Histoire de la charente

Histoire de la charente

Histoire de la Charente

La Charente est un département français créé en 1790 sur des critères géographiques (le bassin supérieur et moyen du fleuve Charente). Au cours de la période historique il n'avait encore jamais eu d'unité, ni politique, ni religieuse, ni judiciaire. La coupure entre l'Angoumois à l'est centré par Angoulême et la Saintonge à l'ouest centrée sur Cognac qui existait déjà chez les Celtes et a perduré jusqu'à la Révolution n'a d'ailleurs pas totalement disparu.

Armoiries du comté d'Angoulême
Blason de la Saintonge
Blason du département de la Charente

Sommaire

Préhistoire

Paléolithique

Le territoire correspondant actuellement à la Charente est peuplé au moins depuis le Paléolithique moyen : à 26 km au sud d'Angoulême, à Gardes-le-Pontaroux sur la rive droite du Voulton, le site de la Quina a livré les restes fossiles de 27 néandertaliens, adultes et enfants. À Saint-Césaire en Charente-Maritime a été mis au jour le crâne d'une néandertalienne surnommée « Pierrette »[1].

Article détaillé : Néandertal en Poitou-Charentes.

L'industrie lithique de la Quina a donné son nom à un faciès particulier du Moustérien, le Charentien de type Quina.

Le Paléolithique supérieur est également présent à la Quina, où ont été trouvées des sagaies et des parures (en particulier des dents de loups et de renards percées).

L'abri sous roche de la Chaire-à-Calvin à Mouthiers-sur-Boëme

À Vilhonneur, la grotte du Visage, découverte en 2005, a également livré des peintures qui sont en cours d'étude[1]. Cette grotte ornée a livré des œuvres du Paléolithique supérieur dont une main négative réalisée à la peinture noire, des ponctuations rouges et noires et une gravure pariétale qui pourrait représenter un être humain. Elle a également livré les restes d'un jeune adulte datés d'environ - 27 000, donc un « homme de Cro-Magnon » du Gravettien [2].

Sur la rive gauche de la Tardoire, la grotte du Placard livre 15 millénaires d'histoire, avec une occupation durant du Paléolithique moyen au Solutréen (gravures de cervidés, chevaux, aurochs, os d'aigles gravés, lampe de grès rose, bois de rennes gravées).

Le site de Roc-de-Sers, situé dans la vallée du Roc (commune de Sers) dans une des grottes de la falaise, a livré des industries aurignaciennes ainsi qu'une sépulture contenant trois squelettes et des frises sculptées de chevaux, bisons et bouquetins, attribuées au Solutréen.

La frise de chevaux de la Chaire-à-Calvin

Sur la commune de Mouthiers-sur-Boëme, l'abri sous roche de la Chaire-à-Calvin est orné d'une frise de chevaux en ronde bosse attribuée au Magdalénien. Cette culture est également présente dans la grotte de Montgaudier, près de Montbron, qui a livré un bâton gravé de phoques.

Néolithique

Époque de la sédentarisation, le Néolithique moyen se retrouve dans les camps fortifiés circulaires dont le plus connu est le site des Matignons à Juillac-le-Coq. On y a retrouvé des haches polies, des faucilles, des lames dentelées, des meules, de la céramique, des signes de vannerie ; l'élevage y tient une grande place avec 71% des restes osseux qui proviennent d'animaux domestiques (bœufs, porcs, moutons et/ou chèvres)[3].

La culture de Peu-Richard qui lui succède en est une évolution, caractérisée par de la céramique très ornementée que l'on a retrouvée dans divers camps, dont celui de Merpins. Par repérage aérien, on a retrouvé de nombreuses nécropoles à fossés circulaires et quadrangulaires (Ars, Merpins, Cherves-Richemont...)

Puis, au IVe millénaire av. J.-C., la Charente connaît la culture chasséenne avec ses sépultures sous dolmens. Les dolmens sont très nombreux en Charente, isolés ou groupés, à l'origine enfouis sous des tumulus. Les plus anciens dont quelques vestiges subsistent dans la forêt de Boixe sont des dolmens en tolos. Les autres sont soit de type angoumoisin, soit, dans le Cognaçais, de type angevin avec une antichambre précédant la chambre funéraire. Citons ceux de Cognac (cité du dolmen), Châteaubernard, Saint-Brice, Saint-Fort-sur-le-Né, Saint-Germain-de-Confolens, Chenon, Luxé et de la région de Ruffec. Quelques tumuli ont été fouillés sans grand résultat.

L'extraction des métaux débute à la fin de cette époque, dans des lieux que la typonymie ferry permet de retrouver. Des groupes de la civilisation à céramique campanifère existaient puisqu'on retrouve leurs sépultures mais pas de camp. De même, l'âge de bronze n'est représenté que par de très nombreux dépôts : haches à Montdouzil près de Châteauneuf, à Montignac, à Chazelles, à Rancogne, surtout le très important dépôt de Saint-Yrieix-sur-Charente qui comporte épées, poignards, lances, bijoux, objets de toilette[3].

Le camp du Vieux-Merpins comme la grotte du Quéroy présentent des vestiges et du mobilier allant du Bronze final au premier Âge du fer.

Âge du fer

Au VIIIe siècle av. J.-C. une période pluvieuse entraîne l'augmentation des marais, des conditions de circulation plus difficile et l'on ne sait pas exactement quand a lieu la celtisation de la Charente.

Au VIIe siècle av. J.-C., les Santons vivent en Charente et en Charente-Maritime. Ils font le commerce du sel qu'ils extraient en des sites côtiers maintenant loin dans les terres. Leur chef-lieu aurait été l'oppidum de Pons. Merpins près de Cognac était déjà un des entrepôts le long du fleuve.

L'Angoumois était un territoire indépendant ou seulement autonome et sa monnaie était Lemovice. Il y avait un oppidum à Angoulême, dont des traces ont été trouvées lors des fouilles du cimetière Saint-Martial[3].

De très nombreux objets ont été retrouvés sur tout le territoire du département. Les plus remarquables sont la parure de la tombe des Planes à Saint-Yrieix (composée d'une torque, d'un bracelet, d'anneaux de cheville et d'une fibule) et le casque d'Agris (près de La Rochefoucauld), recouvert de plaques d'or et incrusté de corail, qui est au musée d'Angoulême[3].

La grotte des Perrats à Agris a livré des céramiques, des stèles, et d'autres stèles en forme d'obélisques épointés ont été trouvées à L'Isle-d'Espagnac et Roullet-Saint-Estèphe[4].

De l'annexion romaine à la Renaissance

Époque gallo-romaine

En 60 av. J.-C. les Santons acceptent de recevoir l'ensemble du peuple des Helvètes qui sont sous la menace d'une invasion par les Germains. César qui mesure le double danger de ce déplacement de population et du renforcement des Santons, les envahit et les annexe en 58 av. J.-C., sans rencontrer de résistance. Ils répondent à l'appel de Vercingétorix, partent à 30 000, mais arrivent trop tard.

Théâtre gallo-romain des Bouchauds

La Charente romanisée va être traversée par le « chemin pierré » ou « chemin des Romains », la voie d'Agrippa Lyon-Saintes, et le « chemin Boisné » Périgueux-Saintes qui reprend une piste préromaine. Les voies nord-sud sont Chassenon-Poitiers et d'après la table de Peutinger Chassenon-Mansle-Aulnay ainsi qu'une voie vers Mansle, Rom et Civray à partir de la voie Agrippa près du théâtre des Bouchauds . Ces routes et le fleuve, navigable de la mer jusqu'à Angoulême, permettaient un important commerce. Cognac et Jarnac étaient de grands ports avec des entrepôts à Merpins, Crouin et Chatenet.

D'après Pline l'Ancien, le bassin supérieur de la Charente était habité par une petite peuplade, les Agesinates, dont l'histoire se confond avec celle de ses puissants voisins, les Santons.[5]

L'Angoumois devient territoire autonome au Bas-Empire mais la cité est qualifiée par Ausone de lieu écarté et solitaire. Les villas seront nombreuses, principalement le long de la vallée de la Charente, les implantations de légionnaires retraités aussi (tous les Coulonges et leur cadastre caractéristique). Les constructions importantes sont les sanctuaires ruraux de Chassenon, dont les thermes sont exceptionnels, le théâtre des Bouchauds et le site de La Terne près de Luxé.

Article détaillé : Thermes de Chassenon.

La christianisation de la Charente bien que débutée dès le IIIe siècle par Saint Ausone depuis Saintes, semble avoir été tardive en Angoumois avec comme premier évêque Dynamius dont Grégoire de Tours loue l'attitude digne lors du siège d'Angoulême par les Vandales en 406. Cette période troublée est marquée par des invasions successives. Les Wisigoths s'installent en 418, ils sont chrétiens mais ariens, et très romanisés. Ils sont chassés par les Francs.La première église d'Angoulême est détruite en 508 lors du siège de la ville par Clovis.

Les Goths n'ont laissé des traces qu'à Gourville, Merpins et Coulgens[6].

Haut Moyen Âge

Clovis installe un comte (les premiers comtes de l'Angoumois seraient Maracaire et Nantinus) et un évêque franc (l'évêque arien est chassé et remplacé par son propre chapelain, Aptone), et il fait reconstruire l'église qui devient la première église Saint-Pierre et siège épiscopal. Après la mort de Clovis, ses vastes domaines sont partagés entre ses quatre fils, et l'Angoumois échoie à Childebert, roi de Paris. [7]C'est une période de paix avec une faible installation des Francs se limitant principalement à Bouteville, Sonneville, Ambleville, Herpes, Gensac-la-Pallue, lieux où l'on a retrouvé des nécropoles, des épées, des boucles de ceinture[8]. La terre était en grands domaines travaillés par des esclaves (Saint Cybard rachète 175 esclaves en 558) et petites et moyennes propriétés[9]. La Charente est morcelée en de nombreux fiefs, les seigneuries les plus importantes en étaient celles de Cognac, de Jarnac et d'Angoulême. En 565, un Waddon est mentionné comme comte de Saintonge. On trouve également un Maraquier (ou Maracaire) et un Nantin (ou Nantinus), nommés comtes d'Angoulême au cours du VIe siècle [10]

Au Ve et VIe siècles la christianisation se poursuit. C'est l'époque des ermites avec localement saint Cybard, saint Amant, saint Fraigne et saint Groux. Angoulême aurait compté cinq lieux de culte dans ses murs et autant dans les faubourgs. L'abbaye de Saint Cybard se crée dès avant l'existence de règles conventuelles et l'abbaye de femmes Saint Ausone date du XIe siècle comme l'abbaye de Saint-Amant-de-Boixe de la fin du Xe siècle.
Puis, alors que la Charente fait partie de la seconde Aquitaine devenue indépendante, c'est l'invasion des Maures, repoussés en 732 par Charles Martel. Pépin le Bref entreprend la reconquête de l'Aquitaine et dévaste l'Angoumois en 766. En 768, à Saintes, il garantit aux Aquitains le bénéfice de la loi romaine. Et en 769 Charlemagne rassemble une armée et séjourne à Mornac et à Angeac avant d'aller battre les derniers révoltés. Sous Charlemagne puis au sein du royaume d'Aquitaine créé par lui en 778 pour son fils Louis le Pieux, une période de calme dure jusqu'en 838.
Les seuls comtes d'Angoulême connus pour cette époque sont Turpion (839-863) puis son frère Émenon (863-866)[9].

Ensuite la situation redevient incertaine. Les Vikings remontent la Charente vers 850, détruisant Saintes et Angoulême sans que les Carolingiens réagissent. Les Grands d'Aquitaine s'organisent et constituent le duché d'Aquitaine qui revient ensuite aux comtes de Poitiers. En 866, Vulgrin est le premier des comtes héréditaires d'Angoulême qui générera la dynastie dite des Taillefer, jusqu'en 1200[9].

Au début du XIe siècle en plus de la peste, vengeances et guerres privées ravageaient la province, mais, grâce à la Trève de Dieu la paix fut assurée du mercredi soir au lundi, puis aussi durant les périodes de l'avant et du carême.

De cette époque datent les châteaux tenus par les comtes d'Angoulême, situées à Marcillac et Rancogne, Angoulême, Montignac, Merpins, Villejoubert (le castrum d'Andone), Villebois, Bouteville et Archiac. Les châteaux importants de cette époque que les comtes d'Angoulême ne tenaient pas étaient ceux de Confolens, Chabanais, Montbron, Ruffec, Jarnac et Cognac[11]

Bas Moyen Âge

Comme tout l'Angoumois et la Saintonge, la Charente se couvre d'édifices religieux : chaque village a son église romane dont la majorité date du XIIe siècle.

Une des routes du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle traverse le département d'où les coquilles symboliques sur les églises et le nombre de commanderies Templières. Guillaume IV d'Angoulême fait un pèlerinage en Terre Sainte au début du XIe siècle et Guillaume VI d'Angoulême participe à la seconde croisade. La commanderie de Cressac nous en raconte certains épisodes.

Le comte d'Angoulême contrôle les abbayes de Saint-Cybard d'Angoulême et de Saint-Amant-de-Boixe. Les châteaux se multiplient : 20 sont attestés en 1050 (dont Merpins, Cognac, Jarnac, Ruffec, Barbezieux, La Rochefoucauld) et douze de plus en 1100 (dont Richemont, Châteauneuf et Villebois). Ce sont des mottes castrales qui seront remplacées au XIIe siècle par un donjon et un château en pierre[9]. Le comte d'Angoulême en contrôle directement sept : certains sont ses vassaux, d'autres pas, comme Jarnac, Cognac et La Rochefoucauld par exemple. Au début du XIIe siècle ont lieu des troubles lorsque le duc d'Aquitaine veut reprendre la Saintonge puis l'Angoumois.

La société est alors constituée de quelques grands seigneurs, de nombreux chevaliers petits propriétaires ou possesseurs d'une tenure héréditaire. La population augmente, la production agricole aussi comme le montre le nombre grandissant des nouveaux moulins. Le navigation a repris sur la Charente et à la fin du XIe siècle Cognac et Basseau à Angoulême sont ports saulniers.

Guerre de Cent Ans

Ruines de la tour du Château de Richemont rasé par Richard Cœur de Lion.

Le duché d'Aquitaine était la dot d'Aliénor d'Aquitaine. Elle épouse le roi de France Louis VII en 1137, divorce et se remarie en 1152 avec Henri Plantagenêt futur Henri II d'Angleterre. Le duché d'Aquitaine dont fait partie la Charente passe alors sous domination anglaise. La politique d'Henri II d'Angleterre provoque des révoltes. Il confie le duché à son fils Richard Cœur de Lion. Puis, il le combat après avoir emprisonné Aliénor. En 1181, à la mort de Vulgrain III, il confisque le comté d'Angoulême. Richard Cœur de Lion meurt en 1199 et c'est son frère Jean sans Terre marié à la dernière descendante des comtes d'Angoulême, Isabelle, qui lui succède. Philippe Auguste est appelé par Hugues IX Lusignan, qui était le fiancé d'Isabelle, et le roi de France commence à reprendre des terres en 1204.

La rive droite de la Charente est reprise à Jean sans Terre entre 1204 et 1210. Toute la Charente est ravagée, des dizaines de châteaux brûlés. Beaucoup disparaissent ou ne sont pas reconstruits sur le même emplacement. C'est le cas, autour de Cognac, de Richemont, Fontjoyeuse, Boisroche, pour lesquels il est attesté qu'ils ont été rasés par Richard Cœur de Lion. Jean sans Terre meurt en 1216 et Isabelle épouse Hugues X Lusignan. À la mort en 1217 de son père, le comte Aymar Taillefer, dernier représentant des Taillefer, Isabelle hérite du comté d'Angoulême. En 1241, le roi Louis IX donne à son frère Alphonse les comtés de Poitiers et d'Auvergne. Les troubles durent jusqu'à la paix signée en 1258. À la mort du dernier Lusignan en 1308, le roi Philippe IV le Bel met ses biens sous séquestre.

1365: La France après les traités de Brétigny et de Guérande.      Territoires contrôlés par Édouard III      Territoires cédés par la France à l'Angleterre par le traité de Brétigny      Territoire du duché de Bretagne, allié aux Anglais

En 1317, Jeanne de France (fille de Louis le Hutin) reçoit le comté d'Angoulême pour compenser son éviction du trône de France. Elle l'administre jusqu'à sa mort en 1349 mais il ne revient pas à son fils car le roi le lui échange contre d'autres terres.

La guerre entre anglais et français a repris en 1337, et en 1360 : par le traité de Brétigny toute la Saintonge et l'Angoumois reviennent aux Anglais. Le Prince Noir séjourne fréquemment à Angoulême, Bouteville et Cognac ; il y est entouré d'une cour brillante et l'Angoumois connaît quelques années de paix jusqu'aux troubles dus à un impôt exceptionnel : le « fouage ». Les Français commencent la reconquête en 1369. En 1372, Angoulême ouvre ses portes à l'armée royale et Charles V lui accorde en 1373 une concession de commune avec un maire et douze échevins, semblable à celle obtenue par Cognac à l'époque de Jean sans Terre et renouvelée par Charles d'Espagne, comte d'Angoulême, en 1352. Cognac est repris en 1375 et une sorte de frontière est marquée par le fleuve. À la reprise des hostilités, les châteaux charentais sont repris un par un, Archiac et Bourg-Charente en 1385, Merpins et Châteauneuf en 1386, Jarnac en 1387. Certains sont pris et repris plusieurs fois. Il n'y a pas de frontière mais un enchevêtrement de places fortes. En 1416, la place forte de La Roche-Chandry est reprise aux Anglais et rasée; en 1417, celle de Barbezieux; en 1445, celle de Bouteville. En Charente, la guerre se termine en 1453 par la prise de Chalais, année qui sonne la fin de l'Aquitaine anglaise (bataille de Castillon).

La Charente est ravagée, et s'en souviendra longtemps : la coiffe traditionnelle au travail reste la « quichenotte » (kissnot) et l'expression « les Anglais ont débarqué » était jusque dans les années 1960 l'expression habituelle pour les règles, le sang menstruel.

Mais durant ces décennies, la ville d'Angoulême a perdu la moitié de sa population (en partie lors de la peste noire de 1400 à 1407), certains villages ont été désertés, le commerce a diminué, les foires disparaissent, les moulins tombent en ruine, les terres laissées à l'abandon et les seigneurs proposent des conditions avantageuses à qui veut reprendre le travail agricole comme tenancier (un sillon sur dix pour le seigneur).

En 1445, le comte Jean, otage en Angleterre depuis 1412, revient et trouve un château de Cognac abandonné et en très mauvais état dont il commence la reconstruction en 1450. Il reconstitue son comté, lui assure le retour de la prospérité d'où son nom du bon comte Jean. Il le lègue à son fils Charles de Valois en 1467. Avec sa femme Louise de Savoie ils font de Cognac un centre intellectuel et artistique. Amateurs de livres, ils soutiennent les deux imprimeries qui s'installent à Angoulême.

Les temps modernes

De François Ier aux guerres de religion

François Ier

François Ier, fils du comte d'Angoulême, est né le 12 septembre 1494 à Cognac où il a passé sa première enfance au sein d'une cour constituée par sa mère Louise de Savoie, qui, veuve en 1496, n'a que peu de revenus. Cette cour, bien que peu nombreuse, compte des intellectuels et des artistes.

Après son couronnement en 1515, François continue à s'intéresser à sa doulce Charente : il fait terminer le drainage du Pays-Bas et vers 1517, et fait ajouter au château de Cognac sa longue façade face aux quais. Sa sœur Marguerite d'Orléans, Marguerite d'Angoulême, mère de Jeanne d'Albret et grand-mère du futur roi Henri IV, étant proche des Protestants, il ne les persécute pas dans les débuts de la Réforme. Il érige le comté d'Angoulême en duché-pairie en février 1514, en y joignant les terres et seigneuries de Jarnac, Châteauneuf, Montignac et Bassac, et le donne à sa mère Louise de Savoie qui l'administre jusqu'à sa mort le 22 septembre 1531.

façade du château de Cognac

Après la mort de Louise de Savoie, le duché d'Angoulême est réuni à la couronne jusqu'en 1540, où il est donné en apanage à Charles de France, son troisième fils.

obélisque sur le pont de Saint-Sulpice

Dès 1534, Calvin vient prêcher en Angoumois et en Saintonge et les conversions sont nombreuses.

La période est marquée à partir de 1542 de révoltes contre la gabelle[12].

Après l'édit de Compiègne en 1557 qui condamne à mort les hérétiques, les guerres de Religion débutent en 1562 en Charente par divers massacres de protestants, notamment en représailles de saccages que ceux-ci avaient perpétrés (les abbayes de La Couronne et de Chatres, la cathédrale d'Angoulême après la prise de la ville par les protestants pour ne citer que les monuments les plus connus). Lors de la première guerres de religion, la ville de Cognac prend les armes ; elle est reconquise en 1563 par Montpensier. En 1565, Charles IX y passe lors de son tour de France royal (1564-1566)[13]. En 1570, la paix de Saint-Germain, signée entre le Roi Charles IX et l’amiral Gaspard de Coligny, octroie aux protestants quatre places fortes, dont Cognac.

En 1567,après Paris et Lyon, c'est à Verteuil-sur-Charente que s'est tenu le cinquième synode protestant

En Charente, le fait marquant est la Bataille de Jarnac, le 13 mars 1569, où Condé trouve la mort. Une partie des troupes se regroupe sur le pont de Saint-Sulpice, événement commémoré par un obélisque, avant de gagner La Rochelle. Toute cette période n'est qu'une suite de destructions et tueries. On pense que c'est à cette époque qu'a été enterré le Trésor de Cherves. L'édit de Nantes signé par Henri IV le 13 avril 1598 octroie la liberté de culte. Des temples et des communautés existent alors dans tous les bourgs de Charente, hors des murs.

Il faut alors réparer ou reconstruire la cathédrale et les centaines d'églises ruinées. Dans le même temps les couvents se multiplient : Capucins, Récollets, Minimes, Jésuites, Carmes, Cordeliers, Ursulines, Clarisses, bénédictines, s'installent dans tout le département.

Le début du XVIIe siècle est marqué par des révoltes de « croquants ».

Durant la Fronde, bien que Louis XIV, Anne d'Autriche et Mazarin se soient arrêtés à Angoulême en 1650 pour s'assurer sa fidélité, Condé entre en révolte, La Rochefoucauld met le siège devant Cognac[14].

C'est en 1643 qu'est créée la maison Augier, une des premières maisons de commerce du cognac.

Dès 1664 le droit au culte protestant est contesté, des temples sont détruits et les réformés dont le seigneur a abjuré la foi sont privés de liberté de culte. Les dragonnades à la suite de la révocation de l'Édit de Nantes par l'Édit de Fontainebleau en 1685 conduisent les protestants soit à se convertir, soit à émigrer, surtout en Allemagne, en Suisse et dans le « Nouveau Monde », au Canada et surtout aux Antilles. L'économie de la Charente ne se remettra que plus de cent ans plus tard de la perte de près de la moitié de ses artisans. Ceux qui sont restés constituent l'église du désert.

Du XVIIIe siècle à la création du département de la Charente

C'est une période de paix relative mais il est difficile de se remettre des saccages, des massacres et du départ des protestants. La Charente est principalement agricole et produit essentiellement des céréales. Le chanvre, les truffes, le safran, les prairies pour le pacage sont de moindre importance. Le cognaçais a commencé à produire du vin distillé en eau-de-vie pour l'exportation à partir de 1630 ; la production et le nombre d'hectares (156 000 hectares en 1780) sont en augmentation malgré le gel de 1709 qui oblige à replanter[12]. La maison de cognac Martell se crée en 1720

Gabarres au port de Cognac

La métallurgie connaît un nouvel essor avec plus de quatorze forges autour d'Angoulême, dont celle de Ruelle. La papeterie connaît des périodes plus ou moins fastes. Il y a aussi quelques fabriques de faïence et de toile. Toutes ces productions étaient transportées en gabarre sur la Charente.

Les années qui précèdent la Révolution sont marquées par de mauvaises récoltes qui se succèdent, causées par la sécheresse en 1785, les inondations en 1786 et la grêle le 13 juillet 1788.

Les cahiers de doléances présentaient des demandes générales comme l'unification des règlements, le vote de l'impôt, et plusieurs demandes spécifiques dont celle qu'Angoulême soit séparée du Limousin. En 1790, le département de la Charente est créé, formé de six districts (Angoulême, Barbezieux, Confolens, Cognac, La Rochefoucauld, Ruffec) et de quarante-quatre cantons. Barbezieux désirait rejoindre la Saintonge et Cognac demandait un tribunal de même importance que celui d'Angoulême pour ne pas en dépendre[12].

La Révolution et le Premier Empire

En 1791, la constitution civile du clergé est bien acceptée dans les campagnes (60% du clergé charentais est « jureur »), mais refusée dans les villes, sous l'influence de l'évêque d'Angoulême. Dans le même temps de nombreux nobles émigrent, et en particulier le comte d'Artois, duc d'Angoulême, Charles-Rosalie de Rohan-Chabot, le comte de Jarnac. Beaucoup se regroupent dans la compagnie des gentilshommes d'Aunis, Saintonge et Angoumois à Münster-Mayenfeld.

Alors que les biens du clergé ont été vendus en gros lots, les biens nationaux confisqués aux émigrés sont vendus en de nombreux petits lots achetés par des bourgeois et des paysans aisés. Dans le même temps des monuments sont vendus comme carrières : c'est le cas du château de Jarnac et de l'abbaye de La Couronne.

Les levées de volontaires se montent d'abord à deux bataillons, dont l'un s'illustre à Jemmapes, l'autre durant la campagne d'Italie. Entre 1791 et 1793, ce sont 45 000 Charentais qui sont enrolés[12].

La Terreur a été modérée, il n'y a eu que soixante-huit condamnés à mort dont quarante-neuf par le tribunal de Paris, surtout après des dénonciations des comités révolutionnaires et en particulier celui de La Rochefoucauld.

Sous le Directoire, la Charente a surtout été préoccupée par l'inflation, l'insécurité et la peur engendrée par les bandes de « chauffeurs ». Peu de changements sous le Consulat : la nouvelle constitution voit l'arrivée d'un préfet mais tous les autres fonctionnaires nommés sont charentais et généralement déjà en poste, même les sous-préfets. En 1799, toutes les églises sont rendues au culte, et le culte protestant est autorisé (avec Jarnac comme chef-lieu ecclésiastique des quatre arrondissements, pour les 3 260 protestants déclarés).

Sous le Premier Empire la conscription pèse lourd et le nombre de réfractaires et de déserteurs augmente mais reste dans la moyenne nationale d'environ 20 %, mais plus importante dans le Confolentais que dans le reste du département[12].

Époque contemporaine

Le XIXe siècle et la révolution industrielle

Durant toute cette période la Charente est hésitante voire indifférente aux événements politiques nationaux, bien que les opinions libérales progressent régulièrement. Le royaliste Charles François Louis Delalot après avoir été battu aux élections générales de 1824, est élu par le collège de département de la Charente à la Chambre des députés le 24 novembre 1827, [15].Aux élections d'avril 1848, la Charente élit quatre députés républicains et cinq candidats de droite, et à celles de décembre 1848 elle donne pour 111 338 inscrits et 95 027 votants, 90 360 voix à Louis-Napoléon Bonaparte et seulement 3 168 à Cavaignac et 1 011 à Ledru-Rollin. Alfred de Vigny, qui réside au Maine Giraud, le présente ainsi : « la Charente n'est qu'une Vendée bonapartiste ». Et en 1877, ce sont six députés bonapartistes qui sont élus, le septième étant Auguste Duclaud, républicain à Confolens. Une élection partielle de 1888 est l'occasion de très violents affrontements car Paul Déroulède se présente. Il est battu dans un premier temps puis élu aux élections générales de 1889.

Au début du XIXe siècle si la métallurgie se développe, l'industrie papetière stagne et le commerce du cognac diminue de moitié. Angoulême, ville industrielle avec sa fonderie, ses importantes et nombreuses papeteries, ses diverses fabrications dont la plus connue sont les « charentaises », confortables chaussons de feutre, connaît un développement continu sans évènement spécifiquement marquant.

La viticulture, activité principale de la région de Cognac dès le XVIIe siècle, permet grâce au traité sur le commerce de 1860, la constitution de fortunes importantes, visibles aux très nombreux châteaux et manoirs construits ou rénovés à cette époque. Le vignoble passe de 50 000 hectares en 1817 à 116 000 hectares en 1876[16]. La crise causée par l'apparition du phylloxéra qui détruit les ceps de vigne à partir de 1875 provoque la ruine et un exode rural. Les plants américains, résistants à la maladie, permettent de reconstituer le vignoble vingt ans plus tard. Durant cette période, l'élevage se développe, tourné vers la viande en Charente limousine, ou vers le lait avec la création de laiteries coopératives ou privées dans tout le département.

Un réseau ferré dense est construit avec le passage à Angoulême du Paris-Bordeaux de la compagnie d'Orléans dès 1852, du Angoulême-Cognac-Saintes de la compagnie des Charentes, (dont six des dix-huit plus gros porteurs d'actions sont des sociétés locales de négoce d'eaux-de-vie) dès 1867 et les petites lignes de la CFD (Chemins de Fer Départementaux immédiatement brocardée comme Compagnie Foutue D'avance)[17]

Dans le même temps le trafic par diligences et la navigation sur la Charente, après avoir dépassé les 50 000 tonnes par an au port de l'Houmeau à Angoulême, commence sa régression[16].

En 1881, lors de la promulgation des lois scolaires, il y a en Charente huit cent cinquante-quatre écoles, il s'en construit trois cents en vingt ans et il s'ouvre deux écoles normales, en 1884 pour les institutrices et en 1885 pour les instituteurs. La Charente compte alors cinq collèges communaux dont celui d'Angoulême qui devient collège royal en 1840 puis lycée en 1848.

Le XXe siècle

Les élections de 1902 et 1906 montrent une Charente devenue républicaine.

Première Guerre mondiale

La Première Guerre mondiale voit avec la mobilisation de tous les hommes jeunes l'arrivée des femmes et des hommes âgés à tous les postes de travail, dans les fermes comme dans les usines d'Angoulême reconverties vers l'effort de guerre. La poudrerie et la fonderie de Ruelle emploient chacune 10 000 salariés[18]

En 1917, les époux Mayoux, instituteurs, publient la première brochure pacifiste. Ils sont jugés pour défaitisme et révoqués de l'enseignement[16].

Entre-deux-guerres

La campagne charentaise ne se relèvera pas des milliers de morts de cette guerre. De 347 061 habitants en 1911, elle passe à 309 279 habitants en 1936.

La Charente essaie de prolonger l'union politique et ses trois sénateurs dont Édouard Martell convoquent un « congrès républicain » de tous les conseillers généraux, maires et adjoints du département qui établissent une liste « d'Union républicaine et agricole » conduite par James Hennessy pour l'élection législative du 16 mars 1919. Mais en 1924 la Charente donne 3 élus sur 5 à la droite conservatrice du « Bloc National » surtout par division de la gauche. Le parti Radical-Socialiste commence alors son implantation en Charente. La campagne électorale de 1936 est violente mais le Front populaire est gagnant avec 4 élus sur 5 dont 3 radicaux et 1 USR (Union socialiste républicaine) René Gounin. Celui-ci devient sénateur et à l'élection partielle d'avril 1939 il présente Marcel Déat qui est élu au second tour face à un communiste. Quelques semaines plus tard, Marcel Déat dévoile son néo-socialisme pro-hitlérien avec ses articles dans l'Œuvre.

Seconde Guerre mondiale

La Charente qui accueille des milliers de réfugiés se trouve après l'armistice coupée en deux par la ligne de démarcation avec l'ouest, zone occupée, et l'est, zone libre. La ligne de démarcation est à peu près nord-sud à quelques kilomètres à l'est d'Angoulême. Il y a quatorze points de passage. La Résistance en Charente débute par l'aide au passage clandestin et un premier acte de sabotage, le 20 septembre 1941, tentative d'incendie d'un dépôt en gare d'Angoulême par deux étudiants, dont Gontrand Labrégère qui sera fusillé.

Des élus sont destitués et des suspects sont arrêtés dès 1941. En octobre 1942 a lieu la rafle des juifs d'Angoulême qui sont déportés.

En 1942 et 1943, les maquis s'organisent et s'unissent, en majorité affiliés au maquis de Bir Hacheim (Armée secrète) et aux FTP. La base aérienne de Cognac est bombardée le 13 décembre 1943. Les FFI, qui comptent 2936 membres en 1944[19], multiplient les opérations. Alors que de nombreux convois sont immobilisés à la suite de sabotages, la gare d'Angoulême est bombardée le 15 juin 1944. Les représailles sont terribles, mais les colonnes allemandes sont arrêtées ou retardées. Angoulême se libère fin août 1944 ainsi que l'ensemble de la Charente, puis 1800 combattants partent sur la partie sud de la poche de La Rochelle où les affrontements continuent jusqu'au 8 mai 1945[20].

La Charente déplore 3 565 victimes dont 249 fusillés et 345 déportés (les 377 autres déportés sont revenus), 910 victimes dans l'armée des partisans, 156 victimes de bombardements, 1 835 militaires et 70 requis du service du travail obligatoire (STO) (dans les deux cas décédés ou disparus : ainsi sur les 11 785 prisonniers de guerre, 738 ne sont pas revenus)[21].

Les Trente glorieuses

L'après-guerre est marquée par l'influence de Félix Gaillard, député, Guy Pascaud, sénateur, Pierre Marcilhacy, sénateur, Jean Monnet, le « père de l'Europe », et François Mitterrand.

Notes et références

  1. a  et b Néandertal en Poitou-Charentes, A. Debenath et J.F. Tournepiche, Association régionales des musées en Poitou-Charentes,
  2. site de Vilhonneur
  3. a , b , c  et d Jean Combes..., La Charente de la préhistoire à nos jours, Bordessoules, coll. « L'histoire par les documents », 1986, 429 p. (ISBN 2-903504-21-0) [présentation en ligne], p. (José Gomez de Soto) 
  4. Archéologia n°447 exposition Les gaulois entre Loire et Dordogne,
  5. J. Martin-Buchey, Géographie historique et communale de la Charente, Tome I, imp. Coquemard, Angoulême, 1915
  6. Jean Combes..., La Charente de la préhistoire à nos jours, Bordessoules, coll. « L'histoire par les documents », 1986, 429 p. (ISBN 2-903504-21-0) [présentation en ligne], p. 55-74 (Louis Maurin) 
  7. J. Martin-Buchey, op. cité.
  8. http://www.histoirepassion.eu/spip.php?article466|cimetière des Francs d'Herpes
  9. a , b , c  et d Jean Combes..., La Charente de la préhistoire à nos jours, Bordessoules, coll. « L'histoire par les documents », 1986, 429 p. (ISBN 2-903504-21-0) [présentation en ligne], p. (André Debord) 
  10. Vigier de la Pile et François Corlieu, Histoire de l'Angoumois, Paris, Derache (1846, Laffite reprint 2002), 1576, 1760, 160 p. (ISBN 2-86276-384-5), p. 9 
  11. Archéologia 467, Le castrum d'Andone
  12. a , b , c , d  et e Jean Combes..., La Charente de la préhistoire à nos jours, Bordessoules, coll. « L'histoire par les documents », 1986, 429 p. (ISBN 2-903504-21-0) [présentation en ligne], p. (Francine Ducluzeau) 
  13. Pierre Miquel, Les Guerres de religion, Club France Loisirs, 1980, (ISBN 2-7242-0785-8 ), p. 258.
  14. Mémoires de La Rochefoucauld, œuvres complètes, Éditions de la Pléiade, p. 161.
  15. 148 voix sur 212 votants et 254 inscrits
  16. a , b  et c Jean Combes..., La Charente de la préhistoire à nos jours, Bordessoules, coll. « L'histoire par les documents », 1986, 429 p. (ISBN 2-903504-21-0) [présentation en ligne], p. (François Pairault) 
  17. Claude Tavé, Histoire des chemins de fer de la Charente, atelier graphique du cognaçais.
  18. G. Maneaud, La Guerre 1914-1918 en Charente, études locales, 1923.
  19. Dominique Lormier, La Libération de la France : Aquitaine, Auvergne, Charentes, Limousin, Midi-Pyrénées, Éditions Lucien Sourny, ISBN 978-2-84886-065-7, p 15
  20. Raymond Troussard, Le Maquis charentais Bir Hacheim, 1981, SAJIC Angoulême, dépôt légal n°1455
  21. Le Maquis charentais Bir Hacheim, Raymond Troussard, 1981,SAJIC Angoulême, dépôt légal n°1455

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