Louis Soutter

Louis Soutter
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Louis Soutter est un artiste, peintre et dessinateur suisse, né à Morges, près de Lausanne, le 4 juin 1871, mort dans un quasi-anonymat à Ballaigues, près de Vallorbe, le 20 février 1942.

De son œuvre des années 1892 à 1922, il reste peu de chose, Soutter ayant eu une vie riche en changements et en déplacements, dont six ans aux États-Unis, marié à une Américaine et directeur du département d'art et de design au Colorado College, à Colorado Springs, Colorado, puis une quinzaine d'années comme violoniste en Suisse romande.

Louis Soutter produisit la plus grande partie de son œuvre, d'une grande richesse — des milliers de dessins d'une extrême originalité, n'appartenant à aucune tendance artistique d'avant-guerre —, après son enfermement contre son gré dans un hospice pour vieillards, l'Asile du Jura à Ballaigues, de 1923 à sa mort. Son cousin, Le Corbusier, ses amis réunis en « Association des Amis de Soutter », des galeristes, éditeurs, conservateurs de musées, travaillèrent sans relâche à faire découvrir l'œuvre de l'artiste Louis Soutter.

En 1945, Jean Dubuffet la découvrit grâce à Jean Giono. Il intégra aussitôt Soutter dans l'Art brut (concept qu'il avait créé en 1945, dans lequel il intégrait les créateurs non professionnels de l'art et indemnes de toute culture artistique, dont, parmi eux, les malades mentaux), puis, après réflexion, il l'en retira, conscient que l'artiste suisse était trop cultivé dans le domaine artistique, de par ses études et sa profession aux États-Unis, pour appartenir à l'Art brut.

Le concept de Jean Dubuffet était très nouveau. Il avait rapidement séduit le grand public, mais bien que l'artiste français en eût retiré Soutter, celui-ci garda, collé à son nom et à son art, l'étiquette Art brut. En Suisse romande, Louis Soutter, créateur trop original pour trouver une place dans un mouvement artistique connu, suivi par la réputation de « folie » qui lui avait été faite de son vivant déjà, resta un « fou ».

Cette opinion fut lentement remise en question, et si Soutter reste un malade mental pour certains, le temps, l'évolution de l'art, les écrits sur sa création, les expositions particulières et collectives, nationales et internationales de ses œuvres ont changé le regard posé sur lui. Louis Soutter est considéré aujourd'hui comme l'un des plus grands artistes suisses de la première moitié du XXe siècle. Il appartient à l'Art moderne.

On distingue quatre périodes dans son œuvre : la première, celle de la « jeunesse », de 1892 à 1923, citée précédemment, et celles, essentielles, des « cahiers », de 1923 à 1930, « maniériste », de 1930 à 1937, et la période de la « peinture au doigt », de 1937 à 1942.

Place Louis-Soutter à Morges (Suisse), inaugurée en 2008

Sommaire

Biographie

Son père, Louis-Henry-Adolphe Soutter[1], était pharmacien. Sa mère, Marie-Cécile Jeanneret-Piquet[1], était musicienne, professeur de chant à l'École supérieure de jeunes filles de Morges. Elle était une forte personnalité, aimant organiser des concerts dans leur maison et se produisant à ces occasions. Son frère aîné, Albert, et sa sœur cadette, Jeanne-Louise, étaient également musiciens. Par sa mère, Louis Soutter était parent (cousin issu de germains) de Charles-Édouard Jeanneret-Gris[2], plus connu sous le pseudonyme Le Corbusier, qui fit beaucoup pour le faire connaître.

Études

Pornocrates (ou « Pornokrates ») de Félicien Rops, dessin, 1879, date confirmée par une lettre de l'artiste, cette année-là, à H. Liesse
The Climax, illustration d'Aubrey Beardsley pour Salome, d'Oscar Wilde, version anglaise, 1894

Le jeune Louis Soutter commença des études d'ingénieur à l'Université de Lausanne, les interrompit pour étudier l'architecture à Genève, chez l'architecte Louis Viollier (1852-1931), puis chez un architecte de Morges. L'importance de la musique chez ses parents, les concerts donnés dans leur maison avaient sans doute été déterminants pour lui, car, en 1892, il interrompit ses études d'architecture et choisit d'entamer une carrière musicale. Il partit pour Bruxelles et devint l'élève du violoniste Eugène Ysaye, au Conservatoire royal de Bruxelles.

À Bruxelles, c'était l'époque de l'Art nouveau, du Groupe des XX dans la musique, dont Isaye était proche, celle du Symbolisme dans la littérature, la poésie, la philosophie, le théâtre, mais surtout dans les arts plastiques. La peinture symboliste était l'expression du monde intérieur, subjectif, elle s'inspirait des mythologies européennes, des légendes, des contes de fées, de la Bible ; elle opposait le vice à la vertu, se délectait de l'imaginaire, de l'au-delà, du mysticisme, de la mort. La Femme était perçue comme un être fascinant et mystérieux. Pour certains, elle était idéalisée, vertueuse, hiératique, « noble » guerrière ; pour d'autres, elle était cruelle, perverse (Fernand Khnopff opposait néanmoins à cette perversité féminine la vertu et l'effacement de sa sœur), s'adonnant à la luxure, si dominatrice et si puissante chez Félicien Rops, dans La Dame au cochon - Pornokrates, que, les yeux bandés, elle était capable de mener en laisse un verrat. Enfin, sa beauté fatale entraînait les hommes à leur perte et à la mort. En 1893 parut Salomé d'Oscar Wilde, dans sa version originale française, et la très jeune héroïne, qui ordonna la décapitation de Iokanaan (saint Jean-Baptiste), devint d'autant plus perverse et dangereuse qu'il était inconcevable qu'une adolescente le fût.

Ce fut dans cet univers artistique de la fin du XIXe siècle, riche, effervescent, stimulant, que le jeune Louis Soutter fut plongé à Bruxelles. Et c'est à Bruxelles, en 1894, qu'il fit la connaissance d'une jeune Américaine, Madge Fursman, élève d'Eugène Ysaye, excellente chanteuse également, qui devint sa femme trois ans plus tard.

En 1895, Louis Soutter interrompit ses études musicales. Il s'installa à Lausanne pour y suivre des cours de dessin et de peinture, puis à Genève (dans l'atelier de Léon Gaud). Cette même année, à Morges, il fit venir Madge à qui il s'était fiancé, afin de la présenter à ses parents. En 1895 encore, Louis Soutter s'établit à Paris, afin de poursuivre ses études dans les ateliers de Jean-Paul Laurens et de Jean-Joseph Benjamin-Constant, à l'Académie Colarossi. En Suisse, Louis Soutter avait étudié l'art traditionnel, les scènes rupestres, à Paris il étudia la peinture académique, les grandes reconstitutions dramatiques.

À Paris, Soutter devint l'ami du céramiste américain, Artus van Briggle, l'un des représentants de l'Art nouveau aux États-Unis. Le jeune céramiste, qui avait appris que Colorado Springs (Colorado), la ville natale de Madge, avait un collège en pleine expansion dans lequel un département des beaux-arts allait être fondé, conseilla à Louis Soutter, avec l'appui de Madge probablement, de s'y établir et d'y créer un département d'enseignement de dessin et de peinture.

États-Unis

Louis Soutter décida d'émigrer aux États-Unis. À la fin de 1896 ou au début de 1897, il s'embarqua pour New York, seul ou avec Madge, on ne sait pas. Il envisagea d'abord d'ouvrir un atelier d'architecture intérieure à New York, mais des problèmes de santé l'obligèrent à y renoncer. Il passa ensuite trois mois à Chicago, des mois apparemment très heureux si l'on accepte l'idée que cette phrase — écrite à Le Corbusier en 1937, à propos de cette ville où son cousin voulait organiser une exposition de ses œuvres — évoque son bonheur avec Madge dans le Chicago de 1897 : « Que de souvenirs ! to cry désespérément. I remained 3 months in that city, painting, full of hope and love »[3].

Soutter s'installa finalement à Colorado Springs, où Madge vivait chez ses parents, ville située près de Denver (Colorado), au pied des montagnes Rocheuses, dans l'Ouest américain. C'était une ville en pleine expansion économique, dont les ressources minières attiraient un grand nombre d'émigrants ; Colorado Springs, située à 1 800 mètres d'altitude, était en outre un lieu de cure et de villégiature connu pour son climat sec et vif. Après son mariage, le 24 juillet 1897, Louis Soutter vécut avec Madge chez ses beaux-parents. Le couple loua ensuite un appartement meublé à l'Hôtel Plazza et s'y installa.

Installé à Colorado Springs, Soutter avait créé un atelier privé. Là il donnait des leçons de violon et de dessin. Il devint rapidement un professeur très apprécié, ce qui lui valut d'être nommé, en 1998, directeur d'un département des beaux-arts tout nouveau, au Colorado College de Colorado Springs.

En 1898 parut dans le Denver Times un article très élogieux annonçant l'ouverture de cette nouvelle section, donnant de Louis Soutter l'image du « pionnier » que devait être toute personne vivant sur le sol américain : « M. Soutter dirigera cette année le département des beaux-arts du Colorado College. Ce département a engagé M. Louis Jeanneret Soutter comme directeur. En attendant que le nouveau bâtiment consacré aux beaux-arts et à la musique soit terminé, M. Soutter donnera ses cours dans son atelier à la maison d'Everhart. Le nouveau directeur est tout désigné pour cette fonction. Il possède une grande culture dans le domaine des beaux-arts. Il est né à Lausanne. Après sa maturité au Collège de Morges et à l'Université de Lausanne, il a étudié la musique et les beaux-arts à Bruxelles, en résidant dans la maison du fameux violoniste Ysaye. Puis il a passé trois ans à Paris en étudiant dans les ateliers de Colarossi et de Freyaye [?] et à l'École des Beaux-arts. Dans notre pays, il aurait voulu devenir décorateur et ouvrir un atelier à New York. Mais une grave maladie l'a empêché de réaliser ce projet. L'année passée, il a enseigné à Colorado Springs, et ses cours ont eu un grand succès. Par son enthousiasme et son talent, il va donner un développement considérable au département des beaux-arts, à l'instar du conservatoire de musique dirigé par Rubin Goldmark. Outre les peintures qui ont été présentées à l'Exposition de Genève[4], les dessins consacrés au thème des « Châteaux suisses » ont valu à M. Soutter un prix offert par le journal qui était l'organe de l'exposition »[5].

Arch of Welcome, 17th St. E.S.E. from railway station, Denver, CO (États-Unis), entre 1900 et 1910

Les cours de Louis Soutter eurent du succès, le nombre d'élèves augmenta rapidement. Le matin, les élèves dessinaient à l'atelier, l'après-midi était dévolu à la peinture, au pastel, à la gouache. Parfois lorsqu'il faisait beau, les cours avaient lieu à l'extérieur, le professeur et les élèves se rendaient à cheval ou en char dans le ''Garden of the Gods'' (Le Jardin des Dieux) ou dans le Woodmen Valley, pour y dessiner et peindre ce que la nature avait créé de plus étrange et de plus extraordinaire.

De ces sept années il y a peu de témoignages sur sa vie, à part des articles de presse sur la réussite de « Louis Jeanneret Soutter, First Director of the Department of Art and Design at Colorado College », mais sur lui et sur Madge, sur leur mariage, leur vie privée, leur vie sociale, il n'y a quasiment rien. À chacun de ses voyages en Europe, où il se rendait seul, ses amis auraient pu se douter, à le voir toujours plus amaigri et abattu, même si Soutter ne parlait pas de son mariage, qu'il n'était pas heureux.

Le couple qu'il formait avec Madge se cassa. Le 26 janvier 1903, Madge demanda le divorce aux torts de son mari, pour des raisons d'extrême cruauté physique et mentale à son égard ; elle ne demandait pas de pension alimentaire et souhaitait reprendre son nom de jeune fille. Louis Soutter admit les allégations de Madge (à cette époque aux États-Unis, le divorce ne pouvait être prononcé que si l'on pouvait alléguer des raisons graves, généralement inventées de toutes pièces) ; il démissionna aussitôt de son poste au Département des beaux-arts du Colorado College, et le Gazette-Telegraph du 6 février 1903 rapporta qu'il avait quitté la ville pour Paris, sans intention d'y revenir. Le même mois, il fut annoncé qu'Artus van Briggle, qui s'était lui-même installé à Colorado Springs avec sa femme, en 1899, et avait ouvert la Van Briggle Pottery, lui avait succédé à la direction au Département des beaux-arts. Madge obtint le divorce en mai 1903, ainsi que le droit de reprendre son nom de jeune fille ; dans le registre municipal de 1904, elle figure pourtant avec cette inscription : « Mrs Louis Soutter, widow of Louis Soutter » (veuve de L.S.)[6].

Retour en Suisse

Après son départ des États-Unis, en 1903, Louis Soutter passa quelques mois à Paris, puis il revint définitivement à Morges, peu de temps avant que ne meure son père. Il était dans un état de délabrement physique et moral qui stupéfia ceux qui le connaissaient, maigre, prostré, incapable de se concentrer sur quoi que ce soit. Il refusait d'évoquer son passé ; parfois, il se laissait aller à une confidence ; à une cousine : « Ma femme était autoritaire, elle se servait de moi comme d'une machine à gagner de l'argent et elle me rendait dépressif » ; à un autre confident : « Elle m'exploitait : elle me faisait travailler le jour, puis participer ensuite à de longues soirées mondaines » ; à un ami : « Je n'ai jamais eu la force d'avoir des enfants, elle était trop bien pour moi » ; à Auberjonois : « J'avais de vilaines dents et ma femme en avait de très belles. Elle souriait insolemment. C'était pour moi une offense »[7] ; quelque trente ans plus tard, il disait à sa cousine, Mme Walter-du Martheray avec qui il avait noué des liens d'amitié en 1936, et celle-ci écrivit : « Soutter me confia des souvenirs, des sentiments. Il avait de pénibles souvenirs de sa vie conjugale. Il s'était senti dépassé, incompris. [...] Il parlait aussi des paysages d'Amérique, du sentiment de grandeur, d'espace qu'il y éprouvait. [...] Il insistait sur l'importance qu'on donne, en Amérique, aux vêtements »[8].

La Grand'Rue à Morges (Suisse)

Pour expliquer son état physique et moral, on parla beaucoup dans son entourage de typhus ou de fièvre typhoïde, mais aucun diagnostic ne fut réellement posé. En 1906, son oncle, le Dr Jeanneret, le poussa à soigner sa santé et sa dépression, et, grâce à lui, Louis Soutter fit un séjour d'une année dans la Clinique Sonnenfels, à Spiez, dans le canton de Berne.

Son état s'étant amélioré, il put, en 1907, envisager une carrière de violoniste. Il entra dans l'Orchestre du Théâtre de Genève (qui deviendra l'Orchestre de la Suisse romande) au rang de premier violon, mais son inexpérience d'un travail au sein d'un orchestre symphonique, son état rêveur et nerveux, sa dépression latente — la musique le mettait dans un état second — ne lui permirent pas de se plier à la discipline de l'orchestre, et il dut être déplacé dans les seconds violons. En 1908, il fut engagé par l'Orchestre symphonique de Lausanne. En 1915, il était violoniste à l'Orchestre de Genève ; cette année-là fut la dernière où il appartint à un orchestre symphonique. Les années suivantes, il travailla à Morges, dans l'ensemble de Loulou Schmidt, puis dans de petits orchestres de thés dansants ou de stations touristiques ; en 1918, il fit partie d'un ensemble de quelques musiciens se produisant au Kursaal ou au tea-room d'un grand magasin lausannois, interprétant des airs des grands opéras Carmen, Aïda, La Tosca. Dès avril 1919 il fit partie de l'orchestre allemand Marquart, en hiver 1919-1920 d'un quatuor à Gstaad. Au printemps il réintégra l'ensemble de Loulou Schmidt, en hiver 1921-1922 il fit partie de l'orchestre de l'Hôtel du Parc à Villars-sur-Ollon. En mars 1922, il était de retour dans sa ville natale (qui resta son point d'attache jusqu'en 1923).

Une réputation de « folie » avait commencé à suivre Louis Soutter. Son échec professionnel et social, son attitude inhabituelle dans cette situation choquaient la société conventionnelle, protestante et bien-pensante de la ville comme de toute la Suisse romande d'alors. Une Morgienne, Andrée Cérésole, dont les parents recevaient souvent Soutter à cette époque, confia : « On disait qu'il était fou. Il avait en effet un aspect inquiétant et une expression d'halluciné. Il avait l'air atteint d'une profonde mélancolie. « Mademoiselle, je suis perdu », m'a-t-il dit un jour qu'il était invité chez mes parents. Il tenait des propos pessimistes sur l'absurdité de la vie. Je me rappelle avoir essayé de le convaincre de l'existence de Dieu, jusqu'à ce qu'il me l'accorde subitement, mais en précisant, avec le ton du désespoir : « Je me le représente semblable à un homme... seul... » Pour lui, le rôle de Dieu était nul, on aurait pu le supprimer »[9].

À Morges, Louis Soutter fréquentait les salons morgiens, lesquels, à cette époque de la première guerre mondiale, connaissaient une grande animation. Igor Stravinsky y vivait (il y resta de 1910 à 1920), il allait parfois chez les Soutter qui possédaient deux pianos, il préparait L'Histoire du soldat avec Charles-Ferdinand Ramuz et René Auberjonois (la première de l'œuvre eut lieu en décembre 1918). Soutter fit également la connaissance du poète et dramaturge René Morax, d'Alfred Gehri, d'Emmanuel Buenzod, des peintres Jean Morax, Gaston Faravel, Coghill.

Le sculpteur Pedro Meylan fit un Portrait de Louis Soutter au crayon gras (vers 1915 selon certaines sources, vers 1920 selon d'autres) : ici, l'artiste est bien différent de l'homme faible, raté et suspecté de « folie » que les Morgiens voyaient en lui ; on découvre un homme ferme, la tête baissée vers quelque travail, la figure comme taillée au ciseau dans la pierre, la raie des cheveux, décentrée au-dessus du front, séparant la chevelure coupée à la mode de l'époque ; les arcades sourcilières, horizontales sous le grand front lisse, paraissent tranchantes au-dessus des yeux enfoncés, le nez, les joues et les mâchoires, les rides des narines aux commissures des lèvres, la bouche bien dessinée, le menton, toute la moitié inférieure du visage maigre sont comme taillés au ciseau également ; l'artiste Louis Soutter évoque le travail, la méditation, la concentration, le calme dans un environnement amical[10].

« Mort » pour Madge, excentrique, dépressif, il avait gardé de sa vie aux États-Unis le goût du luxe, des vêtements élégants, des beaux objets. Gagnant peu, il finit par faire payer par sa famille ses vêtements de dandy, costumes, chemises, cravates, chapeau melon, guêtres et gants, ainsi que les cadeaux pour des amis. En 1915, sa famille, lassée d'honorer ses factures, le fit mettre sous tutelle — à partir de 1917, ses tuteurs successifs réalisèrent progressivement les quelques biens qui restaient à l'artiste, mais le compte de Soutter se trouva épuisé en 1923 ou 1924.

En 1922, la famille de Soutter l'avait fait mettre pour quelques mois en pension dans la Maison de santé d'Éclagnens, un petit village du Gros-de-Vaud, et ce fut l'année suivante, en 1923, que les autorités municipales de Morges le mirent en pension contre son gré à l'Asile du Jura, à Ballaigues, près de Vallorbe, dans le Jura vaudois. Il ne s'agissait pas d'un établissement psychiatrique mais d'un hospice destiné à accueillir les vieillards sans revenus de la commune ou des communes avoisinantes — les motifs justifiant cette mise en pension qui devait être définitive étaient : « Soutter était incapable de subvenir à ses besoins, il faisait des dépenses inconsidérées ; sa tenue et ses excentricités nuisaient à sa bonne réputation et surtout à celle de sa famille »[11].

Ballaigues

Col du Mont d'Orzeires, Alt. 1 061 m
Col du Mont d'Orzeires, qui relie Vallorbe au Pont, vallée de Joux (Suisse)

Louis Soutter avait 52 ans. Révolté, il s'échappait de l'asile dès qu'il le pouvait, malgré les conséquences parfois dégradantes de ses fugues, comme rentrer à l'Asile du Jura entre deux gendarmes. Bon marcheur, il repartait toujours, parfois très loin en Suisse romande, pour retrouver la nature qu'il aimait, pour voir des amis, des connaissances, des parents, les Jeanneret, parents de Le Corbusier, sa mère et ses cousins à Genève. À la longue, la direction de l'hospice toléra ses fugues et, pour lui permettre de passer la frontière suisse, lui fit faire des papiers d'identité.

À l'Asile du Jura, il fut incompris, moqué, ridiculisé, méprisé, malheureux. Durant cette très longue période de 19 ans, de 1923 à l'année de sa mort, les jours se suivaient, la veille identique à aujourd'hui, aujourd'hui identique au lendemain, il souffrait d'être enfermé comme il souffrait de la promiscuité avec des vieillards indigents et incultes. En 1937, le photographe Theo Frey avait accompagné le critique d'art Max Eichenberg lors d'une visite à Louis Soutter ; il se souvint : « Il régnait une odeur pénétrante d'asile. Deux vieux se disputaient un balai dans le long corridor à travers lequel Soutter [...] nous conduisit dans sa chambre [...]. Décharné, presque timide, Soutter nous mit au courant d'une voix assourdie. Il nous montra nombre de ses travaux, des piles de dessins, nous invitant à en emporter quelques-uns. Je me souviens que Louis Soutter nous parla du grand malheur qui lui était arrivé, là-bas, en Amérique, où il avait enseigné quelques années la musique et le dessin [...], que sa jeune femme l'avait abandonné et que depuis il n'avait plus connu le bonheur. Pendant notre conversation, on entendait perpétuellement les criailleries des vieux se disputant dans le couloir ; c'est dans cette atmosphère que Louis Soutter [...] a créé son œuvre »[12].

Pendant les premières années, Soutter essaya de se consacrer au violon, revendiquant le droit de gagner sa vie comme artiste. Il travaillait son instrument dans une petite salle située derrière la chapelle de Ballaigues, il jouait parfois aux cultes du dimanche, à des soirées musicales, il donnait également des leçons de musique. S'il considérait la musique comme sa première vocation, il se consacrait néanmoins au dessin, qu'il n'avait jamais abandonné pendant les quinze années d'une carrière de violoniste douloureuse, comme en ont témoigné des musiciens qui avaient travaillé avec lui. Il accumulait les projets, les esquisses, des dessins plus élaborés qu'il ne datait presque jamais ; au début, il dessinait au crayon et à la plume, dans de petits cahiers d'écolier, des dessins si peu conformes au bon goût traditionnel de l'époque qu'on les utilisait souvent pour allumer les poêles de la maison — c'est sa période dite « des cahiers » (1923-1930).

Grâce à Le Corbusier qui l'avait retrouvé à l'Asile du Jura en 1927 et qui s'intéressait à son œuvre, il prit conscience de la qualité de son art, et grâce à Jean Giono, à des artistes célèbres en Suisse tels que René Auberjonois, Marcel Poncet, à l'écrivain Charles-Ferdinand Ramuz et à des amis qu'il s'était faits, il acquit une petite notoriété ; avec leur aide financière, il put se procurer du papier de meilleure qualité et de l'encre de Chine, il exécuta alors des dessins à la plume de grandes dimensions, fouillés, très élaborés — c'est sa période dite « maniériste » (1930-1937).

L'année 1937 marqua un changement dans l'œuvre de Louis Soutter. Il avait 66 ans, c'était un « vieil » homme malgré sa ténacité, « vieux » moins par son âge que par l'usure de son existence à Ballaigues, les privations de nourriture qu'il s'imposait, son ascétisme ; le vieillissaient encore son corps maigre, fatigué par ses longues marches dans la campagne du Jura vaudois, son visage marqué et ses lèvres serrées sur ses gencives sans dents, ses mains déformées par l'arthrose. Ne pouvant plus tenir un crayon ou une plume, il cessa de dessiner. Pour continuer à créer, il utilisa dès lors ses doigts, les trempant directement dans l'encre ou dans la gouache, technique qu'il utilisa jusqu'à sa mort — il s'agit de sa période dite « peinture au doigt » (1937-1942).

Les périodes des « cahiers », « maniériste » et « au doigt » représentent dix-neuf ans de création d'une extrême richesse malgré la simplicité des moyens techniques.

Il mourut à Ballaigues le 20 février 1942, à 71 ans. L'Asile du Jura s'occupa de l'enterrement, ses connaissances et amis apprirent sa mort quelques jours plus tard par un article nécrologique.

Après sa mort, on retrouva dans sa chambre les dessins qui n'avaient pas été détruits par le personnel de l'asile, offerts par Soutter lui-même à des amis, ceux qu'il n'avait pas échangés pour des achats et des consommations au bistrot, pour se faire habiller par le meilleur faiseur de Lausanne, à la fois collectionneur avisé et mécène. Ce nombre d'œuvres doubla presque lorsqu'on découvrit la collection de Le Corbusier, les dessins qui avaient figuré à la première exposition de Hartford, CO, aux États-Unis, en 1936, et les collections plus ou moins importantes d'amateurs d'art.

Œuvre

L'œuvre de Louis Soutter est immense. De la période agitée de ses études d'ingénierie, d'architecture, de violon, de dessin et de peinture, et des sept années passées aux États-Unis, il reste peu d'œuvres, une cinquantaine. De la longue période de 1923 à 1942 (année de sa mort) à l'Asile du Jura à Ballaigues, il fut retrouvé des milliers de dessins. L'historien d'art Michel Thévoz, auteur du catalogue raisonné de son œuvre[13], a répertorié environ 2850 dessins et quelques peintures. C'est une œuvre libre de toute influence : l'artiste la créa au crayon et à la plume, en noir et blanc, jusqu'à ce qu'il dût dessiner ou peindre avec le doigt, ajoutant alors à ses silhouettes noires des touches de gouaches de couleur. Louis Soutter a donné une place très importante à la Femme, un être féminin à deux visages, « bonne » (au début de son enfermement à Ballaigues) dans sa sensualité, sa plénitude et sa générosité, puis, le temps passant pour l'artiste, « mauvaise », d'une beauté dangereuse, fatale, persécutrice, progressivement enlaidie par une haine incompréhensible, d'une laideur terrifiante à la fin.

Bruxelles

De 1892 à 1895, Louis Soutter étudiait le violon avec Eugène Isaye au Conservatoire royal de Bruxelles. Il dessinait également : sans le savoir vraiment, il choisissait sa vocation artistique, l'art pictural, en l'occurrence le dessin, qui resta son moyen d'expression préféré. Deux œuvres de ces années-là sont annonciatrices de que sera l'art de Soutter.

La première est un Portrait de Beethoven[14], un grand dessin à la plume et à l'encre de Chine, daté de janvier 1894 ; Louis Soutter l'offrit à son professeur Eugène Ysaye, et le jeune artiste le dédicaça ainsi : « Simple Hommage de reconnaissance à mon cher Maître Eugène Ysaye ». C'est un dessin aussi réaliste que violent, très contrasté, où le visage de trois quarts de Beethoven, le col de sa chemise, le nœud papillon et le plastron forment une tache très claire dans le foncé du costume et le fond presque noir exécutés à la plume fine, en traits serrés encore assombris par le lavis. Ce dessin donne une vision impressionnante de Beethoven : son visage exprime la fureur rentrée, son front est comme labouré, ses yeux sont grands ouverts, fixés sur un point que l'on ne peut voir, sa bouche est serrée, la crispation de sa lèvre inférieure lui creuse le menton de petits trous, et les imperfections de la peau sur le bas du visage, verrues, nævus ou acné, ajoutent une impression pénible de maladie rongeant l'âme du compositeur.

Le deuxième dessin date également de 1894, il s'agit du Portrait de Madge[15], de profil. La technique de la plume et de l'encre de Chine, aussi maîtrisée que celle du portrait de Beethoven, nous permet de reconnaître les détails des vêtements de Madge, le velours de son béret Renaissance bordé de fourrure, la chevelure épaisse, largement ondulée, le col de fourrure du manteau ouvert, la fleur de tissu fixée sur l'épaule de la robe foncée à col montant ; le visage de Madge est singulier pour une très jeune femme, son profil est soucieux, ou contrarié, ou sévère malgré la douceur de la joue et du menton, ses sourcils sont presque masculins, ses yeux sans naïveté ; ici, Madge a le même âge que Louis, son fiancé, elle a 23 ans, elle en paraît dix de plus et laisse apparaître une personnalité forte, voire difficile.

Dans les deux dessins, le style du jeune Soutter est classique, d'une qualité exceptionnelle dans l'exactitude des volumes, de la perspective des visages, des ombres qui sculptent les traits, des textures des vêtements, et il s'écarte de la tradition : le dessin n'est pas utilisé comme il l'est communément pour une esquisse, l'étude d'un sujet, d'une œuvre peinte ou pour un carton (en Art, un « carton » est une ébauche sur du papier, d’après lesquels le peintre fait une fresque, ou qu’on donne aux ouvriers en tapisseries pour recopier), il couvre la surface du papier comme le ferait la peinture à l'huile, il crée une œuvre en soi — la plume et l'encre de Chine ont remplacé les pinceaux et les tubes de couleurs. Sa technique est en outre révélatrice d'une grande puissance d'expression, d'une intuition étonnante de la personnalité de ses sujets chez un étudiant de 23 ans qui se prépare à une carrière de violoniste.

En 1895, Soutter abandonna ses études de violon et quitta Bruxelles. Il commença des études de dessin et de peinture à Lausanne et à Genève, recevant un enseignement traditionaliste, des paysages de montagne, des scènes rustiques ; à Paris, il étudia la peinture académique, l'art pompier[16], terme utilisé pour désigner l'art officiel de la seconde moitié du XIXe siècle produit sous l'influence de l'Académie des beaux-arts (France), les grandes reconstitutions dramatiques, les scènes de harem, la glorification du colonialisme, enseignement basé sur l'étude du corps humain par le dessin et les études peintes d'après nature — ces enseignements différents lui apportèrent les éléments essentiels d'un métier de peintre et de dessinateur, ils développèrent encore son sens de l'observation et lui apportèrent une connaissance approfondie du corps humain.

Colorado Springs, CO, États-Unis, 1897-1903

Une fois Louis Soutter installé à Colorado Springs, en 1897, il s'établit un changement dans son art : le jeune artiste s'était marié avec Madge, il avait appris la langue de son pays d'adoption, était devenu professeur puis directeur du département des beaux-arts au Colorado College, il se confrontait à toutes les formes d'art enseignées à la fin du XIXe siècle, il avait participé à la Première exposition du Colorado College en 1900. Cette vie nouvelle ne pouvait pas ne pas provoquer des changements dans sa création ; l'ensemble de six années de travail personnel (en dehors de son travail de professeur) était hétéroclite, les techniques, les styles étaient variés : maquettes dans le style Art nouveau pour des couvertures de journaux, paysages de montagne à la peinture à l'huile, les montagnes Rocheuses au pastel, balayées, nuageuses, mouchetées, des œuvres moins fortes, moins personnelles que les portraits exécutés à Bruxelles.

De cette période aux États-Unis, on peut extraire deux œuvres, lesquelles, l'une faisant opposition à l'autre, éclairent cette période de recherche de Soutter.

La première, datée de 1900 environ, révèle son flou créatif, — il ne reste de cette œuvre que la photo de la photo —, il s'agit d'un autoportrait, Louis Soutter à 28 ans[17], encadré, dédicacé à Madge en 1900, en français : « À ma chère femme... » (la suite est illisible), d'une haute écriture serrée, un peu penchée, décidée, avec cette inscription manuscrite au dos de la photo, en anglais : « Louis Jeanneret Soutter (photographed from a Portrait made by himself), First Director of the Department of Art and Design in Colorado College. Born near Geneva, Switzerland, 1871 »[17], son autoportrait officiel peut-être. Lorsqu'il se représenta lui-même, son art du portrait des années à Bruxelles, fort, expressif et intuitif, lui manqua ; il ne dessina pas, il peignit l'homme jeune qu'il était à 28 ou 29 ans, richement marié depuis deux ou trois ans, intégré dans le monde américain et riche de Colorado Springs.

La photo de la photo de cet autoportrait Louis Soutter à 28 ans, atténue les particularités de la technique, mais elle ne peut cacher l'académisme assez plat de la représentation que Soutter fait de lui-même : il est vêtu comme un artiste parisien, coiffé du large béret noir aplati d'un côté sur l'oreille, il porte une lavallière ou une écharpe rayée, croisée dans la fermeture de la veste de gros velours sombre ; son visage allongé est plus mince que sur la photo de ses 20 ans, prise en 1891[18], où il fait « bon garçon sérieux et bien nourri », son nez est plus long, ses sourcils moins épais, ses yeux plus grands ; il porte une moustache claire en cornes de buffle, comme l'exige la mode, peut-être une mouche sous la lèvre inférieure. Cette œuvre surprend, non pas parce que Soutter a utilisé une autre technique que la plume pour cet autoportrait, mais parce qu'il s'est représenté si sérieux, si honnête, si posé, si lisse malgré de légers contrastes de lumière, si pensif, même, avec des traits tellement immobiles qu'il en ressemblerait à une figure de cire. Il ne ressemble en rien aux hommes orgueilleux et conquérants de Colorado Springs, de Denver et des villes avoisinantes, lorsqu'ils posent avec ou sans grosse moustache devant l'appareil d'un photographe en studio, affirmant, les uns la volonté extrême des petits travailleurs, les autres l'aisance de la richesse et de la victoire dans un pays pour lequel la conquête, l'audace, la réussite et la fortune sont des valeurs absolues, où les mines d'or et d'argent, dans les montagnes Rocheuses, attisent encore le goût de la conquête et de la richesse, et font affluer les émigrés et les aventuriers qui n'ont peur de rien. Pour cet autoportrait, l'artiste Louis Soutter ne semble pas affirmer, mais questionner.

Une œuvre de la même époque cependant, le Portrait de Madge Soutter-Fursman[19], exécutée en 1900, montre que si l'art de Soutter évoluait au prix d'œuvres parfois médiocres, sa force dans l'art du portrait, quand il ne s'agissait pas de lui-même, ne l'avait pas quitté : le dessin n'est pas une « peinture dessinée », mais un instant saisi rapidement sur la feuille de papier ; la précision acérée du trait à la plume des deux portraits de 1894 a laissé la place à la légèreté de la mine de plomb ou du fusain, la technique est plus souple, plus libre, les volumes du visage sont cependant solides, même si les contours des joues sortent à peine du fond clair, suggérés par l'esquisse, l'ombre, l'estompe ; Madge, les cheveux flous à mi-hauteur du visage, le col montant de sa robe, laissée blanche, faisant penser à un large ruban noir fermé sur la nuque, tient ses paupières baissées, sur un livre peut-être ; c'est d'elle un portrait paisible, intime, d'une grande douceur, que l'on découvre avec surprise après ceux de Beethoven et de Madge à l'époque de ses fiançailles avec Soutter ; il est dédicacé à « Madge / To dear Marmsy from / Louis ».

Le retour en Suisse, 1903-1923

Après son retour dans son pays, Louis Soutter, sur le conseil de son oncle, le Dr Jeanneret, passa une année à Sonnenfeld pour se refaire une santé, de 1906 à 1907. Puis, se sentant mieux, il entreprit une carrière de violoniste à Genève. Au cours de ces années et de celles qui suivirent, Soutter avait retrouvé le « fil de sa créativité », et il s'était remis à dessiner, à peindre — il ne cessa d'ailleurs pas de dessiner, comme en témoignèrent des musiciens, plus tard, qui travaillèrent avec lui.

Un petit nombre d'œuvres fut retrouvé, des dessins des vieux quartiers de Genève, des rues de villages, des cours de fermes, très libres dans le traitement des murs, des arbres ; furent retrouvées des aquarelles, des natures mortes, des paysages, des peintures aussi : Le Bouquet de fleurs dans un pot (1906, huile) est un jaillissement, du pot noir en aplat sur le fond blanc de la toile, de taches de couleurs plus ou moins légères, au pinceau, voire au doigt. Le portrait de sa sœur, intitulé Deuil (1904, huile), exposé à la VIIIe Exposition Nationale Suisse des Beaux-Arts, à Lausanne et à Zurich, fit scandale, le public, sa famille ne comprenant cette œuvre toute en contrastes d'ombre et de lumière, ses aplats noirs déterminant le volume utilisé par le corps dans le manteau aux larges manches, où apparaissaient les mains blanches, tandis que les iris immenses des yeux trouaient le visage presque blanc sous le grand chapeau noir.

« Rupture » dans l'art de Louis Soutter

Il est communément admis que dans l'art de Soutter se situe une rupture avec l'enseignement de ses années d'études à Paris, en 1895, rupture qu'il est convenu d'appeler « rupture-charnière », la liberté prise par l'artiste vis-à-vis de la peinture académique qu'il avait étudiée, liberté qui faisait dire à certains que « Louis Soutter ne savait pas dessiner » ; cette « rupture-charnière » est située en 1923, année de l'enfermement à vie de Louis Soutter à Ballaigues.

C'est ignorer les années passées par Soutter en Suisse, après son retour des États-Unis : vingt ans. Louis Soutter était un artiste qui évoluait dans son art, comme tout artiste doit évoluer sous peine de se scléroser et de laisser sa créativité tourner en rond ; et à réétudier son œuvre, on constate que le changement intitulé « rupture-charnière » était en gestation à Colorado Springs déjà : le déracinement de l'artiste émigré aux États-Unis, sa profession de professeur dans une école d'art lui avaient fait aborder des styles différents, des sujets différents, utiliser des techniques différentes aussi. Les difficultés progressives dans son couple, le rejet de Madge dont il était dépendant affectivement, professionnellement et économiquement, l'échec définitif de son mariage et les conséquences du divorce qui l'obligèrent à quitter en toute hâte les États-Unis, en 1903 (ce pays dont il garda la nostalgie de l'immensité toute sa vie), tout cela avait été assez violent pour l'ébranler dans son art.

En 1906 ou 1907, trois ans après son retour des États-Unis, parmi d'autres dessins plus convenus, « apparut » un dessin de style différent — sans doute y en a-t-il d'autres de la même veine — , La Cassette[20], au crayon, d'une très grande liberté, celle que l'on retrouvera dans ses dessins au crayon dès le début de son enfermement à Ballaigues, par exemple dans « LES TUBERCULES »[21], (non daté), au crayon de la période des « cahiers », annonçant les déformations corporelles toujours plus grandes que Soutter fera subir à ses personnages, de cette période-ci et de celle intitulée « maniériste ». C'est une œuvre virtuose, très souple, mi-dessin, mi-esquisse d'une jeune femme assise contemplant le contenu d'une cassette ouverte sur ses cuisses, le couvercle appuyé contre ses seins, dont les épaules et les bras esquissés en arc simple soutiennent sa petite tête, finement dessinée, penchée vers les bijoux ; la main gauche est repliée sur le bord de la cassette, la droite tient le couvercle. Dans cette œuvre c'est la position, la forme du corps de la jeune femme qui révèle les changements de traitement de l'être humain dans son art, les mains trop grandes, grossières, des battoirs, comme le seront les mains caractéristiques des futurs personnages de Soutter.

La « rupture-charnière » se situerait en 1906, 1907.

Période des « cahiers », 1923-1930

Lors de son enfermement à Ballaigues, Louis Soutter, limité par ses faibles moyens financiers, dessinait au crayon, ou à la plume et à l'encre ; ne pouvant s'acheter du papier correct, il dessinait sur de petits cahiers d'écoliers, lignés ou quadrillés, dont le format déterminait non seulement ses sujets mais son style de dessin ; quand il ne pouvait plus acheter d'encre, il allait à la poste du village et c'est là qu'il travaillait. Si le style de La Cassette, mi-esquisse, mi-dessin, de 1906-1907, annonçait les périodes de 1923 à 1937, le visage de la jeune femme baissé vers la cassette, était encore parfait dans sa perspective, charmant, autant que l'était sa chevelure mi-longue et sa frange courte un peu frisée. À Ballaigues, le style de Louis Soutter évolua encore, les visages de ses personnages se déformèrent et se mirent parfois à grimacer.

Dans les dessins de la période dite des « cahiers », ce style jeté, au crayon ou à la plume, s'affranchit complètement, travaillé en hachures irrégulières, verticales, horizontales, se croisant, plus ou moins fines et serrées, plus raides ou plus souples, le crayon s'appuyant, noircissant certains détails qui se trouvaient en retrait pour faire ressortir les volumes éclairés par la lumière ; de ces jeux de hachures Soutter faisait alors apparaître les êtres, les maisons et les choses.

Il se plongeait dans une observation sarcastique de la vie, il dessinait la nature, les fleurs, les arbres, le monde qui l'entouraient, des scènes de rues, « DANSES / 1927 », « Fête des vignerons / Les Nobles », les hommes en costumes, les cavaliers sur leur monture. Il créait des architectures fantastiques, mélanges de celles de la Grèce antique et des buildings de l'Amérique qu'il avait connue, « NEW / YORK », « Ole / New York / USA ». Il dessinait des femmes dans leur intimité, rondes et désirables, des madones à l'enfant généreuses, « M / A / TER / VIVAN / TIS, Nostrum Mater / Pour le livre / d'F Barrez », des poissons sursautant dans leur agonie sur l'étalage du poissonnier, des paons superbes, des châteaux extraordinaires, des scènes mythologiques. Il représentait encore des personnages de romans, du théâtre shakespearien, et les êtres humains marchaient, couraient, vifs ou mélancoliques ; les personnages historiques étaient imbus d'eux-mêmes jusqu'à la caricature, Néron était grotesque, le « Cheval de Troie » , monté sur roulettes, faisait penser à un jouet d'enfant, la « SYB / ILLE » avait la tête d'une coquette et prenait la pose dans des drapés lourds.

Il n'y avait cependant pas que de l'ironie ou de l'amusement dans ses dessins. Adam et Eve quittaient le paradis les jambes pliées par la peur ; un innocent chandelier devenait le « CHANDELIER », un amas de boyaux à l'air libre ; à la sève des premiers dessins s'ajoutaient des représentations dantesques, bibliques, des corps puissants, tordus de réprouvés qui se déchiraient dans la pluie et les vapeurs de soufre, comme « L'Homme / demon / brasseur / de / terre ». La Madone tenait l'Enfant avec amour, alors que l'Enfant devenu Christ se tordait sur la croix et semblait parfois même en descendre, « Le Christ et les deux brigands / Mosaïque », et l'illusion accentuait la souffrance du spectateur. Les visages des personnages avaient changé, la perspective parfaite du visage de la jeune femme de La Cassette n'était plus respectée, ils grimaçaient, la bouche ouverte et tordue d'une façon particulière que l'on retrouvera jusque dans certaines de ses peintures.

Garden of the Gods (Le Jardin des Dieux), Colorado Springs, CO (États-Unis)

De tout près, les dessins pouvaient ressembler à des « fouillis » de traits désordonnés, mais, vus de loin, il s'opérait dans ces « fouillis » une sorte de magie : dans des grappes de personnages dramatiques, debout, tordus, emmêlés et grimaçants (dans lesquelles on pouvait reconnaître les roches démentielles que la nature avait créées dans le « Jardin des Dieux », près de Colorado Springs), on découvrait une humanité à la fois pénétrée par le besoin de vivre, tourmentée par le désir et la beauté, la peur de la laideur, de la bêtise, de la souffrance, le sentiment du péché, de la culpabilité — c'était là l'expression de la nature profonde, bouleversée et torturée de Louis Soutter, de ses souffrances passées, des humiliations subies, de l'incompréhension des autres à son égard, de sa solitude.

Dessins « D'après », Interprétations d'œuvres classiques

Pour Soutter, lorsqu'il avait 23 ans, le dessin était déjà une œuvre en soi, une œuvre dessinée ayant la même valeur qu'une peinture, et ces «  peintures dessinées » (comme les portraits qu'il avait faits de Beethoven et de Madge en 1894), possédaient la même charge d'émotion dans la mise en scène du ou des personnages, la même intuition des sujets représentés.

Ces « Interprétations d'œuvres classiques », non datées, sont généralement classées dans la période des « cahiers » (1923-1930) : elles sont associées à cette période à cause de leur petit format, celui des cahiers que Soutter utilisait par manque d'argent. On retrouve dans certaines Interprétations son style plein, appuyé au crayon gras, pour L'Atelier du peintre de Gustave Courbet, ou celui, hachuré plus violemment, dru, tourmenté, pour l'œuvre de Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse. En revanche, c'est dans le style de la période dite « maniériste », que furent interprétées des œuvres d'art subtiles, le Christ en croix de Fra Angelico, Le Christ (une Descente de croix) de Michel-Ange, signé « L Soutter », des dessins très élaborés, rendus, quand l'artiste travaillait à la plume, par des hachures fines, avec sa vision désormais tourmentée de l'humanité.

Dans la période qui suivit la période des « cahiers », la période « maniériste » (1930-1937), Louis Soutter interpréta avec la même virtuosité des bas-reliefs antiques, un Echnaton et Nefertiti, ou des œuvres de la Renaissance, le St Georges et une Tête d'homme de Carpaccio, La Madone à la Grenade de Botticelli (La Vierge à la grenade est le titre exact de cette œuvre). Dans ces interprétations d'œuvres classiques, Louis Soutter accentua sa vision pessimiste des êtres humains, douloureux ou extatiques, habités par le doute, le questionnement, hantés par on-ne-peut-savoir-quoi — ou confits de vanité, tel le Portrait de femme de profil de Piero Pollaiuolo.

Illustrations de livres

Continuellement à la recherche de supports pour ses dessins, Louis Soutter illustrait des livres de toute origine, une Bible, un livre de prières protestant, un recueil de contes et légendes ; ses illustrations emplissaient presque toutes les pages de titre, les verso de fin de chapitre, les marges et les blancs des alinéas des pages de texte de motifs décoratifs et de compositions abstraites, couvrant parfois le texte lui-même d'inscriptions.

Les dessins les plus élaborés, les plus riches, sont situés dans sa période « maniériste », illustrant une œuvre historique l'Histoire de Coligny, le Voyage au pays des sculpteurs romans d'Alexis Forel, Tell de René Morax, drame avec chœur en 4 actes inspiré par Guillaume Tell, héros légendaire de l'indépendance de la Suisse, les Poèmes français de Rainer Maria Rilke, trois livres de Le Corbusier, Croisade ou le Crépuscule des Académies, Une maison — un palais, À la recherche d'une unité architecturale, 1925 Expo Arts Deco, des romans, L'Aventure de Thérèse Beauchamp de Francis Miomandre, Le Baiser au lépreux de François Mauriac, Salammbô de Gustave Flaubert.

Selon les livres ou les romans, les pages sont remplies de tableaux religieux accolés les uns aux autres, de constructions architecturales, de groupes de femmes, réunies dans des scènes intimistes à l'intérieur de maisons-jardins, évoluant entre les tables dressées et les corbeilles de fruits, de grappes d'êtres humains en lévitation, des femmes le plus souvent, sereines, angoissées ou grimaçantes, ou de femmes solitaires à leur toilette, éprises de leur beauté et de leur sensualité, de leurs bijoux, des torsades de colliers de perles ou d'épais cordons évoquant des étreintes de serpents ; on trouve encore une Salammbô entourée de personnages menaçants et hurlants, elle-même délirant dans le décor de bazar d'Afrique du nord revu par Flaubert.

Ces univers surchargés font de chacun de ces livres des œuvres d'art « feuilletées », dont les versos de titre composent des œuvres uniques, dont certaines pages paraissent saugrenues, des rectangles remplis de petits caractères d'imprimerie y faisant des trous blancs.

Période « maniériste », 1930-1937

L'épanouissement de la période « maniériste » de Louis Soutter trouva son origine dans sa rencontre avec Le Corbusier, en 1927. Celui-ci écrivit au sujet de cette rencontre : « Je n'ai connu Louis Soutter qu'autour de 1927 (j'avais quarante ans et lui beaucoup plus). C'est à ce moment que j'ai découvert ses dessins à l'asile de X... où il partageait sa chambre avec un autre vieillard. Je fus ébloui par son travail immense, intense, obsédant, obsédé »[22]. En 1932, il écrivit à sa mère : « Je reste frappé des forces profondes qui sont en Louis Soutter. Medium ou conscient, il n'en résulte pas moins que son œuvre dessinée est émouvante à un degré que tu mesures mal », et dans une autre lettre : « Tu le taxes d'anormal. Oui, dans la famille, on s'est mis à l'aise en disant que Louis est fou. À Paris, ces dessins suscitent un étonnement admiratif. Louis est un pur, un fin, un délicat. Une affreuse victime d'un déséquilibre mental qui lui vaut de ne pas apprécier la signification de l'argent »[23].

L'amitié de Le Corbusier, son intérêt pour son œuvre, son admiration, son aide financière, ses efforts pour le faire connaître — ce fut grâce à ses démarches qu'eut lieu une grande exposition de ses œuvres aux États-Unis, en 1936, à Hartford CT —, ainsi que l'amitié des amis que Louis Soutter avait progressivement rencontrés, contribuèrent à l'évolution vers la plénitude de son œuvre. Plus sûr de lui et de son talent, avec de meilleurs moyens, sur du papier de meilleure qualité et de grand format, à la plume et à l'encre de Chine, il entreprit des œuvres très élaborées, dessinées sur toute la surface du papier (comme il avait pressenti l'utilisation du dessin en 1894 déjà), toujours rendues par des hachures irrégulières mais précises, fines, un style qu'il avait déjà développé dans les Interprétations d'œuvres classiques, « D'après ».

Ainsi dessina-t-il des fruits, « TREILLE / aux poires, Fruits oubliés », dans les ramures feuillues des arbres, semblables à des danseurs dans autant de chorégraphies de cache-cache ; des « Cerises / Cyclopes en / ENFANTEMENT CLOS » dont la perfection du trait, l'arrondi des cerises permettaient les reflets de la lumière sur leur peau ; des scènes de théâtre, orchestres de jazz, « FOIRE LE BOUCAN » ; des danses de masques cachés sous de grandes tentures claires savamment drapées, dont l'un riait très fort et montrait de grandes et fortes dents évoquant celles de Madge, « LA MALINE » ; et des images de l'asile, le matin, un vieil homme, la servante, des rêves vivants à côté de lui, « AU MATIN », « Le Matin / LE LAIT DU VIEIL HOMME / la cigarette de l'esthète / Le parfum de la vapeur au dessus du récipient / La servante en ombre et fidèle / Le Cherubin amoureux ».

Certains amis de Soutter, à l'exception de Le Corbusier, émettaient des réserves devant le caractère érotique de bon nombre de ses dessins, et les habitants de Ballaigues, quant à eux, sans complaisance, considéraient l'artiste (toujours vêtu avec une élégance usée) comme un « fou pornographe » — en 1930, Louis Soutter avait 59 ans, l'artiste vivait au milieu de vieillards depuis sept ans, il approchait avec respect les femmes de ses amis, et selon les témoignages il ne courtisait ni ne fréquentait aucune femme ; il n'était pourtant ni vieux ni indifférent au sexe et il avait la réputation, au bistrot de Ballaigues qu'il fréquentait, de pincer les servantes ou de leur donner des claques sur les fesses.

Son travail trahissait son désir et sa frustration. Bientôt les femmes devinrent les sujets exclusifs de ses œuvres : des Femmes, des splendeurs, des espèces de divinités, des Vénus antiques, au corps tordu par la provocation, seulement vêtues de leur tunique descendue sur les reins et drapée autour des jambes, dessinées sur les pages blanches du livre 1925 Expo. Art Déco de Le Corbusier que celui-ci lui avait prêté ; il dessina d'autres beautés désirables dans leur intimité, devant le miroir de leur coiffeuse, celle, par exemple, intitulée le « LE MIROIR / LE FARD et / les plis », « LE FARD » — mais cette beauté-là cachait un visage inattendu, car le reflet du miroir faisait apparaître la tête d'une guenon. En effet, ces femmes, nues ou presque, n'avaient pas toujours l'âme aussi belle que leur corps : elles ne s'occupaient que d'elles-mêmes, ne voyaient qu'elles-mêmes, et lorsqu'elles étaient ensemble, ne parlaient que d'elles-mêmes ; l'une d'elles, cruelle, « LA FEMME / et le Jeune homme », vautrée sur son sofa, les jambes écartées sous son ventre plus que généreux, la tête détournée, avait l'air de se gausser, ou de s'ennuyer, de dormir même devant un pauvre jeune homme en train de se reculotter avec un air misérable ; et la plus cruelle de toutes était l'« ODALISQUE », entourée de deux amies nues, ses cheveux courts coiffés au carré, vêtue à la mode des années 1920, chevauchant son tabouret ornementé comme elle l'aurait fait avec un cheval, montrant en riant de grandes dents identiques à celles de Madge qui aimait rire pour faire admirer les siennes.

Au milieu des années 1935, Louis Soutter avait probablement perdu l'espoir de plaire encore aux femmes, de se faire désirer d'elles. Le sexe, son tourment parmi les autres tourments qui le torturaient, à trop être désiré et attendu, devenait mauvais, redoutable, persécuteur ; « le sexe de la femme n'était d'ailleurs plus un bijou charmant, mais des roses drues, frisottées, serrées très fort les unes contre les autres, au centre desquelles des yeux se révulsaient ou, tout noirs, examinaient l'artiste, tandis que les chevelures féminines, transformées en volutes, que dis-je, en pieuvres, étouffaient des vases pareils à ces cucurbitacées qu'on ne peut pas ne pas prendre pour des testicules »[24], comme les « BOUQUETS sans parfums » , « BOUQUET / sans parfums », et « Fleurs dans un vase ».

Les femmes, presque toutes, étaient devenues dangereuses. Quatre portraits d'entre elles, des « peintures dessinées », représentent l'image encore divisée de la Femme que Louis Soutter portait en lui ; deux sont datés de 1936, le troisième, de même technique, à l'encre de Chine, pourrait dater de la même année, de même le quatrième, à l'encre de Chine, crayons de couleur et gouache.

La première, la seule qui soit bonne, « Obscure / est / ma passion », à l'abondante chevelure enfermée dans une résille Renaissance entortillée de rubans, pleure de longues larmes, désespérée, vaincue, et l'on peut même penser, horrifié, qu'elle a eu les yeux crevés.

La deuxième, la mauvaise, triomphante, « CANI / CU / LAE / 1 / 9 / 3 / 6 », « le regard faussement hésitant entre des cils charbonneux, ses yeux noirs comme des billes, piqués d'un point de lumière, jaugent sa victime, ainsi que sa résistance à la souffrance ; ses cheveux, aussi épais que des spaghettis, serrés par un diadème, ressemblent aux serpents qui formaient la chevelure de Méduse, et ses boucles d'oreilles, des anneaux créole, font penser à ces serpents-minute pas plus longs qu'un bracelet, mais mortels »[25].

La troisième est une dame « noire », intitulée « J'étais / à / GETSEMANÉ », « SY / BILL / E / 1936 » ; Louis Soutter l'a « représentée avec seulement quelques rangs de perles dans ses cheveux dénoués, de toute beauté, qui gardent les crans et les ondulations de [ceux de] la « jeune Madge au violon » photographiée en 1897 ; son cou, sa figure surtout sont si hachurés qu'ils en paraissent noirs, ses yeux presque révulsés entre les cils démesurés paraissent blancs, et dans son immense bouche, ses dents magnifiques, très grandes mais magnifiques, sont encore plus blanches, si c'est possible »[26].

Le quatrième portrait, sans date, pourrait appartenir à la même période que les précédents ; il semble résumer le drame de Louis Soutter et de sa relation avec Madge Fursman, leur amour d'abord partagé qui lui avait fait quitter (définitivement crut-il) l'Europe pour les États-Unis, cet immense pays sauvage et hostile, sa trop grande modestie à côté d'une femme orgueilleuse dans son milieu de riches Américains tout aussi orgueilleux, le rejet à son égard de cette femme en qui il avait mis sa raison de vivre, son divorce qui se termina en déroute. Louis Soutter l'exprima avec des crayons de couleur, de l'encre de Chine et de la gouache, il s'agit de « L'américaine doit être plus grande... », « L'américaine doit être plus grande... ».

Ce portrait[27],[28], par sa vigueur, sa violence, évoque une sculpture en bois jaune orangé, grossièrement peint, placé sur un fond crayonné en vert et en bleu ; c'est une figure féminine portant un coquillon sculpté, tournicoté sur l'oreille gauche, ses petits bras sont repliés pour pouvoir frotter ses petites mains devant elle, ou pour retenir de côté sa longue chevelure ondulée, sa tête est d'un ovale bien taillé, ses yeux, à peine visibles sous une large mèche de cheveux, sont révulsés, car on en voit le blanc au-dessus des paupières inférieures, son nez a la forme d'un battoir, et son rire énorme est un rire d'ogresse sur des dents identiques à des touches de piano ; c'est là un « totem », une « Bête humaine », « Madge Fursman, La Femme américaine », objet de tabous et de devoirs particuliers, l'ancêtre du clan qui devait en être le protecteur, qui en était le persécuteur.

Depuis ses études de violon à Bruxelles, Louis Soutter était resté fidèle à la conception inhabituelle de dessin — ou « peinture dessinée » — qu'il avait à 23 ans (celle des portraits de Beethoven, de sa fiancée Madge, des « peintures dessinées »), il l'avait développée pendant la période « maniériste », dès 1930, grâce à du matériel de dessin adéquat. S'étaient exaspérées son intuition et sa nature écorchée dans l'art de voir ses sujets, ses personnages, non seulement « de l'extérieur », mais encore « de l'intérieur » ; son art était tel qu'il permettait à ceux qui regardaient ses œuvres de vivre « en eux » et de « souffrir avec eux » de l'absurdité de sa vie et de la leur, d'« agoniser avec eux ».

Période de la « peinture au doigt », 1937-1942

La période de la « peinture au doigt » correspond à celle où l'artiste y voyait très mal et ne pouvait plus tenir une plume ou un crayon. Son élan créatif n'était pas atteint, et pour travailler il utilisait l'outil le plus simple qui fût, le plus efficace pour lui, le doigt, technique dont le résultat était également le plus visible pour ses yeux affaiblis. Dans sa chambre, devant ses feuilles de papier à dessin de grand format, d'environ 50 x 65 cm, ses bouteilles d'encre noire ou d'encre de Chine, et ses tubes de gouache, il créa une œuvre impressionnante de révolte, de violence et d'angoisse, choquante au sens propre du terme[29].

Il dessina des cohortes de personnages noirs, des silhouettes plutôt que des personnages, les volumes de leurs corps rendus par l'insistance des tracés d'encre, réduits parfois à un seul tracé du doigt. Agitées, frénétiques, les silhouettes couraient ou fuyaient dans tous les sens, dansant au milieu d'enfilades de perles noires en lévitation, sous des pluies de grêlons noirs ou de couleur, enfermées ou échappées de larges quadrillages, de striures mouvantes, ondulantes de couleur, devant des soleils se noyant dans leur rougeoiement ou dans leur lumière encore vive à l'horizon, celui-là même sur lequel elles dansaient et couraient. Elles surgissaient d'un brouillard blanc pour y disparaître aussitôt après, se perdaient au milieu d'un vol de sauterelles dévastateur. Les postures de ces silhouettes-personnages étaient celles de ses personnages en grappes de la période « maniériste », car ceux-ci faisaient toujours partie de son monde intérieur. Leurs gesticulations étaient encore inspirées par des scènes de la vie quotidienne, par le football, les jeux sportifs, « Le poids / la / mesure / la / hauteur », « La hauteur / la distance / La pesée / Le poids levé / 110 Y / 1938 », par les rites de magie, les cultes, des scènes jouées par des personnages groupés par deux, trois, quatre.

Ces silhouettes exprimaient toujours la hantise de Louis Soutter : les femmes étaient mauvaises, aussi bien des « Vierges cruelles » ou « folles », des « Exaltées », des « Femelles », une « L'empoisonneuse », « L'empoisonneuse / L'empoisonneuse / / exposition / 1942 » — sans doute l'une des dernières œuvres de Soutter, car l'artiste mourut le 20 février de cette année-là — ; elles se ressemblaient toutes, et la simplicité ou la grossièreté de leur corps, leur aveuglement créé par l'absence des traits du visage, leur agitation forcenée, la violence enfin du contraste du trait épais, noir, sur le papier clair, tout donnait l'impression de luttes désespérées, auxquelles participaient Soutter lui-même, contre l'extinction de la lumière et la mort.

Le malheur, la mort étaient désormais l'obsession la plus forte de Soutter ; les humains faisaient partie d'une « Famille de Sans Dieu / ds l'univers », les Noëls était ceux des réprouvés. L'artiste multipliait les scènes bibliques, la vie du Christ ; les baisers étaient ceux de Judas, le Christ portait sa croix, se trouvait sur le Golgotha, était crucifié, agonisait, « ago / nie / Tout / est accompli, vers / la / mort ». En 1939, à 68 ans, il peignit à l'encre noire et à l'huile un très sombre « SANG DE CROIX », une sorte de descente de croix, un Christ épais, cerné de blanc pour le différencier des hommes ou des femmes qui l'avaient assisté dans son agonie et soutenaient maintenant son corps ; les ruisseaux de sang qui en avaient coulé les ensanglantaient, et toute la scène évoquait un sombre étal de boucherie, des cadavres noirs posés en désordre les uns sur les autres.

Période des « peintures », 1930-1942

Pendant les périodes « maniériste » et celle des « peintures au doigt » (non datées, elles sont difficiles à situer dans le temps), Louis Soutter exécuta des peintures en couleurs, utilisant la peinture à l'huile rehaussée de gouache et d'encre de Chine, sur du papier ou sur du carton. Les personnages ne dansaient plus, ils défilaient comme ils auraient suivi un corbillard, ou se seraient rendus au Golgotha, dans un brouillard sombre. Certaines de ces peintures sont datées de 1938, 1939 : plus le temps passait, semblait-il, plus les personnages devenaient solitaires, englués, étouffés, assaillis par d'autres grêlons noirs, fuyant des taches de couleurs dévoratrices, « Vampire / c'est la guerre / 1939 », ou transformés en flamme ou en épaisse fumée ; une silhouette noire penchée en avant, une main sur les reins comme pour tenter de se redresser, incapable d'y parvenir, semblait sortir du support papier en passant devant un large quadrillé noir, une porte-fenêtre debout dans un vide blanc évoquant une composition de Piet Mondrian, mais centrée et sans couleurs ; Soutter lui donna ce titre : « LE MORT et ... (mot illisible) » , « L'Aube / Louis Adolphe Soutter / 1939 ».

Il peignit également des têtes, d'homme, de femme, de Christ : des têtes très longues, au nez épais, aux paupières baissées, mais dont les yeux, s'ils étaient ouverts, se révulsaient vers le haut, ou, arrachés, ne laissaient voir que des trous noirs ; ces têtes semblaient mortes ou attendre la mort. L'une d'elles, saisissante, « INRi », est une tête de Christ, grossièrement dessinée au doigt trempé dans l'encre ou dans la peinture noire, proche en cela de la technique de Georges Rouault, jaune, machurée de blanc, de noir, de rouge sur la lèvre inférieure, dont les oreilles ressemblent à des anses de soupière et dont les globes des yeux ne sont plus que des boules jaunasses, quelques taches sur ces boules simulant un vague arrondi et donnant au visage entier une expression de peur atroce.

Louis Soutter après sa mort

Louis Soutter, plaque commémorative, cimetière de Ballaigues (Suisse)

Par son originalité, Louis Soutter était inclassable ; incompris, rejeté par sa famille malgré sa détresse et sa dépression, ainsi que par la société bourgeoise et bien-pensante de la Suisse où il était né, enfermé à Ballaigues, à l'Asile du Jura pendant les dix-neuf dernières années de sa vie, il faillit rester inconnu du grand public suisse et international.

Lorsque l'Asile du Jura dut se « débarrasser » de l'œuvre de Soutter, il fut organisé une vente : ses dessins furent vendus 5 cts, 1 sou de l'époque (un petit pain coûtait 4 sous). Ils valent aujourd'hui des sommes considérables.

Louis Soutter et l'Art brut

Soutter sortit de l'oubli d'une manière inattendue (qui faussa l'opinion que pouvait avoir de lui une partie du grand public), grâce à Giono qui fit connaître plusieurs de ses œuvres au peintre français, Jean Dubuffet. En 1945, l'artiste français avait créé le concept de l'Art brut, qu'il définit ainsi en 1949 dans L’Art brut préféré aux arts culturels : « Nous entendons par là des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, a peu ou pas de part [...] ». Au mouvement de l'Art brut devaient donc appartenir les créateurs refusant d'entrer dans le système de mercantilisation de l'art, les artistes solitaires rejetant tout courant artistique, les prisonniers et, par extension, les malades, les enfants, les malades mentaux et tous ceux créant sans avoir jamais eu de formation artistique.

Quand Dubuffet découvrit l'œuvre de Louis Soutter, il intégra aussitôt l'artiste dans l'Art brut et envisagea de lui consacrer le premier numéro des Cahiers de l'Art brut avec un texte de René Auberjonois, mais les réticences, le scepticisme de ce dernier quant à la place de Soutter dans ce mouvement firent que le projet ne se réalisa pas. Après réflexion, Dubuffet retira Louis Soutter de l'Art brut — il avait cependant suffi de l'intérêt porté en Suisse à l'Art brut (par tous ceux qui n'avaient pas de formation artistique et pouvaient « faire » de l'Art brut en toute liberté), de l'intérêt porté à celui des malades mentaux et des « fous », inconnus jusque-là, pour que Louis Soutter devînt un « fou » aux yeux du grand public.

Louis Soutter « dans » l'Art brut, à ce sujet aujourd'hui encore les avis sont partagés. Parmi ceux qui l'avaient rangé dans l'Art Brut, parmi les malades mentaux, tels Adolf Wölfli ou Aloïse Corbaz, certains voient toujours en Louis Soutter un « fou », d'autres l'ont rangé dans « un no man's land unique, entre Art brut et art traditionnel », selon les termes de Dubuffet lui-même[30].

Louis Soutter dans L'Art moderne

Ceux qui n'avaient jamais partagé l'opinion des premiers, ni même celle des seconds, ceux-là considéraient que Louis Soutter était un artiste du XXe siècle au sens propre du terme, appartenant à l'Art moderne qui comprenait la période « D'avant 1914 » et celle de « L'entre-deux-guerres », et s'intégrait déjà dans l'Art contemporain. Il s'agissait de Le Corbusier, de Giono, de Ramuz, d'Auberjonois, de Poncet, de ses amis, de Mme Georges Walter-du Martheray, propriétaire de La Gordanne, sa cousine et amie rencontrée providentiellement en 1936. Les galeristes Claude Vallotton et Maxime Vallotton, propriétaires de la Galerie Vallotton à Lausanne, d'autres galeries, des musées en Suisse, à l'étranger, l'éditeur Henry-Louis Mermod, le conservateur de l'époque du Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, Ernest Manganel[31], René Berger qui fut son successeur, tous luttèrent dès avant la mort de l'artiste pour lui enlever cette étiquette de « folie » qui lui restait attachée.

Pour décrire la situation de Louis Soutter rejeté de son vivant du monde de l'Art, René Berger, historien d'art, écrivain, philosophe suisse, écrivit en 1961 dans la première monographie consacrée à Soutter, Soutter publié par l'éditeur lausannois, Henry-Louis Mermod, à l'occasion de la première rétrospective de l'œuvre de l'artiste au Musée cantonal des Beaux-Arts, à Lausanne : « Un artiste n'existe — c'est un truisme — qu'à partir d'une œuvre ; et l'œuvre n'existe — c'en est un autre — qu'à partir d'un public pour la considérer telle. Louis Soutter eut de son vivant le tragique privilège d'être tenu pour un anormal, ses dessins pour une production de fou. Nié dans son être, dans sa foi, sa mort, survenue en 1942, ne le délivra pas de l'ostracisme ; elle y ajouta une nouvelle malédiction : cahiers et dessins tombèrent dans l'oubli »[32].

Michel Thévoz écrivit beaucoup pour faire connaître Louis Soutter, plusieurs livres : une monographie Louis Soutter, parue en 1970[33], une deuxième monographie, Louis Soutter ou L'écriture du désir, parue en 1974[34], et Louis Soutter, Catalogue de l'œuvre, paru en 1976[13].

Une monographie, Louis Soutter, Crayon, plume & encre de Chine, préfacée par Michel Thévoz, accompagnée d'une étude d'Anne-Marie Simond, « Louis Soutter et Madge Fursman », parut aux Éditions du Héron en 2002 ; elle est consacrée aux périodes des « cahiers » et « maniériste » et met l'accent sur la présence de la Femme dans l'œuvre de l'artiste[35].

Depuis sa mort, de nombreux musées et galeries ont présenté son œuvre en Suisse, en Allemagne, en Autriche, en Italie, en France, en Espagne, aux États-Unis, au Japon, et de nombreuses études lui ont été consacrées.

Louis Soutter est maintenant considéré comme un des artistes majeurs suisses du XXe siècle, saisi par une vision ironique puis torturée de l'Homme, que Francis Bacon par exemple, à sa manière, aurait suivi dans la même solitude créatrice, la même originalité, l'obsession de l'être humain, du corps et du sexe, avec la même sensibilité et la même violence. Il pourrait appartenir déjà à l'Art contemporain.

Louis Soutter et le Dessin artistique dans l'Art contemporain

Dans la seconde moitié du XXe siècle, dès les années 1970, des artistes choisirent la même voie unique que Louis Soutter (celui-ci jusqu'en 1937), le dessin artistique au crayon, à la plume et à l'encre de Chine, au lavis, pour créer des œuvres poétiques d'humour noir, monochromes, exprimant les sentiments d'absurdité agitant les êtres humains prisonniers de la « condition humaine ». En France, il faut citer, entre autres, l'écrivain et dessinateur Pierre Klossowski qui a également travaillé avec les crayons de couleur, et Roland Topor, Jacques-Armand Cardon, Jean Gourmelin, Martial Leiter, qui n'utilisent que la plume et l'encre de Chine, le lavis parfois.

Il est maintenant admis qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre le dessin et la peinture. Le dessin est monochrome, la peinture est colorée. Mais des dessins peuvent être en couleurs, directement dans le tracé, par coloriage ensuite. Et une peinture peut être un pur dessin et être monochrome.

Louis Soutter vu par...

...lui-même

« Jamais plus tu ne toucheras les peaux blanches / de tes sœurs épuisées de douleur / L'Amour est un fil de soie / ou qu'on noue / ou qu'on coupe / Souffrance seule vérité / L'Âme qui s'en va du seuil des fleurs au cycle des pierres noires / Ta joie sera dans l'étude... dans la mansarde / nue, propre de bois, faite de solitude, vêtue / rouge du soleil couchant, blanche de la lune calme, pourpre aux tourbillons des passions intérieures / L'Art commence où fuit la vie [...] »

(Extraits d'un poème de Louis Soutter relevé au dos d'un dessin, non daté.)[36]

...Le Corbusier, en 1936

Louis Soutter, l'inconnu de la soixantaine

« ...“La maison minimum”, ou “cellule future”, doit être entièrement de verre translucide. Plus de fenêtres, ces yeux inutiles. Regarder dehors, pourquoi ? Complications et coups à la beauté de l'Uni. Mes dessins n'ont aucune prétention, sauf celle d'être uniques et d'idée imprégnée de douleur. » [...]

« “Plus de fenêtres, ces yeux inutiles...” Il a appris à regarder en dedans. Par lui, nous pouvons regarder dedans un homme. Un homme racé, cultivé, ayant passé par tous les luxes de l'argent et d'une vie intelligente. Et qui, aujourd'hui, remontant du réfectoire triste, couvre chaque jour, à soixante-cinq ans, un papier blanc de ces âpres, fortes et admirables compositions. » [...]

(Extraits d'un texte de Le Corbusier dans la revue Minotaure N° 9, 1936)[37]

...Hermann Hesse, en 1961

Louis Soutter

« J'ai appris autrefois, quand j'étais jeune, / À peindre des tableaux, de beaux tableaux corrects, / À jouer de belles sonates sans fausse note / — Sonate du Printemps, Sonate à Kreutzer — / Je courais dans le monde clair, ouvert / J'étais jeune, aimé, célébré... / Par la fenêtre, toutefois, un jour, / Riant de ses mâchoire édentées, / La mort m'a regardé, et de ce jour / Le gel n'a plus quitté mon cœur. / Je me suis enfui, / J'ai couru, j'ai erré partout. / Ils m'ont rattrapé, ils m'ont enfermé / Année après année. Par la fenêtre, / Au-delà de la grille elle regarde, / Elle me connaît. Elle sait. »

« Je peins souvent des hommes sur du mauvais papier, / Je peins des femmes, je peins le Christ, / Adam et Eve, Golgotha, / Ce n'est ni beau ni correct, c'est exact / Je peins avec de l'encre et du sang, je peins vrai. La vérité est terrifiante [...] »

(Extraits de Louis Soutter de Hermann Hesse, 1961)[38].

...Jean Dubuffet, en 1970

« [...] Les docteurs de la culture veulent bien un peu de rénovation, un peu d'affranchissement à l'égard des normes, mais pas trop. Avec Soutter déjà c'est trop. Les examinateurs, en présence de cette dose d'affranchissement déjà un peu excessive, froncent le sourcil. Les médecins — gardiens de la norme — sont commis à l'examen du cas. Ils vont naturellement réprouver ces outrances, les déclarer morbides. “Psychopathiques” qu'ils vont dire, dans leur jargon grec, “schizophréniques” et tout sera dit. Disqualifié le bon Soutter, pour raison d'excès dans l'anormalité »[39].

(Réponse de Jean Dubuffet, lorsqu'il fut interrogé sur « Louis Soutter dans l'Art brut », en 1970 ; cette réponse sarcastique à l'endroit des spécialistes des maladies mentales ne fut cependant pas assez entendue pour changer l'opinion du grand public sur la valeur de l'artiste Louis Soutter.)

...Heinz Holliger, en 2003

Lors des deux expositions présentées aux mêmes dates à Lausanne, en 2003, « Louis Soutter et les modernes », au Musée cantonal des beaux-arts et « Louis Soutter et la musique », à la Collection de l'art brut, fut présenté un hommage musical à l'artiste, le Concerto pour violon « Hommage à Louis Soutter » de Heinz Holliger, compositeur hautboïste et chef d'orchestre suisse. Ce concerto se conjugue en quatre mouvements, « Deuil », « Obsession », « Ombres », « Épilogue », un choix des extraits musicaux de l’exposition fut interprété par l' Orchestre de Chambre de Lausanne (OCL), sous la direction du compositeur ; on put y noter des références aux sonates d'Ysaye (particulièrement la seconde, dont le premier mouvement s'intitule « Obsession »), qui fut le professeur de violon de Louis Soutter à Bruxelles, de 1892 à 1895.

...le théâtre, en 2006, 2007

En 2006, le Théâtre 2.21, à Lausanne, présenta Louis Soutter, délirium psychédélique de Henri-Charles Tauxe, mis en scène par Jacques Gardel et interprété par Miguel Québatte. En 2007, le spectacle fut repris à Genève, à Renens, à La Chaux-de-Fonds et à Aigle, dans la même mise en scène de Jacques Gardel et interprété par le même acteur.

...Michel Jeanneret, Éric Burnand, Joëlle Kuntz, Jacques Pilet, journalistes dans la presse romande, en 2011

« La Suisse romande ne serait rien sans ses Provocateurs. Que ce soit à travers leur combat politique acharné ou pas le biais d'un humour grinçant, ils agissent comme de véritables révélateurs de notre identité. Critiques tendres ou virulents, sans concession, ils nous dévoilent notre culture dans ce qu'elle a de plus intéressant : ses failles. » (Introduction du chapitre Les Provocateurs.)

Louis Soutter, la lumière et les ombres

« Architecte, violoniste, puis peintre, interné à l'âge de 52 ans, il s'est affranchi au prix d'une souffrance extrême de tous les codes bourgeois, académiques et puritains de son époque pour créer un univers percutant qui fait de lui un artiste majeur du XXe siècle. »

« Étiqueté “malade mental” en son temps, il est aujourd'hui considéré comme un artiste majeur de l'art moderne. » (Extraits de l'article de Françoise Boulianne Redard.)

(Dans le chapitre des “Provocateurs”, Louis Soutter se trouve en compagnie de Auguste Forel, Michel Simon, Charles-Ferdinand Ramuz, Jacques Chessex, Jean Ziegler, Jean-Luc Godard, Jean Tinguely entre autres, in Le Romand du siècle, Les 90 Romands qui ont fait l'Histoire, numéro hors série de L'Illustré, en partenariat avec RTS Radio Télévision Suisse.)[40]

Notes et références

  1. a et b Thévoz 1974, p. 15, citations.
  2. Site WEB, Fondation Le Corbusier → Biography
  3. Thévoz 1974, p. 20, citations.
  4. Thévoz 1974, p. 21, exposition nationale suisse, Art Moderne, Genève, 1896, citations, note renvoyant à une information de la p. précédente.
  5. Thévoz 1974, p. 21, citations.
  6. Thévoz 1974, p. 24, citations.
  7. Thévoz 1974, p. 26, citations.
  8. Thévoz 1974, p. 61, Mme Georges Walter-du Martheray, extraits de sa correspondance
  9. Thévoz 1974, p. 27, citations.
  10. Anne-Marie Simond, Michel Thévoz, Louis Soutter, Crayon, plume & encre de Chine, reproduction du Portrait de Louis Soutter, par Pedro Meylan, ouvrant le chapitre d'Anne-Marie Simond, « Louis Soutter et Madge Fursman », p. 16, Éditions du Héron, Lausanne, 2002
  11. Thévoz 1974, p. 30-31, citations.
  12. Hartwig Fischer, Pierre Estoppey, Michel Thévoz, Le Corbusier, Lucienne Peiry, René Auberjonois, Heinz Holliger, Jean Dubuffet, Jean Giono, Jean Starobinsky, Paul Nizon, Louis Soutter 1871-1942, Hartwig Fischer, « Biographie de Louis Soutter, 1937 », citations, p. 265, catalogue, Kunstmuseum Basel, Musée cantonal des Beaux-Arts et Collection de l'Art Brut, Lausanne, Hatje Cantz Verlag, Ostfildern-Ruit (Allemagne), 2002
  13. a et b Thévoz 1976.
  14. Hervé Gauville, Valère Novarina, Louis Soutter, Si le soleil me revenait, catalogue d'exposition, repro. cat. 1, N/B, p. 33, Centre Culturel Suisse Paris et Société Nouvelle Adam Biro, Paris, 1997
  15. Michel Thévoz, Louis Soutter ou l'écriture du désir, repro. N/B 7, p. 18, Éditions L'Âge d'Homme, Lausanne, Institut suisse pour l'étude de l'art, coll. « Catalogues raisonnés d'artistes suisses 4/II », Zurich, 1974
  16. site WEB Encyclopédie Larousse, article Larousse, Art pompier
  17. a et b site WEB, Tutt Library, Special Collections : Colorado Springs Century Chest Collection, 1901, 0349, « Fd 86 Louis Jeanneret Soutter - art department Colorado College », 1 b&w photo, framed, with note at back : « Louis Jeanneret Soutter (photographed from a Portrait made by himself), First Director of the Department of Art and Design in Colorado College. Born near Geneva, Switzerland, 1871 », Colorado College, Colorado Springs, Colorado
  18. Thévoz 1976, p. 12, photo pleine page.
  19. Michel Thévoz, Louis Soutter ou l'écriture du désir, repro. N/B 14, p. 22, Éditions L'Âge d'Homme, Lausanne, Institut suisse pour l'étude de l'art, coll. « Catalogues raisonnés d'artistes suisses 4/II », Zurich, 1974
  20. Michel Thévoz, La Cassette, 1906-1907, Louis Soutter, repro N/B, p. 18, Éditions Rencontre, Lausanne, « Collection de monographies, Grands Artistes suisses », 1970
  21. Michel Thévoz, Anne-Marie Simond, in Louis Soutter, Crayon, plume et encre de Chine, repro N/B, p.25, Éditions du Héron, Lausanne, 2002
  22. Thévoz 1974, p. 45, Le Corbusier, citation, extraits de sa correspondance.
  23. Hartwig Fischer, Pierre Estoppey, Michel Thévoz, Le Corbusier, Lucienne Peiry, René Auberjonois, Heinz Holliger, Jean Dubuffet, Jean Giono, Jean Starobinsky, Paul Nizon, Louis Soutter 1871-1942, Hartwig Fischer, Biographie de Louis Soutter, Le Corbusier, extraits de sa correspondance, p. 276, catalogue, Kunstmuseum Basel, Musée cantonal des Beaux-Arts et Collection de l'Art Brut, Lausanne, Hatje Cantz Verlag, Ostfildern-Ruit (Allemagne), 2002
  24. Anne-Marie Simond, Michel Thévoz, Louis Soutter, Crayon, plume & encre de Chine, Anne-Marie Simond, « Louis Soutter et Madge Fursman », extraits, p. 21-22, & reproduction de l'œuvre, p. 139, Éditions du Héron, Lausanne, 2002
  25. Anne-Marie Simond, Michel Thévoz, Louis Soutter, Crayon, plume & encre de Chine, Anne-Marie Simond, « Louis Soutter et Madge Fursman », extraits, p. 23, & reproduction de l'œuvre, p. 177, Éditions du Héron, Lausanne, 2002
  26. Anne-Marie Simond, Michel Thévoz, Louis Soutter, Crayon, plume & encre de Chine, Anne-Marie Simond, « Louis Soutter et Madge Fursman », extraits, p. 23, & reproduction de l'œuvre, p. 178, Éditions du Héron, Lausanne, 2002
  27. Thévoz 1976, p. 283, reproduction de l'œuvre L'américaine doit être plus grande..., « L'américaine doit être plus grande... », p. 283.
  28. Thévoz 1976, p. 310, Louis Soutter en 1937, photo.
  29. Thévoz 1974, p. 10, Louis Soutter à 69 ans, photo.
  30. Christophe Flubacher, Catalogue de vente aux enchères de la Galerie du Rhône, citations, p. 150, au Mercure Hôtel du Parc Martigny, du 22 au 27 mai 2009
  31. site WEB, Bibliothèque cantonale et universitaire - Lausanne, Ernest Manganel (1897-1991), « Centenaire du Palais de Rumine », Françoise Jaunin, extraits, p. 15, quotidien lausannois 24 heures, 17-18.01.2004
  32. Ernest Manganel, René Berger, René Auberjonois, Le Corbusier, Découverte de Louis Soutter, René Berger, « Louis Soutter », extraits, p. 83, Éditions H.-L. Mermod, Lausanne, 1961
  33. Michel Thévoz, Louis Soutter, Collection de monographies « Grands Artistes Suisses » publiée sous les auspices de la Fondation Pro Helvetia, sous la direction de René Berger, Lausanne, Hanspeter Landolt, Bâle, Adolf M. Vogt, Zurich, Éditions Rencontre, Lausanne, 1970
  34. Thévoz 1974.
  35. Anne-Marie Simond, Michel Thévoz, Louis Soutter, Crayon, plume & encre de Chine, Anne-Marie Simond, « Louis Soutter et Madge Fursman », Éditions du Héron, Lausanne, 2002
  36. Michel Thévoz, Louis Soutter, chap. « Témoignages et documents », p. 114, Collection de monographies « Grands Artistes Suisses » publiée sous les auspices de la Fondation Pro Helvetia, sous la direction de René Berger, Lausanne, Hanspeter Landolt, Bâle, Adolf M. Vogt, Zurich, Éditions Rencontre, Lausanne, 1970
  37. Le Corbusier, « Louis Soutter, l’inconnu de la soixantaine » , in revue Minotaure N° 9, p. 62-65, Paris, octobre 1936
  38. Hermann Hesse, « Louis Soutter », in Michel Thévoz, Louis Soutter, chap. « Témoignages et documents », p. 119, traduction de Philippe Jacottet, Collection de monographies « Grands Artistes Suisses » publiée sous les auspices de la Fondation Pro Helvetia, sous la direction de René Berger, Lausanne, Hanspeter Landolt, Bâle, Adolf M. Vogt, Zurich, Éditions Rencontre, Lausanne, 1970 ; version allemande : « Louis Soutter » , in Die späten Gedichte,Inselbändchen N° 803, Suhrkamp Verlag, Francfort, 1961
  39. Thévoz 1974, p. 109, Jean Dubuffet, citations
  40. collectif sous la direction de Michel Jeanneret (réd. en chef de L'Illustré), Éric Burnand (TSR, L'Hebdo), Joëlle Kuntz (Le Temps, L'Hebdo, TSR), Jacques Pilet (L'Hebdo, Le Nouveau Quotidien, TSR, 24 heures), in Le Romand du siècle, Les 90 Romands qui ont fait l'Histoire, L'Illustré, en partenariat avec RTS Radio Suisse Romande, chapitre Les Provocateurs, p. 120, coll. Édition spéciale, numéro hors série, automne 2011, ISSN 1420-51-65

Principales expositions

  • « Exposition nationale suisse, Art moderne », Genève (Suisse), 1896
  • « First Art exhibition », Colorado Springs CO (États-Unis), Colorado College, 1900
  • « Exposition nationale suisse », Lausanne (Suisse), Palais de Rumine, 1904
  • « Aus dem Schweizer Salon 1904 », Zürich (Suisse), Künstlerhaus, 1905
  • « Louis Adolphe Soutter », Hartford CT (États-Unis), Wadsworth Atheneum, 1936
  • « Louis Soutter », Lausanne (Suisse), Galerie Paul Vallotton, 1937
  • « Louis Soutter », New York NY (États-Unis), Weyhe Gallery, 1939
  • « Louis Soutter », Lausanne (Suisse), La Guilde du Livre, 1943
  • « Louis Soutter », Zürich (Suisse), Galerie Moos, 1951
  • « Louis Soutter », Lausanne (Suisse), Musée cantonal des Beaux-Arts, 1961 ; Aarau (Suisse), Aargauer Kunsthaus, 1961 ; Dortmund Allemagne), Museum am Ostwall, 1961 ; Recklinghausen (Allemagne), Städtische Kunsthalle, 1961 ; Brunswick (Allemagne), Kunstverein, 1961 ; Heidelberg (Allemagne), Kunstverein, 1962
  • « Louis Soutter », New York NY (États-Unis), Este Gallery, 1962
  • « Meisterzeichnungen ». René Auberjonois, Alberto Giacometti, Robert Schürch, Louis Soutter, Lucerne (Suisse), Kunstmuseum, 1962
  • « Louis Soutter », Turin (Italie), Galleria Notizie, 1963
  • « Art Suisse au XXe siècle », Lausanne (Suisse), Musée cantonal des Beaux-Arts, 1964
  • « Louis Soutter. Dessins, huiles », Soleure (Suisse), Galerie Bernard, 1965
  • « Fünf Waadtländer Künstler ». René Auberjonois, Marius Borgeaud, Louis Soutter, Théophile Alexandre Steinlen, Félix Vallotton, Saint-Gall (Suisse) Kunstmuseum, 1967 ; Berlin (Allemagne), Galerie des XX. Jahrhundert, 1968
  • « Louis Soutter (1871-1942) ». Un ensemble inédit d'œuvres maîtresses provenant d'une collection privée des USA. Dessins de la période « maniériste », planches « au doigt » encre et couleurs, Lausanne (Suisse), Galerie Alice Pauli, 1968
  • « Louis Soutter », Sarasota FL (États-Unis), Ringling Museum, 1970 ; New Britain CT (États-Unis), Central Connecticut State College, 1971 ; Colorado Springs CO (États-Unis), Colorado Springs Fine Arts Center, 1971 ; Washington D.C. (États-Unis), Embassy of Switzerland, 1971 ; Memphis TN (États-Unis), Brooks Memorial Art Gallery, 1971
  • « Schweizer Zeichnungen im 20. Jahrhundert », Munich (Allemagne), Staatliche Graphische Sammlung, 1971 ; Winterthour (Suisse), Kunstrmuseum, 1971 ; Berne (Suisse), Kunstmuseum, 1971 ; Genève (Suisse), Musée Rath, 1971 ; Bonn (Allemagne), Rheinisches Landesmuseum, fin 1971 à début 1972 ; Hanovre (Allemagne), Kunstverein, 1972 ; Kiel (Allemagne), Kunsthalle, 1972 ; Lausanne (Suisse), Musée des arts décoratifs, 1972; Tel Aviv (Israël), Tel Aviv Museum, 1972
  • « Louis Soutter », Cologne (Allemagne), Galerie Rudolf Zwirner, 1972
  • « Louis Soutter. 30 dessins des « Cahiers », Lausanne (Suisse), Galerie L'Entracte, 1972
  • « Louis Soutter », Colorado Springs CO (États-Unis), Colorado Springs Fine Arts Center, 1973
  • « Louis Soutter », Lausanne (Suisse), Musée cantonal des Beaux-Arts, 1974 ; Bâle (Suisse), Kunsthalle, 1975 ; Vienne (Autriche), Künstlerhaus, 1975 ; Graz (Autriche), Kulturhaus, 1975 ; Bochum (Allemagne), Wasserschloss, 1975 ; Ulm (Allemagne), Ulmer Museum, 1975; Gand (Belgique), Museum voor schone kunsten, 1975; Milan (Italie), Castello Sforzesco, Sala delle Asse, 1975 ; Madrid (Espagne), Palacio de Esposiciones de Bellas Artes, 1976 ; Paris (France), Musée d'art moderne de le ville de Paris, 1976 ; Winterthour (Suisse), Kunstmuseum, 1976
  • « Louis Soutter. Zeichnungen », Berne (Suisse), LOEB-Galerie, 1976
  • « Louis Soutter. Un voyage au bout de la nuit », Genève (Suisse), Galerie Engelberts, 1978
  • « Louis Soutter », Morges (Suisse), Musée Alexis Forel, 1983
  • « Louis Soutter (1871-1942). Zeichnungen, Bücher, Fingermalereien », Munich (Allemagne), Städtische Galerie im Lembachhaus, 1985 ; Bonn (Allemagne), Kunstmuseum, 1985 ; Stuttgart (Allemagne), Würtembergischer Kunstverein, 1985
  • « Arnulf Rainer/Louis Soutter. Die Finger malen/Les doigts peignent », Lausanne (Suisse), Musée cantonal des Beaux-Arts, 1986 ; Francfort-sur-le-Main (Allemagne), Schirn Kunsthalle, 1986 ; Linz (Autriche), Neue Galerie der Stadt Linz, Wolfgang Gurlitt-Museum, 1987
  • « Louis Soutter. L'art commence où finit la vie », Marseille (France), Musée Cantini, 1987
  • « Louis Soutter. Drawings and finger paintings », New York NY (États-Unis), Camillos Kouros Gallery, 1987
  • « Louis Soutter et Le Corbusier. Dessins des deux cousins. Originalzeichnungen vorwiegend aus der dreissiger/vierziger Jahren », Zurich (Suisse), Galerie Arteba, 1990
  • « Louis Soutter », Martigny (Suisse), Fondation Pierre Gianadda, 1990 ; Troyes (France), Musée d'Art moderne, 1990
  • « Visionäre Schweiz », Zurich (Suisse), Kunsthaus, fin 1991 à début 1992 ; Madrid (Espagne), Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, 1992 ; Düsseldorf (Allemagne), Stadtische Kunsthalle et Kunstverein für die Rheinlande und Westalen, 1992
  • « Parallel Visions. Modern Artists and Outsider Art », Los Angeles CA (États-Unis), Los Angeles County Museum of Art, fin 1992 à début 1993 ; Madrid (Espagne), Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, 1993 ; Tokyo (Japon), Setayaga Museum, 1993
  • « Louis Soutter », Lausanne (Suisse), Musée cantonal des Beaux-Arts, 1993
  • « Chaos, Wahnsinn. Permutationen der zeitgenössischen Kunst », Krems (Autriche), Kunsthalle, 1996
  • « Cinq siècles de dessins », Vevey (Suisse), Musée Jenisch, fin 1997 à début 1998
  • « Louis Soutter. Fingermalereien 1937-42 », Cologne (Allemagne), Galerie Karsten Greve, 1998
  • « Le corps évanoui, les images subites », Lausanne (Suisse), Musée de l'Élysée, fin 1999 à début 2000
  • « L'Attrait du trait », Lausanne (Suisse), Musée cantonal des Beaux-Arts, 2001
  • « Louis Soutter et les modernes », Bâle (Suisse), Kunstmuseum, septembre 2002 à janvier 2003 ; Lausanne (Suisse), Musée cantonal des Beaux-Arts, 2003
  • « Louis Soutter et la musique », Lausanne (Suisse), Collection de l'Art brut, 2003
  • « Louis Soutter. Une collection morgienne », Morges (Suisse), Musée Alexis Forel, 2008
  • « Louis Soutter », Lausanne (Suisse), Galerie du Marché, 2010
  • « La Maison et l'Infini. La Collection de Christian Zacharias » (pianiste et chef d'orchestre), exposition articulée en quatre thèmes, dont « La Suisse, Lausanne, la vie quotidienne », avec les œuvres de Louis Soutter, René Auberjonois, Marius Borgeaud entre autres artistes suisses, Lausanne (Suisse), Fondation de l'Hermitage, 2010

Voir aussi

Bibliographie

  • Le Corbusier, « Louis Soutter, l’inconnu de la soixantaine » , in revue Minotaure N° 9, pp. 62-65, Paris (France), octobre 1936
  • Ernest Manganel, René Berger, René René Auberjonois et Le Corbusier, Louis Soutter, Lausanne (Suisse), Éditions H. L. Mermod, coll. « Besoin de grandeur : 2 », 1961, ill. noir/blanc, couv. ill. noir/blanc ; 32 cm, 115 p. (notice BNF no FRBNFFRBNF33180253) 
  • Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Paris (France), Jean-Jacques Pauvert éditeur, coll. « Libertés nouvelles : 14 », 1968, 18 cm, 151 p. (notice BNF no FRBNFFRBNF32987038) 
  • Michel Thévoz, Louis Soutter, Lausanne (Suisse), Éditions Rencontre, coll. « Grands artiste suisses », 1970, ill. noir/blanc, coul., couv. ill. coul. ; 21 cm, 128 p. (notice BNF no FRBNFFRBNF35395502) 
  • Le Corbusier, Ernest Manganel, Louis Soutter, 30 Dessins des « Cahiers », catalogue d'exposition, Galerie L'Entracte, Lausanne, 1972
  • Michel Thévoz, Louis Soutter ou l'écriture du désir, Lausanne (Suisse), Zurich (Suisse), Éditions L'Âge d'homme, Institut suisse pour l'étude de l'art, coll. « Catalogues raisonnés d'artistes suisses 4/I », 1974, nombreuses ill. noir/blanc, quelques ill. coul., couv. ill. coul. ; 31 cm, 256 p. (notice BNF no FRBNFFRBNF37697314) 
  • Jean-Baptiste Mauroux et Georges Haldas, Louis Soutter : Peintre visionnaire et proscrit, Genève, Éditions Adversaires, 1975, ill. noir/blanc, couv. ill. noir/blanc ; 24 cm, 89 p. 
  • Michel Thévoz, Louis Soutter : 1871-1942 : Catalogue de l'œuvre, Lausanne (Suisse), Éditions L'Âge d'Homme, coll. « Catalogues raisonnés d'artistes suisses 4/II / Institut suisse pour l'étude de l'art », 1976, nombreuses ill. noir/blanc., quelques ill. coul., couv ill. noir et blanc. ; 31 cm, 381 p. (notice BNF no FRBNFFRBNF37432545) 
  • Mario De Micheli, Viana Conti, Hermann Hesse (textes parus in Neue Zürcher Zeitung, Zürich, 1961), Louis Soutter (1871-1942), catalogue, Edizioni Galleria Matasci Tenero (Suisse), 1987
  • Nicolas Cendo, Michel Thévoz, Le Corbusier et Hermann Hesse, Louis Soutter : l'art commence où finit la vie, Marseille (France), Arles (France), Musée de Marseille, Actes Sud, coll. « Catalogues d'exposition », 1987, ill. noir/blanc et coul., couv. ill. coul. ; 22 cm, 78 p. (ISBN ISBN 2-86869-167-6) (notice BNF no FRBNFFRBNF34935826) 
  • Annette Ferrari, André Kuenzi et Léonard Gianadda, Louis Soutter, Martigny (Suisse), Fondation Pierre Gianadda, coll. « Catalogues d'exposition », 1990, ill. noir/blanc et coul., couv. ill. coul. ; 24 cm, 199 p. 
  • Hervé Gauville et Valère Novarina, Louis Soutter : Si le soleil me revenait, Paris (France), Centre Culturel Suisse, Paris (France), Société nouvelle Adam Biro, Paris (France), coll. « Catalogues d'exposition », 1997, ill. noir/blanc et coul., couv. ill. coul. ; 22 cm, 125 p. (ISBN ISBN 2-87660-213-X) (notice BNF no FRBNFFRBNF36189117) 
  • Jörg Zutter, Friehelm Mennekes / Arnulf Rainer, Jean Dubuffet, Louis Soutter, Fingermalerein 1937-42, Catalogue, Galerie Karsten Greve, Köln, 1998
  • Équipe de Garzanti dirigée par Lucio Felici, Encyclopédie de l'Art, Garzanti Editore s.p.a. (Italie), 1986, et Librairie Générale Française, collection La Pochotèque (France), 1991, 2000
  • Hartwig Fischer, Pierre Estoppey, Michel Thévoz, Le Corbusier, Lucienne Peiry, René Auberjonois, Heinz Holliger, Jean Dubuffet, Jean Giono, Jean Starobinsky et Paul Nizon, Louis Soutter : 1871-1942, Ostfildern-Ruit (Allemagne), Hatje Cantz Verlag, coll. « Catalogues d'exposition », 2002, nombreuses ill. coul., couv ill. coul. ; 29 cm, 315 p. (ISBN 3-7757-1228-3 (Ostfildern-Ruit), ISBN = 2-940027-41-2 (Lausanne)) (notice BNF no FRBNFFRBNF38882107) 
  • Michel Thévoz et Anne-Marie Simond, Louis Soutter : Crayon, plume & encre de Chine, Lausanne (Suisse), Éditions du Héron, coll. « Monographies », 2002, ill. noir/blanc, couv. ill. noir/blanc, relié sous coffret ; 30 cm, 291 p. (ISBN ISBN 2-88486-000-2) (notice BNF no FRBNFFRBNF38943014) 

Liens externes



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