Génocide Au Rwanda

Génocide Au Rwanda

Génocide au Rwanda

GÉNOCIDE AU RWANDA

Rwanda
Histoire du Rwanda
Populations des Grands Lacs
Ethnisme au Rwanda

Introduction
Événements initiaux
Causes du génocide
Acteurs rwandais
Communauté internationale
Institutions religieuses
Particularités du génocide
Conséquences du génocide
Justice internationale (TPIR)
Médias
Négationnisme

Glossaire et compléments
Bibliographie

Le génocide au Rwanda est un génocide qui eut lieu du 6 avril au 4 juillet 1994 au Rwanda, un pays d'Afrique de l'Est.

Il fut commis dans le cadre d'une guerre civile opposant le gouvernement rwandais, qui s'était auto-proclamé Hutu Power avant le génocide, et le Front patriotique rwandais (FPR), accusé par les autorités d'être essentiellement « tutsi ».

Le 1er octobre 1990, des Rwandais exilés et regroupés au sein du FPR décidèrent de revenir au pays à partir de l'Ouganda et de prendre le pouvoir par les armes. En réponse, les autorités rwandaises menèrent une double stratégie : se défendre avec l'armée contre l'agression militaire du FPR et « liquider » tous les Tutsi de l'intérieur du Rwanda. Les autorités rwandaises perdirent la guerre civile au profit du FPR et par contre atteignirent leur objectif génocidaire contre les Tutsi.

L'ONU estime que quelques 800 000 Rwandais, en majorité Tutsi, ont trouvé la mort durant ces trois mois [1]. Ceux qui parmi les Hutu se sont montrés solidaires des Tutsi ont été tués comme traîtres à la cause hutu. D'une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus rapide de l'histoire et celui de plus grande ampleur en termes de nombre de morts par jour.

Mais il convient de souligner qu'un génocide n'est pas qualifié comme tel en raison du nombre de morts, mais sur une analyse juridique de critères définis à l'époque par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 de l'ONU. Cette convention définit qu'un génocide est commis dans l'intention de détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel.

La discrimination rwandaise entre Hutu et Tutsi, qui a atteint un point culminant en 1994, s'est construite dans un processus historique complexe entre la réalité de la population du Rwanda et la façon dont les colonisateurs, d'une part, et les divers Rwandais, d'autre part, l'ont perçue et expliquée. Dans cette Histoire du Rwanda, se sont surajoutés de façon déterminante les avantages politiques successifs que ces divers acteurs ont cru pouvoir tirer de cette discrimination, de 1894, (date des premiers contacts entre des Européens et le roi issu des Tutsi du Rwanda) à 1962, (date de l'indépendance du Rwanda), puis jusqu'en 1994, période dominée par des Républiques dites hutu.

Sommaire

Les racines du génocide

Les origines de la division ethnique

Au début du XXe siècle, les colonisateurs belges, dans le sillage des préoccupations ethnologiques de l'époque, croient percevoir une supériorité génétique des Tutsi sur des bases raciales et morphologiques. Selon eux, les Tutsi se distingueraient par leur intelligence et la finesse de leurs traits contrairement aux Hutu, qu'ils considèrent comme inférieurs. Ils en déduisent que ces « nègres blancs » auraient une ascendance plus proche des Européens et viendraient d'ailleurs. Les Belges qui héritèrent de cette colonie après la Première Guerre mondiale décident de se reposer sur les Tutsi pour leur administration coloniale, même dans le nord-ouest du Rwanda où régnait une monarchie dominée par des agriculteurs hutu, plus ou moins soumise à la dynastie royale d'éleveurs tutsi du reste du Rwanda.

Les Tutsi auront donc seuls accès aux études et à la gouvernance (à l'exception du séminaire, qui sera ensuite accessible aussi aux Hutu) tandis que les Hutu et la petite composante des artisans Twa sont cantonnés aux activités subalternes habituelles d'une population africaine.

En 1931, une carte d'identité ethnique est mise en place par l'administration belge, indiquant le groupe auquel appartient le citoyen : tutsi, hutu ou twa.

La carte d'identité ethnique et la prétendue origine extérieure des Tutsi joueront un rôle essentiel à partir de 1959 pour discriminer les Tutsi et justifier leur élimination du pays.

Les articles de la série génocide au Rwanda permettent de mieux cerner l'autorité initiale de la monarchie tutsi qui régnait sur le pays au moment de l'arrivée des colonisateurs allemands, puis la façon dont leurs successeurs belges ont figé la structure de la société rwandaise en l'organisant sur des rapports hiérarchiques raciaux évoqués ci-dessus. Au moment de l'indépendance, un renversement d'alliance s'opère contre les Tutsi entre les colonisateurs et les Hutu. Ce contexte explique l'animosité entre Hutu et Tutsi, mais l'existence du terme « ethnie » pour qualifier les deux composantes est dénoncée par certains ethnologues comme une construction historique (voir Ethnisme au Rwanda). L'exil d'une partie des Tutsi vers les pays limitrophes en plusieurs vagues à partir de 1959 et leur désir de retour seront la source de la guerre civile qui éclatera en octobre 1990.

Le Manifeste des Bahutu[2] rédigé en 1957 par Grégoire Kayibanda, secrétaire particulier de Monseigneur Perraudin, est considéré comme le texte fondateur de la politique ethniste qui marquera les premières décennies du Rwanda indépendant. Les Hutu créent leur propre parti politique en 1959 : le Parmehutu, pour la promotion du peuple hutu. Les Tutsi sont poursuivis, des assassinats et des massacres sporadiques ont lieu, des maisons sont incendiées et les Tutsi fuient par milliers en Ouganda, au Burundi et au Congo-Kinshasa.

Au cours des années soixante plusieurs tentatives peu organisées de retour armé des exilés sont repoussées par le Rwanda et toujours ponctuées par des massacres de Tutsi restés au pays. Le premier massacre important des Tutsi au Rwanda a lieu en décembre 1963. Entre 8 000 et 12 000 hommes, femmes et enfants sont massacrés. Le journal Le Monde évoque un génocide (édition du 4 février 1964) et Radio Vatican parle à ce moment-là du plus « terrible génocide jamais perpétré depuis celui des Juifs ». En 1972 au Burundi voisin, un très important massacre de masse des Hutu burundais par l'armée burundaise à majorité tutsi fait, selon les Hutu, environ 200 000 morts. Ce massacre impressionna vivement les Hutu rwandais. Le pouvoir du président Grégoire Kayibanda s'affaiblissait et en 1973, il tente de réactiver l'unité politique du Rwanda contre la menace tutsi. Les élèves et professeurs tutsi sont exclus des collèges rwandais. Des massacres ont lieu dans des établissements scolaires. Une nouvelle vague d'exil des Tutsi s'ensuit et Juvénal Habyarimana prend le pouvoir à la suite d'un coup d'État en juillet 1973.

Juvénal Habyarimana joue très habilement la carte de l'apaisement pour séduire les capitales européennes et notamment la France qui lui fournit un avion et un équipage dès 1974 et avec qui il passe des accords de coopération militaire pour la formation de la gendarmerie en 1975. Jusqu'à la fin des années 1980, le quota administratif qui limite l'accès des Tutsi aux services administratifs est cependant renforcé, mais certains hommes d'affaire tutsi bénéficient d'une certaine libéralité dans la mesure où le régime a besoin d'eux. Toutefois les assassinats sporadiques de Tutsi restent toujours impunis et cette impunité devient un passe droit dans l'esprit de la population.

Autres causes évoquées : Des sociologues et des journalistes avaient insisté sur la grave crise foncière, due à la surpopulation, que traversaient le Rwanda et le Burundi depuis de nombreuses années. Cette crise foncière dans des pays où la majorité de la population tire sa subsistance des produits de la terre aurait progressivement fait éclater les structures sociales et aurait transformé la région en une poudrière où n'importe quel évènement pouvait provoquer une explosion de violence contre le premier bouc émissaire venu. Ces causes, qui ont sans doute joué leur rôle sont à relativiser car aujourd'hui le problème foncier est tout aussi aigu et tend à s'accentuer, la population actuelle dépassant en nombre celle de 1994.

La question de la préparation

La plupart des auteurs estiment que le génocide a pu être commis avec une telle rapidité parce que dans les années précédentes s'étaient mis en place à la fois un conditionnement des esprits et un encadrement serré du pays[3].

Depuis 1959, une série de massacres (« toussaint rwandaise ») dirigés contre les Tutsis s'était déjà déroulée. Des massacres à caractère génocidaire, furent dénoncés comme tel en 1993, comme les massacres des Bagogwe exécutés entre 1991 et 1992[4]. En 1994, et ce depuis quelques années, une campagne médiatique stigmatisait les Tutsi.

Selon plusieurs historiens, Jean-Pierre Chrétien[5], Gérard Prunier[6], Claudine Vidal[7], des journalistes comme Colette Braeckman[8], Laure de Vulpian[9], Linda Melvern[10] ou le professeur de Droit Filip Reyntjens[11], il y avait un projet génocidaire datant de plusieurs années, et finalement exécuté par les extrémistes hutu de l'entourage du président Habyarimana, constituant aussitôt après sa mort un gouvernement intérimaire sous l'instigation du colonel Théoneste Bagosora. Selon cette thèse, les « médias du génocide » tenus par les Hutu extrémistes furent un élément essentiel de la préparation et la mise en œuvre du génocide. Les missions parlementaires belge[12] et française[13] retiennent cette thèse, de même que ceux de l'ONU et de l'OUA. Le Hutu Power accusa la radio Muhabura du FPR d'avoir tenu le même discours de haine, « même si celui-ci n'a jamais eu la même consonance ethnique que le langage tenu par Radio des Mille Collines », selon le rapport du Sénat belge.

Le sociologue français André Guichaoua, expert auprès du TPIR depuis 1996, aurait pour sa part conclu de ses investigations que le génocide n'existait qu'à l'état de projet et n'était pas planifié à l'avance[14]. Il aurait été organisé, notamment à l'échelon local, mais pas avant l'attentat du 6 avril 1994. Partisan de la thèse selon laquelle le FPR serait auteur de l'attentat du 6 avril 1994, il affirme : « Ceux qui ont mis en œuvre le génocide ne l’ont pas fait parce qu’il y a eu un attentat. Les dirigeants du FPR ont pris le risque du génocide, sans doute en connaissance de cause. Les extrémistes hutu ont eu besoin d’une semaine pour concrétiser leur projet génocidaire et en mettre en place les structures »[15].

Des organisations de défense des droits de l'homme notoires estiment que les théories qui contestent la préparation du génocide relèvent de la négation de nombreux faits constatés et de nombreux témoignages. Par exemple l'organisation Avocats sans frontières Belgique tient la préparation pour établie, en particulier sur la base des documents produits à l'audition d'Alphonse Higaniro devant la Cour d'Assises de Bruxelles[16] et du témoignage de François-Xavier Nzanzuwera, procureur de Kigali jusqu'en 1995[17]. Ces documents et témoignages commentés au cours du procès avec leurs auteurs parlent de « plan d'extermination », du rôle de la Radio des Mille Collines et des postes de radio distribués dans la population avant l'attentat, de la consigne de ne pas oublier le poste de radio quand on va sur les barrières, etc.

Les documents des archives de la Présidence de la République française font apparaître que les autorités françaises ont été régulièrement informées dans les années 1990 à 1994 des risques de massacres ethniques de grande ampleur et de l'intention de certains des acteurs d'exterminer les Tutsi. Dès 1990, les autorités et l'armée françaises étaient conscientes du risque de génocide comme en témoigne, dans le télégramme du 24 octobre 1990 de l'ambassadeur de France au Rwanda, l'analyse du Colonel Galinié : « […] l'élimination physique à l'intérieur du pays des Tutsi, 500 000 à 700 000 personnes, par les Hutu […] »[18]. Le général Varret, de l'armée française, a rapporté aux députés français avoir entendu en 1990 du principal responsable de la gendarmerie rwandaise l'explication suivante à propos des Tutsi : « ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider »[19]. Dans la chronologie des notes et télex échangés entre les autorités françaises et ses représentants au Rwanda, on peut aussi relever le télégramme envoyé par l'ambassadeur français le 12 janvier 1994 qui parle des renseignements transmis par un informateur du représentant des Nations Unies faisant état d'un « plan de déstabilisation radicale du pays », passant par des troubles provoqués afin de susciter des réactions et l'élimination des Tutsi de Kigali, et d'en exterminer mille d'entre eux dès la première heure[20]

Le rapport publié en juillet 2000 par l'Organisation de l'unité africaine remarque qu'il est difficile de dater la mise en route de la préparation du génocide[21].

Différents auteurs et groupes continuent cependant de mettre en doute toute préparation du génocide[22].

La situation politique et militaire à la veille du génocide

Le déroulement du génocide

Les premiers jours

Des victimes du génocide rwandais

Le 6 avril 1994, le président du Rwanda Juvénal Habyarimana est assassiné. Alors qu'il s'apprêtait à atterrir à Kigali, son avion est la cible de tirs et s'écrase. Il n'y a aucun survivant. L'avion transportait aussi le président burundais Cyprien Ntaryamira. Aucune enquête internationale n'a permis d'identifier les auteurs de cet attentat[23]. Les deux principales hypothèses soupçonnent l'une le Hutu Power et l'autre le FPR, avec d'éventuels soutiens internationaux[24].

Pendant la nuit du 6 avril, l'attentat fut l'élément déclencheur du génocide réalisé par le Hutu Power. Sur les ondes de la Radio des Mille Collines, radio de propagande de l'Akazu, le signal du début du génocide fut, dit-on, la phrase entendue depuis quelques jours : « Abattez les grands arbres »[25].

Les massacres des opposants hutu dans les premières heures, puis de milliers de Tutsi commencèrent aussitôt et simultanément dans une grande partie du Rwanda, à l'exception notoire de la région de Butare dans le sud[26].

Le 7 avril 1994, la première ministre Agathe Uwilingiyimana fut assassinée le matin, puis les dix Para-Commando's belges, du 2e bataillon commando, qui avaient pour mission de la protéger, furent à leur tour assassinés dans le camp militaire des Forces armées rwandaises (FAR), où ils avaient été emmenés. Les corps n'ont été retrouvés que le lendemain. Ce commando était aussi composé de cinq casques bleus ghanéens qui furent aussi capturés avec les Belges, mais furent relâchés.

Un gouvernement intérimaire fut constitué en quelques jours sous la houlette du colonel Bagosora qui se révéla rapidement être l'homme fort du régime après la disparition du Président Juvénal Habyarimana.

Dès le 8 avril 1994 la France, par l'opération Amaryllis, puis la Belgique, par l'opération Silver Back et l'Italie évacuèrent leurs ressortissants et ceux d'autres pays occidentaux. Un convoi de ressortissants américains était parti dans les heures qui suivirent l'attentat vers le Burundi, où les attendaient des forces américaines en stationnement.

Cent jours d'extermination

Victimes du génocide au Rwanda

Pendant trois mois, la Radio Télévision Libre des Mille Collines encourage et guide jour après jour, heure par heure le génocide, dénonçant les Tutsi encore vivants à tel ou tel endroit. Les milices Interahamwe (issue du MRND, le parti présidentiel) et Impuzamugambi (issue de la Coalition pour la Défense de la République, organisation extrémiste composée de durs du régime Habyarimana), exécutent ce qu'elles appellent « le travail », parfois assistées par les FAR. Le « travail » consiste pour les extrémistes hutu à massacrer à travers tout le pays les Tutsi, ainsi que certains Hutu modérés réputés hostiles à ce projet et considérés comme des « traîtres ». La population utilise essentiellement des machettes, des houes et des gourdins cloutés.

Des barrières sont montées sur toutes les routes du Rwanda pour arrêter les fuyards qui sont massacrés sur place. Généralement les autorités locales, parfois sous la pression de hiérarchies parallèles organisées par les préfets, prétextent la mise en sécurité des Tutsi pour les regrouper dans des lieux publics comme les stades, les bâtiments communaux, les écoles et les églises. Ensuite des groupes de miliciens achèvent les personnes, parfois précédés par les FAR qui commencent « le travail » avec des armements adaptés, des grenades notamment. Enfin les maisons de Tutsi sont systématiquement visitées par les miliciens pour sortir ceux qui s'y cachent et les massacrer.

Les massacres atteindront des sommets dans l'horreur. L'ampleur du massacre (en trois mois, 1 million de personnes sont tuées selon les autorités rwandaises après recensement, 800 000 selon l'ONU[27] et l'OUA), sa cruauté (des femmes enceintes sont éventrées pour tuer les fœtus, la violence sexuelle est fréquemment employée, des tueries ont lieu au sein de familles mixtes, le sadisme se manifeste dans de nombreux cas) et le nombre d'exécutants en font un des évènements les plus atroces du XXe siècle.

Des militaires des Forces armées rwandaises tentèrent de s'opposer au génocide le 12 avril 1994. Ils échouèrent[28].

À Butare, le seul préfet tutsi du Rwanda essaye de lutter contre le développement du génocide dans sa région. Il est destitué le 17 avril 1994. Le génocide démarre vraiment ensuite. Le 19 avril 1994 le Président du Gouvernement intérimaire vient sur place soutenir les autorités locales et la population par un appel « au travail »[29].

Dans la région de Kibuye, dans le massif montagneux de Bisesero, lieu réputé pour leur résistance à d'autres périodes, des Tutsi se sont regroupés et ont tenté de résister aux autorités locales et aux miliciens en se battant avec des armes qu'ils leur prenaient. 65 000 Tutsi y sont enterrés dans un mémorial. 800 survivants ont été dénombrés par les soldats de l'opération Turquoise[30].

Une exception à Giti, près de Kigali, aucun Tutsi n'a été tué, grâce aux autorités locales[31]. Le bourgmestre de Giti a été félicité par le président Bizimungu après la victoire du FPR[32].

Le 30 avril 1994, le bureau politique du Front patriotique rwandais publie un communiqué selon lequel le génocide est presque terminé. Il « appelle le Conseil de sécurité des Nations unies à ne pas autoriser le déploiement de la force proposée, parce que l'intervention des Nations unies à ce stade ne peut plus servir un quelconque but en ce qui concerne l'arrêt des massacres[33] ». Les massacres ne cesseront complètement que courant juillet, mais on estime que 80 % des massacres étaient accomplis à la mi-mai. Le médecin allemand Wolgang Blam qui se trouvait à Kibuye dans une région où les Tutsi étaient très nombreux (20 % de la population) et où les massacres durèrent jusqu'en juillet, témoigne dans un document qu'à partir du 16 mai 1994 les autorités locales ont normalisé la situation en ouvrant les services publics, les banques, les transports, etc. L'essentiel des massacres était alors accompli[34].

Cette observation du Docteur Blam se retrouve à l'échelon national. Il raconte d'ailleurs que des membres du gouvernement intérimaire se sont déplacés le 8 et le 16 mai à Kibuye pour lancer cette normalisation[35]. À la mi-mai Alison Des Forges signale qu'il y eût débat sur la nécessité de massacrer les femmes et les enfants épargnés jusque là dans certaines régions et que le débat fut tranché par leur extermination effective[36].

Mais la guerre civile évoluait en faveur du FPR et c'est à ce moment que la France perça le mur de la qualification du génocide au plan diplomatique, dans la perspective d'une intervention[37].

La plupart des rescapés trouveront refuge dans les régions du nord-est du Rwanda, là où le FPR avance rapidement au début du génocide. Quelques rescapés réussiront à se cacher dans des marais ou des zones forestières. Les autres rescapés seront sauvés par des Hutu qui prendront le risque de les cacher, jusqu'à ce que le FPR arrive. La zone protégée par l'Opération Turquoise, à l'ouest du Rwanda sera la dernière zone investie par le FPR et celle où les massacres continueront le plus longtemps, les français ayant comme la Minuar l'ordre de « rester neutre entre les factions rwandaises ». Les Français sauvèrent toutefois 8 000 rescapés du stade de Nyarushishi au sud-ouest du Rwanda et 800 autres à Bisesero, ainsi que des groupes isolés au gré des circonstances.

Le génocide constitue en outre un désastre économique avec les destructions de biens (notamment les troupeaux) et les pillages. Dans la volonté d'anéantir jusqu'au souvenir des Tutsi on détruisit aussi très souvent leurs maisons et leurs jardins, sans chercher à les utiliser autrement qu'en récupérant leurs matériaux.

Le génocide se déroule sur fond de guerre civile. Les FAR (Forces armées rwandaises, c’est-à-dire l'armée régulière rwandaise) combattent le FPR (Front patriotique rwandais, composé de Tutsi exilés et de quelques opposants hutu au régime Habyarimana, qui ont attaqué le Rwanda depuis l'Ouganda à partir de 1990).

La reprise de la guerre civile

À partir du 10 avril, partant du nord du Rwanda, une zone limitrophe de l'Ouganda qu’ils ont conquise de 1990 à 1993 contre les FAR, les rebelles du FPR de Paul Kagame occupent leur pays d'origine pour prendre le pouvoir. Cette progression s'accompagne d'exactions faisant de nombreuses victimes dans les deux camps[38]. De 1990 à 1993 les FAR avaient été formées et réorganisées par l'armée française, précisément pour contrer les attaques du FPR, attaques qui étaient parfois accompagnées de massacres[39]. De leur côté les responsables du FPR se sont appuyés sur l'armée ougandaise, dans laquelle certains étaient officiers depuis que le Président Yoweri Museveni avait conquis le pouvoir en Ouganda.

Malgré la progression rapide du FPR vers la capitale Kigali, qui est prise le 4 juillet 1994, le génocide coûtera la vie à des centaines de milliers de Tutsi et Hutu modérés. Les miliciens hutu et les FAR battent en retraite au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo). Deux millions de réfugiés hutu partent également, redoutant les représailles et exactions du FPR. Le 19 juillet 1994, un gouvernement fondé sur les derniers accords d'Arusha, mais dominé par le FPR, prend les rênes du Rwanda. Le président de la République et le Premier ministre sont des Hutu dits modérés. Celui qui a conduit le FPR à la victoire, le général-major Paul Kagame, vice-président et ministre de la défense, devient l'homme fort du Rwanda.

Au fur et à mesure de son entrée au Rwanda, le FPR, tout en protégeant les Tutsi rescapés, s'est livré à des exactions, des exécutions sommaires sans jugement et des massacres de représailles[40], mais dont le bilan reste à définir[41].

La démission de la communauté internationale

Cette démission a été martelée par le Général canadien Roméo Dallaire qui commandait la Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR), force de l'ONU destinée à soutenir les accords d'Arusha.

Il apparait que plusieurs États, en général à travers l'ONU, dont la France, particulièrement impliquée au Rwanda, ne semblent pas avoir su ou voulu adapter leurs actions en distinguant bien les massacres génocidaires de la guerre civile. Les États-Unis, marqués par le fiasco somalien récent, et l'ensemble du Conseil de sécurité des Nations Unies refusèrent de qualifier à temps les massacres de génocide, ce qui empêcha de faire jouer la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui obligeait les États signataires à intervenir. On emploie des périphrases comme « actes de génocide ». Toutes les pressions exercées sur les belligérants mirent sur le même plan l'arrêt des massacres et l'arrêt des combats entre le FPR et les FAR (Forces Armées Rwandaises). L'objectif était d'obtenir un cessez-le-feu et d'arrêter les massacres.

Pendant toute la durée du génocide, le général Roméo Dallaire est tenu par le DOMP, service du maintien de la Paix de l'ONU, de ne pas laisser la MINUAR intervenir par les armes pour empêcher les massacres et de tenter d'obtenir un cessez-le-feu entre le FPR et les FAR et un arrêt des massacres[42]. Il avait déjà tenté, sans succès, d'obtenir des Nations unies l'autorisation de procéder à la saisie des caches d'armes en janvier 1994. Devant cette inaction de l'ONU, le général Dallaire n'avait aucune marge de manœuvre pour tenter de protéger le peuple rwandais. Après l'assassinat de dix casques bleus belges et devant le refus du Conseil de sécurité de l'ONU de renforcer immédiatement la MINUAR, la Belgique décida de retirer ses soldats, qui constituaient la colonne vertébrale et la moitié des effectifs de la mission. Le 21 avril 1994, le Conseil de sécurité entérine la décision belge et réduit les effectifs de la MINUAR à 270 observateurs, soit 10 % de ce qu'elle était sur le terrain et 5 % de ce qui avait été prévu initialement[43].

Mais à partir de la deuxième quinzaine de mai 1994, devant la gravité de la situation, elle met sur pied la MINUAR 2 qui se révèle dans l'impossibilité d'intervenir immédiatement. Devant ce retard, la France obtient des Nations unies l'organisation de l’opération Turquoise du 22 juin au 22 août 1994, date prévue de déploiement de la MINUAR 2. Elle obtient ensuite la création, dans le sud-ouest du Rwanda, d'une « zone humanitaire sûre » (ZHS), le 4 juillet 1994, après quelques accrochages avec le FPR. Cette opération française donna lieu à de vives controverses à travers le monde.

Le 17 juillet 1994, un convoi des FAR s'arrête dans une villa de Cyangugu, dans le sud de la ZHS contrôlée par les Français. Le commandant du secteur, le lieutenant-colonel Jacques Hogard, s'assure de l'identité des membres du convois, avec un groupe de commandos du 2e REP, et identifie deux génocidaires: le président de la République, Théodore Sindikubwabo, et le ministre des Affaires étrangères, Jérôme Bicamumpaka. Bien que la Convention de l'ONU sur le génocide permît leur arrestation, les militaires français leur donnent 24 heures pour « foutre le camp », et demande des ordres à Paris. Le lendemain, les ordres tombent, mais le convoi d'une centaine de personnes est déjà passé au Zaïre[44].

De plus, les militaires français ont localisé la Radio Mille Collines, qui appelait aux massacres, mais Paris leur a ordonné de ne rien faire[44].

Les conséquences du génocide

Plusieurs rescapés de la diaspora rwandaise ont exprimé dans leurs livres la douleur et le traumatisme des rescapés[45]. Leurs témoignages rappellent ceux de la Shoah au niveau psychologique[46]. Jean Hatzfeld a décrit dans trois livres les conséquences vécues par la population rwandaise. La vie des rescapés, puis celle des tueurs qui montrent à quel point le travail génocidaire était vécu et organisé comme une sorte de service public, doublé de pillages et de répartition des butins. Enfin il a montré la difficulté de cohabiter à nouveau après le génocide entre tueurs et rescapés, la façon dont la volonté politique de réconciliation est ressentie par les uns et les autres[45].

Le génocide eut d'autres conséquences souvent mieux connues :

À la fin du génocide, à partir de la deuxième quinzaine de juillet 1994, une épidémie de choléra éclate dans les camps de réfugiés hutu au Zaïre. Cet épisode, qui a été fortement médiatisé, a souvent été confondu avec le génocide et l'a même en grande partie occultée. Il a occupé une grande part de l'énergie des soldats de l'opération Turquoise.

Des éléments des forces génocidaires ont mené au Rwanda des incursions post-génocidaires avec les mêmes méthodes sanguinaires, de 1994 à 1996. La majorité des réfugiés hutu sont rentrés par vagues successives au Rwanda à partir de 1996. Une partie des FAR rentrée au Rwanda a été réintégrée dans l'APR (Armée patriotique rwandaise), les nouvelles forces gouvernementales rwandaises.

Mais un noyau dur d'anciens miliciens et soldats des FAR est restée au Zaïre. Dix ans après le génocide, les affrontements entre les forces génocidaires et le FPR au Zaïre constituent encore un des facteurs de l'instabilité de la République démocratique du Congo. Selon les gouvernements du Rwanda et du Burundi, les extrémistes hutu restent une menace permanente et justifient des interventions déstabilisatrices et souvent meurtrières vivement dénoncées par la RDC.

Ces interventions s'inscrivent dans la première guerre du Congo et la deuxième guerre du Congo dans laquelle une dizaine de pays africains se sont impliqués et qui ont coûté la vie d'au moins 3 à 4 millions de Congolais.

En 1996-1997 de nombreux réfugiés civils hutu, poursuivis dans les forêts du Congo, ont trouvé la mort, soit d'épuisement, de famine ou d'absence de soins et d'isolement dans la forêt zaïroise, soit massacrés par les forces alliées (armées du Rwanda, l'APR, et de l'Ouganda, et rebelles zaïrois[47].

Cette coalition a renversé le président du Zaïre Mobutu Sese Seko et porté Laurent Désiré Kabila à la tête de la nouvelle République démocratique du Congo en 1997.

Les FDLR, qui regroupent une partie des anciennes forces génocidaires, ont accepté d'être désarmées début avril 2005 et de rentrer au Rwanda. Ce problème reste encore l'objet de nombreuses opérations militaires en 2007 sous l'égide de la Monuc.

Le FPR est accusé par les opposants et dissidents rwandais, par le groupe d'expert de l'ONU chargé d'étudier cette question[48], l'ancien ministre congolais Honoré Ngbanda Nzambo[49] d'utiliser la présence d'anciens génocidaires en RDC comme prétexte au pillage de cette région, se mêlant ainsi au nombreux autres pays limitrophes et entreprises multinationales qui pillent la RDC.

Par ailleurs, le gouvernement rwandais, estimant que la France refusait de reconnaître ses responsabilités dans le génocide, a rompu ses relations diplomatiques avec ce pays le 24 novembre 2006, suite à la recommandation du juge Jean-Louis Bruguière de poursuivre le président Paul Kagame devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour sa « participation présumée » à l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, et a mis en place une commission d'enquête[50].

Les juridictions internationales et nationales face au génocide

Le Rwanda a toujours exprimé le souhait de juger tous les auteurs du génocide. La justice rwandaise étant complètement détruite en juillet 1994, le Rwanda a demandé aussitôt de l'aide à la communauté internationale pour reconstruire l'appareil judiciaire. En réponse l'ONU a crée le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Seul le Rwanda a voté contre cette création qui ne correspondait pas à sa demande.

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda

Affiche de recherche pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda

Le 8 novembre 1994, la résolution 955 du Conseil de sécurité de l'ONU crée le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour juger les principaux responsables du génocide.

La Cour pénale internationale est compétente pour tous les crimes commis après sa création le 1er juillet 2002. Elle n'est donc pas compétente pour juger des crimes commis au Rwanda pendant le génocide.

Le Premier ministre du gouvernement intérimaire, Jean Kambanda, a plaidé coupable et a été condamné pour génocide par le TPIR. Les trois quarts du gouvernement intérimaires ont été arrêtés. Plusieurs ministres de ce gouvernement ont été reconnus coupables de participation au génocide ou sont en cours de jugement, deux autres ont été relaxés[51].

Les juridictions rwandaises

La justice nationale

Le Rwanda a du faire un effort politique considérable pour reconstruire cet appareil judiciaire. Des ONG comme Avocats sans frontières ont participé à cette reconstruction. Il a fallu former des juristes, faire revenir des juristes installés dans la diaspora, trouver des moyens matériels.

Le très grand nombre des auteurs du génocide, qui étaient loin d'être tous en prison, a posé au Rwanda un problème difficilement surmontable. En 1998, au rythme des procès, il aurait fallu deux cents ans pour juger seulement ceux qui étaient en prison. Une solution a été trouvée en s'appuyant sur les Gacaca, justice villageoise traditionnelle, pour les auteurs secondaires, les principaux auteurs étant jugés par la justice nationale rwandaise.

Les Gacaca

Article détaillé : Gacaca.

Le 15 janvier 2005, huit mille nouvelles juridictions gacaca (tribunaux populaires chargés de juger les auteurs présumés du génocide rwandais de 1994 — prononcer « gatchatcha ») ont entamé la phase administrative de leur travail. Elles s'ajoutent aux sept cent cinquante gacaca pilotes mises en place depuis 2001 dans certaines régions du pays. Les gacaca sont inspirées des anciennes assemblées villageoises. Elles ont été créés pour juger tous les présumés auteurs du génocide à l’exception des planificateurs et des personnes accusées de viols qui sont jugés par les tribunaux conventionnels ou par une juridiction de l'ONU. Plusieurs millions de personnes, les simples exécutants, sont donc concernés par cette juridiction. Le jeudi 10 mars, les premiers procès ont eu lieu à travers tout le pays. Malgré l'environnement social défavorable aux rescapés du génocide, qui demeurent très minoritaires au sein de la population, les gacaca sont craints par les anciens Interahamwe. Environ 6 000 personnes ont tenté d'échapper à la justice en fuyant vers le Burundi et ont été rapatriées de force en juin 2005 par les autorités rwandaises et burundaises[réf. nécessaire].

Les gacaca ont été critiquées par Amnesty International[52] et Reporters sans frontières[53]. AI et RSF accusent ces tribunaux de ne pas respecter « les critères internationaux définissant un procès équitable, ni les principes de la non-discrimination », de procéder à des arrestations arbitraires, et de condamner parmi les génocidaires des personnes coupables d'opposition au gouvernement FPR, plutôt que de génocide.

Les tribunaux nationaux

Les tribunaux nationaux, autres que ceux du Rwanda, interviennent dans deux types de situations :

  • Des plaintes contre des Rwandais dans d'autres pays que le Rwanda, accusés de crimes liés au génocide, au titre du principe de la compétence universelle.
  • Des plaintes contre des citoyens non-rwandais, dans leur propre pays, pour des actes liés au génocide au Rwanda.

Les procès de Rwandais dans d'autres pays au titre de la compétence universelle

Article détaillé : Compétence universelle.

La « compétence universelle » de certains tribunaux nationaux leur permet d'accepter les poursuites contre certains responsables du génocide.

Un jugement a eu lieu en Suisse, deux autres en Belgique, plusieurs jugements sont en cours en France contre un prêtre rwandais, un ancien préfet et un colonel des FAR selon les lois françaises qui adaptent l'application des prérogatives du TPIR dans ce pays. Plusieurs procès ont eu lieu aussi, ou sont en cours, au Canada.

La justice belge a prononcé quatre condamnations[54]. La France a été condamnée, à la demande des parties civiles, par la Cour européenne des droits de l'homme pour la lenteur de sa procédure concernant la plainte déposée contre le prêtre rwandais.

Les procès en France contre des militaires français

Des rwandais ont déposé plainte en France contre des militaires français de l'opération Turquoise.

Trois plaintes ont été déposées pour viol en juin 2004. Six autres plaintes ont été déposées en février 2005 pour « complicité de génocide ou crime contre l'humanité » devant le tribunal militaire français. Ces plaintes visent éventuellement les responsables militaires et civils des militaires directement impliqués.

Le procureur de la République a, tour à tour, refusé d'ouvrir une instruction, puis rejeté quatre plaintes, jugeant celles-ci infondées (décembre 2005). Le juge d'instruction aux armées, s'opposant à cette décision, a déclaré recevables ces 4 plaintes (ordonnance du 16 février 2006). Le parquet fît alors appel de cette décision. Le 29 mai 2006, la cours d'appel de Paris confirmait la recevabilité des 4 plaintes litigieuses et le 3 juillet rejetait un nouveau recours du parquet en nullité qui concernait les auditions menées par le juge d'instruction en novembre 2005 au Rwanda pour entendre les plaignants. [55]

Les arrestations de Rwandais en France

En 2007, plusieurs Rwandais recherchés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ont été arrêtés en France.

Le 18 octobre 2007, Dominique Ntawukuriryayo a été arrêté à Carcassonne, dans l'Aude.

La négation du génocide au Rwanda

Article détaillé : Négation du génocide au Rwanda.

Le négationnisme du génocide a trois expressions différentes : la négation pure et simple, la théorie du double du génocide et la négation de diverses complicités.

La négation pure et simple considère qu'il n'y a eu au Rwanda que de simples massacres de masse, dont la quantité aurait été délibérément grossie par la propagande pro-FPR. Dans les procès devant le TPIR plusieurs accusés ont tenté de contester l'existence d'un génocide au Rwanda dans leur procédure. Conscient du temps perdu dans chaque procédure, le TPIR a fini par décréter que le génocide n'a plus besoin d'être prouvé [56].

La « théorie du double génocide » affirme l'existence d'un contre-génocide des Hutu, qui n'a pas été constaté par les instances internationales. Elle permettrait de parler de « combats inter-ethniques » afin de renvoyer dos à dos les victimes et les bourreaux. Cette théorie a été soutenue par plusieurs responsables français en réponse aux accusations de complicité exprimées contre la France. Aucun des quatre grands rapports internationaux (ONU, OUA, Sénat Belge et députés français) n'a parlé de génocide des Hutu. Les ONG qui ont fait également de volumineuses enquêtes, telles que Human Right Watch, la FIDH, Amnesty International, African Right, Survie et la commission d'enquête citoyenne française, combattent l'idée révisionniste d'un double génocide. [57] Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, déclarait en mars 2008, dans la revue Défense nationale et sécurité collective, dont le comité d'études est présidé par le général Christian Quesnot, ancien chef d’État-major particulier de François Mitterrand : « Je ne peux pas cautionner cette vision simpliste et infamante qui fait des Tutsis les responsables de leur propre malheur, pas plus que je ne peux supporter d’entendre certains défendre la thèse d’un double génocide Tutsi et Hutu. »[44].

La négation des complicités concerne les facilités politiques, diplomatiques, médiatiques et militaires, internationales et intérieures, qui ont pu être octroyées au régime qui a conduit le génocide. La négation des complicités est l'objet de vives controverses en France[58].

Notes et références

  1. Première phrase du rapport de l'ONU sur le génocide au Rwanda
  2. Voir aussi les documents fondateurs du génocide et notamment les 10 commandements du Hutu de 1990
  3. Jacques Semelin - Politique internationale (revue), 2004
  4. Voir article détaillé Causes du génocide au Rwanda
  5. Directeur émérite du CNRS, co-auteur de Rwanda : Les médias du génocide, Paris, Karthala, 1995, et d'autres ouvrages et articles sur le génocide au Rwanda.
  6. Directeur de recherche au CNRS, auteur de Rwanda : le génocide, Paris, Dagorno, 1999
  7. Sociologue et directrice émérite au CNRS, auteurs de nombreux articles sur le Rwanda, première personne auditionnée par les députés français de la mission d'information parlementaire sur le Rwanda - Citée comme témoin de contexte dans le cadre du procès de quatre Rwandais en Belgique en 2001, elle a déclaré qu'« Il n’y a pas de massacres spontanés de cette envergure. Il faut des dirigeants, il faut une organisation. » [1]
  8. Colette Braeckman, Journaliste belge du journal Le Soir et auteur de Rwanda, histoire d'un génocide, Fayard, 1994
  9. Journaliste à France Culture et auteur de Rwanda, un génocide oublié ? Un procès pour mémoire, Complexe, 2004
  10. Livres de Linda Melvern
  11. « Selon M. REYNTJENS, le génocide n’a pas été planifié ni décidé de manière pragmatique cette nuit là. Depuis plus de quatre ans, une structure et une idéologie génocidaire se mettait progressivement en place. Des éléments sont là pour le prouver : existence de « petits » massacres de Tutsi téléguidés depuis le centre du pouvoir dans les années 90, existence des escadrons de la mort et du Réseau Zéro chargés d’assassiner quelques opposants, présence de caches d’armes dans les bâtiments loués par le MRND, etc. Ce génocide visait à éliminer tous les Tutsi en tant que tels et des Hutu en tant qu’opposants politiques. » (p. 2)
  12. Publication
  13. rapport : Mission d'information sur le Rwanda
  14. André GuichaouaLes Politiques du génocide à Butare, éd. de L'Harmattan, 2005
  15. L’attentat contre l’avion d’Habyarimana n’est pas la cause du génocide, 30 novembre 2006, Agence Hirondelle
  16. Assises rwanda 2001 Interrogatoire de Alphonse HIGANIRO
  17. Assises rwanda 2001 Temoin de contexte: François-Xavier NSANZUWERA
  18. Annexes du rapports parlementaires français page 134 - partie consacrée à l'Opération Noroît
  19. Cette volonté d'éradiquer les Tutsi imprègne tout particulièrement l'armée composée uniquement de Hutu. Le Général Jean Varret, ancien chef de la Mission militaire de coopération d’octobre 1990 à avril 1993 a indiqué devant la Mission comment, lors de son arrivée au Rwanda, le Colonel Rwagafilita, lui avait expliqué la question tutsi : « ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider » Des massacres constitutifs d'un génocide - sous-chapitre du rapport des députés français
    - Génocide rwandais Ce que savait l’Élysée, Le Monde, 3 juillet 2007, Extrait : Au cours des années de guerre qui ont précédé le génocide, qui a débuté le 6 avril 1994, l’Elysée a soutenu le régime de Kigali, malgré les signaux présageant des massacres à venir. C’est ce que révèlent plusieurs volumes d’archives officielles transmises au tribunal aux armées
  20. Génocide rwandais Ce que savait l’Élysée, Piotr Smolar, Le Monde, 3 juillet 2007, Extrait : Celui-ci a livré les détails « graves et plausibles » d’un plan de déstabilisation radicale du pays. Il commencerait par des provocations contre les troupes du FPR à Kigali, pour susciter une riposte. « Les victimes rwandaises que ne manqueraient pas de provoquer ces réactions seraient alors le prétexte à l’élimination physique des Tutsi de la capitale, explique le diplomate. Selon l’informateur de la Minuar, 1 700 Interhamwe -membres des milices populaire du parti du Président du Rwanda- auraient reçu une formation militaire et des armes pour cela, avec la complicité du chef d’état-major FAR. La localisation précise des éléments tutsi de la population de Kigali devrait en outre permettre d’éliminer 1 000 d’entre eux dans la première heure après le déclenchement des troubles.
  21. À notre connaissance, il n'existe aucun document, aucun procès-verbal de réunion et aucune autre preuve qui mette le doigt sur le moment précis où certains individus, dans le cadre d'un plan directeur, auraient décidé d'éliminer les Tutsi […]. Il est frappant de constater qu'à peu près tous les experts internationaux deviennent vagues ou imprécis lorsqu'il s'agit de déterminer à quel moment l'organisation et la planification systématiques sont censées avoir été amorcées. […] Mais en regardant en arrière et en analysant le déroulement des évènements de 1991 jusqu’en 1992, il devient difficile de ne pas voir émerger une tendance dans ces massacres successifs. Il apparaît que les radicaux et l’armée ont travaillé ensemble pour essayer diverses techniques d’exécution. De ces expériences, leurs chefs ont tiré deux leçons : qu’ils pouvaient massacrer en grand nombre, rapidement et efficacement […] et, compte tenu des réactions qu’ils avaient suscitées jusqu’alors, qu’ils pouvaient le faire impunément. Extraits du chapitre 7 du rapport de l'OUA
  22. Voir article détaillé négationnisme du génocide au Rwanda. Ainsi Serge Desouter, prêtre catholique cité comme témoin-expert par la défense auprès du TPIR, considère quant à lui que la question de la planification n'est pas tranchée et affirme que tous les arguments fournis jusqu'ici pour démontrer la planification sont mensongers ou erronés ([2]). - Bernard Lugan, lui aussi cité par la défense de plusieurs présumés génocidaires devant le TPIR comme témoin-expert,a tenu des propos contradictoires au fil du temps. Dans son ouvrage Histoire du Rwanda paru en 1997, il souligne que « des listes avaient été constituées de personnalités à abattre, Hutu et Tutsi. Il s'agissait pour le courant extrémiste hutu d'éliminer dans le temps le plus court un maximum de politiciens appartenant à l'opposition. […] Cette opération avait préparée, planifiée et organisée de longue date. La mort du président fut le prétexte de son déclenchement. […] Certains massacres de Tutsis débutèrent dans les heures ou les jours qui suivirent l'annonce de la mort du président Habyarimina mais la phase la plus importante du génocide se déroula une fois la classe politique hutu physiquement éliminée. Comme si pour ceux qui avaient planifié les meurtres, l'élimination de toute la population tutsi du Rwanda - action de combat « ethnico-racial » - était moins « urgente » et prioritaire que celle des cadres hutu de l'opposition » (pages 516 et 517). Plus tard il a affirmé que « le génocide des Tutsis est vraisemblablement le fruit d'une « psychose collective », préparée par les haines mutuelles, mais non planifiée » Le Génocide, l'Église et la démocratie, éd. du Rocher, 2004. Dans son dernier ouvrage, M. Lugan indique que dans un premier temps, au nord du Rwanda, certains Hutu, notamment parmi les ethno-nationalistes, ont cherché à « se faire justice eux-mêmes », suite à l'attentat du 6 avril, en exterminant les Tutsi, dans une totale anarchie ; puis, au sud, l'extermination s'est répandue, mais, cette fois, elle a été encadrée par une partie de l'administration locale (Rwanda : contre-enquête sur le génocide, éd. Privat, 2007).
  23. Les responsabilités sont étudiées dans le chapitre Attentat du 6 avril 1994 (Rwanda))
  24. L'envoyé spécial de la commission des droits de l'homme de l'ONU au Rwanda a affirmé devant les sénateurs belges que, chargé de cet enquête en mai 1994, il avait été empêché d'enquêter par l'attitude des militaires rwandais et français et par l'absence de financement spécifique de la part du Conseil de sécurité. Le juge anti-terroriste français Jean-Louis Bruguière a mené une enquête dirigée contre le FPR, mais n'a fait examiner aucun élément matériel de l'épave, qui seule permettrait de savoir par quel moyen cet avion a été abattu
  25. Cette épisode est évoqué dans le film Hotel Rwanda. Il repose sur des témoignages. L'équipe de Jean-Pierre Chrétien ne dispose pas des enregistrements des émissions du 1er au 6 avril 1994 dans les sources du livre les Médias du génocide
  26. Butare était la seule préfecture dont le préfet était Tutsi.
  27. Voir rapport de l'ONU sur le génocide au Rwanda
  28. Des Forges - Aucun témoin ne doit survivre - Karthala - page 238
  29. Des Forges - Aucun témoin ne doit survivre - Karthala - page 273 - 500 et suivantes
  30. Voir article Bisesero (1994)
  31. Léonard Nduwayo, Giti et le génocide rwandais, éd. de L'Harmattan, 2002
  32. Claudine Vidal, préface à Abdul Joshua Ruzibiza, Rwanda, l'histoire secrète, éd. du Panama, 2005, p. 35
  33. Document déclassifié du Département d'État américain
  34. Témoignage de Wolfgang Blam publié dans le livre de Jean-Pierre Chrétien, Le défi de l'ethnisme : Rwanda et Burundi, 1990-1996, Paris, Karthala, 1997 page 101 et suivantes
  35. Wolfgang Blam, Ibid, paragraphe intitulé Normalité ordonnée p. 118-120 : « D'abord le Premier ministre et, une semaine plus tard, le lundi 16 mai, aussi le Président du gouvernement de transition, sont venus à Kibuye [...]Le marché et les magasins "hutu" non pillés furent rouverts. Une activité modérée de transport [...] reprit son cours. »
  36. Alison Des Forges - Aucun témoin ne doit survivre, Karthala - page 344 et suivantes
  37. Le 15 mai 1994 Alain Juppé prononce le mot Rapport des députés français, A. DES MASSACRES AU GÉNOCIDE
    le lendemain, lors d'une intervention musclée contre la politique française sur TF1 du Dr Bradol de Médecins sans frontières, Patrick Poivre d'Arvor prononce le mot de génocide, confirmé par Bradol.
  38. Amnesty International, L'Armée Patriotique Rwandaise responsable d'homicides et d'enlèvements, avril-août 1994, octobre 1994, Index AFR 47/16/94 ;
    Serge Desouter et Filip Reyntjens, Les Violations des droits de l'homme par le FPR/APR. Plaidoyer pour une enquête approfondie, Université d'Anvers, Working Paper, 1995 ; Abdul Joshua Ruzibiza, op. cit., pp. 259 à 346 ; et Laurent Nduwayo, op. cit.
  39. Alison Des Forges parle de 30 000 victimes du FPR entre avril et août 1994 - Alison Des Forges Aucun témoin ne doit survivre Karthala page 845.
    Les chiffres les plus élevés ont été avancés par Pierre Péan, mais ils sont noyés dans l'ensemble des années 1990 - 1998 et concernent plusieurs conflits où le FPR n'était pas seul en cause - Pierre Péan Noires fureurs, blancs menteurs - Mille et une Nuits
  40. Rapport de la commission internationale d'enquête (avant 1994) page 65 et suivantes
    PRUNIER Gérard, Rwanda : le génocide, Paris, Dagorno, 1997
    Des Forges, Aucun témoin ne doit survivre, Karthala page 817 et suivantes
    Les crimes du FPR
  41. Il court la rumeur que des militaires de l'APR auraient été jugés par le FPR et sanctionnés pour limiter les débordements de vengeance, mais cette information est difficile à vérifier
  42. DALLAIRE Roméo (Lieutenant-général), J’ai serré la main du diable. La faillite de l’humanité au Rwanda, Libre expression, 2003.
  43. résolution 912 du 21 avril 1994 - Voir Rôle de la communauté internationale dans le génocide au Rwanda
  44. a , b  et c David Servenay, Quand la « France officielle » parle du génocide rwandais, Rue 89, 7 avril 2008
  45. a  et b Voir Bibliographie sur le génocide au Rwanda
  46. Voir le Film d'Anne Lainé Rwanda, un cri d'un silence inouï et Homeland de Jacqueline Kalimunda Filmographie de la CEC
  47. Les chiffres réels ne sont pas connus avec exactitude - de 50 000 à 200 000 morts, ce dernier chiffre est avancé selon les auteurs français Rony Brauman, Stephen Smith et Claudine Vidal - « Politique de terreur et privilège d'impunité au Rwanda », Esprit, août 2000, p. 148
  48. Rapport final du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesses de la République démocratique du Congo, document S/2002/1146, New York, 16 octobre 2002, p. 15
  49. Crimes organisés en Afrique centrale. Révélations sur les réseaux rwandais et occidentaux, éd. Duboiris, 2005
  50. Le Rwanda enquête sur l'attentat contre l'avion d'Habyarimana REUTERS | 11.10.2007
  51. « Un second ministre acquitté, un nouveau procès ouvert », Agence Hirdondelle, 22 septembre 2006
  52. Les juridictions gacaca : une justice à haut risque, Index AI : AFR 47/003/02, 19 juin 2002 ; Gacaca : une question de justice, Index AI : AFR 47/007/02, 17 décembre 2002
  53. Enquête sur l'arrestation de Guy Theunis, rapport du 4 novembre 2005
  54. 5036 personnes ont été jugées au Rwanda de 1996 à fin 2000 au Rwanda où sont détenus 117
  55. Voir sur le site de la Commission d'enquête citoyenne française le suivi détaillé de ces plaintes
  56. Voir dépêche du 21 juin 2006 de la Fondation Hirondelle
  57. Écouter sur Dailymotion Bernard Kouchner première personnalité gouvernementale française à contester ouvertement la théorie du double génocide le 2 octobre 2007
    Page d'accès aux principaux rapports sur le Rwanda
  58. communiqué de la CEC du 19 décembre 2005 rappelant la définition juridique de cette complicité

Annexes

Bibliographie

Filmographie

Film documentaire

  • Tuez-les tous ! Rwanda : histoire d’un génocide « sans importance » (2004), réalisé par Raphaël Glucksmann, David Hazan et Pierre Mezerette

Articles connexes

Liens externes

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