- Demographie de la Charente-Maritime
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Démographie de la Charente-Maritime
Tableaux de l'évolution démographique de la Charente-Maritime
Les deux tableaux démographiques ci-dessous représentent, le premier, l'évolution démographique par grande période historique, et le second tableau donne le détail de cette évolution.
Évolution démographique 1801 1851 1901 1931 1946 1962 1975 1982 1990 1999 2006 399 162 469 992 452 149 415 249 416 187 470 897 497 859 513 220 527 146 557 024 598 915 [1] Historique de l'évolution démographique de la Charente-Maritime
Au cours de ces deux derniers siècles, la Charente-Maritime a franchi en plusieurs étapes des seuils démographiques importants, dont celui symbolique du demi million d’habitants après 1975. Cependant, cette croissance démographique ne s’est pas faite de manière continue. Ainsi, quatre grandes phases dans l’évolution de la population du département peuvent être décrites depuis le début du XIXe siècle.
La période 1801–1861 : une période de croissance vigoureuse de la population
Après avoir augmenté de façon soutenue pendant la première moitié du XIXe siècle, qui va du Premier Empire jusqu’au Second Empire, le département atteint un premier pic de population avec 481 060 habitants en 1861. Ce record démographique, jamais enregistré jusque-là, ne sera dépassé qu'un siècle plus tard, c'est à dire en 1968, où la Charente-Maritime recensera alors 483 622 habitants. Il situait alors le département au 16e rang national.
Cependant, dans cette longue période qui part de l’époque napoléonienne jusqu’au Second Empire, trois étapes de l’histoire de la population départementale apparaissent.
La stagnation démographique de la Charente-Inférieure pendant la période napoléonienne (1801–1815)
Dans cette période troublée de l’histoire, le département de la Charente-Inférieure[4] connaît une évolution démographique médiocre, sa croissance étant particulièrement faible.
Évolution démographique 1801 1806 1821 399 162 405 592 409 477 Pendant le Premier Empire, le département entre assez rapidement dans une période de léthargie économique, imposée très tôt par le blocus continental, suite au désastre de la flotte française à Trafalgar.
Les difficultés économiques de cette époque, aggravées par les guerres napoléoniennes, font alors apparaître une relative stagnation démographique en Charente-Inférieure.
Les données statistiques sur l’évolution de la population pendant le Premier Empire sont partielles et incomplètes. Ainsi, les recensements de 1811 et de 1816 n’ayant pas eu lieu, il est difficile d’établir une évaluation précise sur la démographie de la fin de cette période. Cependant, il est à peu près certain que le département avait du enregistrer une baisse notable de sa population, d’une part, à cause des guerres napoléoniennes entraînant une importante mortalité et, d’autre part, en raison d’un solde naturel négatif, imputable à une forte baisse de la natalité pendant les dernières années du Premier Empire.
L'économie tourne au ralenti pendant le Premier Empire, à commencer par l'agriculture. Dans les campagnes saintongeaises et de l’Aunis, les activités agricoles végètent. La viticulture, source potentielle de richesse, stagne car les productions ne peuvent être écoulées vers l’étranger, notamment les fameuses eaux de vie de cognac. Si les céréales, comme l’élevage, suffisent à peine pour alimenter le marché local, une grande partie de la production agricole est cependant réquisitionnée pour les besoins de guerre. Le monde rural est donc peu prospère, frappé davantage par la misère, et les campagnes qui sont surpeuplées se vident peu à peu de leurs forces vives. Elles souffrent en effet des dures conditions de conscription imposées par l’armée, suscitant un mécontentement de plus en plus vif. Celle-ci envoie nombre de jeunes soldats, mal armés et inexpérimentés, mourir dans les guerres napoléoniennes sur les fronts de l’Est, puis pendant la dure guerre d’Espagne. Les réfractaires à la conscription sont emprisonnés dans la citadelle de Saint-Martin-de-Ré qui est mise en état de siège de 1811 à 1813. Ceux qui essaient de s’évader sont exécutés tandis que d’autres meurent de maladies[5].
Les travaux d’assainissement des marais se poursuivent autour de Rochefort et, notamment sur la rive gauche de la Charente[6], où s’opère la jonction du canal de Brouage avec le nouveau canal de Pont-L’Abbé dont le cours aval de l’Arnoult est canalisé en 1812[7]. Il sera prolongé jusqu'à la Seudre à partir de la Monarchie de Juillet et deviendra au Second Empire le canal de la Charente à la Seudre. Dans le nord du département, les travaux de construction du canal de Marans à La Rochelle sont entrepris à partir de 1806 mais cinq années plus tard ils sont abandonnés[8].
Par contre, les salines souffrent de la mévente du sel qui ne peut être écoulé par voie maritime et entraîne déjà leur abandon progressif. La région de Marennes et les îles de l’archipel charentais connaissent alors de graves difficultés économiques, le trafic du sel avec les pays du Nord étant interrompu pendant la période napoléonienne[9].
Quant au trafic maritime, il est en plein marasme. Les conséquences de la suppression douanière des « Cinq grosses fermes », puis la perte de Saint-Domingue ont porté un coup terrible à La Rochelle qui entre mal dans le nouveau siècle, où le commerce maritime est déjà en déclin. Dès les premières années du Premier Empire, la guerre avec l’Angleterre, qui a contraint Napoléon 1er à imposer le blocus continental, a entraîné la ruine de ses activités portuaires, notamment en mettant fin aux échanges maritimes avec les colonies et avec les États-Unis. La Rochelle souffre beaucoup de ce coup d’arrêt, malgré l’établissement d’un arsenal, de chantiers navals et du siège d'une importante garnison militaire. Par ailleurs, les ports fluviaux comme Marans sur la Sèvre Niortaise, Tonnay-Charente sur la Charente, Marennes sur la Seudre, voient leur trafic portuaire péricliter irrémédiablement, sans possibilité de reconversion de leurs activités. Le blocus continental les a considérablement desservis et affaiblis.
Certes, une intense activité règne sur le littoral, avec la mise en place de fortifications nouvelles ou la restauration des édifices de défense déjà existants (Fort-Liédot dans l’île d'Aix, citadelles de Le Château d'Oléron et de Saint-Martin-de-Ré), mais elle se concentre principalement autour de Rochefort, qui est alors la principale ville du département. Plus de 3 000 hommes sont employés pour les différents travaux de fortification de la côte charentaise, tous sont recrutés localement[10]. Dès 1804, Fort Boyard est en construction et va donner naissance à Boyardville sur la commune de Saint-Georges-d'Oléron[11], tandis que Fort Enet, au large de l’île d'Aix, sera édifié à partir de 1808 sur les plans de l'empereur lui-même[12]. Ces nouvelles forteresses sont établies afin de renforcer la protection de l’arsenal de Rochefort. Cet établissement militaire, qui fait la fortune de la ville, fait également l’objet de restauration suite à la visite de l’Empereur en 1808 à Rochefort, puis à La Rochelle. Après son passage dans cette dernière ville, il décide le transfert de la Préfecture de Saintes à La Rochelle par un décret de mai 1810[13].
Les villes sont dans l'ensemble petites et peu peuplées. Sept d'entre elles peuvent être identifiées comme telles pendant le Premier Empire. La population urbaine rassemble alors moins d'un habitant sur dix pendant la période napoléonienne. La Charente-Inférieure est alors un département fortement rural.
Liste des sept principales villes du département en 1806 :
ville 1806 Rochefort 14 615 hab. La Rochelle 14 000 hab. Saintes 10 300 hab. Saint-Jean-d'Angély 5 351 hab. Marennes 4 633 hab. Marans 3 764 hab. Pons 3 429 hab. Les trois principales villes du département connaissent des sorts différents pendant le règne de Napoléon 1er, leur développement est inégal et leur évolution contrastée.
- Rochefort est la "grande" ville du département. La cité de Colbert, édifiée en 1666, abrite un grand arsenal militaire, et Napoléon 1er n'a de cesse de s'occuper de cette ville. Il la dote de fontaines publiques, fait commencer les travaux d'un château d'eau[14], et encourage l'assèchement des marais alentours. Il se préoccupe de l'urbanisme en faisant notamment paver les rues de la ville. Il en accroît la présence militaire par l'augmentation des garnisons, et fait renforcer les fortifications établies depuis Colbert.
- La Rochelle est devenue la deuxième ville du département. Après avoir obtenu le siège épiscopal au détriment de Saintes en 1802[15], Napoléon 1er fait transférer le siège de la Préfecture dans la ville en 1810. Il en fait également une ville militaire en y implantant le siège de la douzième division militaire[16], et en renforce l'arsenal. Le port est empierré en 1808, mais le blocus anglais fait cesser le trafic. Malgré ses nouvelles fonctions administratives et militaires, La Rochelle est une ville assoupie derrière ses fortifications du XVIIe siècle pendant le Premier Empire, et elle a perdu un tiers de sa population à la fin de la période napoléonienne[17].
- La troisième ville, Saintes, exerça un temps le rôle de commandement administratif du département (de 1789 à 1810), mais la perte de la préfecture lui a portée un coup très rude, d'autant plus qu'elle n'abrite plus le siège de l'évêché. Cependant, elle demeure par compensation le chef-lieu judiciaire du département[18]. De plus, Napoléon 1er en fait une ville de garnison importante, où le site de l'ancienne abbaye-aux-Dames a été transformé en casernes et en vastes magasins d'habillement pour l'armée, près duquel un champ de manœuvre y est aménagé. Les travaux du cours National sont engagés au début du Premier Empire, mais ils ne seront achevés que pendant la Seconde Restauration. En fait, les travaux d'urbanisme sont "gelés" pendant l'époque napoléonienne, Saintes végète à l'abri de ses vieilles fortifications, et tourne le dos au fleuve où le trafic fluvial est pratiquement à l'arrêt.
Saint-Jean-d'Angély, Marennes, Marans et Pons sont de très petites villes, les deux premières sont des sous-préfectures, fonction qu’elles garderont pendant tout le XIXe siècle. Ce sont, à cette époque, des petites cités marchandes qu’animent des marchés et des foires attirant les ruraux des environs. La vie de ces petites villes gravite autour de leurs vieux centres urbains, généralement disposés autour d’un édifice historique ou d’un site majeur. Marennes s’organise autour de l’église Saint-Pierre-de-Sales, Marans s'affaire autour de son port fluvial sur les rives de la Sèvre Niortaise, tandis que la petite cité de Pons vit enserrée autour de son donjon médiéval. Les deux premières, qui sont des cités fluviales, vivent très mal les dures conditions imposées par le blocus continental, puis le blocus maritime des Anglais, qui ont finalement ruiné leur commerce maritime. Saint-Jean-d'Angély, qui est la plus importante des quatre, a une vie urbaine plus animée, elle est alors la quatrième ville de la Charente-Inférieure. Mais la vieille cité angérienne stagne pendant la période napoléonienne, malgré la présence d’une importante poudrière militaire qui fournit activement la marine de Rochefort en munitions, lesquelles sont expédiées par la Boutonne, alors voie navigable[19].
Aux sept villes principales, il convient de mentionner cinq autres centres qui sont davantage à cette époque des bourgs ruraux, animés par leurs marchés agricoles et leurs foires périodiques. Ces bourgades, peuplées de paysans, de commerçants et d'artisans, et aussi de soldats, ont des populations comprises entre 2 200 et 3 000 habitants.
Deux sont des citadelles militaires abritant des casernes importantes (Le Château d'Oléron et Saint-Martin-de-Ré), deux autres sont de petites cités fluviales sur la Charente (Saint-Savinien et Tonnay-Charente) et, enfin, la dernière, Jonzac, est la plus petite sous-préfecture du département, désignée comme telle sous Napoléon 1er en 1800, après la réforme administrative, où Pons et Montlieu la Garde ont perdu leurs fonctions de chef-lieu de district.
Quant à Royan, ce n'est qu'une modeste bourgade de pêcheurs, endormie sur les bords de la Gironde, et qui ne joue plus de rôle stratégique ou militaire à l'entrée de l'estuaire.
Dans les dernières années du Premier Empire, le déclin économique est profond[20]. Sur le littoral, les ports sont fermés au cabotage à cause, cette fois, du blocus maritime imposé par les Anglais[21] et les bateaux marchands ne peuvent sortir. Ils croupissent dans les bassins à flot des ports ou le long des berges fluviales. Le marasme touche profondément l’ensemble des ports charentais[22].
- Le cas de Rochefort est parlant. La ville recense 14 615 habitants en 1806, car elle abrite une importante garnison militaire, mais de 1806 à 1821, elle a perdu 2 226 habitants, soit une chute démographique de 15,2 %, ce qui correspond à 1 habitant sur 6. Ce qui est considérable.
- En ce qui concerne Marennes, cette petite sous-préfecture connaît alors un véritable déclin, son port saunier est à l'arrêt et la pêche à la morue ne peut être pratiquée. La ville passe de 4 633 habitants en 1806 à 4 193 habitants en 1821, elle a perdu un dixième de ses habitants. Elle enregistre alors son plus bas niveau démographique de toute la période contemporaine.
- Enfin, le cas de Tonnay-Charente est celui qui illustre peut-être le mieux cette situation de marasme économique à la fin de la période napoléonienne. A cause du blocus continental, puis du blocus maritime imposé par les Anglais, son port est complètement ruiné, et cela d'autant plus que ses activités dépendaient entièrement de ses relations avec la Grande Bretagne et la Hollande. La petite cité fluviale passe de 2 377 habitants en 1806 à 1 171 habitants en 1821. Elle a perdu plus de la moitié de ses habitants en une quinzaine d'années.
Ces différents exemples suffisent à montrer que les villes militaires et littorales ont payé un lourd tribut au blocus continental et aux guerres napoléoniennes.
Quand Napoléon 1er quitte la France, il foule pour la dernière fois le sol national en terre charentaise[23]. Mais il laisse un département à l’économie exsangue et aux villes en crise profonde qui, cependant, retrouveront vite la prospérité à l’époque suivante, c’est-à-dire pendant la Seconde Restauration, sous le règne de Louis XVIII.
L'explosion démographique de la Charente-Inférieure dans la période de la Restauration et de la Monarchie de Juillet (1815 – 1848)
Les données du recensement de 1821, qui a eu lieu six années après la fin des hostilités napoléoniennes, montrent que le département s’est à peine accru dans l’intervalle des quinze années qui se sont écoulées entre 1806 et 1821. Cette faible croissance démographique masque en fait des pertes importantes que les naissances nombreuses du début de la Seconde Restauration ont pu masquer lors du retour de la paix.
La démographie de la Charente-Inférieure pendant la Seconde Restauration
Pendant la période de la Restauration, une vigoureuse croissance démographique est enregistrée, elle est surtout le fait des campagnes, mais cet essor profite également aux villes bien qu'il soit de moindre ampleur.
Évolution démographique 1821 1826 1831 409 477 424 417 445 249 Dès le lendemain de la chute du Premier Empire, il y a eu incontestablement une reprise très forte de la natalité dans les campagnes saintongeaises et aunisiennes. Ce rebond démographique a été stimulé par une reprise économique dès les premières années de la Restauration.
En une dizaine d'années seulement, le département de la Charente-Inférieure s'est accru de 35 772 habitants, soit une croissance annuelle de 3 577 habitants, ce qui est un véritable record démographique, car dans le reste du siècle, le département n'affichera plus de tels scores!
Cette croissance démographique est imputable en très grande partie aux campagnes qui sont alors très peuplées. Elles commencent à s'enrichir un peu, mais ce sont surtout les régions viticoles de la Saintonge et de l’Aunis qui s'accroissent le plus vigoureusement. De grosses communes rurales retrouvent en effet la prospérité grâce à l’essor de la vigne et à la reprise du négoce des eaux de vie de cognac vers l'Angleterre et l'Europe du Nord. Mais la vigne n'a pas encore atteint le stade de la quasi monoculture.
Grâce à la reprise générale de l'agriculture, la culture des céréales reprend son essor, bien qu'elle demeure nettement insuffisante pour alimenter le marché local. Il s'agit essentiellement d'une agriculture vivrière, et nombre de villages vivent en autarcie, tant les voies de communication sont peu développées. Cette agriculture de subsistance est une vieille pratique rurale qui nécessite une modernisation de ses structures de production, mais pendant la Restauration, les mentalités rurales et paysannes sont lentes à évoluer. Le département est alors obligé de faire venir du blé du Poitou. C'est par ses deux ports fluviaux, spécialisés dans le trafic du blé et des farines, que sont Marans et Saint-Jean-d'Angély, que la Charente-Inférieure peut faire face à la demande, surtout urbaine. Celle-ci devient de plus en plus importante, à cause de l'augmentation rapide de la population, et inquiète les autorités préfectorales qui n'auront de cesse de veiller à ce problème sensible.
L'élevage participe à ce mouvement général de reprise économique, mais là encore, l'économie de subsistance en limite les progrès. Malgré cette résistance, les foires à bestiaux se multiplient dans les chefs-lieux de canton, où des champs de foire y sont aménagés. Une partie des transactions commerciales est destinée aux marchés urbains et surtout à la place militaire de Rochefort. L'élevage des chevaux, en particulier celui qui est pratiqué dans les Marais de Rochefort et de Brouage, retrouve son essor. Ces derniers sont élevés pour équiper l'importante garnison militaire de Rochefort, qui est véritablement à l'origine de l'élevage équin en Charente-Inférieure.
La population rurale occupe 84,1 % de la population totale du département en 1821! La densité de population rurale y est alors fort élevée. Seize communes rurales ont plus de 2 000 habitants à cette date, dont trois se situent parmi les dix communes les plus peuplées du département!
Liste des dix plus grosses communes rurales de la Charente-Inférieure en 1821 :
commune rurale 1821 Saint-Pierre-d'Oléron 4 419 hab. Saint-Georges-d'Oléron 3 896 hab. Ars-en-Ré 3 612 hab. La Flotte-en-Ré 2 556 hab. Chaniers 2 532 hab. Gémozac 2 461 hab. Arvert 2 425 hab. Mirambeau 2 336 hab. Dompierre-sur-Mer 2 332 hab. Pérignac 2 265 hab. Pendant les années de la Restauration, le littoral est "en convalescence", mais il reprend de plus en plus de la vigueur, même s'il est encore un peu moins attractif que la Saintonge continentale. Il subit en effet les contrecoups du blocus continental, où les activités maritimes rebondissent doucement.
Les marais de Marennes et de Brouage, délaissés pendant le Premier Empire, vont être l'objet d'une énergique reprise en main. Le sous-préfet de Marennes, Le Terme, fait réaménager ces marais en terres d'élevage à partir de 1818, grâce à un assainissement par la mise en place de collecteurs et de canaux d'irrigation[24]. La région de Marennes retrouve alors une véritable attractivité. La ville enregistre du coup son premier maximum démographique pendant cette première moitié du XIXe siècle.
Les salines du littoral sont encore fort étendues, leurs surfaces sont comprises entre 40 000 et 50 000 hectares en 1830, ce qui est vraiment considérable. Elles font vivre des milliers de personnes, car il s'agit d'une activité très exigeante en main d'œuvre. L'extraction du sel marin est concentrée dans trois grandes zones de production : l'île de Ré, autour du gros village d'Ars-en-Ré, l'île d'Oléron, sur toute sa bordure orientale qui va de Saint-Trojan-les-Bains jusqu'à Boyardville, où Le Château-d'Oléron est le grand port saunier de l'île, et le bassin de la Seudre, où Marennes est le principal centre d'expédition du sel. Pendant la période de la Restauration, les salines constituent une richesse considérable, c'est "l'or blanc" du littoral charentais, mais cette richesse est parvenue à son apogée.
L’archipel charentais est très prospère pendant cette période de reprise économique et les deux îles principales, (Oléron et Ré), sont surpeuplées. Saint-Pierre et Saint-Georges sont les deux plus grosses communes viticoles et rurales de l’île d'Oléron, leur population communale les classe respectivement au 5e et 8e rang des communes du département en 1821, tandis qu’Ars-en-Ré, grosse commune de sauniers et de pêcheurs, arrive au 9e rang départemental à cette même date! C'est d'ailleurs et de loin la commune la plus peuplée de l'île de Ré. Les îles doivent cette fortune à la fois aux salines et à la vigne, ainsi qu'à la pêche, qui sont alors leurs trois principales sources de richesse économique.
La reprise du commerce maritime s'amorce timidement et profite surtout à La Rochelle, dont le trafic portuaire est de nouveau stimulé par les relations avec les Etats-Unis pour l'expédition des vins et des eaux de vie, avec les pays de l'Europe du Nord pour l'importation des bois scandinaves et avec l'Angleterre pour l'importation du charbon[25]. Les échanges avec les anciennes colonies sont rétablis et alimentent de nouveau les raffineries de canne à sucre, abandonnées pendant le blocus maritime. Cette reprise du commerce maritime est également signalée dans les ports fluviaux établis sur la Charente, notamment dans celui de Saint-Savinien, dont le cabotage maritime avec La Rochelle est redevenu actif pour l'expédition des vins, des eaux de vie, du sel et de la pierre de Saintonge. Saint-Savinien se développe rapidement aux dépens de Tonnay-Charente, dont le trafic portuaire a été ruiné à la fin du Premier Empire. Mais ce port reconstituera rapidement son trafic et sera grandement modernisé à l'époque suivante.
C'est encore dans cette période de renouveau des activités économiques[26] que la pêche connaît un véritable essor, qui profite aussi bien à La Rochelle qu'aux petits ports de la côte charentaise (ports de pêche de la Seudre comme Marennes ou Saujon ; ports de pêche des îles charentaises). La Rochelle, qui avait déjà une longue tradition de pêche à la morue sur les bancs de Terre Neuve, retrouve alors un nouveau départ pour son port de pêche[27].
Sur le littoral, une nouvelle activité économique naît et va bouleverser la vie du département dans les décennies suivantes. La mode des bains de mer commence à toucher les plages du département, et apporte un nouveau souffle à l'économie littorale. Deux villes notamment sont concernées : La Rochelle et Royan.
La Rochelle se dote d'un établissement de bains de mer en 1826[28] et aménage un parc tout en longueur établi en bordure de l'océan, le Mail[29]. Cette activité économique, innovatrice pour l'époque, a apporté un nouvel élan à l'urbanisation de la ville avec la création du nouveau quartier de La Genette, situé au-delà des anciennes fortifications de Ferry édifiées en 1685.
Sur la rive droite de la Gironde, une nouvelle ville, certes encore bien petite à l'époque, naît grâce à la toute nouvelle fonction balnéaire. Royan, alors modeste village de pêcheurs de sardines endormi à l'entrée de la vaste embouchure de la Gironde, commence sa mue urbaine. La bourgeoisie urbaine de Bordeaux découvre le site remarquable de cet ancien port qui gardait autrefois l'entrée de l'estuaire, et commence à s'y installer, en y faisant construire les premières résidences de villégiature. Un premier établissement de bains de mer est édifié dès 1824, il est le plus ancien de tout le département. La petite cité fait paver ses rues et s'embellit par la plantation de promenades. Un service régulier de steamer sur la Gironde est mis en service entre la station balnéaire naissante et la capitale de l'Aquitaine. La jeune station n’atteint pas encore les 3 000 habitants[30].
Durant toute la période de la Restauration, les villes sont encore petites et peu nombreuses, une douzaine tout au plus est répertoriée comme telles en 1821[31], et elles connaissent des évolutions assez inégales. Cependant, les villes commencent à se développer rapidement. En 1821, elles regroupent seulement 15,9 % de la population totale du département, soit moins d'un habitant sur huit réside dans une ville à cette date.
Liste des douze villes de la Charente-Inférieure en 1821 :
ville 1821 Rochefort 12 389 hab. La Rochelle 12 237 hab. Saintes 10 274 hab. Saint-Jean-d'Angély 5 541 hab. Marennes 4 193 hab. Marans 3 997 hab. Pons 3 605 hab. Saint-Savinien 3 283 hab. Le Château-d'Oléron 2 632 hab. Jonzac 2 465 hab. Royan 2 339 hab. Saint-Martin-de-Ré 2 333 hab. En 1821, aucune ville n’atteint les 20 000 habitants dans le département. Seules trois villes ont plus de 10 000 habitants (Rochefort, La Rochelle et Saintes) et elles demeureront aux siècles suivants les trois principales villes de la Charente-Maritime.
A cette époque, et même pendant tout le XIXe siècle, Rochefort est la ville la plus peuplée du département. En 1821, elle est même l’une des trois premières villes de Poitou-Charentes, se situant après Poitiers (23 315 habitants) et Angoulême (15 025 habitants).
La démographie de la Charente-Inférieure pendant la Monarchie de Juillet
C'est à partir de la Monarchie de Juillet que l'évolution démographique du département ralentit, sa croissance est certes régulière, mais elle est moins vigoureuse que dans la période précédente.
Évolution démographique 1831 1836 1841 1846 445 249 449 649 460 245 468 103 Pendant cette période, où la poursuite de l'essor économique est pourtant bien réelle, la population du département enregistre une croissance démographique de 22 854 habitants, ce qui correspond à un gain annuel de 1 524 habitants pendant une quinzaine d'années. Cette croissance est deux fois moins élevée que celle observée dans la période de la Seconde Restauration. Il y a donc un ralentissement de la croissance démographique où, au moins, deux raisons peuvent être avancées pour expliquer cette situation.
- Tout d'abord, de graves épidémies de choléra frappent régulièrement la population, aussi bien les îles que les villes ; celles de juillet 1832[32] et de 1834 ont été meurtrières, touchant en particulier les populations de l'île de Ré et de La Rochelle[33]. De plus, les habitants des marais souffrent périodiquement de paludisme[34], et bien souvent, les garnisons de Rochefort sont désertées pendant la période chaude. Ailleurs, le scorbut est relevé, étant dû au manque de vitamines[35]. Ces mauvaises conditions hygiéniques affectent la démographie du département, bien qu'un système de santé publique commence à se mettre en place. Mais il est vrai que les populations rurales, d'ordinaire méfiantes, résistent encore longtemps aux mesures de prophylaxie préconisées par les pouvoirs publics, en particulier les vaccinations[36].
- Ensuite, la Charente-Inférieure commence à être touchée par le phénomène de l'exode rural, dont une partie de la population sera résorbée par les villes du département. Ce sont les campagnes surpeuplées de la Saintonge méridionale (Haute Saintonge) et du Nord-Est du département qui sont les premières atteintes par ce phénomène démographique qui va vider progressivement les villages de leurs forces vives. S'il est vrai que ce phénomène est faiblement perceptible en Charente-Inférieure, il se met inexorablement en place dès la Monarchie de Juillet, et il touche déjà le département voisin de la Charente[37].
Les conditions de vie dans les campagnes n'ont pas encore subi de profondes transformations pendant la Monarchie de Juillet, les mentalités sont enracinées dans des traditions très vivaces, qu'amplifie l'isolement des villages à l'écart des voies de communication.
Ainsi, l'agriculture reste très traditionnelle dans ses formes d'exploitation, l'agriculture vivrière étant encore fortement pratiquée. La culture du blé commence cependant à se généraliser de plus en plus, au détriment des cultures plus traditionnelles comme l'avoine, le seigle et l'orge. Cependant, la production de céréales, qui est davantage orientée vers la consommation villageoise, demeure toujours insuffisante pour alimenter les marchés urbains. Ainsi surgissent de graves émeutes urbaines durant l'hiver 1838-1839, notamment à Marans et à La Rochelle, en raison d'une hausse excessive des prix des grains et des farines[38]. Malgré les insuffisances des productions agricoles, le département ne connaît plus la famine, comme dans les siècles précédents. Seule, la disette a continué de sévir, de manière sporadique, parmi le petit peuple des villes.
Une certaine ouverture d'esprit se met progressivement en place dans le monde paysan, grâce à l'influence grandissante des comices agricoles, et les premières cultures industrielles sont introduites pendant la Monarchie de Juillet. Ainsi, les premiers plants de betterave à sucre commencent-ils à être ensemencés en Aunis dès 1840, précisément à Ballon, suite à la fermeture des dernières raffineries de canne à sucre à La Rochelle en 1837[39]. Le colza est également expérimenté en plaine d'Aunis dans cette même période. Cette nouvelle culture procure des gains substantiels aux paysans, qu'ils en augmentent rapidement les plantations. Le colza alimente alors les deux huileries industrielles de La Rochelle.
L'essor de l'élevage est surtout signalé dans les marais nouvellement aménagés pendant la mandature du préfet Le Terme. Les Marais de Brouage et de Marennes sont devenus des terres d'élevage bovin pour la viande. Ils alimentent les abattoirs des villes, dont ceux de Tonnay-Charente, créés en 1845. Le Marais de Rochefort s'est spécialisé dans l'élevage équin, dont la prospérité a repris dès la fin du Premier Empire et est assurée grâce au port militaire de Rochefort. Dans ce même temps, Saintes qui abrite une garnison dans les bâtiments de l'Abbaye-aux-Dames, désaffectés pendant les sombres heures de la Révolution et convertis en casernes, reçoit un dépôt d'étalons en 1846, c'est l'ancêtre du Haras national de Saintes[40]. Dans l'ensemble, l'élevage se développe peu, mais il est l'objet de transactions de plus en plus importantes dans les chefs-lieux de canton et dans les villes, où souvent des champs de foire sont aménagés à leur effet. Outre leur aspect économique évident, les foires continuent de jouer un rôle social très important pour le milieu rural, où elles mettent les campagnes en relation avec le "monde extérieur".
C'est également pendant cette période prospère de la Monarchie de Juillet qu'une certaine richesse s'installe dans les campagnes viticoles de la Saintonge et de l'Aunis. La viticulture fait un bond en avant, elle occupe désormais 1/5e des terres agricoles du département, soit 111 000 hectares de vigne. Cette expansion des terres viticoles est imputable à l'écoulement de la production des eaux de vie de cognac vers les nouveaux comptoirs coloniaux de l'Algérie, et vers un nouveau marché émergeant, celui des États-Unis d'Amérique. La production est alors écoulée par le port de La Rochelle, qui a renoué avec le trafic maritime dès la Restauration. Quant au marché britannique, celui-ci redevient le principal débouché des eaux de vie de cognac, mais l'écoulement de cette production est freinée par une taxation de plus en plus élevée. Cependant, Tonnay-Charente redevient le plus grand port des expéditions du cognac à partir de la Monarchie de Juillet, prééminence qu'il gardera pendant tout le reste du XIXe siècle. Ce port fluvial tire de nouveau sa croissance grâce au fleuve Charente.
C'est que la Charente est redevenue la grande artère fluviale des deux départements charentais, par laquelle s'écoulent les différentes productions régionales. Les expéditions concernent les bois et les céréales du Limousin, les papiers, les canons, les textiles de l'Angoumois, les eaux de vie de Cognac, les poteries, les céramiques et les pierres de la Saintonge, ainsi que les cuirs et les peaux, tandis que le sel, les huîtres et les poissons, qui proviennent du littoral charentais, sont dirigés vers l'Angoumois et le Limousin. Le fleuve est alors l'objet de travaux d'aménagement (amélioration des chemins de halage, entretien régulier des berges, édification de ponts), et nombre de villes et de gros villages construisent des appontements ou des quais en pierre, comme à Saintes, Saint-Savinien et Tonnay-Charente. Ce sont alors les trois grands ports de la Charente-Inférieure qui s'activent sur les bords de la Charente.
- Saintes renoue avec le trafic fluvial pendant la Monarchie de Juillet. Son port fluvial connaît un regain d'activité et est modernisé par l'empierrement de ses quais de la rive gauche (Port La Rousselle, Port des Frères Cordeliers et Port Mouclier [41], Port du Sel, Port Saint-Aignan et Port des Tanneries[42]). Les grandes maisons de négoce du cognac de l'antique cité marchande utilisent le grand port gabarier de Saintes pour expédier les eaux de vie aux ports de transit de Saint-Savinien et de Tonnay-Charente. Des quais du Port des Tanneries partent les peaux travaillées dans les tanneries et les mégisseries de la ville, tandis que des quais du Port La Rousselle sont expédiées des céramiques produites dans des manufactures de faïences fines créées en 1837[43]. La ville connaît un nouvel essor, et un nouveau pont est construit sur la Charente, en 1843, en remplacement du vieux pont romain.
- Saint-Savinien, à 15 km en aval de Saintes, s'affirme pendant la Monarchie de Juillet comme l'un des principaux ports fluviaux sur la Charente. Il est situé au lieu de rupture de charge entre la navigation maritime et la navigation fluviale. Le port tire alors un gros avantage de sa situation sur le fleuve, où remonte la marée. Situé entièrement sur la rive droite de la Charente, il est équipé de quais, empierrés en 1840, qui s'étirent sur une longueur totale de 1 500 mètres, et peut recevoir des navires de haute mer de deux cents tonneaux dont le tirant d'eau maximal est de 3 mètres. C'est également un port gabarier qui reçoit les eaux de vie de toute la Saintonge, lesquelles sont transportées vers La Rochelle, alors port expéditeur du cognac en concurrence avec Tonnay-Charente. Le port de Saint-Savinien est depuis longtemps un port saunier, étant la plateforme de redistribution du sel marin, dont la tradition commerciale remonte au Moyen Age. Ce sel, en provenance des côtes charentaises, déchargé au port, est ensuite transporté sur les gabares en partance pour Cognac, alors le grand port saunier de la Charente. Depuis Saint-Savinien sont également expédiées des poteries de la Saintonge et surtout la fameuse pierre de taille. Celle-ci est extraite dans les carrières des alentours et contribue en grande partie à la prospérité de la petite cité marchande. L'importance de cette industrie extractive est telle qu'elle fait travailler 300 ouvriers dans ses carrières souterraines. Une petite cité ouvrière archaïque, faite de petits maisons basses, s'est spontanément créée au nord du bourg, à proximité des lieux d'extraction. Les pierres de taille de la région, réputées pour leur robustesse, sont donc exportées dans le monde entier, à Londres, Anvers, même vers les Etats-Unis d'Amérique. Le port charge aussi sur ses quais les huîtres et les poissons venant du littoral charentais. Une cale de carénage abrite un important chantier de construction navale, où sont construits des goélettes, des morutiers et autres gabares à fond plat. Toute une population de marins, de négociants et d'ouvriers anime alors les quais de Saint-Savinien. Le port est à son apogée pendant la Monarchie de Juillet et la population de la petite cité fluviale atteint alors son maximum démographique en 1846.
- Tonnay-Charente est avant tout le "port maritime de Cognac"[44]. La petite cité marchande, ruinée par le blocus continental pendant l'époque napoléonienne, retrouve la prospérité, grâce au rétablissement du commerce maritime des eaux de vie de cognac. La reprise s'est établie lentement, dès la fin de la Restauration, mais le commerce du sel est délaissé, alors que la ville fut encore au XVIIIe siècle le "grenier à sel" de l'Europe. Les relations avec les négociants d'Angoulême et surtout de Cognac prennent le dessus et dominent rapidement l'activité portuaire, où se met en place un intense trafic de gabares, chargées de la précieuse eau de vie. Situé au lieu de rupture de charge, où la marée permet de faire venir des navires de plus de 5 mètres de tirant d'eau, Tonnay-Charente, plus connu alors sous le nom de "Charente" dans les milieux marins, exporte le cognac principalement vers l'Angleterre et les Pays-Bas. Son port a été modernisé dans les années 1840, la longueur développée de ses quais, nouvellement empierrées, est de 600 mètres, auxquels s'ajoutent six appontements, et des entrepôts pour le stockage des marchandises[45]. Toutes ces installations portuaires sont situées sur la rive droite du fleuve. Le port fluvial, qui est aussi un port maritime, devient rapidement le premier port exportateur des eaux de vie de cognac, et va connaître dans les années suivantes une prospérité plus grande encore. En 1842, un pont, à l'architecture innovante pour l'époque, enjambe la Charente, et fait de Tonnay-Charente le lieu de passage obligé entre la Saintonge et l'Aunis que sépare symboliquement le fleuve.
Sur le littoral, le regain d'activité entamé durant la Restauration s'affirme, mais la reprise économique est contrastée, et n'affecte pas de la même manière tous les secteurs du domaine maritime.
En 1840, le nouveau système de dérégulation économique du sel influe gravement sur la production du sel marin. De sérieuses difficultés de mévente s'ensuivent assez rapidement et les salines de la région de Marennes et du bassin de la Seudre, ainsi que de l'archipel charentais et du littoral de l'Aunis, commencent à être progressivement abandonnées[46]. Les producteurs charentais n'arrivent pas à faire face à la concurrence des sels du Midi, mais davantage encore à celle du sel gemme. Cette dernière production exploitée selon des techniques industrielles en Grande Bretagne et en France fait chuter le prix du sel sur le marché européen[47]. A partir de cette date débute irrémédiablement le déclin des salines de la Charente-Inférieure, à commencer par celles du bassin de la Seudre et du littoral aunisien (salines d'Angoulins-sur-Mer), puis celles de l'île d'Oléron. Les salines de l'île de Ré vont mieux résister, grâce à la proximité du marché rochelais, où la pêche à la morue verte est en plein essor et nécessite de grosses quantités de sel marin.
La pêche, qui est une des activités essentielles du littoral charentais, enregistre un bel élan, surtout à La Rochelle qui fait construire un nouveau bassin à flot dont les travaux ont commencé dès 1807[48], et aussi dans de plus petits ports, comme celui de Saujon qui, avec son port d'attache de Ribérou, se spécialise dans la pêche à la morue de Terre-Neuve et à la sardine du Morbihan[49]. Dans l'île de Ré, la moitié de la population active est constituée de pêcheurs, dont les ports d'Ars-en-Ré et de La Flotte abritent d'importantes flottilles de bateaux de pêche, les coureauleurs, qui sont de légères embarcations pêchant dans la mer des pertuis charentais.
C'est à partir des dernières années de la Monarchie de Juillet que les villages commencent à être touchés par l'exode rural. Les conditions de vie à la campagne demeurent somme toute assez rudes et la misère touche une grande partie des paysans, surtout les journaliers et les métayers, un peu moins les artisans ruraux qui, cependant, seront contraints de quitter les villages en déclin. La population rurale demeure encore très importante, elle occupe 85 % de la population départementale. C'est dans cette époque que les villes commencent à se développer, surtout Rochefort, tandis que La Rochelle et Saintes s'accroissent plus modérément.
Liste des dix premières villes de la Charente-Inférieure pendant la Monarchie de Juillet (recensements de 1831, 1836, 1841 et 1846) (Liste par ordre décroissant établi en 1846)
Ville 1831 1836 1841 1846 Rochefort 14 040 hab. 15 441 hab. 20 077 hab. 21 840 hab. La Rochelle 14 629 hab. 14 857 hab. 16 720 hab. 17 465 hab. Saintes 10 437 hab. 9 559 hab. 9 994 hab. 11 363 hab. Saint-Jean-d'Angély 6 031 hab. 5 915 hab. 6 107 hab. 6 484 hab. Marans 4 041 hab. 4 557 hab. 4 713 hab. 4 897 hab. Pons 3 726 hab. 4 294 hab. 4 543 hab. 4 661 hab. Marennes 4 605 hab. 4 542 hab. 4 469 hab. 4 580 hab. Saint-Savinien 3 559 hab. 3 550 hab. 3 507 hab. 3 612 hab. Tonnay-Charente 2 106 hab. 3 202 hab. 3 435 hab. 3 304 hab. Royan 2 589 hab. 2 761 hab. 2 957 hab. 3 110 hab. Rochefort demeure pendant la Monarchie de Juillet la plus importante ville de la Charente-Inférieure. Elle est d’ailleurs la première des villes du département à franchir le cap des 20 000 habitants pendant la période contemporaine (20 077 habitants en 1841). La cité de Colbert est le grand port militaire de toute la façade atlantique pendant le règne de Louis Philippe, et abrite un arsenal actif où sont construits les bâtiments de la Marine Nationale. La ville développe son commerce fluvial et fait creuser des bassins à flot dans le courant des années 1840[50], et en 1842, obtient le siège d'une chambre de commerce[51]. La ville possède de beaux immeubles en pierres de taille de l'époque classique édifiées dans son centre qui est agrémenté de fontaines, de bornes-fontaines et de belles promenades, ainsi que de jardins publics. Rochefort a le privilège de posséder une école de navigation et d'hydrographie et une école de santé navale. Elle possède un hôpital de 1 200 lits qui est le plus vaste de la région. Le développement urbain s'est effectué, dans cette première moitié du XIXe siècle, autour du cœur historique de la ville, au-delà de ses fortifications érigées par l'ingénieur Ferry en 1685. Le vieux quartier populaire du Faubourg, établi à l'ouest de la ville depuis le XVIIIe siècle, n'a cessé de s'agrandir et de s'étirer en direction des marais desséchés, tandis qu'autour de la nouvelle zone portuaire, en bordure du fleuve, un développement anarchique s'est spontanément créé. Les rues de la ville sont pavées et larges, et elles sont bordées d'arbres, mais les entrées de ville sont moins avenantes. Rochefort reste malgré tout la "grande ville" de la Charente-Inférieure, elle attire beaucoup de ruraux qui fuient leur conditions de vie assez misérables et aspirent à de meilleures conditions de vie en ville.
A la fin de la Monarchie de Juillet, la Charente-Inférieure compte deux autres villes de plus de 10 000 habitants (La Rochelle et Saintes), mais l’évolution de ces deux dernières est plutôt lente, alors que Rochefort a presque doublé sa population.
De 1831 à 1846, hormis Marennes qui atteint son premier maximum démographique en 1831 qu'elle ne dépassera que pendant la Troisième République, toutes les autres petites villes enregistrent des croissances démographiques, et quelquefois dans d'importantes proportions. Deux d'entre elles Marans et Saint-Savinien) ont atteint leur maximum démographique à la fin de la Monarchie de Juillet.
- Marans se classe en 1846 à la cinquième place des villes du département et atteint son maximum démographique qu'elle n'a toujours pas dépassé à ce jour. La cité fluviale est alors devenue un actif centre de batellerie sur la Sèvre Niortaise, mais elle ne se remet toujours pas de la perte de son trafic avec le Canada depuis la fin du XVIIIe siècle. Cependant, Marans demeure le principal port céréalier du Poitou, l'avant-port de Niort, par lequel transitent également des peaux et des cuirs fournissant les importantes chamoiseries et ganteries de cette ville.
- Saint-Savinien, sur la Charente, est la huitième ville de la Charente-Inférieure en 1846. Tout comme Marans, elle atteint son maximum démographique, qu'elle n'a pas dépassé depuis cette date.
- Pons se situe à la sixième place en 1846. Pendant la Monarchie de Juillet, la petite ville sur la Seugne ne cesse de prospérer, elle gagne 935 habitants en une quinzaine d'années (+ 25 %), et enregistre alors une des plus fortes croissances démographiques parmi les villes de sa catégorie.
Pons doit cet essor urbain au développement de ses différentes industries. Ses mégisseries et ses tanneries se sont établies le long de la Seugne, auxquelles s'ajoutent des filatures de laines pour la fabrication d'étoffes diverses et des extractions de carrières pour fournir des pierres de construction. Ces différentes manufactures emploient une population ouvrière nombreuse qui s'entasse alors dans un nouveau quartier populaire, le faubourg des Aires, situé aux portes méridionales de la vieille cité historique. C'est également une place commerciale active, où le négoce des céréales et des vins contribue à accroître la prospérité de la ville. La petite cité se pare alors de belles maisons de ville, d'un élégant jardin public, d'une fontaine au centre de la place du marché et des bornes-fontaines dans ses rues principales, fait construire un château d'eau en 1829, une nouvelle église y est édifiée dans le nouveau faubourg (église Saint-Martin), un pont sur la rivière y est construit, et le site du donjon médiéval, acquis en 1807, abrite les services de l'hôtel de ville[52]. Pons donne l'image d'une ville dynamique et attractive dont l'essor se poursuivra dans la décennie suivante.
- Tonnay-Charente, malgré une légère décroissance dans la période 1841-1846, a vu sa population augmenter considérablement, de plus d'un tiers. Elle doit son développement urbain grâce à l'essor fulgurant de son port fluvial, dont l'activité ira croissante dans le courant du XIXe siècle.
- Enfin Royan, la toute nouvelle station balnéaire en vogue, continue de croitre très régulièrement. Elle devient la dixième ville du département. Ses rues sont pavées, la ville se dote de nouveaux et beaux édifices et de villas somptueuses. Son essor urbain inspire l'écrivain Eugène Pelletan qui la décrit dans son roman "Naissance d'une ville"[53].
A la fin de la Monarchie de Juillet, l'urbanisation est en marche en Charente-Inférieure, même si, à l'aube des grands bouleversements qui vont se produire pendant la deuxième partie de ce XIXe siècle, le taux de population urbaine est encore faible avec environ 1 personne sur 5 résidant alors dans une douzaine de petites villes.
La continuité de la croissance démographique de la Charente-Inférieure de la Deuxième République à la première décennie du Second Empire (1848 – 1861)
C’est dans cette période très prospère pour le département, notamment pendant le Second Empire, que la Charente-Inférieure enregistre son premier maximum démographique, avec une population totale de 481 060 habitants en 1861.
Évolution démographique 1846 1851 1856 1861 468 103 469 992 474 828 481 060 L'analyse du tableau statistique ci-dessus montre que la croissance démographique continue de ralentir en Charente-Inférieure, à l'instar de ce qui a pu être observé pendant la Monarchie de Juillet. Globalement, le département enregistre une croissance positive, s'accroissant de 12 957 habitants entre 1846 et 1861, soit un gain annuel de 864 habitants, ce qui est nettement moins important que dans la période précédente. Pourtant, dans le détail, deux périodes différentes apparaissent, et tranchent assez nettement par leurs aspects démographiques.
- Tout d'abord, la période de la Seconde République - 1848-1852 - est marquée par une véritable stagnation démographique, où le département ne s'accroit que de 1 889 habitants entre 1846 et 1851. Une des dernières épidémies meurtrières de choléra morbus est enregistrée en 1849 en Charente-Inférieure, elle touche particulièrement Rochefort. Mais les mesures de prophylaxie de cette époque, encouragées par les pouvoirs publics, commencent à porter leurs premiers fruits, notamment en ce qui concerne les pratiques de l'hygiène et la recherche de la qualité de l'eau.
- Ensuite, la croissance démographique repart nettement pendant la première décennie du Second Empire. De 1851 à 1856, elle enregistre un net rebond, affichant une croissance de 5 836 habitants, puis entre 1856 et 1861, cette croissance s'accélère avec un gain de 6 232 habitants. L'origine de cet essor démographique, qui va s'amplifiant, s'explique par un courant migratoire positif où le département attire de nouvelles populations, à la fois grâce à l'essor remarquable de la vigne et à l'attractivité des principales villes de la Charente-Inférieure.
Ce maximum démographique est l'aboutissement d'un demi siècle de croissance très régulière, même si la tendance dans les deux dernières décennies est caractérisée par un réel ralentissement. Ainsi, dans la période 1831-1861, une analyse détaillée des données démographiques indique que le département enregistre à la fois un solde naturel et un solde migratoire largement positifs :
- Tableau récapitulatif de l'évolution démographique du département de la Charente-Inférieure dans la période 1831-1861 :
' Variation de la population Solde naturel Solde migratoire Période 1831-1861 + 35 700 hab. + 21 400 hab. + 14 300 hab. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, le département entre dans une période de grands bouleversements, qui affectent aussi bien les campagnes que les villes.
De véritables transformations s'opèrent dans les campagnes charentaises, surtout à partir du Second Empire. Les premières applications des nouvelles techniques agricoles vont apporter un réel progrès et un changement des méthodes d'exploitation. En 1849, l'implantation d'une ferme-école à Puilboreau[54], aux portes de La Rochelle, inaugure symboliquement cette transformation du monde agricole au début de la seconde moitié du XIXe siècle. La modernisation de l'agriculture commence avec l'introduction de nouvelles charrues[55] qui remplacent les vieux araires et les herses en bois[56]. Les techniques agricoles, longtemps restées archaïques, n'apportaient que de faibles rendements, 10 quintaux à l'hectare pour le blé était la moyenne obtenue à la veille du Second Empire[57]. L'application des engrais et l'emploi des nouvelles charrues a permis de démultiplier rapidement la productivité agricole. L'utilisation des nouvelles techniques agricoles a fini par supprimer les jachères et mettre fin progressivement à l'agriculture d'autosubsistance, pratiquée notamment par les métayers.
Les surfaces consacrées à la culture du blé, ainsi qu'à l'avoine, ont rapidement augmenté au détriment des cultures traditionnelles comme le seigle et la baillarge. La culture du maïs, importé depuis le XVIIIe siècle, fait également des progrès, elle est surtout pratiquée dans les vallées humides et dans les marais. De même, la culture des pommes de terre, introduites pendant le Premier Empire, commence à se généraliser, tandis que la culture des plantes sarclées (topinambours, betteraves fourragères) fait ses premiers pas.
Mais la grande affaire de cette époque c'est la vigne. Celle-ci devient en effet la principale source de richesse du département. C’est que la vigne, plus que toute autre culture, a apporté un véritable enrichissement aux habitants du département, et a contribué à améliorer leurs conditions de vie. En un mot, la vigne enrichit et fait vivre dans l'aisance ceux qui la possèdent.
La viticulture a été considérablement développée et stimulée pendant le Second Empire. Le traité de libre échange avec la Grande Bretagne, signé en 1860, a favorisé un essor sans précédent du négoce des eaux de vie de cognac. Il succède au trafic commercial déclinant avec les États-Unis d'Amérique, dont les échanges s'amenuisent déjà avant la guerre de Sécession. Ainsi, la Charente-Inférieure détenait le plus grand vignoble du monde[58], avec plus de 116 000 hectares de vigne en 1856. La progression du vignoble a été impressionnante pendant la première décennie du Second Empire où, entre 1852 et 1862, 3 433 hectares ont été plantés en vigne chaque année dans le département[59]. Cette extension de la vigne s'est faite aux dépens des cultures de céréales, même de celle du blé.
Les grosses communes rurales, situées au cœur des campagnes viticoles de la Saintonge et de l'Aunis, connaissent un véritable « âge d’or » pendant le Second Empire. Celles-ci sont les plus dynamiques et les plus prospères du département, enregistrant alors des croissances démographiques remarquables. C'est à partir de cette époque que les bâtiments anciens sont démolis et sont remplacés systématiquement par des constructions modernes. De belles fermes, entourées de hauts murs, sont érigées à l'entrée des villages, tandis que les hautes maisons en pierre de taille, construites dans le centre des bourgs et des petites villes, leur donnent un air avenant. Les exploitations de carrières de pierre se multiplient en Saintonge et connaissent une activité exceptionnelle. De grosses bourgades de la Saintonge, comme Brizambourg, Burie, Cozes, Gémozac, Mirambeau ou Matha, et de l'Aunis, comme Aigrefeuille d'Aunis, Saint-Sauveur-d'Aunis ou Saint-Georges-du-Bois, connaissent de notables transformations, s'embellissent et se parent d'édifices publics quelquefois remarquables comme l'hôtel de ville de Gémozac ou celui, plus modeste, d'Aigrefeuille d'Aunis, ou bien encore le somptueux château de Mirambeau. Gémozac rénove de fond en comble son centre bourg, organisé autour de son église médiévale et d'un nouveau bâtiment public rassemblant l'hôtel de ville et les halles. Tous ces villages et bourgs profitent pleinement de la manne que procure la vigne.
Par contre, l'île de Ré entre en récession pendant la première décennie du Second Empire. En une dizaine d'années, de 1851 à 1861, l'île de Ré perd plus d'un millier d'habitants (- 1 040 habitants) et, pratiquement toutes les communes sont touchées par l'exode rural.
- Évolution démographique de l'île de Ré de 1846 à 1861 :
' 1846 1851 1856 1861 île de Ré 17 359 hab. 17 658 hab. 16 966 hab. 16 618 hab. Cette situation assez surprenante provient de deux crises majeures qui affectent durement son économie locale. Tout d'abord, la crise des salines a touché profondément l'Ouest de l'île de Ré, où la seule commune d'Ars-en-Ré perd un quart de sa population entre 1851 et 1861, passant de 4 043 habitants à 3 547 habitants. La partie orientale de l'île subit une crise viticole sans précédent. Les vignes sont ravagées par l'oïdium. Cette "destruction quasi totale du vignoble rétais" est "responsable de la misère des îliens" qui n'ont d'autre solution que de quitter leur île[60]. Six années plus tard, le vignoble de l'île de Ré a pu être reconstitué, mais "en 1859, les vignes ne produisent plus que le tiers des récoltes habituelles"[61].
Sur le littoral, un autre bouleversement économique va apporter une heureuse contribution au département. A partir de 1850 naît l'ostréiculture moderne. Les premières applications ont été effectuées dans d'anciennes salines à Angoulins-sur-Mer, où le naissain d'huître est cultivé sur des tuiles enduites de chaux, leur apportant le calcaire nécessaire pour la formation de leur coquille[62]. Ces essais ont été diffusés avec succès dans l'île d'Oléron, sur sa côte orientale, puis sur les rives de l'estuaire de la Seudre, dans les marais salants qui avaient été abandonnés à cause de la mévente du sel de l'Atlantique à partir de 1840. L'île de Ré n'est pas en reste, elle participe également à l'essor de l'ostréiculture, dont les sauniers avaient déjà une certaine pratique, mais la consommation demeurait locale[63]. Les claires, bassins où sont affinées les huîtres de Marennes et d'Oléron, produisent des huîtres qui prennent une teinte verdâtre et donnent un goût savoureux. Ce verdissement des huîtres - ou engraissement - consacre alors la célébrité de la "verte marennes" dans tout le pays, à commencer par la capitale. A la fin des années 1850, les huîtres plates de Marennes sont concurrencées par les "portugaises", huitres issues d'un naufrage "providentiel" sur les rives de la Gironde en 1857. Ces dernières, qui ont commencé à pulluler rapidement sur le littoral charentais, prendront un essor fulgurant dans les décennies suivantes, quand le plus grand bassin ostréicole de France sera desservi par des voies ferrées. Ainsi, dès le début du Second Empire, les anciennes aires des marais salants se transforment progressivement en parcs à huîtres, et sauvent la région d'un véritable désastre social et démographique.
Au nord de La Rochelle, dans la baie de l'Aiguillon, la mytiliculture fait de réels progrès à partir du Second Empire. L'élevage des moules se concentre essentiellement à Charron, à Esnandes et à Marsilly, mais la mytiliculture commence à se répandre dans la baie d'Yves, entre Fouras (Pointe de la Fumée) et Châtelaillon-Plage (sur le site des Boucholeurs). Des milliers de personnes vivent de cette industrie[64], qui permet de fixer des populations nombreuses sur la côte charentaise.
C’est dans cette brillante période de l’histoire de la Charente-Inférieure que commence la « Révolution des transports ». C'est le Nord-Ouest du département qui est le premier équipé en voies ferrées, et ce, dès septembre 1857. L’implantation des chemins de fer commence par les deux principaux centres urbains, en l'occurrence Rochefort et La Rochelle, où les deux villes sont reliées directement à la capitale. Deux bourgs importants de l'Aunis, Aigrefeuille et Surgères, ont aussi le privilège d'être les premiers desservis par la voie ferrée et possèdent chacun une belle gare ferroviaire. Ce qui constituait en ce temps-là un évènement retentissant[65]. Cependant, la poursuite de l'équipement ferroviaire de la Charente-Inférieure n'aura lieu qu'une décennie plus tard, mais les travaux se multiplieront rapidement à partir de 1867, à l'époque où le Second Empire sera à son apogée. La mise en place progressive d'un réseau ferroviaire à partir des trois villes principales, (Rochefort, La Rochelle et Saintes), apportera des transformations considérables dans la vie de ce département encore très rural.
Les voies d'eau (fleuves et rivières, canaux) continuent à être modernisées et leur utilisation s'accroît davantage encore par l'essor des trafics de marchandises.
- Pendant le Second Empire, deux importants canaux de navigation sont construits dans le département. La construction du Canal de la Bridoire, qui est un canal de jonction entre la Charente et la Seudre à partir du Canal de Brouage, dont les travaux ont été relancés en mai 1846, est poursuivie avec assiduité pendant le Second Empire[66]. Le chantier est achevé en 1862. Il va apporter un désenclavement très important à la région et à la ville de Marennes et contribuer à son développement une vingtaine d'années avant la mise en place d'une voie ferroviaire. Les travaux de construction du Canal de Marans à La Rochelle se poursuivent également, mais avec lenteur, souvent parsemés de longues interruptions, car l'emploi des forçats pour le creusement de ce canal se fait non sans difficulté. D'ailleurs, les travaux ne seront achevés qu'en septembre 1870, alors que la reprise des travaux de creusement avait eu lieu en 1847[67]. Mais ces canaux n'atteindront jamais la même intensité d'exploitation que celle du fleuve Charente dont le trafic n'a cessé d'augmenter pendant tout le Second Empire.
- En effet, un intense trafic fluvial anime le fleuve et toutes les villes et bourgs en bordure de la Charente connaissent une prospérité jamais atteinte jusque là. C'est l'"âge d'or" de la voie fluviale[68]. Les quais du fleuve sont aménagés avec soin, les dragages menés avec régularité, les chemins de halage sont bien entretenus, des digues et des écluses sont construites, et un service fluvial de transport de passagers est mis en place entre Rochefort et Saintes, desservant même les petites villes comme Tonnay-Charente et Saint-Savinien. L'importance du trafic fluvial se reflète dans celui du port de Tonnay-Charente où le seul transport des eaux de vie de cognac a plus que doublé depuis la fin de la Monarchie de Juillet. Il est passé d'un trafic moyen annuel de 50 000 hl à 100 000 hl avant le traité de libre échange de 1860 avec la Grande Bretagne. Or, ce trafic "explosera" bien après cette date[69].
L’accroissement des richesses économiques, stimulé par la modernisation des modes de transport (voies d'eau, voies ferrées), a aussi bénéficié aux villes qui, en 1861, concentrent 1/5e de la population départementale.
- Évolution démographique des quinze villes de la Charente-Inférieure de 1846 à 1861 :
(Liste par ordre décroissant établi en 1861)
Ville 1846 1851 1856 1861 Rochefort 21 840 hab. 24 330 hab. 28 998 hab. 30 212 hab. La Rochelle 17 465 hab. 16 507 hab. 16 175 hab. 18 904 hab. Saintes 11 363 hab. 11 569 hab. 11 927 hab. 10 962 hab. Saint-Jean-d'Angély 6 484 hab. 6 413 hab. 6 203 hab. 6 392 hab. Pons 4 661 hab. 4 765 hab. 4 757 hab. 4 894 hab. Marans 4 897 hab. 4 670 hab. 4 586 hab. 4 510 hab. Marennes 4 580 hab. 4 589 hab. 4 508 hab. 4 455 hab. Royan 3 110 hab. 3 329 hab. 3 560 hab. 4 005 hab. Tonnay-Charente 3 304 hab. 3 538 hab. 3 699 hab. 3 703 hab. Le Château d'Oléron 3 052 hab. 2 869 hab. 3 003 hab. 3 518 hab. Saint-Savinien 3 612 hab. 3 438 hab. 3 209 hab. 3 306 hab. Surgères 2 191 hab. 2 942 hab. 3 239 hab. 3 289 hab. La Tremblade 2 640 hab. 2 712 hab. 2 853 hab. 3 042 hab. Jonzac 2 631 hab. 2 718 hab. 2 792 hab. 3 005 hab. Saujon 2 444 hab. 2 564 hab. 2 826 hab. 2 889 hab. L'évolution urbaine des trois principales villes du département au début du Second Empire est fort contrastée. Seule Rochefort enregistre une forte croissance, alors que La Rochelle et Saintes ont plutôt tendance à stagner.
- C’est en 1861 que Rochefort franchit pour la première fois de son histoire le cap des 30 000 habitants, la ville atteint alors 30 212 habitants. Elle demeure toujours et de loin la plus grande ville du département. A cette même date, Rochefort devient la deuxième ville de Poitou-Charentes, talonnant de très près Poitiers qui recense 30 563 habitants, mais devançant nettement Angoulême qui était alors la troisième ville de la région avec 24 961 habitants. Sa croissance urbaine a été régulière et soutenue, doublant largement sa population depuis le début du siècle. C'est alors la première des villes du département à avoir connu une forte mutation urbaine. Elle doit cette rente de situation à son port militaire et à son arsenal maritime qui font travailler et vivre des milliers d’ouvriers. Bien que le bagne soit supprimé en 1854[70], la ville continue sa croissance urbaine. Rochefort devient également un port marchand qui a fait aménager deux bassins à flot entre 1857 et 1869[71], et elle est reliée à la nouvelle voie ferrée qui la met directement en contact avec la capitale depuis 1857. Pendant le Second Empire, un nouveau quartier ne tarde pas à se former spontanément près de la gare ferroviaire, où un boulevard arboré la relie au centre-ville. L'extension urbaine se poursuit à l'ouest et au sud, enserrant le cœur historique de la ville dont les fortifications, devenues obsolètes, commencent à être démantelées.
- Dans cette même période, La Rochelle enregistre une évolution très contrastée et, malgré l’annexion de deux communes en 1858[72], la ville ne franchit toujours pas le cap des 20 000 habitants. En 1861, elle est toujours la deuxième ville du département, avec 18 904 habitants, et elle se situe au cinquième rang des villes de Poitou-Charentes, venant après Poitiers, Rochefort, Angoulême et Niort, cette dernière recensant 20 831 habitants. Mais la croissance de La Rochelle a été "artificiellement" gonflée par les extensions territoriales. C'est que La Rochelle aborde difficilement la période du Second Empire, où de graves problèmes économiques affectent son économie urbaine. Tout d'abord, son port de pêche subit la concurrence de plus en plus vive des ports morutiers de Saint-Malo, Fécamp et Bordeaux, ces derniers étant mieux armés et équipés et étant plus proches des lieux de consommation[73]. Le port de pêche de La Rochelle doit effectuer une reconversion assez douloureuse de ses activités, qui cependant l'orientera avec succès vers la pêche au thon dans la décennie suivante. Ensuite, La Rochelle subit un revers dans son trafic maritime avec les États-Unis d'Amérique. Avant que n'éclate la guerre de Sécession qui va mettre un terme aux exportations des eaux de vie de cognac, ces dernières sont de plus en plus lourdement taxées. Or, La Rochelle était l'unique port de transit des eaux de vie vers les États-Unis. Par ailleurs, le port subit des problèmes d'envasement qui menacent son accessibilité aux grands navires à vapeur. Il ne peut recevoir que des navires jaugeant au maximum 800 tonneaux, alors que les besoins de la navigation à vapeur exigent des tirants d'eau de plus en plus importants[74]. La solution passera par la création du port de La Pallice, mais celui-ci ne sera opérationnel qu'en 1890. Cependant, la ville entre dans la modernité. Tout d'abord, elle est reliée directement à la capitale, comme Rochefort, par la nouvelle voie ferrée depuis septembre 1857. De plus, elle est la première ville du département à être équipée d'une ligne télégraphique qui la met en contact avec Poitiers dès 1853[75]. La Rochelle est alors à la veille de très grands bouleversements qui vont considérablement changer la ville dans les décennies suivantes.
- Saintes, de son côté, a enregistré une croissance régulière depuis la fin de la Monarchie de Juillet où, entre 1846 et 1856, la ville a gagné environ 600 habitants, approchant même les 12 000 habitants. Elle demeure un gros marché agricole et une ville commerçante, tout en étant un grand centre de batellerie sur la Charente. Il est vrai qu'elle ne se relève toujours pas de la perte des services de la préfecture, bien qu’elle ait pu conserver son rôle de chef-lieu judiciaire du département. Durant la première décennie du Second Empire, la ville engage des travaux d'urbanisme, notamment la construction du Cours Royal - actuel Cours National - sur les anciennes lignes de fortifications. Ces travaux ont commencé durant la Monarchie de Juillet. Elle fait également édifier un nouveau pont sur la Charente, et commence à mettre en place le Cours Neuf - actuel Cours Gambetta - sur la rive droite du fleuve dans le quartier Saint-Pallais, où se trouvent les casernes militaires et le haras. Malgré ces travaux, la ville enregistre une baisse démographique assez importante entre 1856 et 1861. Ce qui lui donne une impression de stagnation, car Saintes ne s'est pratiquement pas accrue depuis le début de la Seconde Restauration, se maintenant difficilement au-dessus du seuil des 10 000 habitants (10 274 habitants en 1821, 10 962 en 1861). Mais la ville est à la veille d’une mutation urbaine considérable avant la fin du Second Empire, quand elle sera choisie pour abriter le siège de la Compagnie des Charentes.
Les autres villes notables sont Saint-Jean-d'Angély, Pons, Marans et Marennes, mais leur évolution urbaine est plutôt mitigée, sauf, peut-être pour les deux premières.
- Saint-Jean-d'Angély s’accroît modérément, mais doit son essor à celui du négoce des eaux de vie de cognac et à son port fluvial sur la Boutonne, par lequel la cité continue d'expédier des céréales, des vins et des eaux de vie, ainsi que des bois d'équipement. La ville passe de 5 541 habitants en 1821 à 6 392 habitants en 1861. Elle demeure toujours la quatrième ville du département.
- Pons connaît une situation bien meilleure, enregistrant une belle évolution démographique durant cette même période. La petite ville passe de 3 605 habitants en 1821 à 4 894 habitants en 1861 sans jamais enregistrer de baisse de population. Elle passe du dixième rang en 1821 au cinquième rang départemental en 1861. Ce qui est tout de même remarquable. Comme Saint-Jean-d'Angély, elle doit son essor urbain à la prospérité du négoce des eaux de vie, la cité étant située idéalement au milieu d'une riche campagne viticole, mais aussi à ses nombreuses activités industrielles établies le long de la Seugne. C'est près de la rivière et aux portes de la ville haute qu'un quartier ouvrier s'est développé depuis la Monarchie de Juillet. C'est alors une petite cité dynamique et riche, dont la transformation urbaine a commencé dès le règne de Louis Philippe. La ville continue ses travaux d'urbanisme, s'embellissant et se dotant de nouveaux immeubles en pierre de taille, dans le style Empire de l'époque, et fait édifier des bâtiments publics dans son centre ville. La petite cité de la Seugne vit un véritable « âge d’or » pendant tout le Second Empire, mais il est vrai qu'elle est alors parvenue à son apogée.
- Par contre, Marans est une ville en crise. Après avoir connu une croissance soutenue jusqu’en 1846, où elle a d'ailleurs enregistré son maximum démographique, la ville perd régulièrement de la population depuis cette date. En une quinzaine d'années, elle perd plus de 380 habitants. Son port fluvial subit de plus en plus la concurrence de celui de La Rochelle. Ses activités périclitent, en même temps que les mégisseries de Niort.
- Marennes, bien que sous-préfecture et dotée de nombreuses administrations, se classe au septième rang des villes du département en 1861. La ville est entrée dans une longue phase de déclin, elle ne se relève pas de la crise des salines qui affecte durement son port saunier, ainsi que de l'abandon de son port morutier. Elle ne participe pas à la grande prospérité économique qui caractérise le Second Empire, son économie traditionnelle a besoin d'être modernisée. La ville se trouve aussi à l'écart de la "Révolution des transports". Pendant la première décennie du Second Empire, la ville végète. Elle est cependant à l'aube de grandes transformations qui s'accompliront dès la décennie suivante.
Il serait incomplet de ne pas mentionner l'émergence de quelques petites villes au Second Empire, bien que celles-ci aient encore des allures de gros bourgs ruraux. Toutes ces petites cités franchissent ou approchent le cap des 3 000 habitants. Elles sont toutes caractérisées par une croissance démographique soutenue, et de nouveaux quartiers urbains commencent à se former, soit le long des nouvelles artères ferroviaires et des gares (quartier de la gare à Surgères), soit le long des fleuves (quartier du port à Tonnay-Charente, port de Ribérou à Saujon).
Il faut noter le cas de Tonnay-Charente. La cité fluviale, située avantageusement sur le fleuve où de puissants courants de la marée remontent, peut recevoir des navires jaugeant au moins 5 000 tonneaux de port en lourd, ce qui rend son port hautement accessible à la navigation à vapeur dont le tirant d'eau est devenu beaucoup plus important que par les passé. Pour cette raison, Tonnay-Charente devient le grand port des eaux de vie de cognac, supplantant La Rochelle durant le Second Empire, ainsi que Saint-Savinien. Ce dernier port entre dans une profonde crise dès le début des années 1850. Le déclin fluvial est lié à la fois à la perte de son chantier de construction navale et au problème d'accessibilité des navires de haute mer à vapeur. Mais l'effondrement du port de Saint-Savinien est lié à celui de La Rochelle, qui dépendait beaucoup du trafic avec les États-Unis d'Amérique.
Jonzac, qui est la plus petite sous-préfecture du département, voit sa population croître régulièrement depuis 1836 et franchit pour la première fois de son histoire démographique le cap des 3 000 habitants pendant le Second Empire (3 005 habitants en 1861). La petite cité s'affaire activement avec le négoce des eaux de vie de cognac. Elle s'affirme de plus en plus comme une ville commerciale en Haute Saintonge.
Jusqu’en 1851, Royan est encore un port sardinier sur la Gironde, bien qu'une réelle mutation urbaine soit en marche depuis la Seconde Restauration. Ce n’est qu’à partir du Second Empire que la ville commence à devenir une station balnéaire renommée et un lieu de destination de plus en plus prisé des bourgeois de Bordeaux, puis plus tard de Paris. La croissance démographique, déjà soutenue et régulière depuis le début de la Seconde Restauration, va s'accélérer à partir de 1851. En 1861, la jeune station balnéaire recense 4 005 habitants, et sa population a presque doublé depuis 1821 (2 339 habitants). Elle est devenue la 8e ville du département, ne cessant de progresser dans le classement départemental.
Pendant le Second Empire, les villes se transforment, se dotent la plupart d’entre elles de beaux édifices publics (généralement des hôtels de ville, des écoles publiques, des halles couvertes) et entreprennent souvent des travaux d’urbanisme, avec élargissement de rues, aménagement de carrefours et de places publiques, mise en place de fontaines et bornes fontaines, construction de châteaux d’eau, sans compter les bouleversements causés par l’implantation du chemin de fer et des gares ferroviaires. Toutes les villes du département ont participé à ce mouvement de rénovation urbaine souvent systématique, où nombre de bâtiments antérieurs au XIXe siècle ont été radicalement démolis et remplacés par des constructions modernes, plus vastes et plus aérées. Ces dernières empruntent un nouveau style d'architecture, le style Empire pour les constructions en pierre de taille ou le style Eiffel pour les édifices employant des structures métalliques (souvent des halles couvertes, des marquises des gares ferroviaires, ponts ferroviaires ou routiers). Ces innovations architecturales ont souvent eu un bel effet et ont donné un air avenant aux villes et bourgs du département, laissant un héritage intéressant aux générations suivantes.
La période 1861-1911 : Un demi siècle de crise démographique
A partir de 1861, année qui marque l'apogée démographique de la Charente-Inférieure et qui a eu lieu pendant le milieu du Second Empire, s’amorce un lent mouvement de décroissance démographique. Cette baisse de la population commence à atteindre, en premier lieu, les campagnes surpeuplées de la Saintonge, région géographique comprenant les arrondissements de Jonzac, Saint-Jean-d’Angély et Saintes, et l'archipel charentais, notamment l'île de Ré.
Évolution démographique 1861 1866 1872 1876 1881 1886 1891 1896 1901 1911 481 060 479 529 465 653 465 628 466 416 462 803 456 202 453 455 452 149 451 044 La période 1861-1881 : Les débuts du déclin démographique
Le mouvement de dépopulation de la Charente-Inférieure qui commence dans cette période charnière entre la fin du Second Empire et le début de la Troisième République est imputable à trois faits historiques majeurs :
- Tout d'abord, le mouvement de l’exode rural, qui a commencé bien avant la crise du phylloxéra, s'enracine inexorablement.
- Ensuite, les conséquences de la guerre franco-allemande de 1870 ont exercé un impact très négatif sur la démographie départementale.
- Enfin, la crise du phylloxéra a ruiné de nombreux petits paysans, propriétaires de leurs vignes, et les a contraint massivement à l'émigration à la fin des années 1870.
Évolution démographique 1861 1866 1872 1876 1881 481 060 479 529 465 653 465 628 466 416 La guerre franco-allemande de 1870 a constitué un événement retentissant en Charente-Inférieure, entamant sévèrement la démographie du département qui, entre 1866 et 1872, enregistre une chute de population de 13 876 habitants. Cette importante baisse démographique s'explique par un fort excédent des décès sur les naissances du au conflit franco-prusse, aggravé par une épidémie de variole en 1866. 5 000 hommes du département avaient été mobilisés sur le front, sur les bords de la Loire et à la bataille du Mans[76]. En réalité 15 131 décès sont enregistrés dans la seule période 1866-1872[77].
Le mouvement de dépopulation qui s'ensuivra beaucoup plus tard aurait pu être plus limité si la guerre franco-prusse n'avait eu lieu, car le solde naturel est resté assez élevé en raison d'un taux de natalité encore dynamique. D'ailleurs, cette vitalité démographique se vérifie par un arrêt de la chute de population entre 1872 et 1881, où dans cette décennie, une très légère croissance est constatée avec un gain de 763 habitants.
Mais cette légère reprise démographique masque l'ampleur de l'exode rural qui va s'aggraver avec la crise du phylloxéra qui ravage le vignoble de la Saintonge en 1875 et celui de l'Aunis en 1876.
- Tableau récapitulatif de l'évolution démographique du département de la Charente-Inférieure dans la période 1861-1885 :
' Variation de la population Solde naturel Solde migratoire Période 1861-1885 - 17 400 hab. + 4 100 hab. - 21 500 hab. Le solde migratoire est déjà très fortement négatif à la fin de la première décennie de la Troisième République, c'est à dire en 1881, puisque le département enregistre plus de 21 500 départs. Les effets de la crise du phylloxéra dès 1875 ont fortement aggravé le mouvement de l'exode rural, où celui-ci a commencé bien avant le Second Empire. De plus, l’implantation du chemin de fer en Charente-Inférieure a paradoxalement joué un rôle de catalyseur dans le mouvement de déprise rurale, facilitant grandement l'exode des jeunes travailleurs, ruraux et paysans, vers Paris en particulier. Ces derniers sont déjà attirés par les « lumières de la ville ». Il faut en effet souligner que le Second Empire, puis plus tard, la Troisième République, sont une période de forte croissance urbaine qui a touché également les villes de la Charente-Inférieure, même si l’évolution des villes du département a été de moindre ampleur que dans le reste de la nation.
Cet exode rural a donc commencé dans les régions viticoles alors en plein "âge d'or". Beaucoup de communes rurales et de petites villes de la Saintonge, comme celles situées dans la plaine de l'Aunis, enregistrent d’ailleurs leur maximum démographique dans la dernière décennie avant la fin du Second Empire, soit en 1861, soit le plus souvent en 1866, ce qui correspond exactement à une décennie avant la crise du phylloxéra. Beaucoup de ces communes situées en milieu viticole vont subir par la suite une dégradation irréversible de leur démographie, où l'exode des jeunes a vidé progressivement les campagnes, aggravant le phénomène tout nouveau du vieillissement de la population. Dans un premier temps, les conséquences de cet exode rural sont peu marquants. C'est après le désastre des vignobles phylloxérées que ce phénomène se fera durement ressentir. En seulement une dizaine d'années, c'est à dire de 1872 à 1881, nombre de communes viticoles voient leur chiffre de population baisser d'au moins entre 1/10e et 1/5e. C'est le cas spectaculaire de la commune de Chérac, dans le canton de Burie, où le phylloxéra a été signalé pour la première fois dans le département, en 1872. Cette commune voit perdre - 19 % de sa population entre 1872 et 1881.
- Évolution démographique de quelques communes viticoles de la Saintonge de 1861 à 1881 :
(Liste par ordre alphabétique)
commune 1861 1866 1872 1876 1881 Brizambourg 1 606 hab. 1 631 hab. 1 620 hab. 1 515 hab. 1 546 hab. Burie 1 787 hab. 1 802 hab. 1 634 hab. 1 616 hab. 1 530 hab. Chérac 1 672 hab. 1 716 hab. 1 641 hab. 1 515 hab. 1 322 hab. Gémozac 2 598 hab. 2 709 hab. 2 693 hab. 2 578 hab. 2 503 hab. Matha 2 287 hab. 2 210 hab. 2 214 hab. 2 160 hab. 2 087 hab. Mirambeau 2 404 hab. 2 277 hab. 2 189 hab. 2 148 hab. 2 095 hab. Saint-André-de-Lidon 1 411 hab. 1 344 hab. 1 222 hab. 1 239 hab. 1 169 hab. Saint-Hilaire-de-Villefranche 1 321 hab. 1 323 hab. 1 338 hab. 1 322 hab. 1 240 hab. Saint-Romain-de-Benet 1 716 hab. 1 669 hab. 1 636 hab. 1 679 hab. 1 624 hab. Sonnac 1 285 hab. 1 275 hab. 1 210 hab. 1 190 hab. 1 091 hab. - Évolution démographique de quelques communes viticoles de l'Aunis de 1861 à 1881 :
(Liste par ordre alphabétique)
commune 1861 1866 1872 1876 1881 Aigrefeuille d'Aunis 1 821 hab. 1 732 hab. 1 745 hab. 1 881 hab. 1 762 hab. Forges 1 233 hab. 1 338 hab. 1 158 hab. 1 129 hab. 1 002 hab. La Jarrie 1 195 hab. 1 246 hab. 1 202 hab. 1 210 hab. 1 113 hab. Saint-Christophe 1 126 hab. 1 028 hab. 955 hab. 944 hab. 851 hab. Saint-Georges-du-Bois 1 653 hab. 1 682 hab. 1 621 hab. 1 639 hab. 1 685 hab. Saint-Mard 1 602 hab. 1 492 hab. 1 537 hab. 1 609 hab. 1 563 hab. Saint-Sauveur-d'Aunis 1 530 hab. 1 523 hab. 1 423 hab. 1 428 hab. 1 284 hab. Vérines 1 430 hab. 1 353 hab. 1 272 hab. 1 260 hab. 1 212 hab. Les deux tableaux ci-dessus montrent clairement que les communes viticoles ont commencé à se dépeupler avant que le vignoble charentais soit phylloxéré. L'exode rural avait donc commencé à toucher les campagnes surpeuplées de l'Aunis et de la Saintonge, alors que celles-ci entraient dans une véritable prospérité que plus jamais elles n'ont connue par la suite.
Le département, alors premier département producteur national de vin à la fin du Second Empire, possède également le plus grand vignoble du monde[78]. La vigne est alors parvenue à son apogée en Charente-Inférieure. Avec le département voisin de la Charente, le vignoble du cognac atteint la surface record de 280 000 hectares[79]! L'évolution des surfaces plantées en vigne n'a cessé de progresser, elle s'est même considérablement accélérée dans les dernières années précédant 1876, c'est à dire quatre années après les premières apparitions signalées du phylloxéra.
- L'évolution du vignoble de la Charente-Inférieure de 1839 à 1876 :
Année 1839 1858 1866 1876 Vignoble 111 000 ha 116 000 ha 130 000 ha 164 651 ha Déjà, en 1866, la vigne occupe plus de la moitié de la surface agricole du département[80]. Elle est devenue une véritable monoculture dans un très grand nombre de communes de la Saintonge comme de celles situées dans la plaine de l'Aunis. L'influence du traité du libre-échange signé en 1860 avec la Grande Bretagne a eu des répercussions considérables dans le vignoble charentais où "l'ouverture du marché britannique entraîna un vaste mouvement de plantation : l'âge d'or du vignoble charentais commença et, bien souvent, les agriculteurs abandonnèrent purement et simplement la culture du blé, se disputant le sol à prix d'or"[81]. Cette culture était devenue hautement spéculative où "avec un très modeste lopin de terre consacré à la vigne, la rémunération annuelle du capital pouvait atteindre 15%, voire 20 % et plus dans les zones favorisées"[82].
Les premières apparitions du phylloxéra sont signalées en 1872[83], dans le département voisin de la Charente, à Crouin[84], près de Cognac, et la même année en Charente-Inférieure, à Chérac, canton de Burie. Puis dans le canton d'Archiac l'année suivante. L'importation des plants américains à partir de 1867 dans les terroirs de la Saintonge, notamment dans les Borderies[85], avaient été activement encouragée car ils avaient la particularité de pousser plus vite et de produire un vin avec de meilleurs rendements[86], mais elle est à l'origine accidentelle de l'introduction du phylloxéra. Les plants indigènes comme le pinot, le colombard et la folle blanche furent décimés par le puceron à une vitesse vertigineuse. En quelques années seulement, il ravagea les 3/4 du vignoble charentais. En 1875, la plus grande partie du vignoble de la Saintonge était phylloxérée. Une année plus tard, celui de l'Aunis fut détruit. Le fléau frappa la presqu'île d'Arvert en 1878, tandis que le vignoble des îles charentaises était encore indemne à cette date[87]. Les ravages du phylloxéra touchèrent les îles au début des années 1880. La production du vin a en conséquence subi une chute spectaculaire, jamais enregistrée jusque-là, passant de 7 277 000 hectolitres en 1873 à 70 000 hectolitres seulement en 1880[88]!
Le désastre n'était pas seulement économique, il était avant tout social et allait avoir des conséquences démographiques durables dans les décennies suivantes. A partir de la fin des années 1870, le mouvement d'émigration rurale s'accéléra avec force, et beaucoup de villages commencèrent à se vider de leurs habitants, surtout les jeunes générations. Les conséquences économiques de la destruction du vignoble charentais furent visibles au tournant des années 1880, où le département dut faire face à la pire crise agricole jamais connue jusque-là.
Mais c'est également dans cette période charnière entre la fin du Second Empire et le début de la Troisième République que les chantiers de travaux publics sont multipliés dans le département.
Tout d'abord, la modernisation des voies d'eau est maintenue et même encouragée. La réalisation de la jonction entre la Charente et la Seudre par le creusement du canal de la Bridoire scelle près d'une quinzaine d'années de travaux qui avaient commencé sous la Monarchie de Juillet. Ce canal de 25 km de longueur, qui permet enfin de désenclaver Marennes, est mis en service dès 1862[89]. Rapidement des entreprises chimiques s'implantent à Marennes et le canal est utilisé pour le trafic du sel produit dans les salines du bassin de la Seudre comme pour celui des pyrites en provenance de Tonnay-Charente. Les travaux s'achèvent en 1870 pour le canal de Marans à La Rochelle, dont les premiers coups de pioche avaient commencé en 1808, et son exploitation commerciale est aussitôt mise en service.
Quant au fleuve Charente, le trafic fluvial va vers son apogée, et il connait une activité qui ne cessera de s'intensifier pendant les années 1880.
C'est pendant le Second Empire que les voies ferrées sont activement construites dans le département. A partir de 1867, soit une décennie après la première réalisation de la voie ferrée en Charente-Inférieure, une nouvelle ligne de chemin de fer est créée. Celle-ci relie Rochefort à Saintes via Tonnay-Charente et Saint-Savinien. Cette ligne est prolongée la même année en direction de Cognac et d'Angoulême. Établie sur la rive droite de la Charente sur la plus grande partie de son cours, cette nouvelle voie ferrée ne concurrencera sérieusement le fleuve qu'à partir des années 1890.
C'est également à Saintes que la Compagnie des Charentes fixe son siège d'exploitation et ses administrations, ainsi que les ateliers d'entretien du matériel roulant ferroviaire[90]. Un nouveau quartier ferroviaire naît sur la rive droite de la ville et fait surgir de toute pièce un faubourg ouvrier qui s'étendra tout autour de la gare et de ses vaste emprises ferroviaires. A partir de Saintes va se constituer progressivement une étoile ferroviaire dont l'extension maximale aura lieu pendant le premier tiers de la Troisième République.
De cette étoile ferroviaire part d'abord une voie ferrée en direction de Coutras qui sera par la suite prolongée vers Bordeaux en 1874. La ligne ferroviaire qui part de Saintes, franchit le fleuve à Beillant et atteint Pons en mars 1869. Elle est prolongée vers Jonzac en janvier 1870 et rejoint Montendre en novembre 1871[91].
Après la guerre franco-prusse de 1870 et l'effondrement du Second Empire, les travaux de construction de voies ferrées sont activement poursuivis pendant la Troisième République. Tout d'abord, une voie ferrée est établie entre La Rochelle et La Roche sur Yon, sa mise en service est effective dès mars 1871. La nouvelle ligne, qui longe le canal de La Rochelle à Marans, dessert notamment Marans qui est alors dotée d'une gare en 1872. La voie ferrée va rapidement concurrencer le canal de Marans à La Rochelle, dont l'exploitation commence une année seulement avant la mise en service de la voie ferrée.
Sur le littoral de l'Aunis, une ligne directe est construite entre La Rochelle et Rochefort et est mise en service en octobre 1873, permettant de desservir Aytré et Angoulins. Cette nouvelle voie ferrée va permettre de sauvegarder pour un temps les salines de l'Aunis et surtout de faire naître de nouvelles stations balnéaires comme Châtelaillon-Plage et Fouras.
Le train arrive en 1875 à Royan, au départ de la gare de Pons qui devient un important carrefour ferroviaire. Cette nouvelle voie ferrée dessert notamment Gémozac, Cozes et Saujon. Cette dernière, alors grosse bourgade rurale qui commence sa mutation urbaine, va devenir également un important carrefour ferroviaire d'où partira en 1876 une voie ferrée en direction de La Tremblade.
Enfin, Saint-Jean d'Angély est desservie par une voie ferrée à partir de janvier 1878. La sous-préfecture va connaître par la suite, dans la décennie des années 1880, un rôle important en matière de centre ferroviaire.
Toutes ces réalisations exercent un impact considérable sur l'économie du département, où les villes commencent réellement leur mutation urbaine, surtout trois d'entre elles : La Rochelle, Saintes et Royan, tandis que Rochefort entre en récession depuis la suppression de son bagne et la réduction des activités de son arsenal maritime.
- Évolution décennale de la population des quinze villes de la Charente-Inférieure de 1861 à 1881 :
(Liste par ordre décroissant établi en 1881)
Ville 1861 1872 1881 Rochefort 30 212 hab. 28 299 hab. 27 854 hab. La Rochelle 18 904 hab. 19 506 hab. 22 464 hab. Saintes 10 962 hab. 12 347 hab. 15 763 hab. Saint-Jean-d'Angély 6 392 hab. 6 812 hab. 7 279 hab. Royan 4 005 hab. 4 685 hab. 5 445 hab. Marennes 4 455 hab. 4 495 hab. 4 945 hab. Pons 4 894 hab. 4 738 hab. 4 895 hab. Marans 4 510 hab. 4 284 hab. 4 736 hab. Tonnay-Charente 3 703 hab. 3 872 hab. 3 904 hab. Surgères 3 289 hab. 3 580 hab. 3 784 hab. Jonzac 3 005 hab. 3 260 hab. 3 210 hab. Saint-Savinien 3 306 hab. 3 214 hab. 3 192 hab. Le Château d'Oléron 3 518 hab. 3 328 hab. 3 132 hab. Saujon 2 889 hab. 2 891 hab. 3 130 hab. La Tremblade 3 042 hab. 2 636 hab. 3 090 hab. L'évolution des villes est assez inégale, mais les villes militaires ont payé un lourd tribut au conflit franco-prusse de 1870. La petite citadelle du Château d'Oléron a perdu beaucoup d'habitants entre 1861 et 1881, de même que Rochefort.
Cependant, si la plupart des villes sont en croissance, trois villes commencent leur véritable essor urbain à partir de la fin du Second Empire : La Rochelle, Saintes et Royan.
- La Rochelle franchit pour la première fois, au XIXe siècle, le cap des 20 000 habitants, recensant 22 464 habitants en 1881, après l'annexion d'une troisième commune (Laleu en 1880). Mais elle demeure toujours la seconde ville de la Charente-Inférieure, se situant après Rochefort (27 854 habitants en 1881).
- Saintes, demeure la troisième ville de la Charente-Inférieure, mais elle enregistre une croissance démographique remarquable grâce à sa fonction ferroviaire de premier plan dans le département. Le siège de la Compagnie des Charentes fait travailler des milliers de personnes (2 382 emplois créés en 1877)[92], ce qui est considérable. La ville voit naître un nouveau quartier qui s'établit sur la rive droite de la Charente, sa population s'accroit de près d'un tiers entre 1861 et 1881, passant de 10 962 habitants à 15 763 habitants. Elle fait alors partie des villes du département qui enregistre les plus fortes augmentations démographiques.
- Royan franchit pour la première fois de son histoire démographique le cap des 5 000 habitants dès 1876. De plus, la station balnéaire est devenue la cinquième ville de la Charente-Inférieure, et sa croissance est d'une remarquable constance depuis le début du siècle. La station balnéaire continue de se couvrir de magnifiques villas et le quartier de Foncillon sort de terre dès le milieu du Second Empire. Elle devient une ville très prisée de la haute société urbaine de Bordeaux, puis de Paris après 1875, ainsi que de la bourgeoisie provinciale. Son site remarquable, son front de mer, ses larges plages de sable fin, ses pinèdes et ses promenades urbaines aménagées, alliés à la douceur de son climat, en font une station très en vogue, elle devient la station du "Tout Bordeaux"[93]. L'arrivée du chemin de fer en 1875 lui impulse un nouvel élan urbanistique où, à partir de cette date, la ville va entrer dans une profonde mutation urbaine et architecturale, se couvrant de magnifiques et somptueuses villas, nichées en bord de mer ou dans des écrins de verdure ou de forêt. Royan se dote d'une politique municipale très ambitieuse, à la hauteur de ses moyens, et qui portera ses fruits durablement dans les décennies suivantes.
Les petites villes connaissent des évolutions démographiques globalement positives, mais trois d'entre elles vont connaître de sérieux revers après la crise du phylloxéra.
- Le cas de Pons est assez parlant. La petite ville ne franchit jamais le cap symbolique des 5 000 habitants. La ville atteint d'ailleurs son maximum démographique avec 4 969 habitants au recensement de 1866, chiffre de population qu'elle n'a plus jamais dépassé par la suite. Elle fait partie des quelques villes du département qui n'ont toujours pas retrouvé et dépassé leur maximum démographique. Pourtant, parmi les villes de la Saintonge, Pons est de celles qui ont été parmi les toutes premières à être équipées d'une gare ferroviaire et d'équipements importants. La ville n'a pas su tirer profit de ces infrastructures innovantes pour l'époque, ce qui lui aurait permis un véritable décollage de ses activités économiques et urbaines. Vivant repliée sur son négoce des eaux de vie, Pons sera par la suite durablement "paralysée" par la crise du phylloxéra.
- Surgères est dans une situation identique à celle de Pons, où ces deux villes ont connu un véritable "âge d'or" pendant toute la période du Second Empire et atteint leur maximum démographique au terme de la première décennie de la Troisième République. Surgères voit sa population croitre très fortement jusqu'en 1876, avant que les effets pernicieux du phylloxéra ne viennent ruiner son économie urbaine. D'ailleurs, elle atteint son maximum démographique en 1876, enregistrant alors 3 855 habitants, chiffre qu'elle ne dépassera que dans les années d'après-guerre, malgré la brillante reconversion de ses activités économiques avant la fin du XIXe siècle siècle.
- Le cas de Saint-Savinien est plutôt atypique. La petite cité fluviale, bien que desservie par le train en 1867 et dotée d'une gare importante, entre dans une récession inexorable. C'est que les activités de son port fluvial se sont considérablement réduites. Le port de Saint-Savinien n'était pas équipé pour recevoir les gros navires à vapeur. Il subit de plein fouet la concurrence de Tonnay-Charente, devenu alors le grand et unique port exportateur des eaux de vie de cognac des Pays Charentais, dont le trafic portuaire a quasiment "explosé" depuis la signature du traité de libre échange avec la Grande Bretagne. Les exportations de cognac sont passées de 200 000 hl après 1860 à 450 000 hl en 1871[94]. Pendant ce temps, Saint-Savinien a perdu son chantier de construction navale et les activités de ses carrières ont commencé à se réduire fortement du fait de la crise du phylloxéra qui a entraîné une crise du bâtiment. Ce secteur d'activité a été en effet très durement touché par la crise viticole qui a atteint en premier lieu la Saintonge. Cependant, une importante distillerie d'eaux de vie se maintiendra même après que le phylloxéra aura ruiné la région.
Sur le littoral, le triomphe de l'ostréiculture moderne, stimulée par la desserte ferroviaire, contribue à faire vivre les petites villes du bassin de la Seudre. Ainsi, trois d'entre elles vont commencer leur mutation urbaine : Marennes, La Tremblade et Saujon. Parmi celles-ci, Marennes va connaître un véritable essor urbain qui en fera une des villes les plus attractives du département, et ce, jusqu'au début du siècle suivant.
Ce développement urbain va contribuer à freiner le mouvement de l'exode rural enclenché depuis les années 1860 et à stabiliser en partie la population du département à partir de 1876.
De 1872 à 1881, le taux de population urbaine passe de 23,6 % à 24,8 %, ce qui fait que désormais un habitant sur quatre de la Charente-Inférieure vit dans l'une des quinze villes du département. Ce qui est encore peu, mais l'urbanisation va s'accélérer dans les principales villes à partir de la décennie suivante, bien qu'elle ne pourra enrayer l'exode rural qui deviendra massif à partir de 1880, étant amplifié cette fois par la crise du phylloxéra.
La période 1881-1911 : L'accélération du déclin démographique
A partir des années 1880, l’exode rural s’est fortement accéléré et, ce, pendant une trentaine d’années, où, de 1881 à 1911, le département a perdu 15 372 habitants.
Évolution démographique 1881 1886 1891 1896 1901 1911 466 416 462 803 456 202 453 455 452 149 451 044 Dans cette période, les graves répercussions de la crise du phylloxéra qui ravagea le vignoble charentais à partir de 1875 se sont fait durement ressentir. Une véritable crise économique a alors secoué le monde rural et les petites villes viticoles. C’est alors que les campagnes se sont vidées inexorablement de leurs habitants et nombre de villages ont perdu plus du quart à un tiers de leur population. Ce qui est considérable.
Cependant, le vignoble de la Saintonge s'est reconstitué peu à peu, principalement dans le secteur oriental du département, du canton de Matha jusqu'à celui de Jonzac enserrant le vignoble du Cognaçais. Les vignes les mieux implantées furent préservées et mises en valeur. Les vignerons qui avaient pu écouler leurs stocks d'eaux de vie s'enrichirent et achetèrent de nouvelles terres qu'ils plantèrent en vigne, notamment dans les Borderies et dans les terres des champagnes de Pons, d'Archiac et de Jonzac. C'est dans cette région que les distilleries d'eaux de vie de Cognac sont les plus nombreuses, étant situées idéalement dans les vignobles les mieux reconstitués et tout près de Cognac. A la demande des puissants négociants de Cognac, une délimitation de la vigne des eaux de vie du cognac fut mise en place au début du XXe siècle, préservant la production des eaux de vie et assurant la qualité d'un produit de renommée mondiale.
Dans cette partie de la Saintonge, beaucoup de villages furent profondément touchés par la crise démographique, aggravée par le phylloxéra, mais les bourgs plus importants, généralement de gros chefs-lieux de canton, résistèrent plus longtemps au déclin démographique. C'est dans ces grosses communes viticoles que de nouvelles maisons de maître furent édifiées, ainsi que des logis et de petits châteaux construits par de riches négociants en eaux de vie, tandis que la puissance publique s'est manifestée par l'édification de beaux bâtiments publics en pierre de taille, généralement de style néo-classique, comme les mairies, les écoles publiques, les halles, les gendarmeries. Le nouvel hôtel de ville de Burie en est une des plus étonnantes illustrations alors qu'il fut construit dans cette période de crise du phylloxéra qui avait affecté les riches campagnes de la Saintonge et de l'Aunis depuis le début de la Troisième République.
Les vignobles de l’Aunis ont également été durement touchés par le fléau du phylloxéra, au point que la vigne a quasiment été abandonnée dans cette région, mais les conséquences démographiques ont été là aussi très sévères. Un gros bourg comme Aigrefeuille d’Aunis voit sa population diminuer d’un quart de ses habitants.
- Évolution décennale de la population des quinze villes de la Charente-Inférieure de 1881 à 1911 :
(Liste par ordre décroissant établi en 1911)
Ville 1881 1891 1901 1911 La Rochelle 22 464 hab. 26 808 hab. 31 559 hab. 36 371 hab. Rochefort 27 854 hab. 33 334 hab. 36 458 hab. 35 019 hab. Saintes 15 763 hab. 18 641 hab. 18 219 hab. 20 802 hab. Royan 5 445 hab. 7 247 hab. 8 374 hab. 9 330 hab. Saint-Jean-d'Angély 7 279 hab. 7 297 hab. 7 041 hab. 7 060 hab. Marennes 4 945 hab. 5 415 hab. 6 459 hab. 6 671 hab. Tonnay-Charente 3 904 hab. 4 249 hab. 4 696 hab. 4 911 hab. Pons 4 895 hab. 4 615 hab. 4 772 hab. 4 549 hab. Marans 4 736 hab. 4 609 hab. 4 387 hab. 4 427 hab. Le Château d'Oléron 3 132 hab. 3 458 hab. 3 803 hab. 3 734 hab. Surgères 3 784 hab. 3 375 hab. 3 235 hab. 3 579 hab. La Tremblade 3 090 hab. 3 364 hab. 3 601 hab. 3 547 hab. Jonzac 3 210 hab. 3 431 hab. 3 366 hab. 3 210 hab. Saujon 3 130 hab. 3 132 hab. 3 355 hab. 3 137 hab. Saint-Savinien 3 192 hab. 3 015 hab. 2 733 hab. 2 665 hab. Un demi siècle d'essor urbain
La baisse démographique du département a cependant été résorbée en partie par l’essor des villes, surtout des quatre villes principales qui, de 1861 à 1911, se sont considérablement développées.
- Évolution décennale de la population des quinze villes de la Charente-Inférieure de 1861 à 1911 :
(Liste par ordre décroissant établi en 1911)
Ville 1861 1872 1881 1891 1901 1911 La Rochelle 18 904 hab. 19 506 hab. 22 464 hab. 26 808 hab. 31 559 hab. 36 371 hab. Rochefort 30 212 hab. 28 299 hab. 27 854 hab. 33 334 hab. 36 458 hab. 35 019 hab. Saintes 10 962 hab. 12 347 hab. 15 763 hab. 18 641 hab. 18 219 hab. 20 802 hab. Royan 4 005 hab. 4 685 hab. 5 445 hab. 7 247 hab. 8 374 hab. 9 330 hab. Saint-Jean-d'Angély 6 392 hab. 6 812 hab. 7 279 hab. 7 297 hab. 7 041 hab. 7 060 hab. Marennes 4 455 hab. 4 495 hab. 4 945 hab. 5 415 hab. 6 459 hab. 6 671 hab. Tonnay-Charente 3 703 hab. 3 872 hab. 3 904 hab. 4 249 hab. 4 696 hab. 4 911 hab. Pons 4 894 hab. 4 738 hab. 4 895 hab. 4 615 hab. 4 772 hab. 4 549 hab. Marans 4 510 hab. 4 284 hab. 4 736 hab. 4 609 hab. 4 387 hab. 4 427 hab. Le Château d'Oléron 3 518 hab. 3 328 hab. 3 132 hab. 3 458 hab. 3 803 hab. 3 734 hab. Surgères 3 289 hab. 3 580 hab. 3 784 hab. 3 375 hab. 3 235 hab. 3 579 hab. La Tremblade 3 042 hab. 2 636 hab. 3 090 hab. 3 364 hab. 3 601 hab. 3 547 hab. Jonzac 3 005 hab. 3 260 hab. 3 210 hab. 3 431 hab. 3 366 hab. 3 210 hab. Saujon 2 889 hab. 2 891 hab. 3 130 hab. 3 132 hab. 3 355 hab. 3 137 hab. Saint-Savinien 3 306 hab. 3 214 hab. 3 192 hab. 3 015 hab. 2 733 hab. 2 665 hab. Pendant un demi siècle, La Rochelle, Saintes et Royan ont plus que doublé leur population, tandis que Rochefort a atteint son maximum démographique avec 36 694 habitants en 1906. Les petites villes se sont également accru mais dans des proportions nettement moins élevées. La population urbaine est donc passée d’un cinquième de la population départementale au début du Second Empire (20 % en 1856) à un tiers à la veille de la Première Guerre mondiale (32,2 % en 1911).
Rochefort qui est longtemps demeurée la première ville du département pendant tout le XIXe siècle et jusqu’en 1906 perd cette prééminence à la veille de la Première Guerre mondiale. Pourtant, la population de cette ville s’est accrue assez régulièrement depuis 1876.
La Rochelle s’est considérablement accrue durant toute cette période, annexant de nouvelles communes. Son port de pêche en constant essor abritant un quartier de 3 000 marins bretons, son nouveau port de commerce de La Pallice, ses industries nouvelles ont scellé le développement d’une ville longtemps endormie et l’ont transformée en une ville attractive.
Saintes a connu une mutation importante avec la création d’un nouveau faubourg industriel et ferroviaire sur la rive droite de la Charente. Elle accueille alors les entrepôts ferroviaires de la Compagnie des Charentes et est devenue un véritable carrefour ferroviaire. Elle s’affirme de plus comme une ville très commerçante et une ville administrative.
Royan devient la quatrième ville du département grâce à l’essor des bains de mer. Elle est alors la « perle de l’Atlantique », une grande et prestigieuse station balnéaire, fréquentée aussi bien par la bourgeoisie de Bordeaux que de Paris, depuis qu’elle est reliée par une voie ferrée.
La période 1911 – 1946 : chute démographique de la Première Guerre mondiale et stagnation de l'Entre-deux-Guerres
Les conséquences sans précédent de la Première Guerre mondiale
L'essor économique et urbain d'avant guerre a été brusquement stoppé par les évènements terribles de la Première Guerre mondiale, dont les répercussions sur la démographie du département ont été extrêmement préjudiciables.
Évolution démographique 1911 1921 451 044 418 310 Outre le problème chronique de l’exode rural, la baisse conséquente de la natalité a généré les premiers ferments d’un vieillissement prématuré de la population du département.
La Charente-Inférieure a subi une baisse démographique considérable au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le département enregistre alors sa plus forte chute démographique jamais enregistrée jusqu’à cette date. Sa population est passée de 451 044 habitants en 1911 à 418 310 en 1821, soit une décroissance démographique record de 37 734 habitants !
Les villes comme les campagnes sont durement touchées par le conflit qui a entraîné par la suite une stagnation démographique.
La stagnation démographique de l'Entre-deux-Guerres
Dans la période de l’Entre-deux-Guerres, la démographie du département est caractérisée par une relative stagnation démographique, qui s’explique à la fois par une poursuite de l’exode rural et par une baisse très nette de la natalité. C’est dans cette période que le département enregistre d’ailleurs son plus bas niveau de population de tout le XXe siècle où, en 1931, il atteint alors 415 249 habitants.
Évolution démographique 1921 1926 1931 1936 1946 418 310 417 789 415 249 419 021 416 187 Dans l’Entre-deux-Guerres, l’évolution urbaine se maintient dans le département à un rythme modéré, la population urbaine passant de 32,2 % en 1921 à 36,3 % en 1936. Cependant, l’évolution des villes est contrastée. La Rochelle dépasse définitivement Rochefort et occupe de loin la première place départementale, sa population s’est accrue régulièrement de 1921 à 1936, passant de 39 770 habitants à 47 737 habitants en 1936. Rochefort, par contre, est durement affectée par la fermeture de son arsenal maritime en 1927. De 1921 à 1936, sa population stagne. Dans cette même période, Saintes s’accroît modérément et repasse au-dessus des 20 000 habitants. Elle demeure toujours la troisième ville du département. Royan franchit pour la première fois de son histoire démographique le seuil des 10 000 habitants dès 1921, la station balnéaire ne cesse d’attirer du monde et devient un centre de villégiature très recherché. Saint-Jean-d’Angély occupe la cinquième place, elle s’affaire moyennement et progresse peu.
Avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale, la Charente-Inférieure a recommencé à gagner de nouveaux habitants, passant à 419 021 habitants en 1936. De plus, cette croissance démographique est tirée par les cinq premières villes du département qui enregistrent alors toutes des accroissements notables de leur population.
A la fin de ce conflit moins meurtrier que le précédent, mais plus dévastateur, la Charente-Inférieure, qui devient Charente-Maritime, enregistre une nouvelle baisse démographique. Le département compte alors 416 187 habitants en 1946, c’est son plus bas niveau démographique depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
La période 1946-2006 : le renouveau démographique
C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que la population a recommencé à augmenter en Charente-Maritime et que le département a enregistré de nouveaux records démographiques, dont celui de dépasser le cap symbolique du demi million d’habitants après 1975.
Évolution démographique 1946 1954 1962 1968 1975 1982 1990 1999 2006 416 187 447 973 470 897 483 622 497 859 513 220 527 146 557 024 598 915 [1] Depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux premières années du XXIe siècle, trois périodes distinctes caractérisent ce renouveau démographique assez remarquable et soutenu en Charente-Maritime.
1946 – 1962 : la période de la reconstruction
Dynamisé par l’essor économique d’après-guerre, et fortement appuyé par les villes et le littoral alors en plein renouveau, le département de la Charente-Maritime a connu une forte augmentation de sa population, entre 1946 et 1962, gagnant en moins de 15 années plus de 54 000 habitants.
Cette croissance démographique a touché autant les campagnes que les villes. Mais dans cette période, les villes ont enregistré des croissances importantes, surtout La Rochelle et Royan, un peu moins Saintes, tandis que Rochefort est entrée dans une période difficile de mutation urbaine due aux problèmes de restructuration de l’armée. Les petites villes sont également en mutation et participent également à cet effort de reconstruction.
La densité de population qui avait chuté à 61 hab/km² en 1946 passe à 69 hab/km² en 1962. Le département est alors encore profondément rural, le taux de population urbaine est faible mais il s’accroît rapidement, passant de 38,4 % en 1946 à 44,5 % en 1962.
1962 – 1982 : le département franchit le cap du demi million d’habitants
Dans cette période de renouveau démographique qui se poursuit entre 1962 et 1982, la Charente-Maritime passe par une croissance plus modérée, tout en étant régulière.
Le solde migratoire devient nettement négatif jusqu’en 1975 et le solde naturel commence à fortement baisser. C’est dans cette période charnière de la démographie actuelle du département que le solde migratoire redevient franchement positif. A partir de 1975, la Charente-Maritime fait partie des départements les plus attractifs de France.
C’est en 1982 que la Charente-Maritime a franchi officiellement et pour la première fois de son histoire démographique, le cap du demi million d’habitants, atteignant à cette date 513 220 habitants. La densité de population s’établit alors à 75 hab/km² et le clivage entre les arrondissements littoraux et les arrondissements de l’intérieur du département commence à s’accentuer de plus en plus.
C’est également dans cette période que beaucoup de villes atteignent leur maximum démographique « intra muros » et que commence à se développer le phénomène de la rurbanisation. C’est en 1968 que la population urbaine de la Charente-Maritime atteint la barre des 50 %.
En 1975, La Rochelle forme une agglomération urbaine qui, pour la première fois, franchit le cap des 100 000 habitants, atteignant alors 100 649 habitants et se classant au troisième rang régional après Angoulême et Poitiers.
1990–2006 : un département en pleine mutation
De profondes mutations ont touché le département depuis les quinze dernières années.
Tout d'abord, la croissance démographique s’est fortement accélérée depuis 1990, passant de 527 146 habitants en 1990 à 557 024 en 1999 et à 598 915 en 2006.
Cet essor démographique sans précédent est imputable au solde migratoire qui compense largement un solde naturel légèrement négatif.
Le vieillissement de la population est un phénomène qui s’est accentué depuis les années 1990, où le littoral s’est transformé progressivement en une grande zone de villégiature pour les retraités. Ces derniers, qui contribuent massivement au solde migratoire, sont soit des natifs du département qui sont revenus « au pays », soit des touristes qui ont décidé de passer leur retraite en Charente-Maritime.
L’accroissement démographique a profité aux villes comme aux campagnes, mais aujourd’hui, 3 habitants sur 5 résident dans une unité urbaine.
La population tend à se concentrer de plus en plus dans les communes de plus de 2 000 habitants. En 2006, plus de 60 % des habitants vivent dans les 60 communes de plus de 2 000 habitants, contre seulement 40 % en 1946 où 23 communes avaient plus de 2 000 habitants.
Le département recense en 2006 17 villes de plus de 5 000 habitants, contre seulement 5 en 1946. Entre ces deux dates, le nombre de communes de plus de 5 000 habitants a donc triplé et concerne aujourd’hui largement plus du tiers de la population départementale (38,5 % en 2006).
Ce phénomène de concentration de la population dans les communes les plus peuplées s’accentue de recensement en recensement et les principales aires urbaines tendent à se joindre.
- Tout d’abord, La Rochelle et Rochefort forment un bipôle urbain dont les liens interurbains sont renforcés par les communications routières et ferroviaires. Cet ensemble urbain regroupe plus de 200 000 habitants, soit le 1/3 de la population totale du département. L’influence urbaine de La Rochelle s’étend nettement au-delà des 30 km de la ville-centre. C’est de loin la deuxième aire urbaine de Poitou-Charentes, après l’axe Poitiers-Châtellerault.
- Un second axe interurbain est en train de se former depuis les années 1980. Il s’est accéléré depuis l’ouverture de la 2X2 voies entre Saintes et Saujon sur l’axe Saintes-Royan. Cet ensemble interurbain en pleine mutation rassemble plus de 100 000 habitants. Il constitue dorénavant le cinquième pôle interurbain de Poitou-Charentes.
- Les petites villes sont redevenues attractives, autant celles qui sont situées sur le littoral que les villes de l’intérieur. Elles sont devenues des pôles d’attraction urbaine remarquablement bien équipés et exercent leur influence bien au-delà des limites de leur seul canton. C’est le cas de Saint-Pierre-d'Oléron qui exerce son attraction sur toute l’île d'Oléron, de Marennes sur le bassin de la Seudre qu’elle partage avec La Tremblade, de Surgères sur une partie de la plaine d’Aunis, de Saint-Jean-d'Angély sur pratiquement tout son arrondissement, de Pons dont l’influence déborde sur les cantons voisins de Gémozac et de Saint-Genis-de-Saintonge, enfin de Jonzac sur la partie centrale de son arrondissement.
Depuis le début du nouveau siècle, le sud du département connaît un renouveau démographique grâce à la proximité de Bordeaux, grande métropole du Sud-Ouest, dont l'aire urbaine tend à s'étendre sur un rayon d'environ 30 à 50 km.
Bibliographie
Ouvrages consultés (par ordre alphabétique des auteurs) :
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Croîf vif,
Références
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- ↑ "Il y avait dans cette ville et dans un assez grand rayon autour d'elle de grands travaux conçus depuis un quart de siècle, repris alors depuis cinq ans pour assainir les environs en ménageant l'écours des eaux marécageuses par de nombreux canaux creusés sur la rive gauche de la Charente, et la ville en lui donnant des eaux vives", in L.DELAYANT, Histoire du département de la Charente-Inférieure, H. PETIT, libraire-éditeur, la Rochelle, 1872, p.344
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- ↑ F. JULIEN-LABRUYERE, A la recherche de la Saintonge maritime, éditions Rupella, La Rochelle, 1980, p.p. 300/301
- ↑ L.DELAYANT, Histoire du département de la Charente-Inférieure, H. PETIT, libraire-éditeur, la Rochelle, 1872, p.344
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- ↑ "Le 24 octobre 1817, l'eau est pour la première fois introduite dans son château d'eau, entrepris depuis plus de dix ans", in L.DELAYANT, Histoire du département de la Charente-Inférieure, H. PETIT, libraire-éditeur, la Rochelle, 1872, p.354
- ↑ L.DELAYANT, Histoire du département de la Charente-Inférieure, H. PETIT, libraire-éditeur, la Rochelle, 1872, p.341
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- ↑ F. de VAUX-de-FOLETIER, Histoire d'Aunis et de Saintonge, Princi Néguer Editor, novembre 2000, p.158
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- ↑ Le blocus continental prend fin en 1810
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- ↑ Le 15 juillet 1815, Napoléon 1er quitte l'île d'Aix
- ↑ L.DELAYANT, Histoire du département de la Charente-Inférieure, H. PETIT, libraire-éditeur, la Rochelle, 1872, p.359
- ↑ F. de Vaux de Foletier, Histoire d'Aunis et de Saintonge, Princi Néguer Editor, Pau, novembre 2000, p.164
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- ↑ Cette classification des villes du département de la Charente-Inférieure a été établie par les travaux de recherche du professeur Jean Soumagne, professeur de géographie urbaine à l'Institut de Géographie de Poitiers, et rédigée dans un ouvrage collectif avec la participation de J. SOUMAGNE, La Charente-Maritime : milieu, économie, aménagement, publication de l'Université Francophone d'été, Jonzac, 1987, p. 108
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- ↑ J.M. DEVEAU, Histoire de l'Aunis et de la Saintonge, P.U.F. - collection du Que-Sais-Je? n°1553 - 1974, p.112
- ↑ A. CLAVERIE, La vie d'autrefois en Charente-Maritime, éditions Sud-Ouest, 1999 p.13
- ↑ A. CLAVERIE, La vie d'autrefois en Charente-Maritime, éditions Sud-Ouest, 1999 p.13
- ↑ Le département de la Charente est le premier des départements de la région Poitou-Charentes à être frappé par l'exode rural et à enregistrer une première baisse de sa population dès la fin de la Monarchie de Juillet. Ce département connaîtra d'ailleurs son maximum démographique en 1851, chiffre qu'il n'a du reste jamais dépassé depuis
- ↑ F. de Vaux de Foletier, Histoire d'Aunis et de Saintonge, Princi Néguer Editor, Pau, novembre 2000, p.165
- ↑ L.DELAYANT, Histoire du département de la Charente-Inférieure, H. PETIT, libraire-éditeur, la Rochelle, 1872, p.370
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- ↑ actuel quai de l'Yser
- ↑ actuel quai des Roches
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- ↑ Cette ancienne commune a été annexée à la ville de Cognac en 1867
- ↑ Terroir viticole regroupant l'ensemble du canton de Burie situé au nord-ouest de Cognac
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- ↑ J. COMBES, Histoire du Poitou et des Pays Charentais, éditions Gérard Tisserand, 2001, p.401
Voir également
Article détaillé : Histoire de la Charente-Maritime.Liens externes
- Le site de l'Institut atlantique d'aménagement du territoire
- INSEE Régions - Portrait de Poitou-Charentes
- Portail de la Charente-Maritime
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