- Histoire de Cannes
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À l'origine, modeste village méditerranéen de pêcheurs et de moines, son histoire est indissociable de celles des îles Sainte-Marguerite et Saint-Honorat qui sont à quelques coups de rames des rivages. Aussi, il est impossible de parler de l'histoire de Cannes sans évoquer celle des îles de Lérins.
Apparue seulement au Moyen Âge, la modeste bourgade de Cannes se développe très modestement durant l'Ancien Régime tout en étant témoin des luttes franco-anglaises et franco-espagnoles qui s'exercent essentiellement sur les îles de Lérins.
Ce n'est qu'au XIXe que la ville prend véritablement son essor, grâce notamment à Lord Henry Brougham and Vaux, grand Chancelier d’Angleterre qui en s'installant, attire l'aristocratie anglaise et européenne qui édifie de magnifiques demeures secondaires pour l'hiver. Comme la plupart des stations du littoral de la Côte d'Azur et de la Riviera, la ville connaît, grâce à cette population de prestige, un développement sans précédent. Son statut de renommée internationale n'est acquis qu'au milieu du XXe siècle par le Festival du Film.
Cannes devint rapidement une ville sur-médiatisée. Elle exerce encore aujourd'hui le même pouvoir d’attraction sur une clientèle française et étrangère fascinée par son aura de ville de star. De cette intense activité touristique, les secteurs ultra développés de l’hôtellerie, de la restauration et des commerces de luxe offrent, entre mer et soleil, une prestigieuse vitrine du luxe français.
Sommaire
Cannes avant Cannes
Une occupation protohistorique du site du Suquet
L'origine de la ville est le piton du Suquet, un excellent promontoire pour surveiller les environs et un site défensif naturel efficace pour répondre aux attaques.
La théorie selon laquelle Cannes était l’Aegitna évoquée par Polybe est aujourd'hui totalement écartée. D'après la tradition locale, les premiers hommes à avoir occupé le site semblent être les Ligures. Ils sont censés avoir bâti un oppidum au sommet de la colline. Malheureusement aucun vestige archéologique n'a jamais été découvert sur le site venant attester cette légende. La première évocation de Cannes dans les textes remonte au XIe siècle. Elle renvoie à un castrum "marcellini" (château de Marcelin)[1]. Si le terme n'est pas clair, il ne renvoie en aucun cas à un "château des Marseillais" ou à une place forte des Grecs de Marseille, comme l'ont affirmé certains érudits locaux de façon totalement abusive.
Occupation antique des îles Sainte-Marguerite
En réalité ce sont les îles qui ont intéressé particulièrement les auteurs antiques. Ce minuscule archipel au carrefour des routes maritimes offrait quelques atouts remarquables. Pour les navigateurs à voiles en provenance de l’ouest, les îles constituaient un mouillage sûr avant Antipolis (Antibes), la seule véritable ville de la région après Fréjus.
Il semble que l'île soit occupée avant le IIe siècle av. J.-C., comme le montre la présence de quelques amphores massaliètes, mais il est difficile de caractériser et de dater précisément cette occupation protohistorique. Les sources évoquent une occupation dès le néolithique, mais celle-ci n'est pas démontrée à ce jour.
Des fouilles archéologiques dans le Fort Royal ont mis en évidence un véritable habitat urbanisé pourvu d'un cryptoportique remontant à l'époque républicaine (IIe siècle av. J.-C.-début du Ier siècle av. J.-C.) et probablement abandonné à l'époque tibérienne (deuxième quart du Ier s. ap. J.-C.).
Les découvertes sous-marines et dans le secteur de l'étang du Bataiguier permettent de définir une occupation jusque durant l'Antiquité tardive, au plus tôt.
Les traces archéologiques vont dans le sens des textes des auteurs antiques comme Strabon ou bien encore Pline l'Ancien. L'archipel est évoqué comme une étape importante dans les circuits maritimes de l’époque. Strabon, voyageur et géographe grec, évoque le nom de la plus grande des îles sous le nom de Lero (d’où les îles de Lérins). Il fait mention d'un sanctuaire où on vouait un culte à un demi-dieu que les Grecs nommaient Heros et dont l'appellation la plus connue est Héraclès ou Hercule.
L'auteur romain Pline l'Ancien mentionne aussi dans ses écrits le nom des deux îles et ainsi que celui de la fortification sur la falaise : « Lero et Lerina (la plus petite) en face d’Antipolis (Antibes) où l’on se souvient de l’oppidum de « Vergoanum ».
L'archéologie, les textes antiques ainsi que le nom du lieu ("Ler" – de Lero et dans "Verg" – de Vergoanum des racines gauloise) témoignent de l'importance apportée par les communautés ligures à ce site. Cette colonie maritime, doublée d’un lieu de culte réputé était probablement très animée. Cette position géostratégique suscita l'intérêt des Romains qui, dès l’époque républicaine, s'emparèrent de l'île et fortifièrent l'agglomération qui se trouve actuellement sous le Fort Royal. Il est fort probable que les romains ont construit des remparts flanqués de tours à l’ouest de l’île. On peut encore admirer quelques vestiges en suivant le parcours historique.
Ad Horrea-Saint-Cassien
Un des sites antiques les plus importants de la commune de Cannes est sans contestation possible celui de Saint-Cassien, à la limite de la commune de Mandelieu.
De nombreuses découvertes se sont succédé depuis le XIXe s. sur la butte Saint-Cassien, dans le secteur de l'aérodrome et des terrains de sports qui se trouvent en fait sur le territoire de la commune de Mandelieu.Les traces d'occupation les plus anciennes remontent au premier âge du Fer. Elles furent mises au jour dans les années 1970 sur les pentes de la butte et au pied de cette dernière lors de l'installation de citernes. Il s'agit d'un grand nombre de céramiques modelées de belle facture appartenant à un faciès culturel provençal, associées à quelques rares céramiques importées (amphores massaliètes et puniques) remontant au Ve siècle av. J.-C. Elle ne sont malheureusement liées à aucune structure conservée, mais on devine un habitat de plein air au pied de la butte[2].
Sous les terrains de sport, à l'ouest de l'aérodrome, les traces d'une agglomération antique ont été mises au jour. L'élément architectural le plus spectaculaire est un vaste entrepôt de 1 000 m2 qui semble avoir été édifié dans le courant du Ier siècle ap. J.-C. Le site semble occupé jusqu'au VIe siècle et a livré d'importantes quantités d'objets qui montrent la vitalité du site jusqu'à cette époque au plus tôt.
Au pied de la butte on a découvert une importante nécropole d'époque romaine avec des sépultures datant du Ier siècle au IVe siècle ap. J.-C.On peut rapprocher ces découvertes de la petite agglomération de Ad Horrea à mi-chemin entre Forum Iulii (Fréjus) et Antipolis (Antibes) sur la Table de Peutinger. La présence d'une petite ville bien reliée au réseau de communications antiques à cet emplacement explique la présence d'une communauté de moines venant des quatre coins de l'empire sur les îles de Lérins.
Autres vestiges antiques dans la commune de Cannes
L'ensemble du littoral est fortement occupé à l'époque romaine, notamment autour de la Via Julia Augusta construite durant la période augustéenne qui longe la côte depuis l'Italie jusqu'au Var en passant par Antibes et Saint-Cassien notamment. Quelques traces d'occupation antiques ont été identifiées sur le territoire de la commune de Cannes.
Au centre-ville, rue de la République, les travaux de percement de la pénétrante ont permis la mise au jour d'un atelier de céramique antique qui semble avoir fonctionné entre la fin du Ier siècle av. J.-C. et le milieu du Ier siècle ap. J.-C. Il a produit de la vaisselle de table dans un premier temps[3], puis des amphores[4] destinées à conditionner la production viticole locale.
Sous la Chapelle Saint-Nicolas, des fouilles anciennes ont permis la découverte de lampes à huile de l'Antiquité tardive qui laissent entendre la présence de sépultures de cette période.
Installation des moines sur l'île de Saint-Honorat
Durant la "pax romana", l’Église chrétienne étend son évangélisation en Europe. On assiste à l'apparition et l'organisation d'évêchés ainsi qu'au développement de monastères. La plus petite île de l'archipel appelée aussi Planasia (l’île plate) voit la fondation du monastère de Lérins grâce au moine Honorat venant de la grotte du Cap Roux.
En compagnie de son ami Macaire il choisit la vie d'ermite mais son aura est telle que de nombreux anachorètes, de tous les coins de l'Occident, vinrent le rejoindre et ce, durant près de deux siècles.
Il y bâtit sept chapelles entourées de quelques cellules. En 426 saint Honorat dût accepter l'archevêché d'Arles et mourut en 429.
L’abbaye devint un centre spirituel chrétien qui forma de nombreux prélats qui partirent évangéliser l'Occident chrétien, administrer l'Église naissante, et qui pour certains d'entre eux deviendront des saints (selon certains chroniqueurs saint Patrick, saint Loup, saint Vincent de Lérins, saint Salvien, saint Césaire). Le poète chrétien Sidoine Apollinaire dira de cette île : « Cette île plate d’où tant de sommets avaient atteint le ciel ».Cannes au Moyen Âge
Haut Moyen Age : le Castrum d'Arluc
À la fin de l'Antiquité tardive, l'Empire romain se désagrège progressivement. La Provence, éloignée du théâtre des opérations des invasions barbares, en subit peu les conséquences. Elle passe sous la domination relativement théorique des Wisigoths, de l'Empire byzantin, des Francs et connaît une certaine prospérité entre le Ve et le VIIe s que l'on note par l'éclosion de grands monastères, comme celui de Lérins. Elle entretient aussi des liens commerciaux intenses avec l'ensemble de la Méditerranée, notamment l'Italie, l'Afrique du Nord, la mer Égée, la Syrie, comme le montrent les découvertes faites à Saint-Cassien. La plupart des moines de Lérins sont originaires de la Méditerranée orientale. Ils arrivent par des voies maritimes régulières. Ils s'installent à Lérins, à proximité d'une voie romaine encore fréquentée (la via Julia Augusta) et d'un petit centre urbain prospère, Ad Horrea. Le mobilier le plus récent mis au jour sous le stade de Saint-Cassien date du VIIe siècle. Il s'agit de céramiques sigillées produites en Afrique du Nord (dans l'actuelle Tunisie) et dans la région de Phocée (en Turquie).
Au début du VIIe, les moines investissent la butte Saint-Cassien. D'après la tradition lérinienne, saint Nazaire y édifie un couvent dédié à saint Étienne après y avoir détruit un temple "païen". Ce couvent devient le centre d'une agglomération, le Castrum Arluc, liée au monastère de Saint-Honorat et qui se substitue à ad Horrea.
Arluc semble prospérer jusqu'au XIe s. malgré un incendie du couvent au VIIIe s. et la mise à sac par les Sarazins au Xe s. Après la reprise en main de la Provence par Guillaume le libérateur, qui sous le prétexte de chasser les Sarrasins du Fraxinet en profite pour imposer le pouvoir féodal auquel les populations et la noblesse locale s'étaient toujours opposés[5], suscite un concurrent à Arluc en privilégiant le très modeste castrum du Suquet et son extension, Cannes.
Au XIIIe s. le village d'Arluc semble avoir disparu. Il ne subsiste plus que la chapelle Saint-Cassien qui sera détruite au XIVe reconstruite et à nouveau incendiée durant la guerre de Succession d'Autriche. Le bâtiment actuel date au XVIIIe s.
Apparition de Cannes au XIe siècle
Le pouvoir des comtes de Provence s'appuie sur les fortifications qui servent autant à se garantir d'attaques venues de la mer qu'à montrer sa puissance aux populations et à la noblesse locale, peu enclines à accepter l'ordre féodal. Parmi ces places fortes, se trouve Castellum Marcellini (le château de Marcelin), au sommet de la colline du Suquet qu'il donne à Rodoard[6], chef d'une branche de la puissante famille de la maison de Grasse, le fief d’Antibes dont Cannes fait partie, pour le récompenser de sa fidélité.
Vers l’an 1030, Guillaume Greta, fils aîné de Rodoard, entre dans les ordres comme moîne et cède une partie de ses terres à l’abbaye de Lérins. L'acte de donation de ces dernières est en même temps l'acte de création du territoire qui deviendra la commune de Cannes. Il fait mention d'un château sur la colline du Suquet, au centre d'une nouvelle agglomération qui se développe[7] ainsi que d’une église Saint-Nicolas et de son terroir (Hidelsheimer 1963, p. 31-32). Il existait encore au XIXe s. une église Saint-Nicolas à Cannes. Elle se trouvait en retrait du littoral, sur les collines qui surplombent la Croisette, entre le boulevard Carnot et la rue de la République, à l’angle de l’avenue et du chemin Saint-Nicolas[8].
L'acte de 1030 fait encore référence à un port qui n’était en réalité qu’une plage. On peut lire : De Portu Canue (forme la plus authentique). Ce nom réapparaîtra ensuite avec différentes variantes telles que Canoa, Canoas, Canois, Cano...
Vers 1080, l'abbé de Lérins Aldebert II entreprend la construction de la grande tour du Suquet pour mettre le site à l'abri des attaques des corsaires et des Sarrasins. Elle n'a été terminée que trois siècles plus tard, par l'abbé Jean de Thornafort (1365). Avec ses vingt deux mètres de hauteur elle permet de surveiller la rade de Cannes[9].
En 1131, la donation est confirmée par le comte de Provence, acte que le pape scellera lui-même. « Le Comte déclare notre cité : libre et exempte de toutes charges. Elle est devenue une terre "franche". Cela veut dire qu’elle n’a pas à payer les taxes ni les impôts comtaux… elle paiera les autres »[10].Durant cette période, le château de Marcelin prit l'appellation de château franc (1178), Castellum Francum.
On voit se développer un véritable habitat féodal avec un château, des maisons, un hôpital, des églises dont Notre Dame du Puy qui, après la construction de Notre Dame de l’Espérance, deviendra la chapelle Sainte-Anne. Ce site constitue dès lors un castrum, c’est-à-dire un village fortifié, groupé autour du château (il s'agit aujourd'hui de la place de la Castre).On observe un bâti regroupé autour du château et l’église, sur la crête et le long des pentes à l’est et au nord surtout, à l’abri des remparts : des « bàrri ». Une seule source d'eau douce coule au pied du Suquet.
Les activités du village sont l’agriculture (blé, olivier), la pêche strictement règlementée et un certain dynamisme commercial qui est étroitement lié à l'activité portuaire et à la riche et commerçante ville de Grasse qui y exporte ses tissus et ses cuirs.
Au XIVe siècle et au XVe siècle, Cannes est touchée par les grands fléaux que sont les épidémies de pestes, les guerres et les mauvaises conditions climatiques. En 1520, la peste fera disparaître la moitié de sa population. Cannes sera aussi affectée par les conflits entre les seigneurs locaux, les royaumes…
Quand Cannes passa sous l'autorité de la dynastie des comtes Catalans ce fut une période de paix et d’expansion. Peu après, les Angevins, branche cadette des rois de France, récupérèrent la Provence. Cannes se retrouva au milieu du conflit (des pirates aragonais vinrent tirer des bordées le long des rivages) qui opposait les Angevins, comtes de Provence et rois de Naples, au royaume d'Aragon.Après une série de guerres pour la succession de la reine Jeanne, le Comté de Nice devint possession du duc de Savoie en 1388. À partir de ce moment le fleuve Var devint une frontière naturelle, Cannes devint une ville frontière et se retrouva exposée aux conflits terrestres et maritimes entre les puissants. En 1481 la Provence est intégrée au royaume de France.
Cannes sous l'Ancien Régime
Durant l'Ancien Régime, Cannes continua de souffrir des conflits entre les puissances monarchiques et impériales européennes.
- La guerre entre François Ier et Charles Quint.
- En 1635, les Espagnols prirent possession des îles. Ils y édifient une fortification et s'y installent. Une bataille éclate sur les îles entre Français et Espagnols et la flotte française chasse les occupants par la force des canons. À cette occasion on employa, pour la première fois, des bateaux à fond plat capables de transporter les chevaux. C’étaient les ancêtres des barges de débarquement. Vauban fit fortifier l'île Sainte-Marguerite grâce à son système de défense moderne et efficace
- Le duc de Savoie lors de la « guerre de Trente Ans »
- Le prince Eugène et le roi Victor-Amédée II de Sardaigne au XVIIe siècle,
- La guerre de succession d’Autriche au XVIIIe siècle,
- Le maréchal Brown et ses Croates.
- Les Anglais en profitèrent d’ailleurs pour occuper les îles mais ils y restèrent très peu de temps. Le chevalier de Belle-Isle rétablit l'ordre en les chassant.
- De même, la ville était exposée aux rafles des pirates et corsaires de toutes nationalités qui vendaient leurs prises sur les marchés aux esclaves.
Sous l'Ancien-Régime le fort devient une prison d’État utilisée par tous les régimes. Plusieurs "illustres" prisonniers y séjournèrent :
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- En 1687, le mystérieux masque de fer. Il y resta onze ans.
- En 1689, six pasteurs protestants y moururent.
- En 1772, on y enferme Claude Jouffroy d’Abbans, l’inventeur du bateau à roues à aubes.
- En 1758, le comte de Monteil qui au bout de 32 ans refusa sa libération en prétextant qu'il s’y trouvait bien.
À la fin de l’Ancien Régime, en 1777, Louis XVI accorda au Cannet de se séparer de la ville de Cannes. À la même époque, les hivers rigoureux et le prix élevé du pain entraînèrent la colère des villageois qui devinrent menaçants. Lors de la guerre d’indépendance des États-Unis soixante-treize marins cannois sous les ordres de l’amiral de Grasse ont aidé les Américains à recouvrer leur liberté. Certains le payèrent de leur vie. Le poids des impôts et les inégalités devant la justice mécontentent fortement la population. Le commerce maritime favorisa la vie économique du village, mais la mer, qui débordait de son lit, menaçait les demeures des habitants. Le port de Cannes se limitait à une petite anse découpée dans les rochers au pied des remparts de la villes. Les bateaux ne peuvent accoster qu'à la Carenco dei Catalans[11] qui se trouvait au milieu de l'actuel quai Saint-Pierre, construit entre 1838 et 1841.
Cannes durant la période révolutionnaire
La période révolutionnaire commence au début de l'année 1789 par la rédaction des cahiers de doléances. À Cannes cette rédaction se fait par la réunion de la communauté dans la chapelle Notre-Dame-de-la-Miséricorde[12].
La nouvelle de la prise de la Bastille est accueillie favorablement, cet événement annonçant la fin de l’arbitraire royal et, peut-être, des changements plus profonds dans l’organisation de la France. Immédiatement après l’arrivée de la nouvelle, un grand phénomène de peur collective s’empare de la France. Des rumeurs de troupes de plusieurs milliers d’hommes en armes, soldés par les aristocrates et dévastant tout sur leur passage, se propagent à grande vitesse et provoquent la panique. On sonne le tocsin, on s’arme, on envoie des messages aux villages voisins pour se renseigner, ce qui propage la peur. Les solidarités se créent ainsi ; les milices formées à cette occasion constituent la base des bataillons de la Garde nationales. Cette Grande Peur, venant de Castellane via Roquesteron et Vence, appartenait au courant de la « peur du Mâconnais », et atteint Cannes et sa région le 3 août 1789 avant de se propager vers Digne[13].Les biens ecclésiastiques de la municipalité de Cannes furent liquidés en 1791. L’abbaye fut acquise 37 000 livres par Jean-Honoré Alziary qui la rétrocéda à sa fille, une célèbre comédienne connue sous le pseudonyme de Mademoiselle de Sainval. Elle s'y installa tout en apportant une décoration personnelle profane bien éloignée des codes artistiques de l'Église. L'évêque de Fréjus racheta l'abbaye en 1859.
La vente de la chapelle Saint-Cassien provoqua un violent élan contestataire de la part de la population. Saint-Cassien est situé sur une colline à l’ouest de Cannes chargée. Ce lieu était à l'origine une cité fortifiée médiévale rivale de Cannes (le Castrum d’Arluc) qui disparut, au XIIIe siècle. Plus tard, les Cannois bâtirent sur son emplacement une chapelle dédiée à saint Cassien. Il s'agissait d'un lieu de culte particulièrement vénéré où les Cannois avaient l'habitude de faire la fête. La population s'opposa vigoureusement à la vente et réussit à conserver ce bien ecclésiastique convoité par un notable de Grasse.
Sous la Révolution, on a débaptisé les îles de Lérins de leur nom de sainte et de saint du christianisme pour les appeler îles Marat et Lepeletier, deux martyrs des idées nouvelles qui ont tous deux péri assassinés.
Depuis 1790 et la création des départements par l'Assemblée constituante, Cannes fait partie du département du Var. Les citoyens élurent un nouveau conseil municipal avec André Fery comme premier maire de la commune. Cannes dépendit du canton d'Antibes jusqu'en 1820. Ce n'est qu'en 1823 que la ville devint chef-lieu de canton.
Les guerres d'Italie, l'occupation du comté de Nice, ont amené les passages de troupes que la cité dut approvisionné. La chapelle Sainte-Anne servit d'hôpital et de prison[12].
Cannes durant la période napoléonienne
Si la population de tradition royaliste, accueillit favorablement l’Empire à ses débuts, les guerres incessantes changèrent radicalement sa position. Le 1er mars 1815, Napoléon Ier, échappé de l’ île d’Elbe et après avoir débarqué à Golfe-Juan décida de bivouaquer à Cannes. Avec sa petite troupe, il gagna Cannes où il arriva tard et d’où il repartit tôt.
La période contemporaine
Le fort
- En 1843, la smala d’Abd El-Kader y fut assignée à résidence.
- En 1873, sous la troisième République le maréchal Bazaine fut condamné pour trahison à 20 ans de prison dans le fort. Il s'évada.
Le port
En 1838, les travaux d'aménagement d'une jetée débutent à Cannes et la communauté accueille avec beaucoup d'enthousiasme ce nouvel aménagement.
C'est grâce à l'intervention de lord Brougham auprès du roi Louis-Philippe que l'autorisation de construction du port nouveau a été donnée. Le 5 juin 1838, l'évêque de Fréjus vint bénir le premier bloc du nouveau quai Saint-Pierre. La construction dure jusqu'en 1841. Il a une longueur de 32,50 m et une largeur de 20 m. Cette largeur étant insuffisante, elle a été portée à 28 m.
Les terrains le long du quai sont vendus par les Domaines aux enchères publiques le 20 mai 1849 permettant la construction de nouveaux commerces et de nouvelles maisons[14]Cannes lieu de villégiature des grands de ce monde... du village à la ville
En décembre 1834, Lord Henry Brougham and Vaux, grand Chancelier d’Angleterre, décida d'emmener sa fille Eleonore-Louise visiter l’Italie. Cependant, le roi du Piémont fit fermer sa frontière avec la France en raison d’une épidémie de choléra. Obligé de faire demi-tour, lord Brougham décida de se diriger vers Grasse. À la tombée de la nuit, il s’arrêta à l’auberge de maître Pinchinat, dans l’actuelle rue du Port, à Cannes. Charmé par le site, l’accueil, la bouillabaisse et le vin de maître Pinchinat, Lord Brougham, qui ne devait rester que quelques jours, décida de se faire bâtir une résidence dans ce village. Deux ans plus tard, toute la haute société londonienne se pressa à Cannes pour l’inauguration d'une vaste et superbe demeure, la villa Eleonore.
En quelques années, le petit port de pêche se transforma et les nouveaux quartiers se construisirent avec villas et châteaux, et Cannes apparut alors comme “la ville aristocratique par excellence” selon l'expression de Gabriel Charmes. Dès 1837, le général britannique John Taylor fit construire le Château St-Georges. En 1838, on lança les travaux du premier port avec la construction de la jetée du quai Saint- Pierre, grâce aux interventions des colons anglais et terminée en 1841. On élargit le sentier qui serpentait le long du littoral. Baptisé “chemin de la petite croix”, il deviendra ensuite la célébrissime “Promenade de la Croisette”. En 1848, Alexandra Feodorovna Skrypitzine, la femme du consul de France à Moscou – Eugène Tripet – tomba amoureuse de Cannes et entraîna à sa suite l’aristocratie russe. En 1858, le premier immeuble s’éleva sur la Croisette : "Le Gonnet" qui est devenu plus tard, l'hôtel "Gonnet et de la Reine". Cannes était lancée.
Le 10 avril 1863, la ligne de chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée atteint Cagnes-sur-Mer. Désormais, Paris n’est plus qu’à 22 heures 20 minutes de Cannes. Le 10 avril au 31 mai 1883, on comptait déjà à Cannes un mouvement de 19 430 voyageurs.
En 1868, on inaugure dans la liesse le canal de la Siagne qui amène l'eau potable à Cannes.
Entre 1856 et 1863 est réalisée la Croisette. Cette promenade permet en 1864 de construire une série de bâtiments : Hôtel Gonnet, Grand Hôtel, Cercle Nautique et une quinzaine de villas.
Entre 1881 et 1883, à l'initiative d'Henri Germain, député et président du conseil d'administration de la Société Foncière Lyonnaise, filiale du Crédit Lyonnais, qui avait acquis l'ensemble des terrains situés au nord de la voie ferrée, réalisation du boulevard Carnot[15] qui monte en ligne droite vers Le Cannet. Cette artère va permettre l'urbanisation de part et d'autre entre 1900 et 1914.À la fin du XIXe, on voit apparaître les tramways, le célèbre hôtel Carlton. On construit un établissement de luxe pour la riche clientèle d’hiver ; on édifie le casino municipal. Ces établissements sont le cœur des "soirées mondaines" à Cannes, il s'y déroule toutes les manifestations de prestige.
L'ancienne route d'Antibes, devenue la rue d'Antibes, voit la construction de 119 bâtiments avant 1914.Le début du XXe accueille de nouveaux palaces de rêve comme le Miramar, le Martinez… La ville se modernise avec la construction du Palais des Sports, l'installation de tramways, l'ouverture de bureaux de poste, l'apparition d'établissements scolaires comme le lycée Carnot construit entre 1912 et 1913 par l'architecte Camille Mari. Ces grands projets ne seront possibles qu'après la terrible guerre de 14-18.
Durant cette période, le village devient ville et s’agrandit vers l’ouest au quartier de La Bocca. Sa population passe de 3 000 habitants en 1814 à 30 000 en 1914 pour atteindre aujourd'hui environ 72 400.
La Grande Guerre met un coup d’arrêt au développement de la ville. Les hôtels sont transformés en hôpitaux. En 1919, la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge (aujourd'hui Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge) fut fondée dans cette ville.
Après guerre, c'est le temps des "années folles". Tout ce que compte l'Europe de gloires mondaines et de majestés en exil, ou simplement de villégiature, s'y côtoient amicalement : roi de Suède, roi de Portugal, shah de Perse et une multitude de princes russes. Les beautés tapageuses du Tout-Paris font cortège aux rois pour égayer les nuits blanches et susciter quelques scandales dont s'alimente la presse parisienne. Les artistes sont aussi présents pour fixer les traits à la mode. Van Dongen montre alors la voie à Jean-Gabriel Domergue. Parallèlement, au milieu de tout ce faste, Cannes, station d’hiver, développe sa vocation de station d’été avec la vogue des bains de mer et la mode du bronzage. Le 5 avril 1929, le maire André Capron inaugure le Casino d’été qui sera ensuite baptisé Palm Beach Casino[16], par l'architecte niçois Roger Séassal et l'entrepreneur parisien de maçonnerie Rouzaud et fils, pour François Chauvelot, administrateur délégué de la Société Cannes Balnéaire.
Grâce aux congés payés de 1936, les touristes « populaires » viennent s’ajouter aux vacanciers aisés au sein de la station balnéaire, ce qui n'est pas sans susciter des mécontentements.Cannes pendant la seconde guerre mondiale
Durant la seconde guerre mondiales Cannes connaît les restrictions. Située en zone sud, elle est occupée par les italiens à partir de novembre 1942 puis par les allemands à partir de novembre 1943. Plusieurs résistants paient de leur vie leur engagement pour la liberté tués au combat (Léon Noël, Marius Jourdan, Jean Haddad-Simon...), fusillés ou déportés (Claude Levisalles, Maurice Derché...). Ange-Marie Miniconi dit Commandant Jean-Marie (1911-1988), résistant y dirigea un important réseau de résistance. c'est grâce à lui que la destruction de la ville fut évitée.
Le 15 août 1944, jour du débarquement en Provence, la Gestapo cannoise massacre 8 résistants dans le sous-sol de son siège à la villa Montfleury. La ville est libérée le 24 août 1944 par l'action combinée de la résistance (M.U.R., F.T.P.F....) et des alliés. Trois F.F.I. sont tués (Léon Goyet tué à Saint-Cassien le 23 août, Francis Tonner et Henri Bergia tué par un bombardement allié dans la plaine de la Siagne le 23 août).
Cannes du milieu du XXe siècle au XXIe siècle
En 1939, le gouvernement français décida l'instigation d'un Festival international du film. La ville de Cannes fut choisie pour « son ensoleillement et son cadre enchanteur ». La guerre différa sa première édition.
En 1945, l’Association française d’action artistique reçut de nouveau la mission de préparer pour l’année suivante un Festival sous l’égide du ministère des Affaires étrangères, du ministère de l’Éducation nationale et, à partir de 1946, du Centre national de la cinématographie nouvellement créé. Malgré les difficultés de l’époque, le Festival de Cannes fut la première grande manifestation culturelle internationale d’après guerre. À l’exception de 1948 et 1950, le festival devint un rendez-vous annuel d’abord en septembre puis, à partir de 1951, en mai. S’affirmant comme le lieu de rencontre privilégié du cinéma mondial, la manifestation acquit une notoriété se fondant sur l’équilibre entre la qualité artistique des films et leur impact commercial.
Elle est très fréquentée par une clientèle française et étrangère fascinée par son aura de ville de star. De cette intense activité touristique, les secteurs ultra développés de l’hôtellerie, de la restauration et des commerces de luxe fournissent une vitrine prestigieuse au luxe français.
À l'initiative du maire Bernard Cornut-Gentille, de grands travaux sont entrepris sur le boulevard de la Croisette entre 1960 et 1963 permettant son élargissement. De 1964 à 1965, construction du second port de Cannes consacré au yachting, le port Pierre Canto. En 1967 commence les travaux de couverture de la voie ferrée. Cette couverture et la nouvelle gare de Cannes sont inaugurées en 1974.
Par ailleurs, s'y est implantée une industrie spatiale de premier niveau européen, sur le Centre spatial de Cannes Mandelieu, qui en fait la première entreprise des Alpes-Maritimes.[réf. nécessaire]
Références
- Hildelsheimer 1953.
- PELLEGRINO (E.) – Le mobilier de Saint-Andrieu (Villeneuve-Loubet) et de Saint-Cassien (Cannes), deux sites protohistoriques côtiers des Alpes-Maritimes, BULLETIN ARCHÉOLOGIQUE DE PROVENCE,N° 31-32, 2002-2003
- Emmanuel Pellegrino, Production de céramiques dans les Alpes-Maritimes dans l’Antiquité : de l’imitation des céramiques campaniennes aux céramiques à pâte claire locales, Rivista di Studi Liguri, LXVII-LXVIII, 2001-2002, pp. 191-207.
- La Production des amphores en Gaule narbonnaise / F. Laubenheimer. - Paris (FR) : Les Belles Lettres, 1985. - 466 p. . - (Ann. litt. univ. Besançon : cent. rech. hist. anc. ; 66)
- Jean Pierre Poly La Provence et la société féodale (879-1166), Paris, 1976.
- Foundation for Medieval Genealogy : seigneurs d'Antibes
- Blanc (F.), Historique du château de Cannes, SL, 2001, 112 p
- ISBN 2-903574-75-8), il est fait référence de deux dates, vers 990 (page 8), et une charte datée de 1001 (page 15) pour cette donation du site dénommé castrum Marcellium par Guillaume dit Gruetta, second fils du comte d'Antibes Rodoard, au moment où il prend l'habit de moine à l'abbaye de Lérins (Abbé Alliez, Les Iles de Lérins, Cannes, et les rivages environnants, p. 213 Google Livres p. 213 Remarque : Dans le chapitre sur l'histoire de Cannes du livre "Cannes et ses rues" de Pierre Ipert (
- Cannes et ses rues, p. 8, op. cité
- Google Livres : Abbé Alliez, Les Iles de Lérins, Cannes, et les rivages environnants, p. 432, Paris, 1860
- Cannes et ses rues, p. 16, op. cité
- Cannes et ses rues, p. 17, op. cité
- Michel Vovelle, « Les troubles de Provence en 1789 », carte 154 et commentaire, in Baratier, Duby & Hildesheimer, Sous la direction d’Édouard Baratier, Georges Duby, et Ernest Hildesheimer, Atlas historique. Provence, Comtat Venaissin, principauté d’Orange, comté de Nice, principauté de Monaco, Librairie Armand Colin, Paris, 1969
- Cannes et ses rues, p. 30-31, op. cité
- Notice no IA06000592, sur la base Mérimée, ministère de la Culture : Avenue dite boulevard de la Foncière Lyonnaise, actuellement boulevard Carnot
- Notice no IA06000113, sur la base Mérimée, ministère de la Culture : Casino d'été du Palm Beach
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