- Bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki
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Les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki ont eu lieu les 6 et 9 août 1945 à l'initiative des États-Unis après que les dirigeants japonais eurent décidé d'ignorer l'ultimatum de Potsdam. La cessation des hostilités fut effective 6 jours après. La Seconde Guerre mondiale se conclut officiellement moins d'un mois plus tard par la signature de l'acte de capitulation du Japon le 2 septembre 1945. Ce sont les seuls bombardements nucléaires ayant eu lieu en temps de guerre.
Le nombre de décès est difficile à définir et seules des estimations sont disponibles. Le Département de l'Énergie des États-Unis (DOE) avance les chiffres de 70 000 personnes pour Hiroshima et de 40 000 personnes pour Nagasaki, tuées par l'explosion, la chaleur, et l'incendie consécutif. À ceci, s'ajoutent les décès apparus par la suite en raison de divers types de cancers (334 cancers et 231 leucémies observés)[1] et de pathologies[2]. Pour sa part, le musée du mémorial pour la paix d'Hiroshima avance le chiffre de 140 000 morts, pour la seule ville d'Hiroshima[3].
Les justifications des bombardements ont été le sujet de nombreux débats et controverses. Pour les opposants, ces bombardements, qui ont surtout tué des civils, ont été inutiles et sont des crimes de guerre, alors que pour les partisans de la décision, ils ont raccourci la guerre de plusieurs mois en provoquant la reddition du Japon et ont donc sauvé la vie de centaines de milliers de soldats américains, ainsi que de civils et de prisonniers sur le territoire de la Sphère de coprospérité de la grande Asie orientale.
Les survivants des explosions, les hibakusha, sont devenus le symbole d'une lutte contre la guerre et les armes atomiques à travers le monde. Mais au Japon ils n'étaient pas reconnus comme survivants et ont été laissés à leur sort, car les explosions d'Hiroshima et de Nagasaki ont longtemps été un sujet tabou.
Préparatifs
Un projet de longue haleine
Le projet, au nom de code projet Manhattan, a été initié en 1942, trois ans avant la fin de guerre, mais moins de 7 mois après l'entrée en guerre des États-Unis. Les bombes à l'uranium et au plutonium, développées en parallèle et en secret par les États-Unis (avec l'assistance du Royaume-Uni et du Canada, ainsi que de nombreux savants européens) étaient les deuxième et troisième engins à devoir être utilisés et sont restés les seuls déployés depuis cette date sur un théâtre d'opérations.
Trinity
Le premier essai d'une bombe atomique, Trinity (surnommée « le gadget » en partie du fait que ce n'était pas une arme opérationnelle), eut lieu dans un désert du Nouveau-Mexique le 16 juillet 1945, sur la base aérienne d'Alamogordo. C'était un modèle au plutonium, car les Américains avaient plus de doutes sur cette technologie que sur celle à l'uranium.
La décision
La décision de lancer les bombes sur le Japon fut prise par le président américain Harry S Truman pour plusieurs raisons que les historiens se sont efforcés d'analyser, pondérer ou écarter : satisfaire l'opinion publique en vengeant les soldats tués sur le front du Pacifique, réduire la durée de la guerre et éviter l'opération Downfall, un débarquement sur l'archipel, mettre en place une stratégie pour contrer l'Union Soviétique et avoir une force de frappe dissuasive ou encore justifier un programme dont le coût avait été exorbitant[4]. Comme il est détaillé dans la discussion à la fin de cet article, le fait que les bombardements atomiques aient été ou non justifiés reste depuis lors un sujet de controverse[5].
Le choix des cibles
La réunion du « Comité des objectifs » (Target Committee) à Los Alamos les 10 et 11 mai 1945 choisit les cibles sur le territoire japonais dans cet ordre[6]:
- Kyōto ;
- Hiroshima ;
- Yokohama ;
- l'arsenal de Kokura ;
- Niigata ;
- le palais impérial à Tōkyō (incertain).
Objectifs des bombardements atomiques de Kyōto, Hiroshima, Kokura et Nagasaki sont « le berceau de l'Empire du Japon ». Kyōto est la ville des ancêtres de la dynastie Tennō, Hiroshima est la ville des ancêtres du Domaine de Chōshū, Kokura est la ville en Kyushu qui comprend Choshu que la zone urbaine, Nagasaki est la base de Thomas Blake Glover était un "câble-tireur" dans la Restauration Meiji. En outre, Hiroshima a été la base du siège impérial pendant la Guerre sino-japonaise (1894-1895). Kokura est entre Shimonoseki et Yahata, Shimonoseki est une ville de la conférence de l'après-guerre de la Guerre sino-japonaise (1894-1895), Yahata est l'emplacement de l'usine sidérurgique nationale.[pas clair]
Selon Robert Jungk (traduction libre) :« Sur la courte liste des cibles pour la bombe atomique, en plus de Hiroshima, Kokura et Niigata, il y avait aussi la ville des temples, Kyōto. Quand l'expert sur le Japon, le professeur Edwin O. Reischauer, entendit cette terrible nouvelle, il se rendit précipitamment dans le bureau de son chef, le major Alfred MacCormack, dans un département des services de renseignement de l'armée. Le choc le fit fondre en larmes. MacCormack, un avocat cultivé avec le respect de la vie humaine, arriva à persuader le secrétaire à la Guerre Henry L. Stimson d'accorder un sursis à Kyōto et de retirer la ville de la liste. »
Reischauer réfuta cette version dans son livre My Life Between Japan And America, 1986, p. 101 :
« J'aurais probablement fait ça si j'en avais eu l'occasion, mais ce récit ne contient pas une once de vérité. Comme il a déjà été amplement prouvé par mon ami Otis Cary de Doshisha à Kyōto, la seule personne qui mérite les honneurs pour avoir sauvé Kyōto de la destruction est Henry L. Stimson, le secrétaire à la Guerre de l'époque, qui avait connu et admiré Kyōto depuis sa lune de miel plus de trois décennies auparavant. »
Cette affirmation est partiellement confirmée par Richard Rhodes qui décrit le refus de Stimson au sujet du bombardement de Kyōto, allant contre la volonté du général Leslie Groves.
Le 31 mai 1945, Stimson réunit les principaux acteurs militaires et scientifiques du projet Manhattan. Ils discutèrent des inconvénients liés à un avertissement donné aux Japonais avant l'attaque. Ils craignaient que les Japonais ne déplaçassent des prisonniers de guerre en direction des zones prévues pour le bombardement ou que les appareils soient abattus. Il se pouvait aussi que la bombe soit un fiasco avec une explosion incomplète. Edward Teller proposa de faire exploser la bombe de nuit, sans avertissements, au-dessus de la baie de Tōkyō pour éviter les pertes humaines et choquer l'opinion. Cette idée fut rejetée : les Japonais avaient déjà prouvé leur combativité sans limite avec les kamikazes (avions suicides) et il n'était pas sûr qu'une action sans destruction massive soit suffisante pour les déstabiliser.
Oppenheimer suggéra d'attaquer avec plusieurs bombes le même jour pour définitivement arrêter la guerre. Le général Groves s'y opposa car les cibles avaient déjà fait l'objet de bombardements conventionnels et que les effets des bombes ne seraient pas assez significatifs sur ces terrains déjà dévastés. De plus, les estimations à cette date sur la puissance d'une explosion nucléaire (aucun test n'ayant été effectué) ne correspondaient au mieux qu'à la moitié, au pire à un dixième de ce qui allait être réellement le cas. Les effets n'étaient pas encore précisément connus. Ce n'est qu'après le test de Trinity que la nature de la mission put être scellée.
La réaction du Japon à l'ultimatum de Potsdam
Les délibérations entre Hirohito, le cabinet et l'état-major, démontrent que l'Empire du Japon n'était pas sur le point de se rendre sans condition. Les archives japonaises et le journal du garde des sceaux Kôichi Kido indiquent que l'empereur et le cabinet insistèrent pour obtenir une reddition conditionnelle, alors que le gouvernement menait des négociations parallèles avec l'Union soviétique. Parmi ces conditions se trouvaient le désarmement des troupes par les autorités japonaises, le jugement des criminels par les autorités japonaises, l'absence de forces d'occupation en sol japonais et la préservation du régime impérial et de l'Empereur[7].
En réponse à la déclaration de Potsdam du 26 juillet, le gouvernement japonais organisa le 28 une conférence de presse au cours de laquelle le premier ministre Kantarō Suzuki annonça l'intention du Japon « d'ignorer » (mokusatsu) l'ultimatum. Une ambiguïté subsiste cependant quant à l'attitude de Suzuki : favorable à la capitulation, il devait cependant composer avec la faction belliciste de l'armée, et avait peut-être souhaité, par cette expression, exprimer un simple refus d'aborder la question en public, ou signifier que l'ultimatum n'apportait rien de nouveau. Le terme fut cependant compris par les États-Unis comme un refus catégorique de toute reddition[8].
Entre le 27 juillet et le 6 août, alors que Hirohito faisait l'objet d'intenses pressions de ses frères[9] et de ses oncles[10] lui demandant d'abdiquer en faveur de son fils, le gouvernement se réfugia dans le mutisme. Dans l'attente d'une issue aux négociations menées avec les Soviétiques, l'empereur ordonna le 31 juillet au garde des sceaux Kôichi Kido de prendre les mesures pour défendre « à tout prix » les insignes impériaux[11].
Le 2 août, Shigenori Tōgō, le ministre des Affaires étrangères, transmit à l'ambassadeur nippon à Moscou, Naotake Satō, un message lui indiquant que l'empereur, le premier ministre et le Quartier général impérial « plaçaient tous leurs espoirs » dans l'acceptation, par l'Union soviétique, d'une mission de paix menée par le prince Fumimaro Konoe [12]. L'ambassadeur répliqua en recommandant au gouvernement d'accepter les termes de l'ultimatum de Potsdam[13].
Pressé par l'empereur, désireux de protéger ses prérogatives, Tōgō refusa toute négociation directe avec les autres alliés même lorsque Kaina, le président du bureau d'espionnage lui déclara le 4 août : « Ce n'est pas assez de négocier seulement avec l'Union soviétique. Il n'y a pas d'espoir si nous continuons comme ça. De quelque façon, en coulisse, nous devons négocier avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine. »[13].
L'ordre d'attaquer
Seules quelques personnes sont au courant des ordres donnés par le président Truman. Le 21 juillet 1945, le président approuve le largage des bombes sur le Japon. Le 24 juillet, l'ordre est relayé par le secrétaire de la Guerre, Henri Stimson. Le 25 juillet, le général Thomas Handy envoie un ordre secret au général Carl A. Spaatz, ce sera le seul ordre écrit concernant l'utilisation de la bombe atomique (voir la traduction libre de l'ordre de Handy à l'attention de Spaatz). Le 28 juillet, le Japon refuse l'accord de Potsdam et l'utilisation de la bombe paraît alors inéluctable aux militaires américains.
Hiroshima
Hiroshima durant la Seconde Guerre mondiale
Située dans la région de Chūgoku sur le delta du fleuve Ota, la ville était divisée en sept îles.
Des camps de l'armée s'étaient installés dans les environs. Parmi les plus importants, on y trouvait ceux de la 5e Division et le centre de commandement du général Shunroku Hata. Celui-ci gérait l'ensemble de la défense de la partie méridionale de l'archipel. Le quartier général de la Deuxième armée générale (第2総軍 (日本軍), Dai-ni Sōgun) créé le 8 avril 1945 à partir de la dissolution du Commandement de la défense générale (防衛総司令部, Bōei Soshireibu) était situé dans un secteur montagneux de la ville à 10 kilomètres du centre, dans le château de Hiroshima.
Hiroshima était un centre d'approvisionnement important et une base logistique pour les militaires nippons. La ville était un centre de communications, un lieu de stockage et de rassemblement pour les troupes. La population de Hiroshima fut mobilisée, comme d'autres cités japonaises, contre l'envahisseur américain : les femmes et les enfants apprenaient à se battre avec des bâtons et à supporter l'effort de guerre que ce soit dans les bureaux ou les usines.
Juste en face du port de la ville, sur l'île d'Okunoshima, était établie une usine de fabrication de gaz toxique affiliée au réseau d'unités de recherche de Shiro Ishii[14]. Avec l'expansion de l'empire, au cours de l'ère Showa, différents types d'armes chimiques y furent produites comme le gaz moutarde, l'ypérite, le lewisite et le cyanure[15]. Ces gaz étaient notamment utilisés contre les soldats et les civils chinois ainsi que dans les expérimentations sur des humains par les unités de Shiro Ishii[15].
La cité fut choisie comme cible, car elle n'avait pas encore subi de raids aériens. Selon le musée national de la ville d'Hiroshima, la ville fut volontairement épargnée par les américains lors des bombardements conventionnels pour mieux évaluer l'impact de la bombe.
Le centre de la ville possédait plusieurs bâtiments en béton armé, de même que des constructions moins solides. En périphérie, les habitations en bois côtoyaient les petits commerces, formant une dense collection de structures légères. Quelques usines s'étaient implantées dans la banlieue. Le risque d'incendie était élevé à Hiroshima : la concentration des bâtiments et les matériaux utilisés étaient propices à une destruction maximale grâce aux effets thermiques de la bombe atomique.Les informations concernant le nombre de personnes présentes dans la ville lors du bombardement sont très variables, allant de 255 000[16] à 348 000 habitants[17]. Les estimations données par les troupes et les travailleurs sont probablement imprécises. Le rapport américain indiquant 255 000 habitants s'était appuyé sur les statistiques de rationnement de riz de juin 1945[16].
Préparatifs
Deux heures après la réussite de l'essai Trinity, les bombes Fat Man et Little Boy prirent le départ depuis San Francisco en direction de Tinian à bord du croiseur Indianapolis. Les Américains avaient prévu deux attaques supplémentaires si la première ne se révélait pas suffisante. Le 26 juillet 1945, elles arrivèrent sur la base américaine. Le 28 juillet et le jour suivant, quatre avions Green Hornet s'envolèrent depuis l'Australie pour apporter les derniers composants nécessaires aux bombes : le cœur en plutonium pour Fat Man et les cylindres en uranium pour Little Boy.
Le capitaine de l'US Navy William Parsons était chargé de la maintenance et l'organisation de l'assemblage des bombes sur place. Il mit en place les différents ateliers nécessaires à cette opération, car on ne savait pas encore combien de bombes seraient employées pour venir à bout du Japon. Pendant ce temps aux États-Unis, la production de matière fissile continuait pour une troisième bombe.
Le seul vecteur possible pour la bombe était le Boeing B-29 Superfortress, unique bombardier lourd capable d'atteindre le Japon à l'époque dont une vingtaine d'exemplaires modifiés pour emporter cette nouvelle arme qui fut construite durant l'été 1945 à l'usine Glenn L. Martin d'Omaha et une unité spécialement créée pour le bombardement nucléaire fut mise sur pied, le 509th Composite Group.
Little Boy fut installée dans un B-29, mais ne fut pas armée. On craignait en effet que l'avion ne s'écrase et que la bombe ne se déclenche accidentellement, pulvérisant immédiatement l'île. Les accidents avec ces bombardiers étaient courants et les militaires ne voulaient pas prendre de risques. Il fut décidé que l'armement se ferait après le décollage, une des phases les plus délicates de la mission. L'équipe s'entraîna sans relâche pour peaufiner la mission et plus particulièrement Parsons qui était chargé d'armer la bombe en vol avec toutes les responsabilités que cela impliquait.
Le commandant de bord Paul Tibbets décida ensuite de baptiser le B-29 avec un nom unique, celui de sa mère (Enola Gay), pour placer l'avion et son équipage « sous une bonne étoile » comme il le dira lors d'une interview. Peu avant le décollage, des journalistes s'étaient amassés autour du bombardier pour immortaliser l'événement.
Le bombardement
Hiroshima était la cible prioritaire pour le bombardement. Le 6 août 1945, le temps était clair au-dessus de la ville. Plusieurs B-29 (dont Jabbit III pour Kokura et Full House pour Nagasaki) avaient été envoyés sur les autres cibles si la mission sur Hiroshima venait à être détournée, mais les autres villes étaient toutes couvertes par des nuages. Le B-29 piloté par Paul Tibbets était parti à 2h45 de l'île de Tinian. L'avion transportait avec lui la bombe Little Boy. Celle-ci fut armée en vol par le capitaine de marine William Parsons après le décollage.
Environ une heure avant le bombardement, les Japonais avaient détecté l'approche d'un avion américain sur le sud de l'archipel. L'alerte fut déclenchée avec des annonces à l'attention de la population et un arrêt des programmes de la radio dans plusieurs villes. L'avion survola Hiroshima et disparut. Cet avion était en fait le B-29 de reconnaissance, Straight Flush, qui signala les bonnes conditions de visibilité pour le bombardement. Les radars japonais détectèrent ensuite un nouveau groupe d'avions à haute altitude mais leur nombre peu élevé, seulement trois, fit que l'alerte fut levée après une dizaine de minutes. Les recommandations pour la population étaient de gagner les abris si un B-29 était visible, mais aucun raid n'était attendu mis à part de la reconnaissance.
Il s'agissait en fait des trois B-29 du raid sur Hiroshima qui évoluaient à plus de 9 500 mètres d'altitude :
- Enola Gay (bombardement)
- The Great Artiste (mesures et relevé de données)
- Necessary Evil (photographies, films).
Le second lieutenant, Morris R. Jeppson, fut le dernier à toucher la bombe lorsqu'il plaça les fusibles d'armement. Peu avant 8 h 15, Enola Gay arriva au-dessus de la ville. L'ordre de bombarder fut donné par Tibbets, le major Thomas Ferebee s'exécuta en visant le pont Aioi, reconnaissable par sa forme en « T », celui-ci constituant un point de repère idéal au centre de la ville. Peu après 8h15, la bombe Little Boy sortit de la soute à une altitude de 9 450 m. À 8 h 16 min 2 s, après environ 43 secondes de chute libre, activée par les capteurs d'altitude et ses radars, elle explosa à 580 mètres à la verticale de l'hôpital Shima, en plein cœur de l'agglomération, à environ 300 m au sud-est du pont initialement visé, libérant une énergie équivalente à environ 15 000 tonnes de TNT.
Une énorme bulle de gaz incandescent de plus de 400 mètres de diamètre[18] se forma en quelques fractions de secondes, émettant un puissant rayonnement thermique. En dessous, près de l'hypocentre, la température des surfaces exposées à ce rayonnement s'est élevée un bref instant, très superficiellement, à peut-être 4 000 °C[19]. Des incendies se déclenchèrent, même à plusieurs kilomètres. Les personnes exposées à ce flash furent brûlées. Celles protégées à l'intérieur ou par l’ombre des bâtiments furent ensevelies ou blessées par les projections de débris quand quelques secondes plus tard l'onde de choc arriva sur elles. Des vents de 300 à 800 km/h dévastèrent les rues et les habitations. Le long calvaire des survivants ne faisait que commencer alors que le champignon atomique, aspirant la poussière et les débris, débutait son ascension de plusieurs kilomètres.
Un énorme foyer généralisé se déclencha rapidement avec des pics de température en certains endroits. Si certaines zones furent épargnées lors de l'explosion, elles devaient par la suite affronter un déluge de feu causé par les mouvements intenses des masses d'air. Cette « tempête de feu » fut similaire à celles observées lors des bombardements incendiaires sur les villes allemandes.
Enola Gay avait entre-temps effectué un virage serré à 155° vers le nord-ouest et rebroussait chemin. Les membres de l'équipage, protégés par des lunettes, purent assister à l'explosion. Bob Lewis, le copilote d'Enola Gay, s'écrie : « Mon Dieu, qu'avons-nous fait ? Même si je vis cent ans, je garderai à jamais ces quelques minutes à l'esprit. »
Le bombardier rentra à Tinian où l'équipage fut décoré pour sa mission et où une grande fête les attendait. Les deux autres B-29 chargés de récupérer des données restèrent suffisamment longtemps autour du site de l'explosion pour photographier le champignon atomique et les dégâts, filmer les alentours et recueillir des informations sur la mission.
Découverte de la destruction par les autorités de Tōkyō
L'opérateur chargé des liaisons radio à Tōkyō, un employé de la Nippon Hōsō Kyōkai, remarqua que la station de Hiroshima ne répondait plus. Il tenta de rétablir la communication via une autre ligne téléphonique, celle-ci s'était également tue. Environ vingt minutes plus tard, le centre ferroviaire qui gérait les télégraphes à Tōkyō réalisa que la ligne principale avait cessé de fonctionner jusqu'au nord de Hiroshima. Tous ces problèmes furent l'objet d'un rapport auprès du poste de commandement japonais.
Le commandement principal tenta à plusieurs reprises d'appeler le centre de commandement de l'armée à Hiroshima. Le silence qui s'ensuivit laissa dubitatifs les responsables de Tōkyō. Ils savaient qu'aucun raid ennemi avec un grand nombre d'avions n'avait eu lieu, les radars n'avaient signalé que quelques avions ici et là. De plus, aucun stock important d'explosifs ne se trouvait à Hiroshima à ce moment-là. Un jeune officier du quartier général japonais fut alors envoyé d'urgence à Hiroshima par avion pour constater les dégâts et retourner à Tōkyō avec des informations sur des destructions potentielles. On pensait qu'il s'agissait juste de quelques lignes coupées par un bombardement isolé.
L'officier se rendit à l'aéroport et prit son envol en direction du sud-ouest. Après trois heures de vol, son pilote et lui distinguèrent un immense nuage de fumée au-dessus de Hiroshima. L'appareil se trouvait pourtant à 160 kilomètres et ne tarda pas à survoler la zone. Ils ne cessèrent de tourner autour de la ville dévastée, les deux membres à bord ne pouvaient croire ce qu'ils voyaient : des incendies à des kilomètres à la ronde, un épais nuage entourant la ville et plus que des ruines. L'avion atterrit au sud de la ville et l'officier prit des mesures après en avoir informé Tōkyō.
La capitale ne sera informée de la cause exacte du désastre que seize heures plus tard. C'est à ce moment que la Maison blanche fit l'annonce publique à Washington[20].
Pendant ce temps à Hiroshima, les secours tardaient à venir et nombreux furent ceux qui périrent durant les premières heures. Une intense soif gagna les habitants, les victimes cherchaient désespérément de l'eau, mais les soldats avaient reçu l'ordre de ne pas donner à boire aux grands brûlés.
Retombées radioactives
Article détaillé : retombée radioactive.Quelques heures après l'explosion, le nuage atomique ayant atteint des zones plus froides et s'étant chargé d'humidité, la pluie se mit à tomber sur Hiroshima. Elle contenait des poussières radioactives et les cendres qui lui donnaient une teinte proche du noir, et a été de ce fait désignée par le terme de « black rain » dans la littérature anglo-saxonne.
Les retombées de produits de fission entraînés par la pluie ont été relativement limitées, comparées à celles consécutives à une explosion au sol (voir le cas de Castle Bravo). Elles ont porté sur une zone de 30 x 15 km au nord-ouest du point d'explosion ; et on estime qu'elles ont entraîné une exposition externe cumulée de 1.8 à 44 rad[21], c'est-à-dire de 18 à 440 mGy (au plus de l'ordre de 0,5 Sievert). Ces niveaux d'exposition sont insuffisants pour entraîner les effets déterministes du syndrome d'irradiation aiguë, mais pour les personnes les plus fortement exposées (plus de 0,1 Sv), ils peuvent peut être conduire à long terme à des effets stochastiques faibles (Par exemple 0,5 Sv (maximum) pourrait correspondre en théorie à un risque de survenue de cancer de 2,5%).
Les victimes
Le nombre des victimes ne sera sans doute jamais connu car les circonstances (ville en partie évacuée, présence de réfugiés venant d'autres villes, destruction des archives d'état civil, disparition simultanée de tous les membres d’une même famille, crémations de masse) rendent toute comptabilité exacte impossible, en particulier des morts survenues dans les premières heures.
- D’après une estimation de 1946 : La population au moment de l’attaque aurait été de 245 000 habitants, de 70 000 à 80 000 auraient été tués et autant blessés[22]
- D’après une estimation de 1956 : sur une population de 256 300 personnes, 68 000 furent tuées et 76 000 blessées[23].
- D’après une autre plus récente : Sur une population de 310 000, de 90 000 à 140 000 personnes furent tuées[24].
- D'après le maire d’Hiroshima lors d'un discours politique en 2005, le total des morts s’élèverait à 237 062 personnes[25], mais ce nombre est à prendre avec précautions.
Blessures liées au flash lumineux et aux incendies
Ces types de blessures retrouvées chez 65 % des survivants blessés de Hiroshima et Nagasaki, furent responsables peut-être de 50 % des décès[26], causés par plusieurs mécanismes :
- Brûlures de la peau découverte par le rayonnement thermique émis pendant une fraction de seconde au moment de l'explosion. Le moindre obstacle opaque a pu apporter une certaine protection : le port de vêtements, en particulier clairs, l’ombre des bâtiments, le feuillage des arbres... C'est peut-être la blessure la plus caractéristique d'une explosion nucléaire.
- Des brûlures du premier degré (érythème évoquant un coup de soleil) furent observées à plus de 4 km (occasionnellement 5 km) de l'hypocentre.
- Des brûlures du troisième degré (mortelles si étendues) sur la peau nue jusqu'à 1,5 km (occasionnellement 2,5 km)[27].
- Les personnes proches de l'hypocentre dont les parties du corps furent exposées au flash ont été instantanément carbonisées jusqu’à l'hypoderme. Elles agonisèrent de quelques minutes à quelques heures[28] (le rayonnement thermique était de l'ordre de 100 c/cm² libéré en l'espace de 0,3 seconde, ce qui est quinze fois plus important que ce qui provoquerait normalement une brûlure au troisième degré).
On estime que le rayonnement thermique a été responsable directement d’environ 20 à 30 % des morts à Hiroshima et Nagasaki[29].
- Brûlures par les flammes : De nombreux incendies éclatèrent dans la ville après l'explosion : en vingt minutes, les feux se réunirent en un seul foyer généralisé, provoquant l'apparition d'une colonne d'air chaud et de vents violents. Cette tempête de feu dura 16 heures et dévasta 11 km2, ce qui ne laissa que peu de chances aux victimes, souvent déjà blessées, qui y étaient piégées[30]. Contrairement aux raids incendiaires conventionnels, l'attaque d'Hiroshima limita considérablement les possibilités de fuite de la population en détruisant une large zone. Ce n'est que lorsque l'ensemble du combustible fut épuisé que le feu s'arrêta. Le nombre des décès liés aux incendies est sans doute très important mais impossible à estimer, car beaucoup de corps ont été détruits par les flammes.
- Un effet secondaire, mais tout aussi mortel, fut l'apparition d'une grande quantité de monoxyde de carbone. Ce gaz entraîna l'asphyxie au milieu du foyer et il y eut certainement peu de rescapés. Cependant, aucun témoignage ne confirme l'assertion d'un dégagement massif de CO[31].
- Enfin, ceux qui avaient les yeux pointés vers la boule de feu eurent la rétine brûlée ou endommagée, provoquant des cécités (le plus souvent réversibles). Cette soudaine incapacité à se déplacer empêcha un grand nombre de personnes de trouver un abri et d'échapper à la mort alors que les incendies se développaient.
Blessures liées à l’onde de choc et à l’effet de souffle
Ces types de blessures furent retrouvés chez 70% des survivants blessés de Hiroshima et Nagasaki, mais elles étaient rarement graves. L’hypothèse la plus probable est qu’immobilisés les blessés graves ont été condamnés quand les incendies se sont développés dans les décombres[32].
- Barotraumatisme (effet direct) : lésions internes par rupture des tympans, des sinus, des poumons ou du tube digestif dues à la variation brutale de la pression au passage de l'onde. De telles lésions ont été peu observées (on n’a retrouvé de lésion des tympans, l’organe le plus fragile, que chez moins de 10% des survivants proche de l’hypocentre)[33].
- Effet indirect, et sans doute bien plus meurtrier :
- Le passage de l'onde de choc provoqua l'effondrement des bâtiments (jusqu'à 2 km dans le cas des habitations en bois). On estime qu’un grand nombre de victimes succombèrent ensevelies sous les décombres, d'autant que des incendies s'y développèrent rapidement.
- En se brisant, le bois, le verre et les autres matériaux de construction se transformèrent en des projectiles mortels. Des blessés présentaient des lacérations jusqu'à 2 km de l'hypocentre.
- Le souffle déplaça brutalement les victimes et les blessa par chute ou écrasement.
Irradiation
Il y a plusieurs causes d’irradiation :
- La principale cause a été l'irradiation instantanée au moment de l'explosion (irradiation externe par neutrons et rayons γ émis par les réactions nucléaires dans la bombe)[34]. Elle a représenté une dose létale pour 50 % des personnes exposées à l’extérieur (soit 4 Gy) à un peu plus de 1 km de distance de l’hypocentre. Les bâtiments, en particulier ceux en béton, ont apporté une certaine protection.
- Beaucoup moins importante (car la bombe a explosé loin du sol) est l'irradiation par la radioactivité induite (activation neutronique) : Au moment de l'explosion, le bombardement par les neutrons a rendu les matériaux près de l'hypocentre radioactifs par formation de radionucléides. Cette radioactivité a diminué rapidement et est restée confinée à une zone où le rayonnement thermique avait normalement déjà presque tout tué. On estime qu'elle représentait le premier jour, au maximum, une dose cumulée de 0,6 Gy. Du deuxième au cinquième jour, elle représentait moins de 0,1 Gy. En quelques jours elle est devenue insignifiante[35].
- Encore moins importante, l'irradiation suite aux retombées radioactives : c'est-à-dire irradiation par les radionucléides produits lors de l'explosion et retombant du nuage atomique sous forme de poussières ou de pluie noire. À Hiroshima, l’explosion ayant été aérienne, il y eut assez peu de retombées car le nuage s'éleva rapidement à très haute altitude où les radionucléides se dispersèrent (dose cumulée totale maximum au sol de 0,4 Gy).
Les signes d’irradiation ont été retrouvés chez 30 % des survivants blessés de Hiroshima et Nagasaki, responsable peut-être de 5 à 15 % des décès[36], souvent par syndrome d'irradiation aiguë. Le nombre exact des décès liés au syndrome d'irradiation aiguë est difficile à déterminer car la plupart de ces victimes présentaient également des brûlures thermiques étendues, rapidement fatales avec une symptomatologie générale assez semblable. Aucun effet des radiations n'a été mis en évidence au-delà de 2,4 km de l’hypocentre.
- La principale manifestation a donc été le syndrome d'irradiation aiguë: De quelques jours à quelques semaines après l’attaque, les victimes irradiées ont présenté une phase de prodromes avec asthénie, céphalées, nausées et vomissements. Après une phase de latence de quelques jours à quelques semaines au cours de laquelle l'état de santé des victimes semblait s’améliorer survenait une aggravation avec asthénie, céphalées, nausées, vomissements, diarrhées, immunodépression, perte des cheveux, hémorragies et éventuellement décès. Au bout de 4 mois et en l'absence de décès, l’évolution s'orientait vers la guérison[37].
- Exposition in utero des fœtus, conséquence de l'irradiation de femmes enceintes. Il a été observé des morts in utero (avortement), des retards de croissance, des retards mentaux ou des malformations (non héréditaires)[38].
Effets médicaux à long terme de l’irradiation
- Les leucémies : À partir de 1947, une augmentation de l’incidence des leucémies a été observée parmi les survivants irradiés. Un maximum fut atteint en 1951, ensuite cette incidence a décliné[39] pour disparaitre en 1985. Sur 49 204 survivants irradiés suivis de 1950 à 2000, il a été observé 94 cas de leucémies mortelles attribuables aux radiations[40].
- Les cancers « solides » : Le suivi des survivants irradiés a montré, à partir de la fin des années 1950, une augmentation progressive de l’incidence des cancers, en particulier ceux du poumon, du tube digestif et du sein. Sur 44 635 survivants irradiés suivis de 1958 à 1998, il a été observé 848 cas de cancers mortels attribuables aux radiations[41].
- Effets médicaux autres que les cancers chez les survivants irradiés : survenue de cataractes, de stérilité (souvent réversible chez l'homme), d’une augmentation de la fréquence des maladies (non cancéreuses) pulmonaires, cardiaques ou digestives avec une possible diminution de la durée de vie. Le nombre de ces décès semble égal au nombre ou à la moitié du nombre de ceux dus aux cancers et leucémies (soit environ de 0,5 % à 1 %)[42].
Le nombre des morts dus aux effets à long terme des bombardements nucléaires est, d'après ces chiffres, dérisoires par rapport à celui des victimes des premiers mois. En mars 2007 au Japon, près de 252 000 personnes encore vivantes sont considérées « hibakusha » (survivants de la bombe). Mais, de ce nombre, moins de 1 % (2 242 exactement) sont reconnues comme souffrant d'une maladie causée par les radiations[43].
Effets sur la descendance de la population irradiée
Les résultats du suivi des descendants des victimes d'Hiroshima et Nagasaki (30 000 enfants de parents irradiés, ce qui représente une population statistiquement significative) n'a pas permis d'observer une augmentation des malformations ou des troubles génétiques[44],[45].
Résistance des constructions
Les bâtiments en béton armé au centre de Hiroshima étaient conçus selon des normes antisismiques. Leur structure résista en général aux incroyables contraintes provoquées par la proximité de l'explosion. Du fait de l'explosion aérienne, le souffle avait une direction plus ou moins perpendiculaire par rapport au sol, ce qui limita peut-être les dégâts. La résistance et la protection qu'offrirent ces structures sont mises en évidence par les chiffres suivants : les chances d'être encore vivantes 20 jours plus tard étaient de 50 % pour les personnes qui se trouvaient au moment de l'explosion à:
- 200 m de l'hypocentre dans un bâtiment en béton (mais chance de survie finale : 12 %)[46].
- 675 m dans un bâtiment (non précisé, bâtiments scolaires).
- 2 km à l'extérieur d'un bâtiment.
Le « Dôme », centre de promotion de l'industrie de Hiroshima dessiné par l'architecte tchèque Jan Letzel, était très proche de l'hypocentre. Ce bâtiment résista au souffle et fut renommé Mémorial de la paix de Hiroshima. Il fait partie des monuments de l'Unesco depuis 1996 malgré les protestations des États-Unis et de la Chine[47].
Les résidences traditionnellement en bois furent complètement rasées par le souffle jusqu'à une distance de 2 km de l'hypocentre. Au-delà et jusqu'à 3 km les dommages étaient importants mais réparables[48], à la condition qu'elles aient survécu aux incendies qui suivirent.
La réaction du gouvernement japonais
Le bombardement de Hiroshima ne modifia en rien l'attitude de Hirohito et du gouvernement qui continuèrent d'ignorer l'ultimatum de Potsdam et ne prirent aucune mesure pour amorcer le processus de reddition, espérant toujours une issue favorable aux négociations avec l'Union soviétique[49]. Le 7 août, Shigenori Tōgō s'enquit encore auprès de l'ambassadeur Satō sur les intentions du gouvernement soviétique[50].
Interrogé sur la question de la responsabilité par rapport à la guerre et au bombardement de Hiroshima par un journaliste de Tōkyō le 31 octobre 1975, l'empereur se fit évasif et tenta de justifier son attitude : « Nous n'avons pas étudié beaucoup cette question littéraire et en conséquence, nous ne la comprenons pas bien et ne pouvons répondre. Pour Hiroshima, c'est très regrettable que les bombes nucléaires aient été larguées et nous sommes désolés pour les citoyens de cette ville. Cela ne pouvait toutefois être empêché (shikata ga nai) car c'est arrivé en temps de guerre. » [51]
Le second ultimatum
Peu après la destruction de Hiroshima et avant de lancer une autre bombe sur Nagasaki, le président Truman lança un nouvel avertissement aux autorités japonaises (traduction du texte original) :
« C'était pour épargner des vies japonaises d'une destruction totale que l'ultimatum du 26 juillet fut formulé à la Conférence de Potsdam. Leurs dirigeants ont immédiatement rejeté cet ultimatum. S'ils n'acceptent pas maintenant nos conditions, ils doivent s'attendre à un déluge de ruines venu des airs comme il n'en a jamais été vu de semblable sur cette Terre. Après cette attaque aérienne suivront des forces marines et terrestres en nombre et en puissance telles qu'ils n'en ont jamais vu et avec les aptitudes au combat dont ils sont déjà bien conscients. »
— White House Press Release Anouncing the Bombing of Hiroshima, August 6, 1945, publié sur le site Web de PBS
Le 8 août, des bombardiers américains inondèrent plusieurs villes nipponnes de pamphlets appelant la population à renverser le gouvernement pour éviter une nouvelle catastrophe. Cette fois, le gouvernement japonais passa sous silence l'ultimatum et ne formula aucune réponse officielle, se concentrant sur une façon d'obtenir de l'Union soviétique la garantie que la Kokutai et les prérogatives de l'empereur seraient protégées[52].
Pris de court par le bombardement de Hiroshima, Staline mit un terme aux négociations avec le Japon et décida d'entrer en guerre contre celui-ci dès le lendemain[50].
Nagasaki
Nagasaki durant la Seconde Guerre mondiale
La ville de Nagasaki était l'un des plus grands ports du sud du Japon et était un pilier du complexe militaro-industriel japonais. Diverses industries y étaient implantées : fabriques d'équipements militaires, entreprises chargées de la munition et des bombes, usines pour la construction de navires et d'avions, etc.
Cet important effort de guerre nécessitait des moyens modernes qui contrastaient avec le reste de Nagasaki : les résidences étaient traditionnelles, avec des structures en bois. Les murs étaient en bois avec parfois du plâtre et les toits étaient couverts de tuiles. Les usines de tailles limitées et les bâtiments commerciaux étaient également construits en bois. Les structures ne pouvaient ainsi résister à de fortes explosions.
Nagasaki s'élargit pendant plusieurs années sans vraiment suivre un plan précis. Les habitations furent placées près des usines dans la vallée et la densité des constructions était élevée. Avant l'attaque atomique, Nagasaki n'avait jamais fait l'objet de bombardements à grande échelle. Le 1er août 1945, quelques bombes de forte puissance furent toutefois larguées sur la ville. Quelques-unes de ces bombes frappèrent le port et les constructions navales dans la partie sud-ouest de la ville. D'autres bombes visèrent les usines Mitsubishi et trois bombes sur six touchèrent l'hôpital de Nagasaki. Malgré des dégâts limités, l'impact sur la population fut important : une partie des enfants fut évacuée vers des zones rurales, accompagnée d'autres personnes.
Le bombardement
Le matin du 9 août 1945 à 3h49, le B-29 Bockscar partit de Tinian en direction du Japon. À son bord, la bombe Fat Man qui devait être larguée sur Kokura. Deux autres B-29 décollèrent peu après : The Great Artiste piloté par Frederick Bock et The Big Stink piloté par le lieutenant-colonel Hopkins.
Après 10 minutes de vol, le commandant Ashworth activa la bombe en chargeant les fusibles et ordonna de ne pas descendre en dessous de 1 500 mètres pour éviter une détonation accidentelle. Les trois avions devaient se donner rendez-vous au-dessus de l'île de Yakushima mais Bockscar ne rencontra que The Great Artiste. Pendant plus de 40 minutes, les deux bombardiers tournèrent autour de l'île. Pendant ce temps, les informations météorologiques données par les avions de reconnaissance arrivèrent : des nuages couvraient partiellement Nagasaki et Kokura, mais le bombardement était normalement possible.
L'autre avion n'apparaissant pas, ils se dirigèrent vers Kokura. Arrivé au-dessus de la ville vers 10h20, l'équipage de Bockscar affronta un nouveau problème : la couverture nuageuse à 70 % empêchait le bombardement. Après trois survols de Kokura, l'escadre se dirigea vers Nagasaki, la seconde cible, pour procéder à un bombardement visuel des principales usines de la ville. Bockscar dut cependant faire face à un nouvel imprévu avec l'impossibilité de disposer du carburant de réserve.
À 7 h 50, une alerte aérienne fut donnée à Nagasaki mais fut rapidement levée aux alentours de 8 h 30. Quand les avions apparurent au-dessus de la ville vers 10 h 56, les Japonais pensèrent qu'il s'agissait d'avions de reconnaissance, alors courants, et aucune alarme ne fut donnée.
Quelques minutes avant l'explosion de la bombe, The Great Artiste largua des instruments attachés à trois parachutes. Des messages à destination du professeur Ryukochi Sagane, un physicien spécialisé dans le nucléaire qui avait travaillé avec trois des membres du projet Manhattan, accompagnaient l'équipement parachuté. Les textes lui demandaient d'avertir le public japonais au sujet des dangers de la bombe atomique, mais ces lettres ne furent trouvées qu'à la fin de la guerre.
À 11 h 02, une percée dans les nuages sur Nagasaki permit au bombardier de Bockscar, le capitaine « Kermit » Beahan, de viser la zone prévue, une vallée avec des industries. Fat Man fut alors larguée et explosa à 469 mètres d'altitude. La détonation eut lieu entre les deux cibles potentielles : l'usine d'aciérie et d'armement de Mitsubishi au nord et l'usine de torpilles Mitsubishi-Urakami au sud.
Trois ondes de choc atteignirent les deux avions. The Great Artiste continua sa mission scientifique autour de Nagasaki pendant que Bockscar se dirigeait vers le sud. Le retour vers Tinian ne se fit pas sans encombre. Sans carburant de réserve, Bockscar risquait de devoir se poser en mer. Sweeney décida d'atterrir à Okinawa, alors sous occupation américaine. C'est quasiment en planant que le bombardier arriva sur la piste, un moteur s'était déjà arrêté en vol. Une vingtaine de minutes plus tard, The Great Artiste atterrissait à son tour accompagné de The Big Stink qui s'était dirigé en solo vers Nagasaki pour prendre des photos.
Les trois avions firent le plein de carburant et retournèrent à Tinian où ils arrivèrent le 9 août à 23 h 30. Les dizaines de minutes supplémentaires passées à attendre The Big Stink permirent à Kokura d'éviter le bombardement suite à une dégradation soudaine des conditions météorologiques.
De même que pour Hiroshima des incertitudes concernant le nombre des victimes existent à Nagasaki. Selon les mêmes sources que nous avions citées à propos de Hiroshima:
- D’après l’estimation de 1946 : 35 000 personnes auraient été tuées et un peu plus blessées.
- D’après celle de 1956 : sur une population de 173 800 âmes, 38 000 furent tuées et 21 000 blessées.
- D’après la plus récente : Sur une population de 250 000, 60 à 80 000 personnes furent tuées.
Il existe à Nagasaki quelques particularités par rapport à Hiroshima :
- l’arme utilisée étant plus puissante (une puissance équivalente à environ 20 000 tonnes de TNT) les dommages proches de l’hypocentre semblent avoir été plus importants.
- l’agglomération étant divisée par plusieurs collines les destructions ont été moins étendues car les reliefs ont protégé certains quartiers.
- l’habitat étant plus diffus la violence des incendies fut plus limitée, ils mirent deux heures pour prendre des proportions importantes, avec une durée de quelques heures et il n'y eut pas de conflagration généralisée.
- l’arme étant d’un modèle différent (bombe à plutonium au lieu d’une bombe à uranium) la répartition du rayonnement γ et neutrons a été différente, ce qui semble avoir modifié la fréquence des types de leucémies observées.
Après les bombardements
Annonce dans la presse
Dès l'annonce par Truman de l'attaque sur Hiroshima, la nouvelle fait le tour du monde. La presse américaine titre « Atomic bomb, World's Most Deadly, Blasts Japan; New Era in Warfare is Opened by U.S Secret Weapon », « Atom Bomb, World's Greatest, Hits Japs ! » ou encore « Japan City Blasted by Atomic Bomb ». Le New York Times couvre largement l'événement, le mot atomique apparaît des centaines de fois dans l'édition du 7 août.
Le gouvernement américain avait veillé à ne pas trop donner de détails sur l'explosion à Hiroshima. Il passe ainsi sous silence les conséquences possibles des radiations dont les effets immédiats ou à moyen terme, encore mal connus à l'époque, ont été, de toute façon, sans commune mesure avec les ravages provoqués par la boule de feu de l'explosion ; de plus, la lente agonie des survivants a surtout été la conséquence des brûlures extrêmes causées par le flash thermique de la bombe. Les militaires voulaient donner l'impression d'être en possession d'une bombe conventionnelle équivalente à plusieurs dizaines de milliers de tonnes de TNT. Aucune photo de la ville de Hiroshima ou du champignon atomique ne sont fournies pour l'édition du 6 août, les journaux se contentent de signaler la position de la ville sur une carte.
En France, L'Aube annonce que « La première bombe atomique a été lancée sur le Japon ». Au Japon, les annonces sont plus discrètes et volontairement faussées, la presse parle de « bombes incendiaires » qui ont causé « quelques dégâts ». Les jours suivants, la situation étant impossible à cacher, les propos se feront plus nuancés en parlant d'un « nouveau type de bombe ».
Dès le 7 août, les militaires confirment la dévastation de plus de 60 % de Hiroshima sans mentionner les pertes humaines. Une photographie aérienne de Hiroshima prise par l'US Air Force est diffusée avec une trentaine de cibles dont seulement quatre objectifs véritablement militaires.
Au fil des jours, des informations seront données pour apaiser la curiosité croissante du public. Les journaux disposent alors de 14 coupures fournies par le Pentagone et les utilisent quasiment sans retouches à la plus grande satisfaction du gouvernement. Ils parlent du projet Manhattan sous des titres encore très flous comme « Atom Bombs Made in 3 hidden Cities » (les bombes atomiques construites dans trois villes cachées). Tibbets et son équipage ne donnent que quelques détails concernant uniquement ce qu'ils ont vu après l'explosion. Parsons indique que sa seule satisfaction fut que la bombe ait correctement explosé et qu'elle « valait la peine pour raccourcir la guerre ».
Presque tous les journaux étaient favorables à la décision de bombarder le Japon. Un léger remords toutefois pour le Washington Post qui écrit :
- Même si nous déplorons cette nécessité [d'attaquer avec la bombe atomique], une lutte jusqu'à la mort oblige tous les combattants à infliger un maximum de dégâts à l'ennemi et ceci dans le plus court laps de temps. (...) Nous exprimons sans réserve notre gratitude à l'égard de la science pour nous avoir donné cette nouvelle arme avant la fin de la guerre.
Les 7 et 8 août 1945, aucun journal ne sera publié à Hiroshima. Trente-cinq ans plus tard, le 6 août 1980, une édition spéciale « Hiroshima Tokuho » (le journal fantôme) relata les faits comme si l'explosion venait de se produire et que ses trois reporters accompagnés d'un caméraman avançaient en direction de l'hypocentre.
La troisième bombe
Après le bombardement de Nagasaki et l'entrée en guerre de l'Union soviétique contre le Japon, les négociations s'activèrent. La fin de la guerre semblait proche mais les États-Unis préparaient le lancement d'une troisième bombe au cas où les deux premières missions n'auraient pas été suffisantes. Le capitaine William Parsons ne fut pas autorisé à quitter l'île de Tinian avant la reddition. Il devait en effet assurer l'approvisionnement et l'assemblage des bombes supplémentaires si le Japon persistait dans le conflit. Les militaires américains voulaient faire croire aux Japonais qu'ils disposaient d'un nombre illimité d'armes nucléaires. Les théories sur la troisième bombe sont multiples mais les témoignages se recoupent sur un point : une bombe supplémentaire ne pouvait pas être prête avant quelques semaines.
On pense également que les militaires avaient eu une grande marge de manœuvre de la part de Truman. Stanley Goldberg fait remarquer que c'est probablement le général Groves qui eut le dernier mot pour le bombardement sur Nagasaki. Groves devait démontrer l'importance de cette bombe pour expliquer l'énorme investissement consenti pour le projet Manhattan.
Dans les archives du général Spaatz, il est mentionné que l'US Air Force désirait larguer la troisième bombe sur Tōkyō si les Japonais ne rendaient pas les armes assez vite. En réponse à cette requête, il était indiqué que la décision avait déjà été prise et que la cible serait Sapporo sur l'île d'Hokkaido.
Le major Charles Sweeney, pilote de Bockscar, prit part au dernier raid contre le Japon le 14 août 1945. Les B-29 les plus importants (Enola Gay et Bockscar) restèrent sur Tinian, de même que The Great Artiste qui contenait tout le matériel nécessaire à l'analyse d'une autre explosion atomique. Deux B-29 s'envolèrent pour les États-Unis afin de charger du matériel et des composants destinés à l'assemblage d'une bombe supplémentaire.
Richard Frank affirme que le général Marshall et le général Groves avaient retardé le transport de la troisième bombe et que celle-ci ne pouvait pas être disponible avant le 21 août 1945. Selon Chuck Hansen, les États-Unis disposaient de deux bombes de type Fat Man à la fin de l'année 1945 mais on ne connaît pas la date exacte de leur assemblage.
Quant aux scientifiques du Laboratoire national de Los Alamos, plusieurs témoignages concordent pour dire qu'un cœur de plutonium était en cours de fabrication et de livraison. Oppenheimer ordonna lui-même, sans un ordre explicite de Truman, de ne pas charger la matière radioactive qui devait prendre la route de San Francisco. Ce morceau de plutonium devait vraisemblablement arriver à Tinian aux alentours du 20 août.
La reddition du Japon
L'invasion soviétique au Mandchoukouo précipita la décision de Hirohito, le 9 août, il demanda à son garde des sceaux Kōichi Kido d'organiser une conférence impériale pour « contrôler la situation » car « l'Union soviétique a déclaré la guerre et débuté les hostilités contre nous »[53]. Au cours de cette conférence tenue dans la nuit du 9 au 10, l'Empereur annonça sa décision de se rendre à l'ultimatum des alliés et demanda la préparation d'une déclaration impériale à la condition que cette déclaration « ne porte pas préjudice aux prérogatives de Sa Majesté à titre de Souverain ».
Le 12, Hirohito informa officiellement la famille impériale de sa décision. Le prince Yasuhiko Asaka, l'un des oncles de l'Empereur, lui demanda alors : « La guerre continuera-t-elle si l'institution impériale et la politique nationale (kokutai) ne peuvent être préservées ? » Ce à quoi Hirohito répondit laconiquement : « Bien sûr. »[54]
Le 14, pendant qu'une tentative de mutinerie d'un petit groupe de militaires opposés à la reddition était matée, Hirohito approuva la déclaration impériale et, le lendemain, livra son célèbre discours à la radio (allocution connue sous le nom de Gyokuon-hōsō). Le rôle de la bombe atomique y était essentiel : elle constituait une « arme nouvelle et terrible » capable de « détruire la nation japonaise »[55], et le seul moyen de sauver des millions de vies japonaises était la reddition. L'entrée en guerre de l'Union soviétique n'y était pas mentionnée.
Le 17, il émit un « édit aux soldats et aux marins » leur ordonnant de déposer les armes et liant sa décision de procéder à la reddition à l'invasion soviétique du Manchukuo, passant sous silence les bombardements atomiques.
Chronologie de la capitulation du Japon (1945) - 8 mai : fin de la guerre en Europe
- 21 juin : l’empire du Japon est défait dans la bataille d'Okinawa
- 9 juillet : planification de Downfall, opération Olympic, ratio de trois contre un au sud de Kyūshū
- 26 juillet : ultimatum remis par les trois Grands depuis Potsdam
- 29 juillet : le conseil impérial refuse sans répondre ; recherche d’une voie diplomatique avec les Soviétiques
- 2 août : Quittant Potsdam, Harry Truman apprend que l’invasion de l'île de Kyūshū prévue par l'opération Olympic est compromise : l’option bombe A est décidée
- 6 août : Enola Gay largue Little Boy sur Hiroshima - Truman déclare « Si [vos dirigeants] n’acceptent pas maintenant nos conditions, ils doivent s’attendre à un déluge de ruines venu des airs comme il n’en a jamais été vu de semblable sur cette Terre. »
- 8 août : l’URSS déclare la guerre au Japon et réalise une attaque de grande ampleur, envahissant le Mandchoukouo, la Corée et le nord de la Chine. Un débarquement aux Îles Kouriles a également lieu
- 9 août : Bockscar largue Fat Man sur Nagasaki
- 14 août : le conseil impérial accepte la capitulation sans conditions
- 15 août : Victory over Japan day (jour de la victoire sur le Japon) ; Hirohito s’adresse à la nation au par le discours connu sous le nom de Gyokuon-hōsō
- 28 août : la troisième flotte américaine entre dans la baie de Tōkyō, occupation militaire du Japon ; l’Armée rouge occupe les Kouriles
- 2 septembre : Douglas MacArthur préside la signature des actes de capitulation du Japon.
Arrivée des Américains
Le 28 août 1945, les Américains débarquent sur l'archipel sous les ordres du général George Marshall. Des groupes d'experts sont envoyés à Hiroshima et Nagasaki. Ils doivent faire un compte rendu de la situation tant au niveau humain que militaire avec la destruction des bâtiments. Les Japonais sont surpris par l'élégance de ces officiers qui se mettent à interviewer des centaines de personnes. Ces témoignages permettront de mieux estimer les effets des bombes sur la population.
Les envoyés spéciaux sont tous abasourdis par l'étendue des dégâts. Le 5 septembre, le journaliste William Burchett publie un compte-rendu dans le Daily Express :
« À Hiroshima, trente jours après la première bombe atomique qui détruisit la ville et fit trembler le monde, des gens qui n'avaient pas été atteints pendant le cataclysme, sont encore aujourd'hui en train de mourir mystérieusement, horriblement, d'un mal inconnu pour lequel je n'ai pas d'autre nom que celui de peste atomique. (…) Leurs cheveux tombent. Des tâches bleuâtres apparaissent sur leurs corps. Et puis ils se mettent à saigner, des oreilles, du nez, de la bouche. Au début, les médecins attribuèrent ces symptômes à un état de faiblesse généralisée. Ils firent à leur patient des injections de vitamine A. Les résultats furent horribles, la chair se mit à pourrir autour du trou fait par l'aiguille de la seringue. (…) Depuis, (les personnes) meurent à la cadence de 100 par jour. »
Dès sa capitulation, le Japon est sous tutelle américaine. Le pays connaîtra un sort similaire à l'Allemagne avec des arrestations des principaux dignitaires. À l'instar du procès de Nuremberg, le tribunal de Tōkyō condamne les accusés pour leurs crimes de guerre, dont Hideki Tōjō qui sera pendu le 22 décembre 1948. L'empereur Hirohito ne sera pas menacé et restera sur le trône jusqu'à sa mort en 1989.
L'office de censure japonais compte environ 6 000 employés en 1946. Ceux-ci sont chargés d'écouter les communications et de limiter le pouvoir de la presse. Les journalistes ne sont pas autorisés à enquêter sur les bombes atomiques et les effets constatés dans les deux villes sinistrées.
Le 3 novembre 1946, la nouvelle constitution, modelée selon les désirs des forces alliées, est adoptée puis définitivement validée le 7 mai 1947. Les États-Unis occupent le Japon jusqu'en avril 1952. Certaines îles ne seront restituées au Japon que dans les années 1970.
Analyse comparative des bombardements américains
Des groupes d'experts de l'armée américaine, envoyés au Japon immédiatement après l'explosion atomique pour analyser les dégâts, ont estimé que la bombe sur Hiroshima était équivalente à un raid aérien de 220 B-29 transportant 1 200 tonnes de bombes incendiaires, 400 tonnes de bombes de forte puissance et 500 tonnes de bombes à fragmentation[56].
À titre de comparaison, le bombardement de Dresde, l'un des plus gros bombardements de la Seconde Guerre mondiale qui dura 3 jours, nécessita 580 bombardiers (B-17 et Avro Lancaster). Au total, 1 554 tonnes de bombes conventionnelles et 164 tonnes de bombes incendiaires anéantirent la ville. Le nombre de morts varie selon les sources[57], se situant dans une fourchette comprise entre 25 000 et 135 000 morts.
Hambourg subira un sort similaire lors de l'opération Gomorrhe, mais sur une durée d'environ 10 jours avec 2 714 avions et 8 650 tonnes de bombes conventionnelles qui firent 40 000 morts[58]. Les historiens estiment que le nombre total d'Allemands tués dans des bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale se situe dans un intervalle compris entre 305 000 (rapport de l'US Strategic Bombing en 1945) et 600 000[59].
La censure puis la déclassification des images
En septembre 1945, la société Nippon Eigasha envoie des équipes de cameramen filmer à Nagasaki et à Hiroshima. Mais le 24 octobre 1945, un policier militaire américain interdit à un cameraman japonais de continuer à filmer à Nagasaki. Les films de Nippon Eigasha sont alors confisqués par les Américains et classés secret défense. Par ailleurs des rush constituant un total de 27 km de pellicule sont filmés à cette époque par les équipes du lieutenant Daniel A. McGovern pour l'U.S. Strategic Bombing Survey, un organisme militaire américain chargé de l'évaluation des bombardements stratégiques. Progressivement réclamés par le gouvernement japonais, déclassifiés et sauvés de l'oubli, c'est seulement à partir de la fin des années 1960 ou le début des années 1970 que les premiers films d'archive en noir et blanc sont montrés au public tant japonais qu'américain. Il faudra attendre les années 1980 pour les premiers films en couleur. Le documentaire Original Child Bomb de Carey Schonegevel paru en 2004 révélait encore des images inédites[60].
Débat sur la décision de procéder aux bombardements
Les arguments pour ces bombardements
Malgré une voie diplomatique discrète qui s'engagea avec les autorités civiles nippones dès janvier 1945 (après l'invasion de Luçon aux Philippines), les partisans des bombardements mirent en avant les problèmes avec les militaires japonais qui refusaient toute négociation. Si certains membres du gouvernement civil firent des efforts en direction de la paix, ils n'avaient pas le pouvoir pour obtenir un cessez-le-feu et encore moins une reddition. En tant que monarchie, le « pays du Soleil-Levant » ne pouvait entamer le chemin de la paix qu'avec le support du cabinet japonais. Mais celui-ci était dominé par les militaires de l'armée impériale et de la marine, un noyau dur qui ne voulait céder sous aucun prétexte. Une scission se forma alors entre l'armée et le pouvoir civil.
La volonté de résistance des Japonais
L'historien Victor Davis Hanson met en évidence la résistance croissante des Japonais, détermination qui apparaît futile après coup puisque le conflit était voué à une issue inéluctable selon lui. La bataille d'Okinawa montra la capacité des Japonais à se battre à n'importe quel prix, les soldats nippons allant même jusqu'à se suicider pour ne pas tomber aux mains de l'ennemi. Plus de 110 000 Japonais et 12 520 Américains furent tués lors de l'affrontement le plus sanglant de la guerre du Pacifique [61]. Les « Marines » durent faire appel au lance-flammes et aux grenades pour éliminer les dernières poches de résistance. Les dernières forces des Japonais, les kamikazes, déferlèrent sur les navires américains et alliés en causant des pertes importantes. Cette bataille (d'avril à fin juin 1945) se termina seulement deux mois avant la capitulation du Japon.
Lorsque l'Union soviétique déclara la guerre au Japon le 8 août 1945 et lança l'opération Tempête d'août, envahissant le nord de la Chine et de la Corée, l'armée impériale ordonna à ses dernières forces en Mandchourie de se battre jusqu'à la mort. Le major général Masakazu Amanu, chef de la section des opérations au quartier général de l'armée, était confiant en ses structures défensives qu'il avait minutieusement préparées dès le début de 1944. Selon lui, les Alliés ne pouvaient pas envahir les îles de l'archipel. Avec la détermination de son armée et le respect du code des samouraï, le Japon était convaincu de l'emporter.
Après la destruction de Hiroshima, le pouvoir civil essaya de convaincre les militaires que la capitulation selon les conditions posées à la Conférence de Potsdam était la seule solution. Après l'anéantissement de Nagasaki, l'empereur Hirohito dut intervenir lui-même pour débloquer la situation politique dans le pays.
D'après certains historiens japonais, les dirigeants civils partisans de la capitulation virent une sorte de délivrance dans les bombardements atomiques. Les deux villes devenaient un argument de choc contre la poursuite du conflit. Koichi Kido, un des proches conseillers de l'empereur, déclara Nous, les partisans de la paix, fûmes aidés par la bombe atomique dans notre quête pour l'arrêt de la guerre. Hisatsune Sakomizu, le secrétaire en chef du cabinet en 1945, décrivit les bombardements comme une occasion en or venue du ciel qui permet au Japon de cesser la guerre.
Plusieurs historiens s'accordent à dire que l'opposition civile avança des arguments qui furent suffisants pour convaincre les militaires de l'inutilité de la poursuite de la guerre : ni le courage sans limite des soldats, ni la détermination lors des combats ne pouvaient aider le Japon contre la destruction totale par les armes atomiques.
Le coût humain d'une prolongation des hostilités
Les partisans du bombardement nucléaire affirmèrent qu'attendre la capitulation du Japon n'était pas une option sans conséquence.
Le juge philippin Delfin Jaranilla, membre du tribunal de Tokyo, chargé de juger certains criminels de guerre du régime shōwa, écrivit en obiter dictum dans son jugement:
- "Si un moyen se justifie par une fin, l'emploi de la bombe atomique était justifié car il mit le Japon à genoux et entraîna la fin de cette horrible guerre. Si la guerre avait duré plus longtemps, sans l'usage de la bombe atomique, combien de milliers et de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants sans défense auraient souffert et trouvé la mort...?"[62]
La poursuite du bombardement des villes japonaises
Plusieurs fois par semaine des vagues de B-29 chargés d'engins incendiaires attaquaient les agglomérations grandes ou moyennes de l'archipel. L'ampleur des dommages était largement comparable en ordre de grandeur aux attaques nucléaires. Si ces raids étaient sur le coup moins meurtriers, leurs effets à long terme étaient aussi terribles, privant des centaines de milliers de personnes d'abris, de vêtements et de ressources, ce qui en ces temps de disette pouvait être synonyme de mort.
Surfaces urbaines détruites (bombardements nucléaires exclus) en km² de juin à août 1945[63] 1-7 juin 8-14 juin 15-21 juin 22-30 juin 1-7 juillet 8-14 juillet 15-21 juillet 22-31 juillet 1-7 août 8-14 août 25,2 0 37,2 10,2 31,3 20,93 18,4 20,5 27,45 5,1 L'attaque d'Hiroshima détruisit 12 km2, alors que celle de Nagasaki détruisit 6 km2.
Le blocus du Japon
À l'été 1945, le blocus du Japon était presque complet. Les sous-marins et l'aviation américaine avaient le contrôle des eaux côtières. Complété par le minage à grande échelle (opération famine), les importations et le transport de marchandises entre les différentes îles de l'archipel s'interrompit presque complètement. La désorganisation de l'économie du pays devait devenir complète avec l'attaque par l'aviation des voies de communications intérieures (voies ferrées...), finissant par isoler les villes entre elles. Si cette opération permettait de réduire à néant la production industrielle nipponne, ses conséquences humaines n’étaient pas nulles. Le Japon étant importateur sur le plan alimentaire, la ration moyenne par tête était tombée de 2000 calories avant guerre à 1900 en 1944. Avant de chuter à 1650 à l'été 1945[64]. Cette situation de malnutrition se serait sans doute aggravée avec le prolongement des hostilités. La famine et les maladies auraient alors été responsables d'un bilan encore plus lourd que celui des bombes atomiques.
L'invasion du Japon
Les Américains prévoyaient à partir de la fin 1945 une invasion terrestre du Japon, l'opération Downfall[65],[66]. Sa durée et son coût humain dépendaient fortement de la résistance de l'armée impériale et de la population japonaise face à l'envahisseur. Elle devait s'articuler en deux parties :
- L'opération Olympic : l'invasion de Kyūshū en novembre 1945 par 767 000 soldats alliés (plus que le débarquement en Normandie, mené par 156 000 hommes !)[67].
- Si l'opération Olympic avait été insuffisante pour obtenir la reddition, il aurait fallu lancer l'Opération Coronet sur Honshū et Tōkyō en mars 1946 avec deux fois plus d'hommes qu'Olympic, impliquant un redéploiement massif des troupes combattantes américaines depuis l'Europe.
Pertes américaines
Le 18 juin 1945, lors d'une réunion avec le Président Truman, le Général Marshall, estima que les pertes (tués, blessés, disparus) des 30 premiers jours de l'invasion de Kyūshū pourraient s'élever à 31 000. Mais l'amiral Leahy fit remarquer qu’elles pourraient aussi être proportionnelles à celle de la bataille d'Okinawa, rendant le bilan bien plus coûteux. En effet, à Okinawa, 180 000 Américains affrontèrent pendant 3 mois 120 000 Japonais : les pertes américaines s'élevèrent à 48 000 (presque le tiers de l'effectif engagé). Avec l'opération Olympic, 767 000 soldats américains auraient dû affronter peut-être 600 000 soldats japonais[68]. Et l'opération Coronet aurait été encore plus meurtrière : 1,4 million d'Américains auraient affronté de 2 à 3 millions de Japonais jusqu'à peut-être la fin 1946. Après la guerre, le président Truman parla de projection de pertes pour l'armée américaine de 0,5 à 1 million. Si l'origine de ces chiffres est inconnue, l'ordre de grandeur ne paraît pas invraisemblable comparé au bilan d'Okinawa.
Pertes japonaises
Dans une autre perspective, il ne faut pas perdre de vue le coût humain d'une telle opération terrestre pour les Japonais. À Okinawa, les soldats de l'armée impériale s'étaient fait tuer presque jusqu'au dernier, et de nombreux civils étaient amenés à se suicider, généralement sous pression de l'armée qui organisait elle-même ces suicides collectifs. Et à cela se serait ajouté le bilan de une ou deux années supplémentaires de famine et de privation pour les populations.
Les prisonniers de guerre
Outre les arguments invoqués précédemment, les Américains pensaient que la bombe atomique serait une solution pour forcer le Japon à libérer les centaines de milliers de prisonniers de guerre[69] et civils enfermés dans les camps de concentration japonais disséminés un peu partout en Asie[70],[71].
La bombe serait également à même d'arrêter les atrocités japonaises en Chine et dans l'ensemble de la Sphère de coprospérité de la grande Asie orientale, ainsi que le travail forcé pour les ressortissants de divers pays asiatiques. Le sort des prisonniers de guerre devint particulièrement préoccupant lorsque le ministre de la guerre ordonna le 1er août 1944 d'exécuter les prisonniers alliés si le Japon venait à être envahi[72]. Il est également probable que le Japon eut mené de telles actions punitives en cas de famine prolongée.
En réponse à l'argument des pertes civiles et des crimes de guerre provoqués par l'utilisation de l'arme atomique, les partisans des bombardements mirent en avant le non-respect total de la convention de Genève par le Japon, que ce soit sur le plan militaire ou civil :
- travail forcé des civils (y compris les femmes et les enfants), dont 10 millions de civils chinois enrôlés dans le seul Mandchoukouo[73];
- utilisation d'armes biologiques et d'armes chimiques contre la Chine, fabriquées par les unités de recherche de Shiro Ishii (dont notamment la peste à Changde, de l'aveu même d'accusés nippons au procès de Khabarovsk[74])
- expérimentation des armes bactériologiques et chimiques par ces mêmes unités sur des milliers de cobayes humains[75]
- crimes contre les prisonniers de guerre et les populations civiles.
L'attaque surprise à Pearl Harbor restait profondément gravée dans les esprits et le Japon était considéré comme un ennemi fourbe qu'il ne fallait plus ménager. Le père John A. Siemes, professeur de philosophie à l'université catholique de Tōkyō et témoin de l'explosion à Hiroshima écrivit :
« Nous avons discuté tous ensemble au sujet de l'éthique derrière l'utilisation de la bombe. Certains la classaient comme les gaz toxiques et étaient contre son utilisation sur des populations civiles. D'autres pensaient que dans la guerre totale menée par le Japon, il n'y avait pas de différence entre les soldats et les civils. La bombe en elle-même était une force efficace pour stopper l'effusion de sang, obliger le Japon à capituler et ainsi éviter la destruction totale. Il me semble logique que celui qui promeut la guerre totale ne peut pas, par principe, critiquer la guerre contre les populations civiles[76]. »
Sur les treize prisonniers de guerre américains présents à Hiroshima le jour de l'explosion, seuls deux survécurent. Le gouvernement américain pouvait se permettre ces quelques pertes collatérales. Elles auraient été probablement supérieures si la menace d'une attaque atomique eut été proférée à l'encontre du Japon avant de procéder au bombardement.
La thèse de l'URSS
Les scientifiques qui travaillèrent sur le projet témoigneront plus tard des pressions exercées à un haut niveau pour terminer la bombe selon un calendrier bien précis. Ce dernier était étroitement lié aux agissements des Soviétiques et leur entrée en guerre prévue pour le 8 août. Certains historiens avancent ainsi la thèse de l'URSS qui prenait trop d'importance et qu'il fallait tenir à l'écart des territoires japonais.
Pour eux, c'est l'imminence de la déclaration de guerre de l'URSS au Japon prévue lors des accords de Yalta trois mois après la capitulation de l'Allemagne (soit au 8 août 1945), qui est le facteur déterminant. En effet, si à Yalta en février 1945, les États-Unis avaient demandé l'aide de l'URSS pour les aider à finir une guerre coûteuse en vies humaines avec le Japon, six mois plus tard, avec leur nouvelle puissance nucléaire ils n'avaient plus besoin de composer avec cet allié encombrant pour terminer le conflit et en partager les profits (zones d'influence, bases militaires, etc.). Les États-Unis voulaient ainsi prouver à Staline qu'ils étaient présents aussi bien à Berlin qu'en Asie, et qu'ils s'opposaient au développement du communisme, du moins au Japon.
On peut ainsi considérer que ces bombardements atomiques étaient en quelque sorte le signe annonciateur de la guerre froide et une démonstration de force de la part des États-Unis à l'encontre de Staline. L'URSS s'impliquera par la suite dans divers conflits en Asie, en particulier la guerre d'Indochine, la guerre de Corée et la guerre du Viêt Nam. Le Japon évitera les effets de l'expansion de la domination soviétique dans la région grâce à cette tutelle américaine.
Autres arguments
Des critiques pensent qu’il existe d'autres arguments qui ont pesé dans la décision des bombardements.
L'opinion publique
Les États-Unis étant une démocratie, les hommes politiques ne pouvaient ignorer l'opinion publique. Truman n'a pas été élu comme président, mais comme vice-président. C'est la mort de son prédécesseur, très populaire, qui lui avait permis d'accéder à ce poste en avril 1945. Dans cette situation, il pouvait être tenté de prendre une décision qui renforcerait rapidement sa popularité, surtout face à l'entourage de l'ancien président qui ne le tenait pas en estime.
- Tous les moyens devaient être utilisés pour abréger le conflit et limiter le nombre de GI's tués (chaque décès correspondant à la perte d'un enfant pour un couple d'électeur). Pour l'historien spécialiste des États-Unis André Kaspi :
« Chacun jugera en son âme et conscience, si Truman a eu raison ou tort, s'il a fait tout ce qu'il fallait faire pour éviter le dernier massacre de la guerre. À condition de ne pas oublier que les Allemands et les Japonais eux-mêmes avaient déclenché le conflit, que des soldats alliés mouraient encore au début de l'été 1945 dans les îles du Pacifique et en Chine, que la découverte des charniers, des camps de concentration et des geôles japonaises de la jungle n'incitait pas à la pitié envers les vaincus[77]. »
- Il fallait laver l'affront de Pearl Harbour.
- Il allait falloir justifier les deux milliards USD investis dans le projet Manhattan.
Les arguments contre ces bombardements
De nombreuses voix se sont élevées contre l'utilisation militaire des bombes atomiques et se sont interrogées sur la nécessité des attaques sur Hiroshima et Nagasaki. Cette décision reste encore fortement critiquée que ce soit au Japon, aux États-Unis ou dans le reste du monde. L'arme atomique a toujours fait peur et dès la fin de la guerre, plusieurs thèses tendent à faire penser que ces bombes n'étaient pas nécessaires pour stopper le conflit.
La bombe atomique : un crime de guerre ?
Aspects moraux
Le projet Manhattan était à l'origine destiné à contrecarrer le programme nucléaire de l'Allemagne nazie. Suite à la défaite du IIIe Reich, plusieurs scientifiques qui travaillaient sur le projet eurent le sentiment que les États-Unis ne devaient pas être les premiers à utiliser de telles armes. Albert Einstein sera réticent face à la bombe et Leó Szilárd, qui était largement impliqué dans le développement de la bombe, dira après la guerre :
« Si les Allemands avaient largué des bombes atomiques à notre place, nous aurions qualifié de crimes de guerre les bombardements atomiques sur des villes, nous aurions condamné à mort les coupables allemands lors du procès de Nuremberg et les aurions pendus. »
L'utilisation du nucléaire à des fins militaires a été qualifiée de « barbare », puisque plusieurs centaines de milliers de civils avaient péri et que les cibles étaient dans des villes fortement peuplées. Durant les préparatifs des bombardements, des scientifiques, dont Edward Teller, firent remarquer qu'il serait préférable d'employer la bombe sur une zone inhabitée ou en plein ciel pendant la nuit, afin d'avertir les Japonais.
L'inhumanité du bombardement aérien de civils avait été fermement dénoncée par Roosevelt le 1er septembre 1939 lors d'un appel aux gouvernements européens[78] :
« Le bombardement aérien sans pitié de civils dans des régions urbaines non fortifiés, au cours des hostilités qui ont fait rage dans différentes parties du monde ces dernières années, qui a mutilé et tué des milliers de femmes et enfants sans défense, a profondément choqué la conscience de l'humanité.
S'il devait y avoir recours à cette barbarie inhumaine pendant la tragique période de confrontation, à laquelle le monde se trouve aujourd'hui confronté, des centaines de milliers de personnes innocentes, qui ne sont pas responsables du conflit, et qui n'y participent même pas, perdraient alors la vie.
J'adresse donc cet appel urgent à chaque gouvernement qui pourrait prendre part aux hostilités, d'affirmer publiquement sa détermination à n'engager, sous aucune circonstance et d'aucune manière, ses forces armées dans le bombardement aérien de populations civiles ou de villes non fortifiées, à condition que les mêmes règles de guerre soient scrupuleusement respectées par leurs adversaires.
Je requiers une réponse immédiate. »
Droit international
Depuis 1945 la légalité des bombardements stratégiques et de l'usage des armes nucléaires reste un point discuté du droit international.
Il a été avancé que l'utilisation d'armes atomiques à grande échelle contre les populations civiles était un crime de guerre, voire un crime contre l'humanité.
- Lors des bombardements, les États-Unis étaient signataires des Conventions de la Haye de 1899 et 1907. La seconde interdit :
- l'emploi de poison ou d'armes empoisonnées (Art. 23)
- l'attaque ou le bombardement, par tout moyen, de villes, villages, habitations et bâtiments non défendus (Art. 24)
Cependant, ces textes sont peut-être insuffisants pour qualifier le crime de guerre : d’une part, Hiroshima et Nagasaki, deux centres militaires d'importance, ne peuvent pas être considérées non défendues. D'autre part, les effets des radiations restent minimes par rapport aux effets de flash thermique et mécaniques de ces armes qui ne pourraient donc être considérés stricto sensu comme empoisonnées (ces termes ont été entendus dans leur sens ordinaire comme couvrant des armes dont l'effet premier, ou même exclusif, est d'empoisonner ou d'asphyxier[79]).
- Avant la guerre, les États-Unis avaient tenté d'interdire le bombardement indiscriminé de civils dans une Convention de la Haye sur les coutumes de guerre, qu'ils avaient signée en 1923. Elle stipulait :
- Le bombardement aérien visant à terroriser la population civile, à détruire ou endommager des biens de nature non militaire ou à blesser des non-combattants est interdit. (Art. 22)
- Le bombardement de cités, villes, villages, habitations et bâtiments hors des environs immédiats des opérations militaires terrestres est interdit. Dans les cas où les objectifs spécifiés au paragraphe 2 sont situés de sorte à ce qu'ils ne puissent pas être bombardés sans un bombardement indiscriminé de la population civile, l'avion doit s'abstenir de bombarder. (Art. 24-3)
Cependant, cette convention n'entra jamais en vigueur.
- La quatrième convention de Genève interdit toute mesure de représailles visant les civils ou leurs biens.
- Cependant, cette convention, signée en 1949, ne s'appliquait pas à l'époque des faits (il est à noter toutefois que l'argument de non-rétroactivité du droit n'a pas empêché les Alliés de condamner des dignitaires allemands pour crime contre l'humanité lors des procès de Nuremberg, bien que la notion fût définie a posteriori).
- La présence de casernes et d'usines participants à l'effort de guerre pourrait faire considérer ces deux villes comme des objectifs militaires légitimes (ces bombardements ne visant alors pas les civils).
Une absence de justification militaire
Les avis divergent quant à la capacité du Japon à résister aux attaques. Pour les opposants à l'atomisation, le Japon était déjà profondément affaibli dès le début de 1945 et la capitulation inéluctable. Le général Dwight D. Eisenhower était de cet avis et en informa Henry Stimson en juillet 1945[80]. L'officier le plus haut gradé dans le théâtre des opérations en Pacifique était le général Douglas MacArthur. Il ne fut pas consulté au sujet des bombardements mais dira après coup qu'il n'y avait pas de justification militaire pour cette attaque. La même opinion sera donnée par l'amiral William Leahy, le général Carl Spaatz (commandant de l'US Air Force dans le Pacifique) et le général de brigade Carter Clarke (officier des renseignements)[81]. Le major général Curtis LeMay[82], l'amiral Ernest King (chef des opérations navales), l'amiral Chester Nimitz (commandant en chef de la marine dans le Pacifique)[83] émettront également des doutes au sujet des bombardements atomiques.
Eisenhower écrira dans son mémoire The White House Years :
« En 1945, le secrétaire de la guerre Stimson, alors en visite dans mon quartier général en Allemagne, m'informa que notre gouvernement était en train de préparer le largage d'une bombe atomique sur le Japon. J'étais de ceux qui avaient le sentiment qu'il devait y avoir un certain nombre de raisons valables pour mettre en doute la sagesse d'un tel acte. Durant son exposition des faits importants, je fus empli d'un sentiment de tristesse et fis part de mon profond désaccord, tout d'abord sur la base de ma conviction que le Japon était déjà battu et que le bombardement était complètement inutile, ensuite parce que je pensais que notre pays ne devait pas choquer l'opinion mondiale par l'utilisation d'une bombe que je ne pensais pas nécessaire pour sauver la vie des Américains[84] »
Plus loin, il ajoute :
« MacArthur pensait que le bombardement était complètement inutile d'un point de vue militaire[85] »
Une étude, le United States Strategic Bombing Survey, organisée par l'armée américaine après la capitulation, consista à interroger des centaines de dirigeants militaires et civils japonais au sujet des bombardements ; il en ressort que :
« D'après une étude poussée de tous les faits et avec l'appui des témoignages de dirigeants japonais encore en vie, le groupe d'étude est de l'avis que le Japon aurait certainement capitulé avant le 31 décembre 1945 et peut-être même avant le 1er novembre 1945. Et cela même si les bombes n'avaient pas été larguées, même si l'URSS n'était pas entrée en guerre, et même si aucune invasion n'avait été planifiée et envisagée[86]. »
Le clivage entre le pouvoir civil et les militaires japonais
D'autres affirment [réf. nécessaire] que le Japon avait essayé de se rendre au moins deux fois, mais les États-Unis refusèrent en insistant pour que la reddition se fasse sans conditions. En fait, alors que plusieurs diplomates favorisaient la capitulation, les chefs militaires japonais préparaient l'armée à livrer une bataille décisive. Les diplomates pensaient qu'ils pourraient mieux négocier les clauses de l'armistice de cette façon. Les Américains connaissaient parfaitement les plans japonais, le chiffrement utilisé par l'armée nippone, le code 97 (ou code Purple) avait été percé par les cryptanalystes.
Cependant, même après l'attaque sur Nagasaki, le Conseil suprême était toujours divisé, Korechika Anami, Yoshijiro Umezu et Soemu Toyoda désirant que soit fait par les autorités japonaises le désarmement des troupes et le jugement des criminels, et insistant sur l'absence de forces d'occupation en sol japonais et la préservation du régime impérial et de l'Empereur. Seule l'intervention directe de l'empereur Showa qui se rallia aux partisans de la dernière demande comme seule condition, mit un terme aux dissensions, sans éviter toutefois une tentative de coup d'État qui fut rapidement contrée.
Une autre critique à l'égard des bombardements concerne la rapidité avec laquelle les États-Unis ont estimé les effets de l'entrée en guerre de l'Union soviétique contre le Japon. Sans recul sur la situation générale, la décision de bombarder aurait été prise de manière hâtive. Les Américains savaient, contrairement aux Japonais, que l'URSS entrerait en guerre trois mois après la victoire en Europe. Comme l'URSS ne pouvait plus jouer le rôle de médiateur dans le conflit et que le monde entrait progressivement dans la guerre froide, il devenait évident pour certains Japonais que le meilleur moyen de conserver l'empereur sur le trône était d'accepter les conditions posées par la partie adverse.
L'invasion de l'archipel n'étant pas imminente, les États-Unis n'avaient rien à perdre à attendre quelques jours pour voir comment la situation évoluerait. La décision de capituler était antérieure aux attaques successives menées par l'URSS en Mandchourie, l'île de Sakhaline et les îles Kuril. Hokkaidō aurait sûrement été envahie par l'URSS avant que les Alliés n'atteignent Kyūshū. Selon cette thèse, le but de la manœuvre était donc de faire comprendre aux Soviétiques de rester à l'écart.
D'autres sources [réf. nécessaire] japonaises indiquent que les bombardements atomiques n'étaient pas la principale cause de la capitulation. La véritable raison avait sa source dans les victoires massives des Soviétiques tout autour du Japon. Les Japonais craignaient plus une occupation soviétique que la présence des Américains sur l'île. Il est clair que les deux parties adverses avaient pesé de tout leur poids dans la décision mais les Japonais étaient persuadés que Staline remplacerait la monarchie par le communisme, chose inconcevable pour eux.
Autres critiques
D'autres pensent encore que des efforts supplémentaires auraient dû être consentis pour réduire le nombre de victimes. Outre ces considérations sur les pertes humaines, le but principal de l'attaque était d'avoir un effet de surprise optimal. La décision des stratèges américains était claire : il ne fallait pas donner d'avertissement avant le largage[87].
Après le bombardement sur Hiroshima, Truman annonça que « s'ils n'acceptent pas nos conditions maintenant, ils peuvent s'attendre à une pluie de ruines qui tombent du ciel ». Le 8 août 1945, des tracts furent largués au-dessus du Japon et des avertissements transmis via Radio Saipan. La zone proche de Nagasaki ne reçut pas de tracts avant le 10 août, soit un jour après l'explosion. La propagande avec des informations imprimées sur de petits morceaux de papier avait pourtant été lancée durant les semaines qui précédaient l'attaque nucléaire.
Un autre sujet de discorde concerne le laps de temps entre la destruction de Hiroshima et celle de Nagasaki. Certaines personnes avancent que les arguments favorables à l'utilisation de la bombe ne s'appliquaient pas à Nagasaki. Dans sa nouvelle semi-autobiographique Timequake, Kurt Vonnegut écrit que si la bombe a sauvé la vie de ses camarades de l'US Air Force, Nagasaki a montré à quel point les États-Unis étaient capables d'une cruauté sans compassion.
De 1945 à nos jours
Hiroshima est désormais une commémoration annuelle pour les japonais. Toutefois, les survivants des Bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki ont été longtemps maltraités par la société japonaise car ils portaient en eux la défaite du Japon. Par ailleurs, les photos des victimes des deux bombardements ont été trafiquées voire détruites par les gouvernements japonais mais aussi par les américains[88]. Les débats sur l'utilité ou non des bombes de Hiroshima et Nagasaki reviennent souvent publiquement en étant un sujet particulièrement sensible[89]. D'autant plus que le pacifisme constitutionnel du pays est remis en question.
Tracts
Le 8 août 1945, des tracts imprimés sur de petites feuilles de papier sont largués sur le Japon[90] :
- 日本の人々に: アメリカ合衆国はこのリーフレットで我々が言うことにあなた方の速やかな注意を向けるよう申し上げる。我々は人類が発明した中でも最も破壊力のある爆弾を所有している。我々が新しく開発した原子爆弾の一つ一つが巨大なB-29爆撃機が単一の任務で積載する爆弾の2000機分に実際に匹敵する。この恐るべき事実はあなた方にとっては熟考するべきものであり、我々は断固としてこれが正確であることを厳粛に保証する。我々はあなた方の国土に対してこの兵器を使用し始めたところである。今だ疑いを持つならば、たった一つの原子爆弾が投下された時、広島で何が起こったかを聞いてみることだ。この無益な戦争を引き伸ばしている軍隊の全ての資源を破壊するためにこの爆弾を使用する前に、天皇に今すぐ戦争を終えることを嘆願するように我々はあなた方に申し上げる。 我々の大統領はあなた方のために名誉ある降伏の13の結果の概略を述べた。あなた方がこれらの結果を受入れ、新しく、より良いそして平和を愛する日本を築き始めることを我々は強く勧める。軍隊の抵抗を終わらせるための行動を今起こすべきである。さもなければ、我々はこの戦争をすみやかに、武力によって終わらせるため、固い決意の下、この爆弾そして更に優れた兵器全てを行使するものである。
- À L'ATTENTION DU PEUPLE JAPONAIS
- L'Amérique demande que vous prêtiez immédiatement attention à ce que vous allez lire sur cette feuille.
- Nous sommes en possession de l'explosif le plus destructeur jamais conçu par l'homme. Une seule de nos bombes atomiques, que nous avons récemment développées, est équivalente à la puissance explosive de 2 000 B-29 lors d'une seule mission. Cette affreuse affirmation doit vous faire réfléchir et nous pouvons vous assurer solennellement qu'elle est terriblement exacte.
- Nous venons juste de commencer à utiliser cette arme contre votre patrie. Si vous avez un quelconque doute, faites une enquête et demandez ce qui s'est passé à Hiroshima quand une seule de nos bombes est tombée sur la ville.
- Avant d'utiliser cette bombe pour détruire toutes les ressources militaires qui permettent de continuer cette guerre inutile, nous vous demandons de faire une pétition à l'attention de l'empereur pour cesser la guerre. Notre président a exposé les treize conséquences d'une capitulation honorable. Nous vous pressons d'accepter ces conséquences et de commencer le processus de construction d'un nouveau Japon, meilleur et en paix.
- Vous devriez prendre maintenant des décisions pour arrêter la résistance militaire. Nous devrons autrement nous résoudre à utiliser cette bombe et toutes nos autres armes supérieures pour cesser rapidement et avec force cette guerre.
Voir aussi
Culture
- Masuji Ibuse ; Pluie noire, Folio, Gallimard (1972), ISBN 2-07-031637-8. Roman publié en 1966 en japonais, adapté au cinéma en 1989 par Shohei Imamura.
- Marguerite Duras ; Hiroshima Mon Amour, Folio, Gallimard (1960), ISBN 2-07-036009-1. Ce scénario de Marguerite Duras a été réalisé par Alain Resnais ; le film présente des images authentiques des effets de la bombe et des victimes.
- Le manga Hadashi no Gen[91], le film d'animation du Studio Ghibli's Le Tombeau des lucioles et le film de Akira Kurosawa Rhapsodie en août sont quelques exemples qui reprennent le contexte de l'époque et les bombardements.
- La pièce musicale de Krzysztof Penderecki, Thrène pour les victimes de Hiroshima, a été écrite en 1960 par le compositeur qui désapprouvait complètement les bombardements. Le 12 octobre 1964, Penderecki écrivait : « La thrène exprime ma conviction la plus ferme que le sacrifice de Hiroshima ne sera jamais oublié ni perdu. »
- Le compositeur Robert Steadman a écrit une pièce pour musique de chambre nommée Chansons des Hibakusha. Elle a été jouée pour la première fois en 2005 à Manchester.
- Le film Les Maîtres de l'ombre (titre original Fat Man and Little Boy) tourné en 1989 reprend dans les grandes lignes l'histoire du Projet Manhattan et des bombardements.
- Le documentaire-fiction Hiroshima qui retrace les préparatifs de la mission sur Hiroshima de Trinity jusqu'à Nagasaki, a été diffusé en août 2005 sur la TSR en Suisse et TF1 en France.
Documents et livres
Les débuts de l'ère atomique ont été souvent abordés dans la littérature. Il est impossible de dresser une liste exhaustive sur un sujet aussi vaste, mais la lecture de quelques-uns de ces ouvrages est conseillée :
- Témoignages
- Bun Hashizume, Le jour où le soleil est tombé - J'avais 14 ans à Hiroshima, Editions du Cénacle de France, 2007 (ISBN 2-916537-01-5). Témoignage autobiographie poignante d'une survivante du bombardement d'Hiroshima.
- John Hersey, Hiroshima, 10/18, 2005 (ISBN 2-264-04117-X). Témoignages de six survivants du bombardement recueillis par l'auteur puis publiés dans le journal New-Yorker en août 1946.
- Keiji Nakazawa, J'avais six ans à Hiroshima, le 6 août 1945, 8 h 15, Le Cherche-midi Éditeur, 1995 (ISBN 2-86274-366-6)
- Kenzaburo Oe, Notes de Hiroshima, Gallimard, 1996 (ISBN 2-07-074277-6)
- Takashi Nagai, Les Cloches de Nagasaki, Casterman, 1956, 1975. Récit et réflexion sur le bombardement par un survivant surnommé le "Ghandi Japonais".
- Paul Glynn, Requiem pour Nagasaki, Nouvelle Cité, 1994. Vie de Takashi Nagai, survivant de Nagasaki. Médecin radiologue qui soigna la population victime de la Bombe et fut une source d'espoir pour tout le Japon de l'après Guerre.
- Essais
- François Besse, Hiroshima, le début de l'ère atomique, Altipresse, 2005 (ISBN 291121837X)
- Samy Cohen, La bombe atomique : la stratégie de l'épouvante, Gallimard, 1995 (ISBN 2070532909)
- Maya Morioka Todeschini, Hiroshima, 50 ans. Japon-Amérique : mémoires au nucléaire, Autrement, 1995 (ISBN 2862605557)
- Michel Hérubel, Hiroshima, Nagasaki ou la fin de l'empire divin, Presses de la Cité, 1999 (ISBN 2258033233)
- Paul Strahern, Oppenheimer et la bombe, je connais !, Mallard, 2000 (ISBN 2843720133)
- Fletcher Knebel & Bailley, Hiroshima bombe A, Paris, Édition J'ai lu, 1964, n° A66/67 de la collection "Leur Aventure"
- Revues
- André Kaspi, « Controverse : fallait-il bombarder Hiroshima ? », dans L'Histoire, n°32, mars 1981
- Paul-Yanic Laquerre, Supporter l'insupportable, la reddition du Japon, 2e Guerre Mondiale #30, décembre-janvier 2010
- Manga
- Keiji Nagazawa, « Gen d'Hiroshima », Vertige Graphics, 2003-2007. L'histoire d'un enfant (l'auteur) né à Hiroshima et âgé de 10 ans en 1945. Cet ouvrage donne une vision quotidienne et réaliste du jour et de la période qui a suivi l'explosion (incompréhension du phénomène, rejet des survivants par les populations rurales avoisinantes, occupation américaine, etc.).
- Fumiyo Kōno, « Le pays des cerisiers », Kana, 2004.
- Saki HIWATARI, « Global Garden le dernier rêve d'Einstein, raconte l'histoire d'adolescent voulant faire le rêve d'Eisntein pour se repentir d'avoir aidé à la création des bombes nucléaires en retrouvant une jeune fille capable de refaire vivre l'abre Yggdrasil pour rétablir l'équilibre.
Liens externes
- Catégorie Bombe atomique de l’annuaire dmoz
- Musées
- (en) Hiroshima Memorial Peace Museum, Hiroshima, Japon. Collection de vestiges et d'objets personnels. Pour une visite virtuelle, cliquez sur English Web Site à droite en haut puis la page suivante sur Main Building.
- (en) Nagasaki Atomic Bomb Museum, Nagasaki, Japon.
Notes et références
- (en) The somatic effects of exposure to atomic radiation: The Japanese experience, 1947–1997
- (en) The Atomic Bombing Of Hiroshima
- Livret de présentation du musée
- Truman’s Motivations: Using the Atomic Bomb in the Second World War
- Nagasaki - The Bomb That Ended World War II - Page 2. » Visité le 6 août, 2005. «
- Atomic Bomb: Decision -- Target Committee, May 10-11, 1945. » Visité le 6 août, 2005. «
- Herbert Bix, Hirohito and the Making of Modern Japan, 2001, p.500-511
- Herbert Bix, Hirohito and the Making of Modern Japan, 2001, p.500-501
- Yasuhito Chichibu, Nobuhito Takamatsu, Takahito Mikasa.
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- Herbert Bix, Hirohito and the Making of Modern Japan, 2000, p. 508.
- Hal Gold, Unit 731 Testimony, 2003, p.57
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