- Histoire De Cuba
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Histoire de Cuba
Cuba, la plus grande des îles des Caraïbes, était tout d'abord habitée par des peuples indigènes, connus sous les noms de Taïnos et Ciboneys. Le 27 octobre 1492, Christophe Colomb aperçut l'île lors de son premier voyage et la revendiqua au nom de l'Espagne. Cuba fit dès lors partie de l'empire colonial espagnol, gouvernée par le gouverneur espagnol de La Havane, même si en 1762 la ville fut brièvement occupée par les Britanniques avant d'être échangée contre la Floride lors de la guerre de Sept Ans. Une séries de rébellions, au XIXe siècle manquèrent de renverser le pouvoir colonial espagnol, mais accrurent les tensions entre l'Espagne et les États-Unis. Ce qui déclencha la Guerre hispano-américaine et conduisit finalement à l'indépendance de Cuba en 1902.
Le commerce avec les États-Unis domina l'économie cubaine pendant la première moitié du XXe siècle, permettant au gouvernement américain d'asseoir son influence politique sur l'île. Ceci continua jusqu'en 1959, lorsque le dictateur Fulgencio Batista fut renversé par les révolutionnaires, dont le principal groupe était conduit par Fidel Castro. L'expropriation des sociétés et grandes propriétés foncières américaines à Cuba conduisit à la rupture, par les États-Unis, des relations avec le gouvernement cubain. Cette rupture fut accélérée par le soutien de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) à Fidel Castro et par l'opposition de celui-ci à l'« impérialisme américain ». De nos jours, Cuba se définit elle-même comme une république socialiste dont le président actuel est Raúl Castro, qui a succédé à son frère Fidel en 2006.
L'époque précolombienne
Lorsque Christophe Colomb découvre l'île, Cuba est déjà peuplée par 16 000 à 60 000 amérindiens (Las Casas les estimait à 200 000). Ils appartiennent à différentes tribus, mais les Taïnos et les Caraïbes (Karibs) dominent en nombre. Les plus anciens seraient arrivés vers le IIe millénaire av. J.-C., les plus récents, les Tainos seraient arrivés vers l'an 500.
Les Taïnos appartiennent à une culture plus large que celle des Arawaks dont les populations s'étendaient jusqu'en Amérique du Sud.
La conquête espagnole
L'île de Cuba est découverte par Christophe Colomb le 28 octobre 1492, lors de son premier voyage. En découvrant Cuba, Colomb pense découvrir le Japon. Christophe Colomb la baptise Juana (Jeanne) en l'honneur de Jeanne de Castille, la fille des rois catholiques. Son nom actuel vient de « Cubanascan », le nom que lui avaient donné les indigènes. En 1508, Juan de la Cosa fit les relevés cartographiques de l'île, tandis que Sebastián de Ocampo fut le premier Européen à en faire le tour complet confirmant que Cuba était bien une île[1].
En 1511, débute l’occupation de Cuba par l'empire colonial espagnol. Diego Velázquez de Cuéllar et ses hommes (parmi lesquels Hernan Cortés) se lancent dans la conquête et le pillage du territoire. Ils s’approprient les terres, développent l'élevage, réduisent les Amérindiens en esclavage et s’accaparent leur or. Les premières localités espagnoles, Las Villas, s’établissent près des foyers de populations indiennes et des mines d’or. Des villes voient le jour dont : Baracoa, la première ville de l'île (en 1512), Santiago de Cuba (en 1514) et La Havane (en 1515[2]).
Une partie de l'Empire espagnol des Amériques
Les réserves d’or cubaines rapidement épuisées, et l’administration locale doit trouver des alternatives économiques. Les plantations de canne à sucre, de tabac et de café deviennent les principales activités économiques de Cuba pendant l'époque coloniale.
Jusqu'en 1664, Cuba dépendait administrativement de la Capitainerie générale de Saint-Domingue, avant qu'une Capitainerie générale autonome ne soit organisée.
Le développement de la culture de canne à sucre, très intensive, contribue au développement de l'esclavage d'origine africaine, car la population indigène a été décimée en quelques années par des massacres, des maladies importées d'Europe — et jusqu'alors inconnues à Cuba —, et de très dures conditions de travail imposées par les conquistador espagnols.
L'importation massive d'esclaves entre 1792 et 1807
Les premiers esclaves africains arrivent à Cuba en 1513, deux ans après l'arrivée des espagnols, ou en 1521, selon les sources. Mais leur nombre progresse peu, faute de culture à grande échelle du sucre. L'Espagne ne possédait pas de comptoirs de traite en Afrique, par respect pour le traité de Tordesillas, et concédait ou vendait à des particuliers des licences d'importation, l'Asiento, pour des quantités très variables. En 1763, il n'y avait pas plus de trente-deux mille esclaves dans toute l'île. La culture sucrière, sans être négligeable, était très loin du niveau des colonies françaises comme Saint-Domingue ou anglaises comme la Jamaïque. Après la longue guerre qui dure de 1791 à 1803 contre les esclaves noirs beaucoup de propriétaires blancs de Saint-Domingue fuient à Cuba où ils apportent capitaux et savoir-faire. De 1792 à 1807, on introduit à Cuba plus de sept cent vingt mille esclaves, plus qu'au cours des deux siècles précédents[3]. Les planteurs français vont ensuite grossir le flot des réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique.
Lors de la révolte des esclaves menée en 1810 par José Antonio Aponte, le nombre d'esclaves avait déjà fortement augmenté, selon l'historien Guillermo Cespedes del Castillo.
Il faut attendre 1880, pour l’abolition de l’esclavage à Cuba. Les esclaves sont principalement des Yorubas de l'Ouest du Nigéria, (appelés Lucumí à Cuba, ce qui veut dire « Mon ami » en yoruba, et aussi Nago ou Anango), Bantous du Kongo ou Bakongos du Congo et de République démocratique du Congo, Arará, groupe kwa : Fons du Dahomey (actuel Bénin) et Nigéria, Ewes ou Eoué du Ghana et du Togo, Abakuá (ou abakwa, surnommés à Cuba nañigos), Carabalí de Calabar (Sud du Nigéria), Mandingues du Ghana, Efik de Dahomey, Bríkamo, Ejaghams, Ibibios, et autres ethnies du Sénégal, Angola, Liberia... Les esclaves seront convertis au christianisme.
Avec l’importation des esclaves noirs africains, Cuba connaît un essor considérable. En 1762, les Britanniques occupent La Havane pendant neuf mois, l'ouvrent au commerce international, et y importent des milliers d'esclaves, puis rendent Cuba aux Espagnols contre la Floride, à l'issue du traité de Paris, signé en 1763. Les années qui suivent permettent à l’île de se développer. La population s’accroît de manière significative, passant de 273 000 en 1791 à plus d’un million en 1840. En 1825, l’île dénombre 46% de blancs, 18% de non-Européens libres (métis) et 36% d’esclaves, alors qu’aujourd’hui elle est peuplée de 51% de métis, 37% de blancs et de 11% de noirs. Beaucoup de métis sont issus de rapports « extra-conjugaux » entre les maîtres blancs et leurs esclaves noires.
La marche vers l'indépendance
La guerre de Dix Ans (1868-1878)
Articles détaillés : Guerre des Dix Ans, Guerre d'indépendance cubaine et Guerre hispano-américaine.Le 10 octobre 1868, Carlos Manuel de Cespedes (1819-1874), riche propriétaire terrien, libère ses esclaves et fonde une armée, déclenchant la guerre des Dix Ans. Malgré le soutien des États-Unis - plusieurs bateaux américains débarquent à Cuba avec des armes et des volontaires, dont de nombreux vétérans de la guerre de Sécession – les Espagnols remportent une victoire sanglante face aux insurgés.
Toutefois, il s’agit tout de même d’une demi-victoire pour le peuple cubain, car il obtient par le pacte de Zanjón (10 février 1878) une certaine autonomie, l’abolition de l’esclavage en 1880 — mise en pratique uniquement en 1886 — et l’égalité des droits entre les Blancs et les Noirs, proclamée en 1893. Le pacte a aussi des répercussions politiques, puisqu’il engendre l’apparition des premiers partis politiques.
La réforme impossible du modèle colonial
Les réformes mises en place à la suite de la guerre des Dix Ans ne sont pas réalisées, ce qui occasionne un nouveau soulèvement du peuple. José Martí, écrivain et patriote, fonde le Parti révolutionnaire cubain en 1891 avec les futurs généraux, Máximo Gómez et Antonio Maceo. La guerre révolutionnaire d’indépendance devient réalité le 29 janvier 1895. L’Espagne veut mettre fin à cette lutte une bonne fois pour toute et décide d’envoyer 280 000 soldats en renfort aux 21 777 déjà sur place. On compte alors sur l’île un soldat pour six habitants. Deux ans de guerre firent 200 000 victimes soit 1/8e de la population.
La fin de la guerre d’indépendance face à l’Espagne semble imminente au début de l’an 1898.
L'intervention américaine
Le président Américain de l’époque, William McKinley (1897-1901), décide alors d'envoyer à La Havane un navire de guerre, le Maine, afin d’y protéger les intérêts de Washington. Dans la nuit du 15 février 1898, le Maine explose dans le port de La Havane, et 250 marins meurent sur le coup. Bien que la véritable cause soit toujours inconnue, le gouvernement américain prend prétexte de l'incident et accuse l'Espagne de l'avoir torpillé.
Une intervention militaire en faveur des insurgés, est lancée le 11 avril 1898 par le président William McKinley, contre le gouvernement espagnol. La reddition de l'armée espagnole est rapide. Le traité de Paris du 10 décembre, met fin au conflit, et marque la fin de l'occupation espagnole. Un gouvernement militaire d'occupation est alors mis en place par les États-Unis jusqu'en 1902.
La République de Cuba sous la constitution de 1901
La République de Cuba dans l'aire d'influence des États-Unis
Le 20 mai 1902, les forces armées des États-Unis évacuent pour l'essentiel le territoire cubain et la République de Cuba est officiellement créée. Pour la première fois de leur histoire, l’indépendance des Cubains est reconnue formellement, mais aux termes de l'amendement Platt, du sénateur américain Hitchcock Platt, les États-Unis conservent des bases navales – Guantánamo et Bahía Honda – et sont garants de la constitution, avec le droit d’intervenir dans les affaires du pays en cas d'effondrement constitutionnel.
Officiellement, les Américains se retirent de l’île, mais leurs investissements y sont considérables, et le commerce de Cuba est largement tourné vers les États-Unis avec des exportations de canne à sucre et des importations industrielles. L'amendement Platt complète ce dispositif jusqu'en 1933. L'influence des États-Unis restera forte jusqu'en 1959.
La démocratie cubaine est encore balbutiante. À la demande des dirigeants cubains, quatre interventions militaires américaines auront lieu en 1906, 1909, 1917 et 1919. Ces interventions répondent à de réelles crises constitutionnelles cubaines.
En 1906, le premier président de Cuba Tomás Estrada Palma souhaitait se représenter bien que la constitution ne prévoyait pas explicitement ce cas. Une vive contestation de l'opposition s'ensuivit.
La monoculture sucrière jusqu'en 1919
Le général Mario Garcia Menocal succède à Tomas Palma en 1913.
La monoculture du sucre, bénéficiant de tarifs préférentiels de la part des États-Unis, engendre une prospérité rapide mais aussi une dépendance économique grandissante à l’égard de son client. Une immigration haïtienne se développe, encouragée par des entrepreneurs avides de main d'œuvre encore moins coûteuse.
La Première Guerre mondiale rend inutilisable une part importante des champs de betterave sucrière européens et provoque une flambée des cours du sucre. C'est la « danse des millions » : des fortunes immenses se créent et de nombreux entrepreneurs s’endettent et se lancent dans des investissements considérables.
Les crises de l'entre-deux-guerres
Avec la fin de la Première Guerre mondiale, la production sucrière européenne reprend, engendrant un effondrement des cours du sucre. Les faillites sont nombreuses à Cuba. Les États-Unis sont tentés par un retour à une politique protectionniste.
La situation s'aggrave encore avec la crise de 1929. Un chômage massif fait son apparition. Durant une décennie, Cuba connaît une situation sociale explosive, une situation économique problématique, une situation politique dangereuse. Le banditisme se répand dans les campagnes. Les grèves se multiplient, les manifestations sociales tournent à l'émeute et sont réprimées souvent dans le sang. Durant cette période, les organisations syndicales gagnent une influence considérable.
Le gouvernement autoritaire du général Gerardo Machado y Morales (1925-1933)
Durant sa présidence, le général Gerardo Machado, président élu (1925-1929), réprime durement les émeutes. Pour plusieurs d'entre elles, de nombreux cadavres jonchent le sol. Devant la situation qui menace la stabilité de la république cubaine, il demande et obtient du parlement une prolongation exceptionnelle sans élection (1929-1933 de son mandat présidentiel).
Des opposants, notamment au sein des mouvements sociaux, parlent de dictature. Des mouvements clandestins se créent et se lancent dans la lutte armée avec notamment l'assassinat de proches de Gerardo Machado. Les dirigeants anarcho-syndicalistes qui dominent le paysage cubain des mouvements sociaux et se lancent dans la lutte armée ou les émeutes récurrentes sont décimés. Les anarcho-syndicalistes perdent peu à peu leur influence au bénéfice de leurs adversaires acharnés les communistes qui affichent des dispositions respectueuses de la constitution. L'escalade de la violence, sur fond de crise sociale et économique achève de faire s'effondrer le régime. À la suite de plusieurs grèves générales, certaines d’entre elles réprimées dans le sang avec des centaines de morts, Gerardo Machado est contraint à la fuite le 12 août 1933, laissant un vide politique vertigineux.
La tentative de reprise en main américaine (1933)
L’ambassade américaine, conformément à la constitution cubaine et son amendement Platt, nomme un président et choisit Carlos Miguel de Cespedes, fils du « père de la patrie » cubaine.
En dépit de sa légitimité historique, celui-ci ne dispose pas de l'assise politique nécessaire notamment au sein des mouvements d'opposition qui se sont développés face à Gerardo Machado, et d'autre part le nationalisme cubain et l'anti-américanisme se sont exacerbés durant la crise sociale, déconsidérant l'initiative américaine qui repose sur l'amendement Platt qui leur est insupportable.
À partir de 1933, le nouveau président américain Franklin Roosevelt inaugure la « politique de bon voisinage » (Good Neighbor policy) avec l'Amérique latine et s'éloigne de la doctrine Monroe qui prévalait depuis 1823. En décembre 1933, Roosevelt signe la Convention de Montevideo sur les Droits et Devoirs des États, et renonce au droit d'ingérence unilatérale dans les affaires sud-américaines[4]. En 1934, il fait abroger l'amendement Platt qui permettait à Washington d'intervenir dans les affaires intérieures de la République de Cuba[5]. Les États-Unis abandonnent le protectorat sur Cuba issu de la guerre contre l’Espagne. La même année, les marines quittent Haïti et le Congrès vote la transition vers l’indépendance des Philippines qui ne sera effective que le 4 juillet 1946. En 1936, c'est le droit d'intervention au Panama qui est aboli, mettant au fin au protectorat américain sur ce pays.
Le général Fulgencio Batista, arbitre de l'État cubain (1933-1940)
Des rumeurs courent faisant état d'un coup d'État en préparation par les officiers de l'armée cubaine. Au milieu de cette situation très confuse, le 3 septembre 1933 les sous-officiers prennent le pouvoir avec un coup d'État lancé pour des motifs corporatistes (solde, avancement, relations avec les officiers), avec à leur tête deux hommes, Pablo Rodriguez et Fulgencio Batista, sergent autoproclamé colonel. Celui-ci est contacté par les opposants à Gerardo Machado, notamment les organisations syndicales ou étudiantes et négocie avec eux un accord. Il devient l'homme fort du pays, nommé chef des armées et il remet le pouvoir politique à cinq civils, dont Grau San Martín, tout en procédant de temps à autre à des purges au sein de l'armée affermissant ainsi son pouvoir.
De 1933 à 1940, Fulgencio Batista fait et défait une demi-douzaine de présidents cubains. Face aux insurrections éparses, aux émeutes sociales, à la violence dans les campagnes, aux difficultés économiques, Fulgencio Batista utilise la force armée pour rétablir l'ordre, parfois durement, négocie avec les communistes disciplinés qu'il promeut contre les anarcho-syndicalistes qu'il juge trop souvent lancés dans la violence erratique, et utilise son influence en faveur de la multiplication des protections sociales et nationalistes dans le but de restaurer la paix sociale et la solidarité nationale cubaine, allant jusqu'à exercer des pressions contre les responsables politiques qui voudraient s'opposer à cette politique sociale et nationaliste.
La politique cubaine de 1933 à 1940
Grau San Martín (1933-1934)
Grau San Martín, inconnu du grand public avant les évènements de septembre 1933, sera président de septembre 1933 à janvier 1934. Il engage, avec son bras droit Antonio Guiteras, d'importantes réformes :
- droit de vote des femmes
- autonomie universitaire
- limitation du travail hebdomadaire à 48 heures
- début de réforme agraire
- création d’un ministère du travail
- nationalisation de l’électricité
L'idéologie du régime est un nationalisme selon le slogan « Cuba aux Cubains ». Un quota d'emplois est réservé aux Cubains. De nombreux immigrés notamment espagnols ou haïtiens perdent ainsi soudainement leur emploi, certains d'entre eux après plusieurs décennies de présence à Cuba.
Il suspendit le paiement de la dette du pays. Il abrogea unilatéralement l'amendement Platt le 10 septembre 1933. Son gouvernement ne fut pas reconnu par Washington. Ses relations avec Fulgencio Batista se dégradèrent notamment à l'issue d'insurrections que Fulgencio Batista réprima. Celui-ci fit pression et Grau San Martín démissionna, sans réaction politique majeure du pays. Son gouvernement n'avait duré que quatre mois. Il reste en politique et fonde le Parti Authentique.
Carlos Mendieta (1934-1936)
Le colonel Carlos Mendieta lui succède. Il négocie avec les États-Unis leur accord pour la révocation de l’amendement Platt promulguée unilatéralement par le gouvernement Grau San Martín. Les États-Unis conservent toutefois leur base navale de la baie de Guantánamo.
Miguel Mariano Gómez 1936 et Laredo Brú 1936-1940
Les élections de 1936 portent à la présidence Miguel Mariano Gómez (1936). Celui-ci cherche à restaurer le pouvoir civil face à Fulgencio Batista. Il met son veto à un projet de réforme sociale de celui-ci. Quelques mois plus tard, le congrès estime qu'il s'est opposé au libre fonctionnement du pouvoir législatif et vote sa destitution. Miguel Mariano Gómez proteste et souligne que cette décision revient à abdiquer face à l'influence du pouvoir militaire.
Le vice-président Laredo Brú (1936-1940) lui succède. Il ne s'opposera pas aux visées de Fulgencio Batista qui poursuit le programme de réformes sociales.
En 1938, le PSP, parti communiste cubain, affichant officiellement une renonciation au totalitarisme, à la violence révolutionnaire et à toute inféodation à l'URSS, est légalisé. Les dirigeants communistes avaient déjà pris une influence dominante au sein des organismes sociaux, notamment avec l'aide de Fulgencio Batista dont le PSP louera très officiellement les qualités jusqu'à la prise de pouvoir de Fidel Castro aux derniers jours de 1959, alors que les réseaux communistes liés au KGB, dont quelques dirigeants du PSP triés sur le volet, soutiendront et structureront parallèlement la guérilla de celui-ci.
La politique du général Batista trouve sa consécration avec la nouvelle constitution démocratique sociale et nationaliste de 1940, consacrée par l'élection démocratique de Fulgencio Batista à la présidence.
La République de Cuba sous la constitution de 1940
En 1940, la politique de Fulgencio Batista trouve sa consécration avec la proclamation d'une nouvelle constitution démocratique très ambitieuse, en particulier au niveau économique et social:
- Garantie des libertés publiques ( avec possibilité de suspension en cas de menace contre la sécurité de l'État)
- Salaire minimum garanti
- Limitation de la durée du travail
- Congés payés
- Réglementation du licenciement
- Établissement d'un système d'assurances maladie et d'allocations chômage
- Financement des retraites.
Cuba entre prospérité et corruption (1940-1952)
En 1940, Fulgencio Batista est démocratiquement élu Président de la République de Cuba. Les élections de 1944 verront le retour de Grau San Martín (1944-1948) leader du Parti Authentique. En 1948, Prío Socarras (1948-1952) lui succède.
Ces mandats seront placées sous le signe d'une économie florissante mais aussi d'accusations de corruption, du développement de l'insécurité à cause de bandes rivales d'étudiants armés liées aux deux puissants partis Authentique et Orthodoxe, profitant du statut d'autonomie de l'Université et de l'indulgence apparente du pouvoir politique.
Cuba devient un pays relativement riche, au PIB par habitant comparable à celui de l'Espagne et de l’Italie. L'Ouest de Cuba, et particulièrement la région de La Havane connaissent un niveau de vie qui rappelle celui des États-Unis d'Amérique. L'Est de Cuba demeure plus pauvre avec un peuple de paysans souvent illettrés, dont de nombreux immigrés haïtiens.
La dictature de Batista (1952-1958)
Le coup d'État de 1952
Le 10 mars 1952, l’ancien président Fulgencio Batista s’empare une nouvelle fois du pouvoir avec l’appui de l’armée. Son coup d’État met fin à la constitution, les partis politiques sont proscrits. Le régime pratique la corruption, la répression des opposants, la torture et le pillage.
Le poids énorme des États-Unis dans l'économie cubaine
Article détaillé : Économie de Cuba sous Batista.En 1958, l'économie cubaine dépend fortement de l'économie américaine. C'est une économie fortement déséquilibrée de pays en voie de développement. Peu industrialisé, Cuba exporte ses matières premières.
- L'île exporte vers les États-Unis entre 80 à 90 % de sa production de sucre de canne et importe 80 % des produits manufacturés du voisin du Nord[6]. 40 à 50 % des plantations appartiennent ou sont financées par des Nord-Américains[7],[8].
- Les entreprises américaines contrôlent 80% des services publics, 50% des chemins de fer et la totalité des ressources pétrolières[réf. nécessaire].
- La moitié des meilleures terres productives sont aux mains des étrangers[réf. nécessaire].
Cuba est alors une République bananière, influencée par les intérêts étrangers et commerciaux de plusieurs entreprises comme la United Fruit Company.
Le niveau de vie cubain reste élevé
- Le pays est, avant la Révolution cubaine, l'un des plus riches d'Amérique latine : son PIB/hab. le place au troisième rang sur ce continent[8]. D’après l'atlas Ginsburg de l'économie mondiale, Cuba est la 22e puissance de la planète (sur 122 pays évalués)[9] ; le revenu par habitant est au même niveau que l’Italie[9].
- Le taux de mortalité infantile est le 13e plus faible de la planète en 1958[10] et les Cubains ont l'une des espérances de vie les plus élevées[11].
- L'éducation est une des priorités du régime : 22% de la population est analphabète en 1958, alors que le taux mondial est de 44 %[9],[12].
- La culture cubaine est dynamique : on compte alors 129 magazines et 58 quotidiens à Cuba[11].
La société apparaît cependant inégalitaire et corrompue
- La Havane, la capitale, est une ville à la fois libre, dynamique et corrompue : le taux d'analphabétisme ne dépasse pas 10 %[11] et il existe une classe moyenne relativement importante. La culture et la presse sont libres et dynamiques : ainsi, en mai 1958, le journal Libertad n'hésite pas à publier les photographies des rebelles torturés et assassinés par le régime de Batista[13]. Les maisons de loteries et de prostitution, les night-clubs et les casinos y sont nombreux. La ville devient la capitale latino-américaine de la prostitution et environ 300 000 touristes américains y affluent chaque année[11], d’où son surnom de « bordel de l’Amérique ».
- Dans les campagnes, 200 000 familles de paysans n’ont pas de terre et leurs enfants souffrent de sous-alimentation. Le pays compte, par ailleurs, 500 000 paysans, travaillant quatre mois par an et chômeurs le reste de l’année[réf. nécessaire]. 85% des petits agriculteurs cubains louent leurs parcelles[réf. nécessaire]. Les écoles et les hôpitaux sont souvent absents des campagnes.
La révolution castriste (1953-1962)
Article détaillé : Révolution cubaine.Fidel castro l'avocat
Fidel Castro est né le 13 août 1926 à proximité de la ville de Santiago de Cuba, dans une famille aisée. Il devient avocat et, en 1953, il est candidat à la Chambre des Représentants pour le Parti Orthodoxe, fait circuler une pétition pour destituer le gouvernement de Batista à cause de l'annulation illégitime du processus électoral.
L'attaque de la caserne de la Moncada et l'exil (1953-1956)
Le 26 juillet 1953, Fidel Castro mène une attaque historique contre une caserne (Moncada Barracks) près de Santiago de Cuba, mais l'attaque échoue et Fidel Castro, après un procès en huis clos au cours duquel il se défend seul, est emprisonné jusqu'en 1955, date à laquelle une amnistie est accordée à beaucoup de prisonniers politiques, incluant ceux qui avaient mené l'assaut de 1953.
Les deux frères Fidel et Raul Castro s'exilent au Mexique où ils rencontrent un jeune médecin argentin, Ernesto Che Guevara. Ils lisent beaucoup, et développent leur connaissance du marxisme-léninisme. Fidel Castro organise alors le mouvement du 26 juillet dont le but est de renverser Batista.
La guérilla castriste (1956-1959)
En 1956, un groupe d'environ 80 hommes prend la mer à bord du bateau Granma pour Cuba et débarque sur la partie orientale de l'île en décembre 1956. La plus grande partie des membres du commando (les barbudos) sont tués, ou faits prisonniers par l'armée régulière cubaine dès leur débarquement.
Castro trouve refuge dans les montagnes de la sierra Maestra avec le restant du commando, soit entre 12 et 17 membres dont Ernesto Che Guevara. Les barbudos mènent une guérilla contre le pouvoir pendant deux ans. Il peuvent s'appuyer en particulier sur le profond mécontentement des masses paysannes.
Les insurgés prennent La Havane le 1er janvier 1959, Batista choisit la fuite.
Les premières années de la révolution (1959-1962)
Une fois Batista mis en fuite, Manuel Urrutia Lleó devient président de la République de Cuba, et Fidel Castro, ministre de la Défense, puis Premier ministre à partir du 16 février[14]. Manuel Urrutia doit démissionner en juillet, remplacé à la présidence par Osvaldo Dorticós Torrado.
Le gel rapide des relations avec les États-Unis
En avril 1959, Castro se rend aux États-Unis pour assurer qu'il ne choisira pas le communisme : à ce moment-là, il ne se déclare ni communiste ni partisan d’une rupture avec Washington[15]. Il déclare alors : « Le capitalisme sacrifie l'homme. L'État communiste, par sa conception totalitaire, sacrifie les droits de l'homme. C'est pourquoi nous ne sommes d'accord ni avec l'un ni avec l'autre. [...] Cette révolution n'est pas rouge, mais vert olive »[16], de la couleur des uniformes de la guérilla. Il explique au gouvernement américain qu'il ne désire pas s'orienter vers le communisme, et souhaite garder des relations cordiales avec ses voisins.[15]
Le 6 juin 1958, il écrit pourtant une lettre dans la Sierra Maestra, qui fut publiée par la suite par l’un de ses partisans Carlos Franqui et dans laquelle il explique : « Quand cette guerre sera finie, commencera pour moi une guerre plus importante, plus longue : celle que je vais mener contre les Nord-Américains. Je suis certain que cela sera mon véritable destin »[17].
Les relations entre les deux pays changent rapidement, lorsque Fidel Castro décide de nationaliser plusieurs grandes firmes américaines sur l'île. Le 4 mars 1960, un cargo français (La Coubre) chargé d'armes belges explose dans le port de la Havane, provoquant 75 morts. Le gouvernement cubain soupçonne alors les États-Unis d'être à l'origine de cette explosion[18]. Le ton monte, et le président américain Eisenhower autorise le 15 mars l'armement d'une troupe d'opposants à Miami et au Guatemala.[16] En juillet, après que le gouvernement américain a décrété des sanctions économiques contre Cuba, le dirigeant soviétique Khrouchtchev se déclare prêt à défendre l'île contre « les forces agressives de Washington ».[16]
En réponse à la saisie des entreprises américaines et du rapprochement avec l'URSS, les États-Unis rompent les relations diplomatiques le 3 janvier 1961 et imposent un embargo contre Cuba le 3 février 1962.
Article détaillé : Embargo des États-Unis sur Cuba.Premières réformes
L'une des premières grandes réformes du gouvernement concerne l'agriculture et la redistribution des terres. Le 17 mai 1959, les grandes propriétés agricoles (latifundias) de plus de 400 hectares sont démantelées. Une grande partie est redistribuée au profit de cent mille paysans, et la moitié des terres du pays sont nationalisées.[14] Le nouveau gouvernement crée ensuite l'Institut national de la réforme agraire (INRA), pour aider par un système de crédit le regroupement des propriétés en coopératives. À la fin 1960, 41 % des terres sont propriétés des coopératives ou de l'État.
Le gouvernement place l'éducation et la santé publique parmi ses priorités. En juin 1961, « année de l'éducation »,[14] l'enseignement devient entièrement nationalisé et gratuit. Des milliers d'instituteurs sont envoyés dans les campagnes pour éradiquer l'analphabétisme, objectif atteint avant la fin de l'année.
Une couverture médicale universelle et gratuite est mise en place; le gouvernement forme de nombreux médecins. Dès 1963, trois cents d'entre eux sont envoyés en Algérie, tout juste indépendante[19].
Nouvelles structures politiques
Peu après son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement dissout la plupart des organisations et partis politiques du régime précédent, ainsi que les organes de presse.
La Constitution de 1940, qui octroyait théoriquement des droits importants aux citoyens cubains, n'est pas restaurée et Fidel Castro gouverne le pays par décrets, jusqu'à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1976, inspirée de celle de l'URSS[20].
De nouvelles organisations politiques de masse sont formées[14]. La première d'entre elles, la Fédération des femmes cubaines (Federacion de Mujeres cubanas, FMC), naît le 23 aout 1960, présidée par Vilma Espin, femme de Raúl Castro. Suivent l'Union des pionniers, l'Association nationale des petits agriculteurs (1961), et l'Union des jeunes communistes (1962).
La Centrale des Travailleurs Cubains, syndicat né en 1939, place à sa tête des proches de Fidel Castro, à l'occasion de son dixième Congrès en 1959.
Le 28 septembre 1960 voit l'arrivée des Comités de défense de la révolution, éléments centraux de la révolution cubaine. Initialement chargés de détecter les « contre-révolutionnaires », ces petits comités (un pour 100 habitants en moyenne) assument par la suite des fonctions plus variées, tout en assurant le lien entre les masses et les institutions. Les CDR encourageraient la délation[21] : en mars 1961, c'est à partir des listes de « suspects » qu'eut lieu la grande rafle de 100 000 personnes en un week-end[21].
Selon les opposants au régime, le rôle de ces organisations consiste à encadrer, surveiller et endoctriner la population, tout en diffusant la propagande du gouvernement. Selon les partisans du régime, elles ont au contraire pour but de transformer le peuple cubain en acteur de la révolution, en proposant à toutes les catégories sociales une éducation politique et des plates-formes d'expression. Les associations de masse constitueraient alors selon eux un des fondements de la démocratie participative. Pendant les premières années suivant la révolution castriste, ni le Parti ni l'État n'ont encore de forme bien définie ; les organisations permettraient alors de structurer la société, et d'élaborer les nouvelles institutions[14].
Notamment, la FMC, Fédération des femmes cubaines, jouerait un rôle très important dans la mise en place de l'égalité entre hommes et femmes[22],[23].
En mai 1961, les principales forces politiques révolutionnaires (Mouvement du 26 juillet, Directoire du 13 mars, Parti socialiste populaire) fusionnent pour former les Organisations révolutionnaires intégrées (ORI). En mars 1962, le secrétariat des ORI est réorganisé, Fidel et Raúl Castro deviennent respectivement premier et second secrétaires. Un an plus tard, le Parti uni de la révolution socialiste (PURS) est constitué à partir des ORI. Celui-ci devient en 1965 le Parti communiste de Cuba.
Le sort des opposants
Durant la première année de la révolution, Che Guevara est nommé Commandant de la forteresse de la Cabaña, et près de 600 partisans supposés du régime de Batista sont exécutés[24],[25],[26]. La plupart des accusés sont des officiels du régime de Batista, policiers ou hommes politiques. Selon le Livre noir du communisme, entre 8000 et 10 000 autres personnes ont suivi dans les années 1960[27]. Dans les années 1960, 30 000 personnes seraient enfermées comme prisonniers politiques[28]. Selon la Cuban American National Foundation, lobby cubano-américain anticastriste, 12 000 personnes auraient été exécutées entre 1959 et 1997 pour des raisons politiques[29]. Pour Rudolph J. Rummel, le chiffre atteint 15 000, auxquels il faut ajouter 7000 morts en prison pour la période 1959-1987[29]. En 1965, Fidel Castro lui-même confesse l'existence de quelque 20 000 dissidents politiques dans les prisons de l'île[25].
Le caractère légitime des procédures de ces tribunaux révolutionnaires est controversé. Des médias, même américains, soulignent que chaque accusé a droit à une défense équitable, à un avocat et des témoins, et que les procès sont publics[30]. Herbert Matthews, du New York Times, rapporte qu'il ne connaît pas d'exemple d'innocent exécuté et fait remarquer que « lorsque les Batistains tuaient leurs adversaires – généralement après les avoir torturés – à un rythme effrayant, il n'y avait pas eu de protestations américaines »[31]. À l'inverse, selon un procureur qui travaillait avec Guevara pour ces accusations, les procédures étaient illégales car « les faits étaient jugés sans aucune considération pour les principes judiciaires généraux », « les éléments présentés par l'officier investigateur étaient considérés comme des preuves irréfutables », « il y avait des membres de familles de victimes du régime précédent parmi les jurés » et « Che Guevara était aussi président de la cour d'appel »[32]. Selon Le Livre noir du communisme, les détenus politiques seraient interrogés par le Departemento Técnico de Investigaciones qui utiliserait la torture physique (électrochocs) et psychologique (isolement, privation de sommeil et de nourriture, menace sur la famille, simulacres d'exécution)[33]. Certains prisonniers auraient été enfermés dans des gavetas, cages d'un mètre de large sur 1,8 mètre de hauteur[34].
Ces accusations de torture sont fermement démenties par les autorités cubaines. Fidel Castro déclare en 1987 : « Nos lois sont sévères car il a fallu nous défendre. Mais [...] il n'y a pas eu un seul cas de torture, d'assassinat ou de disparition politique. [...] Les porte-parole des campagnes de calomnies ont été souvent emprisonnés et libérés dans de bonnes conditions physiques. N'est-ce pas curieux ? »[35]
Hubert Matos Mar, ex-commandant de l'armée rebelle, est condamné en octobre 1959 à vingt ans de prison pour conspiration, après avoir dit lors d'un discours public que le processus révolutionnaire était « en train de dévier vers le communisme ». Un système de camps de travail forcé (appelés « camps de travail correctif ») est mis en place en 1960-1961, le premier de ceux-ci est créé à Guanahacabibes afin de rééduquer les responsables des entreprises publiques qui étaient coupables de diverses entorses à l’éthique révolutionnaire[36].Une police politique, le Departemento Técnico de Investigaciones (Service des enquêtes judiciaires) est formée pour lutter contre les dissidents.
En 1960, plus de 50 000 personnes, appartenant aux classes moyennes et qui avaient soutenu la Révolution, s’enfuient de l'île[37]. Chaînes de télévision, radios et journaux sont repris en main par les partisans de Fidel Castro[38].
Après la révolution, Cuba devient un état officiellement athée et limite la pratique religieuse. L'Église étant soupçonnée d'avoir soutenu le débarquement de la Baie des Cochons, le gouvernement expulse ou incarcère plusieurs centaines d’ecclésiastiques[39] : de 1959 à 1961, 80 % des prêtres chrétiens professionnels et des ministres des Églises cubaines quittent Cuba pour les États-Unis. Les biens du clergé sont nationalisés. En mai 1961, l'État confisque les bâtiments ecclésiastiques et ferme les collèges religieux. Le nouveau gouvernement tient les pratiquants de la Santeria à l'écart du Parti communiste[40].
Le débarquement de la baie des Cochons
Article détaillé : Débarquement de la Baie des Cochons.Une nouvelle étape est franchie à la suite d'une attaque de dissidents contre le régime castriste, soutenue par les États-Unis.
- L'attaque débute le 15 avril 1961 avec le bombardement, de la part d'exilés cubains à bord de B-26 de l'US Air Force camouflés aux couleurs cubaines, des bases aériennes de La Havane et de Santiago. Cette attaque ne permet pas de détruire l'ensemble des forces aériennes de l'île.
- En réponse, Fidel Castro déclare le socialisme à Cuba dans un discours tenu dès le lendemain de l'attaque.
- Le 17 avril, une force d'environ 1500 exilés cubains, financés et entraînés par la CIA, débarque au sud de l'île, dans la baie des Cochons. La CIA comptait sur un soulèvement populaire contre le régime castriste. Ce soulèvement n'eut jamais lieu.
- Le refus du président Kennedy de permettre aux forces aéronavales américaines d'apporter un soutien aérien décisif signa la fin des opérations.
De nombreuses personnes pensent, qu'au lieu d'avoir affaibli le régime castriste, cet échec de tentative d'invasion a consolidé le pouvoir en place. Pendant les trente années qui suivent, Castro poursuit le rapprochement vers l'URSS jusqu'à l'effondrement de l'Union soviétique en 1991.
L'organisation des états américains (OEA), sous la pression des États-Unis, suspend l'adhésion de Cuba le 22 janvier 1962 et le gouvernement américain interdit tout commerce avec Cuba le 7 février. L'administration de Kennedy rend illégales le 8 février 1963 les transactions commerciales et financières ainsi que tous déplacements d'Américains à Cuba [41].
La crise des missiles
Article détaillé : Crise des missiles de Cuba.Les tensions entre les deux pays atteignent leur paroxysme lors de la crise des missiles d'octobre 1962.
Les opérations selon l'historiographie traditionnelle
- Cuba accepte secrètement que l'armée soviétique installe des rampes de lancement de missiles balistiques (à capacité nucléaire) à moyenne portée sur son territoire.
- Dès que les États-Unis découvrent que la construction des rampes est avancée, ils mettent en place un blocus naval autour de l'île en empêchant physiquement les navires soviétiques d'apporter de nouveaux missiles.
- Face à la détermination du président américain Kennedy, Moscou décide de rappeler les navires et d'enlever les missiles qui étaient déjà en place, en échange de la promesse que les États-Unis n'envahissent pas Cuba.
- Les négociations durent plusieurs jours au cours desquels une guerre nucléaire semble imminente.
Les révélations de l'après-guerre froide
- Après la chute de l'Union soviétique, on découvre qu'une autre partie de l'accord prévoyait le démantèlement des missiles américains installés en Turquie.
- Les archives soviétiques révèlent également que certains sous-marins bloqués par les navires américains étaient dotés de missiles nucléaires qui pouvaient être lancés par la seule décision de leurs capitaines.
- Les États-Unis ont honoré l'accord de non agression directe en n'attaquant plus directement Cuba, mais la CIA a continué à soutenir des groupes anti-castristes et plusieurs assassinats au cours des années 1960.
- La base de Guantanamo est restée américaine tandis que Cuba est restée une escale commode pour les sous-marins soviétiques.
Cuba durant la guerre froide (1962-1990)
Des rapports tendus avec les États-Unis
Il est nécessaire, pour comprendre le sens des événements qui suivent, de les replacer dans le contexte de la guerre froide, et de la bipolarisation du monde. Stratégiquement, il est inconcevable pour les Américains d'admettre la proximité d'un État militairement allié à l'Union Soviétique, équipé d'un armement nucléaire. Inversement, c'est une chance pour l'alliance du Pacte de Varsovie de bénéficier d'une position utile, même si une confrontation militaire avec les États-Unis semble exclue.
Selon le général Fabian Escalante, ex-responsable de la sécurité de Fidel Castro, 638 attentats contre le président cubain ont été organisés par la CIA depuis 1959[42]. Le gouvernement cubain accuse également les États-Unis d'avoir utilisé le « terrorisme bactériologique » contre la population cubaine, notamment par l'introduction de la peste porcine dans l'île en 1971, puis de la dengue hémorragique en 1981[43]. Luis Posada Carriles, exilé cubain travaillant pour la CIA[44], organise le 6 octobre 1976, selon ses propres aveux[45], un attentat qui coûte la vie à 73 personnes.
Après des années d'affrontement entre Cuba et les administrations successives de Johnson, Nixon et Ford, le président américain Jimmy Carter manifeste sa volonté de reprendre le dialogue avec Cuba. Fidel Castro déclare en 2002 : « Celui qui a été capable, en pleine guerre froide, au milieu d’un très profond océan de préjugés, de désinformation et de méfiance de part et d’autre, de tenter d’améliorer les relations entre les deux pays mérite notre respect. »[46] Mais Ronald Reagan, élu président des États-Unis en 1980, met une fin rapide à ce rapprochement. La nouvelle "doctrine Reagan"[47] implique la confrontation directe avec les communistes partout dans le monde, notamment en Amérique latine. L'embargo devient plus sévère, et le président américain lance en 1983 le financement de Radio Martí : une station de radio à destination des cubains, qui vise à renforcer la guerre idéologique contre les dirigeants de l'île[48].
L'émigration vers les États-Unis
Très vite, une importante communauté cubaine s'établit en Floride. Des raisons économiques ou politiques poussent plusieurs centaines de milliers de Cubains à émigrer vers les États-Unis et d'autres pays. Une exception à l'embargo fut faite par la mise en place le 6 novembre 1965 d'un pont aérien entre les deux pays, permettant aux Cubains qui le souhaitaient de quitter l'île. En 1971, date de la fin du pont aérien, ces Freedom flights ont transporté au total 250 000 personnes. Lors de l'exode de Mariel en 1980, plus de 120 000 partent vers la Floride ; parmi eux, de nombreux prisonniers de droit commun sont expulsés par le régime[49].
Parallèlement à ces faits, il faut noter également les tentatives régulières de départs de citoyens cubains sans autorisation. Ils tentent de rallier l'État de Floride où ils savent bénéficier du soutien de la forte communauté locale d'origine cubaine. La traversée reste très périlleuse, et les victimes sont nombreuses.
Cuba dans le monde
En janvier 1966, la Havane accueille la première conférence de la Tricontinentale de solidarité anti-impérialiste[50]. Celle-ci souhaite se placer dans la lignée de la conférence de Bandung de 1955. Cette conférence marque l'entrée de pays latino-américains dans le mouvement des non-alignés. Par la suite, Cuba joue par la suite un rôle important dans ce mouvement (la Havane accueille son sixième sommet en 1979), malgré ses relations étroites avec l'URSS.
En effet, en 1972, Cuba rejoint le Conseil d'assistance économique mutuelle, marché commun des pays de l'Est. En 1968, Fidel Castro ne condamne pas l’intervention de l’armée soviétique en Tchécoslovaquie pour écraser le Printemps de Prague[51]. Il se rend la même année en URSS pour négocier des accords économiques.
Interventions cubaines à l'étranger
Dès les années 1960, Cuba soutient de façon plus ou moins directe divers mouvements de guerilla communiste en Amérique latine (Venezuela, Guatemala, Bolivie), mais aussi en Afrique, par exemple au Congo en 1965. Le but est d'établir des focos, ou foyers de révolution, partout dans le monde. C'est au cours d'une de ces opérations de guérilla en Bolivie que Che Guevara est exécuté, le 9 octobre 1967.
En 1963, au cours de la guerre des sables qui oppose l'Algérie et le Maroc, Cuba apporte son soutien militaire aux Algériens.
Mais la plus importante des opérations cubaines à l'étranger reste l'opération menée en Angola à partir de 1975. Le pays, colonie portugaise, doit proclamer son indépendance le 11 novembre 1975, au terme d'un accord négocié avec le gouvernement de Lisbonne. Trois formations politiques coexistent alors en Angola [52]:
- Le Front national de libération de l'Angola (FNLA) de Holden Roberto, soutenu par les États-Unis ;
- L'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (Unita) dirigée par Jonas Savimbi, issue d'une scission du FNLA et assistée par le gouvernement d'apartheid d'Afrique du Sud ;
- Le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) d'Agostinho Neto, soutenu par l'Union Soviétique.
Le 11 novembre, Neto du MPLA proclame la République populaire d'Angola depuis la capitale, Luanda. Holden Roberto, dirigeant du FNLA, crée alors à son tour la République démocratique d'Angola. La guerre civile angolaise débute.
Mobutu, dirigeant du Zaïre voisin et allié des États-Unis, soutient activement le FNLA. Neto envoie alors ses troupes envahir le Katanga, province du Zaïre. Lorsque l'Afrique du Sud expédie à son tour des soldats en Angola pour soutenir l'Unita, Fidel Castro décide alors, à la demande de Neto et au nom de l'internationalisme, d'envoyer un corps expéditionnaire pour soutenir le MPLA. Cuba envoie en été 1975 des conseillers militaires au MPLA (voir en:Cuba in Angola ou de:Kuba in Angola), puis des unités de l'armée régulière cubaine en novembre. La présence cubaine en Angola prend de l'importance. Il y a jusqu'à 50 000 hommes en permanence, et 300 000 soldats cubains[53] auront été présents sur le terrain en treize ans. L'armée cubaine dispose de son propre état-major et constitue de fait la principale force militaire du MPLA avec des régiments d'artillerie et des blindés engagés, tandis que les forces du MPLA constituent l'infanterie chargée des ratissages, etc. L'URSS se charge du pont aérien, et fournit également des avions MiG-21 avec des pilotes à l'armée cubaine. L'armée sud-africaine recule, mais le général de l'Unita, Savimbi, refuse de déposer les armes.
Neto meurt en 1979, José Eduardo dos Santos lui succède. La guerre se poursuit jusqu'à la bataille de Cuito Cuanavale en janvier 1988, qui oppose les combattants cubains et angolais du MPLA aux forces de l'Unita et de l'Afrique du Sud. À la suite de ce combat, durant lequel aucune des forces ne parvient à s'imposer, des négociations s'ouvrent. Les Cubains se retirent ensuite d'Angola, en échange du départ des Sud-Africains de la Namibie. Le bilan de ce conflit est de 7000 à 11 000 morts parmi les Cubains[54]
En 1977, Cuba envoie également des milliers de militaires en Éthiopie (alors dirigée par Mengistu Haile Mariam), pour soutenir celle-ci face à la Somalie[55].
Unités militaires d'aide à la production
En 1965 sont crées les Unités militaires d'aide à la production (UMAP). Selon Le Livre noir du communisme, il s'agit de camps de concentrations où homosexuels et religieux sont contraints au travaux forcés, et doivent y être « rééduqués »[56]. Le livre décrit des conditions de vie très difficiles et des mauvais traitements.
Mariela Castro, nièce de Fidel Castro et militante LGBT, apporte des précisions sur cette époque : « Ce n’était pas des camps, c’étaient des unités militaires d’appui à la production qui s’étaient créés, comme une sorte de service militaire pour faciliter l’obtention d’une qualification aux fils d’ouvriers et de paysans qui à la sortie leur permettrait l’accès à un travail mieux rémunéré. Cela était l’idée qui avait été proposée au nouveau ministère des Forces armées révolutionnaires. C’était une période avec beaucoup de confusions, une nation révolutionnaire était en train de se créer en même temps que des attaques de terrorisme d’État dont le peuple cubain était l’objet : c’était très difficile. Ce fut une des initiatives et dans certaines de ces unités se trouvaient des gens qui humiliaient les homosexuels, qui considéraient qu’il fallait les faire travailler pour qu’ils deviennent des « hommes ». Il fallait les « transformer », ça c’était l’idée de l’époque, et elle était ancrée dans le monde entier. Même les psychiatres pratiquaient des thérapies pour les faire devenir hétérosexuels. »[57]
Les UMAP sont supprimées 18 mois plus tard, en 1967, à la suite de pressions internes et internationales. Selon un témoignage recueilli par Ernesto Cardenal, ce serait Fidel Castro lui-même qui aurait décidé de la fermeture des camps, après s'être rendu compte des crimes qui y étaient commis[58].
L'homophobie persiste alors tout de même dans la société cubaine ; dans les années 70, les homosexuels sont tenus à l'écart dans les métiers de la culture et de l'éducation[59]. Les « actes homosexuels » sont finalement dépénalisés en 1979.
La Constitution de 1976
Dès la création du Parti communiste de Cuba en 1965, une commission, présidée par Blas Roca, est nommée pour préparer un projet de Constitution. Reporté, l'avant-projet n'est finalement publié que le 11 avril 1975.[14]
En décembre 1975 a lieu le premier Congrès du Parti communiste. Fidel Castro y fait un long rapport, qui marque une volonté d'institutionnaliser la révolution dans la prolongation du mouvement de libération nationale de José Martí.
Le Congrès établit alors un calendrier en vue de doter le pays d'une Constitution. L'avant-projet est débattu activement au sein du parti et des organisations de masse; selon Fidel Castro, 6 millions de personnes auraient participé à la discussion[60]. La version finale de la Constitution est adoptée par référendum le 24 février 1976, avec 97,7 % de votes positifs.
Le texte consacre le rôle du Parti communiste comme garant et avant-garde de la Révolution[61], l'Union des jeunes communistes (Cuba) et les organisations de masses sont partie prenante de « l'édification du socialisme ». Les principes de l'économie socialiste et de l'internationalisme sont institutionnalisés.
Selon la nouvelle Constitution, l'Assemblée nationale du pouvoir populaire est l'organe suprême du pouvoir d'État; les autres organes lui sont subordonnés. Ses députés sont élus tous les cinq ans au suffrage universel indirect, par les délégués des Assemblés municipales, eux-mêmes élus directement par la population (depuis 1992, les députés sont aussi élus au suffrage universel direct). Le Parti communiste n'est pas autorisé à désigner des candidats (voir Politique de Cuba).
À la fin du mois d'octobre 1976 ont lieu les élections générales. Fidel Castro est alors élu président de la République par l'Assemblée nationale.
« Rectification des tendances négatives » en 1986
Dans les années 1980, en raison de la conjoncture internationale, Cuba doit diminuer de moitié les importations en provenance des pays occidentaux. Dans le même temps, l'URSS en pleine perestroïka réduit ses aides en direction de l'île[62]. À l'occasion du troisième congrès du Parti communiste, en février 1986, Fidel Castro lance le processus de « rectification des tendances négatives ». Le but affiché par le gouvernement est de lutter contre les dysfonctionnements de la société, d'impulser une « révolution dans la révolution », et de donner un souffle nouveau à celle-ci. Dans les années qui suivent, de nombreux chefs d'entreprise, responsables locaux, et dirigeants nationaux sont remplacés.[62] De nombreux sujets tels que la bureaucratisation de la société, la corruption ou l'homophobie auraient été évoqués lors des débats qui animèrent le processus[63].
Les « marchés libres paysans », créés en 1980, sont accusés de permettre un enrichissement démesuré des intermédiaires entre producteurs et acheteurs. Ils sont alors interdits lors du « processus de rectification »[64].
L'affaire Ochoa
Arnaldo Ochoa Sánchez, ex-commandant du corps expéditionnaire cubain en Angola et héros de la Révolution, est arrêté le 12 juin 1989 avec plusieurs de ses officiers. Accusé de corruption et de trafic de drogue, il est condamné à mort et fusillé le 13 juillet, à la suite d'un procès très médiatisé. De nombreuses personnes ont évoqué la possibilité que ce procès ne soit qu'un coup monté par Fidel Castro, pour se débarrasser d'un général devenu trop encombrant[65].
La période spéciale (1990 -)
À la fin des années 80, Cuba réalise près de 80 % de son commerce extérieur avec le bloc de l'Est. Lorsque survient la chute de l'Union Soviétique, l'île doit donc faire face à une chute brutale des exportations et importations. Le PIB diminue de 35 %, et l'approvisionnement en électricité devient très insuffisant : c'est le début de la période spéciale en temps de paix[66]. Pour faire face à tous ces problèmes et à l'embargo, les dirigeants cubains sont contraints de mettre en place un grand nombre de réformes.
De nouvelles réformes
En 1992, l'Assemblée vote une réforme de la Constitution; les députés sont alors élus au suffrage universel direct, et non indirect comme auparavant.
Parallèlement à l'ouverture de Cuba au tourisme, les devises étrangères (notamment le dollar) sont légalisées sur l'île en 1993, afin d'avoir de nouveaux crédits. Cette mesure crée alors des inégalités entre ceux qui ont accès à ces devises (particulièrement les cubains qui travaillent dans le tourisme) et ceux qui n'en possèdent pas[67]. Depuis novembre 2004, la circulation libre du dollar est interdite, le système dit de double monnaie est préféré : le peso national est utilisé par les Cubains, et le peso cubain convertible (CUC, valant approximativement 25 pesos nationaux) est réservé aux transactions avec les touristes[68].
Les petites entreprises privées reçoivent davantage de marge de manœuvre, et les « marchés libres paysans » sont de nouveau ouverts en octobre 1994.[64]
Cuba sur la scène internationale
États-Unis
La guerre froide est terminée, mais l'administration de George Bush souhaite en finir avec le régime cubain. En 1992, le président américain fait appliquer la loi Torricelli (Cuban Democraty Act) qui renforce l'embargo, en prévoyant notamment des sanctions économiques contre les entreprises de pays tiers qui commerceraient avec Cuba[69]. En 1996, votée sous le mandat du président Bill Clinton, la loi Helms-Burton renforce encore le blocus.
À la fin des années 1990, les relations économiques avec les États-Unis se développent : en 1998, le président américain Bill Clinton déclara que Cuba n'était plus une menace pour les États-Unis et assouplit l'embargo[49]. La même année, les vols directs et humanitaires avec Cuba purent reprendre[70],[71]. En mars 2000, le Comité des relations extérieures du Sénat américain autorise la vente de médicaments et de nourriture à Cuba[71]. Depuis 2001, suite à l'allègement de l'embargo, les sociétés américaines peuvent vendre certains produits agroalimentaires et des médicaments à Cuba. La plupart des importations agroalimentaires à Cuba viennent des États-Unis[72]. Le gouvernement américain a autorisé la mise en vente aux États-Unis de deux vaccins élaborés à Cuba, devenu un grand exportateur de médicaments génériques[73]. Washington possède une Section d’intérêts des États-Unis à La Havane[72]. Enfin, les Cubains exilés en Floride envoient sur l'île des remesas, c'est-à-dire de l'argent sous forme de mandats.
Toutefois, la présidence du républicain George W. Bush, marquée par une volonté d'en finir avec le gouvernement cubain et de « changer de régime », vit un nouveau durcissement de l'embargo. Le 6 mai 2004, de nouvelles restrictions sont imposées aux déplacements d'hommes et d'argent vers l'île[74],, mais également à la coopération scientifique entre chercheurs américains et cubains[75]. Les échanges entre les bibliothèques scientifiques des deux pays, la publication d'ouvrages cubains aux États-Unis, et les visas accordés aux chercheurs deviennent fortement règlementés. De plus, 59 millions de dollars publics sont alloués pour soutenir financièrement les dissidents cubains[76]. Radio et TV Marti, diffusant depuis Miami des messages anticastristes, reçoivent 18 millions de dollars.
En janvier 2006, la Section des intérêts nord-américains à Cuba (SINA), créée en 1977 lors de la tentative de normalisation des relations entre les deux pays, installe sur ses locaux à La Havane un panneau lumineux qui diffuse jour et nuit des messages hostiles au gouvernement cubain. Les autorités de l'île affirment que le bâtiment sert également de centre de recrutement et de formation pour des mercenaires au service des États-Unis[77]. En réponse au panneau lumineux, Cuba a placé devant le siège de la SINA 138 mâts, où flottent des drapeau noirs avec une étoile blanche, symbolisant "138 années de lutte contre l'impérialisme depuis 1868" et "la mémoire des 3478 victimes du terrorisme étasunien"[78].
Le 30 octobre 2007, l'Assemblée générale de l'ONU condamne l'embargo pour la seizième fois, par 184 voix contre 4[79].
De nouveaux alliés en Amérique latine
Durant la guerre froide, Cuba était isolée en Amérique latine, où de nombreux pays étaient dirigés par des juntes militaires pro-américaines : Brésil, Argentine, Chili... Les années 90, puis 2000, voient l'arrivée au pouvoir de plusieurs présidents se réclamant de gauche sur le continent, notamment celle d'Hugo Chávez au Venezuela en 1998. Une coopération s'installe alors entre les deux pays, matérialisée en 2001 par la création de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA). Dans les années suivantes, la Bolivie, le Nicaragua, l'Équateur, la Dominique et le Honduras ont rejoint l'organisation. Le Venezuela est aujourd'hui le premier partenaire commercial de Cuba. Le premier fournit chaque jour près de 100 000 barils de pétrole au second, tandis que plusieurs milliers de médecins cubains opèrent dans les dispensaires du Venezuela[80].
Les cinq de Miami
Entre avril et septembre 1997, une série d'attentats à la bombe se produit dans des hôtels de La Havane[81]. Le 12 juillet 1998, Luis Posada Carriles reconnait dans une interview au New York Times avoir organisé ces attentats pour le compte de la Fondation nationale cubano-américaine, et dit avoir une grande liberté de circulation sur le territoire américain[82]. Les autorités cubaines reçoivent alors des agents du FBI pour leur réclamer l'arrestation des terroristes, et leur fournir les dossiers concernés[83].
A la surprise du gouvernement de La Havane, cinq cubains sont arrêtés le 12 septembre 1998 à Miami, accusés d'être des agents de Cuba : René Gonzalez Sehweret, Gerardo Hernandez Nordelo, Ramón Labañino Salazar, Fernando González Llort et Antonio Guerrero Rodríguez. Ils sont mis en examen pour 26 chefs d'accusation, notamment celui de conspiration en vue de commettre des délits et des actes d'espionnage pour le compte de Cuba, et, dans le cas de Gerardo Hernandez, celui d'homicide volontaire. Les autres délits concernent l'utilisation de faux papiers ou la non-déclaration de leur statut d'agents.
La défense appelle à la barre trois officiers américains de haut rang (Eugène Carroll, Edward Atkeson, James R. Clapper)[84], qui témoignent en faveur des cinq accusés. Selon leur témoignage, rien n'indique que les agents aient cherché à obtenir des informations secrètes, ou qu'ils auraient eu intérêt à le faire. Concernant l'homicide dont est accusé Hernandez, le procureur reconnaît le 25 juin 2001 que prouver sa culpabilité représente un « obstacle insurmontable » pour les États-Unis.[84] Malgré celà, en décembre 2001, les douze membres du jury reconnaissent les accusés coupables de tous les faits dont ils étaient accusés. Hernandez, Labañino et Guerrero sont condamnés à la prison à perpétuité, Fernando González à 19 ans de réclusion, et René González à 15 ans.
Selon le gouvernement cubain, la véritable mission des cinq agents était d'infiltrer les organisations terroristes basées à Miami, afin de prévenir des attentats contre Cuba. Pour le gouvernement, il s'agit donc d'un procès politique, visant à protéger les terroristes anticastristes réfugiés à Miami[85].
La défense a dénoncé de nombreuses violations des lois et de la Constitution américaine, tant dans le traitement des accusés que dans la tenue du procès. Les avocats affirment que les cinq prévenus ont été maintenus 17 mois en isolement avant le procès, alors que la loi limite cette durée à 60 jours maximum. Ils ajoutent que le droit des familles aurait été bafoué, car celles-ci ne seraient pas autorisées à voir les détenus. Des pressions sur les familles auraient eu lieu, selon les avocats.[85] Concernant le procès, la défense dénonce le fait que celui-ci se tienne à Miami, et exige sa délocalisation, refusée par le tribunal. En effet, la loi américaine prévoit le transfert du procès, dans le cas où le lieu est entaché de préjugés contre les prévenus. Or les avocats affirment que de nombreuses pressions ont eu lieu sur le jury, de la part des cubains anticastristes. Selon El Nuevo Herald, un journal de Miami, certains jurés craignent alors la réaction de l'exil cubain en cas d'acquittement des accusés[86]. Les avocats annoncent donc qu'un jugement impartial est impossible dans cette ville.
En mai 2003, la défense fait donc appel de la condamnation. Deux ans plus tard, en août 2005, la Cour d'appel d'Atlanta annule le procès, et en exige un nouveau[87]. Suite à une demande du tribunal de Floride, cette décision est cassée un an plus tard. Les avocats lancent alors une nouvelle phase d'appel.
Le gouvernement cubain fait actuellement de la libération des condamnés, nommés « les Cinq héros »[88], l'une de ses priorités au niveau international.
L'exil et l'affaire Gonzalez
En 1994, de graves émeutes éclatent dans la capitale[89],[90]. En juillet 1994, plus de 30 000 Cubains (les balseros) émigrent sur des radeaux vers Miami, pour des raisons politiques ou à cause de la crise économique que traverse Cuba[91]. Selon Le Livre noir du communisme, 7 000 personnes périssent en tentant de fuir l'île pendant l'été, car les hélicoptères de l'armée cubaine auraient jeté des sacs de sable sur les embarcations pour les couler[90]. En 1996, le régime est condamné par les Nations Unies pour violation des droits de l'Homme[71].
Cinq ans plus tard, en novembre 1999, éclate l'affaire Elián González. Cet enfant de six ans embarque avec sa mère en direction des États-Unis ; sa mère se noie durant la traversée, mais l'enfant dérive jusqu'en Floride. Alors la communauté cubaine exige de garder l'enfant sur le sol américain, alors que le père, soutenu par la Havane, demande son retour à Cuba. Après de nombreuses négociations entre les deux gouvernements, celui-ci obtient le rapatriement d'Elian. Fidel Castro fustige la politique américaine qui obligerait selon lui les émigrants cubain à tenter la traversée, poussés par la difficulté d'obtenir des visas de la part des États-Unis, et par la loi qui permet à tout émigrant posant le pied aux États-Unis d'y rester[92].
Dissidents et projet Varela
Selon la Constitution cubaine, l'initiative des lois n'est pas réservée à l'Assemblée nationale du Pouvoir populaire. Si plus de 10 000 citoyens se rassemblent autour d'un projet, celui-ci peut être soumis à l'Assemblée[93]. C'est en vertu de ce droit que Oswaldo Payá Sardiñas, militant catholique et dissident, dépose le 20 mai 2002 à l'Assemblée une pétition rassemblant 11 020 signatures et réclamant de plus grandes libertés d'expression, d'association, et d'entreprise, l’instauration du mutlipartisme ainsi que des élections générales[94]. Ce projet, appuyé par Jimmy Carter, porte le nom de projet Varela. Le même jour, George W. Bush prononce à Miami un discours exigeant un changement de régime et des « élections libres à Cuba » ; ces propos sont alors jugés très provocateurs par le gouvernement cubain[95], jugeant que George Bush est « mal placé pour donner des leçons de démocratie ». Fidel Castro riposte en faisant amender la Constitution, pour garantir le caractère « intouchable » du « régime économique, politique et social consacré par la Constitution ». Selon les autorités cubaines, des millions de citoyens auraient participé aux manifestations de soutien à cet amendement[96][97]. L'Assemblée nationale a donc décidée de rejeter la proposition d'Oswaldo Payá Sardiñas.
Le 18 mars 2003, 75 opposants sont arrêtés, dont Raúl Rivero (fondateur de l'agence de presse dissidente Cuba Press) et Hector Palacios, l'un des pères du projet Varela[98]. Ils sont sommairement jugés et condamnés à de lourdes peines de prison[49],[71] allant jusqu'à 25 ans de prison, accusés d'avoir reçu de l'argent de la part du gouvernement américain pour nuire à Cuba[99]. Selon le gouvernement cubain, « ils n’ont pas été condamnés pour des idées mais pour des actions payées par une puissance étrangère qui a maintenu contre ce pays une guerre de 44 ans. »
Ces arrestations sont très critiquées par des organisations de défense des droits de l'Homme comme la Commission inter-américaine des droits de l’homme et même par certains défenseurs américains du régime cubain[Qui ?][réf. nécessaire]. Le 17 avril 2003, la Commission des droits de l'homme de l'ONU condamne Cuba[49],[71]. Christine Chanet, représentante spéciale pour Cuba du Haut commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, a pour sa part dénoncé des « conditions de détention physiques et morales alarmantes », et la Commission a plusieurs fois réclamé la libération des prisonniers[100]. La manière dont la majorité est obtenue pour adopter cette résolution, présentée par les États-Unis et ses alliés, est toutefois contestée par des partisans du gouvernement cubain, tels que Danielle Bleitrach[101]. Celle-ci dénonce des « pressions » de la part du gouvernement américain sur les États membres de la Commission, afin d'obtenir la condamnation de Cuba.
Lors d'une conférence de presse le 25 mars 2004, Felipe Pérez Roque, ministre cubain des Relations extérieures, dénonce une « campagne de mensonges et de diffamations permanente contre Cuba », intensifiée après l'arrestation des « soixante-quinze mercenaires condamnés l'an dernier pour avoir travaillé au service du gouvernement des États-Unis », selon ses propres termes. Il ajoute que sur toutes les personnes arrêtées, deux seulement possédaient un diplôme de journalisme (contredisant ainsi les affirmations de Reporters sans frontières), et que quinze avaient été auparavant condamnés pour des délits de droit commun. Le ministre affirme également que 70 des 75 condamnés ne travaillaient pas, vivant de l'argent fourni par les États-Unis. Pour finir, il dément les accusations de maltraitance sur les détenus, en interrogeant les médecins responsables du suivi de leur santé[102].
Le 11 avril 2003, trois hommes sont jugés puis fusillés pour avoir détourné un ferry et pris ses passagers en otage, en application de la législation anti-terroriste renforcée en vigueur depuis 2001[103].
Cuba après Fidel Castro
Le 31 juillet 2006, Fidel Castro délègue temporairement ses pouvoirs à son frère Raúl, après avoir été hospitalisé pour une opération de l'intestin. Raúl est officiellement élu président de la République de Cuba par l'Assemblée nationale le 24 février 2008.
Peu après son arrivée au pouvoir, en 2007, il engage un débat national afin de discuter sur les problèmes du pays. Les Cubains se réunissent au sein de groupes de discussions pour évoquer des idées et présenter des doléances[104]. Plus d'un million de personnes auraient participé à ce débat, parmi lesquelles le sociologue cubain Aurelio Alonso, sous-directeur de la revue Casa de las Americas, qui a dénoncé « un système trop étatisé, trop bureaucratisé, avec un niveau de participation populaire trop limité dans la prise de décisions »[105]. Le chanteur Pablo Milanes, à son tour, a plaidé pour un rajeunissement du Conseil d'État : « Il faut passer le témoin aux nouvelles générations pour que celles-ci fassent un autre socialisme. »[105]
En mai 2008, le gouvernement autorise la vente d'ordinateurs, de lecteurs DVD et de téléphones cellulaires aux particuliers[106], bien qu'ils restent très chers pour la plupart des cubains. Les appareils à haute consommation électrique avaient été interdits au début de la période spéciale, pour faire face au manque d'approvisionnement énergétique dans l'île. Les restrictions concernant Internet, en revanche, sont maintenues. Toutefois, un système de câble souterrain serait actuellement en travaux pour permettre à Cuba de se connecter à Internet à travers le Venezuela[107]. Pour l'instant, le seul moyen de contourner l'embargo est de passer par le satellite, une pratique coûteuse[108].
Le tourisme, permettant à Cuba de recevoir des devises étrangères, reste encouragé. Les cubains ont désormais le droit de se loger dans les hôtels des touristes[109]. Afin de relancer la production agricole, trop faible pour subvenir aux besoins de l'île, des terres en friche sont distribuées aux petits cultivateurs[110].
L'une des réformes les plus importantes concerne l'abandon de l'« égalitarisme salarial ». Selon l'économiste cubain Pedro Gomez, « il s'agit de faire valoir le principe socialiste de redistribution qui dit : à chacun selon sa capacité, à chacun selon son travail. [...] On [avait] établi l'égalitarisme et, grâce à lui, la révolution n'a laissé personne sur le bord du chemin. »[105] Pour faire face au vieillissement de la population cubaine, la retraite passe à 65 ans pour les hommes, 60 ans pour les femmes.
Le traitement de l'information reste tout de même fermement contrôlé. Le politologue cubain Rafael Hernandez, directeur de la revue Themas, constate une évolution dans la participation des citoyens à l'information, mais précise que de grands progrès restent à faire : « Une résolution du bureau politique à l'adresse des organes de presse les invite à recueillir l'opinion des citoyens. [...] Mais si l'on lit les journaux, on se rend compte que cet espace est extrêmement petit. [...] Il y a une inertie mentale. »[105] La liberté d'édition est également limitée. Il y a peu de livres dans les librairies hormis des traités de philosophes ou de militants proches du régime. Certains des bouquinistes de la place d'Armes à La Havane proposent sur leurs étals des publications étrangères récentes. “ A Cuba, les livres en monnaie nationale sont chers et les meilleurs ne peuvent être achetés qu'en dollars. C'est pourquoi, vendus à 20 % seulement de leur prix en euros, [à l'occasion de la 11e Foire du Livre de La Havane] 6 000 ouvrages français se sont vendus comme des petits pains, témoignant d'une faim de livres auxquels [sic] les éditeurs ont aussi voulu répondre ”[111].
En septembre 2008, les ouragans Gustav et Ike dévastent Cuba, peu après le passage du cyclone Paloma. Selon les chiffres fournis par Cuba, sept personnes sont mortes, 500 000 logements ont été détruits, et les pertes s'élèvent à 10 milliards de dollars[112]. Ces catastrophes arrivant en même temps que la crise économique durant laquelle le commerce avec les pays occidentaux diminue fortement, Raúl Castro annonce le début d'une période d'austérité[113].
Références
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- ↑ Libération, 28 décembre 2008
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « History of Cuba ».
Voir aussi
Bibliographie
- Cuba révolutionnaire, Tome 1 - Histoire et Culture, Remy Herrera et Samir Amin, éditions Forum du tiers monde, février 2005
- Fidel Castro : biographie à deux voix, Ignacio Ramonet, Éditions Fayard, Paris 2007, ISBN 2213631883
- Pierre Rigoulot, Coucher de soleil sur La Havane : La Cuba de Castro 1959-2007, Flammarion, 2007 (ISBN 2080684078)
- Serge Raffy, Castro l'infidèle, éd. Livre de Poche, 2006, 699 p., ISBN 978-2-253-09946-8
- Sandra Hernández (coord.), « La Révolution cubaine : mémoire, identité, écritures », 2007, Centre de recherche sur les identités nationales et l'interculturalité (CRINI), Université de Nantes, ISBN 2-916424-09-1
- Collectif, Charles Ronsac (dir.), Le Livre noir du communisme, Robert Laffont, 2000, ISBN 2221088611, p. 759-779 : sur la Révolution cubaine
- Marcel Niedergang (présentation), 1959 : Castro prend le pouvoir, Seuil, 1999, collection Événement Monde, ISBN 2020362457
- Olivier Languepin, Cuba, la faillite d'une utopie, Gallimard, collection Folio actuel 1999, 2007, ISBN 207034598X
- Jacobo Machover, « Cuba : la peur, l’exil et l’entre-deux », dans Raisons politiques, Presses de Sc. Po., no 3, 2001, p. 101-112 (ISSN 272462906X) [texte intégral (page consultée le 15-03-2009)]
Liens internes
Liens externes
- Chronologie de l'histoire de Cuba
- Cuba dans l'Empire espagnol par Joseph Pérez
- Cuba au temps de la révolution et de la dictature castriste : une chronologie de Cuba depuis 1959
- « Cuba in the Cross-Hairs: A Near Half-Century of Terror » par Noam Chomsky (extrait de son livre Hegemony or Survival, 2003)
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