Unite 731

Unite 731

Unité 731

Employé de l'Unité 731 posant devant un charnier.

Créée par mandat impérial, l'Unité 731 était une unité militaire de recherche bactériologique de l'Armée impériale japonaise. Officiellement, cette unité dirigée par Shiro Ishii se consacrait « à la prévention des épidémies et la purification de l'eau », mais elle effectuait en réalité des expérimentations sur des cobayes humains comme des vivisections sans anesthésie ou des recherches sur diverses maladies comme la peste, le typhus et le choléra en vue de les utiliser comme armes bactériologiques[1]. Elle est aujourd'hui reconnue comme responsable de crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Sommaire

Un projet secret d'armement bactériologique

Implantée en 1931 à Beiyinhe dans la municipalité de Wuchang, puis à compter de 1936 à Pingfang, deux localités proches de la ville de Harbin en Mandchourie (aujourd'hui province du Heilongjiang en République populaire de Chine), cette unité procédait en pratique à des expériences sur des prisonniers, en majorité coréens, chinois et russes, dont des femmes et des enfants, fournis en grande majorité par la Kempeitai, la police militaire. Avec l'expansion de l'Empire, d'autres unités furent notamment ajoutées dans des villes conquises comme Nankin (unité 1644), Pékin (unité 1855), Qiqihar (unité 516), Xinjing, Canton (unité 8604) et Singapour (unité 9420).

Les activités de l'unité étaient connues au plus haut niveau du gouvernement et des films sur les expérimentations ou les convois de prisonniers ont entre autres été montrés à Hideki Tōjō et au prince Takahito Mikasa, le plus jeune frère de Hirohito, qui y fait référence dans son journal personnel. Le prince Tsuneyoshi Takeda, cousin de l'empereur, a également visité les installations en qualité d'officier de l'armée du Guandong.

Des armes bactériologiques produites par cette unité ont entre autres été utilisées sur ordre de Hirohito contre les Soviétiques en 1939 et contre les Chinois de 1940 à 1945. Ces ordres étaient transmis par l'intermédiaire du chef d'état-major de l'Armée, en l'occurrence le prince Kotohito Kan'in ou les généraux Hajime Sugiyama et Yoshijiro Umezu.

Shiro Ishii pratiquant une vivisection.

Les cobayes humains de Shiro Ishii

On estime que Shiro Ishii et son équipe ont débuté leurs expériences sur les humains en 1932. Les premiers cobayes étaient des prisonniers condamnés à mort et détenus à la prison de Harbin ou des "résistants" capturés par la Kempeitai. Par la suite, les victimes furent également des soldats chinois, des Russes communistes détenus dans le camp d’Hogoin, des intellectuels, des ouvriers coupables d’agitation, ou simplement des individus soupçonnés de « déloyauté ».

À compter de 1936, avec le déménagement de l'unité à Pingfang, les expérimentations s'étendirent aux femmes et aux enfants et puis, ultérieurement, aux prisonniers de guerre américains détenus au camp de Moukden[a 1].

Ces cobayes humains étaient appelés « maruta », ce qui, en japonais, signifie « billot, bûche ou bille de bois ». A leur arrivée à l’unité 731, on leur attribuait un numéro et ils n’étaient plus considérés comme des êtres humains. La plupart avaient entre vingt et quarante ans[a 2].

Dès 1933-1934, Shiro Ishii avait effectué des expériences sur le choléra et la peste, en se servant de prisonniers. Déjà en 1935, des films avaient été réalisés pour montrer le déroulement de ces expériences aux officiers supérieurs de l’état-major de l'armée du Guandong.

Trois mille personnes ont été sacrifiées à Pingfang. Par un judas aménagé dans la porte d’acier de chaque cellule, les gardiens vérifiaient l’état des marutas enchaînés. Ils voyaient des membres pourris, des bouts d’os qui pointaient hors des chairs noires de nécrose. D’autres suaient dans une fièvre atroce, se tordant et gémissant de douleur. D’autres avaient le corps gonflé, d’autres étaient squelettiques. Certains étaient couverts de blessures ouvertes ou de cloques[a 3].

Quand un détenu survivait à une expérience, il était soumis à une autre, jusqu’à ce qu’il finisse par mourir[a 4].

Deux cents prisonniers peuplaient ces cellules. Deux ou trois mouraient chaque jour. On se livrait à la vivisection de détenus vivants. Certains ont été bouillis vifs, d’autres brûlés au lance-flammes, d’autres congelés, d’autres ont subi des transfusions de sang de cheval ou même d’eau de mer, d’autres ont été électrocutés, tués dans des centrifugeuses géantes, ou soumis à une exposition prolongée aux rayons X. Des détenus ont été complètement déshydratés, c’est-à-dire momifiés vivants. On les desséchait jusqu’à ce qu’ils meurent et ne pèsent plus que un cinquième de leur poids normal. On étudiait également sur eux les effets du cyanure d’hydrogène, d’acétone et de potassium. Certains détenus étaient affamés et privés de sommeil, jusqu’à la mort. D’autres ont été soumis à des expériences de décompression...[1],[a 5]

Selon certaines sources, plus de 10 000 hommes, femmes et enfants seraient morts dans les laboratoires[2]. Selon les travaux publiés en 2002 par le Symposium International sur les Crimes de la Guerre Bactériologique, le nombre de personnes décédées en Chine suite aux expérimentations et à l'usage des armes bactériologiques par l'Armée impériale japonaise s'élève à plus de 580 000.[3]

Fermeture du centre

Les 9 et 10 août 1945, après l'invasion de la Mandchourie et de la Corée par l'armée soviétique, l’armée japonaise de Kwantung a été prise de panique. Son commandant, Yamada, a ordonné la destruction des unités 731 et 100. Tous les marutas ont été tués et six cents travailleurs chinois locaux ont été exécutés à la mitrailleuse[a 6].

Shiro Ishii reçut l'ordre de détruire l'ensemble des bâtiments avant l'arrivée des Russes. Une brigade de sapeurs a donc fait sauter le quartier général de Pingfang. Après avoir effacé les preuves de ce qui s’était passé là, le personnel de Pingfan a été évacué en Corée, au Sud de Séoul. Chacun avait reçu une dose de poison, afin de pouvoir se suicider en cas de capture par les Soviétiques[a 7].

Une partie des ruines du bâtiment avant du complexe de Ping Fang.

Une épidémie de peste suivit le départ des Japonais, provoquant la mort d'environ 20 000 Chinois. Au total, environ 400 000 personnes ont été tuées en raison des germes d'anthrax, de choléra ou de peste que les membres de l'unité 731 avaient répandu sur les villages aux alentours.[4]

En raison d'un pacte conclu en 1946 entre le général Douglas Mac Arthur et Hirohito, les officiers de l'unité n'ont pas comparu devant le Tribunal de Tōkyō. « En échange » les États-Unis ont reçu de Shiro Ishii l'ensemble des résultats des tests menés à l'unité 731, résultats qu'il avait conservés dans sa fuite ; il a ainsi bénéficié d'une totale impunité. Des membres de l'unité ont toutefois été condamnés par les Soviétiques lors d'un procès tenu à Khabarovsk en 1949[a 8].

Les participants à cette entreprise ont été sommés d'occulter toute mention concernant cette production et les connaissances expérimentales acquises durant l'après-guerre, sorte d'invitation à l'oubli. L'opinion publique n'en sait donc rien[a 9].

Fin de l'occultation

En 1981, son existence est rendue publique par la publication d'un rapport scientifique suivi d'un best-seller intitulé Akuma no hosyoku (« La goinfrerie du Diable ») écrit par Seichi Morimura.

La reconnaissance des crimes de l'unité 731 est encore très partielle au Japon. Chapitre oublié dans les manuels scolaires, et nié par les historiens d'extrême droite, l'unité 731 reste inconnue du grand public japonais. Cependant, des avancées sensibles ont eu lieu depuis les années 1990.

Le 27 août 2002, un tribunal japonais a officiellement reconnu l'existence de cette unité, mais pas la réelle nature de ses activités. Le Japon a également implicitement reconnu l'utilisation d'armes chimiques lors de la guerre, en participant au démantèlement d'anciens stocks de bombes toujours enfouis en Chine et en Corée. Certaines de ces bombes étaient fabriquées par l'unité 731.

À la suite de cette déclaration, l'État japonais finance actuellement et contribue à des opérations de déminage des sites de stockage de Mandchourie, le plus important étant resté soixante ans durant en plein air dans la région de Harbin, éloigné de l'ancien complexe industriel de production.

L'un des bâtiments de l'unité 731 est aujourd'hui ouvert aux visiteurs.

En 2006, le médecin militaire de 84 ans Akira Makino, a reconnu avoir procédé entre décembre 1944 et février 1945 à des amputations et des vivisections sur des prisonniers philippins et notamment des enfants alors qu'il était en poste à Mindanao.

« Je n'ai pu refuser d'obéir aux ordres et j'ai fait quelque chose de cruel » a confessé le vétéran de l'unité 33 de la marine impériale. « J'aurais été exécuté si j'avais refusé d'obéir aux ordres. C'était la règle à l'époque. Nous ne devons pas refaire ces horreurs. J'ai la responsabilité de révéler la vérité sur la guerre. »

Selon Makino, les vivisections pouvaient durer entre 10 minutes et 3 heures. Les membres étaient d'abord coupés, puis les organes étaient retirés un à un. Les opérations étaient menées tous les trois jours et ont cessé lors du débarquement des soldats américains[5].

En 2007, Ken Yuasa, médecin ayant pratiqué de 1942 à 1945 des vivisections dans un hopital militaire du Shanxi, affirmait qu'au moins 1 000 Japonais, incluant des médecins, ont participé à des vivisections en Chine[6].

Voir aussi

Documentaires télévisés et oeuvres de fiction

  • La série documentaire Ma no 731 butai qui cherchait des témoignages d'anciens militaires japonais a été diffusée sur la chaîne TBS en 1975 et 1976.
  • Un documentaire de Serge Viallet, Kizu, les fantômes de l'unité 731, a été réalisé en 2004. [1]. Il s'agit d'une enquête au Japon, montrant des témoignages d'anciens militaires japonais, a été diffusée sur France 2 le 29 juillet 2005.
  • Un documentaire de la série World Justice, Unit 731, Nightmare in Manchuria, raconte l'historique de l'unité avec des témoignages d'anciens membres ayant participé à des expérimentations.
  • Le film d'horreur chinois Camp 731 (titre anglais international : Men behind the sun) réalisé en 1988 par Tun Fei Mou, porte sur les expérimentations de l'unité de Shiro Ishii.
  • Le film russe Philosophy of a knife d'une durée de 4 h retraçant les expériences et tortures infligées par l'unité 731.
  • Un épisode de X-Files appelé 731 fait référence à cette unité.
  • Une œuvre de fiction de Romain Slocombe (La crucifixion en jaune, tome 3 : averse d'automne) porte en partie sur les agissements de l'unité 731.

Articles

Notes et références

  1. a  et b V.B, « Unité 731 : Les médecins maudits de l’armée japonaise » sur www.dinosoria.com, juillet 2005, Terra Nova.
  2. (en) Military Medical Ethics, Volume 2 - p.484
  3. Daniel Barenblatt, A Plague upon Humanity, 2004, p.xii, 173.
  4. (en) Doctors of Depravity
  5. « BBC NEWS | Asia-Pacific | Japanese doctor admits POW abuse », BBC News, 26 octobre 2006.
  6. « Vivisectionist recalls his day of reckoning », The Japan Times, 24 octobre 2007 : « J'avais peur lors de ma premìère vivisection ; mais la deuxième fois, c'était beaucoup plus facile. À la troisième reprise, j'étais prêt à la faire de bon coeur. » (I was afraid during my first vivisection, but the second time around, it was much easier. By the third time, I was willing to do it).

Références relatives à L’unité 731 japonaise de guerre biologique de Brunner Franck :

  1. Paragraphe « Les cobayes humains de Shiro Ishii ».
  2. idem
  3. idem
  4. idem
  5. idem
  6. Paragraphe « Destruction de Pingfan »
  7. idem
  8. Paragraphe « Le pacte honteux ».
  9. Paragraphe « Le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient ».
L'autorisation de republication est donnée tout en bas de la page principale L'Intérêt Général.info : « reproduction autorisée en citant la source ».

Voir aussi

Articles connexes

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