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Crime d'honneur
Un crime d'honneur est un meurtre perpétré contre une personne dont le comportement est perçu comme ayant porté le déshonneur sur sa famille. La plupart des victimes sont des femmes. Ces crimes sont typiquement le fait de membres de la famille de la victime ou de la communauté et, contrairement aux crimes dits “passionnels”, sont prémédités. Dans les sociétés où ils sont perpétrés, on les considère comme relevant de domaine “privé” et la justice poursuit rarement les meurtriers.
En criminologie, le crime d'honneur est relié à des caractéristiques de psychologie comportementale invoquant les sentiments que sont la jalousie et la perception d'offense liée à l'adultère.
Sa survenue dépend de manière importante du consensus social lié aux libertés des femmes.
Sommaire
Qualification
L'ONG Human Rights Watch donne la définition suivante des meurtres pour l'honneur :
« Les crimes d'honneur sont des actes de violence, le plus souvent des meurtres, commis par les membres masculins d'une famille à l'encontre de ses membres féminins, lorsqu'ils sont perçus comme cause de déshonneur pour la famille tout entière. Une femme peut être la cible d'individus au sein de sa propre famille pour des motifs divers, comprenant : le refus de participer à un mariage arrangé, le refus des faveurs sexuelles, la tentative de divorce — que ce soit dans le cadre de la violence conjugale exercée par son mari ou dans un contexte avéré d'adultère. La simple interprétation selon laquelle son comportement a "déshonoré" sa famille est suffisante pour enclencher une représaille. »Sociologie
Il s'agit d'un des domaines du droit parmi les plus entrelacés avec les évolutions de la société civile, dans la mesure où les plus anciens codes des lois des civilisations humaines ont légiféré en ce domaine : savoir mettre en place les mécanismes culturels et juridiques permettant d'éviter que le sang soit versé après une déception sentimentale fait donc partie des progrès humanistes identifiés. En outre de nombreuses légendes et mythes de l'humanité avertissent de l'ardeur ravageuse de ces sentiments de vengeance.
Se posant en garants de la perpétuation de la structure sociale, les textes sacrés de la religion abrahamique ont posé des concepts philosophiques chargeant considérablement les écarts par rapport au modèle du couple monogame et amenant une inégalité dans un contexte sociologique patriarcal ; ce qui amena dans la perception de la société une certaine légitimation du règlement sous forme de crime de sang lorsque le mari se sent offensé[1], dont les femmes dans l'Histoire sortent largement victimes[2].
Cette tendance n'oblitère en rien le fait que les passions tristes soient ressenties par tous les humains quel que soit le sexe.
La particularité est que l'adultère féminin trouble les lignages et les transmissions, alors que l'adultère masculin n'est pas perçu comme gênant. S'instaure un climat de terreur comportant des victimes pour l'exemple, amenant les femmes à se soumettre à l'ordre moral implicite de la collectivité.
Le crime d'honneur en Occident
En Occident les crimes d'honneur liés à la triangulation amoureuse sont largement moindres qu'auparavant. La mesure est graduelle, et passe par :
- la fin des duels d'honneur en combat singulier qui diminue les crimes de sang dans la sphère privée ;
- l'atténuation du code civil napoléonien qui instaura une société civile donnant la part belle aux maris, leurs épouses étant assimilées à des mineures [3];
- la révolution sexuelle entérinant la libéralisation des mœurs.
Les années soixante en France virent au cinéma[4] la moquerie des cocus infortunés remplacer leur figuration dans les vaudevilles d'autrefois au théâtre, dans la mesure où l'évolution de la société les laissait avec leur gêne, sans plus légitimer la violence machiste.
Gradation
Il faut également noter que le crime d’honneur n’a d’ « honneur » que lorsque c’est la victime ou les proches de la victime qui passent à l’acte. C’est le cas du conjoint trompé qui se fait justice ; à ne pas confondre avec l’acte de deux amants qui se débarrassent du conjoint gênant, acte qui devient « crime crapuleux ».
En dehors du passionnel, le crime ou l’envie de vengeance privée de la part d’une victime peut survenir à la suite d’un jugement rendu plus en faveur du coupable. Dans ce cas, la victime ou ces proches, blessés encore une fois dans leur orgueil, ressentent un besoin naturel de venger leur honneur. Dans ce cas, cette absence ou insuffisance de justice d’Etat, fait appel à la Loi du Talion ou à la vendetta typique des coutumes mafieuses. Cet aspect de vengeance privée est surtout évoqué depuis l’abolition de la peine de mort ou dans le cas du jugement rendu à l’encontre d’un multirécidiviste ou tueur en série.
Géographie de la criminologie
En général, en Occident, le crime d’honneur varie en fonction de la géographie. Peu coutumier dans les régions du Nord, il devient plus intense en descendant vers le Sud. C’est ainsi que la vengeance par le justice privée, plus connue sous le nom de vendetta fait partie de la culture de certains groupes ethniques qui se situent dans les Balkans (notamment les régions peuplées d'albanophones), le sud de l'Italie et les îles de la Méditerranée (Corse, Sardaigne, Sicile).
- Vendetta accomplie selon les torts subis (loi du Talion).
- Vendetta pour venger son honneur, par orgueil aux yeux du monde externe. C’est le légendaire cas du vase de Soissons.
- Vendetta de masse, contre plusieurs personnes. C’est le cas des guerres de clans au sein des familles mafieuses où la vengeance peut porter sur plusieurs générations à la fois (en général, trois générations de males). Dans bien des cas, l’animosité entre familles remonte si loin dans le temps que, les protagonistes d’aujourd’hui, ne savent plus en expliquer l’origine mais poursuivent cette « coutume » par orgueil.
Le crime d'honneur en Turquie, au Pakistan, en Égypte et en Jordanie
Le meurtre pour l’honneur est une pratique courante dans certains pays, notamment au Pakistan, en Égypte, en Jordanie ou encore en Turquie (liste de pays non exhaustive). Selon la Commission des droits de l'homme du Pakistan (HRCP), 636 femmes sont mortes d'un crime d'honneur en 2007[5]. Au moins 288 femmes ont péri en Turquie entre 2001 et 2008 victimes de crimes d’honneur, selon une étude universitaire menée par l’université Inönü de Malatya[réf. souhaitée]. Les « meurtres traditionnels » décrits par l’étude sont plus répandus dans l’est de la Turquie. Le gouvernement et les associations ont accru leurs efforts au cours des dernières années pour éradiquer les crimes d’honneur[6].
Voir aussi
Notes
- ↑ source : livre Histoire de l'adultère cité en lien interne.
- ↑ l'organisme United Nations Fund for Population Activities estime qu'au total et de manière annuelle jusque 5000 femmes pourraient être victimes d'un crime d'honneur.
- ↑ Une illustration crue pour les élites en est donnée dans le film Gabrielle de Patrice Chéreau.
- ↑ confère en particulier les personnages du dialoguiste Michel Audiard et son taxi, "le terminus des prétentieux".
- ↑ Frédéric Bobin, "Plus de 600 femmes assassinées en 2007", dans Le Monde du 26-09-2008, [lire en ligne]
- ↑ Crimes d'honneur en Turquie armenews
Liens internes
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- Examen de synthèse du phénomène : voir les articles Adultère et Histoire de l'adultère
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Liens externes
- Site de la Campagne Internationale contre les Crimes d'Honneur (articles en français, arabe, anglais, allemand, farsi, kurde, turc, etc...)
- Un totalitarisme contre les femmes Livre sur les crimes d'honneur et leurs répercussions sur les conditions de vie des femmes du Moyen-Orient (en français, à commander ou à lire en PDF)
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