- Ermite
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L'ermite ou l'anachorète est une personne (le plus souvent un moine) qui a fait le choix d'une vie spirituelle dans la solitude et le recueillement. Les ermites étaient à l'origine appelés anachorètes (du grec ἀναχωρέω), l'anachorétisme (ou érémitisme) étant l'opposé du cénobitisme.
L'ermite partage le plus souvent sa vie entre la prière, la méditation, l'ascèse et le travail. Dans l'isolement volontaire, il est à la recherche ou à l'écoute de vérités supérieures ou de principes essentiels. L'expérience érémitique, dans sa composante spirituelle, s'approche souvent du mysticisme.
Sommaire
Origines de l'érémitisme chrétien
La fin des grandes persécutions chrétiennes, sous Constantin, marque également la fin de la voie royale pour accéder à la sainteté, à savoir le martyre. Sans que le phénomène soit réduit à cette explication, elle n'est pas étrangère au développement de l'érémitisme chrétien, nouveau moyen pour les âmes d'élites d'accéder à la sainteté[1]. Ces anachorètes (du grec anakhôrein, se retirer) s'infligent de rudes privations afin de lutter contre les tentations. Le premier ermite connu de la chrétienté est Saint Antoine (vers 250-356), égyptien aisé qui vers l'âge de 20 ans part s'établir dans le désert de Haute-Égypte, dans la région de Thèbes. Il sera popularisé dès sa mort par Athanase d'Alexandrie (saint Athanase) qui écrira le récit de sa vie et de nombreux ermites suivront son exemple dès la fin du IIIe siècle en se retirant dans le désert[2]. On les appellera les Pères du désert.
Érémitisme médiéval
Naissent différents ordres érémitiques[3] :
Au XIIe siècle Guillaume de Conchamp fonda l'Abbaye de Fontdouce avec un ermite dénommé Aimar, monastère bénédictin dans lequel il se retira.
On trouve en 1130 un petit groupe d'ermites au hameau de Boscodon (actuel département des Hautes-Alpes, près d'Embrun), sur les terres du seigneur Guillaume de Montmirail. On ignore d'où ils venaient (peut-être de l'ermitage d'Oulx, en Piémont ?). Ils y construisent (ou ils y trouvent ?) une toute petite chapelle dédiée à saint Marcellin, premier évêque d'Embrun, ainsi qu'un petit ermitage au Lavercq, en Ubaye. Bientôt (1142) ils seront rejoints et absorbés (probablement comme convers) par des moines venus de Chalais (Isère), qui construiront l'Abbaye Notre-Dame de Boscodon. La chapelle Saint-Marcellin deviendra une sorte de crypte de la nouvelle abbatiale.
Reclus, recluses et recluseries
Article détaillé : Reclus (moine).Par idéal religieux, le reclus, ou la recluse (car historiquement les recluses furent plus nombreuses que les reclus) s'enferme dans une cellule et choisit d'y vivre, pour un temps déterminé ou pour la vie, sans jamais en sortir. Il se nourrit de ce qu'on veut bien lui apporter.
De la Renaissance à nos jours
L'érémitisme connut un renouveau à la fin des guerres de Religion en France. Les plus célèbres ermites étaient ceux du Mont-Valérien et de la forêt de Sénart. Ces communautés existèrent jusqu'à la Révolution française (cf. les travaux de J. Sainsaulieu). Au XXe siècle Charles de Foucauld a vécu en ermite à Tamanrasset tout en ayant de nombreux contacts avec la population locale.
Pour les chrétiens, l'ermite recherche la solitude et le silence pour faire un retour sur lui-même, lutter contre les tentations et trouver les conditions favorables pour rencontrer Dieu, à l'image du Christ qui s'est plusieurs fois retiré dans le désert pour prier.
Église d'Orient
L'Église d'Orient ne connait que le monachisme. Entre moines et fidèles, il y a une différence d'intensité mais non de nature, les conseils évangéliques s'adressant à tous.
Il arrive ainsi que des fidèles se retirent de la vie sociale (provisoirement ou en permanence) pour se consacrer entièrement à la vie spirituelle de façon solitaire. En Russie ils sont appelés poustinikki ou poustinik, ce qui signifie ermite. La poustinia (ermitage du poustinik) est toujours ouverte aux gens qui désirent rencontrer l'ermite. En cas de besoin, celui-ci aidera volontiers les gens de la communauté, car il ne s'est pas retiré pour lui seul mais pour toute l'humanité. Le poustinik qui revient à la vie civile est reçu avec joie et attention car il fait part aux autres des fruits de sa rencontre avec Dieu dans la solitude[4].Les moines athonites se retirent pour prier seuls dans des ermitages du Mont Athos face à la mer, Karoulia.
Moine gyrovague
Article détaillé : Gyrovague.Le moine gyrovague (du latin ecclésiastique gyrovagus), que l'on peut rapprocher de l'ermite, est un moine errant et mendiant. À l'origine il s'agit de moines errants grecs qui vivaient d'aumônes et n'avaient pas de demeure fixe.
On retrouve cette tradition du moine errant encore très présente en Inde, avec les sadhus ou moines shivaïtes, qui inspirent à la fois respect et crainte auprès de la population ; ces hommes ont parfois délaissé une situation confortable par esprit de renoncement, vivent d'aumônes, dorment au bord des routes, se déplacent pour de longs pèlerinages et s'adonnent à de sévères austérités. Tous les 12 ans, en quatre endroits et à des dates différentes, les sadhus convergent de toute l'Inde vers l'un des plus grands rassemblements spirituels sur terre, la maha kumbh mela.Anachorètes en Asie
L'ermitage pour raison religieuse de 5, 10 ans, voire plus, est monnaie courante en Asie. Il est également quasiment obligatoire pour les grands lamas du bouddhisme tibétain. La branche des Kagyu (une des quatre branches du bouddhisme tibétain) n'attribue le terme de Lama qu'après deux retraites, pas forcément consécutives, de 3 ans, 3 mois et 3 jours.
Les anachorètes, Lamas, gomtchén (sorcier - si bouddhiste, souvent formé à la grande école de "Gyud"), .... se retirent souvent dans des grottes himalayennes, en haute altitude et difficiles d'accès (voir "Dieux et démons des solitudes tibétaines" - Alexandra David Neel).
Érémitisme en France
Les ermites sont, par définition, jaloux de leur solitude ; ils recherchent l'anonymat. Il est ainsi difficile de connaitre leur nombre. Cependant, un recensement informel récent estime qu'il se trouve dans le catholicisme français 200 à 300 ermites (hommes ou femmes) vivant sous la responsabilité directe d'un évêque[5]. Dans le protestantisme français, le pasteur Daniel Bourguet, de l’Église Réformée de France, prieur de la Fraternité spirituelle des Veilleurs, vit en ermite aux abords des Abeillères, maison d'accueil spirituel de la Fraternité, à Saint-Jean-du-Gard.
Références
- Jean-Pierre Moisset, Histoire du Catholicisme, Flammarion, Paris 2006.
- Lire en ligne Irénée-Henri Dalmais, Les Coptes, chrétiens de la vallée du Nil, clio.fr.
- Définition dans Moines et religieux au Moyen Âge, Point Histoire, magazine Histoire, p. 7.
- Catherine de Hueck Doherty, Poustinia ou le désert au cœur des villes, Éditions du Cerf, Paris 1976.
- D'après François de Muizon, dans Dans le secret des ermites d'aujourd'hui.
Bibliographie
- Jean Sainsaulieu, Les Ermites français, Paris, Les Éditions du Cerf, 1974.
- Alexandra David Neel: Dieux et démons des solitudes tibétaines.
- François de Muizon, Dans le secret des ermites d'aujourd'hui, Paris, Nouvelle Cité, 2001.
- Marina Miladinov, Margins of Solitude: Eremitism in Central Europe between East and West, Zaghreb, Leykam International, 2008.
- un moine, L'Ermitage, Paris, Ad Solem, 2005.
- Anne Bamberg, "Ermite d’aujourd’hui : entre l’institutionnel et le virtuel. Approche théologique et canonique", in PJR-Praxis juridique et religion, 15, 1998 [2000], p.163-215.
- Anne Bamberg, "Ermites et vie consacrée. Essai de typologie canonique", in Prêtres diocésains, 1398, octobre 2002, p. 346-353.
- Anne Bamberg, "Ermite reconnu par l’Église. Le c. 603 du code de droit canonique et la haute responsabilité de l’évêque diocésain", in Vie consacrée, 74, 2002, p. 104-118 ; repris in Commentarium pro religiosis et missionariis, 88, 2007, p. 194-206.
- Anne Bamberg, "Ermites et ermitages. Autour de la fondation d’un ermitage paroissial de village", in Vie consacrée, 75, 2003, p. 234-246.
- Anne Bamberg, "Entre théologie et droit canonique : l’ermite catholique face à l’obéissance", in Nouvelle revue théologique, 125, 2003, p. 429-439 ; repris in Commentarium pro religiosis et missionariis, 88, 2007, p. 207-217.
Voir aussi
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