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Espéranto
Espéranto
EsperantoParlée en Aucun pays en particulier Région Dans le monde entier Nombre de locuteurs Les estimations varient beaucoup, de 100 000 à 10 000 000 de locuteurs répartis dans le monde entier. Typologie Agglutinante Classification par famille - Langue construite
- Espéranto
(Dérivée de la classification SIL) Statut officiel et codes de langue Langue officielle de Anciennement dans la micronation de Insulo de la Rozoj et Moresnet[réf. nécessaire]. Régi par Akademio de Esperanto ISO 639-1 eo ISO 639-2 epo ISO/DIS 639-3 (en) epo
SIL ESP Échantillon Article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme (voir le texte en français)
Artikolo 1
Ĉiuj homoj estas denaske liberaj kaj egalaj laŭ digno kaj rajtoj. Ili posedas racion kaj konsciencon, kaj devus konduti unu al alia en spirito de frateco.modifier L’espéranto est une langue construite conçue à la fin du XIXe siècle par Ludwik Lejzer Zamenhof dans le but de faciliter la communication entre personnes de langues différentes, à travers le monde entier. Zamenhof publia son projet en 1887 sous le nom de Lingvo Internacia (« Langue internationale »), sous le pseudonyme de Doktoro Esperanto (« Docteur Espérant », « Docteur qui espère »), d’où le nom sous lequel la langue s’est popularisée par la suite.
La grammaire de l’espéranto se base sur seize règles fondamentales sans exception. Par sa structure qui procède par enchaînement d’éléments de base invariables, c'est une langue globalement agglutinante. Par son vocabulaire, c’est une langue construite a posteriori, c’est-à-dire que ses bases sont tirées de langues préexistantes (essentiellement indo-européennes) ; les mots en dérivent ensuite par l’emploi d’affixes et par composition.
De tous les nombreux projets de langue auxiliaire internationale ayant vu le jour, l’espéranto est celui qui a remporté le plus de succès, et le seul qui soit quelque peu connu du grand public. Il est le moyen de communication d’une communauté estimée de 0,1 à 10 millions de locuteurs[1], présents dans la majorité des pays du monde (115 selon l’Ethnologue[2]).
L'UNESCO a adopté plusieurs recommandations en faveur de l'espéranto.
Histoire
Article détaillé : Histoire de l'espéranto.L'espéranto fut composé entre la fin des années 1870 et le début des années 1880 par Ludwik Lejzer Zamenhof, un ophtalmologue polonais issu d'une famille juive de Białystok (alors en Russie, maintenant en Pologne), ville alors peuplée de quatre communautés : juive, polonaise, allemande et biélorusse. Sensible aux tensions qui en résultaient, Zamenhof voulut créer un moyen de communication neutre, susceptible d'améliorer la communication et la compréhension entre les nations.
Après approximativement dix années de maturation, incluant diverses traductions et l'écriture d'œuvres originales, Zamenhof publia Unua Libro, la première grammaire en langue russe de la Langue internationale en juillet 1887 sous la forme d'une brochure imprimée à ses frais. Suivirent peu après des versions dans de nombreuses autres langues entre 1887 et 1889.
Le nombre de personnes qui apprirent la langue ne cessa d'augmenter dans les décennies qui suivirent, au départ principalement dans la Russie impériale et en Europe de l'Est, et ensuite en Europe occidentale et aux Amériques. L'espéranto pénétra au Japon suite à la guerre russo-japonaise de 1904-1905. En Chine, les premiers cours furent donnés à Shanghai dès 1906 et à Canton dès 1908. Dans les premières décennies, les usagers de l'espéranto restèrent en contact principalement par des magazines spécialisés et par correspondance.
Zamenhof n'était pas le premier à essayer de réunir les gens grâce à la création d'une langue commune mais cela reste l'essai le plus réussi[3]. En effet, la naissance de l'espéranto est quasi concomitante de l'invention du volapük en Allemagne. Mais l'espéranto s'est dès le début imposé face aux autres projets.
En 1905, le premier congrès mondial d'espéranto eut lieu en France à Boulogne-sur-Mer ; les caractéristiques de l'espéranto furent fixées et ses objectifs définis : cette langue devait être universellement comprise et parlée par l'humanité entière, sans aucune priorité. Depuis, des congrès mondiaux se sont tenus chaque année, sauf durant les deux guerres mondiales. En 2005, le centenaire de l'espéranto fut célébré, de nouveau à Boulogne-sur-Mer.
Le développement de l'espéranto fut diversement affecté par les tourments politiques de la première moitié du XXe siècle. Les dictatures hitlérienne et stalinienne soumirent ses militants à une forte répression[4]. Lors de la guerre d'Espagne (1936-1939), la mouvance anarchiste représentait l'essentiel des défenseurs de l'espéranto ; il était aussi utilisé par des socialistes, des communistes allergiques au stalinisme, dont George Orwell, à qui l'espéranto inspira le novlangue[5], et même une partie de la droite catholique.
Statut
L'espéranto n'est la langue officielle d'aucun pays, mais il est la langue de travail de plusieurs associations à but non lucratif, principalement des associations d'espéranto. La plus grande organisation d'espéranto est l'association mondiale d'espéranto (UEA), qui est en relation officielle avec les Nations unies et l'UNESCO dans un rôle consultatif [6].
C'est l'une des langues officielles de l'Académie internationale des Sciences de Saint-Marin[7] et la langue officielle de l'académie Comenius[8] en Suède dont le but principal est de favoriser l'utilisation de l'espéranto dans toutes les sciences.
Il existe des universités espérantophones en Roumanie (Sibiu), en Bulgarie (Karlov), en Slovaquie à (Komárno) [9].
Dans la plupart des pays, l'espéranto ne bénéficie que de peu ou pas de soutien officiel. En France, il n'est pas reconnu dans l'enseignement. En Hongrie, où cette reconnaissance a eu lieu, l'espéranto fait partie des cinq premières langues étrangères[10].
L'espéranto à l'instar des autres langues dispose de diplômes validant les acquis.
Combien de personnes parlent l'espéranto ?
Le nombre d'espérantophones est difficile à évaluer ; les estimations varient entre cent mille et dix millions[1]. Deux millions est le chiffre le plus couramment repris, comme, par exemple, dans la revue Ethnologue[2].
Étant une langue construite, l'espéranto est généralement appris comme langue seconde. Il existe cependant un petit nombre de locuteurs dont il est la langue maternelle, le plus connu étant l'homme d'affaire George Soros. Ethnologue en estime le nombre entre 200 et 2 000; le linguiste finlandais Jouko Lindstedt l'estime à 1 000[11],[12].
Jouko Lindstedt évalue par l'échelle suivante la capacité à parler l'espéranto dans la communauté espérantophone :
- 1 000 personnes ont l'espéranto comme langue maternelle
- 10 000 personnes parlent l'espéranto couramment
- 100 000 personnes utilisent l'espéranto de façon très active
- 1 000 000 de personnes comprennent facilement l'espéranto
- 10 000 000 de personnes ont étudié l'espéranto de façon plus ou moins approfondie à un moment donné.
Sidney Culbert, ancien professeur de psychologie de l'université de Washington, espérantiste, est arrivé, en comptabilisant pendant vingt ans dans de nombreux pays les espérantophones à l'aide d'une méthode par échantillonnage[13], à une estimation de 1,6 million de personnes parlant l'espéranto avec un niveau professionnel. Ses travaux ne concernaient pas que l'espéranto et faisaient partie de sa liste d'estimation des langues parlées par plus d'un million de personnes, liste publiée annuellement dans le World Almanac and Book of Facts. Comme dans l'Almanach, toutes ses estimations étaient arrondies au million le plus proche, c'est le nombre de deux millions d'espérantophones qui a été retenu et fréquemment repris depuis. Culbert n'a jamais publié de résultats intermédiaires détaillés pour une région ou un pays particulier, ce qui rend difficile l'analyse de la pertinence de ses résultats.
Marcus Sikosek considère que ce nombre de 1,6 million est exagéré[14]. Même en supposant une répartition uniforme des espérantophones dans le monde, 1 million d'espérantophones devrait se traduire par environ 180 espérantophones dans la ville de Cologne, or, Sikosek n'y a trouvé que 30 personnes parlant couramment l'espéranto ; de même, il a trouvé un nombre inférieur à celui attendu dans plusieurs autres villes censées avoir une plus forte concentration d'espérantophones que la moyenne. Il fait également remarquer que les différentes organisations espérantistes représentent un total d'environ vingt mille membres (d'autres estimations sont supérieures). Bien que de nombreux espérantophones ne soient membres d'aucune organisation espérantiste, il lui semble peu probable qu'il y ait cinquante fois plus de personnes parlant l'espéranto que de membres de ces organisations.
Caractéristiques linguistiques
Classification
En tant que langue construite, l'espéranto n'est généalogiquement rattaché à aucune famille de langues vivantes. Cependant, une part de sa grammaire et l'essentiel de son vocabulaire portent à le rattacher aux langues indo-européennes. Ce groupe linguistique a constitué le répertoire de base à partir duquel Ludwik Lejzer Zamenhof a « composé » sa langue internationale.
Cependant, la typologie morphologique de l'espéranto l'écarte significativement des langues indo-européennes, qui sont largement à dominante flexionnelle. En effet, il consiste en monèmes invariables qui se combinent sans restriction, ce qui l'apparente aux langues isolantes. En espéranto, comme en chinois, on dérive « mon » (mia), de « je » (mi) et « premier » (unua) de « un » (unu). Sa tendance à accumuler, sans en brouiller les limites, des morphèmes porteurs d'un trait grammatical distinct le rapproche aussi des langues agglutinantes telles que le coréen, le finnois, le japonais, ou le turc.Des formes verbales telles que tradukendos (« devra être traduit »), videblas (« peut être vu ») ou seriozemi (« avoir tendance à se montrer sérieux ») rappellent le système de conjugaison turc[réf. nécessaire].
Phonétique et écriture
Article détaillé : Alphabet de l'espéranto.L'espéranto possède vingt-huit phonèmes: cinq voyelles et vingt-trois consonnes. Ils sont transcrits au moyen de vingt-deux lettres de l'alphabet latin (q, w, x et y ne sont pas utilisés, sauf dans les expressions mathématiques), complété par deux diacritiques (accent circonflexe et brève) qui servent à former six caractères propres à l'espéranto, comptés comme lettres à part entière : ĉ, ĝ, ĥ, ĵ, ŝ, ŭ. L'orthographe est parfaitement phonologique : chaque lettre représente invariablement un seul phonème.
Il existe aussi une translittération cyrillique de l'espéranto, basée sur une correspondance lettre à lettre avec l'orthographe latine.
En plus de leur rôle premier de transcription, les lettres diacritées visent à rappeler en espéranto l’orthographe ou la prononciation de plusieurs langues européennes. Par exemple, poŝto « poste », rappelle graphiquement et phonétiquement le mot pošta du tchèque, du slovaque, du slovène, du serbo-croate, mais aussi par la graphie les mots français, anglais, allemand poste, post, Post, et par le son le bulgare поща (prononcé ['pɔʃtɐ]). L'espéranto aboutit souvent ainsi à un compromis rappelant plusieurs langues sources : ainsi ĝardeno [d͡ʒarˈdeno] rappelle le français jardin, l'allemand Garten et l'anglais garden.
Les lettres diacritées peuvent poser quelques problèmes typographiques à l'imprimerie ou l'informatique (plus particulièrement avec les systèmes informatiques anciens). Le Fundamento de Esperanto (adopté lors du Premier congrès mondial d'espéranto en 1905 à Boulogne-sur-Mer) préconise dans ce cas de remplacer les lettres diacritées par des digrammes composés de la lettre de base suivie d'un h, les éventuelles ambiguïtés étant levées par l'ajout d'un tiret entre les monèmes. Pour la commodité de certains traitements informatiques, le h est parfois remplacé par un x. Les trois systèmes (ŝ, sh, sx) coexistent sur Internet.
La langue comporte un accent tonique toujours situé sur l'avant-dernière syllabe des mots. Le système vocalique comporte cinq timbres : a e i o u, correspondant aux valeurs du français a é i o ou, comme dans de nombreuses langues, sans distinction de quantité.
Voyelles
Antérieure Centrale Postérieure Fermée i i u u Moyenne e e o o Ouverte a a Consonnes
Bilabiale Labio-dentale Labio-vélaire Dentale Alvéolaire Post-alvéolaire Palatale Vélaire Glottale Occlusive p p b b t t d d k k ɡ g Affriquée t͡s c t͡ʃ ĉ d͡ʒ ĝ Fricative f f v v s s z z ʃ ŝ ʒ ĵ x ĥ h h Nasale m m n n Latérale l l Roulée r r Approximante w ŭ j j Remarques
- Lorsqu'une case contient deux signes, le premier désigne une consonne sourde et le second la consonne sonore correspondante.
- L'affriquée dz n'est pas répertoriée dans la liste habituelle des consonnes, mais se rencontre néanmoins dans quelques mots tels que edzo « époux ». Elle peut être considérée comme un groupe de consonnes.
- j et ŭ comme semi-voyelles peuvent former le second élément de diphtongues phonétiques : aj, ej, oj, uj, aŭ, eŭ. D'un point de vue phonologique cependant, ces diphtongues s'analysent comme des combinaisons de phonèmes. Une évolution relativement récente utilise ŭ pour transcrire le son [w] dans les noms propres (Ŭato, Watt ; mais Vaŝingtono, Washington).
- L’espéranto étant parlé par des personnes de langues maternelles différentes, il existe des allophones. Notamment, la prononciation de e varie entre [e] et [ɛ], celle de o entre [o] et [ɔ], et r peut-être prononcé [r], [ɾ] ou [ʁ] (c’est-à-dire comme en russe, en espagnol ou en français).
Braille
L'espéranto dispose d'une transcription en braille. [15]
Grammaire
Article détaillé : Grammaire de l'espéranto.La grammaire de l'espéranto se base sur seize principes énoncés dans le Fundamento de Esperanto, adopté comme référence intangible au premier Congrès Universel d'Espéranto de Boulogne-sur-Mer en 1905. Ils ne constituent cependant qu'un cadre dans lequel ont été progressivement dégagées des règles plus détaillées.
Substantifs, adjectifs et adverbes dérivés
Un mot se forme en ajoutant à un radical des morphèmes invariables signalant chacun un trait grammatical précis :
- -o pour les substantifs
Le pluriel (-j) puis l'accusatif (-n) suivent la terminaison du substantif ou de l'adjectif, ce qui donne les terminaisons -oj, -on, -ojn, -aj, -an, -ajn. L'adjectif s'accorde en nombre et en cas avec le substantif auquel il se rapporte.
L'accusatif a pour fonction essentielle de marquer le complément d'objet direct (Ili konstruas grandan domon « Ils construisent une grande maison »), et indique aussi le changement de lieu, de position ou d'état (Mi iras Parizon « Je vais à Paris », ŝanĝi akvon en glacion « changer l'eau en glace »). Une particularité de l'espéranto est que dans cet emploi l'accusatif peut également s'ajouter à l'adverbe dérivé. Enfin, l'accusatif a également une fonction « joker »: de même que la préposition je, il s'emploie en cas de doute, ou pour remplacer une préposition, et marque alors simplement la dépendance syntaxique (tiu tablo estas longa je du metroj - tiu tablo estas du metrojn longa « Cette table fait deux mètres de long »; oni pendigis lin kun la kapo malsupren - oni pendigis lin kapon malsupren « On l'a pendu la tête en bas »).[16]
L'ordre des mots n'intervient pas dans la distinction entre sujet et objet, entièrement assurée par l'accusatif. On a ainsi :
La patrino kisas la infanon. - La infanon kisas la patrino. - La patrino la infanon kisas. - La infanon la patrino kisas. - Kisas la patrino la infanon. - Kisas la infanon la patrino.
Dans ce premier exemple, la phrase signifie à chaque fois « La mère embrasse l'enfant. »
La patrinon kisas la infano. - La infano kisas la patrinon. - La patrinon la infano kisas. - La infano la patrinon kisas. - Kisas la patrinon la infano. - Kisas la infano la patrinon.
Dans ce second exemple, la phrase signifie à chaque fois « L'enfant embrasse la mère. »
Les autres fonctions syntaxiques sont indiquées par des prépositions.
Comme l'anglais, l'espéranto ne connaît pas le genre grammatical, mais fait des distinctions de sexe dans son lexique. Dans ce cas, le sexe féminin est marqué par le suffixe -in-, tiré de l'allemand -in (ex. frato « frère » - fratino « sœur », vulpo « renard » - vulpino « renarde »)[17].
Verbes
Article détaillé : Conjugaisons en espéranto.Les verbes se caractérisent par une série de marques qui forment une conjugaison mêlant des valeurs temporelles et modales:
- -i pour l'infinitif,
- -as pour le présent,
- -is pour le passé,
- -os pour le futur,
- -us pour le conditionnel,
- -u pour le volitif.
Ces terminaisons permettent d'exprimer n'importe quel concept sous forme de verbe : muziko « musique » → li muzikas « il joue de la musique », ĝoja « gai » → ĝoji « se réjouir ». Cette possibilité est notamment exploitée pour former des verbes d'état à partir d'adjectifs: « elle est belle » peut se dire aussi bien ŝi belas que ŝi estas bela.
Le conditionnel est le mode du fictif, de l'irréel ; il s'emploie aussi bien en proposition principale qu'en proposition subordonnée : Mi povus, se mi volus. « Je pourrais si je voulais ». L'éventualité est plutôt rendue par le futur : Morgaŭ eble pluvos. « Il se peut qu'il pleuve demain. Il pleuvra peut-être demain ».
Le volitif est le mode de l'expression de la volonté; il correspond en français à l'impératif (Atendu ! « Attends! Attendez! ») et à certains usages du subjonctif quand il exprime un désir, un souhait, une volonté, ou une exigence (Li venu. « Qu'il vienne. » Kien ni iru ? « Où faut-il que nous allions ? », Mi proponas ke ni laboru kune. « Je propose que nous travaillions ensemble »).
Le système verbal comporte également les participes présents, passés et futurs, marqués respectivement par -ant-, -int- et -ont- pour la voix active et -at-, -it- et -ot- pour la voix passive. Ils peuvent se combiner à l'auxiliaire esti pour former des temps composés qui expriment l'aspect progressif avec les participes présents, le passé récent avec les participes passés, le futur proche avec les participes futurs. En pratique, l'usage de ces temps composés est assez restreint, surtout à l'actif, la préférence allant à l'usage d'adverbes temporels.[18]
À l'inverse du français, mais à l'instar des langues slaves, l'espéranto ne pratique pas la concordance des temps : Mi ne sciis ke li venos. « Je ne savais pas qu'il viendrait ».
La transitivité des verbes en espéranto est généralement fixée, et il n'est pas possible de déduire régulièrement si un verbe formé par simple ajout des marques de conjugaison à un radical est ou non transitif. En revanche, deux suffixes permettent d'en modifier la valence:
- -ig- indique que l'on provoque une action et transforme un verbe intransitif en transitif (causatif)
- -iĝ- indique un changement interne, et transforme un verbe transitif en intransitif (décausatif). Exemples[19] :
- turni « tourner (quelque chose) » - turnigi « faire tourner » - turniĝi « tourner (faire un ou plusieurs tours) »;
- sidi « être assis » - sidigi « asseoir » - sidiĝi « s'asseoir »;
- blanki « être blanc » - blankigi « blanchir (rendre blanc) » - blankiĝi « blanchir (devenir blanc) ».
Par ailleurs, la préfixation d'une préposition aboutit généralement à transitiver un verbe intransitif :
- naĝi « nager » → tranaĝi « traverser à la nage »;
- plori « pleurer (être en pleurs) » → priplori « pleurer (quelque chose) ».
D'autres affixes permettent d'exprimer diverses nuances d'aspect :
- le préfixe ek- pour l'aspect inchoatif (action commençante, entrée dans un état): dormi « dormir » → ekdormi « s'endormir »;
- le suffixe -ad- pour l'aspect duratif (action prolongée): labori « travailler » → laboradi « travailler sans arrêt »;
- le préfixe re- pour l'aspect itératif (action répétée): legi « lire » → relegi « relire ».
Mots-outils
Pronoms personnels et possessifs
La personne grammaticale s'exprime par la série suivante de pronoms personnels: mi « je », vi « tu/vous »[20], li « il » (pour un être vivant de sexe masculin), ŝi « elle » (pour un être vivant de sexe féminin), ĝi « il/elle » (pour les êtres vivants de sexe indéterminé ou les choses), si « soi » ou « se » (réfléchi), ni « nous », ili « ils/elles/eux » (pour tous les cas), oni « on ». Tous prennent la marque de l'accusatif, le cas échéant. Les possessifs en dérivent par l'ajout de la marque d'adjectif -a : mia « mon, ma », nia « notre », etc. Les possessifs prennent les marques du pluriel et de l'accusatif, le cas échéant. Seul si n'est pas utilisé en position de sujet.
Article
L'espéranto utilise l'article défini invariable la. Il n'y a ni article indéfini, ni article partitif.
Corrélatifs
Article détaillé : Grammaire de l'espéranto#Tabel-vortoj.L'espéranto utilise également comme déterminants un ensemble de pronoms-adjectifs assemblés systématiquement à partir d'une initiale et d'une finale caractéristiques :
- initiales : i- (indéfinis), ki- (interrogatifs-relatifs), ti- (démonstratifs), ĉi- (collectifs-distributifs), neni- (négatifs) ;
- finales : -a (qualité), -u (individu), -o (chose), -es (possession). Les deux premières de ces séries varient en nombre et en cas, la troisième en cas uniquement.
D'autres finales produisent des adverbes circonstanciels: -e (lieu), -am (temps), -el (manière), -al (cause), -om (quantité). Les mots formés sur ces bases sont désignés collectivement comme corrélatifs ou (en espéranto même) tabel-vortoj[21].
Ainsi par exemple :
- kiu signifie « qui » ou « quel »,
- ĉiu signifie « chacun » ou « chaque »,
- neniu signifie « personne » ou « aucun »,
- iam signifie « un jour »,
- ĉiam signifie « toujours »,
- neniam signifie « jamais ».
Particules invariables
L'espéranto recourt également à diverses particules invariables dans l'organisation de la phrase: il s'agit de conjonctions de coordination (kaj « et », aŭ « ou », do « donc », sed « mais »...) ou de subordination (ke « que », ĉar « parce que », dum « pendant que », se « si »...) qui précisent les rapports entre propositions, et des adverbes simples à valeur spatiale, temporelle, logique ou modale. Par exemple, ne marque la négation, et ĉu marque l'interrogation globale.
Syntaxe de phrase
Comme en russe ou en latin, l'ordre des mots est très libre en espéranto. Le sujet, le verbe et le complément d'objet direct (marqué par l'accusatif) peuvent apparaître dans n'importe quel ordre ; le plus fréquent est l'ordre sujet-verbe-objet suivi du complément circonstanciel, mais l'usage d'autres dispositions est courant notamment en cas de mise en relief. Il existe cependant certaines règles et tendances bien établies : [22]
- L'article défini se place au début du groupe nominal.
- L'adjectif précède généralement le substantif.
- Les prépositions se placent au début du groupe prépositionnel.
- Les adverbes précèdent généralement l'expression qu'ils modifient.
- Les conjonctions précèdent la proposition qu'elles introduisent.
Certaines tendances expressives peuvent sembler peu communes par rapport à l'usage du français :
- Les prépositions sont volontiers préfixées au verbe, produisant des doublets entre formulation intransitive avec groupe prépositionnel et formulation transitive à verbe préfixé: Ni diskutos pri la afero ~ Ni pridiskutos la aferon. « Nous discuterons de l'affaire. » (Tous les verbes à préposition préfixée ne forment cependant pas doublet : par exemple, altiri « attirer » diffère de tiri al « tirer à ».)
- Un syntagme peut facilement se condenser en mot composé: Knabo kun bluaj okuloj. ~ Bluokula knabo. « Un garçon aux yeux bleus. »
- L'emploi de l'adverbe dérivé est très étendu.
Du fait de l'absence de restriction sur la combinaison des monèmes, une même phrase peut se formuler de multiples façons:
- Mi enigis ĉion en la komputilon. ~ Mi enkomputiligis ĉion. ~ Mi ĉion enkomputiligis. « J'ai tout introduit dans l'ordinateur. »
- Mi iros al la hotelo per biciklo. ~ Mi alhotelos bicikle. ~ Mi biciklos hotelen. « J'irai à l'hôtel à vélo. »
- Mi iros al la kongreso per aŭto. ~ Mi alkongresos aŭte. ~ Mi aŭtos kongresen. « J'irai au congrès en voiture. »
- Ni estas de la sama opinio. ~ Ni havas la saman opinion ~ Ni samopinias. « Nous sommes du même avis. »
L'espéranto peut ainsi alternativement se montrer synthétique ou analytique.
Vocabulaire
Articles détaillés : Vocabulaire de l'espéranto et Étymologie de l'espéranto.Sources lexicales
Bien qu'étant une langue construite, l'espéranto, tire ses bases lexicales de langues existantes (essentiellement indo-européennes): c'est ce que l'on appelle une langue construite a posteriori. Les principales sources sont, par importance décroissante[23]:
- le latin et les langues romanes, essentiellement le français et l'italien.
- les langues germaniques, essentiellement l'allemand et l'anglais.
- le grec ancien, surtout pour la terminologie scientifique.
- les langues slaves, essentiellement le russe et le polonais.
Les mots provenant d'autres langues désignent surtout des réalités culturelles spécifiques: boaco « renne » (du same), jogo « yoga » (du sanskrit), haŝioj « baguettes (pour manger) » (du japonais), etc.
Les morphèmes grammaticaux doivent beaucoup au latin (participes en -nt- et -t-, nombreux adverbes et prépositions, série des numéraux) et dans une moindre mesure au grec ancien (j du pluriel, n de l'accusatif, conjonction kaj « et »). Une partie est construite a priori sans référence évidente à des langues existantes (le pronom personnel ĝi, le suffixe -uj- dénotant un contenant total...), ou profondément remanié à partir d'éléments rappelant ceux de langues préexistantes, comme la série des corrélatifs.
Zamenhof a suivi diverses méthodes pour adapter ses sources lexicales à l'espéranto. Le plus grand nombre a été simplement adapté à la phonétique et l'orthographe de la langue, tantôt davantage à partir de la prononciation (ex. trotuaro du français trottoir; beleco « beauté » de l'italien bellezza ; ŝuo « chaussure » de l'anglais shoe et de l'allemand Schuhe), tantôt à partir de la forme écrite (ex. semajno « semaine », soifi « avoir soif » empruntés au français ; birdo « oiseau », teamo « équipe » empruntés à l'anglais). Lorsque plusieurs de ses sources comportaient des mots proches par la forme et le sens, Zamenhof a souvent créé un moyen terme (ex. ĉefo « chef », cf. français chef / anglais chief ; forgesi « oublier », cf. allemand vergessen / anglais to forget ; gliti « glisser », cf. français glisser / allemand gleiten / anglais to glide ; lavango « avalanche », cf. français avalanche / italien valanga / allemand Lawine ; najbaro « voisin », cf. allemand Nachbar / anglais neighbour).
Les radicaux sont parfois davantage altérés que ne le nécessiterait la simple adaptation phonétique ou orthographique, [24] :
- pour éviter d'avoir des radicaux homophones : lafo « lave (volcanique) » car lavi signifie « laver », pordo « porte » car la racine port appartient déjà au verbe porti qui signifie « porter »
- pour différencier plusieurs sens : pezi « peser (être pesant) » / pesi « peser (mesurer le poids) » du français peser, helico « hélice » / heliko « escargot » du latin helix
- pour éviter des confusions avec des affixes ayant déjà un autre sens en espéranto: mateno « matin » (-in- marquant le sexe féminin), rigardi « regarder » (re- marquant la répétition)
- pour abréger des mots longs: asocio « association », terni « éternuer ».
Le vocabulaire de l'espéranto comprenait quelques centaines de radicaux dans le Fundamento de Esperanto de 1905. En 2002, après un siècle d'usage, le plus grand dictionnaire monolingue espérantiste (Plena Ilustrita Vortaro de Esperanto), en comprend 16.780 correspondant à 46.890 éléments lexicaux.
Formation des mots
La formation des mots espéranto est traditionnellement décrite en termes de dérivation lexicale par affixes et de composition. Cette distinction est
cependant relative, dans la mesure où les « affixes » sont susceptibles de s’employer aussi comme radicaux indépendants: ainsi le diminutif -et- forme l’adjectif eta « petit (avec idée de faiblesse) », le collectif -ar- forme le nom aro « groupe », le causatif -ig- forme le verbe igi « faire, rendre », etc.
Les deux principes essentiels de formation des mots sont :
- l’invariabilité des radicaux : contrairement à ce qui peut se passer par exemple en français, en anglais, en allemand... la dérivation ne provoque aucune altération interne des monèmes (ce qui manifeste le caractère agglutinant de la langue): vidi « voir », vido « vue », nevidebla « invisible »
- l’ordre de composition où l’élément déterminant précède le déterminé: kantobirdo « oiseau chanteur » et birdokanto « chant d’oiseau », velŝipo « bateau à voile, voilier » et ŝipvelo « voile de bateau », centjaro « centenaire (= centième année) » et jarcento siècle « (= centaine d’années) ».
En théorie, il n’existe pas d’autre limite que sémantique à la combinatoire des radicaux. Il en résulte un certain schématisme qui aboutit à la formation systématique de longues séries sur le même modèle, parfois sans équivalent direct dans d’autres langues. Par exemple :
- à côté de samlandano « compatriote » et samklasano « camarade de classe », il existe samideano « partisan du même idéal » et samaĝulo « personne du même âge »
- pour exprimer le fait de prendre une couleur, le français possède « rougir, jaunir, verdir, bleuir, blanchir, brunir, noircir ». L’espéranto possède comme équivalents respectifs ruĝiĝi, flaviĝi, verdiĝi, bluiĝi, blankiĝi, bruniĝi, nigriĝi mais le procédé y est illimité : griziĝi « devenir gris », oranĝiĝi « devenir orange », etc.
- il est possible de former le contraire de n’importe quelle notion par le préfixe très fréquent mal- : ĝoja « gai » ~ malĝoja « triste », helpi « aider » ~ malhelpi « gêner », multe « beaucoup » ~ malmulte « peu », etc.[25]
Ce schématisme a pour effet de diminuer le nombre de radicaux nécessaires à l’expression au profit de dérivés, réduisant ainsi la composante immotivée du lexique. Le procédé pouvant parfois paraître lourd, la langue littéraire a cependant introduit quelques radicaux alternatifs à titre de variantes stylistiques: par exemple olda « vieux » peut doubler maljuna (formé sur juna « jeune ») ou malnova (formé sur nova « neuf, nouveau »). L’usage courant tend cependant à préférer les dérivés[26],[27],[28].
Le système de dérivation s’adapte aisément aux besoins en mots nouveaux. Ainsi, du mot reto (« réseau, filet »), on a extrait le radical ret- pour former tout un ensemble de mots liés à Internet : retadreso (« adresse de courriel »), retpirato (« pirate informatique »), etc.
Exemples
Quelques mots de base
Mot Traduction Prononciation Transcription phonétique selon l'usage de l'API. Transcription phonétique selon l'usage du français. terre tero ˈteɾo téro ciel ĉielo ʧiˈelo tchiélo eau akvo ˈakvo akvo feu fajro ˈfajɾo fayro homme (être humain masculin) viro ˈviɾo viro femme (être humain féminin) virino viˈɾino virino manger manĝi ˈmanʤi manedji boire trinki ˈtɾinki trineki grand granda ˈgɾanda graneda petit (dans le sens inverse de grand) malgranda malˈgɾanda malgraneda nuit nokto ˈnokto nokto jour tago ˈtago tago papa paĉjo ˈpaʧjo patchyo maman panjo ˈpanjo panyo frère frato ˈfɾato frato sœur fratino fɾaˈtino fratino langue (organique) lango ˈlanɡo lanego langue (orale) lingvo ˈlinɡvo linegvo Texte analysé en constituants
La akcento estas sur la antaŭlasta silabo. La kernon de la silabo formas vokalo. Vokaloj ludas grandan rolon en la ritmo de la parolo. Substantivoj finas per -o, adjektivoj per -a. La signo de la pluralo estas -j. La pluralo de « lasta vorto » estas « lastaj vortoj ».
« -o » = substantifs/« -a » = adjectifs/« -j » = pluriel/« -n » = accusatif'
Traduction : L'accent est sur l'avant-dernière syllabe. Le cœur de la syllabe est formé par une voyelle. Les voyelles jouent un grand rôle dans le rythme de la parole. Les substantifs finissent par -o, les adjectifs par -a. La marque du pluriel est -j. Le pluriel de « lasta vorto » (« dernier mot ») est « lastaj vortoj ».
Critiques de l'espéranto
Article détaillé : Critiques de l'espéranto.Depuis ses débuts, l'espéranto a essuyé de nombreuses critiques :
- Du temps de Zamenhof, les consonnes ĉ, ĝ, ĥ, ĵ, ŝ et la voyelle ŭ posaient des problèmes avec les machines à écrire qui ne possédaient pas les signes diacritiques requis. Bien que presque toujours absentes des claviers (peu de claviers, comme le clavier canadien multilingue ou le clavier dvorak BÉPO[29] permettent de les taper sans rien ajouter à son système), ces lettres spécifiques à l'espéranto sont aujourd'hui prises en compte par l'Unicode et des programmes permettent de les taper sans gêne;
- l'existence du n en tant que complément, à savoir l'accusatif, étranger aux langues modernes d'origine latine et redondant par rapport à l'usage le plus fréquent (en espéranto) SVO ;
- les genres, où le masculin est toujours radical. La plupart du temps, ce masculin est une forme neutre : bovo = « bœuf », bovino = « vache », virbovo = « taureau ». Consulter aussi Riisme ;
- le reproche par certains que l'espéranto serait une langue trop européenne, ou pas assez proche du latin. Pourtant, l'espéranto comporte 75% de radicaux latins, ce qui fait dire à certains que l'espéranto ne saurait être la langue internationale. Cependant un grand nombre de mots d'origine latine existent dans de nombreuses langues non européennes (voir étymologie de l'espéranto).
La diffusion relativement restreinte de l'espéranto (dix millions de personnes ne représentent que 0,15 % de la population mondiale) est également invoquée pour en contester la qualité et l'utilité[30]. Les partisans de l'espéranto y opposent le fait que la langue ait été employée sur une longue durée et dans de nombreux pays (115 selon l’Ethnologue[2]), et argumentent que le nombre de locuteurs ne présume pas de ses qualités intrinsèques, mais relève plutôt de l'absence de soutien politique; son adoption officielle comme langue de travail (par exemple comme langue pivot pour les traductions au sein de l'Union européenne) aurait pour effet d'augmenter rapidement le nombre de locuteurs (voir Rapport Grin).
L'espéranto a également été comparé à la novlangue du roman 1984 de George Orwell, une langue fictive créée et imposée pour réduire considérablement la richesse et la subtilité du langage.
Intérêt pédagogique de l'espéranto
Article détaillé : Valeur propédeutique de l'espéranto.Les expériences du professeur Helmar Frank en Allemagne ainsi que les recherches de I. Szerdahely effectuées en Hongrie à l’Université des Sciences de Budapest dans les quelles un groupe d’élèves de langue maternelle hongroise, ayant appris l’espéranto pendant deux ans, fut divisé en 4 sous-groupes pour aborder l’étude du russe, de l’allemand, de l’anglais et du français concluent:
- l’acquisition du russe a été accélérée de 25% par l’étude de l’espéranto.
- l'acquisition de l'allemand a été accéléré de 30% par l’étude de l’espéranto.
- l'acquisition de l'anglais a été accéléré de 40% par l’étude de l’espéranto.
- l'acquisition du français a été accéléré de 50% par l’étude de l’espéranto.
Autrement dit, les enfants ayant étudié l'espéranto ont atteint des résultats remarquablement améliorés par rapport aux enfants du même âge n’ayant pas bénéficié de cet apprentissage. C’est ce même système d’enseignement qu’on a pratiqué également en Allemagne, mais uniquement dans le but de faciliter l’enseignement de l’anglais. Le résultat a été, après deux ans d’enseignement d'espéranto, l’acquisition d’un avantage d’environ 30%.[pas clair]
L’Institut de pédagogie cybernétique de Paderborn (Allemagne) a comparé les durées d’apprentissage de plusieurs groupes d’élèves francophones, de niveau baccalauréat, pour atteindre un niveau comparable dans quatre langues différentes : l’espéranto, l’anglais, l’allemand et l’italien. Les résultats sont les suivants : pour atteindre ce niveau, 2000 heures d’études de l’allemand produisaient un niveau linguistique équivalent à 1500 heures d’étude de l’anglais, 1000 heures d’étude de l’italien et 150 heures d’étude de l’espéranto[31] [32].
Ces études furent reprises et confirmées par d'autres études dans [33] le rapport remis au ministère italien de l'enseignement public (ministère de l'instruction), ainsi que dans le Rapport Grin
Cette facilité de l'espéranto fut constatée par Inazō Nitobe, membre de l’Académie Impériale du Japon, homme de science, Secrétaire général adjoint de la Société des Nations, qui avait participé au congrès universel d’espéranto de Prague en 1921 pour se rendre compte par lui-même de l’efficacité de cette langue. Dans un rapport intitulé Esperanto as an International Auxiliary Language / L’espéranto comme langue auxiliaire internationale29, publié en 1922, il avait écrit : “On peut affirmer avec une certitude absolue que l’espéranto est de huit à dix fois plus facile que n’importe quelle langue étrangère et qu’il est possible d’acquérir une parfaite élocution sans quitter son propre pays. Ceci est en soi un résultat très appréciable.”[34]
Lorsque l'on a déjà appris une langue étrangère, l'apprentissage d'une nouvelle langue étrangère est plus facile, d'où l'intérêt de commencer par une langue étrangère facile. Des études menées sur des échantillons comparatifs d'élèves ont montré que les élèves qui avaient d'abord étudié l'espéranto avant de passer à l'étude d'une langue étrangère, atteignaient un meilleur niveau, dans cette langue, que le groupe témoin qui pendant la même durée n'avait étudié que cette langue étrangère.
Du point de vue de la graphie, l’espéranto fait partie des langues dites « transparentes » : comme pour le croate, le serbe, l'espagnol, l'italien, le russe, le slovène ou le tchèque, la correspondance entre graphèmes et phonèmes est simple, stable et régulière. Une langue complètement transparente suit deux principes: à un phonème correspond une seule graphie; à une seule graphie correspond un seul phonème. À l’opposé, les langues dites « opaques » comme le français ou l'anglais ont des règles de correspondance grapho-phonémique complexes et irrégulières.[35]
Un dyslexique utilisant une langue « opaque » devient souvent dysorthographique. Il est préférable de choisir l'apprentissage d’une langue transparente pour faciliter l'apprentissage des langues chez les enfants dyslexiques.[36]
D'autre part, l'espéranto peut aider grâce à sa construction signalant pour chaque mot un trait grammatical précis, à faire comprendre les liens entre la « fonction dans la phrase » et l'« orthographe grammaticale » de chaque mot.
Espéranto et militantisme
Article détaillé : Espéranto et militantisme.L'espéranto donne lieu à un mouvement militant qui s'est notamment traduit par l'apparition en France de la liste Europe Démocratie Espéranto aux élections européennes de juin 2004. La liste a reçu 25 067 voix, soit environ 0,15% des suffrages exprimés. Elle se structure désormais au niveau européen[37].
Ce mouvement propose d'utiliser l'espéranto, de préférence à l'anglais, à la fois pour garantir une égalité de tous par rapport à la langue de communication internationale utilisée, pour préserver la pluralité linguistique et pour une plus grande efficacité.
Il s'appuie sur différentes études affirmant l'intérêt économique et politique que pourrait représenter l'utilisation de l'espéranto[38], tels que le rapport Grin, qui estime que son enseignement (en remplacement de l'enseignement des LV1 actuel) « se traduirait par une économie nette, pour la France, de près de 5,4 milliards d’Euros par année et, à titre net pour l’Europe entière (Royaume-Uni et Irlande compris), d’environ 25 milliards d’Euros annuellement »[39].
L'UNESCO a fait plusieurs recommandations en faveur de l'espéranto.
L'espéranto a également été plusieurs fois proposé comme candidat au Prix Nobel de la Paix, notamment en 2008.
Variantes de l'espéranto
Ido et Riisme
Article détaillé : Évolutions de l'espéranto.Zamenhof lui-même proposa des modifications et des réformes, mais celles-ci furent refusées par le comité Espéranto.
La volonté de corriger certains défauts de l'espéranto a poussé certaines personnes à créer des variantes telles que l'Ido ou à proposer des réformes importantes telles que le riisme.
La majorité des espérantistes est généralement hostile à ces évolutions trop fortes, de peur de diviser la collectivité entre réformistes et conservateurs et de diminuer la clarté de la langue. C'est pourquoi l'espéranto reste la plus utilisée des langues dites construites et a gardé sa stabilité interne.
Espéranto signé
Signuno est une forme gestuelle de l'espéranto. Il a pour but de permettre aux sourds de nationaliés différentes, afin que l'espéranto ne soit pas seulement utilisable sous une forme verbale ou écrite. Outre les chiffres et les lettres, un signe spécifique est associé aux morphèmes les plus courants. Les signes de Signuno sont essentiellement basés sur le Gestuno.
La culture espérantophone
Évolution de la pratique de l'espéranto
L’espéranto a longtemps été une langue plus écrite que parlée. Dès le début, toutefois, son usage oral a été assuré par les clubs d'espéranto, disséminés un peu partout en Europe, en Asie orientale et dans quelques pays d'Amérique. Les personnes intéressées s'y retrouvaient une fois par semaine ou par mois pour pratiquer la langue et accueillir des voyageurs étrangers qui l'avaient apprise. Au début du XXe siècle sont apparus de nombreux écrivains, hommes et femmes, poètes…, qui, ayant adopté l'espéranto comme langue de leurs écrits, lui ont donné sa littérature. Dans la résistance à l'occupation japonaise, des artistes coréens, notamment des réalisateurs qui seront à l'origine du cinéma nord-coréen, choisissent ainsi de se regrouper en 1925 dans une association ayant choisi un nom espérantiste: la Korea Artista Proletaria Federacio (KAPF), ou Association coréenne des artistes prolétariens.
En fait, l'usage oral de la langue, de la simple conversation à la musique, s'est surtout développé lorsque les voyages sont devenus plus accessibles et que les rencontres internationales espérantistes se sont multipliées. La mise en place de services d'hébergement chez l'habitant, comme le Pasporta Servo, et l'apparition de l'enregistrement sonore sur cassette, de même que les programmes de conversation téléphonique par ordinateur (VOIP), ont contribué à faire progresser l'utilisation orale de la langue.
Il faut également noter qu'avec l'accroissement du nombre de locuteurs, l'espéranto est devenu la langue maternelle d'enfants issus de couples espérantophones.
En défendant son idée à travers l’Europe, le Docteur Zamenhof s'est attiré la sympathie de nombreuses personnalités politiques, telles que Gandhi ainsi que la communauté international du Bahaïsme.
L'espéranto est très présent sur internet, et au 27 août 2008, le nombre de pages de la Wikipédia espéranto était de 103 217 pages.
Les curieux pourront écouter, grâce au lien à droite, des extraits du discours de Zamenhof au Premier Congrès Universel d'Espéranto (wikisource), dits par Claude Piron et enregistrés lors du congrès de Boulogne de 2005 organisé pour célébrer le centenaire de ce Premier Congrès. Ces extraits sont reproduits et traduits dans la page de description du fichier.
Ce discours est typique du style de Zamenhof, empreint de naïveté pour ses détracteurs, d'un profond humanisme pour ses sympathisants.
Littérature
De nombreuses œuvres littéraires ont été écrites ou traduites en espéranto. Des livres (comme la Bible[40], Le Petit Prince[41] ou le Manifeste du parti communiste[42]) ont été traduits en espéranto; les œuvres originales en espéranto sont également bien représentées.
Dans la série de romans de science-fiction Le Fleuve de l'éternité de l'écrivain Philip José Farmer, tous les humains ayant vécu sur la Terre sont ressuscités sur les rives d'un interminable fleuve. L'espéranto y devient rapidement de facto la langue de communication entre les riverains, et Farmer l'utilise, entre autres, pour nommer certains États qui sont fondés sur les bords du fleuve.
Presse
- Le Monde diplomatique a créé en 2002 une édition (électronique) en espéranto. Site
Cinéma
Le cinéaste suisse François Randin produit des films qui sont parlés en espéranto ou, sont sous-titrés en espéranto afin de pouvoir être compris par tout le monde.
Incubus, de Leslie Stevens (1965) avec William Shatner dans le rôle principal, fut entièrement tourné en espéranto. Tous les acteurs ont appris les dialogues dans cette langue et le film n'existe qu'en version originale en espéranto avec sous-titres.
Dans le film de Charlie Chaplin Le Dictateur les plaques des magasins du ghetto juif sont en espéranto, décrite comme « langue juive internationale » par Hitler dans Mein Kampf.
Le film Idiot's Delight avec Clark Gable nomme quant à lui « Esperanto » une dictature européenne non identifiée, utilisant une langue neutre afin de n'offenser aucun pays. Une stratégie diplomate reprise dans Street Fighter (1994) et Blade Trinity (2005).
Il est aussi possible d'entendre de l'espéranto dans la version originale du film Bienvenue à Gattaca. En effet, les haut-parleurs de l'entreprise dans laquelle travaille le protagoniste de l'histoire, font les annonces d'abord en espéranto puis en anglais.
Musique
Dans son album HIStory, Michael Jackson exploite la sonorité à la fois internationale et exotique de l'espéranto, en prononçant quelques phrases dans cette langue.
Dans le jeu vidéo Final Fantasy XI, le thème principal Memoro de la ŝtono accompagnant la cinématique d'introduction, est chanté en espéranto.
La pochette de l'album OK Computer de Radiohead présente de nombreuses phrases, dont certaines en espéranto.
Utilisation du mot espéranto en tant que métaphore
Le nom espéranto fonctionne comme un nom propre quand il désigne la langue même, mais est parfois utilisé comme nom commun (dans une sorte d'antonomase) pour représenter une langue commune ou un moyen commun dans un domaine donné où cette mise en commun ne va pas de soi. Cette utilisation du mot espéranto peut aussi bien être prise dans un sens positif que dans un sens négatif.
Dans le domaine de l'informatique, Java fut qualifié d'espéranto des langages de programmation[43], en particulier à cause de sa simplicité et de son universalité (indépendance par rapport au système d'exploitation), métaphore reprise pour XML, qualifié à son tour d'espéranto du système d'information[44].
En Allemagne et en Autriche, les opposants à l'euro le décrivirent comme Esperantogeld ou Esperantowährung (Geld = « argent » ; Währung = « Monnaie[45] ») voulant dire par là qu'un tel projet international était intrinsèquement voué à l'échec.
Annexes et sources
- Langue construite
(Aide pour les sons)