Premier Alcibiade

Premier Alcibiade

Premier Alcibiade

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Personnages

Le Premier Alcibiade (ou Sur la Nature de lHomme) est un dialogue platonicien. Il traite des capacités et qualités qu'Alcibiade, qui veut entamer une carrière comme homme politique, doit posséder.

Sommaire

Question de l'authenticité

L'authenticité de ce dialogue a été mis en doute depuis le XIXe siècle, quoiqu'il fut utilisé pendant des siècles par l'Académie comme un texte d'initiation. Les philologues sont relativement divisés sur la question du caractère apocryphe du dialogue. Il appartient à la série dite des « Premiers Dialogues », et s'il n'est pas de Platon, il a du moins été rédigé par un contemporain de Platon, tant les similitudes linguistiques et stylistiques avec ce dernier sont grandes. Le terme « Premier » ne signifie pas que le dialogue a été rédigé avant le Second Alcibiade, mais qu'il lui est jugé supérieur.

Cadre dramatique

Date de l'action

On peut déduire du jeune âge dAlcibiade dans le dialogue que la conversation est censée se dérouler vers431, au début de la guerre du Péloponnèse.

Personnages

  • Alcibiade : Alcibiade est un célèbre homme politique et général athénien, à lexistence mouvementée. Il est à peine âgé dune vingtaine dannées dans le dialogue, et, déjà alimenté dune immense ambition par son tuteur Périclès, sapprête à faire ses débuts en politique. Il prend part activement à la guerre du Péloponnèse et, accusé dans laffaire de la mutilation des Hermès, trahira sa cité pour Sparte. Il obtient ensuite sa réconciliation avec Athènes en négociant une alliance avec les Perses, mais finit assassiné en404 par un de ses nombreux ennemis.

Le dialogue : définir la nature et lobjet de la politique

Dans le Premier Alcibiade, Socrate sattache à démontrer en quoi son jeune interlocuteur nest pas encore mûr pour sattaquer à la politique, étant donné quil est nécessaire de se connaître soi-même avant de pouvoir commander aux autres avec justice.

Scène introductive

Socrate rencontre Alcibiade dans la maison d'Aspasia, toile de Jean-Léon Gérôme, 1861

Socrate, après plusieurs années de silence, se décide enfin à aborder Alcibiade pour lui déclarer son amour. Sa démarche, admet-il, peut surprendre, car le jeune homme va bientôt atteindre sa vingtième année et entamer une carrière politique, et ses nombreux amoureux, quAlcibiade avait coutume déconduire sans ménagement, commencent à le délaisser pour des garçons plus jeunes.

Dès lors, pourquoi Socrate sacharne-t-il ainsi à le poursuivre de ses ardeurs ? Cest, répond le philosophe, quil a conscience de la grande ambition politique nourrie par Alcibiade en son for intérieur. Le jeune homme désire, à lévidence, devenir aussi puissant que son tuteur Périclès, et même sans doute davantage : il nest pas un seul endroit, en Grèce comme en Asie, Alcibiade ne désire asseoir sa domination. Il rêve probablement de pouvoir, un jour, dicter leurs lois aux fiers Spartiates et même à la Perse.

Si réellement le jeune homme nourrit tant de vastes desseins, alors Socrate affirme être le seul à pouvoir le former de la manière qui convient.

Visiblement intéressé, Alcibiade ne dément pas Socrate et lencourage à sexpliquer. Quel profit tangible peut-il retirer de son enseignement ? Il accepte sans difficulté de se laisser guider par des questions.

Alcibiade ignore ce quest le juste

Nayant aucune connaissance technique, Alcibiade devra discuter de politique générale

Le jeune homme ladmet tout de suite : sil doit monter à la tribune pour donner des conseils aux Athéniens, ce sera bien sûr à propos de sujets quil maîtrise mieux queux, et sur lesquels il est apte à éclairer la population.

Et précisément, souligne Socrate, les connaissances dAlcibiade, soit quil les ait apprises dautrui ou quil les ait trouvées de lui-même, sont assez rapides à énumérer : elles se résument, « si je men souviens bien, à lire et à écrire » ainsi qu’ « à toucher de la cithare et à lutter ». Quant à la flûte, rappelle le philosophe avec un spirituel sens du détail, le jeune homme na jamais voulu y toucher.

Il est à craindre que des compétences aussi limitées jouent en la défaveur dAlcibiade une fois dans larène politique : il ne pourra ainsi donner davis ni sur les bâtiments à construire, car il ignore tout de larchitecture, ni sur linterprétation dun présage, car il nest pas devin.

Cependant toutes ces choses, objecte Alcibiade, relèvent de matières techniques, et lui aura au contraire à intervenir par ses conseils « sur la guerre ou sur la paix, (…) ou sur quelque autre affaire dÉtat », bref sur des affaires de politique générale.

Mais la politique générale exige une connaissance précise du juste, ce quAlcibiade na pas

Voilà qui est bien répondu, concède Socrate. Toutefois, de même quun athlète devient meilleur dans son domaine par la science de la gymnastique, qui entretient le corps, il doit sûrement exister une autre science, celle- permettant de gérer au mieux un État, en vivant en paix autant que possible, et en ne déclarant la guerre quen cas de nécessité, au bon moment et contre le bon adversaire.

Alcibiade met du temps à cerner le raisonnement de son interlocuteur, mais finit par trouver la réponse : cette science à laquelle il est fait référence, cest tout simplement la justice. Dès lors, en conclut Socrate avec humour, Alcibiade est doué dun esprit exceptionnel, car sil se juge en mesure de donner ses avis sur de telles questions, cest quil sait tout du juste et de linjuste, et tous doivent venir recevoir son enseignement.

Mais le jeune homme ne se laisse pas démonter : sil sait en effet distinguer le juste de linjuste, cest que, comme tout un chacun, il la appris par son éducation, par la vie en société, bref par la population, de la même manière quil a appris à parler grec.

Le peuple, admet Socrate, est tout à fait compétent pour enseigner le grec, car tous saccordent sur la signification quil faut donner à tel ou tel mot, ou comment appeler telle ou telle chose. On ne peut, en revanche, en dire autant de la justice : il nest pas un sujet sur lequel les dissensions au sein de la population soient plus vives. La guerre de Troie, dans lIliade dHomère nest-elle pas née dun tel désaccord, suite à lenlèvement dHélène ? Et que dire, dans lOdyssée, de laffrontement entre Ulysse et les prétendants de Pénélope ?

Alcibiade est donc bien imprudent de sen remettre à un maître aussi volatile que le public sur une question aussi importante, et il est manifeste quil na pas une connaissance précise de ce quest le juste.

Alcibiade ignore aussi ce quest lutile

Pour se sortir de ce faux pas, le jeune homme note alors que lassemblée délibère en fait rarement sur le juste et linjuste, choses considérées comme évidentes, mais plutôt sur lutile et linutile. Cela ne revient pas au même, assure-t-il, car il est parfois des choses injustes mais très utiles.

Plutôt que de réutiliser la même méthode que précédemment, Socrate va chercher à lui prouver que le juste et lutile sont une seule et même chose, ce qui a pour conséquence logique quignorant le juste, Alcibiade ignore aussi lutile.

Pour commencer, Socrate pose le principe que ce qui est juste est beau, ce à quoi Alcibiade ne voit rien à répliquer. En revanche la réplique fuse quand le philosophe tente ensuite didentifier le beau et le bon : certaines choses peuvent être fort belles, objecte le jeune homme, mais mener à un mauvais résultat.

Le meilleur exemple peut se trouver en temps de guerre, lorsquun soldat cherche à secourir un camarade blessé mais trouve la mort dans son entreprise : cette action est à la fois belle, puisquelle témoigne de beaucoup de courage, mais aussi mauvaise, puisquelle se solde par la mort du valeureux guerrier.

Cependant, remarque Socrate, il est question ici de deux événements distincts : dune part le sauvetage du blessé et dautre part la mort du soldat. Le premier est un acte de courage, ce qui est à la fois beau et bon. Le deuxième est la mort, ce qui est à la fois laid et mauvais. Chaque action prise séparément est donc belle en tant quelle bonne, ou laide en tant quelle est mauvaise, et la contradiction est résolue, ce qui permet bien daffirmer en définitive que tout ce qui est beau est bon.

Or, Alcibiade est obligé de convenir que ce qui est bon est utile, d il suit, daprès les raisonnements précédents, que ce qui est juste est utile. Si Alcibiade ignore lun, il ignore donc tout autant lautre.

Les Spartiates et les Perses sont bien mieux éduqués que lui

Alcibiade convient docilement de son ignorance du juste et de lutile. Toutefois, soutient-t-il, les hommes politiques athéniens sont aussi ignorants que lui dans ces sujets, voire davantage. Il naura donc aucun mal à les surpasser.

Amusé par loptimisme du jeune homme, Socrate lui fait valoir que ce ne sont pas eux quil faut redouter, mais bien plutôt les Spartiates et les Perses qui, en fait déducation, ont une nette longueur davance sur les Athéniens. Alcibiade na-t-il donc jamais entendu parler « de la grandeur des rois de Sparte » ? De même, le futur Grand Roi, en Perse, est confié à quatre précepteurs, réputés chacun pour être respectivement le plus sage, le plus juste, le plus tempérant et le plus brave parmi la population.

Face à des adversaires doués de toutes les qualités physiques et morales ainsi que de toutes les richesses, le jeune Alcibiade ne peut sappuyer que sur lexcellence de son éducation, quil ne doit donc négliger pour rien au monde.

Il convient, pour gouverner, dapprendre dabord à se connaître soi-même

La connaissance de soi-même est rare et précieuse

Dès lors, étant donné quAlcibiade se révèle incapable de dire ce que doit savoir lhomme qui veut gouverner, ou en quoi consiste la bonne administration dune cité, par doit-il commencer pour combler ses lacunes ?

La réponse, selon Socrate, ne fait aucun doute : on ne peut soccuper des affaires des autres si lon ne sait dabord soccuper des affaires qui sont à soi-même. Et lon ne peut soccuper des affaires qui sont à soi-même si lon ne se connaît pas soi-même. Comme le préconise la célèbre inscription sur le fronton du temple de Delphes, le jeune homme doit donc, avant toute chose, apprendre à se connaître lui-même.

Une telle connaissance nest pas donnée à tout le monde : celui qui sattache à prendre soin de son corps, par exemple, prend soin de ce qui est à lui (son corps), mais pas de lui-même. Quant à celui qui accumule les richesses, il en est encore plus éloigné puisquil concentre son énergie sur ce qui dépend de son corps.

Se connaître soi-même, cest connaître son âme

Mais que désigne-t-on au juste par « soi-même » ? Trois réponses, selon Socrate, sont possibles : soit le corps, soit lâme, soit un assemblage des deux. Lhomme se sert de son corps comme dun outil, le commande, et ne peut donc sidentifier avec lui. De même, lassemblage du corps et de lâme est à exclure, « car lune des deux parties nayant point de part au commandement, il nest pas possible que le tout formé des deux commande ».

Reste ainsi lunique solution que le « soi-même » correspond à lâme, et que se connaître soi-même revient à connaître son âme.

Et de même quun œil ne peut se connaître quen voyant son propre reflet dans la prunelle dun autre œil, lâme, pour se perfectionner et acquérir la connaissance delle-même, devra regarder une autre belle âme, en particulier cette partie de lâme résident la connaissance et la pensée, deux facultés qui la rendent proche des dieux.

Cest aussi la raison pour laquelle, affirme Socrate, son amour pour Alcibiade est toujours aussi vif : tandis que les autres prétendants ne sattachaient quà son corps et se désintéressent de lui maintenant, Socrate est surtout amoureux de son âme, et sa passion ne fera donc que croître au fur et à mesure que lâme dAlcibiade gagnera en beauté.

Conclusion

Tant quAlcibiade manque de science et de vertu, il vaut mieux, pour lui et pour le bien de tous, quil obéisse à un meilleur que lui plutôt que de gouverner, lhomme sans vertu étant condamné à la servitude.

Alcibiade accepte ce verdict mais demande à Socrate de laider à sortir de cette condition. Ce dernier, bien quil accueille favorablement cette requête, nest pas dupe : le tourbillon de la politique aura tôt fait de gagner le jeune homme et de le perdre.

Portée philosophique et littéraire

Le Premier Alcibiade, malgré sa précocité, contient déjà un certain nombre didées sous-jacentes et essentielles au système platonicien en matière de politique : le bonheur dune cité et des citoyens étant lié à la pratique de la vertu, et la vertu étant une science, lhomme dÉtat doit guider son action selon cette science. Et pour ce faire, il lui faut obligatoirement accéder à la connaissance de lui-même. Le concept dune cité idéale gouvernée par les philosophes, exposé dans La République, est donc déjà en gestation.

Les autres idées du dialogue, quant à elles, témoignent tout de même de la jeunesse de Platon et de son attachement encore très fort à lenseignement socratique : ainsi en va-t-il de la similarité entre le juste et lutile ou de limportance prépondérante accordée à la connaissance de soi-même. De même, lopinion selon laquelle on ne peut rien savoir sans lavoir appris dun maître ou lavoir trouvé soi-même soppose à la doctrine de la réminiscence, élaborée plus tard par lauteur dans le Ménon et le Phèdre.

Enfin, sans avoir la grâce dautres dialogues de la même époque, le Premier Alcibiade est doué dun style vivant et divertissant, parfois même dun peu dhumour. Le personnage dAlcibiade, en ce qui le concerne, manque encore de relief, tout comme dans le Second Alcibiade. Platon saura en offrir un portrait bien plus savoureux dans Le Banquet.

Bibliographie

Texte

  • Denyer, Nicholas (ed.). Plato, Alcibiades. Introduction and Notes by N. Denyer (Cambridge: Cambridge University Press, 2001).
  • Pradeau, Jean-François, et Chantal Marboeuf (trans.) Platon, Alcibiade. Présentation par J.-F. Pradeau, Translation inédite par C. Marboeuf et J.-F. Pradeau (Paris: Flammarion, 1999).
  • Premiers dialogues, GF-Flammarion n°129, 1993, ISBN 2-08-070129-0
  • Platon : Œuvres complètes, Tome 1, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1940, ISBN 2-07-010450-8

Commentaires

  • Proclus, Sur le Premier Alcibiade de Platon, Belles Lettres, Collections des universités de France, 1987, ISBN 2-251-00393-2
  • Alain, Platon, Champs-Flammarion, 2005, ISBN 2-08-080134-1
  • François Châtelet, Platon, Folio, Gallimard, 1989, ISBN 2-07-032506-7
  • Jean-François Pradeau, Les mythes de Platon, GF-Flammarion, 2004, ISBN 2-08-071185-7
  • Jean-François Pradeau, Le vocabulaire de Platon, Ellipses Marketing, 1998, ISBN 2-7298-5809-1
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