Fusillés de la villa Montfleury à Cannes

Fusillés de la villa Montfleury à Cannes
La stèle commémorative érigée en 1948 au niveau du 42 boulevard Montfleury.

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Les fusillés de la villa Montfleury sont 8 résistants qui ont été fusillés collectivement le 15 août 1944, jour du débarquement en Provence, par la Gestapo cannoise à Cannes (Alpes-Maritimes) dans le sous-sol de son siège la villa Montfleury.

Aujourd'hui, une stèle commémorative rappelle cette exécution collective. Elle se trouve au niveau du 42 boulevard Montfleury à Cannes (Alpes-Maritimes). Une cérémonie commémorative y a lieu tous les 15 août.

Ce sont cependant 12 résistants qui se trouvent ce 15 août 1944 dans les 4 cellules de la villa Montfleury (10 hommes et 2 femmes) : 10 sont fusillés mais deux survivent, un réussi à s'enfuir au début du massacre, une autre est épargnée.

La Gestapo niçoise a elle aussi fusillé des résistants le jour du débarquement en Provence, 21 résistants (ainsi que deux collaborateurs) sont fusillés à Nice (Alpes-Maritimes), au quartier de l'Ariane, le long du Paillon. Deux autres résistants ont déjà été fusillés à l'Ariane le 22 juillet 1944.


Sommaire

La villa Montfleury : le siège de la Gestapo cannoise

Le 3 septembre 1943, les italiens signent l'armistice avec les alliés. Il est rendu public le 8 septembre.

Article détaillé : Armistice de Cassibile.

La 4e armée stationnée dans le sud-est de la France se replie dans la panique pour ne pas être faite prisonnière par l'armée allemande qui vient occuper la zone italienne.

Les allemands prennent le contrôle de l'ancienne zone d'occupation italienne dans les Alpes-Maritimes et s'installent donc aussi à Cannes (Alpes-Maritimes).

La Gestapo choisit la villa Montfleury comme siège. Dans les caves du sous-sol sont aménagées quatre cellules. Chaque cellule est fermée par une grille. Le couloir qui permet d'accéder aux cellules est fermé par une barrière métallique. De nombreux résistants, juifs et réfractaires y ont été enfermés et pour beaucoup torturés (Hélène Vagliano[1], Léon Noël...)[2].

En juin 1944, une nouvelle équipe de la Gestapo s'installe à la villa Montfleury. Le chef est le capitaine Hans Josef Moser accompagné parfois par sa maîtresse, la danseuse italienne Hélène Monti. Il est accompagné de deux officiers adjoints. Le lieutenant Willy Bauer, ancien garçon brasseur qui est accompagné par sa maîtresse Lucienne d'Amore épouse Poggi surnommée Lily. Il y a également le lieutenant Richard Held surnommé lieutenant Richard, Français mosellan condamné trois fois pour vol. Il est l'interprète à la petite moustache et aux lunettes rondes. Il est accompagné par sa maîtresse Berthe Blanchet épouse Jaubert, une Française domiciliée avenue des palmiers[3]. À ces trois officiers et leurs maîtresses s'ajoutent August Wierges (intendant), son épouse Adèle domiciliée à Monte-Carlo (Monaco) et le Bavarois Bilhartz, bon joueur de piano. Le chauffeur Barthélémy est à leur service ainsi que deux domestiques françaises : Marie-Louise et Madeleine[4].

L'action des Groupes d'Action du Parti Populaire Français (G.A. - P.P.F.)

La Gestapo peut compter sur les services d'auxiliaires français. Ce sont les Groupes d'Action du Parti populaire français de Jacques Doriot (Les G.A. - P.P.F.).Ils ont été officiellement créés en mai 1944 suite à une proposition écrite de Simon Sabiani, adjoint de Doriot, dans une lettre datée du 6 octobre 1943 à destination d'Heinrich Himmler, chef des S.S. (Schutzstaffel) et de la Gestapo[4].

Le quartier général des G.A. - P.P.F. de Cannes est l'hôtel Cavendish. Ils possèdent également une sorte de dépôt pour leur basses besognes à la villa Conchita située dans le boulevard Carnot et aujourd'hui remplacée par un immeuble[4].

Ces gestapistes cannois sont habillés en civil mais armés[4]. Ils sont dirigés par Charles Palmieri surnommé Merle d'où leur surnom d' « équipe Merle ». L'autre responsable est Auguste Brisset. La direction départementale est entre les mains d'Honoré Goyeneche basé à Nice à l'hôtel Columbia. L'équipe des G.A. - P.P.F. cannois est composée de Bruno Allegri, Eugène Auda, Joseph Bolla, Guido Comis, Joseph Court, André Favier, Eugène Gaillard, Lucien Garino, Émilien Goleto, Pierre Gravino, Paul Malaguti, Sylvio Mugnai, Antonin Occera, Vincent Orizone, Jean-Paul Pallanca, Marcel Protiere, un homme surnommé Simon, Ellio Testi, un homme surnommé Toto et Levanti Viola[5].

Ces hommes déterminés puisque irrémédiablement compromis avec l'occupant allemand sont très efficaces car beaucoup connaissent parfaitement Cannes. Paul Malaguti est ainsi né dans le quartier populaire du Suquet. Il est domicilié 10, rue Georges Clemenceau. Il travaille comme livreur avant de s'engager comme auxiliaire de la Gestapo[6]. Ils sont souvent jeunes (Paul Malaguti est né le 20 avril 1927 et s'engage donc à lâge de 17 ans), socialement déclassés et analphabètes. 70 % d'entre eux ont déjà eu affaire à la justice[7]. Ils font partie du sous-prolétariat (le lumpen proletariat) évoqué par Karl Marx. L'engagement dans les G.A. - P.P.F. leur donne un pouvoir immense et un sentiment de toute puissance. Leur position de gestapiste leur fournit les moyens pour une énorme revanche sociale.

Si pour certains, cet engagement dans les G.A. - P.P.F. est un engagement idéologique, il s'agit aussi et surtout d'un moyen de s'enrichir rapidement. Les G.A. - P.P.F. touchent en effet « 2.500 francs par mois plus une prime pour chaque juif, réfractaire ou résistant arrête et livré, plus les à-côtés juteux des vols, pillages ou rançons ordinaires[4] ». Ils fournissent au minimum une affaire par jour à leurs maîtres[6].

Après la Libération, dans son numéro 4 du 2 octobre 1944, le journal L'Ergot réalise une enquête sur les agissements des G.A. - P.P.F.. L'exemple de l'affaire Smilévitch est révélateur de leurs agissements et de leurs pouvoirs. Le soir du 23 juin 1944, un groupe de trois gestapistes quitte la villa Conchita pour une chasse aux juifs. Il est dirigé par Auguste Brisset qui est accompagné par Paul Malaguti et Jean-Paul Pallanca. Ensemble, ils arrêtent trois juifs : Roffman, son frère et le beau-frère du frère. Ils les conduisent à la villa Conchita pour les interroger. Ils savent qu'ils vont toucher une prime pour ces arrestations ou bien une rançon. Un homme survient alors à la villa. Il s'agit de Samuel Smilévitch[8]., le secrétaire de la Maison des Prisonniers de Cannes. Grand blessé, il est invalide de guerre à 60 %. Il a obtenu la croix de Guerre avec 7 citations et la médaille militaire. Il se présente et essaie de faire libérer les trois juifs arrêtés. Face au refus des trois G.A. - P.P.F., il se retire. Ceux-ci se rendent compte après coup que le nom Smilévitch est à consonance juive et prévoient de le rechercher le lendemain. Le 24 juin 1944, un groupe de 5 G.A. - P.P.F. quitte la villa Montfleury. Il s'agit de Paul Malaguti, Jean-Paul Pallanca et des surnommés Simon et Toto. Ils sont dirigés Par Charles Palmieri (alias Merle) en personne. Ils vont d'abord arrêter un dénommé Levy dénoncé par un Français. L'adresse est cependant incertaine et sur place ils tombent sur un couple Lecuyer qu'ils emmènent tout de même à la villa Conchita pour vérification. Monsieur Lecuyer est giflé lorsqu'il s'obstine, papiers à l'appui, à ne pas être israélite et à ne pas s'appeler Levy. Les Lecuyer sont cependant relâchés. Les G.A. - PP.F. voient alors passer dans la rue Samuel Smilévitch qui se promène avec sa femme. Ils sont arrêtés et conduits à la villa Conchita. Charles Palmiéri conduit l'interrogatoire. Samuel Smilévitch donne son identité mais refuse d'en dire davantage. Il est frappé puis Charles Palmieri lui propose un marché. Il va rentrer chez lui et préparer une liste des juifs cannois qu'il connaît pour pouvoir les arrêter. Ainsi, il ne sera plus inquiété. En attendant, sa femme est gardée en otage. Le lendemain, Samuel Smilevitch revient à la villa Conchita mais sans la liste. Furieux, les G.A. - P.P.F. le frappent et le torturent pour obtenir de lui une liste de juifs. Face à la résistance de Samuel Smilévitch, les G.A. - P.P.F. le livrent à la Gestapo à la villa Montfleury. Là, Samuel Smilévitch est de nouveau frappé et torturé. Face à son refus de parler, le lieutenant Richard Held finit par lui tirer une balle dans la tête le 24 ou le 25 juin 1944. Son corps est retrouvé par un promeneur à Mougins (Alpes-Maritimes), quartier de la crémaillère, dans un sentier au bord de la route nationale allant de Cannes (Alpes-Maritimes) à Grasse (Alpes-Maritimes). Une enquête de police est tout de même menée. Elle montre le rôle joué par les G.A. - P.P.F.. Le commissaire de police Augustin Isnard de la sûreté de Nice décide d'investir l'hôtel Cavendish, le siège du G.A. - P.P.F. cannois vers 10 heures 30. Il est accompagné des inspecteurs Charpentier, Espel, Favier et Pietrera, tous armés. Ils arrêtent Auguste Brisset et les G.A. -P.P.F. présents et les emmènent, menottes aux mains, à l'hôtel de police. Là, ils sont identifiés, photographiés, interrogés et, piteux, reconnaissent leurs actes criminels. C'est alors que surgissent des S.S. armés, conduits par le capitaine Moser, le chef de la Gestapo cannoise en personne. Les G.A. - P.P.F. sont délivrés et les agents de police sont arrêtés à leur tour et conduits à la villa Montfleury. Ils sont enfermés durant trois heures dans les cellules du sous-sol. Ils sont ensuite relâchés tout en subissant de terribles menaces. Le dossier Smilévitch est clos par la police[9]. Cet assassinat n'est cependant pas oublié à la Libération et Samuel Smilévitch est honoré comme un résistant[10].

L'affaire Pellegrino-Albertini illustre les actions du G.A. - P.P.F. dans sa chasse aux résistants et aux réfractaires au travail obligatoire. Le lundi 17 juillet, le résistant Jean-Baptiste Albertini et le réfractaire au Service du travail obligatoire (S.T.O.) Marin Pellegrino sont arrêtés dans la rue, boulevard Carnot, et conduits à la villa Conchita. Jean-Baptiste Albertini est relâché, faute de preuves. Marin Pellegrino est gardé pour être envoyé en Allemagne. Le G.A. - P.P.F. Paul Malaguti, armé, le surveille. Jean-Baptiste Albertini parvient cependant à faire évader Marin Pellegrino le 27 juillet 1944. Les G.A. - P.P.F. Paul Malaguti, Joseph Court et Jean-Paul Pallanca (surnommés le « trio ») se lancent immédiatement à leur poursuite. Paul Malaguti connaît la famille Pellegrino et fonce chez eux. Il est environ 22 heures. Ils trouvent seulement madame Pellegrino. Ils partent alors interroger deux amis de Jean-Baptiste Albertini. Ils arrivent chez le carrossier Arthur Curcio au 26 avenue du Camp Long. Il prétend ne rien savoir mais les G.A. - P.P.F. l'enlèvent et le conduisent chez Maurice Lanzo, fourreur domicilié rue Walter Scott. Apeurés et menacés, les deux hommes fournissent quelques indications. Jean-Baptiste Albertini est finalement arrêté vers minuit chez son oncle, rue Prince de Galles, où il se cache. Il refuse de trahir Marin Pellegrino et les G.A. - P.P.F. le livrent à la Gestapo, villa Montfleury. Jean-Baptiste Albertini fait partie des fusillés du 15 août 1944[11].

Les G.A. - P.P.F. parviennent à faire tomber un groupe de résistants en août 1944. Le 7 août 1944, Marcel Neydorff, résistant du M.L.N. d'Antibes, rencontre un jeune homme qui lui annonce vouloir rejoindre le maquis. Marcel Neydorff l'oriente vers un ami résistant de Vence, le douanier Marius Martini. Le jeune patriote est en fait un des membres du G.A. - P.P.F.. Marcel Neydorff est arrêté et livré à la Gestapo cannoise à la villa Montfleury. Il est torturé par les agents de la Gestapo. Il craque probablement[12]. Le 9 août, tous les G.A. - P.P.F. sont mobilisés par la Gestapo pour aller arrêter les membres du groupe de résistance de Marcel Neydorff. Ils arrêtent le douanier Marius Martini de Vence, le fontainier de la compagnie des eaux d'Antibes Louis Balesi, son beau-frère Hippolyte Séguran de Cagnes-sur-Mer, Gustave Biny et Alfred Froidurot[13].

12 résistants dans les cellules

Le 15 août 1944, ce sont donc 12 résistants (10 hommes et deux femmes) qui se trouvent dans les 4 cellules situées au sous-sol de la villa Montfleury[14].

Deux femmes, Concetta Biacca d'Antibes et une tchèque à l'identité inconnue, se trouvent dans la cellule numéro 2[13].

Dans les trois autres cellules se trouvent Jean-Baptiste Albertini arrêté par les G.A.-P.P.F. dans la nuit du 27 au 28 juillet 1944 et livré à la Gestapo, Pierre Chalmette ancien de Vallauris arrêté le 25 juillet 1944, Georges Krengel du Cannet, l'inspecteur de police Edouard Negri, Marcel Neydorff de Cannes arrêté le 7 août 1944 par les G.A. - P.P.F. et livré à la Gestapo, Marius Martini de Vence, Louis Balesi d'Antibes, Hippolyte Séguran de Cagnes-sur-Mer, Gustave Biny et Alfred Froidurot, tous les cinq arrêtés le 9 août 1944 par les G.A. - P.P.F. et livrés à la Gestapo[13].

Le 15 août 1944 : Le drame se prépare

Le 15 août 1944 a lieu le débarquement en Provence. Les combats ont lieu dans le Var mais la population cannoise perçoit depuis la veille les échos des bombardements alliés réalisés par l'aviation et les forces navales. De nombreux avions alliés passent dans le ciel azuréen.

Article détaillé : Débarquement en Provence.

À la villa Montfleury, c'est l'effervescence. Dans les cellules, les résistants sont partagés entre joie et angoisse. Que vont décider les agents de la Gestapo ? Que va-t-on faire d'eux ?

Le capitaine Hans Josef Moser passe son temps au téléphone pour obtenir un ordre de ses supérieurs de Nice. Pendant ce temps ses lieutenants Willy bauer et Richard Held brûlent dans le jardin les documents compromettants (dossiers, lettres de dénonciations...). L'intendant August Wierges et le bavarois Bilhatz portent des caisses. Les femmes et maîtresses sont présentes avec leurs bagages bouclés (Hélène Monti, Berthe Blanchet et Adèle Wierges) à l'exception de Lucienne d'Amore épouse Poggi surnommée Lily. Le chauffeur Barthélémy s'active. Trois feldgendarmes requis par Moser sont là. Ils doivent protéger la fuite du groupe vers Nice et l'Italie. Une équipe de quatre G.A. - P.P.F. est venue de la villa Conchita pour assurer la sécurité et essayer d'obtenir de l'essence pour s'enfuir. Il s'agit de Paul Malaguti, Bruno Allegri, Lucien Garino et Joseph Court. Hans Moser n'est pas tranquille avec les douze résistants et le stock d'armes entreposés au sous-sol de la villa. Il place Paul Malaguti comme sentinelle à la grille de la villa[15]. Il est armé d'une mitrailleuse et d'un 6.35[16].

Les agents de la Gestapo cannoise reçoivent enfin l'ordre d'évacuer leur siège de Cannes (Alpes-Maritimes) et de rejoindre la villa Trianon au quartier Cimiez à Nice (Alpes-Maritimes), siège de la Gestapo niçoise. Que faire alors des douze prisonniers ? Il faut les liquider.

Vers dix-neuf heures, un dîner est servi à la villa Montfleury. Le chauffeur Barthélémy est allé chercher la domestique Marie-Louise chez elle pour le préparer. La table compte neuf couverts (capitaine Moser et Hélène Monti, le lieutenant Bauer, le lieutenant Held et Berthe Blanchet, Bilhartz et les trois feldgendarmes). Au menu : jambon, viande froide, salade, fruits. Quatorze bouteilles de vin du Rhin et de champagne sont bues. Les autres (Wierges, sa femme et le chauffeur Barthélémy dans la cuisine) mangent sur le pouce. Paul Malaguti continue à monter la garde. La domestique Marie- Louise distribue une soupe aux prisonniers. Ceux-ci se disent que s'ils sont nourris, ils ne vont peut-être pas être éliminés[16].

Vers vingt heures, un premier convoi part direction la villa Trianon à Nice. Moser, Bauer et Held restent ainsi que Paul Malaguti. On ignore si un ou plusieurs feldgendarmes sont encore là[16].

20 heures 30 : le massacre

À 20 heures 30, le chef de la Gestapo cannoise (Moser) et ses deux lieutenants (Held et Bauer) descendent au sous-sol vers les cellules. Moser fait sortir la prisonnière tchèque de la cellule numéro 2 où elle est enfermée avec Concetta Biacca. Il lui dit « Heraus ! » (« Sors d'ici ! ») et elle disparaît rapidement par l'escalier. On ignore son identité, ce qu'elle devient et pourquoi elle est épargnée[17]. Il fait venir dans la cellule les dix hommes jusque là répartis dans les trois autres cellules. Cependant, les onze résistants sont trop serrés pour le massacre qu'a prévu Moser. Il va alors seul au fond du couloir, devant la grille ouverte de la cellule numéro 4, la plus grande. Il ordonne aux onze détenus de sortir de la cellule numéro 2 et de venir dans le cellule numéro 4. Le lieutenant Held est à l'entrée du couloir près de la grille d'accès qui est laissée ouverte. Bauer se tient dans la cellule numéro deux dont il assure l'évacuation, pistolet à la main, en hurlant « Schnell ! » (« vite ! »)[17].

Concetta Biacca sort la dernière de la cellule numéro 2. Au moment où elle passe devant Bauer, ce dernier lui tire une balle en pleine tête. Elle s'effondre mortellement blessée mais s'agrippe à son assassin et le fait tomber. Richard Held tire à son tour sur les résistants et aide Bauer à se relever. Il libère ainsi un instant la grille de sortie. Edouard Negri bondit alors dans l'escalier. Sous les balles qui sifflent, il parvient à s'enfuir dans le jardin[17]. Il entend les coups de feu au sous-sol où la tuerie se poursuit. Il arrive à la grille gardée par Paul Malaguti et il court dans la rue. Il entend « Halte ! Police ! Arrêtez-le ! » et essuie des coups de feu. On ignore si c'est Paul Malaguti ou bien un des feldgendarmes qui serait resté qui a tiré[18]. Edouard Negri n'est pas atteint par les balles et il réussit à fuir.

Au sous-sol, les trois officiers de la Gestapo poursuivent le massacre et tirent dans le tas. Pris dans sa folie meurtière, Bauer blesse même son complice Held d'une balle dans le pied. Le lieutenant Held monte se soigner. Pendant ce temps, Moser et Bauer achèvent la besogne et distribuent les coups de grâce avant de remonter à leur tour. Cependant, deux hommes ont survécu (Louis Balesi et Marcel Neydorff)[18].

Le départ des assassins

Les trois officiers et Paul Malaguti quittent à leur tour la villa Montfleury entre minuit et deux heures du matin. Ils arrivent à la villa Trianon à Nice. De là, un convoi part le 17 août en Italie. Richard Held doit cependant d'arrêter avec sa maîtresse Berthe Blancet à Monte-Carlo pour soigner sa blessure[19].

La ville de Cannes est libérée le 24 août 1944 par l'action combinée de la résistance et des forces alliées.

Les Suites judiciaires

Marcel Neydorff est accusé à la Libération d'avoir probablement livré sous la torture ses camarades Marius Martini, Louis Balesi, Hippolyte Séguran, Gustave Biny et Alfred Froidurot. Même s'il est lui-même rescapé du massacre du 15 août 1944, il est jugé et condamné aux travaux forcés à perpétuité et à la privation de tous ses droits civiques[19].

Charles Palmieri, Joseph Bolla et Émilien Galetto sont arrêtés et exécutés. Wierges, Gaillard, Gravino et Protiere sont emprisonnés[19].

Richard Held est jugé par la cour de Justice de Grasse. Originaire de Moselle, il a été trois fois condamné pour vol avant de rejoindre la Gestapo comme interprète et devient lieutenant de la Gestapo cannoise. Il est arrêté avec sa maîtresse Berthe Blanchet à Monte-Carlo. Pour ses différents crimes, Richard Held est condamné à mort le 6 décembre 1945 par la Cour de Justice de Grasse et exécuté le 19 avril 1946[20].

Le cas Paul Malaguti

Paul Malaguti s'est enfuit en Italie. Il est finalement déporté depuis Munich au camp de concentration de Dachau soit pour espionner la résistance qui s'y organise, soit parce qu'il a été arrêté par la Sicherheitspolizei, soir pour se donner un alibi de déporté pour revenir en France. Il entre au camp de concentration de Dachau le 24 mars 1945 non pas comme détenu politique mais avec la mention « Nicht Aussenlager » (« Ne doit pas sortir du camp »). Le camp de concentration de Dachau est libéré un mois plus tard le 29 avril 1945[21].

Pendant ce temps, il est jugé en France par contumace par la Cour de Justice de Grasse. Il est simplement accusé d'avoir tirer sur Edouard Negri lorsque ce dernier fuit de la villa Montfleury. Il est initialement condamné à mort par contumace le 20 mars 1945. Par manque de preuves, cette condamnation est finalement effacée ler 27 mai 1953 par la Cour d'Assises des Alpes-Maritimes. Cependant, Paul Malaguti n'a pas été jugé pour toutes ses autres activités au service de la Gestapo au sein des G.A. - P.P.F [18].

Après sa libération de Dachau, il s'engage dans la Légion Étrangère sous le nom de Menz et participe à la guerre d'Indochine[22].

En sortant de la Légion, il s'installe au Gué-L'Évêque à Montereau près de Lorris (Loiret). Dans ce secteur, 44 résistants et civils ont été tués par les S.S. le 14 août 1944 [23]. Dans les années 1950, il devient le trésorier du Front National pour l'Algérie française. En 1957, il s'engage dans l'activisme pour l'Algérie française et l'organisation terroriste de l'O.A.S.[24]. Pour ses activités, il est interné à la prison de la Santé et au camp de Thol[25].

Il rejoint le Front National et se présente à plusieurs élections [26]. Il est finalement élu au Conseil Régional de la région Centre[24].

Il est mis en cause dans la presse pour ses activités pendant la seconde guerre mondiale. Il raconte alors que s'il se trouve en Italie en août 1944, c'est parce qu' « il a été arrêté par la Gestapo cannoise le 19 août 1944 et déporté en Italie puis en octobre 1944 au camp de concentration de Dachau[27]». Il déclare notamment : « J'ai eu la malchance de me retrouver dans un endroit à Cannes où il ne fallait pas être » ou encore « Moi, j'attends qu'on me reproche quelque chose [28] ».

Il décède le jeudi 24 octobre 1996 suite à un cancer à l'hôpital d'Orléans (Loiret) [29].

Les 8 résistants assassinés

Les décès sont tous déclarés le 23 août 1944 à l'État-Civil de Cannes (Alpes-Maritimes).

Monument lapidaire

  • Une stèle commémorative a été érigée en 1948 au niveau du 42 boulevard Montfleury à Cannes (Alpes-Maritimes). On peut y lire le nom des 8 résistants décédés et le texte suivant : « Cannes et l'humanité aux victimes de la Gestapo 15 août 1944 » [33],[34].

Commémoration

Tous les 15 août, une cérémonie officielle a lieu devant la stèle commémorative au niveau du 42 boulevard Montfleury à Cannes (Alpes-Maritimes).

Voir aussi

Liens externes

  • Memorial genweb Site référençant les monuments lapidaires des morts pour la France.
  • Mémoire des hommes Site référençant les morts pour la France reconnus par le ministère de la Défense.

Bibliographie

  • Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, pages 130-154 (ISBN 2-7384-2545-3).
  • Jean-Louis Panicacci, Les lieux de mémoire - De la deuxième guerre mondiale dans les Alpes-Maritimes, Éditions Serre, 1997 (ISBN 2864102722).

Notes

  1. Pour en savoir plus sur Hélène VAGLIANO, se rendre sur les sites http://www.perfumefromprovence.com/vagliano.htm et http://www.calliope-21.net/modules.php?name=Sections&op=printpage&artid=19
  2. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 130.
  3. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, pages 130 et 131.
  4. a, b, c, d et e Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 131.
  5. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, pages 131 et 132.
  6. a et b Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 132.
  7. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, pages 132 et 133.
  8. Samuel Émile Smilévitch naît le 11 janvier 1915 dans le 12e arrondissement de Paris. Il est le fils d'Isaac Smilévitch et d'Emma Neimann. Il est l'époux de Berthe Kaminski et le père d'un enfant. Il est arrêté le 24 juin 1944 par les G.A. - P.P.F. cannois qui le livrent à la Gestapo. Il est assassiné d'une balle dans la tête par le lieutenant Richard Held le 24 ou le 25 juin 1944 à la villa Montfleury.
  9. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, pages 136-139.
  10. Le nom de Samuel Smilévitch est inscrit sur le Monument Aux Morts de Cannes et sur une plaque commémorative du groupe Jean-Marie sur le mur du palais de justice de Cannes, rue Le Poussin.
  11. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, pages 139-141.
  12. Pour avoir vraisemblablement livré ses camarades, Marcel Neydorff, rescapé du massacre du 15 août 1944, est jugé à la Libération et condamné aux travaux forcés à perpétuité et à la privation de tous ses droits civiques. Voir Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 148.
  13. a, b et c Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 141.
  14. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, pages 141 et 144.
  15. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 142.
  16. a, b et c Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 143.
  17. a, b, c et d Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 144.
  18. a, b et c Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 145.
  19. a, b et c Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 150.
  20. Revue Document, témoignages, recherches n°28 publiée par le Musée de la Résistance azuréenne : L'épuration dans les Alpes-Maritimes (1943-1947)
  21. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, pages 150 et 151.
  22. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 149.
  23. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 153.
  24. a et b Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 152.
  25. Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, pages 152 et 153.
  26. Lire la chronique du LibéOrléans consacrée à Paul Malaguti le 29 janvier 2010 : Chronique du LibéOrléans du 29 janvier 2010
  27. Entretien accordé par Paul Malaguti à La République du Centre le 12 février 1992 et paru le 27 février 1992. Cité par Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 149.
  28. Déclaration faite dans Le Monde du 1er mars 1992. Cité par Pierre Jérosme, De l'engagement de la nation française dans la triste aventure du gouvernement de Vichy, Mémoires du XXe siècle, L'Harmattan, Paris, 1994, page 145.
  29. Archives de Libération du 26 octobre 1996
  30. Jean-Louis Panicacci, Les lieux de mémoire - De la deuxième guerre mondiale dans les Alpes-Maritimes, Éditions Serre, 1997, page 72.
  31. fiche S.G.A. de Marius Martini
  32. Jean-Louis Panicacci, Les lieux de mémoire - De la deuxième guerre mondiale dans les Alpes-Maritimes, Éditions Serre, 1997, page 101.
  33. Jean-Louis Panicacci, Les lieux de mémoire - De la deuxième guerre mondiale dans les Alpes-Maritimes, Éditions Serre, 1997, page 18.
  34. Voir le site memorial genweb Stèle commémorative des fusillés de la villa Montfleury

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Fusillés de la villa Montfleury à Cannes de Wikipédia en français (auteurs)

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