Trois glorieuses

Trois glorieuses

Trois Glorieuses

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La Révolution de Juillet
Eugène Delacroix - La liberté guidant le peuple.jpg
La Liberté guidant le peupleTableau de Delacroix (1830).
Informations générales
Date 27, 28, 29 juillet 1830
Lieu Paris
Casus belli Ordonnances de Saint-Cloud
Issue Victoire des libéraux
Abdication de Charles X
Belligérants
Armée royale Insurgés libéraux:
Commandants
Auguste de Marmont
Forces en présence
10 000 soldats 10 000 insurgés
Pertes
200 morts 800 morts

La Révolution de Juillet, révolution française à la faveur de laquelle un nouveau régime, la monarchie de Juillet, succède à la Seconde Restauration, se déroule sur trois journées, les 27, 28 et 29 juillet 1830, dites les « Trois Glorieuses ».

Après une longue période dagitation ministérielle puis parlementaire, le roi Charles X tente un coup de force constitutionnel par ses ordonnances de Saint-Cloud du 25 juillet 1830. En réaction, un mouvement de foule se transforme rapidement en révolution républicaine. Le peuple parisien se soulève, dresse des barricades dans les rues et affronte les forces armées commandées par le maréchal Marmont au cours de combats qui font quelque 200 tués chez les soldats et près de 800 chez les insurgés[1].

Charles X et la famille royale fuient Paris. Les députés libéraux, majoritairement monarchistes, prennent en main la révolution populaire et, au terme de l’« hésitation de 1830 », conservent une monarchie constitutionnelle au prix dun changement de dynastie.

La maison dOrléans, branche cadette de la maison de Bourbon, succède à la branche aînée ; Louis-Philippe Ier est proclamé « roi des Français » et non plus « roi de France ».

Sommaire

Les causes de la Révolution de 1830

Histoire de France
Révolution de Juillet 1830
Restauration
Adresse des 221
Dissolution de mai 1830
Ordonnances de Saint-Cloud
Trois Glorieuses
Lieutenance générale de Louis-Philippe d'Orléans
Monarchie de Juillet

Lors des élections de 1827, les libéraux deviennent majoritaires à lassemblée, et Charles X consent[2] à nommer un premier ministre à mi-chemin entre ses opinions ultra et lorientation de la nouvelle chambre. Il appelle le vicomte de Martignac à former un ministère semi-libéral, semi-autoritaire. Mais, continuant sur sa lancée, lopposition libérale grandit et saffirme.

Le raidissement de Charles X : la constitution du ministère Polignac

Constatant léchec de cette tentative de compromis, Charles X prépare, en sous-main, un revirement de politique : pendant lété 1829, alors que les Chambres sont en vacances, il renvoie subitement le vicomte de Martignac et le remplace par le prince de Polignac. Publiée dans Le Moniteur le 8 août, la nouvelle fait leffet dune bombe. Le nouveau ministre des Affaires étrangères, qui apparaît rapidement comme le chef du ministère, évoque les pires souvenirs de la cour de Versaillesil est le fils de lamie intime de Marie-Antoinette, la très impopulaire duchesse de Polignacet de lémigration, durant laquelle il a été le compagnon de Charles X en Angleterre. À ses côtés, le comte de La Bourdonnaye, ministre de lIntérieur, est un ultra parmi les plus enragés, qui sest signalé en 1815 en réclamant « des supplices, des fers, des bourreaux, la mort, la mort » pour les complices de Napoléon Ier, tandis que le ministre de la Guerre, le général de Bourmont, est un ancien chouan rallié à l'Empereur avant de le trahir quelques jours avant la bataille de Waterloo.

Lopposition pousse des clameurs indignées : « Coblentz, Waterloo, 1815 : voilà les trois principes, voilà les trois personnages du ministère. Tournez-le de quelque côté que vous voudrez, de tous les côtés il effraie, de tous les côtés il irrite. Pressez, tordez ce ministère, il ne dégoutte quhumiliations, malheurs et chagrins. »[3] Bertin aîné, directeur du Journal des débats, publie un article célèbre qui se termine par la formule : « Malheureuse France ! Malheureux roi ! », il stigmatise « la cour avec ses vieilles rancunes, lémigration avec ses préjugés, le sacerdoce avec sa haine de la liberté »[4].

Le prince Jules de Polignac

Il y a, dans cette véhémence, une part de mise en scène. Polignac, présenté comme un bigot fanatique [5] obsédé par le droit divin des rois, est en réalité favorable à une monarchie constitutionnelle, mais considère que celle-ci nest pas compatible avec une liberté de la presse sans limite ni mesure. Plusieurs ministres importantsCourvoisier à la Justice, Montbel à lInstruction publique, Chabrol de Crouzol aux Finances, le baron dHaussez à la Marinesont plutôt libéraux[6]. Lorsque La Bourdonnaye démissionne le 18 novembre quand Polignac accède à la présidence du Conseil, il est remplacé par le baron de Montbel, lui-même remplacé à l'Instruction publique par un magistrat libéral, le comte de Guernon-Ranville.

Rien ne permet daffirmer que, comme la prétendu lopposition, Charles X et Polignac aient voulu rétablir la monarchie absolue davant 1789. En réalité, ce sont deux conceptions de la monarchie constitutionnelle, cest-à-dire deux interprétations de la Charte de 1814, qui saffrontent en 1829-1830. Dun côté le roi veut sen tenir à une lecture stricte : pour lui, le monarque peut nommer les ministres de son choix et na à les renvoyer que dans les deux cas prévus par la Charte (trahison ou concussion). De lautre côté, les libéraux voudraient faire évoluer le régime à langlaise, vers un parlementarisme que la Charte na pas explicitement prévu : ils estiment que le ministère doit avoir la confiance de la majorité de la Chambre des députés. Ce débat ne sera dailleurs pas tranché par la monarchie de Juillet.

Le point de départ de lescalade : lAdresse des 221

Au début de 1830, le climat en France est électrique. Lopposition est chauffée à blanc par les maladresses du ministère. Lhiver 1829-1830 a été particulièrement rigoureux, les autres saisons plutôt pluvieuses[7]. 1830, comme 1827 et 1828 avant elle, est une année de médiocres récoltes impliquant des prix élevés pour les subsistances et un report du pouvoir d'achat sur le pain. L'économie est morose. Des bandes de miséreux errent dans les campagnes. Des incendies dorigine inconnue, dont libéraux et ultras se rejettent mutuellement la responsabilité, plongent la Normandie dans la peur.

Adolphe Thiers, Armand Carrel, François-Auguste Mignet et Auguste Sautelet fondent un nouveau quotidien dopposition, Le National, dont le premier numéro paraît le 3 janvier 1830. Le journal milite pour une monarchie parlementaire, et évoque ouvertement la « Glorieuse Révolution » anglaise de 1688, à lissue de laquelle le roi Jacques II, incapable de comprendre les aspirations de son peuple, a été déposé et remplacé par sa fille, Marie et lépoux de celle-ci, Guillaume dOrange. Dautres journaux comme Le Globe et Le Temps relaient ces attaques, de plus en plus ouvertes, contre le roi et le gouvernement, tandis que Le Constitutionnel et le Journal des débats défendent eux aussi, mais avec plus de mesure, les idées libérales.

Le 2 mars 1830, lors de louverture de la session parlementaire, Charles X prononce un discours du trône dans lequel il annonce lexpédition militaire dAlger et menace implicitement lopposition de gouverner par ordonnances en cas de blocage des institutions[8]. Commençant à délibérer, la Chambre établit la liste des cinq noms quelle propose au roi pour la présidence : Royer-Collard, qui est nommé, suivi de Casimir Perier, Delalot, Agier et Sébastiani[9]. Les députés abordent ensuite la discussion du projet dadresse élaboré par la commission nommée à cet effet, et qui est examiné les 15 et 16 mars.

Article détaillé : Adresse des 221.

Le projet est une véritable motion de défiance à lencontre du ministère :

« Sire, la Charte que nous devons à la sagesse de votre auguste prédécesseur, et dont Votre Majesté a la ferme volonté de consolider le bienfait, consacre comme un droit lintervention du pays dans la délibération des intérêts publics. Cette intervention devait être, elle est, indirecte [...], mais elle est positive dans son résultat, car elle fait du concours permanent des vues politiques de votre gouvernement avec les vœux de votre peuple la condition indispensable de la marche régulière des affaires politiques. Sire, notre loyauté, notre dévouement nous condamnent à vous dire que ce concours nexiste pas. »

221 députés libéraux votent lAdresse le 16 mars. Le 18 mars, à la délégation de la Chambre venue au palais des Tuileries lui en donner lecture, Charles X répond avec hauteur que « [ses] résolutions sont immuables ». Le lendemain, une ordonnance ajourne la session au 1er septembre, ce qui met le Parlement en vacances pour six mois[10]. À ce moment, le roi est déterminé à aller jusquau bout : « Jaime mieux monter à cheval quen charrette », dit-il[11].

Une situation de plus en plus explosive

La décision de Charles X suscite une véritable ébullition. Des rumeurs folles circulent. On accuse le roi et ses ministres de préparer un coup de force constitutionnel. Dautres affirment que Polignac, ancien ambassadeur à Londres et ami du Premier ministre britannique, le duc de Wellington, envisage, en cas de troubles en France, de solliciter, avec lappui de lAngleterre, celui des puissances étrangères dans le cas le roi serait conduit à suspendre ou à modifier certaines dispositions de la Charte.

En avril 1830, le comte de Montlosier publie un opuscule intitulé Le Ministère et la Chambre des députés, dans lequel il soutient que, si les droits du roi sont incontestables sagissant du choix des ministres : « jusquici seulement, ces droits sétaient exercés à légard des chambres dans une mesure de conciliation et de bonté » et avec des « procédés dégard et de ménagement, consacrés dans toute espèce de gouvernement constitutionnel », de sorte que « si le roi a le droit de choisir ses ministres, ce nest pas contester la légalité que de contester la convenance »[12]. Il suggère que le « parti prêtre » pourrait pousser le roi à légiférer par ordonnances sur le fondement de larticle 14 de la Charte pour imposer des « élections jésuitiques » au nom de la sûreté de lÉtat, et invoque, en pareille hypothèse, un devoir de désobéissance qui nest pas sans rappeler le droit à linsurrection consacré par le préambule de la Constitution montagnarde de 1793 : « Si par quelque artifice on venait à tromper en ce point la religion et la volonté [du roi], on nobéirait pas. La désobéissance dans ce cas sauverait lÉtat et la royauté. »[13]

Le duc dOrléans

Au Palais-Royal, Vatout, bibliothécaire et familier du duc dOrléans, conseille à son maître dexploiter la situation à son profit. Nombre des familiers du Palais-Royalle général Gérard, Thiers, Talleyrand... – sont déjà persuadés que les Bourbons de la branche aînée sont perdus. Mais Louis-Philippe tergiverse. En mai, il reçoit à Paris son beau-frère et sa belle-sœur le roi François des Deux-Siciles et la reine Marie-Isabelle. Cest en lhonneur des souverains napolitains que, le 31 mai, une fête somptueuse est donnée au Palais-Royal , fait exceptionnel, Charles X fait une apparition. Alors que le roi est déjà reparti, le peuple envahit les jardins, quon a laissés ouverts. Le duc dOrléans paraît à plusieurs reprises au balcon et se fait acclamer par une foule d ne tardent pas à monter des cris hostiles au roi et à Polignac. La manifestation dégénère, on met le feu aux chaises du jardin, un début démeute dont la cour rend Louis-Philippe responsable. Le jeune comte de Salvandy, assistant à cette fête « les cris de révolte se marient à la musique des contredanses et des valses », selon la formule du comte Apponyi[14], adresse au maître de maison le mot fameux, aussitôt répété dans tout Paris : « Voilà, Monseigneur, une fête toute napolitaine : nous dansons sur un volcan ! »[15]

Article détaillé : Dissolution de mai 1830.

Le 16 mai 1830, alors quun corps expéditionnaire français est prêt à partir à la conquête dAlger, Charles X dissout la Chambre des députés et convoque les collèges darrondissement le 23 juin et ceux de département le 3 juillet. Dans limmédiat, la décision du roi provoque léclatement du ministère : Courvoisier et Chabrol de Crouzol, qui y sont hostiles, démissionnent, tandis que Chantelauze est nommé à la Justice et que Montbel, passé aux Finances, est remplacé à l'Intérieur par un ultra notoire, le comte de Peyronnet. Un préfet spécialiste des élections, le baron Capelle, entre dans le cabinet, officiellement à la tête dun ministère des Travaux publics qui fait ainsi son apparition dans lorganigramme gouvernemental.

Le 13 juin, Charles X publie au Moniteur un appel aux Français dans lequel il accuse les députés de la Chambre dissoute « davoir méconnu ses intentions » et demande aux électeurs « de ne pas se laisser égarer par le langage insidieux des ennemis de leur repos », de « repousser dindignes soupçons et de fausses craintes qui ébranleraient la confiance publique et pourraient exciter de graves désordres » ; il conclut : « Cest votre roi qui vous le demande. Cest un père qui vous appelle. Remplissez vos devoirs, je saurai remplir les miens. » La manœuvre est risquée, car, ce faisant, le roi sest exposé lui-même, prenant le risque du désaveu.

Les élections sont une déroute pour le roi : lopposition passe de 221 à 270 députés, les ministériels ne sont plus que 145 contre 181, et 13 députés sont revendiqués par les deux camps.

Le détonateur : les ordonnances du 25 juillet 1830

Lors du conseil des ministres du 6 juillet, Polignac constate que le gouvernement par ordonnances, sur la base de larticle 14 de la Charte, envisagé de longue date, est désormais le seul recours. Malgré les réserves de Guernon-Ranville, Charles X tranche en ce sens dès le lendemain. Les principales mesures sont dores et déjà arrêtées : nouvelle dissolution de la Chambre des députés, modification de la loi électorale, organisation de nouvelles élections, suspension de la liberté de la presse. Pour Charles X, la gauche, en harcelant le ministère, veut renverser la monarchie : il ne saurait donc être question pour lui de renvoyer le cabinet et le gouvernement par ordonnances est le seul moyen de maintenir la Charte[16].

Article détaillé : Ordonnances de Saint-Cloud.

Le lendemain, 9 juillet, arrive à Paris la nouvelle de la prise dAlger. Cette gloire militaire qui vient auréoler un régime à bout de souffle conforte le roi[17] dans ses intentions. Mais elle lui aliène lAngleterre, dautant que Charles X fait répondre avec hauteur aux demandes déclaircissements adressées par le cabinet britannique, et ce soutien lui manque lors des journées de Juillet.

À partir du 10 juillet, le roi et les ministres préparent les ordonnances dans le plus grand secret. Même le préfet de police et les autorités militaires ne sont pas mis dans la confidence, de sorte que rien nest préparé pour maintenir lordre dans la capitale[18].

Lopposition libérale, qui se doute quun coup de force se prépare, redoute une insurrection populaire quelle nest pas certaine de pouvoir maîtriser. La grande majorité des députés libéraux, issus de laristocratie ou de la bourgeoisie aisée, ne sont nullement démocrates. Le 10 juillet, une quarantaine de députés et de pairs, réunis chez le duc de Broglie, décident quen cas de coup de force, ils refuseraient le vote du budget. Parallèlement, des discussions sont engagées avec lentourage de Charles X par lintermédiaire dun de ses familiers, Ferdinand de Bertier de Sauvigny. Les députés proches du Palais-Royal pourraient accepter le maintien de Polignac, des modifications de la loi électorale et du régime de la presse, moyennant lentrée dans le cabinet de trois ministres libéraux dont Casimir Perier et le général Sébastiani. Mais ces discussions tournent court : Polignac préfère jouer le tout pour le tout et tenter lépreuve de force.

Le duc dOrléans, de son côté, passe lété dans son château de Neuilly, il sest installé avec sa famille le 9 juillet. Il fait lindifférent et attend son heure. Le marquis de Sémonville, grand référendaire de la Chambre des Pairs, type même du personnage douteux[19], vient lui rendre visite le 21 juillet et lui fait des ouvertures précises :

La couronne ? Jamais, Sémonville, à moins quelle ne marrive de droit !
Ce sera de droit, Monseigneur, elle sera par terre, la France la ramassera et vous forcera à la porter[20].

Le 25 juillet à onze heures du soir, le garde des sceaux, Chantelauze, remet les ordonnances[21] au rédacteur en chef du Moniteur pour quelles soient imprimées dans la nuit et publiées au matin du lundi 26 :

  • la première ordonnance suspend la liberté de la presse et soumet toutes les publications périodiques à une autorisation du gouvernement ;
  • la deuxième dissout la Chambre des députés alors que celle-ci vient dêtre élue et ne sest encore jamais réunie ;
  • la troisième écarte la patente pour le calcul du cens électoral, de manière à écarter une partie de la bourgeoisie commerçante ou industrielle, dopinions plus libérales, réduit le nombre des députés de 428 à 258 et rétablit un système délections à deux degrés dans lequel le choix final des députés procède du collège électoral de département, qui rassemble seulement le quart des électeurs les plus imposés de la circonscription ;
  • la quatrième convoque les collèges électoraux pour septembre ;
  • les cinquième et sixième procèdent à des nominations de conseillers dÉtat au profit dultras notoires.

Les journées de Juillet

26 juillet : la fermentation de la révolte

Le lundi 26 juillet, magnifique journée dété, il fait une chaleur accablante. La publication des ordonnances plonge le pays dans un véritable état de stupeur. Lon sattendait à un coup de force, mais on nimaginait pas que le roi agirait avant la réunion des Chambres prévue pour le 3 août. Leffet de surprise est donc total, alors que la plupart des opposants ne sont pas encore rentrés à Paris.

Dès le début de laprès-midi, les propriétaires du Constitutionnel organisent une réunion chez leur avocat, André Dupin, par ailleurs député libéral et avocat du duc dOrléans. Y assistent quelques journalistes, dont Charles de Rémusat et Pierre Leroux du Globe, et des avocats comme Odilon Barrot et Joseph Mérilhou. Dupin explique que les ordonnances sont contraires à la Charte, donc illégales, mais, sur la suggestion de Rémusat de rédiger une protestation, il objecte que la réunion se tient dans son cabinet davocat et ne saurait donc prendre un tour politique. Rémusat et Leroux se rendent alors dans les bureaux du National des journalistes sont réunis autour de Thiers, Mignet et Carrel. Le journal publie une édition spéciale appelant à la résistance par la grève de limpôt. Thiers et Rémusat proposent délever une protestation solennelle qui est rédigée sur-le-champ, signée par 44 journalistes et publiée le lendemain dans les journaux Le National, Le Globe et Le Temps :

« Le régime légal est [...] interrompu, celui de la force est commencé. Dans la situation nous sommes placés, lobéissance cesse dêtre un devoir. [...] Aujourdhui donc, des ministres criminels ont violé la légalité. Nous sommes dispensés dobéir. Nous essaierons de publier nos feuilles sans demander lautorisation qui nous est imposée. »

Au même moment, les députés libéraux présents à Paris cherchent à sorganiser, mais de manière encore timide car ils redoutent la réaction du gouvernement. Alexandre de Laborde et Louis Bérard sont les plus allants. Une première réunion a lieu chez Casimir Perier dans laprès-midi du 26, se retrouvent Bérard, Bertin de Vaux, Laborde, Saint-Aignan, Sébastiani et Taillepied de Bondy. Bérard propose une protestation collective, mais ses collègues refusent de sengager. Déçu, il se rend, accompagné par Laborde, dans les bureaux du National il se joint à la protestation de Thiers.

Dans la soirée, une quinzaine de députés se réunissent chez Laborde, parmi lesquels Bavoux, Bérard, Lefebvre, Mauguin, Perier, Persil, Schonen. Bérard propose à nouveau une protestation collective, mais les députés présents se dérobent au motif quils ne sont pas suffisamment nombreux. On se borne à décider de se revoir le lendemain à quinze heures chez Casimir Perier qui, quoique visiblement embarrassé[22], nose pas refuser son salon.

Au même moment, quelques attroupements commencent à se former au Palais-Royal, place du Carrousel, place Vendôme, sous l'impulsion de l'Association de Janvier. On crie : « Vive la Charte ! À bas les ministres ! À bas Polignac ». Des manifestants reconnaissent la voiture de Polignac qui, en compagnie du baron dHaussez, rentre à lhôtel des Affaires étrangères, alors sis rue Neuve-des-Capucines. Des pierres sont lancées en direction de léquipage, une vitre est brisée dont les éclats égratignent dHaussez, mais le cocher parvient à entrer au grand galop dans la cour de lhôtel dont les gendarmes referment aussitôt la porte. Un calme trompeur retombe sur Paris qui sendort dans linquiétude du lendemain.

27 juillet : de lémeute à linsurrection

Le 27 juillet, bravant les ordonnances, Le National, Le Temps, Le Globe et Le Journal du commerce paraissent sans autorisation et publient la protestation des journalistes. Aussitôt, le préfet de police, Claude Mangin, ordonne la saisie des presses des quatre journaux en cause et le parquet lance des mandats darrêt contre les signataires de la protestation. De vives échauffourées ont lieu entre la police et les ouvriers typographes, qui redoutent de perdre leur emploi et vont former le noyau dur de linsurrection.

La sociologie de lémeute demeure un sujet de controverses entre les historiens. Pour lhistoriographie socialiste et communiste, dans la lignée dErnest Labrousse, les insurgés sont des victimes de la crise économique et des exclus. Pour dautres, comme David H. Pinkney[23], ce sont essentiellement des artisans, des boutiquiers et des employés, dont beaucoup ont fait partie de la garde nationale jusquà sa suppression en 1827 et ont conservé leur arme. Pour Jean Tulard, se basant sur les archives de la préfecture de police, ce sont « des ouvriers saisonniers, sans passé ni traditions révolutionnaires [...] masse facilement entraînée par les étudiants et les meneurs politiques »[24].

Des meneurs, il y en a : depuis au moins un an, activistes républicains ou bonapartistes ont préparé le terrain. Les républicains ne sont quune poignée, mais actifs et déterminés : Godefroy Cavaignac, Joseph Guinard, Armand Marrast, Louis-Adolphe Morhéry, François-Vincent Raspail, Ulysse Trélat, Ferdinand Flocon, Auguste Blanqui, etc. Les bonapartistes, souvent anciens soldats de lEmpire sont plus nombreux, mais aussi plus discrets, se retrouvant au sein de sociétés secrètes sous légide de la Charbonnerie.

Le maréchal Marmont, duc de Raguse

À quinze heures, une trentaine de députés libéraux se réunissent chez Casimir Perier sous la présidence de leur doyen dâge, le député dextrême gauche Labbey de Pompières qui sétait rendu célèbre en demandant, en 1829, la mise en accusation du ministère Villèle. La plupart des députés présents sont inquiets, et se demandent sils ont le droit de se réunir. Bérard, qui trouve Casimir Perier « remarquable par un air de gêne et de contrainte extrêmement prononcé », propose une nouvelle fois de rédiger une protestation. Villemain suggère une simple lettre à Charles X et Dupin, des protestations individuelles. Après de nouvelles tergiversations, seul Guizot soffre pour préparer un projet quil soumettra le lendemain. Vers dix-sept heures, les députés se séparent une fois de plus sans avoir rien résolu de clair. En réalité, la majorité des députés nont aucune envie de créer lirréparable avec Charles X et les ministres, et saccommoderaient dun retrait des ordonnances et dun changement de ministère.

Pendant ce temps, les premiers groupes démeutiers ont commencé à se heurter à la police et à la gendarmerie aux alentours du Palais-Royal. Les premières barricades sont dressées par des étudiants et des ouvriers de lAssociation des patriotes de Morhéry. La foule est exaspérée par lannonce de la nomination du maréchal Marmont, duc de Raguse, au commandement de la 1re division militaire, cest-à-dire de Paris. Comme Bourmont, Marmont représente, aux yeux du peuple, larchétype du traître, celui dont la défection, en 1814, a contraint Napoléon à abdiquer[25]. Poussés par quelques meneurs, les manifestants harcèlent les troupes à coups de pavés, de briques ou de pots de fleurs. Finalement, au début de la soirée, les soldats se mettent à tirer. On ramasse, sur le pavé, les premiers cadavres que les républicains brandissent comme des trophées, pour exciter le gros des émeutiers à linsurrection. La Révolution de 1830 commence véritablement à ce moment-.

28 juillet : la révolution populaire

La liberté guidant le peuple (28 juillet 1830). Eugène Delacroix. Paris, Musée du Louvre.

Au matin du 28 juillet, le centre et lest de la capitale sont hérissés de barricades. 10 000 insurgés pillent les armureries en chantant La Marseillaise. À onze heures du matin, les ministres, Polignac en tête, viennent se réfugier auprès de Marmont au palais des Tuileries. Marmont juge la situation très sérieuse ; il envoie à Charles X, qui se trouve au château de Saint-Cloud, le célèbre message :

« Ce nest plus une émeute, cest une révolution. Il est urgent que Votre Majesté décide des moyens de pacification. Lhonneur de la couronne peut être encore sauvé. Demain peut-être il ne serait plus temps. »

Charles X ne répond pas mais, dans la soirée, Polignac informe Marmont que le roi vient de signer une ordonnance mettant Paris en état de siège : Marmont reçoit donc les pleins pouvoirs pour écraser la révolution. Mais il ne dispose que de quelque 10 000 hommes, la capitale ayant été dégarnie pour constituer le corps expéditionnaire dAlger, envoyer des troupes en Normandie pour tenter de rassurer la population inquiétée par la vague dincendies criminels, et couvrir la frontière du Nord, car lon craint des troubles en Belgique.

Durant la journée du 28, les soldats, mal ravitaillés en vivres et en munitions, sont pris au piège des ruelles étroites du vieux Paris, cisaillées de barricades, sous des pluies de projectiles divers. En fin de matinée, les insurgés se rendent maîtres de lHôtel de ville, au sommet duquel ils hissent le drapeau tricolore, provoquant une intense émotion dans la population parisienne. Plusieurs fois perdu et repris au cours de la journée, le bâtiment, hautement symbolique, finit par rester aux mains des insurgés.

Le combat devant lHôtel de ville le 28 juillet 1830. Jean-Victor Schnetz. Paris, Musée du Petit Palais.

Talleyrand se trouve dans son hôtel de Saint-Florentin, à langle de la place de la Concorde. À cinq heures de laprès-midi, son secrétaire, Colmache, lui annonce que le tocsin quon entend au loin signifie que le peuple a pris lHôtel de ville.

« Quelques minutes encore, dit le prince de Bénévent, et Charles X ne sera plus roi de France. »[26]

Pendant ce temps-, les députés libéraux continuent de rechercher une solution de compromis. Le général Gérard, député de lOise familier du duc dOrléans, envoie discrètement le docteur Thiébaut auprès du baron de Vitrolles pour le déterminer à faire une démarche auprès du roi afin dobtenir le retrait des ordonnances. Vitrolles se rend à Saint-Cloud dans laprès-midi et rencontre pendant deux heures Charles X, qui continue de refuser toute concession. À midi, les députés se retrouvent chez Pierre-François Audry de Puyraveau, lon trouve notamment pour la première fois Laffitte et La Fayette, qui viennent de revenir dans la capitale. Ils désignent une commission de cinq membresLaffitte, Delessert, Perier, les généraux Gérard et Moutonchargée daller négocier avec Marmont pour obtenir un cessez-le-feu, et adoptent la protestation présentée par Guizot, qui impute prudemment aux seuls ministres, accusés davoir « trompé le roi », la responsabilité des ordonnances et laisse ainsi ouverte la possibilité dune sortie de crise par le renvoi du ministère et le retrait des ordonnances.

Vers quatorze heures trente, la délégation des députés est reçue par Marmont aux Tuileries. Le maréchal, invoquant les ordres reçus, exige la fin de linsurrection comme préalable à un ordre de cesser le feu, tandis que les députés réclament le retrait des ordonnances et le renvoi des ministres comme préalable à larrêt de lémeute. La discussion tourne court, dautant que Polignac, retranché dans une pièce voisine, refuse de recevoir les députés. Ceux-ci quittent les Tuileries vers quinze heures. Marmont envoie aussitôt un message à Charles X pour lui rendre compte et conclut : « Je pense quil est urgent que Votre Majesté profite sans délai des ouvertures qui lui ont été faites. »[27], tandis que Polignac envoie, de son côté, un émissaire, sans doute porteur du conseil de ne pas céder un pouce de terrain. En fin daprès-midi, Marmont reçoit la réponse du roi : il linvite à « tenir ferme » et à concentrer ses troupes entre le Louvre et les Champs-Élysées.

Le combat de la Porte Saint-Denis. Hippolyte Lecomte, 1830. Paris, Musée Carnavalet.

Au même moment, les députés sont à nouveau réunis, cette fois chez Louis Bérard. Ils refusent de signer la protestation rédigée par Guizot, préférant laisser publier le texte imprimé, quils pourront toujours désavouer en fonction de lévolution de la situation. Il est vrai que la situation demeure incertaine. Le gouvernement a lancé des mandats darrêt contre La Fayette, Gérard, Mauguin, Audry de Puyraveau, Salverte et André Marchais, secrétaire de la société « Aide toi, le ciel t'aidera ». Thiers est parti se cacher près de Pontoise tandis que Rémusat a trouvé refuge chez le duc de Broglie[28].

Jacques Laffitte, qui vient de rentrer de sa propriété de Breteuil, est le premier à engager des démarches auprès du duc dOrléans. Au Palais-Royal, il prend contact avec le secrétaire des commandements du duc, Oudard, qui transmet à Louis-Philippe, à Neuilly, un message promettant au prince que Laffitte travaillera pour lui sans le compromettre, mais lui recommandant de « ne pas se compromettre lui-même en se faisant prendre dans les filets de Saint-Cloud »[29]. Averti, dans la nuit du 27 au 28, par la femme de Taillepied de Bondy quun bataillon de la garde royale, caserné au faubourg Saint-Honoré, a reçu lordre de cerner le château de Neuilly « au moindre mouvement qui pourrait faire supposer lintention de mêler [le duc] à une insurrection »[30], Louis-Philippe passe la nuit du 28 au 29 dans une ancienne orangerie aménagée en magnanerie, qui flanque le petit château de Villiers, à la limite de la propriété[31].

29 juillet : le triomphe de linsurrection

Attaque du Palais du Louvre le 29 juillet 1830. École française du XIXe siècle. Paris, Musée Carnavalet.

Pendant la nuit du 28 au 29 juillet, de nouvelles barricades ont été élevées. Le jeudi 29, à laube, Marmont a se concentrer sur une bande qui va du Louvre à lÉtoile en passant par les Tuileries et les Champs-Élysées. Dans la matinée, le 5e et le 53e régiments de ligne, qui tiennent la place Vendôme, passent aux insurgés[32]. Cette double défection entraîne leffondrement du dispositif militaire : pour colmater la brèche, Marmont doit dégarnir le Louvre et les Tuileries qui, attaqués, tombent aux mains des insurgés tandis que les troupes royales se replient en désordre à travers les Champs-Élysées jusquà lÉtoile. Dans la soirée, linsurrection est maîtresse de Paris et les débris de larmée royale ont pris position dans le bois de Boulogne pour protéger le château de Saint-Cloud.

Au petit matin, deux pairs, le marquis de Sémonville et le comte dArgout, se rendent aux Tuileries pour demander à Polignac de démissionner et dobtenir le retrait des ordonnances. À lissue dune entrevue orageuse, les deux pairs dun côté, le président du Conseil de lautre, se précipitent vers Saint-Cloud ils arrivent en même temps, et sopposent devant Charles X, pendant quon apporte à ce dernier la nouvelle de la débandade des troupes de Marmont.

Combat de la rue de Rohan le 29 juillet 1830. Hippolyte Lecomte. Paris, Musée Carnavalet.

Tôt le matin, le baron de Vitrolles a également reçu par lintermédiaire du docteur Thiébaut une nouvelle communication du général Gérard qui lui indique que, désormais, outre le retrait des ordonnances, le roi doit renvoyer Polignac et confier au duc de Mortemart[33] le soin de former un nouveau ministère dans lequel entreraient Gérard et Perier. Charles X accepte ces conditions et charge Sémonville, dArgout et Vitrolles de retourner à Paris pour faire connaître son acceptation.

Dans la matinée, une réunion chez Laffitte rassemble députés et journalistes. Laffitte a envoyé Oudard à Neuilly pour dire au duc dOrléans quil est urgent quil prenne position. La Fayette annonce quil a accepté de prendre le commandement de la Garde nationale, dissoute en 1827 et qui vient de se reconstituer. Contre lavis des républicains qui, avec Audry de Puyraveau, voudraient la création dun gouvernement provisoire, Guizot, appuyé par Bertin de Vaux et Méchin, propose de former une commission municipale provisoire qui se chargerait dadministrer la capitale devant la carence des pouvoirs civil et militaire. Cette proposition est acceptée. Laffitte, qui ne veut pas être cantonné à un rôle municipal, et Gérard, qui va prendre le commandement des troupes parisiennes, se dérobent de sorte que la commission est composée de Casimir Perier, Mouton de Lobau, Audry de Puyraveau, Mauguin et Auguste de Schonen. La commission et La Fayette sinstallent au milieu de laprès-midi à lHôtel de ville.

Après avoir perdu un temps considérable à franchir les barricades, Sémonville, dArgout et Vitrolles, partis de Saint-Cloud en fin daprès-midi, narrivent à lHôtel de ville quà huit heures du soir. Ils sont reçus par la commission municipale et La Fayette, qui demandent des preuves officielles du renvoi de Polignac, que les émissaires sont incapables de leur fournir. Découragé, Sémonville va se coucher au Palais du Luxembourg, tandis que dArgout se rend, non sans difficultés, chez Laffitte, les députés réunis paraissent plutôt favorables au maintien de Charles X sur son trône avec le duc de Mortemart comme Premier ministre. À dix heures du soir, dArgout repart pour Saint-Cloud pour aller chercher le duc de Mortemart. Les députés lui ont indiqué quils lattendraient jusquà une heure du matin. À une heure et demie, il nest pas rentré, la réunion se disperse, les parlementaires vont se coucher. Les émeutiers sont alors les maîtres de la capitale. Lheure de la solution de compromis est passée. Avec elle, cest le trône de Charles X qui est désormais condamné.

30 et 31 juillet : la récupération bourgeoise

Le marquis de La Fayette. Lithographie de Delpech.

Le 30 juillet, députés et journalistes entrent en scène pour récupérer la révolution populaire au profit de la bourgeoisie, en jouant sur la peur. Après quelques jours dhésitation entre république et solution orléaniste, la monarchie de Juillet est finalement instituée. La bourgeoisie parisienne dame le pion aux républicains désorganisés.

30 juillet : lélimination de Charles X et de loption républicaine

Loffensive est lancée dès laube du vendredi 30 juillet par Laffitte et Thiers[34], avec la bienveillante complicité de Talleyrand qui, depuis quelque temps mise sur le duc dOrléans pour sauver la monarchie constitutionnelle. Laffitte reçoit chez lui les trois rédacteurs du National : Thiers, Mignet, Carrel. Il ne craint pas la menace bonapartiste, car le duc de Reichstadt est en Autriche et la quasi-totalité des dignitaires de lEmpire sont ralliés à la monarchie, mais il redoute quavec larrivée incessante du duc de Mortemart, les députés ne se laissent séduire par une régence assortie de la proclamation du petit-fils de Charles X, le duc de Bordeaux, sous le nom de Henri V. Les quatre hommes conviennent quil faut prendre cette solution de vitesse en proclamant sans attendre le duc dOrléans. Thiers et Mignet rédigent aussitôt un texte qui est imprimé sous forme daffiche dans les ateliers du National et placardé partout dans Paris pour que les Parisiens le découvrent à leur réveil :

« Charles X ne peut plus rentrer dans Paris : il a fait couler le sang du peuple.
La république nous exposerait à daffreuses divisions ; elle nous brouillerait avec lEurope.
Le duc dOrléans est un prince dévoué à la cause de la Révolution.
Le duc dOrléans ne sest jamais battu contre nous.
Le duc dOrléans a porté au feu les couleurs tricolores.
Le duc dOrléans peut seul les porter encore ; nous nen voulons pas dautres.
Le duc dOrléans sest prononcé ; il accepte la Charte comme nous lavons toujours voulue et entendue[35]. Cest du peuple français quil tiendra sa couronne. »

Il ne reste plus quà neutraliser Mortemart, et surtout La Fayette, porte-drapeau des républicains, et à convaincre le duc dOrléans, qui na pas révélé ses intentions, daccepter la couronne.

Sagissant de La Fayette, Charles de Rémusat, qui a épousé sa petite-fille, est allé le sonder à lHôtel de ville dans la matinée. Le choix, lui dit-il, est entre le duc dOrléans et la république. Dans le cas de la république, La Fayette accepterait-il den prendre la direction ? Le vieux général, qui na aucune envie de porter le fardeau du pouvoir, se dérobe : « Le duc dOrléans sera roi », répond-il[36].

Sagissant du duc de Mortemart, il nest arrivé à Paris, accompagné du comte dArgout, que dans la matinée[37]. Il a prévu de se rendre chez Laffitte, puis à lHôtel de ville, mais il rencontre sur le chemin Bérard et son beau-père, le général Mathieu Dumas, qui lui annoncent que les députés qui sétaient réunis chez le banquier viennent de se séparer mais quils se retrouveront à midi au Palais-Bourbon pour confier au duc dOrléans la lieutenance générale du royaume. Au duc de Mortemart, qui lui montre les ordonnances dont il est porteur, Bérard répond froidement : « Charles X a cessé de régner. [...] Il est trop tard, le moment un traité était possible est passé, il ne reviendra jamais. »[38] Effondré, Mortemart renonce à se rendre à lHôtel de ville et se précipite au Palais du Luxembourg Sémonville a réuni quelques pairs. Lun dentre eux, le comte de Sussy, soffre daller notifier les ordonnances à lHôtel de ville après en avoir fait faire des copies certifiées conformes : aimablement accueilli par La Fayette, il doit fuir sous les huées de la foule lorsque celui-ci donne lecture des ordonnances.

Au Palais Bourbon, les députés, réunis à midi, refusent de recevoir les ordonnances en considérant que Charles X a cessé de régner et désignent une commission de cinq membres pour aller discuter avec les pairs : Augustin Perier, Horace Sébastiani, François Guizot, Benjamin Delessert et Jean-Guillaume Hyde de Neuville. Au Palais du Luxembourg, les députés expliquent au duc de Mortemart que Charles X a cessé de régner et que le duc dOrléans est désormais le seul rempart contre la république. Mortemart, tout en protestant quil ne peut, comme ministre de Charles X, entrer dans un tel raisonnement, finit par reconnaître que la lieutenance générale du duc dOrléans lui semblerait, dans les circonstances de lheure, la moins mauvaise des solutions. La plupart des pairs présents opinent dans le même sens et Sébastiani est envoyé au Palais Bourbon pour communiquer cette délibération aux députés.

Il ne reste plus quà convaincre le duc dOrléans que le moment est venu de se découvrir. Or Louis-Philippe craint dentrer prématurément dans Paris. Au matin du 30 juillet, rien ne démontre que Charles X est complètement hors jeu : il est encore à Saint-Cloud, vient de nommer un nouveau gouvernement, peut abdiquer en faveur du duc de Bordeaux... Le duc dOrléans juge prudent dattendre et, dans la matinée, son aide de camp, le général de Rumigny, la prévenu, de la part de quelques députés, que les parlementaires voudraient lappeler sur le trône, mais que Charles X pourrait tenter de le faire arrêter. Aussi quitte-t-il discrètement son domaine de Neuilly par Levallois pour se rendre dans son château du Raincy, beaucoup plus éloigné de Saint-Cloud[39].

Vers midi, les députés se réunissent au Palais-Bourbon. Seul Hyde de Neuville parle en faveur de Charles X, et ils ne sont quune poignée à évoquer la république ; tous les autres sont favorables au duc dOrléans, mais se divisent sur les conditions de son arrivée au pouvoir : certains veulent le proclamer lieutenant général du royaume, tandis que dautres voudraient lélever tout de suite sur le trône.

Article détaillé : Hésitation de 1830.

En définitive, en début daprès-midi, les députés saccordent sur la première formule et adoptent une proposition rédigée par Benjamin Constant qui « prie S.A.R. Mgr le duc dOrléans de se rendre dans la capitale pour y exercer les fonctions de lieutenant général du royaume » et « lui exprime le vœu de conserver les couleurs nationales ».

Adélaïde dOrléans, « Mademoiselle », sœur de Louis-Philippe

Dans la matinée, les députés ont décidé denvoyer Henri de Rigny, accompagné de Jean Vatout, sonder le duc dOrléans au château de Neuilly ; mais Thiers, muni par Laffitte et Sébastiani de lettres dintroduction et accompagné du peintre Ary Scheffer, familier de la famille dOrléans, est parti à toute allure sur de bons chevaux prêtés par le prince de la Moskowa, gendre de Laffitte, pour leur griller la politesse. Thiers, arrivé le premier, ne trouve pas le duc dOrléans à Neuilly, mais, tandis que la duchesse lui explique « quil est impossible que [son mari] accepte tant que le roi est encore à Saint-Cloud »[40], Mademoiselle, sœur du duc, paraît lui accorder une attention beaucoup plus complaisante. Il faut éviter, dit-elle, de « donner à la révolution le caractère dune révolution de palais, dune intrigue du duc dOrléans »[41] et de provoquer une intervention des puissances étrangères. Thiers fait valoir que la solution orléaniste peut seule sauver la France de lanarchie et que les puissances, soulagées de voir la France échapper à la république, ne pourront quapprouver le changement de dynastie. En définitive, lintrépide Mademoiselle conclut : « Si vous croyez que ladhésion de notre famille peut être utile à la révolution, nous vous la donnons bien volontiers ! »[42], et elle va même jusquà envisager de se rendre elle-même à Paris pour accepter la lieutenance générale au nom de son frère : « Il faut que la Chambre des députés se prononce, mais cela fait, mon frère ne peut hésiter, et, sil le faut, jirai moi-même à Paris et je promettrai en son nom, sur la place du Palais-Royal, au milieu du peuple des barricades. »[43]

Vis-à-vis de Rigny, arrivé sur ces entrefaites, la duchesse oscille entre légitimisme et tentation de la lieutenance générale. Toute la journée, les visiteurs se pressent à Neuilly : « La demeure du duc dOrléans [est] assiégée par le zèle des uns, par limportunité des autres ; ambitieux ou dévoués, tous arriv[ent] au prince, la couronne de France dans la poche. »[44] À Dupin aîné et Persil, la duchesse soutient que « son mari ne veut pas devenir usurpateur » et quil ne veut pas quon puisse dire que la révolution a été accomplie « pour mettre le duc dOrléans sur le trône » et non « pour défendre les libertés nationales »[45]. Mais, pendant quelle joue ainsi la comédie de la vertu, elle envoie vers une heure Oudard au Raincy pour tenir Louis-Philippe au courant et lui conseiller de revenir sans tarder à Neuilly. Arrive, peu après, Lasteyrie, gendre de La Fayette, pour faire savoir de la part de ce dernier « quil faut se dépêcher parce quil est difficile de contenir le peuple ». La duchesse envoie aussitôt à son mari un second messager, le jeune Anatole de Montesquiou-Fézensac, qui parcourt à bride abattue les vingt kilomètres qui séparent Neuilly du Raincy, il arrive en milieu daprès-midi.

Après avoir adopté la résolution préparée par Benjamin Constant, les députés tirent au sort une commission de douze membres[46] pour aller la notifier au duc dOrléans au Palais-Royal. Ny trouvant pas Louis-Philippe, la commission envoie à Neuilly un jeune maître des requêtes, Langlois dAmilly, chargé dannoncer son arrivée prochaine. Il est suivi de peu par Alexandre Méchin. Tous deux, épaulés par le poète Casimir Delavigne, tentent de convaincre la duchesse, qui sy refuse, de lurgence à sengager.

En début de soirée, Louis-Philippe, accompagné de Montesquiou et dOudard, rentre à Neuilly et se cache dans le parc, au carrefour des Poteaux-Ronds[47]. Dans le bosquet des Tourniquets, il est rejoint vers huit heures du soir par sa femme et par sa sœur. Cest quil décide daccepter la résolution des députés car celle-ci, ne précisant pas au nom de qui la lieutenance générale sera exercée, semble suffisamment vague pour préserver lavenir. Il fait venir les douze commissaires envoyés par les députés et, à la lumière des torches, écoute la lecture de la proclamation et y donne son accord[48].

31 juillet : lentrée en scène de Louis-Philippe

Arborant à la boutonnière un ruban tricolore, vêtu dune redingote grise et dun chapeau rond, Louis-Philippe, accompagné du baron de Berthois, dOudard et du colonel Heymes, quitte Neuilly à pied par la grille du parc, vers dix heures du soir et se dirige vers le Palais-Royal. Sur le chemin, il sarrête à lhôtel de Saint-Florentin chez Talleyrand et sassure de lappui de ce dernier. Il arrive au Palais-Royal peu avant minuit et, par une porte dérobée, va se coucher dans une chambre de lappartement dOudard, non sans avoir envoyé mander le duc de Mortemart.

Pendant ce temps, Heymes se rend chez Jacques Laffitte quil tire de son lit à une heure et demie du matin pour lui annoncer que le duc dOrléans recevra les députés à neuf heures au Palais-Royal. Il se rend ensuite au Palais du Luxembourg il arrive vers deux heures du matin. Il réveille le duc de Mortemart et parvient à le convaincre de le suivre auprès de Louis-Philippe. Partis vers trois heures du matin, les deux hommes parviennent, après bien des détours, à rejoindre le Palais-Royal. Conduit par Berthois à travers un dédale de corridors et descaliers dérobés, Mortemart est introduit à quatre heures du matin auprès de Louis-Philippe, qui dort sur un matelas jeté à même le sol dune petite pièce. Il fait une chaleur suffocante. Le duc dOrléans se lève, dépoitraillé, sans perruque, en sueur et débite avec animation un long discours destiné à convaincre Mortemart de sa fidélité à Charles X : « Si vous voyez le roi avant moi, conclut-il, dites-lui quil mont amené de force à Paris [...] que je me ferai mettre en pièces plutôt que de me laisser poser la couronne sur la tête. »[49] Puis, annonçant à Mortemart que les députés présents à Paris lont nommé lieutenant général du royaume pour faire barrage à la république, il lui demande si ses pouvoirs lui permettent de reconnaître cette nomination au nom de Charles X. Mortemart ayant répondu par la négative, Louis-Philippe lui remet une lettre destinée au roi dans laquelle, après avoir protesté de sa loyauté, il déclare que si on le contraint à exercer le pouvoir, il ne lacceptera que « temporairement et dans lintérêt de [leur] maison ».

Mais, peu après, au matin, Louis-Philippe apprend que Charles X, cédant à la panique et au découragement, vient de quitter Saint-Cloud pour Trianon. Aussitôt, il fait rappeler le duc de Mortemart et lui redemande sa lettre, sous prétexte dy apporter une correction. Pour Louis-Philippe, à cet instant, les dès sont jetés : le trône est vacant, il ne lui reste plus quà sy asseoir.

Dès neuf heures du matin, après sêtre entretenu avec Méchin, Dupin et Sébastiani, il reçoit la délégation des députés auprès de qui il finasse. Il affirme quil ne peut se prononcer tout de suite sur la lieutenance générale en raison de ses liens de famille avec Charles X lui imposent « des devoirs personnels et dune nature étroite » et des avis quil dit vouloir demander « à des personnes en qui il a confiance et qui ne sont pas encore ici ». La manœuvre réussit parfaitement : les députés le supplient daccepter, agitant le spectre de la république qui peut être proclamée à tout instant à lHôtel de ville ; ainsi, Louis-Philippe pourra toujours affirmer quon lui a forcé la main, et quil ne sest dévoué que pour sauver la monarchie[50].

Louis-Philippe se retire alors avec Sébastiani et Dupin avec qui il rédige un projet de proclamation qui, après quelques amendements mineurs, est accepté par les députés présents :

« Habitants de Paris ! Les députés de la France, en ce moment réunis à Paris, ont exprimé le désir que je me rendisse dans cette capitale pour y exercer les fonctions de lieutenant général du royaume. Je nai pas balancé à venir partager vos dangers, à me placer au milieu de votre héroïque population, et à faire tous mes efforts pour vous préserver de la guerre civile et de lanarchie.. En rentrant dans la ville de Paris, je portais avec orgueil ces couleurs glorieuses que vous avez reprises, et que javais moi-même longtemps portées. Les chambres vont se réunir ; elles aviseront aux moyens dassurer le régime des lois et le maintien des droits de la nation. La Charte sera désormais une vérité[51]. »

Recevant cette proclamation, les députés y répondent en début daprès-midi :

« Français ! La France est libre. Le pouvoir absolu levait son drapeau, lhéroïque population de Paris la abattu. Paris attaqué a fait triompher par les armes la cause sacrée qui venait de triompher en vain dans les élections. Un pouvoir usurpateur de nos droits, perturbateur de notre repos, menaçait à la fois la liberté et lordre ; nous rentrons en possession de lordre et de la liberté. Plus de craintes pour les droits acquis, plus de barrières entre nous et les droits qui nous manquent encore.
Un gouvernement qui, sans délai, nous garantisse ces biens est aujourdhui le premier besoin de la patrie. Français ! Ceux de vos députés qui se trouvent déjà à Paris se sont réunis, et, en attendant lintervention régulière des chambres, ils ont invité un Français qui na jamais combattu que pour la France, M. le duc dOrléans, à exercer les fonctions de lieutenant général du royaume. Cest à leurs yeux le moyen daccomplir promptement, par la paix, le succès de la plus légitime défense.
Le duc dOrléans est dévoué à la cause nationale et constitutionnelle. Il en a toujours défendu les intérêts et professé les principes. Il respectera nos droits, car il tiendra de nous les siens. nous nous assurerons par des lois toutes les garanties nécessaires pour rendre la liberté forte et durable :
Le rétablissement de la Garde nationale avec lintervention des gardes nationaux dans le choix des officiers.
Lintervention des citoyens dans la formation des administrations départementales et municipales.
Le jury pour les délits de presse.
La responsabilité légalement organisée des ministres et des agents secondaires de ladministration.
Létat des militaires légalement assuré.
La réélection des députés promus à des fonctions publiques.
Nous donnerons à nos institutions, de concert avec le chef de lÉtat, les développements dont elles ont besoin.
Français, le duc dOrléans lui-même a déjà parlé, et son langage est celui qui convient à un pays libre : les chambres vont se réunir, vous dit-il ; elles aviseront au moyen dassurer le règne des lois et le maintien des droits de la nation.
La Charte sera désormais une vérité. »

Signé par quelque 90 députés, lacte est porté au début de laprès-midi au Palais-Royal. Mais la manœuvre en faveur du duc dOrléans, sitôt connue à lHôtel de ville, suscite la fureur des républicains. Le duc de Chartres, accouru de Joigny, est arrêté à Montrouge et menacé dêtre passé par les armes : il faut lintervention personnelle de La Fayette pour obtenir sa libération. La commission municipale, en réaction, cherche à se transformer en gouvernement provisoire, lance une proclamation qui affecte dignorer celle des députés et nomme des commissaires provisoires aux différents départements ministériels.

Louis-Philippe, duc dOrléans, nommé lieutenant général du royaume, quitte à cheval le Palais Royal, pour se rendre à lhôtel de ville de Paris, le 31 juillet 1830. Horace Vernet, 1832. Château de Versailles.

Il est temps pour Louis-Philippe de se rendre à lHôtel de ville pour conjurer définitivement, avec la complicité de La Fayette[52], le spectre républicain. La manœuvre nest pas sans risques, mais elle est indispensable. Vers deux heures de laprès-midi, un cortège picaresque quitte le Palais-Royal : « Le duc dOrléans, raconte Chateaubriand, ayant pris le parti daller faire confirmer son titre par les tribuns de lHôtel de Ville, descendit dans la cour du Palais-Royal, entouré de quatre-vingt-dix-neuf députés en casquettes, en chapeaux ronds, en habits, en redingotes [...] Le candidat royal est monté sur un cheval blanc ; il est suivi de Benjamin Constant dans une chaise à porteurs ballottée par deux Savoyards. MM. Méchin et Viennet, couverts de sueur et de poussière, marchent entre le cheval blanc du monarque futur et le député goutteux, se querellant avec les deux crocheteurs pour garder les distances voulues. Un tambour à moitié ivre battait la caisse à la tête du cortège. Quatre huissiers servaient de licteurs. Les députés les plus zélés meuglaient : Vive le duc dOrléans ! »[53]

Mais au fur et à mesure que le cortège, le long des quais de la Seine, progresse difficilement à travers les barricades en direction de lHôtel de ville, ce sont dautres cris qui sélèvent dune foule de plus en plus hostile : « À bas les Bourbons ! Plus de Bourbons ! À mort les Bourbons ! À bas le duc dOrléans ! » Arrivé à lHôtel de ville, Louis-Philippe, qui a revêtu un uniforme de la garde nationale, lance, sans parvenir à détendre latmosphère :

Messieurs, cest un ancien garde national qui fait visite à son ancien général !

Le trait est accueilli par des murmures hostiles : « Vive La Fayette ! À bas les Bourbons ! » Embrassant le vieux général qui savance vers lui en boitant, Louis-Philippe, séducteur, sécrie :

Ah ! Cest par suite de la blessure que vous avez reçue en Amérique, à la bataille de la Brandywine[54] !
Ah ! Monseigneur, quelle mémoire ! sextasie La Fayette, flatté.
Lecture à lhôtel de ville de la proclamation des députés (31 juillet 1830). Baron Gérard, 1836. Château de Versailles.

Viennet, député de lHérault, donne lecture de la proclamation des députés, qui est accueillie par des applaudissements lorsquelle promet la garantie des libertés publiques. Louis-Philippe répond gravement : « Je déplore comme Français le mal fait au pays et le sang versé ; comme prince, je suis heureux de contribuer au bonheur de la nation. » Cest alors que surgit un énergumène nommé Dubourg, placé par le journaliste Dumoulin, pilier du parti bonapartiste[55]. Il apostrophe Louis-Philippe : « On dit que vous êtes un honnête homme, et comme tel incapable de manquer à vos serments. Jaime à le croire, mais il est bon que vous soyez prévenu que si vous ne les tenez pas, on saurait vous les faire tenir. » Le duc dOrléans répond avec superbe : « Vous ne me connaissez pas, Monsieur ! Vous apprendrez à me connaître. Je ne vous ai donné aucun droit de madresser de semblables paroles. Je nai jamais manqué à mes serments, et ce nest pas quand la Patrie me réclame que je songerais à la trahir. »

La Fayette donne l'accolade au duc d'Orléans au balcon de l'hôtel de ville de Paris

Pour effacer limpression pénible laissée par cette scène, La Fayette entraîne Louis-Philippe au balcon de lHôtel de ville les deux hommes se donnent une accolade théâtrale, enveloppés dans les plis dun immense drapeau tricolore. La brillante mise en scène retourne la foule hostile massée sur la place de Grève : le « baiser républicain » de La Fayette, selon lironique formule de Chateaubriand, vient dasseoir définitivement Louis-Philippe sur le trône.

Louis-Philippe regagne le Palais Royal par la rue Saint-Honoré il reçoit un accueil plus chaleureux, distribuant sur son chemin de nombreuses poignées de main aux badauds : cest sans doute lun des premiers bains de foule de lhistoire. La foule le suit jusquau Palais Royal quelle investit bruyamment. Au début de la soirée, lorsque la duchesse dOrléans et Mademoiselle Adélaïde arrivent au Palais Royal, elles trouvent un spectacle qui leur semble fort déplaisant : « Nous avons trouvé mon mari, raconte la duchesse, avec M. Dupin et le général Sébastiani. Les deux salons de son appartement étaient remplis de toutes sortes de personnes ; le drapeau tricolore flottait partout ; les fenêtres et les murailles étaient percées de balles ; des chants et des danses sur la place ; partout un air de désordre et de confusion qui faisaient mal. »[56]

Les conséquences de la révolution de Juillet

Débouchant, en France, sur la fondation d'un nouveau régime, la monarchie de Juillet, qui conforte l'association aux affaires publiques de la bourgeoisie industrielle et financière, les Trois Glorieuses sont également à l'origine d'une première effervescence révolutionnaire en Europe, annonciatrice du « printemps des peuples » de 1848 mais qui, hormis la création de la Belgique, appuyée avec force par la France, ne débouche pas sur des changements durables.

Conséquences en France

En une dizaine de jours, Louis-Philippe dOrléans consolide son pouvoir, et écarte toute menace républicaine tandis que Charles X et sa famille prennent la route de l'exil. Dabord désigné « lieutenant-général du royaume », Louis-Philippe est reconnu « roi des Français » le 9 août 1830.

Rupture symbolique avec le passé, la monarchie de Juillet prend comme emblème le drapeau tricolore bleu-blanc-rouge. Rompant avec le « parti prêtre », le nouveau régime saffirme beaucoup plus laïc que son prédécesseur. Les libéraux entrent en force au gouvernement. Mais la Charte de 1814 nest que superficiellement toilettée, et le droit de vote nest que peu étendu par la loi électorale du 19 avril 1831.

Article détaillé : Charte de 1830.

Le nouveau régime sinstalle avec lassentiment dune bonne partie de lopinion, hostile à la République, et que la -interprétation laïque, bourgeoise et libérale de la Charte satisfait. Mais il est contesté, sur sa gauche par les républicains et sur sa droite par les légitimistes :

  • Les activistes républicains, peu nombreux, mais déterminés, et profondément déçus par les premiers pas de la monarchie bourgeoise, harcèlent le ministère. Des émeutes, parfois armées, toujours rapidement réprimées, secouent sporadiquement le pays, de 1831 à 1839. Ainsi, par exemple, les émeutes déclenchées les 5, 6 et 7 juin 1832, à loccasion des obsèques du général Lamarque, député républicain, font 800 morts. Du 9 au 15 avril 1834 à Lyon, la seconde révolte des Canuts fait près de 600 morts. Le roi est également visé par plusieurs tentatives dassassinat.
  • Tout comme les républicains, les légitimistes contestent le nouveau régime. En 1832, le complot dit « de la rue des Prouvaires » tente dassassiner Louis-Philippe, et une tentative dinsurrection royaliste est menée sans succès dans lOuest de la France.

Finalement stabilisé, le régime dure jusquà la révolution française de 1848.

Conséquences en Europe

La Sainte-Alliance, formée en 1815 par les souverains vainqueurs de Napoléon Ier devait empêcher toute révolution en Europe. Elle avait dailleurs mené plusieurs opérations militaires en ce sens dans les années 1820. Mais en 1830, l'Angleterre s'empresse de reconnaître la monarchie de Juillet et, après quelques hésitations, les autres souverains signataires de lallianceAutriche, Prusse, Russiedécident de ne pas intervenir et de reconnaître à leur tour le nouveau régime.

Lexemple français et labsence de réaction internationale provoquent alors une série de mouvements nationalistes et libéraux à travers toute lEurope.

En Allemagne

En Allemagne, alors sans gouvernement central, des mouvements libéraux éclatent en Saxe, au Brunswick (7-8 septembre), en Hesse, en Prusse rhénane.

Au Brunswick, le duc régnant, Charles II, célèbre par ses excentricités, et qui, au lendemain des Trois Glorieuses, avait promis d'écraser dans le sang toute tentative d'insurrection, doit fuir ses États au début de septembre. Son frère cadet, Guillaume VIII, est alors proclamé lieutenant général, puis duc régnant.

Au Hanovre, les étudiants de Göttingen créent une milice qui impose au souverain une constitution.

En Allemagne du Sud, les libéraux réunis à Hambach (Palatinat), plaident en faveur dune République fédérale allemande et hissent le drapeau noir, rouge et or de la Burschenschaft, symbole de la nouvelle Allemagne.

En Italie

En Italie, Ciro Menotti fonde à Bologne, Parme, Mantoue et en Romagne une série de noyaux révolutionnaires avec pour mot dordre « indépendance, union et liberté ».

En 1831, une vague révolutionnaire secoue lItalie centrale. Les carbonari résidant à Paris, liés aux libéraux qui viennent de réussir la révolution de Juillet, pensent que le nouveau gouvernement français présidé par Jacques Laffitte découragera une intervention autrichienne en Italie. À Rome, en décembre 1830, les deux fils de Louis Bonaparte, Napoléon-Louis et Louis-Napoléon complotent ; ils sont expulsés. En février 1831, le duc de Modène, François IV, doit senfuir ; il en est de même pour la duchesse Marie-Louise à Parme.

Le 26 février, une assemblée des délégués des régions révoltées proclame les « Provinces Unies dItalie ». Mais le nouveau gouvernement français présidé par Casimir Perier (mars 1831) retire son soutien aux Italiens, laissant la voie libre à une intervention autrichienne. Les ducs sont rétablis sur leurs trônes. Des révolutionnaires, dont Menotti, sont exécutés.

À Rome, le pape Grégoire XVI et le cardinal Bernetti rétablissent labsolutisme et, en 1832, écrasent un soulèvement dans les Marches et les Légations. Jusquen 1838, des troupes autrichiennes y stationneront pour empêcher tout nouveau mouvement, les Français occupant, en contrepartie, la ville d'Ancône.

À Marseille, le révolutionnaire italien Giuseppe Mazzini fonde alors le mouvement Jeune Italie (Giovine Italia), association composée de jeunes patriotes qui se propose de libérer et dunifier lItalie et dy instaurer un régime républicain. Au total, la révolution de 1830-1831 a été un échec, mais elle annonce les nouveaux mouvements insurrectionnels italiens de 1848.

En Belgique

En Belgique, la politique maladroite des Hollandais provoque linsurrection bruxelloise du 25 août 1830. Le 4 septembre, le mouvement samplifie et reçoit le soutien des Liégeois. Le 20 septembre, la garde bourgeoise de Bruxelles, formée déléments modérés, est désarmée par les émeutiers.

Les 23-26 septembre, léchec dune intervention militaire néerlandaise à Bruxelles pousse radicaux et modérés à se liguer (les « Quatre Journées »). Le 27 septembre, les insurgés belges arrêtent les troupes néerlandaises devant Bruxelles et les repoussent jusquà lancienne frontière des Pays-Bas autrichiens. Le 4 octobre, cest la proclamation à Bruxelles de lindépendance de la Belgique par un gouvernement provisoire qui convoque un Congrès national pour la fin novembre.

Article détaillé : Révolution belge.

Ce Congrès décide de donner à la Belgique un statut de monarchie constitutionnelle et dexclure de la couronne les membres de la maison dOrange-Nassau. Le 20 décembre, la Conférence de Londres reconnaît lindépendance de la Belgique. le 7 février 1831, la Constitution belge est proclamée, inspirée du libéralisme bourgeois et catholique, qui entérine la création dune monarchie parlementaire bicamérale et héréditaire.

En Europe de l'Est

En Europe de lEst, on assiste à la scission des nationalistes tchèques entre conservateurs (pro-russes) et radicaux (démocrates regroupés au sein de la « matice česká »).

La prise de lArsenal. Par Marcin Zaleski.

En Pologne, le tsar Nicolas Ier de Russie, qui veut intervenir contre les Belges au nom de la Sainte-Alliance, donne lordre de mobilisation des troupes polonaises le 18 novembre. Opposés à cette intervention, les nationalistes déclenchent le 29 novembre lInsurrection de Novembre.

Voir l'article Insurrection de Novembre en Pologne (1830-1831)

Le ministre du Trésor et de lIndustrie Drucki-Lubecki prend les choses en mains afin de négocier avec le tsar et de maintenir le mouvement révolutionnaire dans des voies modérées : il crée un Conseil administratif. Les patriotes mettent un club sur pied, la Société patriotique, dont un des chefs est lhistorien Joachim Lelewel. Le 18 décembre, le Sejm (la Diète polonaise) affirme le caractère national de linsurrection.

Le tsar annonce son intention de reconquérir militairement le pays. Le soulèvement est violemment réprimé après la défaite des nationalistes, affaiblis par le choléra, à Ostrołęka le 26 mai, et la prise de Varsovie le 8 septembre 1831.

La Russie soumet alors la Pologne à une politique de répression et de russification. La Pologne cesse dexister comme nation. Les Russes entreprennent une destruction systématique de la nationalité polonaise. La Constitution, la Diète et larmée polonaises sont abolies, les Polonais privés de leurs libertés individuelles. Les universités sont fermées, les étudiants envoyés en Russie, les catholiques persécutés. Dix mille patriotes sexilent vers la Suisse, la Belgique et la France. Manifestations, émeutes et représailles sanglantes se succèdent.

Les conséquences : synthèse

La révolution française de 1830 et ses conséquences nont pas bouleversé le paysage institutionnel, ni en France ni en Europe, à lexception du cas belge. Mais pour la première fois depuis les années 1790, une vague de révolutions populaires a traversé lEurope. Lannée 1848 verra se reproduire le phénomène, sur une plus vaste échelle, sous le nom de « printemps des peuples ».

Le régime constitutionnel français se libéralise nettement et le changement de cadres est net. Dans les seules institutions scientifiques, on peut par exemple relever le retour en grâce de hauts fonctionnaires du Premier empire comme Hachette et Poinsot, et le départ de Cauchy. Les penseurs libéraux Abel-François Villemain et François Guizot deviennent ministres, et Jules Michelet obtient un poste de professeur à la Faculté des Lettres de la Sorbonne : les idées révolutionnaires, libérales, nationalistes et républicaines en sortent renforcées.

Postérité

« À la gloire des citoyens français qui sarmèrent et combattirent pour la défense des libertés publiques dans les mémorables journées des 27, 28, 29 juillet 1830 ». Le fût de la colonne porte le nom des victimes des journées révolutionnaires de juillet 1830.
  • Le 11 octobre 1830, le nouveau régime décida que des récompenses seraient accordées à tous les blessés des Trois Glorieuses et créa une médaille commémorative pour les combattants de la révolution de Juillet. En avril 1831, Casimir Perier fit frapper des médailles commémoratives portant la mention « donné par le roi » et dont la remise était accompagnée d'un serment de fidélité à Louis-Philippe.
  • En octobre 1830, le gouvernement présenta en outre un projet de loi destiné à indemniser à concurrence de 7 millions les victimes des journées de Juillet[57].

Références

Voir aussi

Liens externes

Sources

  • Guy Antonetti, Louis-Philippe, Librairie Arthème Fayard, Paris, 2002 (ISBN 2-213-59222-5)
  • José Cabanis, Charles X, roi ultra, Gallimard, Paris, 1973

Bibliographie

  • J.-L. Courson, 1830 : la Révolution tricolore, 1965
  • David H. Pinkney, The French Revolution of 1830, 1972 ; trad. française : La Révolution de 1830 en France, Paris, Presses universitaires de France, 1988 (ISBN 2-13-040275-5)
  • Emmanuel de Waresquiel, Benoît Yvert, Histoire de la Restauration (1814-1830), Perrin, Paris, 2002 (ISBN 2-262-01901-0)
  • Bernard Sarrans, "Lafayette et la Révolution de 1830, histoire des choses et des hommes de Juillet", Librairie de Thoisnier Desplaces, Paris, 1833 (seconde édition augmentée)
  • Alexandre Dumas, "Ma Révolution de 1830", (extraits des Mémoires d'Alexandre Dumas), Horizons de France, Paris, non daté.

Notes

  1. Bernard Sarrans, aide de camp de La Fayette à l'époque, avance le chiffre de 6 000 victimes chez les insurgés, dont 1 000 à 1 200 tués tandis que, selon lui, les pertes des troupes royales n'ont pu être déterminées (Bernard Sarrans jeune, Lafayette et la révolution de 1830, histoire des choses et des hommes de juillet, Paris, Thoisnier Desplaces, 1832, 2 vol. in-8).
  2. Il ny est pas juridiquement obligé par la Charte de 1814, selon laquelle le ministère ne procède que du roi, et non du parlement.
  3. Journal des débats, 14 août 1829
  4. Poursuivi, Bertin est condamné par le tribunal correctionnel mais acquitté en appel. Le jeune duc de Chartres se montre à son procès, ce qui lui sera vivement reproché par Charles X lors dune explication orageuse au palais des Tuileries.
  5. Il prétend que la Vierge Marie lui apparaît pour lui donner des conseils politiques.
  6. Montbel est un ultra qui a soutenu Villèle mais qui montrera son esprit de modération en refusant de suspendre les cours de François Guizot et de Victor Cousin.
  7. d'après les données sur les inondations de Champion Inondations en France et les séries d'Arago et Renou cités dans Histoire humaine et comparé du climat d'Emmanuel Le Roy Ladurie
  8. « Pairs de France, députés des départements, je ne doute pas de votre concours pour opérer le bien que je veux faire. Vous repousserez avec mépris les perfides insinuations que la malveillance cherche à propager. Si de coupables manœuvres suscitaient à mon gouvernement des obstacles que je ne peux prévoir ici, que je ne veux pas prévoir, je trouverais la force de les surmonter dans ma résolution de maintenir la paix publique, dans la juste confiance des Français et dans lamour quils ont toujours montré pour leur roi. » Lallusion à la « résolution de maintenir la paix publique » renvoie à larticle 14 de la Charte de 1814 selon lequel : « Le roi [...] fait les règlements et ordonnances nécessaires pour lexécution des lois et la sûreté de lÉtat. » (cest nous qui soulignons) Charles X appuya de la voix et du geste les mots « je ne doute pas de votre concours » et « que je ne veux pas prévoir », ce qui fit rouler son chapeau au pied du trône, se tenait le duc dOrléans, qui ramassa le couvre-chef et le rendit au roi avec une profonde révérence. Ultérieurement, des témoins nont pas manqué de souligner le caractère prémonitoire de la scène.
  9. Trois de ces cinq députésRoyer-Collard, Perier, Sébastianisont des familiers du duc dOrléans.
  10. La manœuvre est conforme à larticle 50 de la Charte selon lequel : « Le roi convoque chaque année les deux Chambres ; il les proroge, et peut dissoudre celle des députés des départements ; mais, dans ce cas, il doit en convoquer une nouvelle dans le délai de trois mois. » Mais cest la première fois depuis 1814 que le roi use de cette prérogative.
  11. La phrase est parfois attribuée aussi au duc dAngoulême.
  12. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 553.
  13. Ibidem. Thiers reprend cette idée dans le manifeste du 26 juillet 1830 (V. infra).
  14. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 557.
  15. Louis-Philippe lui aurait répondu : « Quil y ait un volcan, cest possible ; je le crois comme vous, et au moins la faute nen est pas à moi ; je naurai pas à me reprocher de navoir pas cherché à ouvrir les yeux du roi. Mais que voulez-vous ? On nécoute rien. Dieu sait ceci peut nous conduire ! Le monde est changé de face depuis quarante ans ; vous ne vous rendez pas assez compte de la diffusion des Lumières, conséquence du partage des fortunes. Les classes moyennes ne sont pas toute la société ; mais elles en sont la force. Leur intérêt constant est le maintien de lordre, et elles ont assez de puissance pour combattre et réprimer les mauvaises passions... Tout ce que veut le pays, cest létablissement sincère du régime constitutionnel. » (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 557).
  16. La teneur des propos du roi lors du conseil des ministres du 7 juillet est rapportée par Montbel et Guernon-Ranville.
  17. Qui fait chanter le Te Deum dans toutes les églises de France et se rend lui-même à Notre-Dame le 11 juillet.
  18. Polignac, qui exerçait lintérim du ministère de la Guerre en labsence de Bourmont, envoyé en Algérie, disposait de quelques 19 000 hommes à Paris et dans les environs, ce qui pouvait lui sembler suffisant pour réprimer une éventuelle résistance. Par ailleurs, le préfet de police, Claude Mangin, avait assuré que « quoi quon fît, Paris ne bougerait pas, et quil en répondait sur sa tête » (cité par José Cabanis, Op. cit., p. 425).
  19. Na-t-il pas, une dizaine de jours auparavant, été trouver Montbel pour quil fasse savoir à Charles X que le duc dOrléans conspire contre lui ?
  20. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 563.
  21. Il y a bien six ordonnances du 25 juillet 1830, mais le coup de force constitutionnel est contenu dans les quatre premières ; cest ce qui explique quon évoque fréquemment, par erreur, les « quatre ordonnances de Saint-Cloud ».
  22. Selon Bérard : « Il nosa pas refuser son salon ; mais son embarras et sa répugnance furent visibles à tous les yeux. » (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 565).
  23. David H. Pinkney, The French Revolution of 1830, 1972 ; trad. française : La Révolution de 1830 en France, Paris, Presses universitaires de France, 1988(ISBN 2-13-040275-5)
  24. Jean Tulard, Les Révolutions de 1789 à 1851 (tome IV de lHistoire de France sous la direction de Jean Favier), Paris, Fayard, 1985(ISBN 2-213-01574-0).
  25. De manière paradoxale, Marmont déteste Polignac. Il est de plus humilié de navoir pas été choisi pour commander le corps expéditionnaire en Algérie. Sil na pas démissionné, cest uniquement parce quil a besoin dargent pour rembourser les dettes de son entreprise sidérurgique de Châtillon-sur-Seine, dont lun des principaux créanciers nest autre que ...Casimir Perier !
  26. Cité par Georges Lacour-Gayet, Talleyrand, 1928-1931, rééd. Paris Payot, 1990, p. 1070.
  27. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 570.
  28. La préfecture de police a toutefois refusé de faire exécuter les mandats décernés contre les journalistes, et Marmont ceux visant les députés.
  29. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 571. Dans lentourage de Louis-Philippe, certains lui conseillent en effet de se rendre auprès de Charles X pour lui prodiguer ses conseils, ce à quoi le duc dOrléans objecte que le roi ne lui a rien demandé.
  30. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 571.
  31. Le bâtiment se situait au niveau de lactuelle rue de Lille, entre lHôpital américain et Levallois-Perret.
  32. Selon Marmont, Casimir Perier serait venu en personne, par les Boulevards, parlementer avec les officiers et haranguer les soldats des deux régiments. Selon Bérard, cest le général Gérard qui a envoyé le colonel Heymesqui sera nommé aide de camp de Louis-Philippe après la révolutionamener le 53e à la cause de linsurrection.
  33. Casimir Louis Victurnien de Rochechouart-Mortemart (1787-1875), prince de Tonnay-Charente, puis baron de Mortemart et de lEmpire, duc de Mortemart (1812 puis 1817, confirmation) et pair de France, présente lavantage, tout en portant un grand nom de la noblesse dAncien régime, de sêtre rallié à lEmpire (il a été officier dordonnance de Napoléon). Il vient de passer deux ans en Russie comme ambassadeur de France.
  34. Rentré à Paris la veille.
  35. Selon une autre version, cette phrase était ainsi rédigée : « Le duc dOrléans ne se prononce pas ; il attend notre vœu ; proclamons ce vœu, et il acceptera la Charte telle que nous lavons toujours voulue et entendue. »
  36. Le lendemain, La Fayette confirme à Odilon Barrot quil se rallie à une monarchie constitutionnelle car il redoute une république jacobine qui rééditerait les heures sombres de la Terreur. Selon Bernard Sarrans, ex-aide de camp de La Fayette et auteur d'un ouvrage hagiographique intitulé Lafayette et la révolution de 1830, histoire des choses et des hommes de juillet (1832), le général prend position en faveur du duc d'Orléans pour quatre raisons : 1/ comme démocrate, il lui est difficile de ne pas reconnaître la validité du choix de députés qui viennent d'être réélus ; 2/ plusieurs départements restent favorables à la monarchie et il ne veut pas prendre le risque d'isoler l'insurrection dans Paris ; 3/ la République aurait fait encourir le risque d'une nouvelle guerre venue de l'extérieur ; 4/ La Fayette a toujours affirmé ne pas vouloir du pouvoir pour lui-même.
  37. Dans la nuit du 29, dArgout et Vitrolles sont arrivés à Saint-Cloud à deux heures et demie du matin. Il a fallu réveiller Charles X, le convaincre de signer les ordonnances rapportant celles du 25 juillet, nommant le nouveau cabinet et reconstituant la Garde nationale de Paris.
  38. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 578.
  39. En traversant Aubervilliers, un villageois linterpelle : « Dites donc, vous autres, est-ce que vous allez chercher Napoléon II ? » Et Louis-Philippe, pressant le pas, lance : « Jai toujours beaucoup aimé la cocarde tricolore... » À la sortie du village, il est reconnu par des paysans qui crient : « Vive le duc dOrléans ! »
  40. Cest ce quelle a dit, dans la matinée, au capitaine Gérard, envoyé vers dix heures par son oncle, le général, pour annoncer que les députés étaient prêts à proclamer Louis-Philippe (Guy Antonetti, Op. cit., p. 580).
  41. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 581.
  42. ibidem
  43. Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury, Journal intime, Paris, Plon, tome I, p. 220.
  44. Cuvillier-Fleury, I, 216
  45. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 582.
  46. Parmi lesquels : Louis Bérard, Benjamin Delessert, Mathieu Dumas, Charles Dupin, Augustin Perier, Horace Sébastiani.
  47. À lemplacement , aujourdhui, la rue Chauveau rejoint la Seine.
  48. En 1831, Mademoiselle fera élever à cet emplacement un monument composé dune grande fontaine en bronze et marbre blanc de 6 à 7 mètres de haut, portant enchâssé en son centre un boulet de canon encadré de deux inscriptions. À gauche on lit : « Le jeudi 29 juillet 1830, le boulet motif principal de ce bas-relief a été lancé dans le parc du château de Neuilly par les troupes de la Garde royale qui, repoussées de Paris, se retiraient sur le bois de Boulogne. » À droite : « Le vendredi 30 juillet de lan 1830, cest dans ce lieu que Louis-Philippe dOrléans rencontra les premiers envoyés du peuple français qui vinrent lui proposer daccepter la lieutenance générale du royaume. »
  49. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 584.
  50. Il défendra toujours cette thèse. Cherchant à faire reconnaître la monarchie de Juillet par la cour de Saint-James, il écrira ainsi au prince Léopold de Saxe-Cobourg le 19 août 1830 : « Non, cette formidable canonnade que nous avons entendue à Neuilly pendant trois jours sur tous les ponts de Paris ne sortira jamais de mes oreilles. Mais ce que je désire que vous sachiez et que vous disiez [à la cour dAngleterre], cest que, pendant ces énormes scènes, le roi Charles X était à Saint-Cloud et moi à Neuilly, il ne ma envoyé aucun message quelconque, et, en termes vulgaires, il ne ma pas donné signe de vie. Cest au bout de ces quatre jours de silence de sa part que jai reçu lappel des députés réunis spontanément et que, voyant quil ny avait quune anarchie républicaine à attendre si je narrivais pas, jai pris mon parti et je me suis dévoué. » (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 617)
  51. Le Moniteur du 2 août a publié la formule : « Une Charte sera désormais une vérité. » avant de publier, le 3 août, un rectificatif donnant la version « La Charte ». Louis-Philippe et Guizot ont toujours soutenu que cette seconde version était la bonne, tandis que dautres, comme Bérard, ont affirmé le contraire. Derrière cette querelle se dessine un débat entre ceux qui considéraient que la révolution serait soldée par un simple changement de dynastie, et ceux qui estimaient nécessaire une révision constitutionnelle de plus ou moins grande ampleur. Cest ce dernier parti qui sera retenu (V. Charte de 1830).
  52. Approché par Rémusat le 30 juillet, La Fayette a ensuite conféré avec Odilon Barrot, qui lui a recommandé de soutenir le duc dOrléans. Ce dernier lui a envoyé en émissaires les généraux Gérard et Dumas. Enfin, le 31 juillet au matin, le ministre des États-Unis à Paris, William Cabell Rives, la assuré que son ralliement au duc dOrléans serait vu dun bon œil par la république américaine.
  53. Chateaubriand, Mémoires doutre-tombe, XXXIII, 15 ; Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1951, tome II, p. 437.
  54. La Fayette a en effet reçu une balle dans la cuisse à la bataille de Brandywine le 11 octobre 1777.
  55. Il sest autoproclamé « général en chef » de linsurrection populaire et parade affublé dun uniforme de fantaisie, prêté par les magasins de lOpéra-Comique qui lemployaient dans lopéra de Boieldieu Aline, reine de Golconde.
  56. Cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 593.
  57. 500 orphelins, 500 veuves, 3 850 blessés.
Événement de 1830
Date 1829-1830 18 mars 1830 16 mai 1830 25-26 juillet 1830 27-28-29 juillet 1830 29 juillet-9 août 9 août 1830-1848
Événement Conflit Polignac/Assemblée Adresse des 221 Dissolution Ordonnances de Juillet Trois Glorieuses Hésitation Monarchie de Juillet
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