Peine de mort en Belgique

Peine de mort en Belgique
Peine de mort
Généralités
Mort · Crime capital · Couloir de la mort · Exécution sommaire
Détails
Application de la peine de mort (par pays)
Méthodes d'exécution
(les plus courantes)
Injection létale · Pendaison · Arme à feu
Alternatives et militants
Alternatives
Emprisonnement à perpétuité · Exil
Militants et actions abolitionnistes
 Cette boîte : voir • indépendance de 1830 jusqu'à la loi du 10 juillet 1996[1]. Son application était rare. La dernière exécution a eu lieu en 1950.

Sommaire

Historique

La débat au sujet de la peine de mort est contemporain des premières années de la Belgique. Édouard Ducpétiaux est le premier à soulever la question dès 1827, dans son livre : De la peine de mort, dans lequel il prend position pour une abolition complète.

Lorsque la Belgique accède à l'indépendance le 4 octobre 1830, la commission chargée de rédiger un projet de Constitution propose d'obliger le Parlement à débattre dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur de la Constitution de l'abolition de la peine de mort[2].

Le législateur s'inspire du Code judiciaire de Napoléon (Cours d'assises, guillotine...) et prévoit la peine de mort dans le Code pénal, celle-ci devant avoir lieu sur la place publique[3]. Cependant, le Congrès national, quand il rédige la Constitution, insère en l'article 73 le droit au Roi de "remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges".


Sous Léopold Ier (1831 - 1865)

Une première proposition d'abolition devant la Chambre est faite durant la législature 1831-1832 par Henri de Brouckère. Le ministre de la justice est alors chargé par la Chambre de demander l'avis des cours et tribunaux. Les corps judiciaires s'étant prononcés, à une grande majorité, contre l'abolition, la proposition n'eut pas d'autre suite. Aucune condamnation n'est cependant exécutée durant près de cinq ans, le gouvernement commuant systématiquement les peines prononcées. Suite aux protestations de députés partisans de la peine de mort, qui se plaignent de ce qu'ils considèrent comme un "abus du droit de grâce", la première exécution en Belgique d'un condamné récidiviste, reconnu coupable d’assassinat, a lieu le 10 février 1835 en place publique de Courtrai. Cette exécution pousse Henri de Brouckère, et d'autres députés qui soutiennent que durant les années précédentes le nombres de crimes n'as pas augmenté à présenter, sans succès une nouvelle proposition d'abolition. La question sera débattue régulièrement durant le règne de Léopold Ier. En 1834, le ministre de la justice propose d'en exclure les "crimes politiques", ce qui ne sera approuvé que bien plus tard. L'abolition totale fera encore l'objet de votes au parlement en 1851-1852 et en 1865 (cette fois avec le soutien du gouvernement). Elle sera chaque fois rejetée, mais par une majorité bien plus faible la seconde fois[4].

Trois cent vingt-cinq condamnations à mort sont prononcées en Belgique durant le règne de Léopold Ier. Sur ces trois cent vingt-cinq condamnés, cinquante-cinq sont exécutés[5]. Les propositions de grâce étaient toujours discutées au Conseil des Ministres et votées à la majorité des membres, l'égalité des voix profitant au condamné[6].

Sous Léopold II (1865 - 1909)

Léopold II était totalement opposé à la peine de mort[7]

De 1865 à 1879, le ministre de la Justice, Jules Bara est le premier à soutenir une politique de grâce : il introduit la commutation automatique de la peine de mort. Après lui, il n'y a plus aucune exécution capitale en Belgique avant 1918[8]. Le nouveau code pénal de 1867 continue cependant à prévoir cette peine.

Sous Albert Ier (1909 - 1934)

Albert Ier n'est pas un adversaire de principe de la peine de mort[7].

Ainsi, le 26 mars 1918, en temps de guerre, un assassin Émile Ferfaille est guillotiné par le bourreau français Anatole Deibler venu expressément de Paris avec ses aides et sa guillotine[9] : le Roi avait refusé sa grâce jugeant son crime trop odieux[10]. Le condamné étant militaire (il était sergent artilleur), le gracier amenait à l'enfermer en sécurité en prison alors que ses camarades risquaient leur vie dans les tranchées.

Après la guerre, Joseph Douhard, ouvrier zingueur, né à Herstal en 1874, qui avait collaboré avec l'occupant allemand est condamné à mort le 11 juin 1921, par le jury de la cour d’assises de Liège. Les jurés signent une pétition demandant que la peine soit exécutée, mais le ministre de la Justice, Emile Vandervelde, opposé à la peine de mort[11], impose de demander au Roi la grâce. Celui-ci ne peut qu'accepter afin de ne pas mettre en péril la stabilité gouvernementale.

Cinq ans plus tard, trois Allemands accusés d'avoir assassiné un officier belge sont également condamnés à mort et graciés par le Roi après un long débat au sein du Conseil des Ministres[12]. Après cette période, la commutation se fera à nouveau automatiquement jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Durant la régence de Charles (1944 - 1950)

Après la Seconde Guerre mondiale, la volonté est de punir ceux qui ont activement collaboré avec l'occupant allemand. 1 202 personnes sont condamnées (sans compter les condamnations par contumace), 242 sont exécutées (106 en Flandre, 122 en Wallonie et 14 à Bruxelles) entre la Libération en 1944 et la dernière en 1950[13]. Les ministres de la Justice de tous les partis (le parti social-chrétien, l'UDB, le parti socialiste et le parti libéral) ayant refusé plusieurs grâces.

Après 1950, les condamnations à mort seront à nouveau automatiquement commuées en condamnations à perpétuité.

Application dans les colonies

Le cas du Congo belge (1908 - 1960) et celui du Ruanda-Urundi est à différencier de la situation en métropole. En effet, les recours de grâce venant d'Afrique sont en majorité refusés[14]. Les ministres des Colonies qui se chargeaient d'accepter ou non la demande de grâce au Roi étaient en effet en faveur de la peine capitale, puisqu'elle ne touchait là que des non-Européens[14]. De cet état de fait résulte que le Roi Albert, Léopold III, le gouvernement de Londres, le Régent et le roi Baudouin ont tous refusé de gracier[14].

Il est à noter qu'au Ruanda-Urundi fut exécuté le 30 juin 1962, la veille de l'accession du Burundi à l'indépendance, un Européen : le grec Jean Kageorgis. Ce dernier était en effet un tueur à gage et a assassiné le Premier Ministre du Burundi, le Prince Louis Rwagasore. Le ministre des Affaires étrangères Paul-Henri Spaak, de peur des troubles qu'une grâce pourrait provoquer, demande au Roi Baudouin de la refuser. C'est la dernière fois que le Chef de l'État refuse une commutation[15].

La suppression définitive

Le 10 juillet 1996, la loi supprime la peine de mort du Code pénal[16]. En 2005, le pouvoir constituant insère dans la Constitution un article 14 bis abolissant définitivement la peine de mort du droit belge[17]. La Belgique a également ratifié les 6e et 13e protocoles additionnels de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme qui interdisent la peine de mort aux États signataires[18],[19].

Opinion belge

La loi d'abolition de la peine capitale a été promulguée le 10 juillet 1996, soit quelques semaines seulement avant l'éclatement de l’affaire Dutroux au mois d'août de la même année. Les réactions passionnées de la population peuvent laisser imaginer que l'adoption d'une telle loi aurait été rendue impossible à quelques semaines près et que la rue aurait poussé le gouvernement à ne pas proposer de grâce au roi. La Belgique n'ayant pas encore ratifié le 6e protocole de la Convention européenne des droits de l'Homme[20], l'exécution de Marc Dutroux aurait très bien pu être envisagée. Pendant le procès en 2004, un sondage montre que 66% des Belges sont en faveur de la peine de mort pour les dossiers semblables à ceux de Marc Dutroux[21].

Notes et références

  1. Moniteur belge, 1er août 1996.
  2. Article 120 du Projet de Constitution présenté au Congrès national par le Gouvernement Provisoire de la Belgique.
  3. http://www.helmo.be/esas/mapage/euxaussi/justice/mortbelg.html Dernière consultation le 14 novembre 2009
  4. G. Nypels, Patria Belgica Encyclopédie nationale, tome 2, Droit Pénal et procédure pénale Bruxelles, Bruylant & Cie, 1874, p. 645-646.
  5. Pandectes Belges, t. 39, 1891, v° Exécution capitale, col. 175-176.
  6. J. Stengers, L’Action du Roi en Belgique depuis 1831, 3e édition, Bruxelles, Racine, 2008, p. 364.
  7. a et b J. Stengers, L'Action du Roi en Belgique depuis 1831, 3e édition, Bruxelles, Racine, 2008, p. 112.
  8. J. Stengers, L’Action du Roi en Belgique depuis 1831, 3e édition, Bruxelles, Racine, 2008, p. 109.
  9. http://www.amnestyinternational.be/doc/article2012.html Dernière consultation le 14 novembre 2009
  10. M. Dullaert, La Guillotine à Furnes, in Revue de droit pénal et de criminologie, t. 6, 1926, p. 300-302.
  11. Il envisage même de déposer un projet de loi abolissant la peine capitale en 1920, mais abandonne face à la résistance des conservateurs
  12. A.G.R., Procès-verbaux des Conseils des Ministres des 22 août et 29 août 1923.
  13. La dernière étant celle du commandant allemand du fort de Breendonk
  14. a, b et c J. Stengers, L'Action du Roi en Belgique depuis 1831, 3e édition, Bruxelles, Racine, 2008, p. 114.
  15. J. Stengers, L’Action du Roi en Belgique depuis 1831, 3e édition, Bruxelles, Racine, 2008, p. 114-115.
  16. Article 2 de la loi du 10 juillet 1996 (loi portant abolition de la peine de mort et modifiant les peines criminelles) ; M.B., 1er août 1996.
  17. Révision du 2 février 2005 (Révision du titre II de la Constitution en vue d'y insérer un article nouveau relatif à l'abolition de la peine de mort) ; M.B. 17 février 2005.
  18. Article 2 de la loi du 4 décembre 1998 (Loi portant assentiment au Protocole no 6 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort) ; M.B. 21 octobre 1998.
  19. Article 2 de la loi du 13 mai 2003 (Loi portant assentiment au Protocole no 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances) ; M.B. 3 novembre 2003.
  20. La loi d'assentiment date du 4 décembre 1998 (Moniteur belge, 21 octobre 1999) et le protocole est entré en vigueur pour la Belgique le 1er janvier 1999
  21. http://www.peinedemort.org/document.php?choix=1094 Dernière consultation le 14 novembre 2009

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