Baze v. Rees

Baze v. Rees

Injection létale

Peine de mort
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L'injection létale est une méthode d'exécution qui consiste à injecter un ou plusieurs produits à un condamné par voie intraveineuse. Depuis 1982, pas moins d’un millier de personnes ont été exécutées par injection mortelle dans le monde : trois au Guatemala, six en Thaïlande, sept aux Philippines, plus de 1100 aux États-Unis [1] et jusqu’à plusieurs milliers en Chine. [2] [3]

Sommaire

Histoire

Le docteur Julius Mount Bleyer propose cette méthode d'exécution dès 1888, à New York, mais elle ne fut pas acceptée. Suite aux pressions de la British Medical Association, elle fut également rejetée au Royaume-Uni.

Le premier État des États-Unis à l'adopter fut l'Oklahoma, en février 1977, sous l'impulsion du docteur Stanley Deutsch, suivi du Texas la même année. Ce dernier l'appliqua la première fois le 2 décembre 1982, pour exécuter Charles Brooks. Depuis, la quasi-totalité des États ayant recours à la peine de mort l'utilisent. Elle est considérée par ses partisans comme une méthode moderne et humaine.

De par le monde, de plus en plus de pays l'utilisent. On peut citer notamment la Chine en 1997, le Guatemala en 1998 et les Philippines en 1999. Plusieurs autres pays l'ont adoptée, mais ils ne l'ont pour l'instant pas utilisée.

La procédure

États-Unis

Le condamné est installé et sanglé sur une table matelassée. Dans certains États, les tables sont remplacées par des fauteuils, un peu comme ceux présents chez les dentistes, pour que le condamné soit plus confortablement installé.

Deux cathéters sont ensuite placés sur son bras, ils serviront à injecter les produits (le second ne sert qu'en cas d'urgence). Le matériel utilisé est stérilisé, car il est possible que le condamné obtienne un sursis même après que les cathéters ont été installés. En général un ou plusieurs techniciens formés sont chargés d'insérer les cathéters et plusieurs autres de préparer et injecter manuellement les produits dans une pièce séparée, dissimulés par un miroir semi-réfléchissant. Une série de trois injections est nécessaire pour exécuter le condamné[4] :

  • la première, du thiopental sodique, est destinée à anesthésier le condamné. Il provoque l'inconscience passé 30-45 secondes à dose normale et passé 10 secondes à forte dose ;
  • la seconde, du bromure de pancuronium, est destinée à paralyser les muscles, ce produit n'est pas nécessaire pour que l'exécution soit effective, il sert juste à rendre la mort plus digne pour le condamné et les témoins en évitant qu'il ne bouge dans son inconscience ;
  • la troisième, du chlorure de potassium, provoque un arrêt cardiaque.

Ces injections sont chacune suivies par l'injection d'une solution saline pour éviter les mélanges.

Le déroulement de ces trois injections a été durant une certaine période entièrement automatisé au moyen d'un engin mis au point par le docteur Fred Leuchter, mais la fiabilité douteuse de l'équipement a entraîné son abandon progressif au profit de l'injection manuelle, réputée plus sûre (l'Illinois n'a toutefois pas abandonné ces machines). De plus, il arrive dans certains cas que des problèmes de dosage surviennent. La personne chargée des injections est alors obligée de recommencer depuis le début.

La mort du condamné survient généralement aux alentours de 7 minutes.

En Chine

L'injection létale inspirée des états-unis a été adoptée en 1997. Même si certaines grandes villes comme Pékin disposent de leur propre lieu fixe au sein d'une prison pour procéder aux injections létales [5], les provinces lointaines où les exécutions ne sont pas fréquentes l'utilisent dans des camions spécialement prévus à cet effet qui se déplacent à travers le pays. Les seringues sont pressées par un policier et la scène peut également être filmée sans que le public ne puisse accéder à la vidéo. On rapporte que dix personnes sont présentes dans le camion et que douze policiers assurent la sécurité à l'extérieur. Seulement quatre personnes sont nécessaires à l'exécution : un procureur et un autre officiel pour le coté juridique ; le policier et un médecin légal chargé de planter l'aiguille et de constater le décès. Les six autres personnes assistent à la scène à l'avant du bus au moyen d'un circuit fermé de télévision. Contrairement au « three drugs cocktail » américain, les condamnés chinois sont exécutés au moyen de deux produits, un barbiturique qui fait effet au bout 10-20 secondes puis du cyanure de potassium, entrainant un arrêt cardiaque au bout 1-2 minutes.[6]

L'affaire Baze v. Rees

Le 25 septembre 2007, la cour suprême des États-Unis a accepté d'entendre l'affaire Baze and Bowling versus Rees communément appelée Baze v. Rees et annula toutes les exécutions au dernier moment jusqu'à ce que soit rendue sa décision. Dans cette affaire les plaignants ne contestent pas la constitutionnalité de la peine de mort ni celle de l'injection létale, mais celle du protocole d'exécution du Kentucky utilisant trois produits comme dans tous les autres États américains appliquant l'injection. Ils demandaient à la Cour de déclarer ce protocole anticonstitutionnel et d'obliger les États à adopter un protocole composé d'un seul produit (le thiopental sodique ou un autre barbiturique) pour provoquer une mort par overdose dans l'inconscience, comme cela est pratiqué dans les euthanasies aux Pays-Bas. Une telle décision aurait eu des conséquences graves, elle aurait retardé les exécutions pour encore des mois avant que la justice ne valide les nouveaux protocoles, et aurait même pu nécessiter des modifications législatives dans les 14 États où ce protocole est prévu par la loi. L'expérience montrant qu'une poignée de parlementaires influents des comités législatifs peuvent tuer des projets de loi, cela aurait pu avoir pour effet d'empêcher tout simplement l'application de la peine de mort dans certains États.

  • Les arguments des demandeurs consistaient essentiellement à dire que les deux autres produits utilisés (le potassium et surtout le bromure qui n'est pas nécessaire pour que ni la mort ni l'inconscience n'interviennent) sont des produits provoquant une douleur relevant de la torture si le thiopental n'avait pas fait son effet. Ce problème était selon eux en combinaison avec le problème de l'incompétence des exécuteurs. Ils fustigeait notamment le fait que ce soit le directeur de la prison et son adjoint (qui président à l'exécution) qui soient chargés de constater l'inconscience avant de n'autoriser à procéder aux injections suivantes alors qu'ils n'ont aucune compétence médicale. Par ailleurs les personnels qui sont chargés d'insérer les cathéters ne sont pas non plus des médecins ni des infirmiers. Pour conclure, l'adoption du protocole en un seul produit aurait éliminé ces problèmes car un barbiturique est par définition indolore.
  • Les arguments des intimés débutaient par un rappel que le protocole en trois produits n'est douloureux que si et seulement si le thiopental est mal administré. En partant de cette base de réflexion, il s'agissait de contester que thiopental ait des chances suffisamment élevées d'être mal administré pour justifier un jugement de la Cour. Pour commencer le fait que ce ne soit pas des personnels médicaux qui insèrent les cathéters ne constituent pas un problème selon eux, car ils sont à la place insérés par des phlebotomists (pas de traduction française) dont le métier consiste justement à insérer des aiguilles quotidiennement à l'infirmerie de la prison (dans les 30 par jour). En ce qui concerne la vérification de l'inconscience du condamné, les intimés arguaient que le directeur et son adjoint étaient tout à fait aptes à voir si le condamné avait oui ou non fermé les yeux, et qu'un médecin ne serait pas plus capable de vérifier l'inconscience dans la mesure où cela nécessiterait de donner une claque au condamné. Les intimés ont donc réfuté en bloc l'argument de l'incompétence des exécuteurs, expliquant que ceux-ci effectuent une répétition tous les mois alors même que le Kentucky n'avait exécuté qu'un condamné par injection. En résumé, le bromure de pancuronium est important pour maintenir la dignité de l'exécution en évitant les mouvements musculaires involontaires. Par ailleurs le protocole en un seul produit n'a jamais été utilisé dans le cadre d'une exécution américaine, son caractère plus humain se base donc essentiellement sur de la rhétorique et il pourrait provoquer de nombreux problèmes n'ayant pas été anticipé. Faudra-t-il encore suspendre les exécutions dans tout le pays si l'on établit encore une méthode d'exécution soi-disant plus humaine que la précédente ? disait le Juge Scalia selon lequel rien n'oblige dans la Constitution à adopter la méthode la moins douloureuse qui soit. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour tendrait à ne pas justifier son intervention dans le cas de souffrance infligée à cause d'une erreur de bonne foi.

La Cour rendit sa décision plus tôt que prévu, le mercredi 16 avril 2008. Les juges Roberts ; Scalia ; Thomas ; Breyer ; Stevens ; Kennedy et Alito ont voté en faveur des intimés dans cette affaire s'exprimant dans plusieurs opinions concurrentes aux raisonnements juridiques différents les uns de autres. La juge Ginsburg rejoint par le juge Souter a, elle, émis une opinion dissidente. Les exécutions ont repris le mois suivant et cette décision fait jurisprudence à l'échelle nationale. En somme tous les États qui à l'avenir présenteront des protocoles d'exécution présentant des garanties égales ou meilleures à celle du Kentucky devront être déclarés conformes à la Constitution des États-Unis. [7]

L'injection létale : alternative humaine aux autres formes d'exécution ?

De très nombreuses exécutions sont encore aujourd'hui suspendues dans plusieurs États (citons notamment la Californie, la Caroline du Nord, le Delaware, le Maryland et l'État de Washington), et ce malgré la décision de la cour suprême des États-Unis du 16 avril 2008 (Baze v. Rees) qui définit le protocole d'exécution du Kentucky comme standard (même dans les États où le protocole d'exécution est en accord avec ce standard, il faut énormément de temps avant qu'il ne soit validé par la justice, chaque juridiction voulant revoir la décision d'une précédente). L'injection létale n'est pas contestée en soi du fait qu'il serait impensable de revenir à une autre méthode d'exécution, toutes les autres étant vues comme cruelles et horribles par l'homme de la rue. Ce sont diverses modalités de son application qui font l'objet de nombreux recours judiciaires (participation de professionnels médicaux, qualifications des exécuteurs, produits utilisés, etc).

L'injection létale est donc toujours sujette à une énorme quantité de recours judiciaires qui permettent de s'assurer que le thiopental sodique fasse son effet et que le condamné ne souffre pas physiquement.

Pour autant l'injection létale vaut-elle mieux qu'une autre méthode d'exécution ? Une exécution de ce type dure en totalité entre vingt et cinquante minutes : le temps de sangler le condamné en faisant attention de ne pas bloquer sa circulation sanguine, de trouver une veine potable sur chaque bras, d'insérer les cathéters… Plusieurs étapes pouvant être extrêmement éprouvantes. Dans les années 1950 une commission royale au Royaume-Uni fut instituée pour étudier la peine de mort (Royal Commission on Capital Punishment), et l'exécuteur Albert Pierrepoint assista à la simulation d'une exécution par injection létale.

Comparé à une pendaison « à l'anglaise » qui ne dure pas plus d'une minute entre le moment où le bourreau entre dans la cellule et celui où le condamné perd connaissance, il jugea le procédé d'injection létale de « sadique ». La mort par pendaison à forte chute provoque une rupture des cervicales, la mort est certes violente mais elle est instantanée. Lors d'une exécution par injection, le thiopental sodique agit progressivement, le condamné se voit donc en train de s'endormir...définitivement. [8] En France, une décollation à la guillotine durait à peu prés la même durée. Un ancien responsable des exécutions en Virginie, un état américain qui autorise les condamnés à choisir entre l'injection létale et la chaise électrique, à déclaré que s'il était confronté à ce choix, il choisirait la chaise électrique parce qu'elle est « rapide » alors que l'injection létale est assortie « d'un long processus ». [9]

Participation de professionnels médicaux

Il exite plusieurs degrés d'implication des médecins ou infirmiers dans les exécutions capitales par injection létale :

  • Faire seulement acte de présence. Pour constater le décès sur place ;
  • Vérifier que le thiopental sodique a fait son effet permettant ensuite de procéder aux injections suivantes ;
  • Insérer le ou les cathéters indispensables pour procéder à l'exécution ;
  • Participer à la formation des exécuteurs ;
  • Préparer les produits et le matériel ;
  • Participer activement à l'exécution, en poussant les seringues et donnant ainsi la mort.

Le premier degré est toujours employé et obligatoire pour procéder. Le dernier degré n'a jamais été utilisé et est formellement interdit par le Serment d'Hippocrate. Même si des médecins ont déjà par le passé participé aux quatre autres degrés, de plus les États se débrouillent pour les faire effectuer par d'autres personnes que des médecins, comme d'anciens personnels médicaux de l'armée [10] ou encore des personnels non liés par l'éthique médicale dont le travail journalier consiste à faire des prises de sang à l'infirmerie de la prison. [11]

Aujourd'hui, les organisations abolitionnistes qui veulent empêcher les exécutions à tout prix contestent même le premier et le deuxième niveau d'implication, arguant que les médecins pourrait être amenés à abréger les souffrances du condamné en cas de problème grave.

Tout participant à une exécution capitale doit être volontaire. Dans de nombreux États des lois ont déjà été votées, ou des règlementations publiées pour protéger l'anonymat des exécuteurs et la licence des médecins même lorsque ceux-ci ne font que acte de présence.

Voir aussi

Salles d'exécution sur internet

Aux États-Unis (modèles connus les plus récemment utilisés par État)

  • Colorado (un seul exécuté nommé Gary Lee Davis)
  • Connecticut (un seul exécuté, un volontaire nommé Michael Ross)
  • Dakota du sud (un seul exécuté, un volontaire nommé Elijah Page)
  • Idaho (un seul exécuté, un volontaire nommé Keith Wells)
  • Virginie (ressemble beaucoup à celle du Kentucky)
Autres pays
Origine inconnue

Notes

  1. [1]
  2. [2]
  3. [3]
  4. Ellen Goodman, « Les Bourreaux au chômage technique », dans The Boston Globe, article repris dans Courrier international n°887, 31-10 au 07-11-2007, p.20
  5. [4]
  6. [5]
  7. [6]
  8. (en)[7]
  9. (en)[http://abcnews.go.com/TheLaw/story?id=4015348&page=1 Interview With an Executioner ]
  10. [8]
  11. [9]
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