Esclavage En Grèce Antique

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Esclavage en Grèce antique

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Jeune esclave présentant une boîte à bioux à sa maîtresse assise, stèle funéraire, vers 430-410 av. J.-C., British Museum

L’esclavage a été une composante essentielle du développement du monde grec antique pendant toute son histoire. Il est considéré par les Anciens non seulement comme indispensable, mais encore comme naturel : même les stoïciens ou les premiers chrétiens ne le remettront pas en cause.

Conformément à la tradition historiographique moderne, cet article ne traite que des esclaves-marchandises (forme qualifiée de chattel-slavery par les auteurs anglo-saxons) — non des groupes dépendants comme les Pénestes thessaliens, les Hilotes spartiates ou encore les Clarotes crétois aux statuts complexes, plus proches du servage médiéval. L’esclave-marchandise, lui, est un individu privé de liberté et soumis à un propriétaire qui peut l’acheter, le vendre ou le louer, comme un bien.

L'étude de l'esclavage en Grèce antique pose des problèmes méthodologiques non négligeables. La documentation est disparate et très fragmentaire, concentrée sur la cité d'Athènes. Aucun traité ne porte spécifiquement sur le sujet. Les plaidoyers judiciaires du IVe siècle av. J.-C. ne s'intéressent à l'esclave qu'en tant que source de revenus. La comédie et la tragédie mettent en scène des stéréotypes. Il est difficile de distinguer avec certitude un esclave d'un artisan dans la production iconographique ou parmi des stèles. Même la terminologie est souvent vague.

Sommaire

Terminologie

Le grec ancien possède un grand nombre de mots pour désigner l'esclave, dont beaucoup demandent un contexte pour éviter toute ambiguïté. Chez Homère, Hésiode ou Théognis de Mégare, l'esclave est appelé δμώς / dmốs[1]. Le sens du mot est général, mais il désigne plus particulièrement des prisonniers de guerre pris comme butin[2]. À l'âge classique, on le nomme ἀνδράποδον / andrápodon[3](littéralement « qui a des pieds d’homme », par opposition à τετράποδον / tetrapodon, le quadrupède, c'est-à-dire le bétail). Dans un contexte militaire, le terme désigne le prisonnier en tant que part du butin, c'est-à-dire en tant que bien. Le mot le plus courant est sans doute δοῦλος / doûlos (dérivé du doero mycénien), employé par opposition à l'homme libre (ἐλεύθερος / eleútheros) et plus particulièrement au citoyen (πολίτης / polítês). La δουλεῖα / douleia désigne le rapport de soumission de l'esclave à son maître, mais aussi celle des enfants par rapport à leur père ou celle des citoyens aux magistrats. Enfin, on emploie aussi le terme οἰκέτης / oikétês : littéralement, « celui qui habite la maison », par extension, le « domestique ».

Les autres termes utilisés sont beaucoup moins précis et nécessitent un contexte :

  • θεράπων / therápôn : chez Homère, le mot désigne l'écuyer (Patrocle est ainsi le therapôn d'Achille et Mérion celui d'Idoménée) ; à l'âge classique, il désigne le serviteur ;
  • ἀκόλουθος / akólouthos, littéralement, le « suivant », « celui qui escorte » ;
  • παῖς / pais, littéralement « enfant », emploi que l'on peut rapprocher de celui de « boy » ;
  • σῶμα / sôma, littéralement « corps », employé dans le contexte de l'affranchissement.

Origines de l'esclavage

Les femmes, butin de guerre : Ajax fils d'Oïlée enlevant Cassandre pendant la prise de Troie, intérieur d'une coupe à figures rouges du Peintre de Codros, v. 440-430 av. J.-C., musée du Louvre

La présence d'esclaves (do-e-ro) est attestée dans la civilisation mycénienne. D'après les tablettes de Pylos, on peut identifier avec certitude 140 do-e-ro. On peut distinguer deux catégories juridiques : les « simples » esclaves et les « esclaves du dieu » (te-o-jo do-e-ro), le dieu étant probablement Poséidon. Ces derniers sont toujours mentionnés par leur nom et possèdent de la terre ; la loi les traite plutôt comme des affranchis. La nature de leur sujétion au dieu et son origine (consécration personnelle ? affranchissement sacré ?) sont mal connues[4]. Pour ce qui est des autres, certains d'entre eux, comme le prouve leur nom (un ethnique de Cythère, Chios, Lemnos ou encore Halicarnasse), ont probablement été réduits en esclavage par des pirates. Les tablettes montrent que les unions entre esclaves et non-esclaves ne sont pas rares ; que les esclaves peuvent être artisans indépendants ; qu'ils peuvent détenir un lot de terre. De fait, il semble que la division majeure dans la civilisation mycénienne ne passe pas entre libres et non-libres mais entre dépendants du palais et non-dépendants[5].

Chez Homère, où les structures sociales reflètent celles des siècles dits « obscurs », on n’observe aucune continuité avec l’époque mycénienne. Même la terminologie change : l’esclave est dmôs et non plus do-e-ro. Dans l'Iliade comme dans l'Odyssée, les esclaves sont avant tout des femmes, prises comme butin de guerre alors que les hommes sont rançonnés ou tués sur le champ de bataille. Elles sont servantes et parfois concubines. Il existe quelques esclaves masculins, surtout dans l'Odyssée : ainsi du porcher Eumée. L’esclave a la particularité d'être membre à la part entière de l’oikos (cellule familiale, maisonnée). Le terme dmôs n’est pas péjoratif et Eumée, le « divin » porcher, bénéficie des mêmes épithètes homériques que les héros grecs. Malgré tout, l’esclavage reste une déchéance. Eumée lui-même déclare que « Zeus l'Assourdissant prend la moitié de sa valeur / à l'homme, dès le jour où on le livre à l'esclavage[6]. »

À l'âge archaïque, il est difficile de déterminer quand naît l’esclavage-marchandise. Dans les Travaux et les Jours (VIIIe siècle av. J.-C.), il apparaît qu’Hésiode possède plusieurs dmôes dont le statut n'est pas clair[7]. La présence de douloi est attestée chez des poètes lyriques comme Archiloque ou Théognis de Mégare[7]. Selon la tradition, la loi de Dracon (v. 620 av. J.-C.) sur l'homicide aurait mentionné des esclaves. Selon Plutarque[8], Solon (v. 594-593 av. J.-C.) aurait interdit aux esclaves de pratiquer la gymnastique et la pédérastie. À partir de cette époque, les mentions se multiplient. C’est au moment où Solon établit les bases de la démocratie athénienne que s'impose donc l'esclavage. Moses Finley remarque également qu'à Chios, qui selon Théopompe a été la première cité à pratiquer le commerce des esclaves[9], le VIe siècle av. J.-C. voit aussi une démocratisation précoce. Ainsi, conclut-il, « un des aspects de l’histoire grecque, c'est en bref l’avance, main dans la main, de la liberté et de l'esclavage[10]. »

Rôle économique

Article détaillé : Économie de la Grèce antique.
L'agriculture, principale activité utilisant des esclaves, British Museum

Il n’existe pas d’activité servile à proprement parler : toute tâche est susceptible d’être effectuée par un esclave, à l'exception de la politique, seule activité dont le citoyen ait le monopole — ou plutôt, pour les Grecs, seule activité qui soit digne d’un citoyen, le reste devant être abandonné le plus possible aux non-citoyens[11]. C’est le statut qui importe, et non le type d’activité.

La principale activité utilisant des esclaves est probablement l’agriculture, base de l'économie grecque. Certains petits propriétaires terriens possédaient un esclave, voire deux[12]. Une abondante littérature de manuels pour propriétaires terriens (comme l’Économique de Xénophon ou celui du pseudo-Aristote) atteste de la présence de plusieurs dizaines d'esclaves dans les grands domaines, à la fois en tant que travailleurs de base et en tant qu'intendants. Si la proportion du recours à l'esclavage dans le travail agricole est encore disputée[13], il est certain d'une part que l'esclavage rural est très courant à Athènes, et d'autre part qu'on ne trouve pas en Grèce les immenses populations d'esclaves des latifundia romaines[14].

Dans les mines et les carrières, le travail servile est de loin le plus important. On y trouve d’importantes populations d’esclaves, souvent loués par de riches particuliers. Ainsi, le stratège Nicias loue un millier d’esclaves aux mines d’argent du Laurion, en Attique, Hipponicos 600 et Philomidès, 300. Xénophon (Des revenus) indique qu’ils rapportent une obole par esclave et par jour, soit 60 drachmes par an. C’est l’un des placements les plus prisés des Athéniens. On a pu estimer au total à 30 000 le nombre d’esclaves travaillant au Laurion ou aux moulins de traitement du minerai attenants[15]. Xénophon propose même que la cité se dote d’une importante population d’esclaves d'État, à hauteur de trois par citoyen, dont la location permettrait d’assurer l’entretien de tous les citoyens.

Les esclaves sont également utilisés dans l’artisanat. À l'instar de l’agriculture, on y recourt dès que l’activité dépasse la famille. Cependant, la proportion de main d’œuvre servile est beaucoup plus importante dans les ateliers. La fabrique de boucliers de Lysias emploie ainsi 120 esclaves[16] et le père de Démosthène, 32 couteliers et 20 fabricants de lits[17].

Enfin, les esclaves sont également employés à la maison. Le domestique a pour rôle de remplacer le maître de maison dans son métier et de l’accompagner dans ses trajets et voyages. En temps de guerre, il sert de valet d'armes à l’hoplite. La femme esclave s’occupe quant à elle des tâches domestiques, en particulier de la cuisson du pain et de la fabrication des tissus. Seuls les plus pauvres n'ont pas d'esclave domestique[18].

Démographie

Population

Esclave « éthiopien » tentant de maîtriser un cheval, date inconnue, Musée national archéologique d'Athènes

Il est difficile d’estimer le nombre d’esclaves en Grèce antique, faute de recensements précis et en raison d’importantes variations en fonction de l’époque.

Il est certain qu’Athènes possède la population globale la plus importante, jusqu’à peut-être 80 000 esclaves aux Ve et VIe siècle av. J.-C.[19], soit en moyenne trois ou quatre esclaves par ménage. Au Ve siècle av. J.-C., Thucydide évoque sans s'y appesantir la désertion de 20 000 esclaves au cours de la guerre de Décélie, en majorité des artisans. L’estimation la plus basse de 20 000 esclaves au temps de Démosthène[20] correspond à un esclave par ménage. Enfin, entre 317 et 307, le tyran Démétrios de Phalère ordonne[21], un recensement général de l’Attique qui aboutit aux chiffres suivants : 21 000 citoyens, 10 000 métèques et 400 000 esclaves. L’orateur Hypéride, dans son Contre Aristogiton, évoque le projet d’enrôler 150 000 esclaves (donc mâles et en âge de porter les armes) suite à la défaite grecque de Chéronée (338), ce qui concorde avec le chiffre de Ctésilès.

D’après la littérature, il semble que la grande majorité des Athéniens possèdent au moins un esclave : Aristophane, dans Plutus, dépeint des paysans pauvres propriétaires de plusieurs esclaves ; Aristote (Politique, 252a26-b15) définit une maison comme contenant des hommes libres et des esclaves. Inversement, ne pas en posséder du tout est un signe clair de pauvreté. Ainsi, dans le célèbre discours de Lysias Sur l’invalide, un infirme, faisant appel du retrait de sa pension, explique : « ce que je tire de mon métier est peu de chose ; déjà j’ai de la peine à l’exercer moi-même, et je n’ai pas encore le moyen d’acheter un esclave qui me remplace. » Cependant, les immenses populations d’esclaves des Romains sont inconnues chez les Grecs. Quand Athénée (VI, 264d) cite le cas de Mnason, ami d’Aristote et propriétaire de mille esclaves, cela reste exceptionnel. Platon (lui-même propriétaire de 5 esclaves au moment de sa mort), quand il évoque des gens très riches (République, IX, 578d-e), se contente de leur attribuer 50 esclaves.

En termes de densité, Thucydide (VIII, 40, 2) estime que l’île de Chios est le territoire grec qui possède proportionnellement le plus d'esclaves.

Filières d’approvisionnement

Il existe trois filières d’approvisionnement principales en esclaves : la guerre, la piraterie (maritime) ou brigandage (terrestre), et le commerce international.

La guerre

Dans le droit de la guerre antique, le vainqueur possède tous les droits sur le vaincu, que celui-ci ait combattu ou non[22]. L’asservissement, sans être systématique, est pratique courante. Ainsi, Thucydide (VI, 62 et VII, 13) évoque les 7 000 habitants d’Hyccara, en Sicile, faits prisonniers par Nicias et vendus ensuite (pour 120 talents) dans la ville voisine de Catane. De même, en 348, la population d’Olynthe est réduite en esclavage ; celle de Thèbes le sera en 335 par Alexandre le Grand et celle de Mantinée en 223 par la Ligue achéenne[23] .

L’existence d’esclaves grecs est une source de gêne constante pour les Grecs libres. Aussi l’asservissement des cités est une pratique très contestée. Certains généraux s’y refusent, ainsi des spartiates Agésilas II[24] ou encore Callicratidas[25]. Certaines cités passent des accords interdisant la pratique : ainsi, au milieu du IIIe siècle , Milet convient de ne réduire aucun Cnossien libre en esclavage, et réciproquement[26]. L’affranchissement d’une cité entière réduite en esclavage (moyennant rançon) apporte inversement un très grand prestige : ainsi Cassandre de Macédoine, en 316, restaure la cité de Thèbes[27]. Avant lui, Philippe II de Macédoine avait successivement réduit en esclavage puis relevé la cité de Stagire[28].

La piraterie

La guerre fournit donc des contingents importants et réguliers d’esclaves grecs. Il en va de même de la piraterie (maritime) et du brigandage (terrestre), dont l’importance varie selon les époques et les régions[29]. Pirates et brigands demandent une rançon lorsque leur proie est de qualité. Lorsque celle-ci n’est pas payée, ou si le prisonnier n’est pas rançonnable, il est vendu à un trafiquant. Ainsi, nul homme libre n’est à l’abri de tomber en servitude. Dans certaines régions, piraterie ou brigandage sont de véritables spécialités nationales, que Thucydide qualifie de vie « à la manière ancienne » (I, 5, 3) : c’est le cas de l’Acarnanie, de la Crète ou encore de l’Étolie. Hors de Grèce, c'est également le cas des Illyriens, des Phéniciens et des Tyrrhéniens. À l’époque hellénistique s’y ajoutent les Ciliciens et les peuples montagnards de la côte d’Asie mineure. Strabon explique la vogue de l’activité chez les Ciliciens par sa rentabilité : Délos, située non loin, permet « d’écouler quotidiennement des myriades d’esclaves » (XIV, 5, 2). L’influence croissante de l’Empire romain, grand demandeur en esclaves, développe le marché et aggrave la piraterie. Au Ier siècle , les Romains tenteront au contraire d’écraser la piraterie, souhaitant exploiter de manière différente les nouvelles provinces de l’Empire.

Le commerce

Il existe par ailleurs un commerce d’esclaves avec les peuples barbares voisins : Thraces, Scythes, Cappadociens, Paphlagoniens, etc. Les mécanismes sont relativement identiques à ceux de la traite des Noirs : des professionnels locaux vendent leurs congénères aux marchands d’esclaves grecs. Les principaux centres de commerce d’esclave semblent avoir été Éphèse, Byzance ou encore Tanaïs, sur l’embouchure du Don. Si certains esclaves barbares sont eux-mêmes victimes de guerre ou de piraterie locale, d'autres sont vendus par leurs parents[30].

Il existe peu de témoignages sur le trafic d’esclaves, mais plusieurs éléments en attestent. D’abord, certaines nationalités sont représentées de manière importante et constante parmi la population servile, ainsi du corps d’archers scythes utilisé par Athènes comme force de police (300 individus à l’origine, près d’un millier ensuite). Ensuite, les prénoms attribués aux esclaves dans les comédies ont souvent une connotation de lieu : ainsi, « Thratta », utilisé par Aristophane dans les Guêpes, les Acharniens ou encore la Paix signifie simplement « femme thrace »[31].

Au reste, la nationalité de l’esclave est un critère essentiel pour les acheteurs importants : les Anciens conseillent de ne pas concentrer en un même lieu trop d’esclaves de la même origine, afin de limiter les risques de révolte. Il est probable également que, comme chez les Romains, certaines nationalités soient considérées comme produisant de meilleurs esclaves que d’autres.

Le prix des esclaves varie en fonction de leur compétence. Ainsi, Xénophon évalue à 180 drachmes le prix d'un mineur du Laurion — en comparaison, un ouvrier de grands travaux est payé une drachme par jour — mais les couteliers du père de Démosthène valent bien 500 ou 600 drachmes chacun. Le prix est également fonction de la quantité d'esclaves disponibles à la vente : au IVe siècle , ceux-ci sont abondants et donc bon marché. Sur les marchés d'esclaves, une taxe est prélevée par la cité sur le produit de la vente : au sanctuaire d'Apollon à Actiôn, par exemple, la confédération des Acarnaniens, qui prend en charge la logistique des festivités, perçoit la moitié de la taxe, tandis que la cité d'Anactorion, sur le territoire duquel se trouve le sanctuaire, perçoit l'autre moitié[32]. On sait par ailleurs que l'acheteur bénéficie d'une garantie contre les « vices cachés » de l'esclave : si celui-ci s'avère malade et si l'acheteur n'en a pas été prévenu, il peut faire annuler la vente[33].

L’accroissement naturel

Stèle funéraire élevée pour deux jeunes enfants et leur pédagogue, morts dans un tremblement de terre, Nicomédie, Ier siècle av. J.-C., musée du Louvre

Curieusement, il semble que les Grecs ne pratiquaient pas l’« élevage » des esclaves — du moins à l'époque classique : la proportion des esclaves nés à la maison paraît assez importante dans l'Égypte ptolémaïque ou dans les actes d'affranchissement hellénistiques de Delphes[34]. Parfois, la cause en est naturelle : les mines ne font travailler que du personnel masculin. Cependant, les femmes esclaves sont nombreuses dans la domesticité. L’exemple des Noirs dans les États sudistes montre par ailleurs qu’une population servile peut tout à fait se reproduire[35]. Ce point reste donc relativement inexpliqué.

Xénophon conseille de loger esclaves hommes et femmes séparément, de peur qu’ils « ne f[a]ssent des enfants contre [le] vœu [des propriétaires] car, si les bons domestiques redoublent d’attachement pour nous quand ils sont de la famille, les mauvais acquièrent en famille de grands moyens pour nuire à leurs maîtres[36]. Le pseudo-Platon, dans l'Économique[37], envisage également la reproduction des esclaves comme un moyen de pression disciplinaire. Plus simplement, l'explication est sans doute économique : il revient moins cher d’acheter un esclave que de l’élever. En outre, l’accouchement met en danger la vie de la mère esclave, et le bébé n’est pas assuré de survivre jusqu’à l’âge adulte.

Par ailleurs, les esclaves nés à la maison, minoritaires, constituent souvent une classe privilégiée. On leur confie par exemple le soin d'emmener les enfants à l'école : ce sont les « pédagogues », au sens premier du terme (cf. éducation en Grèce antique). Il arrive également que ces esclaves soient les enfants du maître : dans la plupart des cités, notamment Athènes, l'enfant hérite le statut de la mère[38].

Statuts serviles

La Grèce ancienne ne possède pas un mais plusieurs statuts serviles. Plus précisément, il existe une multitude de statuts allant du citoyen libre à l’esclave-marchandise, en passant par les esclaves-serfs (Pénestes ou Hilotes), les citoyens déclassés, les affranchis, les bâtards ou les métèques.

Moses Finley (1997) propose une grille de lecture des différents statuts :

  • droit à une forme de propriété ;
  • pouvoir sur le travail d’un autre homme ;
  • pouvoir de punir un autre homme ;
  • droits et devoirs judiciaires (possibilité d'être arrêté et/ou puni arbitrairement, capacité à ester en justice) ;
  • droits et privilèges familiaux (mariage, héritage, etc.) ;
  • possibilité de mobilité sociale (affranchissement) ;
  • droits et devoirs religieux ;
  • droits et devoirs militaires (servir à l’armée comme simple servant, soldat lourd ou léger ou comme marin).

Esclaves athéniens

Loutrophore funéraire, à droite un jeune esclave porte le bouclier et le casque de son maître, v. 380-370 av. J.-C., Musée national archéologique d'Athènes

À Athènes, les esclaves n’ont juridiquement aucun droit. Un délit passible d’amende pour l’homme libre donne lieu à des coups de fouet pour l’esclave, à hauteur, semble-t-il, d’un coup par drachme. À quelques exceptions près, le témoignage de l’esclave n’est pas recevable, sauf sous la torture. L’esclave n’est protégé qu’en tant que bien : si quelqu’un le maltraite, son maître peut intenter une action en dommages et intérêts (δίκη βλάϐης / dikê blabês). Inversement, si son maître le maltraite avec excès, tout citoyen peut poursuivre ce dernier (γραφὴ ὕϐρεως / graphê hybreôs) : il ne s’agit pas là d’humanité envers l’esclave, mais de la réprobation de toute forme d'excès (ὕϐρις / hybris). Il en va de même pour le meurtre d’un esclave : c’est la souillure du meurtrier qui est en cause. Ainsi, le suspect est jugé par le tribunal du Palladion, et non par l’Aréopage, et la peine prévue est l’exil, comme pour l’homicide involontaire.

Esclaves de Gortyne

À Gortyne, dont le code gravé sur la pierre date du VIe siècle, l'esclave (doulos ou oikeus) se trouve dans un état de dépendance très large. Ainsi, ses enfants appartiennent à son maître ; celui-ci est responsable de tous les délits de son esclave et inversement, il perçoit les amendes versées par d’autres pour des délits commis contre ses esclaves. Dans le code de Gortyne, où toutes les peines sont monnayées, un esclave voit tous les montants doublés lorsqu’il commet un crime ou un délit. Inversement, un délit commis à l’encontre d’un esclave coûte beaucoup moins cher qu’un délit commis contre un homme libre. Ainsi, le viol d'une femme libre par un non-libre est frappé d’une amende de 200 statères, alors que le viol d’une esclave non-vierge par un non-libre n’aboutit qu’à une amende d’une obole.

L’esclave a cependant le droit de posséder un domicile et du bétail, qui peuvent être transmis à ses descendants, de même que ses vêtements et les objets nécessaires à son ménage.

Un cas particulier : la servitude pour dettes

Avant l’interdiction de Solon, Athènes pratique l’asservissement pour dettes : un citoyen incapable de payer sa dette à son débiteur lui est asservi. Il s’agit principalement de paysans dits « hectémores », louant des terres affermées à de grands propriétaires terriens, et incapables de verser leurs fermages. En théorie, l’asservi pour dettes est libéré quand il peut rembourser sa dette initiale. Le système, développé avec des variantes dans tout le Proche-Orient et cité par la Bible (Deutéronome, 15, 12-17), semble avoir été formalisé à Athènes par le législateur Dracon.

Solon y met fin par la σεισάχθεια / seisakhtheia, la libération des dettes, l’interdiction de toute créance garantie sur la personne du débiteur et l'interdiction de vendre un Athénien libre, y compris soi-même. Aristote fait ainsi parler Solon dans sa Constitution d'Athènes (XI, 4) :

« J’ai ramené à Athènes, dans leur patrie fondée par les dieux, bien des gens vendus plus ou moins justement (…), subissant une servitude (douleia) indigne et tremblant devant l’humeur de leurs maîtres (despôtes), je les ai rendus libres[39]. »

Bien que le vocabulaire employé soit celui de l’esclavage « classique », la servitude pour dettes en diffère parce que l’Athénien asservi reste Athénien, et dépendant d’un autre Athénien, dans sa cité natale. C’est cet aspect qui explique la grande vague de mécontentement populaire du VIe siècle av. J.-C., qui n’entend pas libérer tous les esclaves mais seulement les asservis pour dettes. Enfin, la réforme de Solon laisse subsister une exception à l'interdiction de vendre un Athénien : le tuteur d'une femme non mariée ayant perdu sa virginité a le droit de la vendre comme esclave[40].

L’affranchissement

La pratique de l’affranchissement est attestée à Chios dès le VIe siècle[41]. Il est probable qu’elle remonte à l’époque archaïque, la procédure se faisant alors par oral. Des affranchissements informels sont également attestés à la période classique : il suffit de s’assurer des témoins, ce qui conduit des citoyens à affranchir leur esclave en pleine représentation théâtrale ou en pleine délibération du tribunal[42]. La chose sera au reste interdite à Athènes au milieu du VIe siècle, pour éviter des troubles à l’ordre public.

La pratique devient plus courante à partir du IVe siècle et donne lieu à des actes gravés sur pierre, qui ont été retrouvés dans des sanctuaires comme ceux de Delphes ou Dodone. Ils datent principalement du IIe et du Ier siècle, ainsi que du Ier siècle ap. J.-C. S'il existe des cas d'affranchissement collectif[43], il s'agit dans la grande majorité des cas d'un acte volontaire de la part du maître — un homme mais aussi, surtout à partir de l'époque hellénistique, une femme. L’esclave ne paraît guère avoir son mot à dire et les femmes ne semblent guère en bénéficier plus que les hommes. L’esclave est souvent tenu de se racheter, pour un montant au moins équivalent à sa valeur marchande. Pour se faire, il peut prélever sur son éventuel pécule, contracter un prêt amical (ἔρανος / eranos)[44] ou emprunter à son maître. L’affranchissement a souvent une nature religieuse : soit l’esclave est réputé vendu à la divinité (bien souvent Apollon delphien)[45], soit il est consacré après son affranchissement. Le temple perçoit alors une partie de la somme versée en rachat, et garantit la validité du contrat. L’affranchissement peut aussi être entièrement civil, des magistrats jouant alors le rôle de la divinité et percevant également une taxe.

La liberté gagnée par l’esclave peut être totale ou partielle, au choix du maître. Dans le premier cas, l’affranchi est protégé juridiquement contre toute tentative de le réduire de nouveau en esclavage, par exemple de la part des héritiers de son ancien maître[46]. Dans le second, l’affranchi peut être soumis à un certain nombre d’obligations vis-à-vis de son ancien maître. Le contrat le plus contraignant est la paramonê, sorte de servitude à durée limitée (souvent jusqu'à la mort de l'ancien maître) durant laquelle le maître garde presque tous ses droits sur l’affranchi[47].

Au regard de la cité, l’affranchi est loin d’être l’égal d’un citoyen de naissance. Il est soumis à toutes sortes d’obligations dont on peut se faire une idée au vu de celles que propose Platon dans les Lois (XI, 915 a-c) : présentation trois fois par mois au domicile de l’ancien maître, interdiction de devenir plus riche que ce dernier, etc. En fait, le statut de l’affranchi se rapproche de celui du métèque.

Des esclaves à Sparte ?

Les citoyens de Sparte disposent d'Hilotes, dépendants possédés collectivement par l'État. On ne sait pas avec certitude s'ils ont également des esclaves-marchandise. Les textes font mention de personnages affranchis par des Spartiates (l'affranchissement étant théoriquement interdit pour les Hilotes) ou vendus à l'étranger : c'est le cas du poète Alcman[48], d'un dénommé Philoxénos, citoyen de Cythère, qui aurait été réduit en esclavage lors de la conquête de sa cité, puis revendu à un Athénien[49], d'un cuisinier spartiate qui aurait été vendu à Denys l'Ancien ou à un roi du Pont[50] ou encore des fameuses nourrices spartiates, très prisées des aristocrates athéniens[51].

En outre, certaines mentions évoquent, au sujet de Sparte, des esclaves et des Hilotes, ce qui tend à suggérer que les deux populations ne se recoupent pas. Dans le Premier Alcibiade, le pseudo-Platon, au sujet des richesses des Spartiates, cite « les esclaves et notamment les Hilotes[52] » ; Plutarque explique que les activités domestiques sont le domaine « des esclaves et des Hilotes[53] ».

Enfin, l'accord de 404 av. J.-C. mettant fin à la révolte de la Messénie stipule que les rebelles réfugiés dans l'Ithômé devront quitter définitivement le Péloponnèse et précise que quiconque s'y faisant prendre deviendra l'esclave de celui qui s'en sera saisi. Clairement, la possession privée d'un esclave n'est donc pas illégale.

La plupart des historiens s'accordent donc à penser que des esclaves-marchandise sont employés à Sparte, du moins après la victoire de 404, mais peu nombreux et seulement dans les classes supérieures[54]. Comme dans les autres cités grecques, ils peuvent être acquis comme butin ou sur le marché. Enfin, si l'on admet que les Périèques ne peuvent pas avoir d'Hilotes à leur service, ils doivent bien avoir des esclaves[55].

Condition des esclaves

Stèle funéraire : l'esclave est représentée comme un personnage de petite taille, près de sa maîtresse, Glyptothèque de Munich

Il est difficile d’apprécier la condition des esclaves grecs. Selon le pseudo-Aristote[56], le quotidien de l'esclave se résume à trois mots « le travail, la discipline et la nourriture ». Xénophon conseille de traiter les esclaves comme des animaux domestiques, c’est-à-dire de les punir en cas de désobéissance et de les récompenser en cas de bonne conduite[57]. Aristote pour sa part préfère en user comme avec les enfants, et de recourir aux ordres mais aussi aux recommandations, car l'esclave après tout est capable de comprendre les raisons qu'on lui donne[58].

La littérature grecque abonde en scènes de flagellations d’esclaves : la flagellation est un moyen de pousser l’esclave au travail, de même que l’octroi de nourriture, de vêtements ou de repos. Cette violence peut être le fait du maître, mais aussi de l’intendant, pourtant également esclave. Ainsi, au début des Cavaliers Aristophane présente deux esclaves se plaignant des « bleus sans arrêt et des raclées[59] » que leur inflige le nouvel intendant. Cependant, Aristophane lui-même dénonce par ailleurs[60] ce qui est une véritable scie dans la comédie grecque :

« C'est lui [Aristophane] qui (…) a donné congé aux esclaves qu’on tirait de de leur trou, pleurnichant à tout propos, et ça à seule fin de les faire blaguer par un copain pour avoir été rossés, en lui faisant demander : « Mon pauvre bougre, qu'est-ce qui t’est arrivé à l'épiderme ? Serait-ce le chat à neuf queues qui a déclenché une offensive en force sur tes flancs, et t’a fait voler des copeaux d'échine ? » »

De fait, la condition des esclaves varie beaucoup selon leur statut : l’esclave mineur du Laurion connaît des conditions de travail particulièrement pénibles, tandis que l'esclave en ville jouit d’une relative indépendance. Il peut vivre et travailler seul, moyennant paiement d’une redevance (ἀποφορά / apophora) à son maître. Il peut ainsi mettre de l’argent de côté, parfois suffisamment pour se racheter. L’affranchissement est en effet un levier puissant de motivation, dont il est difficile d’estimer l'ampleur réelle. Le pseudo-Xénophon va jusqu’à déplorer la licence dans laquelle vivent les esclaves athéniens : « quant aux esclaves et aux métèques, ils jouissent à Athènes de la plus grande licence ; on n’y a pas le droit de les frapper et l’esclave ne se rangera pas sur votre passage[61].

Ce bon traitement prétendu n’empêche pas 20 000 esclaves athéniens de s’enfuir à la fin de la guerre du Péloponnèse, sur l’incitation de la garnison spartiate stationnée en Attique, à Décélie. Or ceux-ci sont composés essentiellement d’esclaves artisans qualifiés, probablement parmi les mieux traités. Inversement, l’absence de grande révolte des esclaves grecs, comparable par exemple avec celle de Spartacus à Rome, s’explique sans doute par leur dispersion relative, empêchant toute action concertée de grande envergure. Force est également de constater que, même à Rome ou dans les États sudistes des États-Unis, les révoltes d'esclaves ont été rares[62].

Conceptions de l’esclavage grec

Conceptions antiques

Esclave de théâtre assis sur un autel, vidant la bourse qu'il vient de dérober, v. 400-375 av. J.-C., musée du Louvre

Aucun auteur antique ne remet en cause l’existence de l’esclavage — au plus se bornent-ils à admettre que certains esclaves le sont injustement. Chez Homère et les auteurs pré-classiques, l’esclavage est une conséquence inévitable de la guerre. Héraclite reconnaît ainsi : « Le combat est père de tout, roi de tout (…) : il a rendu les uns esclaves, les autres libres[63] ».

À l’époque classique émerge l’idée de l’esclavage « par nature » : ainsi, comme le dit Eschyle[64], les Grecs « ne sont ni esclaves, ni sujets de personne » tandis que les Perses, comme le résume Euripide[65] « sont tous esclaves, sauf un » — le Grand Roi. Cette idée latente est théorisée à la fin du Ve siècle par Hippocrate : selon lui, le climat tempéré d'Asie mineure produit des hommes placides et soumis. Cette explication est reprise par Aristote dans son Politique, où il raffine la théorie de l’esclavage par nature : « L’être qui, grâce à son intelligence, est capable de prévoir est gouvernant par nature ; l’être qui, grâce à sa vigueur corporelle, est capable d'exécuter est gouverné et par nature esclave »[66]. Contrairement aux animaux, l’esclave peut percevoir la raison mais il est « complètement dépourvu de la faculté de délibérer »[67]. Platon, lui-même réduit en esclavage puis racheté par l'un de ses amis, donne au contraire une condamnation explicite de l'esclavage dans le Ménon en faisant participer un esclave à la discussion philosophique. Par là, le statut de celui-ci comme humain à part entière est reconnu, et le fondement essentiel de l'esclavage est démenti.

Parallèlement se développe chez les sophistes l’idée que tous les hommes appartiennent à une même race, qu’ils soient Grecs ou Barbares — et donc que certains hommes sont esclaves alors qu’ils ont l’âme d'un homme libre, et réciproquement. Aristote lui-même reconnaît cette possibilité[68] et argumente que l’esclavage ne peut être imposé que si le maître est meilleur que l’esclave, rejoignant ainsi sa théorie de l’esclavage par nature. De leur côté, les sophistes finissent par conclure que la véritable servitude n’est pas liée au statut mais est celle de l’esprit : ainsi, dit Ménandre, « sois libre d’esprit, bien que tu sois esclave : dès lors, tu ne seras plus esclave[69]. Cette idée, reprise à la fois par les stoïciens et les épicuriens, n’est en rien une opposition au système de l’esclavage, qu'elle contribue au contraire à banaliser.

Même dans l’utopie, les Grecs ne parviennent guère à penser l’absence d’esclaves. Les « cités idéales » des Lois ou encore de la République postulent bien leur existence, de même que la Coucouville-les-Nuées des Oiseaux d’Aristophane. Les « cités renversées » montrent les femmes au pouvoir ou encore la fin de la propriété privée (Lysistrata, l’Assemblée des femmes) mais non les esclaves gouvernant les maîtres. Les seules sociétés sans esclaves sont celles de l’âge d'or ou de pays de Cocagne, où la satisfaction des besoins n’est pas un problème. Dans ce genre de société, explique Platon[70], on récolte à profusion sans semer. Dans les Amphictyons de Télékleidès[71], le pain d’orge se bat avec le pain de froment pour être mangé par les hommes. Mieux encore, les objets se meuvent d’eux-mêmes : la farine se pétrit elle-même et la carafe verse toute seule. La société sans esclave est donc reléguée à un au-delà chronologique ou géographique. Dans une société normale, on a besoin d'esclaves.

Conceptions modernes

Masque de théâtre appartenant au type du Premier esclave de la Nouvelle Comédie, IIe siècle av. J.-C., Musée national archéologique d'Athènes

Chez les Modernes, l’esclavage en Grèce antique est longtemps l’objet d’un discours apologétique chrétien qui s’attribue la responsabilité de la fin du système. À partir du XVIe siècle, le discours sur l’esclavage antique devient moralisateur : il doit être interprété à la lumière de l’esclavage colonial, soit que les auteurs en louent les mérites civilisateurs, soit qu’ils en dénoncent les méfaits. Ainsi Henri Wallon publie en 1847 une Histoire de l’esclavage dans l’Antiquité dans le cadre de son combat pour l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises.

Au XIXe siècle émerge un discours différent, de type économico-politique. Il s’agit désormais de distinguer des phases dans l’organisation des sociétés humaines, et d’interpréter correctement la place qu'y joue l’esclavage grec. L’influence de Marx est ici déterminante : pour lui, la société antique est caractérisé par un essor de la propriété privée et par le caractère dominant — et non secondaire, comme dans les autres sociétés pré-capitalistiques — de l'esclavage comme mode de production.

S’oppose bientôt à l’interprétation marxiste le courant positiviste représenté par l’historien Eduard Meyer (l’Esclavage dans l’Antiquité, 1898) : selon lui, l’esclavage est l’envers de la démocratie grecque. Il est donc un phénomène juridique et social, et non économique. Ce courant historiographique évolue au XXe siècle : mené par un auteur comme Joseph Vogt, il voit en l’esclavage la condition du développement de l’élite, en l’espèce les citoyens. Inversement, il insiste sur les possibilités offertes aux esclaves de s’agréger à l’élite. Enfin, il estime que la société moderne, fondée sur des valeurs humanistes, a permis de dépasser ce mode de développement.

Aujourd’hui, l’esclavage grec fait toujours l’objet de débats historiographiques, en particulier sur deux questions. Peut-on dire que la société grecque était esclavagiste ? Les esclaves grecs formaient-ils une classe sociale ?

Sources

Notes

  1. Chantraine à l'article δμώς.
  2. Voir par exemple Homère, Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne] (I, 398) où Télémaque parle des « esclaves qu'[Ulysse] a ramenés de ses pillages ».
  3. Une mention chez Homère dans Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (VII, 475), qui se rapporte à des prisonniers de guerre ; le vers est athétisé par Aristarque de Samothrace qui suit Zénodote et Aristophane de Byzance. Kirk, p. 291.
  4. Walter Burkert, Greek Religion (traduction de l'original allemand Griechische Religion des archaischen und klassichen Epoche, 1977), Oxford, 1985, p. 45.
  5. A. Mele, « Esclavage et liberté dans la société mycénienne », Actes du colloque du GIREA de 1973, p. 115-155.
  6. Odyssée (XVII, 322-323). Extrait de la traduction de Philippe Jaccottet pour les éditions Maspero, 1982.
  7. a  et b Garlan, op. cit., p. 43.
  8. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne] (Solon, I, 6).
  9. Cité par Athénée, Deipnosophistes [détail des éditions] [lire en ligne] (VI, 265bc) = FGrH 115, frag. 122.
  10. M. I. Finley, « La civilisation grecque était-elle fondée sur le travail des esclaves ? », Économie et société en Grèce ancienne, p. 170-171.
  11. Finley [1997], p. 148.
  12. Finley [1997], p. 149.
  13. M.H. Jameson plaide en faveur d'un recours massif à la main-d'œuvre servile (« Agriculture and Slavery in Classical Athens » dans Classical Journal no 73 (1977-1978), p.&nbps;122-145), E.M. Wood le conteste (« Agriculture and Slavery in Classical Athens » dans American Journal of Ancient History no 8 (1983), 1-47 et Peasant-Citizen and Slave, Verso, 1988).
  14. Finley [1997], p. 150.
  15. (de) Lauffer, « Die Bewerkssklaven von Laureion », dans Abhandlungen no 12 (1956), p. 904-916.
  16. Démosthène (XII, 8-19).
  17. Eschine (XXVII, 9-11).
  18. Finley [1997], p. 151-152.
  19. Lauffer op. cit., p. 904-916.
  20. (en) A. H. M. Jones, Athenian Democracy, Oxford, Blackwell, 1957, p. 76-79.
  21. Ctésiclès préservé par Athénée, Deipnosophistes [détail des éditions] [lire en ligne], VI, 272c.
  22. P. Ducrey, Le traitement des prisonniers de guerre en Grèce ancienne. Des origines à la conquête romaine, De Boccard, Paris, 1968.
  23. Garlan, op. cit., p. 57.
  24. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne] (Agésilas, VII, 6).
  25. Xénophon, Helléniques [lire en ligne] (I, 6, 14).
  26. Garlan, op. cit., p. 57.
  27. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne] (XIX, 53, 2).
  28. Plutarque (Alexandre, VII, 3).
  29. Cf. H. A. Ormerod, Piracy in the Ancient World, Liverpool University Press, 1924 ; P. Brûlé, La Piraterie crétoise hellénistique, Belles Lettres, 1978. V. Gabrielsen, « La piraterie et le commerce des esclaves », in E. Erskine (éd.), Le monde hellénistique. Espaces, sociétés, cultures 323-31 av. J.-C., Presses Universitaires de Rennes, 2004, 495-511.
  30. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne] (V, 6) ; Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyane (18, 7, 12).
  31. Aux époques classique et hellénistique, c'est le maître qui nomme son esclave. Celui-ci peut donc porter celui de son maître ; un ethnique, comme mentionné ; un nom de lieu (Asia, Carion, Lydos, etc.) ; un nom issu de sa patrie d'origine (Manès pour un Lydien, Midas pour un Phrygien, etc.) ; un nom de personnage historique (Alexandre, Cléopâtre, etc.). Bref, un esclave peut porter pratiquement n'importe quel nom ; seuls ceux forgés sur des noms de pays barbares sont spécifiquement réservés aux esclaves. Cf. O. Masson, « Les noms des esclaves dans la Grèce antique », Actes du colloque 1971 sur l'esclavage, p. 9-21.
  32. V. 216 av. J.-C. Jean Pouilloux, Choix d'inscriptions grecques, Belles Lettres, Paris, 2003, no 29.
  33. Hypéride, Contre Athénogène (15 et 22).
  34. Garlan, op. cit., p. 59.
  35. Finley [1997], p. 155.
  36. Économique, IX.
  37. Économique (I, 5, 6).
  38. Garlan, op. cit., p. 58.
  39. Extrait de la traduction de G. Mathieu et B. Haussoulier revue par C. Mossé pour les Belles Lettres, 1985.
  40. (en) S. B. Pomeroy, Goddesses, Whores, Wives and Slaves, Schoken, 1995, p. 57.
  41. Garlan, op. cit., p. 79.
  42. Garlan, op. cit., p. 80.
  43. Par exemple à Thasos au cours du IIe siècle , sans doute en période de guerre, pour remercier les esclaves de leur fidélité. Choix d'inscriptions grecques, Belles Lettres, Paris, 2003, no 39.
  44. Voir par exemple Démosthène, Contre Nééra (LIX, 29-32), où les amants d'une hétaïre se réunissent pour l'aider à se racheter.
  45. Paul Foucart, « Mémoire sur l'affranchissement des esclaves par forme de vente à une divinité d'après les inscriptions de Delphes », Archives des missions scientifiques et littéraires, 2e série, tome 2, 1865, p. 375-424.
  46. Garlan, op. cit., p. 83.
  47. Garlan, op. cit., p. 84.
  48. Héraclide Lembos, fgt. 9 Dilts et Souda, s.v. Ἀλκμάν.
  49. Souda, s.v. Φιλόξενος.
  50. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne] (Lycurgue, XII, 13).
  51. Vies (Lycurgue, XVI, 5 et Alcibiade, I, 3).
  52. « …ἀνδραπόδων κτήσει τῶν τε ἄλλων καὶ τῶν εἱλωτικῶν ». Premier Alcibiade, 122d.
  53. « …δοὐλοις καὶ Εἴλωσι ». Vies (comparatif de Lycurgue et de Numa, 2).
  54. Pavel Oliva, Sparta and her Social Problems, Academia, Prague, 1971, p. 172-173 ; Jean Ducat, Les Hilotes, BCH suppl. 20, Paris, 1990, p. 55 ; Edmond Lévy, Sparte, Seuil, Paris, 2003, p. 112-113.
  55. Lévy, op. cit., p. 113.
  56. Économique, 1344a35.
  57. Économique (XIII, 6).
  58. Politique [lire en ligne] (I, 3, 14).
  59. Vers 4-5. Extrait de la traduction de Victor-Henri Debidour pour les éditions Gallimard, 1965, comme les autres citations d'Aristophane dans cet article.
  60. La Paix (v. 743-749).
  61. République des Athéniens (I, 10).
  62. Sur la question, cf. Paul Cartledge, "Rebels and Sambos in Classical Greece", Spartan Reflections, 2001, University of California Press, p. 127-152.
  63. Frag. 53, Diels.
  64. Les Perses (v. 242).
  65. Hélène, (v. 276).
  66. Politique (I, 2, 2).
  67. Politique (I, 13, 17).
  68. Politique (I, 5, 10).
  69. Frag. 857.
  70. Politique (271a-272b).
  71. Cité par Athénée, 268 b-d.

Références

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  • P. Brulé (1992), « Infanticide et abandon d'enfants », dans Dialogues d'histoire ancienne no 18 (1992), p. 53–90.
  • (en) Walter Burkert, Greek Religion, Blackwell Publishing, Oxford, 1985 (ISBN 0-631-15624-6), d'abord publié comme Grieschische Religion der archaischen und klassischen Epoche, Verlag W. Kohlhammer, Stuttgart, 1977.
  • P. Carlier, Le IVe siècle grec jusqu'à la mort d'Alexandre, Seuil, Paris, 1995 (ISBN 2-02-013129-3).
  • P. Cartledge. « Rebels and Sambos in Classical Greece », Spartan Reflections. University of California Press, Berkeley, 2003, p. 127–152 (ISBN 0-520-23124-4)
  • P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, Paris, 1999 (nouvelle édition) (ISBN 2-252-03277-4).
  • R. Dareste, B. Haussoullier, Th. Reinach, Recueil des inscriptions juridiques grecques, vol.II., E. Leroux, Paris, 1904.
  • J. Ducat, Les Hilotes, BCH, suppl. 20. publications de l'École française d'Athènes, Paris, 1990 (ISBN 2-86958-034-7).
  • C. Dunant et J. Pouilloux, Recherches sur l'histoire et les cultes de Thasos, II, publications de l'École française d'Athènes, Paris, 1958.
  • M. Finley (1997), Économie et société en Grèce ancienne, Seuil, Paris, 1997 (ISBN 2-02-014644-4).
  • Y. Garlan, Les Esclaves en Grèce ancienne, La Découverte, Paris, 1982. (ISBN 2-7071-2475-3)
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  • M.H. Jameson, « Agriculture and Slavery in Classical Athens », dans Classical Journal, no 73 (1977–1978), p. 122–145.
  • A.H.M. Jones, Athenian Democracy, Blackwell Publishing, Oxford, 1957.
  • (de) S. Lauffer, « Die Bergwerkssklaven von Laureion », Abhandlungen no  (1956), p. 904–916.
  • E. Lévy (1995), La Grèce au Ve siècle de Clisthène à Socrate, Seuil, Paris, 1995 (ISBN 2-02-0131-28-5)
  • E. Lévy (2003). Sparte, Seuil, Paris, 2003 (ISBN 2-02-032453-9)
  • M.-M. Mactoux (1980), Douleia: Esclavage et pratiques discursives dans l'Athènes classique, Belles Lettres, Paris, 1980 (ISBN 2-251-60250-X)
  • M.-M. Mactoux (1981). « L'esclavage comme métaphore : douleo chez les orateurs attiques », Actes du colloque du GIREA de 1980, Kazimierz, 3-8 novembre 1980, Index, 10, 1981, p. 20–42.
  • O. Masson, « Les noms des esclaves dans la Grèce antique », Actes du colloque du GIREA de 1971, Besançon, 10-11 mai 1971, Belles Lettres, Paris, 1973, p. 9–23.
  • A. Mele, « Esclavage et liberté dans la société mycénienne », Actes du colloque du GIREA de 1973, Besançon, 2-3 mai 1973, Belles Lettres, Paris, 1976.
  • G.R. Morrow, « The Murder of Slaves in Attic Law », dans Classical Philology, vol. 32, no 3 (juillet 1937), p. 210–227.
  • P. Oliva, Sparta and her Social Problems, Academia, Prague, 1971.
  • A. Plassart, « Les Archers d'Athènes », dans Revue des études grecques, XXVI (1913), p. 151-213.
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  • W.K. Pritchett et A. Pippin (1956), « The Attic Stelai, Part II », dans Hesperia, vol. 25, no 3 (juillet-septembre 1956), p. 178–328.
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  • E.M. Wood (1983), « Agriculture and Slavery in Classical Athens », dans American Journal of Ancient History no 8 (1983), p. 1–47.
  • E.M. Wood (1988), Peasant-Citizen and Slave: The Foundations of Athenian Democracy, Verso, New York, 1988 (ISBN 0-8609-1911-0).

Voir aussi

Aller plus loin

Études générales
  • J. Andreau, R. Descat, Esclave en Grèce et à Rome, Paris, Hachettes Littératures, 2006
  • H. Bellen, H. Heinen, D. Schäfer et J. Deissler, Bibliographie zur antiken Sklaverei. I: Bibliographie. II: Abkurzungsverzeichnis und Register, 2 vol., Steiner, Stuttgart, 2003 (ISBN 3-515-08206-9)
  • I. Bieżuńska-Małowist, La Schiavitù nel mondo antico, Edizioni Scientifiche Italiane, Naples, 1991.
  • M. Finley :
    • Économie et société en Grèce ancienne (Economy and Society in Ancient Greece), Seuil, coll. « Points » (n° 234), 1997 (1re édition 1970) (ISBN 2-02-014644-4),
    • Esclavage antique et idéologie moderne (Ancient Slavery and Modern Ideology), éd. de Minuit, coll. « le Sens commun », 1989 (1re édition 1980) (ISBN 2707303275).
    • Slavery in Classical Antiquity. Views and Controversies, Heffer, Cambridge, 1960.
  • P. Garnsey, Conceptions de l’esclavage d’Aristote à saint Augustin, Belles Lettres, coll. « Histoire », Paris, 2004 (ISBN 2-251-38062-0).
  • G. E. M. de Ste. Croix, The Class Struggle in the Ancient Greek World, Duckworth, Londres et Cornell University Press, Ithaca, 1981 (ISBN 0-8014-1442-3).
  • P. Vidal-Naquet :
    • « Les Femmes, les esclaves, les artisans », troisième partie de Le Chasseur noir, La Découverte, coll. « Poche », 2005 (1re édition 1981) (ISBN 2-7071-4500-9),
    • avec J.-P. Vernant, Travail et esclavage en Grèce ancienne, Complexe, coll. « Historiques », Bruxelles, 2006 (1re édition 1988) (ISBN 2870272464).
  • Westermann William Lynn, The Slave Systems of Greek and Roman Antiquity, (Memoirs of the American Philosophical Society), vol. 40. Philadelphia, 1955. [1]
  • Wiedemann, T. Greek and Roman Slavery. London: Routledge, 1989 (1st edn. 1955). (ISBN 0-415-02972-4)
Études spécifiques 
  • P. Brulé (1978b), La Piraterie crétoise hellénistique, Belles Lettres, Paris, 1978 (ISBN 2-251-60223-2)
  • P. Brulé et J. Oulhen (dir.). Esclavage, guerre, économie en Grèce ancienne. Hommages à Yvon Garlan, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 1997. (ISBN 2-86847-289-3)
  • P. Ducrey, Le traitement des prisonniers de guerre en Grèce ancienne. Des origines à la conquête romaine, De Boccard, Paris, 1968.
  • P. Foucart, « Mémoire sur l'affranchissement des esclaves par forme de vente à une divinité d'après les inscriptions de Delphes », Archives des missions scientifiques et littéraires, 2e series, vol. 2 (1865), p. 375–424.
  • P. Hunt, Slaves, Warfare, and Ideology in the Greek Historians, Cambridge University Press, Paris, 1998 (ISBN 0-521-58429-9)
  • H.A. Ormerod, Piracy in the Ancient World, Liverpool University Press, Liverpool, 1924.
  • V. Gabrielsen, « La piraterie et le commerce des esclaves », dans E. Erskine (éd.), Le Monde hellénistique. Espaces, sociétés, cultures. 323-31 av. J.-C., Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2004, p. 495–511 (ISBN 2-86847-875-1)

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