Anatole Deibler

Anatole Deibler
Anatole Joseph François Deibler
Naissance 29 novembre 1863
Rennes
Décès 2 février 1939
Paris
Nationalité Française
Profession Exécuteur en chef des arrêts criminels
Ascendants Louis Deibler et Zoé Rasseneux

Anatole Joseph François Deibler (29 novembre 1863, Rennes[1] - 2 février 1939, Paris) fut un bourreau français. Il est considéré comme le bourreau français le plus célèbre, pour plusieurs raisons. Il a succédé directement à son père au poste d'exécuteur en chef, poste qu'il occupa 40 ans durant. Sur une carrière de 54 ans, il participa à l'exécution de 395 criminels dont 299 en tant qu'exécuteur en chef.

Il exerça à une époque où les exécutions étaient publiques et où les médias friands de sensationnalisme et s'équipant de photographes et de caméras firent de lui une sorte de célébrité. Il représentait une forme d'institution anachronique, transposant le rituel médiéval du bourreau dans un monde plus moderne ou règnent les automobiles, la technologie et les médias de masse.

Sommaire

Sa jeunesse

Fils aîné de Louis Deibler et Zoé Rasseneux, Anatole eut une enfance de souffre-douleur. À douze ans, il entame une carrière de vendeur en confection dans un grand magasin. Il assiste à sa première exécution, le 30 mars 1882 à Versailles. Il décide d'effectuer son service militaire, qu'il achève en 1885. D'abord réticent à entamer une carrière de bourreau, il se résigne et part apprendre le métier à Alger auprès de son grand-père maternel Antoine Rasseneux, exécuteur d'Algérie. Sa première exécution a lieu le 8 septembre 1885, en guillotinant Francisco Arcano à Alger. Dix-sept autres suivront jusqu'à l'automne 1890, quand un des aides de son père décède, laissant un poste d'aide-bourreau vacant. Revenu à Paris, il est nommé adjoint en second le 1er novembre 1890, et l'assiste lors de 78 exécutions, dont la première est celle de Michel Eyraud, le 3 janvier 1891.

Le 5 avril 1898, Anatole épouse Rosalie Rogis, descendante d'une famille de bourreaux (ses deux frères, Louis et Eugène-Clovis, deviendront aides d'Anatole). Peu après l'exécution du tueur en série Joseph Vacher (le 31 décembre 1898 à Bourg-en-Bresse), le 2 janvier 1899, son père démissionne et Anatole devient ainsi exécuteur en chef des arrêts criminels de France. Louis Deibler ayant appris sa nomination lui dira alors : « Ah, mon fils, que voilà de jolies étrennes ! » Depuis lors, il officiera souvent en province sous un patronyme d’emprunt de « Boyer », nom de jeune fille de sa grand-mère.

Exécuteur en chef des arrêts criminels de France

Après une exécution à Troyes le 14 janvier, passée relativement inaperçue, Anatole officie pour la première fois à Paris le 1er février, en guillotinant Alfred Peugnez devant les prisons de la Roquette (ce sera d'ailleurs la dernière exécution capitale qui se déroula à cet endroit). Les journaux sont élogieux. Dans les Annales politiques et littéraires du 12 février, on lit : « Tous les journaux s'accordèrent à rendre justice au jeune monsieur Deibler qui montra pour ses débuts à Paris un tournemain et une aisance de vieux praticien. Jeune, élégant, vêtu d'une redingote de couleur sombre, comme un témoin de duel sélect, il réalise dans la perfection le type du bourreau moderne. On peut, après cet heureux essai, lui prédire une belle carrière et un nombre respectable de représentations. »

Dans Le Journal, le lendemain de l'exécution, Jean Lorrain est un peu moins enthousiaste : « De la descente de voiture au couperet, le rythme est un peu trop rapide. Cela enlève de la solennité qui constitue pourtant la raison d'être d'une exécution. »

Son premier enfant, Roger Aristide Hector, naît le 20 septembre 1899. Mais victime d'une erreur médicale, le 10 novembre, le petit Roger meurt. Anatole ne se remettra jamais de ce décès. Il montrera par la suite une affection sans bornes pour son neveu André Obrecht, né un mois avant son fils.

Les premières années d'exécuteur en chef seront peu prolifiques : Félix Faure meurt en 1899 dans les bras de sa maîtresse, et Émile Loubet prend son poste. Modérément partisan de la guillotine, seuls 18 condamnés à mort sont exécutés durant son mandat. En 1899, 7 exécutions (trois refus de Faure, quatre de Loubet). En 1900, 3 exécutions. En 1901, idem. En 1903, idem. En 1905, 5 têtes tombent. La même année, le ménage Deibler aura une fille, Marcelle, née le 4 mai 1905.

Durant cette période calme, Anatole mène une vie paisible, sous le signe de la modernité. Bien que travaillant avec une machine plus que séculaire, il est un partisan du progrès. Il sera un des premiers Français à obtenir son permis de conduire. Il montrera un goût certain pour la mécanique et la photographie. Il va régulièrement au cinéma, au cirque. Il aime cuisiner, et il y réussit, paraît-il, fort bien. Son seul vrai vice, c'est qu'il fume sans arrêt, et il n'arrêtera que sur les instances du médecin et de Marcelle, sa fille, en 1925.

Les années abolitionnistes

Mais en 1906, Armand Fallières et les abolitionnistes président aux destinées de la France. Durant trois ans, tous les condamnés échapperont à Deibler, qui devra trouver un emploi de rechange, à savoir placier en vins de Champagne, pendant cette période. Il prendra néanmoins la précaution de se présenter sous le nom de François Rogis.

Mais quand, à l'automne 1907, le Président Fallières gracie Albert Soleilland, auteur d'un crime sexuel abominable, c'est la France qui se lève contre l'abolition. L'Assemblée statuera sur la peine capitale l'année suivante.

La reprise des exécutions

Devant le refus massif de la suppression de la peine de mort, Fallières se doit de réagir, et l'année 1909 verra la reprise des exécutions : 13 têtes sous le couperet (comprenant la première exécution devant la prison de la Santé), une double exécution à Albi, une triple exécution à Valence, des « Chauffeurs de la Drôme » et une rareté : la première exécution de l'année, à Béthune, sera quadruple, avec l'exécution des quatre principaux dirigeants de la bande Pollet. Par la suite, il procédera à une vingtaine de doublés, et une autre triple, celle des quelques survivants de la bande à Bonnot, en 1913.

La guerre n'arrête pas le bourreau : une vingtaine d'exécutions auront lieu entre 1914 et 1918. En mars 1918, Deibler part à Furnes en Belgique, sous les bombardements de l’armée allemande, pour guillotiner Émile Ferfaille au nom du peuple belge (il aura à quitter la France une autre fois en juin 1923, pour guillotiner dans le Territoire du Bassin de la Sarre alors sous occupation française). En août 1918, il est mobilisé, et travaille comme secrétaire au ministère des Armées, avec l'autorisation d'absence en cas d'exécution. Les années faisant immédiatement suite à la guerre sont les plus fructueuses, à croire que les massacres de l'Est ont libéré les mœurs criminelles. En 1921, 22 condamnés à mort seront exécutés, et en 1922, 20, dont Landru. D'autres noms, dont la célébrité s'est un peu émoussée, sont : Ughetto (en 1930), Gorguloff (assassin du président Paul Doumer en 1932) ou Sarrejani (en 1934). Le 24 janvier 1939, à Lyon, il décapite Abdelkader Rakida. Ce sera sa dernière exécution.

Mort

En 1939, Anatole entre dans sa 77e année. C'est un homme toujours affable, sa barbe et le peu de cheveux qui lui restent sont tout blancs. En moyenne, il exécute environ 7 condamnés par an. Le 1er février 1939, il reçoit un nouvel ordre d'exécution. Au matin du 3, il devra se trouver aux portes de la prison de Rennes, avec sa machine, pour décapiter Maurice Pilorge. Deibler est fort content de ce voyage. Il aime retrouver sa ville natale, il n'y avait pas remis les pieds depuis l'exécution de Lagadec, le 20 mai 1922. Au matin du 2 février, il se réveille vers 6 heures, se prépare. Sa fille lui sert un café au lait et lui propose, en ce froid matin, de le conduire à la gare. Anatole refuse, et dit qu'il préfère prendre le métro. Un dernier « au revoir », et Anatole quitte la villa Dufresne en direction de la station Porte de Saint-Cloud. Il descend les marches de la station, et sur le quai, se sent subitement mal. Il s'écroule, victime d'un infarctus. Les gens l'entourent, on le transporte à l'hôpital. Vers 8 heures, Anatole rend son dernier soupir. Jules-Henri Desfourneaux, André Obrecht et Georges Martin, qui patientaient à la gare de Paris-Montparnasse, voient arriver, dans la Citroën beige et marron, Marcelle Deibler et Georgette Desfourneaux. Les deux femmes effondrées préviennent les aides du décès de leur patron.

On doit surseoir à l'exécution, mais la Justice est en marche. Pour la seconde fois de sa carrière, Desfourneaux, aide de première classe, exercera les fonctions de chef le 4 février. Le lendemain, au vieux cimetière de Boulogne, Anatole est inhumé aux côtés de son père et de son fils. Un mois et demi après, sur les instances de la veuve d'Anatole, Desfourneaux obtient le poste tant convoité d'exécuteur en chef, ce dernier ayant par le passé, prêté de l'argent au couple.

Au total, Anatole exécuta 395 condamnés à mort de 1885 à 1939, dont 299 en tant qu'exécuteur en chef, de 1899 à 1939.

À compter de la première exécution qu'il effectua, en 1885, Anatole Deibler conserva une série de carnets d'écolier sur lesquels il nota scrupuleusement chaque exécution à laquelle il avait participé. Au départ, il ne marquait que la date, le lieu, le nom du condamné et son crime, sommairement relaté, mais le temps passant, il finit par ajouter des détails (temps, heure de l'exécution, jour de la semaine, attitude du condamné lors de son réveil) et à raconter en détail le crime pour lequel on l'avait condamné à mort. En 1891, il se lança parallèlement dans la rédaction de carnets de condamnations, dans lesquels il marquait toutes les condamnations à mort prononcées annuellement par les jurys français. Des croix de couleurs différentes permettaient de comprendre le sort des condamnés : une croix bleue signifiait la grâce, le texte entier rayé de bleu la cassation du verdict et une croix rouge cerclée de noir l'exécution. Dans ce dernier cas, Anatole Deibler reproduisait in extenso le contenu du carnet de condamnations dans celui d'exécutions.

Après la mort de Deibler, ces documents furent conservés par sa veuve et sa fille. Cette dernière finit par vendre les carnets à une association de recherches historiques au début des années 1980. Ils furent vendus une seconde fois aux enchères, à l'hôtel des ventes Richelieu-Drouot le 5 février 2003, et ils dépassèrent la somme record de 100 000 euros. L'acquéreur en était une société spécialisée dans les autographes anciens.

Biographies

Deibler dans la chanson

Le personnage de Deibler apparaît dans la chanson réaliste ou satyrico-politique. Citons, Du Gris (E. Dumont/F. L. Benech)

Y a l'alcool, me parle pas de cette bavarde
Qui vous met la tête à l'envers
La rouquine, qu'était une pocharde
a vendu son homme à Deibler

ou On est en République (Montéhus/Roger Chantegrelet-Pierre Doubis) (1910):

Enfin, ça y est ! On est en République !
Tout marche bien, tout le monde est content !
Monsieur Deibler, avec sa mécanique
Nous coûte à peine soixante mille francs par an

ou Les nocturnes (Gaston Gabaroche) (1914):

Devant la porte sombre
De la vieille prison
Des gens dans l'ombre
Descendent d'un fourgon
Soudain la sinistre machine
Se dresse dans la nuit
Deibler monte sa guillotine
Lentement, sûrement, sans bruit
Dans un silence profond
La foule observe ce qu'ils font

ou Géomay (Aristide Bruant) (vers 1900):

Une nuit qu'il 'tait en permission
vlà qu'i' tu' la vieille d'un coup d'scion
C'est-i bête!
L'aut' matin Deibler, d'un seul coup,
Place d' la Roquette y a cou-
-pé la tête.

Deibler dans la littérature

  • Le personnage de Deibler apparaît aussi dans Fantômas, roman écrit en 1911 et le premier d'un cycle consacré au génie du mal créé par Pierre Souvestre et Marcel Allain. Il est en effet, à la fin du récit, chargé de l'exécution du criminel (mais est-ce bien Fantômas qui est guillotiné ?). Auparavant Deibler avait été cité dans un des articles d'Alphonse Allais.
  • Deibler est également cité par Léo Malet (dans L'Homme au sang bleu), ainsi que dans Passez moi la Joconde, "Du sirop pour les guêpes" et Faut être logique de San-Antonio, la série de romans policiers rédigée par Frédéric Dard. Il apparaît aussi, sous la forme d'une apparition spirite dans Discordances de la Cité ardente, de Christian Delcourt.
  • Dans le roman Notre-Dame-des-Fleurs, Jean Genet cite un graffiti de prison le mentionnant : "Mon cœur à ma mère, ma bite aux putains, ma tête à Deibler".
  • En dernier, il apparaît dans le roman de Michel Folco Dieu et nous seuls pouvons.

Deibler au théâtre

Son personnage est confronté à Henri Désiré Landru dans une pièce de théâtre Landru et Fantaisies de Christian Siméon, aux éditions de l'Avant-scène Théâtre, en 2003. Une confrontation a lieu durant toute la pièce entre le tueur en série et Deibler, tueur « public ».

Deibler au cinéma

Dans Le Voyage de la veuve, film de 2008 produit par France 2, Anatole Deibler est incarné par Jean-Michel Dupuis.

Liens externes

  1. Registre des naissances (1863), Archives municipales de Rennes, cote 2E71, p. 159. Acte du 30 novembre 1863.
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Louis Deibler
Exécuteur en chef des arrêts criminels de la République française
1899-1939
Jules-Henri Desfourneaux

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