Plan de génocide

Plan de génocide

Génocide

Un génocide est l'extermination physique, intentionnelle, systématique et programmée d'un groupe ou d'une partie d'un groupe en raison de ses origines ethniques, religieuses ou sociales[1].

Sommaire

Étymologie

Le terme génocide est un néologisme formé en 1944 par Raphael Lemkin, professeur de droit américain d'origine juive polonaise, à partir de la racine grecque genos, « naissance », « genre », « espèce », et du suffixe « cide », qui vient du terme latin caedere, « tuer », « massacrer ». Définissant ce mot hybride dans une étude publiée par la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale (Axis Rule in Occupied Europe) comme le crime contre l'humanité perpétré par les nazis contre les peuples juif et tzigane durant la Seconde Guerre mondiale, il écrit : « De nouveaux concepts nécessitent de nouveaux mots. Par génocide, nous entendons la destruction d'une nation ou d'un groupe ethnique. »

Dès 1933, Lemkin est troublé par le massacre des Assyriens chrétiens et particulièrement par ses souvenirs du massacre systématique des Arméniens par l'empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale[2]. Le juriste international qu'il est tente dès lors de trouver des propositions pour empêcher et prévenir de tels crimes. Malgré le rejet de sa proposition par le conseil de la Société des Nations à Madrid, Lemkin continue ses recherches jusqu'en 1944. D'après Samantha Power, Lemkin a appuyé sa réflexion sur le procès de l'Arménien Soghomon Tehlirian, meurtrier en 1921 à Berlin du ministre de l'Intérieur turc Talaat Pacha, principal organisateur du génocide arménien[3].

Stricto sensu, la notion de race est dans l'espèce humaine une notion plutôt sociologique que génétique. Toutefois, fondée ou non, elle existe dans l'esprit des génocidaires. Leur crime est articulé autour de la notion d'une différenciation, d'une nature ou d'une autre, d'une population considérée par eux comme « indésirable » et de l'appartenance par la naissance à la population des personnes visées, à la différence des guerres idéologiques où les personnes ne sont visées que comme vecteurs supposés de leurs idées.

Selon le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey, le mot se fait jour en français en même temps qu'il apparaît en anglais. D'abord employé à propos des nazis et de leur « Solution finale » du problème juif, il se dit de la destruction méthodique ou de la tentative de destruction d'un groupe ethnique, et par extension, vers 1970, de l'extermination d'un groupe en peu de temps.

Définition

L'article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide[4], adoptée par l'assemblée générale des Nations unies, le 9 décembre 1948, affirme :

« 

Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;

e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.  »

Cette définition a été reprise dans l'article 6[5] du Statut de Rome le 17 juillet 1998, l'acte fondateur de la Cour pénale internationale.

Usage familier du mot génocide

La racine genos implique que l'on est tué pour ce que l'on est par la naissance. Le terme « génocide » passé dans le vocabulaire courant connaît une acception plus large représentant la gradation ultime dans l'échelle de gravité. Il est donc parfois utilisé pour qualifier des événements qui frappent par leur ampleur et leur horreur, sans considération de leur adéquation aux critères juridiques définissant le crime de génocide.

Dans cette définition plus large, utilisée par les médias et des historiens, un génocide est la volonté d'exterminer la totalité d'un groupe d'individus, sans préciser la qualification de ce groupe. Cette définition confond massacre de masse et génocide. Elle qualifie ainsi des massacres comme par exemple ceux perpétrés durant la Révolution cambodgienne du temps des Khmers Rouges.

On parle (à tort) de « génocide culturel » (i.e. ethnocide). Cette expression est un abus ou une confusion de langage. C'est le cas :

Bien des usages généralisés du mot « génocide » sont considérés comme une banalisation scandaleuse, parfois d'inspiration négationniste, de ce crime extrême par les associations de victimes des génocides arménien, juif, et rwandais.

Camp de concentration de Buchenwald, 24 avril 1945

Le génocide politique ?

Une précédente définition du génocide, adoptée lors de la première assemblée générale de l'ONU le 11 décembre 1946, intégrait la destruction d'un groupe politique, à côté des groupes raciaux, religieux et autres. En 1948, le groupe politique disparait de la définition onusienne : selon Bernard Bruneteau, professeur d'histoire contemporaine, c'est l'URSS qui a fait retirer la référence au politique en raison de ce qu'elle pouvait se reprocher. Ce faisant le génocide quitte la catégorie des crimes contre l'humanité[6].

La qualification de génocide a cependant été utilisée par des juges argentin et chilien contre des tortionnaires des régimes Pinochet et Videla, qui ont tenté d’éliminer radicalement les activistes de gauche, sur le critère de leurs opinions politiques[7]. De plus, certaines législations nationales sont moins restrictives : c’est le cas du Portugal, du Pérou, du Costa Rica, qui incluent les tentatives de destruction de « groupements politiques » ou de « groupes sociaux ». La législation française est encore plus large, puisqu’elle prévoit que le crime de génocide concerne toute « destruction totale ou partielle [...] d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire »[8].

Histoire

Le terme est apparu pour la première fois dans l'étude Axis Rule in Occupied Europe en 1944 (le mot est introduit au chapitre IX intitulé « Génocide ») du juriste américain d'origine polonaise Raphaël Lemkin pour tenter de définir les crimes perpétrés par les nazis à l'encontre des peuples juif, slaves et tzigane durant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que ceux commis par le gouvernement des Jeunes-Turcs de l'Empire ottoman à l'encontre des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale, et les massacres d'Assyriens en Irak en 1933[9]. Il témoigne d'une double volonté de la part de la communauté internationale :

  • celle de punir un crime jusque-là inconnu dans le vocabulaire juridique pénal ;
  • celle de qualifier la destruction systématique du peuple juif par l'État hitlérien allemand.

Reconnaissance juridique

Le génocide a été juridiquement redéfini dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1948. Ce document définit un génocide comme un ensemble d'actes « commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel ».

La Charte de l'ONU et l'article 8 de la convention de Genève obligent la communauté internationale à intervenir pour « prévenir ou arrêter des actes de génocide ».

Aujourd'hui l'article 6 du statut de la Cour pénale internationale définit le crime de génocide. Elle précise qu'il s'agit d'un crime se distinguant par :

  • l'intention d'extermination totale ou partielle d'une population [10];
  • la mise en œuvre systématique[réf. nécessaire] (donc planifiée) de cette volonté.

C'est souvent la contestation de l'un de ces éléments qui fait débat pour la reconnaissance officielle d'un crime en tant que génocide.

Il ressort de cette définition que, contrairement aux idées reçues, un génocide n'implique pas nécessairement un critère quantitatif. Ainsi on évalue à environ soixante millions le nombre de morts pendant la seconde Guerre mondiale. Parmi ceux-ci seuls les six millions de juifs, les Tziganes et d'autres minorités sont considérés comme victimes d'un génocide perpétré par les nazis. À l'inverse, des massacres de masse ne constituent pas forcément un génocide. En pratique cependant, il apparaît que le critère quantitatif est un élément déterminant pour confirmer la volonté d'extermination, « en tout ou en partie ».

Le terme de génocide ne s'applique qu'à des crimes ordonnés par un gouvernement ou un pouvoir de fait. Ce pouvoir dispose en général des moyens nécessaires pour légaliser ses actes après coup, ce qui justifie le recours à une législation internationale d'exception. Les massacres commis par des bandes ou organisations illégales relèvent de la justice nationale ordinaire, sauf s'il est prouvé que ces bandes ont été organisées et soutenues par le pouvoir en place.

Par ailleurs un problème de principe est soulevé en matière juridique : en principe, nulle loi ne doit avoir de portée rétroactive (car ce serait un précédent ouvrant la porte à des arbitraires futurs) : on ne saurait classifier un crime dans une catégorie qui au moment où il a été perpétré n'existait pas. Cela n'implique pas que ces crimes doivent rester impunis, mais c'est en principe dans le cadre existant à leur époque (donc homicide) qu'il conviendrait de juger ceux antérieurs à la création du terme. Afin de contourner ce problème théorique, le Tribunal de Nuremberg a considéré que l'interdiction du crime de génocide revêtait un caractère coutumier, et qu'elle était donc préexistante à la définition juridique du crime de génocide.

Les génocides internationalement reconnus

Cadavres d'Arméniens. Photo prise par H. Morgenthau.
Rwanda Murambi victimes momifiées du génocide de 1994

Quatre génocides ont été reconnus au plan juridique par des instances internationales dépendant de l'ONU :

  1. Le génocide arménien, commis par l'Empire ottoman. Le caractère génocidaire des massacres du peuple arménien en 1915-1916 a été reconnu dans un rapport de l'ONU sur la question de la prévention et de la répression du crime de génocide établi par la Commission des droits de l'homme – Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités – lors de la 38e session du Conseil économique et social de l'ONU[11]. Ce rapport, connu du nom de son rapporteur Benjamin Whitaker, a été approuvé par la Commission des droits de l'homme de l'ONU le 29 août 1985 [12]
  2. Le génocide des Juifs, commis par les nazis en Allemagne, en Pologne et en France (en Alsace au Struthof), a été reconnu par la cour de Nuremberg créée par le Royaume-Uni, la France, l'URSS et les États-Unis en 1945, en même temps que l'on créait l'ONU. On peut dire que ce génocide a servi de référence pour définir ce qu'est un crime de génocide.
  3. Le génocide des Tutsis au Rwanda, commis par les milices hutues extrémistes créées par le régime Habyarimana, a été reconnu par l'ONU, dans le rapport de sa Commission des droits de l'homme le 28 juin 1994, puis lors de la création du Tribunal pénal international pour le Rwanda (résolution 955 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 8 novembre 1994 [13]. Cette résolution confirme la résolution 935 [14] de la même année).
  4. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a qualifié de génocide le massacre de Srebrenica — massacre de 2 000 à 8 000 hommes bosniaques commis par des Serbes de Bosnie en juillet 1995 pendant la Guerre de Bosnie-Herzégovine. Cette qualification a été prononcée lors du jugement de Radislav Krstić, le 2 août 2001[15] (décision confirmée lors du passage en appel de la même affaire le 19 avril 2004). Cette qualification a été confirmé également par la CIJ qui a cependant jugé que la Serbie en tant qu'État n'en était pas le responsable.

Autres reconnaissances

Le 26 février 2004, le Parlement européen a qualifié de génocide la déportation du peuple tchétchène en 1944 ordonné par Joseph Staline sous prétexte de collusion avec l'agresseur nazi[16].

Depuis 2004, la Roumanie reconnaît le génocide de deux millions de personnes par les gouvernements communistes roumains dans la période 1946-1989[17].

Les tribunaux compétents

Depuis la Seconde Guerre mondiale, plusieurs tribunaux furent créés afin de juger les génocides. Certains ont été créés de toutes pièces (comme le Tribunal de Nuremberg et le Tribunal de Tokyo), alors que d'autres ont compétence pour tous les génocides pouvant être perpétrés dans le monde.

Les tribunaux ad hoc

C'est à la fin de la Seconde Guerre mondiale, époque à laquelle le concept légal de génocide a été défini, que des tribunaux ont commencé à juger les crimes de génocide et les autres crimes graves commis durant des conflits armés, le crime de génocide n'étant juridiquement pas autonome, mais englobé dans la qualification de crime contre l'humanité.

Il a existé plusieurs tribunaux qui ont été créés de toutes pièces pour juger certains crimes de génocide :

Les tribunaux nationaux et la notion de « compétence universelle »

Les pouvoirs législatifs nationaux adaptent dans leurs législations propres les dispositions du droit international.

Des procès, relevant de cette compétence dite « universelle », ont eu lieu en Belgique, en Suisse et au Canada pour des crimes relevant du génocide au Rwanda.

En France ces dispositions concernant le génocide sont traitées dans l'article Génocide en droit pénal français. Des lois, appelées « dispositions non codifiées relatives aux violations graves du droit international humanitaire », donnent compétence aux tribunaux français de juger aussi des crimes de génocide commis dans d'autres pays dans certaines circonstances. Des instructions sont en cours contre des ressortissants rwandais accueillis en France, et des plaintes déposées contre X (des militaires français) par des Rwandais vivants au Rwanda sont à l'étude au tribunal aux armées à Paris à la suite de deux décisions de la cour d'appel de Paris en mai et juillet 2006 [18].

La Cour pénale internationale

Article détaillé : Cour pénale internationale.

Les génocides qui ont été commis durant le XXe siècle ont petit à petit poussé les gouvernements et surtout les organisations non gouvernementales à réfléchir sur la mise en place d'une structure judiciaire permanente chargée de juger de tels crimes. C'est ainsi qu'est née la Cour pénale internationale (CPI).

L'une des particularités de cette Cour est qu'elle ne se substitue en aucune manière aux tribunaux nationaux, ce qui n'est pas le cas des tribunaux ad hoc. La CPI n'intervient que lorsque les tribunaux nationaux ne sont pas en mesure de juger les crimes pour lesquels elle est compétente, à partir du 1er juillet 2002, date d'entrée en vigueur du statut de la CPI.

Les massacres au caractère génocidaire controversé

Les notions juridiques de génocide et de crimes contre l'humanité se sont fait jour au début du XXe siècle. Sous l'angle du débat historique, plusieurs massacres ou/et déportations survenus au cours de l'histoire sont actuellement considérés par certains[Qui ?] comme des génocides et/ou crimes contre l'humanité. Cela soulève, entre autres, deux questions :
- le caractère anachronique de jugements qui relèvent plus de la morale que du droit ou de l'histoire,
- la confusion entre la notion juridique (le législateur, le juge) et l'analyse historique (le chercheur).

  • La colonisation des Amériques par les puissances européennes a entraîné la destruction quasi-totale de plusieurs peuples d'Amérique du Sud et réduit de 35 millions environ à moins de 2 millions de personnes la population amérindienne d'Amérique du Nord entre 1500 et aujourd'hui. La population du continent latino-américain était évaluée à 50 millions en 1492 (25 millions dans l'empire aztèque, 12 millions dans l'empire inca), et 8 millions en 1650 (dont un million, soit moins de 4 %, au Mexique[19]). La diminution de la population amérindienne apparaît de manière sensible vers 1545 et s'accentue vers 1570, à cause, avant tout, des microbes véhiculés par les Européens. Le bétail, importé d'Europe, souillait l'eau consommée par les populations autochtones. La chute de la population suit le retrait, en 1572, des privilèges apostoliques détenus par les Franciscains, qui avaient bâti des aqueducs et des fontaines publiques pour assurer l'accès à une eau saine[20]. Le caractère génocidaire de ce désastre est cependant contesté, le caractère intentionnel et le but recherché n’apparaissant pas (les Espagnols désiraient davantage convertir que massacrer, et avaient besoin de la main-d’œuvre indienne, qu’ils ont dû remplacer par des esclaves africains). Il s’agit plus d’un ethnocide que d’un génocide.
  • Conquête de l'Algérie : selon Olivier Le Cour Grandmaison[21], la conquête de l'Algérie s'est traduite par l'extermination du tiers de la population, soit près d'un million de morts, du fait de causes sont multiples (massacres, déportations, famines ou encore épidémies), mais étroitement liées entre elles. Ce qui interdit de tenir les deux dernières pour des phénomènes naturels sans rapport avec la pacification meurtrière de ce territoire et témoigne de la dimension exterminatrice de l'entreprise.
  • La traite des noirs est reconnue comme un crime contre l'humanité par la plupart des pays. En France, une loi du 21 mai 2001 affirme que la traite négrière et l'esclavage constituaient des crimes contre l'humanité. En dépit du nombre de victimes, qui fait en l'état l'objet d'évaluations très variées (de 60 à 600 millions de victimes, selon certains historiens[réf. nécessaire]) et qui fait de la traite des noirs la plus importante déportation de l'histoire de l'humanité, le caractère de génocide est contesté au regard des critères juridiques de cette qualification. La reconnaissance par l'ONU de la qualification génocidaire est demandée par la plupart des pays africains, ainsi que par de nombreuses organisations non gouvernementales « du Nord », par exemple, le Conseil mondial de la diaspora panafricaine (CMDP) et la Société savante des encyclopédistes africains[22]. À l'opposé, des historiens, bien que ne niant pas qu'un crime contre l'humanité ait été perpétré, affirment que « l'extermination des noirs n'était pas le but de la traite », mais l'une de ses conséquences, et ne peut donc être considérée comme un génocide.
  • Sous la Terreur, les massacres commis par les républicains, en particulier les colonnes infernales, pendant la guerre de Vendée en France, en 1793 et 1794, ont amené Gracchus Babeuf à parler de populicide. Dans les années 1980, ce terme a été assimilé par l'historien Reynald Secher à celui de génocide. En février 2007, une proposition de loi visant à la « reconnaissance du génocide vendéen » a été déposée à l'Assemblée nationale par neuf députés de droite[23] ; elle s'appuie sur les travaux de cet historien et ceux de l’écrivain Michel Ragon. Cependant, le caractère génocidaire de ces massacres demeure controversé (intention réelle d’extermination, critère réel de discrimination) et n'a pas remporté l'adhésion des parlementaires français.
  • L’Holodomor est le terme spécifique à la partie ukrainienne de la grande famine soviétique de 1932-1933 provoquée en Ukraine et dans le Kouban (Russie). La qualification de génocide a été votée par le parlement ukrainien en 2006[25], reconnue par certains pays, dont les États-Unis et le Canada, mais rejetée par certains pays soviétiques ayant également souffert de la famine (notamment la Russie et Kazakhstan). Le Parlement européen reconnaît l' Holodomor en Ukraine comme « crime contre l'humanité » et « crime contre le peuple ukrainien » mais sans lui donner une qualification de « génocide » [26].
Victimes du camp de Jasenovac.
  • Le génocide tibétain : la Commission internationale des juristes a qualifié dans un rapport de 1959 les massacres perpétrés au Tibet par les autorités chinoises de génocide[28]. Le bilan de l'invasion chinoise est estimé à 1,2 million de morts entre 1959 et 1970 selon le Gouvernement tibétain en exil, comme l'a rappelé Samdhong Rinpoché lors de son audition au Sénat en 2000[29]. Les résolutions de 1959 et 1960 de la CIJ, reposant sur les plaintes et les chiffres fournis par le gouvernement tibétain en exil, devaient être remises en question à partir de 1967 lorsqu'il fut révélé que la Commission avait été créée à l'instigation de juristes américains dépendant du Conseil des relations étrangères et qu'elle avait été financée par la CIA de 1952 à 1967. Dans un livre publié en 1994 [30], Howard B. Tolley Jr. a expliqué comment la CIJ avait été créée et financée par la CIA en tant qu'instrument de la guerre froide (et ce à l'insu de la majorité des ses responsables et membres) du moins jusqu'en 1967. Ebruité cette année-là, ce financement avait été mentionné à nouveau par l'ancien agent de la CIA Philip Agee dans un livre sorti en 1975 [31]. En 1993, dans la préface de l'ouvrage collectif Tibet, l'envers du décor, Bernard Kouchner évoque plus d'un million de morts [32]. Le 11 janvier 2006, la Cour suprême d'Espagne a annoncé qu'elle allait instruire une enquête concernant l'implication de sept anciens dirigeants chinois, entre autres l'ancien président Jiang Zemin et l'ancien Premier ministre Li Peng, dans un génocide au Tibet. Cette instruction est la conséquence d'un arrêté de la Cour constitutionnelle espagnole du 26 décembre 2005 qui autorise le traitement des plaintes pour génocides, même si elles n'impliquent pas de nationaux espagnols[33].
  • Les massacres du Kampuchéa démocratique (Cambodge), appelés également génocide khmer et reconnus par la majorité des historiens universitaires : entre 1975 et 1979 Pol Pot et les Khmers rouges ordonnent le massacre de leur propre peuple dans un but avoué « d'uniformisation » ethnique, religieuse et idéologique. 1,7 million de Cambodgiens sont tués. Bien que ces massacres aient tous les aspects d'un génocide, l'ONU ne les pas reconnu officiellement comme tel. Des chambres extraordinaires actuellement en exercice, qui sont dirigées par la justice cambodgienne et auxquelles participent des experts internationaux, pourront établir le caractère génocidaire de ces massacres.
  • Les massacres des Kurdes par le dictateur Saddam Hussein entre 1988 et 1989 au cours de l'opération Anfal. 182 000 personnes périrent durant cette opération[36]. En décembre 2005, une cour de La Haye a qualifié cette campagne de génocide. Le 24 juin 2007, le Tribunal spécial irakien a condamné Ali Hassan al-Majid, surnommé « Ali le chimique », et deux autres anciens hauts dignitaires du régime de Saddam Hussein, à la peine de mort par pendaison pour le génocide commis contre les Kurdes au cours de cette opération Anfal.
  • Le massacre de Khodjaly, perpétré par l'armée arménienne. En 1993, quatre résolutions (822, 853, 874 et 884) ont été prises par le Conseil de sécurité des Nations unies. Une seule, la résolution 874 dans son point 9, fait allusion à des violations du droit humanitaire internationale avec mise en garde « à toutes les parties », sans aucune autre précision. L'existence d'un génocide n'est donc pas envisagée.
  • Les massacres du Darfour (Soudan) : en juillet 2004, le Congrès des États-Unis a voté à l'unanimité une résolution qualifiant les massacres des populations noires du Darfour de « génocide », terme repris en septembre 2004 par le secrétaire d'État américain. Dans un communiqué de presse du 23 février 2005 le Conseil de sécurité des Nations unies déclare : « Le gouvernement soudanais n'a pas été à même de mettre fin aux attaques des milices contre les civils ni de les désarmer. ». La sentence tombe le 2 septembre de la bouche du Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan qui, nommé un mois plus tôt, revient d'une mission au Darfour. Le Conseil réagit. Il adopte, par 11 voix pour et 4 abstentions, la résolution 1564 dans laquelle il menace de prendre des mesures, telles que celles contenues dans l'article 41 de la Charte de l'ONU, à l'encontre notamment du secteur pétrolier, du Gouvernement du Soudan ou de certains de ses membres. Dans cette résolution, le Conseil charge aussi le Secrétaire général de créer une commission internationale pour déterminer si des actes de génocide ont eu lieu et pour en identifier les auteurs [37].
  • La persécution Tsigane par les nazis : Bien qu'il n'y ait eu aucune discussion sur le sujet durant le Procès de Nuremberg, il est certain qu'il y a eu un massacre contre ce peuple. La question actuelle est de reconnaître, ou non, ces crimes comme génocide. En langue romani Samudaripen signifie Le génocide, on parle aussi de Porajmos[38].

Les massacres de masse dans l'histoire

Article détaillé : Liste des massacres.

Les massacres de peuples entiers non seulement ont déjà eu lieu dans le passé mais étaient choses courantes lors des guerres ou simplement des razzias. La plupart du temps, lorsqu’un peuple nomade se heurte à un empire sédentaire, la défaite se traduit par une disparition de ce peuple (massacre et réduction en esclavage des survivants). Des raisons religieuses en sont aussi souvent la cause. On peut citer comme exemples :

  • le massacre des Cimbres par les Romains, vers -100 ;
  • le massacre des Helvètes par les Romains, à la bataille de Bibracte, en -58, lors de leur tentative de migration vers la Saintonge ;
  • le génocide des Gaulois par les Romains, durant la guerre Des Gaules : Sur les 7 millions d'habitants estimés de la Gaule, 2 millions de Gaulois assassinés ou déportés (Le Revue de l'Histoire N°51 p81)  ;
  • la conquête de la Dacie (Roumanie actuelle) par les Romains ;
  • les campagnes d'exterminations de Muhammad de Ghor en Inde à la fin du XIIe siècle ;
  • les guerres punitives des Mongols de Gengis Khan et de ses descendants au XIIIe siècle (politique de la terreur) ;
  • le massacre de millions de Chinois par les Mongols au XIIIe siècle, qui représente la plus grande extermination d'êtres humains de toute l'Histoire, en valeur relative, les estimations variant entre dix et quarante millions (dix-huit selon Kubilai Khan) ;
  • le 22 juillet 1209, le Sac de Béziers : les troupes conjointes du pape Innocent III et du roi de France Philippe II massacrent toute la population de la ville de Béziers. Un prélude au bûcher de Montségur le 16 mars 1244 et à l'Inquisition. Des massacres jamais reconnus par l'église catholique.
  • le génocide des Tainos[39],[40] commis par les Européens durant la conquête de l'île d'Hispaniola. Bartolomé de las Casas dans son livre Historia General de las Indias raconte qu'en 1508 il restait environ 60 000 Tainos. En 1531, l'exploitation dans les mines d'or, les suicides et les maladies[39] avaient réduit ce nombre à 600, soit une diminution de 99 %[39] ;
  • la déportation des Acadiens par les Britanniques sous les ordres du gouverneur Charles Lawrence en 1755 ainsi que, parallèlement, le massacre de leurs alliés, les Hurons. Dépossédées de leurs terres, des familles furent déportées dans des colonies britanniques, réduites au travail non rémunéré et, pour certaines d'entre elles déportées au Royaume-Uni ;
  • l'extermination des nomades Dzoungars de Dzoungarie par les Chinois (1756-1757) : 600 000 hommes égorgés ;
  • le massacre des Tasmaniens, qui a été qualifiée de « génocide le plus parfait de l'histoire », par les Britanniques ;
  • l’extermination des Beotuks à Terre-Neuve par les Britanniques (Terre-Neuve est devenue depuis une province du Canada) ;
  • en Australie, les Aborigènes, dont la population est estimée à 350 000 avant l'installation des Britanniques, furent décimés par les maladies infectieuses, les migrations forcées, à l'instar des Amérindiens. Certains historiens soutiennent qu'il s'agit d'un génocide ;
  • au Canada, les enfants des Amérindiens furent envoyés, entre 1922 et 1984, dans des pensionnats (Écoles résidentielles) fondées par le gouvernement canadien, dirigées par des églises (catholiques ou protestantes), où étaient entretenues des conditions d'insalubrité, de violences de tout ordre comme la pédophilie ou encore d'expérimentations médicales (dans les dernières années, à partir de la Guerre froide), ce qui conduisit à une mortalité de presque 50 %, soit donc environ 50 000 décès d'enfants en quelques décennies (sur les 120 000 pensionnaires y ayant séjourné) ;
  • le gouverneur anglais Jeffrey Amherst fit distribuer aux Indiens Delaware en 1763 des couvertures infectées de petite vérole (Variole) ;
  • les premiers camps de concentration furent expérimentés au cours de la Seconde Guerre des Boers en Afrique du Sud par les Britanniques assistés des Canadiens. Sur environ 120 000 internés, plus de 27 000 civils afrikaners (10% de la population afrikaner des républiques boers) essentiellement des femmes, des vieillards et des enfants, près de 20 000 Noirs alliés à ces derniers, meurent dans ces camps, victimes des conditions de vie (alimentation insuffisante, absence d'hygiène et de soins) dénoncées à l'opinion internationale par Emily Hobhouse ;
  • de 1942 à 1945, 10 millions de civils chinois furent enrôlés de force par l'armée impériale japonaise pour effectuer des travaux forcés au Mandchoukouo sous la supervision de la Kôa-in. De ce nombre, 2,7 millions ont trouvé la mort lors de l'opération sankô sakusen menée par le général Yasuji Okamura [41].

Débat sur la définition

Les massacres de masse et déportations dont les critères de discrimination ne sont ni ethniques, ni nationaux, ni religieux, ni raciaux, ne peuvent pas être reconnus comme génocides tant qu'une instance internationale n'a pas décidé d'élargir cette définition. Certaines historiens ne souhaitent pas un tel élargissement, afin de ne pas banaliser le terme de génocide. Cela a pour conséquence d'exclure des massacres de masse comme, par exemple les crimes de régimes de type marxiste (de Staline, de Mao, de Pol Pot ou de Mengistu), qui ont été commis sur des critères politiques, professionnels et sociaux, et pour lesquels le nombre de victimes dépasse celui des victimes des génocides reconnus, ou encore les victimes collatérales d’invasion ou de crimes contre l’humanité (disparition de peuples migrants, traite des noirs). D'autres historiens pensent que cette discrimination négative banalise encore davantage les massacres de masse, que ne le ferait un élargissement officiel de la définition. Le débat en cours entre historiens a débordé dans le champ médiatique et politique, avec parfois des excès et des dérives.

Notes et références

  1. Définition donnée par le droit, d'après Le Robert, dictionnaire, édition de 1993.
  2. (en)Raphael Lemkin sur EuropaWorld. Consulté le 7 septembre 2008.
  3. Claire Mouradian, entretien avec Michèle Champenois et Simon Roger : « Un prototype des génocides du XXe siècle », dans Le Monde 2 no 61 du 16 avril 2005 (Demain, avoir un enfant sans grossesse), p 63.
  4. Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée et soumise à la signature et à la ratification ou à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 260 A (III) du 9 décembre 1948, entrée en vigueur le 12 janvier 1951, conformément aux dispositions de l'article XIII
  5. Statut de Rome sur le site de l'ONU
  6. Bernard Bruneteau, Le Siècle des génocides [lire en ligne (page consultée le 11 novembre 2008)].
  7. Naomi Klein (trad. Lori Saint-Martin et Paul Gagné), La Stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre [« The Shock doctrine. The rise of disaster capitalism »], Léméac/Actes Sud, Paris, 2008, 669 p. (ISBN 978-2-7427-7544-6) , p 126-129
  8. Article 211,1 du Code pénal [lire en ligne (page consultée le 11 novembre 2008)].
  9. (en) source : [1]
  10. [2] Eléments de crimes.
  11. (en) ' ou sur le site des Nations Unies : http://documents.un.org/welcome.asp?language=F avec la cote E/CN.4/SUB.2/1985/6)
  12. (fr) Rapport du Sénat français sur la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915
  13. (fr) Résolution 955 du Conseil de sécurité de l'ONU du 8 novembre 1994
  14. (fr) Résolution 935 du Conseil de sécurité de l'ONU du 1er juillet 1994
  15. (en) Jugement de Radislav Krstić
  16. (en)Chechnya: European Parliament recognises the genocide of the Chechen People in 1944
  17. Gheorghe Boldur-Latescu, The communist genocid in Romania, (ISBN 978-1594542510)
  18. Voir le suivi des plaintes des rwandais en France sur le site de la CEC.
  19. Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3 : Le temps du monde, Paris, Armand Colin, LGF-Le Livre de Poche, (ISBN 2253064572), 1993, p 489
  20. Christian Duverger, « Espagnols-Indiens : le choc des civilisations », L'Histoire, n°322, juillet-août 2007.
  21. Olivier Le Cour Grandmaison, Coloniser Exterminer, Fayard, 2005
  22. [3]
  23. Proposition de loi n° 3754 déposée le 21 février 2007 à l'Assemblée nationale française. Voir également La proposition de loi sur "le génocide vendéen", une atteinte à la liberté du citoyen sur Révolution Française.net
  24. Le mot « génocide » est employé par François-Xavier Fauvelle-Aymar, Histoire de l'Afrique du Sud, Paris, Seuil, 2006, (ISBN 2020480034), p.343
  25. Hélène Despic-Popovic, « Kiev reconnaît la grande famine comme génocide » dans Libération du 29/11/2006, [lire en ligne]
  26. Commémoration de l'Holodomor, la famine artificiellement provoquée en Ukraine (1932-1933), texte adopté le jeudi 23 octobre 2008 par le Parlement européen.
  27. http://www.ushmm.org/museum/exhibit/online/jasenovac/
  28. (en)Communiqué de presse de la CIJ de 1959
  29. Compte rendu de l'audition du mardi 17 octobre 2000, Audition du professeur Samdhong Rinpoche, Président du Parlement tibétain en exil
  30. Howard B. Tolley Jr., The International Commission of Jurists, Global Advocates for Human Rights, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1944.
  31. Philip Agee, Inside the Company: CIA Diary, Allen Lane, 1975, p. 611.; citation : « the ICJ was set up and controlled by the CIA for propaganda operations ».
  32. Bernard Kouchner évoque plus de 1 million de victimes; il en détaillait d'ailleurs les origines : « Plus d’un million de Tibétains auraient péri de mort violente entre 1950 et 1980 : 175 000 en prison, 156 000 sommairement exécutés, 413 000 morts de faim pendant une de ces « réformes agraires » dont les théoriciens marxistes étaient friands, 92 000 morts sous la torture; près de 10 000 se seraient suicidés. »
  33. La justice espagnole se déclare compétente pour statuer sur une plainte pour "génocide contre le peuple tibétain"
  34. Source List and Detailed Death Tolls for the Twentieth Century Hemoclysm, Historical Atlas of the Twentieth Century. Consulté le 2007-02-27
  35. en:Cultural Revolution
  36. « La justice irakienne rend son verdict sur le massacre des Kurdes en 1988 », dans Le Monde du 24-06-2007, [lire en ligne]
  37. (en) [4] [pdf].
  38. http://www.senat.fr/leg/ppl07-337.html
  39. a , b  et c Christian Duverger, « Espagnols-indiens : le choc des civilisations », dans L'Histoire, n°322, juillet-août 2007, p 16
  40. Christian Duverger, « Espagnols-indiens : le choc des civilisations », dans L'Histoire, n°322, juillet-août 2007, p. 21.
  41. (fr) L'opération "tue tout, vole tout, brûle tout".

Annexes

Bibliographie

  • Bernard Bruneteau, Le Siècle des génocides Armand Colin, 2004
  • Alisonn Des Forges, Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda, Human Rights Watch/FIDH, Karthala, 1999.
  • Benjamin Sehene, Le Piège ethnique, Éditions Dagorno, Paris, 1999 ISBN 2910019543
  • Jacques Sémelin, Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides, Seuil, Paris, 2005
  • Yves Ternon, Les Arméniens, Histoire d'un génocide (Seuil, 1977, 1996)
  • Yves Ternon, Du négationnisme. Mémoire et tabou (Desclée de Brouwer, 1998)
  • Yves Ternon, L'État criminel (Seuil, 1995)
  • Yves Ternon, L'Innocence des victimes. Regard sur les génocides du XXe siècle (Desclée de Brouwer, 2001)
  • Louise-Marie Diop-Maes, Afrique Noire, démographie, sol et histoire : une analyse pluridisciplinaire et critique (Présence Africaine, 1997)
  • Joseph Ki-Zerbo Unesco (Comité scientifique international pour la rédaction d'une histoire générale de l'Afrique), Histoire générale de l'Afrique (Edicef / Hachette Livres, 1989)
  • Bibliographie sur le génocide au Rwanda

Articles connexes

Liens externes

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