Table de Peutinger

Table de Peutinger
Table de Peutinger : région d'Arles, Fos-sur-Mer, Marseille, Aix-en-Provence.

La Table de Peutinger (Tabula Peutingeriana ou Peutingeriana Tabula Itineraria), appelée aussi Carte des étapes de Castorius, est une copie du XIIIe siècle d'une ancienne carte romaine où figurent les routes et les villes principales de l'Empire romain qui constituaient le cursus publicus. Ce document était également connu autrefois sous le nom de Table théodosienne[1] (ou tabula theodosiana), nom qui fait référence à l'empereur Théodose, car, selon M. D'Aigueperse, une copie affiche des vers faits sous cet empereur[2].

Sommaire

Historique

Elle fut découverte en 1494 dans une bibliothèque de Worms par Conrad Celtes. Elle porte le nom de l'humaniste et amateur d'antiquité Konrad Peutinger (1465-1547), qui la reçut en héritage de son ami Conrad Celtes en 1508. Bien qu'il fût dans les intentions de Peutinger de publier la carte, il mourut avant de mener à bien cette tâche.

Description

Une longue bande de parchemin

Table de Peutinger, fac-similé de Conradi Millieri, 1887[3].

La Table est composée de 11 parchemins conservés ; un douzième étant perdu. Ceux-ci sont assemblés pour former une bande de 6,82 m sur 0,34 m. Elle montre 200 000 km de routes, mais aussi l'emplacement de villes, mers, fleuves, forêts, chaînes de montagnes. La Table montre la totalité de l'Empire romain, le Proche-Orient et l'Inde, indiquant le Gange et Sri Lanka (Insula Taprobane), et même la Chine est mentionnée.

La première feuille représente l'est des îles Britanniques, les Pays-Bas, la Belgique, une partie de la France et l'ouest du Maroc. L'absence de la péninsule ibérique laisse supposer qu'une douzième feuille, aujourd'hui manquante, présentait l'Espagne et le Portugal, ainsi que la partie occidentale des îles Britanniques. Le fac-similé de Conradi Millieri présente une tentative de restitution de cette page manquante (partie blanche, à gauche).

Partie 1 : Gaule

Ouest de la Gaule.

Partie 2 : Gaule

Partie 3 : Gaule

Partie 4 : Italie

Italie du sud, Sicile.

Partie 5 : Italie

Partie 6 : Italie

Partie 7 : Dacie, Thrace

Partie 8 : Asie mineure

Partie 9 : Arabie

Partie 10 : Mésopotamie

Partie 11 : Asie

Symboles

Quelque 555 villes et 3500 autres particularités géographiques sont indiquées, comme les phares et les sanctuaires importants, souvent illustrées d'une imagette.

Les villes sont représentées par deux maisons, les cités importantes - comme Rome, Constantinople, Antioche - sont signalées par un médaillon orné.

La représentation d'un réseau

Le format ne permet pas une représentation réaliste des paysages, mais ce n'était pas dans les intentions du concepteur. La carte doit plutôt être vue comme une représentation symbolique, à l'image des plans de métros comme celui de Londres, permettant de se rendre facilement d'un point à un autre, de connaître les distances des étapes, sans offrir une représentation fidèle de la réalité. De fait, elle est considérée comme la première représentation cartographique d'un réseau.

Par contre, c'est une carte très exacte des distances, qui sont exprimées la plupart du temps en milles romains, ou dans d'autres unités si elles étaient en cours dans une région, par exemple des lieues gauloises en Aquitaine[4]. Cela permettait d'avoir une idée assez exacte de la distance et du temps pour se rendre de n'importe quel point à un autre, même si parfois quelques liaisons ne sont pas indiquées.

Réalisme des itinéraires

Les parcours sont assez réalistes. Chaque station porte la longueur de l'étape, tandis que des vignettes signalent les villes principales, les villes thermales, etc. Nombre de ces « stations » ne correspondent pas à des villes, mais à des carrefours. Inévitablement, la Table comporte des erreurs de copistes. Certains noms de villes ou des distances d'étapes comportent des coquilles : Grenoble est nommée Culabone alors que le nom classique antique de cette ville est Cularone (Cularo) ; certains V deviennent II, ou inversement. Afin de faciliter l'utilisation de la Table, il est conseillé d'avoir en regard un exemplaire d'une « carte de redressement », où les stations et itinéraires de la Table sont reportés sur une carte géographique moderne. Pour la Gaule : « Carte de redressement de la Gaule pour l'intelligence de la Table de Peutinger », par exemple.

Bases cartographiques

Elle est probablement basée sur la carte du monde préparée par Marcus Vipsanius Agrippa (né en 64 av. J.-C., mort en 12 av. J.-C.), un ami personnel de l'empereur Auguste. Après sa mort, la carte a été gravée dans le marbre et placée sur le Porticus Vipsaniæ, non loin de l'Autel de la Paix d'Auguste, le long de la Via Flaminia. Toutefois, c'est une version actualisée au IVe siècle qui paraît présentée.

Datation de la copie de Peutinger

Table de Peutinger: Pars IV - Segmentum IV ; Représentation de la région Apuane. Il y a indiquée la colonie de Pisa, Lucca, Luni et le nom « Sengauni » ; la liaison entre Pisa et Luni n'y est pas encore représentée

Le manuscrit est généralement daté du XIIIe siècle. Il serait l'œuvre d'un moine copiste anonyme de Colmar qui aurait reproduit vers 1265 un document plus ancien.

L'original pourrait être postérieur à 328, car il montre la ville de Constantinople, qui fut fondée cette année-là, alors que d'autres éléments (par exemple dans la Pars IV – Levant de la Ligurie) sont peut-être antérieurs à -109, année de construction de la Via Æmilia Scauri, qui n'est pas indiquée sur la Table. Aucune route n'est indiquée non plus entre Pise et Luni, alors que figurent bien les Fossae Papirianae, marais situés près de l’actuelle Versilia, indiquées comme Fossis Papirianis (cf. Pars IV - Segmentum IV).

Il est possible que la Table originale ait été composée en bloc à une certaine date et ensuite plus jamais mise à jour. Par exemple, nous pouvons observer l'emplacement de la ville de Pompéi, qui n'a pas été reconstruite après sa destruction par l’éruption du Vésuve, en 79. Et d'autre part, certaines villes de Germanie inférieure sont indiquées alors qu'elles ont été détruites et abandonnées depuis le Ve siècle.

Avertissement : Les différentes copies qui ont été faites de la table de Peutinger originale sont dénuées de détails que les cartographes ont négligés pensant qu'il s'agissait d'auréoles d'humidité et par méconnaissance géographique locale. Il est donc utile de se rapprocher toujours de la version originale:

Éditions de la Table

Extrait de la copie IGN de la Table

L'original est actuellement conservé à la Bibliothèque nationale autrichienne à Vienne.

Après une première édition partielle, en 1591, sous le nom de Fragmenta tabulæ antiquæ, par la maison d'édition de Jan Moretus (Jean Moret), la Table est finalement imprimée par Moretus en décembre 1598, toujours à Anvers, en 250 exemplaires.

Un fac-similé de la Table est visible sur le site Bibliotheca Augustana.

Il existe également une copie, en noir-et-blanc, de la Table dans les archives de la cartothèque de l'IGN, à Saint-Mandé (Val-de-Marne). C'est un fac-similé de la « copie von Scheyb » datant de 1753. La Bibliothèque nationale de France possède également des exemplaires d'éditions plus anciennes : la Table dite d'Anvers (1598) et celle d'Amsterdam (1619).

Références

  1. Essai sur la topographie du Latium, Ernest Desjardins (éd. Durand, 1854), p.89 (lire en ligne)
  2. Mémoires, Volume 6, par Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon. Classe des sciences (éd. Palud, 1858), p.12 (lire en ligne)
  3. Weltkarte des Castorius, K. Miller (éd.), Ravensburg, 1887.
  4. J. Dassié, « Valeur du mille en Aquitaine », 1998. Consulté le 27 avril 2009

Voir aussi

Articles connexes

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Bibliographie

en français
  • Table de Peutinger : Tabula imperii romanii, Lutetia, Atuatuca, Ulpia, Noviomagus, sur la base de la carte internationale du monde. ouvrage collectif, Picard, Paris, 1975, 202 p., ASIN:B0000DWIO8
  • Gabriel Thiollier-Alexandrowicz, Itinéraires romains en France, d'après la Table de Peutinger et l'Itinéraire d'Antonin, Guide Monde et musées, éd. Faton, 2000, 431 p. (ISBN 2878440366)
  • Francis de Coninck, Hannibal à travers les Alpes, une énigme de 2000 ans ; augmenté des routes romaines prétoriennes à travers les Alpes selon la table de Peutinger, Les Grands itinéraires de l'histoire, Edp Sciences, 1992, 128 p. (ISBN 2908233150)
en allemand
  • Tabula Peutingeriana. Codex Vindobonensis 324, Österreichische Nationalbibliothek, Wien. Kommentiert von E. Weber. Akademische Druck- u. Verlagsanstalt Dr. Paul Struzl, Graz 2004, (ISBN 3-201-01793-0) (Faksimile)
  • Konrad Miller: Iteneraria Romana. Römische Reisewege an der Hand der Tabula Peutingeriana. Strecker & Schröder, Stuttgart 1916 (Nachdruck: Husslein, Bregenz 1988)
  • Hans Georg Wehrens: Warum Freiburg auf der „Tabula Peutingeriana“ nicht vorkommt. In: Freiburg im Breisgau 1504–1803, Holzschnitte und Kupferstiche. Verlag Herder, Freiburg 2004, S. 131 ff, (ISBN 3-451-20633-1).
  • Johannes Freutsmiedl, Römische Straßen der Tabula Peutingeriana in Noricum und Raetien. Verlag Dr. Faustus, Büchenbach 2005, (ISBN 3-933474-36-1).
  • Hans Bauer: Die römischen Fernstraßen zwischen Iller und Salzach nach dem Itinerarium Antonini und der Tabula Peutingeriana. Neue Forschungsergebnisse zu den Routenführungen. Herbert Utz Verlag, München 2007, (ISBN 978-3-8316-0740-2).
  • Konrad Miller: Die Weltkarte des Castorius genannt die Peutingersche Tafel. 1887, Maier (Ravensburg)
  • Tabula Peutingeriana, Scheyb, F. C. de C. Peutingeriana tabula itineraria quae in augusta bibliotheca Vindobonensi nuc servantur adcurate exscripta. Numini maiestatique Mariae Theresiae....dicata a F. C. de Scheyb Trattner, Wien, 1753.

Liens externes

  • (en) Dimitris Drakoulis, The study of late antique cartography through web based sources, dans e-Perimetron, 2, n° 3, été 2007, p. 160-172 (en ligne).

Wikimedia Foundation. 2010.

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