgiens, soit quatre fois plus qu'en 1991[120].

Les Khmers rouges exclus du jeu politique

Même si contre toute attente, les élections tenues dans le reste du pays sont un succès pour la démocratie, une crise politique ne tarde pas à éclore. En effet, certains membres du Parti du peuple cambodgien (PPC) - l'ancien Parti révolutionnaire du peuple du Kampuchea de la République populaire du Kampuchéa, arrivé en seconde position - dont l'un des fils de Sihanouk Norodom Chakrapong, menacent de faire sécession et de créer une république dissidente dans l'Est du pays, où ils sont majoritaires[121]. Norodom Sihanouk, entretemps renommé chef de l'État par la nouvelle assemblée constituante, doit créer un système de « double gouvernement », chaque ministère étant chapeauté par deux ministres de deux camps politiques opposés. Le prince Norodom Ranariddh (FUNCINPEC et fils de Sihanouk) devient ainsi « premier Premier ministre », alors que Hun Sen (PPC) est nommé « deuxième Premier ministre ». En septembre, la monarchie est rétablie et Sihanouk redevient roi. Les Khmers rouges restent cependant exclus, de leur propre fait, de la « réconciliation nationale ». Financés par le commerce du bois précieux et leurs accords d'exploitation minière avec des sociétés thaïlandaises (activités qui leur rapportent environ 200 milliards de dollars par an), ils continuent la lutte armée tandis que les tensions entre les deux formations au pouvoir se multiplient. Le 6 juillet 1994, l'assemblée cambodgienne décrète les Khmers rouges « hors-la-loi »; les deux premiers ministres demandent à l'ONU l'instauration d'un tribunal spécial pour juger les dirigeants du Kampuchéa démocratique[122].

La défection de Ieng Sary (« Frère numéro 3 ») a porté un coup fatal aux Khmers rouges en 1996.

Pol Pot demeure actif au sein du mouvement, mais il est physiquement très affaibli par de graves problèmes de santé. En septembre 1994, il aurait ordonné l'exécution des trois jeunes routards occidentaux capturés lors de l'attaque d'un train[123], après avoir en vain réclamé une rançon et l'abrogation du décret mettant ses partisans hors-la-loi[124].

En secret, le FUNCINPEC négocie le ralliement de la faction basée à Pailin, et dirigée par Ieng Sary, beau-frère de Pol Pot. Le 8 août 1996, Ieng Sary annonce sa rupture avec Pol Pot et, avec environ 4 000 hommes, se range dans le camp de Hun Sen. Ce dernier intègre les hommes de Ieng Sary aux troupes gouvernementales, malgré l'hostilité de Sihanouk[125]. La défection de Ieng Sary porte un coup décisif aux Khmers rouges qui, à la fin de l'année 1996, ont perdu presque toutes leurs bases de l'intérieur et se trouve confinés sur une bande de jungle de quelques centaines de kilomètres carrés. Nuon Chea et Son Sen se voient reprocher la perte de leurs bases du sud, et sont privés de responsabilités. Pol Pot envisage alors un retour à l'action politique légale : les Khmers rouges annoncent la création de deux nouveaux partis politiques, un « Parti paysan » et un « Parti de la solidarité nationale » dirigé par Khieu Samphân. Mais le mouvement n'est plus en situation de revenir dans le jeu électoral[126].

Fin des Khmers rouges

Chute de Pol Pot

Article détaillé : Crise cambodgienne de 1997.

En 1997, le général Nhiek Bun Chhay poursuit des négociations avec la faction khmère rouge basée à Anlong Veng, fidèle à Pol Pot, Ta Mok et Khieu Samphân[127]. Dans le même temps, la tension entre le FUNCINPEC et le PPC atteint de tels sommets que plusieurs responsables du parti de Norodom Ranariddh décident de s'allier avec plusieurs autres partis, dont les Khmers rouges. Les contacts avec ces derniers se passent cependant fort mal : lorsque l'hélicoptère des négociateurs du FUNCINPEC se pose en zone khmère rouge, il est pris d'assaut, apparemment sur ordre de Pol Pot qui n'avait pas été informé de la raison de leur arrivée. Les quinze émissaires sont enfermés dans des cages de fer; seuls quatre hommes survivent à leurs cinq mois de captivité. Des contacts directs sont finalement établis et, le 1er juin, Norodom Ranariddh rencontre Khieu Samphân pour convenir d'un front uni. Le FUNCINPEC commet alors l'erreur de préciser publiquement, sans en avoir référé auparavant à Khieu Samphân, que l'accord prévoit l'exil de Pol Pot, Ta Mok et Son Sen. La radio khmère rouge dément aussitôt l'accord. Sihanouk, de son côté, publie une déclaration affirmant qu'il exclut d'accorder son pardon à Pol Pot et Ta Mok, mais pas à Son Sen[128]. Pol Pot se serait alors cru trahi par Son Sen et, le 10 juin, il fait exécuter ce dernier, ainsi que son épouse l'ancienne ministre Yun Yat, leur fils et neuf gardes du corps[127].

L'assassinat de Son Sen amène Ta Mok à craindre pour sa propre sécurité : le 11 juin, il prend les devants, rassemble ses troupes et réalise un coup de force contre Pol Pot, qui prend la fuite avec ses hommes, transporté dans un hamac car son état de santé ne lui permet pas de marcher. Les troupes de Pol Pot se dispersent, et lui-même est capturé le 18 juin[129]. Le 28 juin, Khieu Samphân annonce la fin définitive du gouvernement khmer rouge, sa rupture avec Pol Pot et son soutien sans condition au gouvernement[127]. La signature définitive de l'accord entre Khieu Samphân et Norodom Ranariddh est prévue pour le 6 juillet, afin d'intégrer les restes des Khmers rouges dans le front uni du FUNCINPEC; mais, le 5 juillet, Hun Sen réalise un coup de force contre Ranariddh, et évince ce dernier du pouvoir[130].

Le 25 juillet 1997, lors d'une réunion publique, Pol Pot est condamné à la « prison à vie ». Gravement malade, il est dans les faits assigné à résidence. Ses trois commandants militaires sont exécutés[131]. Ta Mok, désormais chef officiel des Khmers rouges, demeure en fait à la tête de quelques centaines d'hommes, qui se livrent apparemment au brigandage pour pouvoir survivre[132].

Défaite finale

En 1998, les offensives dans la région des forces armées royales khmères disloquent encore un peu plus les troupes khmères rouges. Le district d'Along Veng, quartier général des Khmers rouges depuis 1994, est pris le 29 mars, grâce à la défection de l'un des commandants de Ta Mok. Ke Pauk se rend également, tandis que Ta Mok prend la fuite avec ses derniers fidèles. Le 15 avril, alors que l'armée cambodgienne arrive à portée de tir du dernier bastion Khmer rouge, Pol Pot est préparé pour être emmené en Thaïlande. Il succombe cependant à une crise cardiaque avant de pouvoir être évacué[133], peut-être aidé à mourir par son médecin militaire thaïlandais[134].

Le 25 décembre 1998, Khieu Samphân et Nuon Chea sont livrés aux autorités cambodgienne par l'armée thaïlandaise. Ils sont accueillis comme de hauts dignitaires, Hun Sen s'engageant à ne pas les traduire devant les tribunaux nationaux ou internationaux, au nom de la « réconciliation » nationale. Le premier ministre cambodgien refuse cependant tout pardon à Ta Mok. Le 29 décembre, Khieu Samphân et Nuon Chea présentent leurs excuses pour les morts des années 1970 et déclarent « Les Khmers rouges, c'est fini ! »[135]. L'ancienne zone khmère rouge de Pailin demeure dans les faits gérée par les hommes de Ieng Sary qui, en échange de l'impunité, conservent leur autonomie[136]. Khieu Samphân et Nuon Chea s'y installent, dans des conditions proches de la résidence surveillée[137].

Le 6 mars 1999, Ta Mok est à son tour capturé, livré par les militaires thaïlandais et incarcéré, ce qui met un point final à l'existence des Khmers rouges en tant que mouvement rebelle. Le 6 mai, un autre ancien haut responsable khmer rouge, Kang Kek Ieu alias Douch, l'ancien chef de la prison de Tuol Sleng, qui se cachait sous une fausse identité, est à son tour retrouvé et arrêté[138].

Procédures judiciaires

Khieu Samphân devant la cour.

Après de longues négociations, un accord à l'initiative de l'ONU a institué en 2003 un Tribunal Spécial pour juger les Khmers rouges, la Chambre extraordinaire au sein des tribunaux cambodgiens.

Ta Mok est mort en prison le 21 juillet 2006, avant d'avoir pu être jugé[139]. Après des années d'impunité, Nuon Chea[140], Ieng Sary, son épouse Ieng Thirith[141] et Khieu Samphân[142] sont successivement arrêtés au cours de l'année 2007.

Cinq figures du mouvement ont été à ce jour inculpées pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre :

  • Kang Kek Ieu, alias « Douch », ancien directeur du centre de torture khmer rouge S-21[143] (jugé le 17 février 2009 à Phnom Penh)
  • Khieu Samphân, ancien Président du Présidium d'État.
  • Nuon Chea, « Frère numéro 2 » président de l'assemblée nationale khmer rouge
  • Ieng Sary, « Frère numéro 3 » Vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères
  • Ieng Thirith, femme de Ieng Sary, accusée d'avoir organisé des purges du régime

Le procès de « Douch », ancien commandant du centre de torture et d'exécution de S-21 (ស-២១), installé dans le lycée Tuol Sleng (on estime de 15 000 à 17 000 le nombre des victimes des exécutions et des tortures pratiquées dans ce lieu), du 30 mars 2009 au 26 juillet 2010, a abouti à sa condamnation à 30 années de prison. Il a fait appel de sa condamnation; le parquet a également fait appel, la peine étant inférieure aux quarante ans requis par le procureur[144].

Le fonctionnement du tribunal est émaillé d’incidents. Le premier procureur international, le canadien Robert Petit, a démissionné en regrettant l’intervention des « autorités non judiciaires ». Des soupçons de corruption des juges cambodgiens ont bloqué un temps le versement du financement international au début de l’année 2009. Un nouvel incident oppose le nouveau procureur, William Smith, avec les autorités cambodgiennes depuis septembre 2009 sur l’extension des inculpations à de nouveaux suspects [145].

Le premier ministre cambodgien Hun Sen a pour sa part déclaré en 2010 ne pas envisager de poursuivre d'autres cadres Khmers rouges, ajoutant : « Nous devons penser à la paix au Cambodge »[146].

Le procès impliquant Nuon Chea, Khieu Samphân, Ieng Sary et Ieng Thirith s'est ouvert le 27 juin 2011[147],[148].

Dirigeants et personnalités

Le bureau permanent du comité central des Khmers rouges (« Centre du Parti ») pendant qu'ils étaient au pouvoir était composé de[149] :

Le leadership des Khmers rouges a peu changé entre les années 1960 et le milieu des années 1990 ;

D'autres anciens Khmers rouges ont occupé par la suite des postes à haute responsabilité dans les régimes qui ont suivi celui du Kampuchéa démocratique, tels Hun Sen (ancien commandant en second d'un régiment, devenu Premier ministre de la République populaire du Kampuchéa à partir de 1985 et toujours à la tête du pays, Heng Samrin (commandant de division, devenu ensuite le chef du gouvernement mis en place par l'armée vietnamienne en 1979, chef de l'État cambodgien jusqu'en 1991) ou Chea Sim (Secrétaire de district du Parti communiste du Kampuchéa, futur président de l'Assemblée nationale de 1981 à 1998, puis du sénat. Il est, à ce titre, chef de l'État par intérim lors des absences du roi : c'est notamment dans le cadre de cette fonction qu'il a promulgué, en 2004, les amendements nécessaires au fonctionnement des Chambres extraordinaires destinées à juger les Khmers rouges[150]. Pen Sovan, membre des Khmers issarak, a rejoint les Khmers rouges durant la guerre civile cambodgienne, mais est ensuite retourné au Nord Viêt Nam en 1974, avant leur prise de pouvoir; il a été brièvement, en 1981, premier ministre de la République populaire du Kampuchéa.

Idéologie

Uniformes des khmers rouges, noirs avec krama

Pol Pot n'a laissé aucun recueil d'écrits, ce qui peut rendre complexe l'identification des racines idéologiques précises du mouvement Khmer rouge. La plupart des principaux dirigeants du Parti communiste du Kampuchéa[151], noyau dirigeant des Khmers rouges, ont été formés politiquement durant leur séjour en France, dans les années 1950, au plus fort de la période stalinienne. Les écrits de Karl Marx, de Lénine ont été étudiés au Cercle marxiste dirigé à l'époque par Ieng Sary, mais les œuvres de Staline et de Mao Zedong, que Pol Pot jugeait « faciles à comprendre » semblent avoir eu sur eux une influence également déterminante[152]. Si la période française des dirigeants Khmers rouges semble avoir été décisive pour eux, comme en témoignent de nombreuses références à la révolution française, il n'est pas évident que la pratique et les discours du PCK ait de réelles racines françaises, à l'exception de l'admiration pour l'intransigeance de personnalités comme Robespierre. Pour Jean-Louis Margolin, « les dirigeants Khmers rouges étaient des praticiens bien plus que des théoriciens : ce sont les expériences de « socialisme réel » qui les passionnèrent vraiment »[153].

De leur première proximité idéologique avec le Parti communiste vietnamien de Hô Chi Minh, les Khmers rouges semblent avoir hérité la pratique du secret et de la dissimulation, ainsi que celle du front uni en tant que paravent politique (pratiquée, en l'occurrence, lors de leur alliance avec Sihanouk). Des contacts avec la Corée du Nord de Kim Il-sung, Pol Pot a peut-être retiré des enseignements en matière d'espionnage permanent et de purges politiques[154]. L'idéologie des Khmers rouges se veut sans modèle mais combine en fait une forme fondamentaliste de maoïsme[155] (qu'ils appliquaient « avec créativité » selon l'expression de Pol Pot devant les dirigeants chinois) avec des idées égalitaristes radicales. Le rapprochement avec la Chine conduit à une imitation des techniques de réorganisation radicale du pays observées sous le Grand Bond en avant; la Révolution culturelle paraît avoir eu relativement peu d'échos directs chez les Khmers rouges, qui en reprennent cependant l'anti-intellectualisme et la négation de la culture[156].

Les Khmers rouges semblent avoir surtout tenté de développer une forme originale de doctrine marxiste-léniniste, enracinée dans l'identité khmère. Pol Pot considérait apparemment que le marxisme devait être appliqué de manière intuitive, la connaissance des textes marxistes (non traduits en langue khmère) n'étant pas nécessaire pour les militants de base. L'idéologie communiste développée par le Parti communiste du Kampuchéa tend par ailleurs à privilégier la paysannerie par rapport au prolétariat urbain, jugé corrompu : le parti des Khmers rouges a eu la particularité de refuser l'adhésion des ouvriers, ce qui représente un choix étrange et exceptionnel pour un parti communiste. Si l'identité marxiste-léniniste du PCK est revendiquée, Marx et Lénine sont peu cités dans les textes du Kampuchéa démocratique, le marxisme khmer rouge demeurant assez abstrait[157]. Philip Short, biographe de Pol Pot, qualifie leur approche du communisme d'« illéttrée, quasi-mystique » et voit une analogie entre l'anéantissement de l'individu imposé par les Khmers rouges et celle préconisée par le bouddhisme theravāda. Les préceptes de base de cette philosophie - alors prédominante au Cambodge - auraient alors été, une fois dépouillés de leur sens religieux, mêlés au marxisme, auquel Pol Pot souhaitait apporter une « coloration bouddhiste »[158]; l'historien Ian Harris observe lui aussi des analogies notables, dans le discours et la symbolique, entre l'idéologie révolutionnaire khmère rouge et une certaine forme d'ascétisme bouddhiste[159].

La politique des Khmers rouges, après leur arrivée au pouvoir, tente de faire passer la société cambodgienne directement au stade du communisme intégral, sans la phase de transition par le socialisme préconisée par l'orthodoxie marxiste-léniniste[160].

Résolument agraires, les Khmers rouges opposent populations agricole et citadine, ces derniers étant accusés d'avoir été contaminés par l'impérialisme bourgeois. Ils prônent l'élimination des intellectuels et la rééducation des populations adultes par le travail manuel sans assistance mécanisée. Toute la politique des Khmers rouges, une fois arrivés au pouvoir, tend à faire table rase de la société ancienne, dans le but de rendre « purs » les Cambodgiens[49]. L'idéologie des Khmers rouges est également fortement teintée de nationalisme et de racisme, s'exprimant à la fois dans leurs revendications territoriales envers le Viêt Nam et dans la politique de persécution des minorités comme les Chams, ou les Khmers krom. La constitution du Kampuchéa démocratique garantit le droit à la libre pratique religieuse, tout en interdisant les religions « réactionnaires »[161]; dans la pratique, les religions sont persécutées, en pratique essentiellement le bouddhisme, dont l'Angkar planifie l'éradication, et l'islam, pratiqué par les Chams, dont les coutumes sont réprimées[162].

L'historien Ben Kiernan résume l'idéologie khmère rouge comme un mélange de « stalinisme mal digéré » et de « maoïsme inspiré par l’expérience du Grand Bond en avant », le tout associé à un projet racial d’épuration ethnique, sous-tendu par une véritable « obsession raciale » chez Pol Pot[163].

À partir de 1981, les Khmers rouges présentent un profil idéologique plus flou, leur nouveau parti s'affirmant « socialiste démocratique » et non plus communiste. La nécessité de soutiens internationaux, et l'alliance avec le FUNCINPEC et le FLNPK contraignent les Khmers rouges à tenter de se rendre plus présentables. Les derniers partis politiques créés par les Khmers rouges dans les années 1990 se sont principalement présentés comme des partis de solidarité et d'union nationale, l'une de leurs lignes politiques cohérentes demeurant la revendication territoriale sur le Kampuchéa Krom, territoire historique khmer absorbé par le Viêt Nam.

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Études historiques

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  • David Chandler, Pol Pot, Frère numéro Un, Plon, Paris, 1993, 343 p.
  • David Chandler, S-21, ou, Le crime impuni des Khmers rouges, Autrement, 2002
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  • Philip Short (trad. Odile Demange), Pol Pot : Anatomie d'un cauchemar [« Pol Pot, anatomy of a nightmare »], Denoël éditions, avril 2007, 604 p. (ISBN 9782207257692) 
  • Marek Sliwinski, Le Génocide Khmer rouge : une analyse démographique, L'Harmattan, 2000
  • (en) Michael Vickery, Cambodia, 1975-1982, South End Press, coll. « Asian studies/Politics », 1984, 361 p. (ISBN 9780896081895) 

Témoignages

Bandes-dessinées

  • Séra (Phouséra Ing), L'Eau et la Terre, et Lendemains de cendres, Delcourt,(ISBN : 978-2-84789-728-9, et 978-2-7560-0623-9)

Filmographie

  • La Déchirure de Roland Joffé (1984).
  • Un soir après la guerre, de Rithy Panh (1997)
  • S21, la machine de mort Khmère rouge réalisé par Rithy Panh (février 2004), sur les victimes et leurs tortionnaires dans le centre S-21.
  • Khmers islam de Bruno Deniel-Laurent et Guillaume Orignac, réalisé en mars 2008. Ce film s'intéresse au sort spécifique de la minorité musulmane sous les Khmers rouges; il montre aussi le travail de mémoire suscité par le procès des ex-dirigeants khmers rouges.
  • Les Khmers rouges: un procès contre l'oubli de Alexandre Dereims , 2005 - France - documentaire de 52 minutes[164] .
  • Les Rubis des Khmers rouges (film) de Olivier Weber (2011), sur les derniers Khmers rouges reconvertis dans les trafics de rubis et la traite des êtres humains, France 2.

Lieux de visite

  • Choeung Ek, à une vingtaine de kilomètres de Phnom Penh, principal lieu d'exécution de prisonniers du régime khmer rouge; il est actuellement un lieu de commémoration comprenant un musée.
  • Phnom Sampeou, montagne de la province de Battambang, qui comprenait un centre d'interrogatoire et des puits dans lesquels étaient jeté les prisonniers après leurs aveux.
  • Tuol Sleng, ancien lycée de Phnom Penh transformé en prison; il est aujourd'hui un musée et un lieu de commémoration des victimes des crimes des khmers rouges.

Notes et références

  1. Cambodian Genocide Program, université Yale
  2. Le nom de « Khmer rouge », en français dans le texte, est employé dans une grande partie des langues occidentales pour désigner le mouvement, mais généralement sans l'accord pluriel. Pour désigner collectivement les Khmers rouges, on écrit en anglais The Khmer rouge, en espagnol Los Khmer rouge, etc.
  3. Soizick Crochet, Le Cambodge, Karthala, 1997, page 97
  4. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 66-86
  5. Pol Pot le bourreau du Cambodge, pages 32-33
  6. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 88-93
  7. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 111, 126-127
  8. Histoire des Khmers, pages 13
  9. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 140-146, 157-158
  10. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 179-180
  11. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, page 24
  12. Danielle Domergue-Cloarec, in Des conflits en mutation ?, Complexe, 2003, page 80
  13. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 182-192
  14. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, 204-211
  15. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 218-221
  16. Le "petit livre rouge" de Pol Pot, ou, Les paroles de l'Angkar, pages 19-20
  17. Soizick Crochet, Le Cambodge, Karthala, 1997, pages 107-108
  18. Karl R. DeRouen, Uk Heo, Civil wars of the world: major conflicts since World War II, ABC-CLIO, 2007, page 218
  19. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 226-230
  20. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 252-261
  21. Philippe Richer, L'Asie du Sud-Est: indépendances et communismes, Imprimerie nationale, 1981, page 360
  22. Klaus Jürgen Gantzel et Torsten Schwinghammer, Warfare since the Second World War, Transaction Publishers, 1999, page 386
  23. Cambodge : au pays du crime déconcertant, page 634
  24. Gregory Procknow, Recruiting and Training Genocidal Soldiers, Francis & Bernard Publishing, 2011, pages 109-111
  25. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 279-288, 295
  26. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 294-295
  27. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 310-312
  28. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 296-308
  29. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 106-107
  30. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 314-324
  31. Cambodge : au pays du crime déconcertant, page 636
  32. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 81-85
  33. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 103-105
  34. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 327-332
  35. Ben Kiernan et Taylor Owen, dans Bombs Over Cambodia 2e page: « L'impact de ces bombardements, objet de nombreux débats depuis trois décennies, est maintenant plus clair que jamais. Les victimes civiles au Cambodge ont conduit un peuple furieux dans les bras d'une insurrection qui avait bénéficié d'un soutien relativement faible jusqu'au début des bombardements, la mise en mouvement de l'expansion de la guerre du Vietnam au Cambodge profond, un coup d'État en 1970, la hausse rapide des les Khmers rouges, et, finalement, le génocide cambodgien »
  36. New York Magazine - 5 novembre 1979.
  37. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 336-339
  38. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, page 44
  39. Une brève histoire du Cambodge, page 86
  40. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 44-45
  41. Le Cambodge des Khmers rouges: chronique de la vie quotidienne, page 13
  42. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 64-65
  43. Piotr Smolar, « "Je devrai, dans un délai qui ne pourra excéder 24 heures, livrer le nom de ces personnalités..." », dans Le Monde, 23 février 2010 [texte intégral (page consultée le 14 mai 2011)] 
  44. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 346-348
  45. Cambodge : au pays du crime déconcertant, page 638
  46. Les pierres crieront pages 14-28
  47. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 51-64
  48. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, page 371
  49. a et b Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 69-74
  50. Pol Pot le bourreau du Cambodge, pages 157-159
  51. Why did they kill?: Cambodia in the shadow of genocide, page 136
  52. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 392-393, 426-427
  53. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 121-122
  54. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 428-431
  55. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 392-394
  56. Affaires cambodgiennes: 1979-1989, page 44
  57. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 173-181
  58. J'ai cru aux Khmers rouges, pages 50-73
  59. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 187-201
  60. Le génocide au Cambodge, 1975-1979: race, idéologie et pouvoir, pages 197-205
  61. Cambodge : au pays du crime déconcertant, pages 638-640
  62. Cambodge : au pays du crime déconcertant, pages 655-665
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  80. Une brève histoire du Cambodge, page 89
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  82. Une brève histoire du Cambodge, pages 89-90
  83. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, page 497
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  142. L'ancien président khmer rouge Khieu Samphan arrêté, L'Express, 19 novembre 2007
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  145. Le Monde, mardi 8 septembre 2009
  146. KHMERS ROUGES – Hun Sen ne veut pas de troisième procès, Lepetitjournal.com, 28 octobre 2010
  147. Ouverture du procès des quatre plus hauts responsables khmers rouges, Le Monde, 27 juin 2011
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  149. Dictionnaire des khmers rouges, Institutions politiques du KD, pages 168-170
  150. (fr) Trial Watch – Kaing Guek Eav
  151. On citera Pol Pot, Khieu Samphân, Ieng Sary, Ieng Thirith et Son Sen, alors que Nuon Chea, considéré comme l'idéologue du parti, Ta Mok ou So Phim n'ont jamais résidé en France
  152. Pol Pot : anatomie d'un cauchemar, pages 92-97
  153. Cambodge : au pays du crime déconcertant, page 684
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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Khmers rouges de Wikipédia en français (auteurs)

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