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Technétium
Le technétium est l'élément chimique de symbole Tc et de numéro atomique 43. Il est l'élément le plus léger ne possédant pas d'isotope stable. Les propriétés chimiques de ce métal de transition radioactif de couleur gris métallique, rarement présent dans la nature, sont intermédiaires entre celles du rhénium et du manganèse. Son nom provient du grec technetos qui signifie « artificiel » : il a été le premier élément chimique produit artificiellement. Le technétium est aussi le plus léger des éléments découverts par création artificielle.
Le technétium 99m (99mTc), un isotope de faible demi-vie, émetteur de rayons γ est utilisé en médecine nucléaire pour effectuer de nombreux diagnostics. Un autre isotope, le technétium 99 (99Tc), de longue durée de vie, est une source de particules β. De plus, l'ion pertechnétate (TcO4-) a été proposé comme un inhibiteur fort de la corrosion anodique des aciers doux dans les systèmes de refroidissement fermés.
Avant la découverte de cet élément, de nombreuses propriétés furent prédites par Dmitri Mendeleïev. Mendeleïev remarqua une lacune dans sa classification et appela cet élément « ekamanganèse ». En 1937, l'isotope technétium 97 (97Tc) fut le premier élément à être produit artificiellement comme son nom l'indique. La plupart du technétium produit sur Terre est issu de la fission de l'uranium 235 dans les réacteurs nucléaires et est extrait du cycle du combustible nucléaire. Aucun des isotopes du technétium ne possède une demi-vie supérieure à 4,2 millions d'années[1] (98Tc), donc sa détection dans les géantes rouges en 1952 apporta la preuve que les étoiles peuvent produire des éléments plus lourds lors de la nucléosynthèse stellaire. Sur Terre, le technétium existe sous forme de traces en quantité mesurable comme un produit de la fission spontanée d'un alliage d'uranium ou par la capture d'un neutron d'un alliage de molybdène.
Sommaire
Caractéristiques générales
Le technétium est un métal radioactif gris-argent d'apparence semblable au platine ; il se présente généralement sous la forme d'une poudre grise. Il est situé dans la classification périodique entre le rhénium et le manganèse et ses propriétés sont intermédiaires entre celles de ces deux éléments chimiques. Le technétium est très rare sur Terre car il est l'élément le plus léger qui ne possède pas d'isotopes stable. Il ne joue pas de rôle biologique et ne se trouve normalement pas dans le corps humain, ni dans aucun autre être vivant.
La forme métallique du technétium se ternit lentement dans l'air humide. Ses oxydes sont TcO2 et Tc2O7. Ses états d'oxydation sont 0, +2, +4, +5, +6 et +7.[2] Dans des conditions oxydantes, le technétium (VII) va exister sous forme d'ion pertechnétate TcO4- [3]. Le technétium peut bruler dans le dioxygène lorsqu'il se trouve sous forme de poudre grise[4]. Il est soluble dans l'eau régale, l'acide nitrique et dans l'acide sulfurique concentré mais pas dans l'acide chlorhydrique. Son spectre possède des raies spectrales caractéristiques à 363, 403, 410, 426, 430, et à 485 nm[5].
Le technétium est légèrement paramagnétique : il n'est pas magnétique à l'état spontané, mais l'application d'un champ magnétique provoque l'apparition d'un moment magnétique proportionnel à l'intensité du champ et orienté dans le même sens[6]. Il cristallise dans une structure hexagonale compacte. Le monocristal métallique pur de technétium est un supraconducteur de type II avec une température de transition à 7,46 K. Des cristaux irréguliers et des traces d'impuretés augmentent cette température à 11,2 K pour du technétium pur à 99,9 % en poudre[7]. En dessous de cette température, le technétium a une très grande profondeur de pénétration magnétique, la plus grande parmi les éléments après le niobium[8].
Le technétium est produit principalement par les réactions nucléaires et se propage plus rapidement que de nombreux radioisotopes. Il a une faible toxicité chimique. La toxicité radiologique (par unité de masse) dépend de l'isotope, du type de radiation et de la demi-vie de cet isotope. En dépit de l'importance de la compréhension de la toxicité du technétium, les études expérimentales sont en nombre très limité.
Tous les isotopes du technétium doivent être manipulés avec précaution. L'isotope le plus courant, le technétium 99 est un faible émetteur de rayonnement β. Ces radiations peuvent être stoppées par les vitres de protection du laboratoire. De faibles rayons X sont émis par Bremsstrahlung lorsque les électrons sont stoppés, mais ces radiations ne présentent pas de danger tant que le corps humain se situe à plus de 30 centimètres de ces vitres[7]. Le principal danger lorsqu'on travaille avec du technétium est l'inhalation de poussières radioactives. La contamination radioactive dans les poumons est un risque important de cancer[7]. Pour la plupart des travaux avec le technétium, une hotte est suffisante et une boîte à gants n'est pas nécessaire[7].
Histoire
À la recherche de l'élément chimique 43
La place dans la table périodique entre le molybdène (Z=42) et le ruthénium (Z=44) resta longtemps vacante. De nombreux chercheurs avaient l'ambition de trouver cet élément, car sa place dans la table périodique laissait suggérer que la découverte serait plus facile que pour les autres éléments chimiques inconnus. Sa présence fut tout d'abord supposée dans un alliage de platine en 1828 et cet élément fut nommé polinium avant de se révéler être de l'iridium impur. En 1846, l'élément "ilménium" a été déclaré découvert mais il s'agissait en fait du niobium impur. Cet erreur a été répétée en 1847 avec la pseudo-découverte du pelopium[9]. Dmitri Mendeleïev prédisait que l'élément chimique aurait les mêmes propriétés que le manganèse et il lui donna le nom d'eka-manganèse.
En 1877, le chimiste russe Serge Kern rapporta avoir trouvé l'élément manquant dans un alliage métallique. Kern nomma ce qu'il pensa être le nouvel élément davyum en hommage du chimiste anglais Sir Humphry Davy, mais l'élément s'avéra être un mélange d'iridium, de rhodium et de fer. Un autre candidat, le lucium suivit en 1896 mais fut déterminé comme étant de l'yttrium. En 1908, le chimiste japonais Masataka Ogawa crut trouver des preuves de la présence de l'élément 43 dans un minerai de thorianite. Ogawa appela cet élément le nipponium (d'après nippon qui signifie japon). Des examens ultérieurs montrèrent la présence de rhénium dans les plaques photographiques d'Ogawa, mais pas celle de l'élément 43 [10].
En 1925, Walter Noddack, Otto Berg et Ida Tacke (qui devint Mrs Noddack) annoncèrent leur découverte à laquelle ils donnèrent le nom de masurium, mais ils ne réussirent pas à renouveler l'expérience. Le nom masurium vient de Mazurie, une région de l'est de la Prusse, actuellement situé en Pologne, la région dont la famille de Walter Noddack est originaire. Cette équipe a bombardé de la ferrocolumbite avec des électrons et en a déduit la présence de l'élément 43 en examinant le spectre en rayon X. Les expérimentateurs de cette époque ne parvinrent pas à reproduire cette expérience qui fut considérée comme erronée[11]' [12]
En 1998, John T. Armstrong de la National Institute of Standards and Technology lança une simulation numérique de cette expérience de 1925[réf. nécessaire] ; il obtint des résultats assez proches de ceux de l'équipe Noddack. Selon lui, la découverte aurait bien été faite en 1925, d'autant que cela semble étayé par les mesures de la présence naturelle du technétium réalisées par David Curtis au Los Alamos National Laboratory[11]. Cependant, les résultats expérimentaux de Noddack n'ont jamais été reproduits. La question de l'authenticité de la découverte l'élément 43 en 1925 reste débattue.
La découverte du technétium est attribuée à Carlo Perrier et Emilio Segrè qui isolèrent l'isotope 97 en 1937.
Découverte officielle et histoire contemporaine
La découverte de l'élément 43 a été confirmée officiellement en 1937 à l'université de Palerme en Sicile, suite à une expérience dirigée par Carlo Perrier et Emilio Segrè. Au cours de l'été de 1936, Segrè fit un voyage aux États-Unis, d'abord à New York puis à Berkeley au Laboratoire national Lawrence Berkeley, ou il persuada Ernest Orlando Lawrence, l'inventeur du cyclotron, de lui laisser des produits du cyclotron devenus radioactifs. Au début de 1937, Lawrence lui envoya une feuille de molybdène qui avait fait partie du déflecteur dans le cyclotron. Segré fit une liste des expériences de chimie de son collègue Perrier pour essayer de prouver à travers de la chimie comparative que l'activité du molybdène était Z=43, un élément n'existant pas la nature à cause de son instabilité par décroissance radioactive. Avec des difficultés considérables, ils parvinrent à isoler trois produits avec des périodes de décroissance (90, 80, et 50 jours) qui se transformèrent finalement en deux isotopes 95Tc et 97Tc du technétium, le nom donné plus tard par Perrier et Segrè[13].
Les autorités de l'université de Palerme voulurent nommer la découverte panormium en référence à Parnormus[réf. nécessaire], le nom latin de Palerme. Les chercheurs préférèrent s'inspirer du mot grec τεχνητός signifiant artificiel, puisqu'il s'agissait du premier élément chimique artificiel[14]' [9]. Segrè retourna à Berkeley et sollicita Glenn T. Seaborg. Ils isolèrent l'isotope technétium 99m qui est maintenant utilisé dans 10 millions de diagnostics médicaux chaque année[15].
En 1953, l'astronome Paul W. Merrill en Californie détecta la signature spectrale du technétium (en particulier des raies à 403,1 nm, 423,8 nm, 426,8 nm, et à 429,7 nm) dans les géantes rouges de classe S. Ces étoiles massives en fin de vie sont riches en éléments ayant une faible durée de vie, apportant la preuve que des réactions nucléaires ont lieu qui produisent ces éléments. Cette preuve a été utilisée pour soutenir la théorie non prouvée que les étoiles sont le lieu de nucléosynthèse des éléments chimiques les plus lourds[16]. Plus récemment des observations ont apporté la preuve que les éléments étaient formés par la capture des neutrons dans les processus S[7].
Depuis cette découverte, des recherches ont été entreprises afin de détecter la présence de technétium sur Terre à l'état naturel. En 1962, du technétium 99 a été isolé et identifié par B.T. Kenna et P.K. Kuroda[3]dans du pitchblende au Congo belge en très faible quantité (environ 0,2 ng/kg)[7]. Il est produit par la désintégration spontanée de l'uranium 238. Il a également été démontré que le réacteur nucléaire naturel d'Oklo a produit une quantité significative de technétium 99, qui s'est ensuite désintégré en ruthénium 99 [7].
Radioactivité
Le technétium n'a aucun isotope stable ; il est donc exclusivement radioactif. C'est l'élément le plus léger présentant cette propriété. Parmi les 82 premiers éléments chimiques, seuls 2 éléments sont exclusivement radioactifs : le technétium est le premier, l'autre est le prométhéum[3].
Stabilité des isotopes du technétium
Les isotopes les plus stables sont le 98Tc (demi-vie de 4,2 Ma), le 97Tc (2,6 Ma) et le 99Tc (211,1 ka)[1].
Au total, 22 autres isotopes ont été caractérisés. Leur masse atomique varie entre 87,933 u (88Tc) et 112,931 u (113Tc). La plupart d'entre eux ont une demi-vie inférieure à une heure. Les exceptions sont le 93Tc (2,75 heures), le 94Tc (4,883 heures), le 95Tc (20 heures), et le 96Tc (4,28 jours)[1].
Le technétium a de nombreux états métastables : le 97mTc est le plus stable avec une demi-vie de 90,1 jours (0,097 MeV). Il est suivi par le 95mTc (demi-vie: 61 jours ; 0,038 MeV), et le 99mTc (demi-vie : 6,01 heures ; 0,143 MeV). Le 99mTc émet seulement des rayons gamma, pour former le 99Tc[1].
Pour les isotopes plus légers que le 98Tc, l'isotope le plus stable, le mode de décroissance radioactive est la capture électronique qui donne le molybdène. Pour les isotopes plus lourds que le 98Tc, le mode principal de décroissance est l'émission bêta qui donne le ruthénium. Le 100Tc est une exception : il peut subir une décroissance à la fois par capture électronique et par émission bêta[1]' [17].
Le technétium 99 (99Tc) est le plus courant des isotopes du technétium. Un gramme de 99Tc produit 6,2×108 désintégrations par seconde (soit 0,62 GBq/g)[18].
Explication de la stabilité
Le technétium et le prométhéum sont des éléments chimiques légers inhabituels dans le sens où ils ne possèdent pas d'isotopes stables. L'explication de ce phénomène est quelque peu compliquée[19].
A partir du modèle de la goutte liquide décrivant les noyaux atomiques, on peut établir une formule semi-empirique (la formule de Weizsäcker) pour estimer l'énergie de liaison nucléaire. Cette formule prédit l'existence d'une "vallée de la stabilité bêta" dans laquelle un nucléide ne va pas subir de désintégration bêta. Les nucléides qui sont en haut de la paroi de la vallée vont se désintégrer pour « tomber » vers le centre de la vallée, en émettant un électron ou un positron, ou encore en capturant un électron.
Pour un nombre impair fixé de nucléons A, le graphe de l'énergie de liaison nucléaire en fonction du numéro atomique (nombre de protons) a la forme d'une parabole orientée vers le haut, le nucléide le plus stable étant situé à la base de la parabole. Une seule émission bêta ou une simple capture d'électron transforme le nucléide de masse A en nucléide de masse A+1 ou A-1 si le produit a une plus faible énergie de liaison nucléaire et si la différence d'énergie est suffisante pour permettre la décroissance radioactive. Quand il existe une seule parabole, il ne peut y avoir qu'un seul isotope stable sur cette parabole : celui dont l'énergie de liaison nucléaire est la plus élevée.
Pour un nombre pair fixé de nucléons A, le graphe de l'énergie de liaison nucléaire en fonction du numéro atomique est irrégulier et se représente plutôt par deux paraboles pour les numéros atomiques pairs et impairs, car les isotopes ayant un nombre pair de protons et de neutrons sont plus stables que ceux ayant un nombre impair de nucléons.
Dans le cas à deux paraboles, lorsque le nombre de nucléons est pair, il arrive exceptionnellement qu'il existe un noyau stable ayant un nombre impair de neutrons et de protons — c'est le cas pour trois noyaux légers : 2H, 6Li, 10B, 14N. Dans ce cas, il ne peut y avoir d'isotopes stables ayant un nombre pair de neutrons et de protons.
Pour le technétium, (Z=43), la "vallée de la stabilité bêta" est centrée autour de 98 nucléons. Cependant pour chaque nombre de nucléons entre 95 et 102, il existe déjà un nucléide stable de molybdène (Z=42) ou le ruthénium (Z=44). Or le technétium ne peut avoir qu'un seul isotope stable, car il a un nombre impair de protons et ne peut donc avoir d'isotope stable qu'avec un nombre impair de neutrons, maximisant l'énergie de liaison nucléaire ; dans la mesure où il existe déjà des isotopes stables de molybdène ou de ruthénium ayant le même nombre de masse que chacun des isotopes « stables » possibles du technétium, ces derniers auront nécessairement tendance à se transformer en l'un de ces isotopes stables de molybdène ou de ruthénium en changeant un neutron en proton ou réciproquement, respectivement par émission bêta ou par émission de positron ou capture électronique[20].
Gisements et production
Dans la nature
L'isotope le plus stable du technétium (98Tc) ayant une période radioactive de l'ordre du millième de l'âge de la Terre, toute trace de technétium primordial a aujourd'hui disparu du milieu naturel. En revanche, du technétium secondaire peut être trouvé à l'état de traces comme produits de désintégration nucléaire récente d'éléments radioactifs plus lourds, notamment dans les minerais d'uranium.
Depuis sa découverte, beaucoup de recherches ont tenté de trouver des sources terrestres naturelles. En 1962, le technétium-99 a été isolé et identifié en très petite quantité dans l’uraninite provenant d'Afrique comme produit de fission spontanée d'uranium 238. Cette découverte a été faite par B.T. Kenna et P.T. Kuroda. En 1999, David Curtis, du Laboratoire national de Los Alamos, estime qu'un kilogramme d'uranium devrait contenir 1 nanogramme (10-9g) de technétium.
Dans l'espace, quelques étoiles de type géantes rouges contiennent une raie d'absorption dans leur spectre correspondant à la présence de technétium. La présence de cet élément dans les géantes rouges a conduit à la preuve de la production des éléments lourds (nucléosynthèse) dans les étoiles.
Production dans les déchets nucléaires
Si le technétium 99 est très rare dans la nature, il est en revanche produit en quantité significative chaque année, comme produit de fission du combustible nucléaire. La fission d'un gramme d'uranium 235 dans un réacteur nucléaire produit 27 mg de 99Tc, ce qui lui confère un taux de production de 6,1 %[21]. D'autres éléments fissiles permettent également d'en produire avec des taux similaires, par exemple 4,9 % à partir de l'uranium 233 ou 6,21 % pour le plutonium 239 [7].
On estime que jusqu'en 1994, environ 49 000 TBq (78 tonnes) de technétium ont été produites dans les réacteurs nucléaires, ce qui constitue de loin la première source de technétium terrestre[22]. Cependant seule une petite fraction du technétium produit est utilisé commercialement. En 2005, le technétium 99 s'achetait sous forme de pertechnétate d'ammonium pour 83 dollars/g[23]. Cela en fait un élément plus cher que le platine qui n'a jamais été vendu à plus de 72,40 dollars/g.
Puisque le taux de production de technétium comme produit de la fission de l'uranium 235 et du plutonium 239 est faible, il est présent dans les déchets nucléaires des réacteurs à fission et est également produit lors de l'explosion d'une bombe nucléaire. Dans l'environnement, la quantité de technétium produit artificiellement dépasse de plusieurs ordres de grandeur la quantité de technétium naturel. Ce technétium est dégagé lors d'essais nucléaires dans l'atmosphère ainsi que par le rejet et le traitement des déchets nucléaires. Son fort taux de radioactivité et sa longue demi-vie font du technétium 99 un des composants principaux des déchets nucléaires. Sa désintégration, mesurée en becquerels par unité de combustible usé, domine dans un intervalle de 104 à 106 ans après la création du déchet[22].
En 1994, on estimait que 160 TBq (environ 250 kg) de technétium 99 avaient été libérées dans l'environnement à la suite des essais nucléaires dans l'atmosphère[22]. La quantité de technétium produit dans les réacteurs nucléaires et relâchée dans l'environnement se montaient en 1986 à environ 1000 TBq (1600 kg) en tout, principalement dégagé au cours du traitement du combustible usé et rejeté dans la mer. Au cours des dernières années, les méthodes de retraitement ont été améliorées afin de réduire ces émissions. En 2005, la premier source de rejet de technétium 99 dans l'environnement était le site de Sellafield qui a relâché environ 550 TBq (900 kg) entre 1995 et 1999 dans la mer d'Irlande. Depuis l'an 2000, la règlementation limite les rejets à 90 TBq (140 kg) par an[24].
A la suite du retraitement du combustible usé, du technétium a été relâché dans la mer en divers endroits, et se retrouve en quantités faibles mais mesurables dans la faune aquatique. Par exemple, le homard de Cumbrie en contient des traces[25]. Les bactéries anaérobies sporulantes du genre clostridium ont la capacité de réduire le Tc(VII) en Tc(IV). Les clostridia jouent également un rôle dans la réduction du fer, du manganèse et de l'uranium, modifiant ainsi la solubilité de ses éléments dans les sols et les sédiments. Leur capacité à réduire le technétium pourrait déterminer une grande part de la mobilité du Tc dans les déchets industriels et d'autres environnements souterrains[26].
La longue durée de vie du technétium 99 et sa capacité à former des espèces anioniques en fait avec l'iode 129I, un des problèmes principaux dans le traitement à long terme des déchets radioactifs. De plus, beaucoup de procédés conçus pour enlever les produits de fission dans les usines de retraitement sont conçus pour retirer les espèces cationiques comme le césium 137Cs ou le strontium 90Sr. Les ions pertechnétate échappent donc à ces procédés de retraitement. Les solutions de traitement envisagées s'orientent vers l'enfouissement dans des couches géologiques profondes. Le risque principal de cette technique est le contact possible avec l'eau, ce qui pourrait conduire à la contamination de substances radioactives dans l'environnement. Les anions pertechnétate et iodure sont moins facilement absorbés sur les surfaces des minéraux et donc plus facilement mobiles.
En comparaison, le plutonium, le césium et l'uranium se lient plus facilement que le technétium aux particules du sol. Pour cette raison, la chimie environnementale du technétium fait l'objet de recherches intenses[réf. nécessaire]. La démonstration d'une méthode alternative d'élimination du technétium 99, la transmutation nucléaire, a été réalisée au CERN[27]. Dans ce procédé de transmutation, le technétium 99 sous forme d'une cible métallique est bombardé par des neutrons pour former le 100Tc à faible durée de vie (demi-vie de 16s) qui se désintègre aussitôt par radioactivité bêta en ruthénium (100Ru). Si on cherche à obtenir du ruthénium utilisable, une cible de technétium extrêmement pur est nécessaire. Si des faibles traces d'actinides mineurs comme l'américium et le curium sont présentes, elles sont susceptibles de subir une fission et de former des produits de fission qui rendent la cible irradiée encore plus radioactive. La formation de 106Ru (demi-vie de 374 jours) de la "fresh fission" est susceptible d'augmenter l'activité du ruthénium métallique obtenu, ce qui nécessite alors un long temps de refroidissement après l'irradiation et avant que le ruthénium puisse être utilisé.
La production de technétium 99 à partir de combustible nucléaire usé est un procédé long. Il apparait dans le déchet liquide, fortement radioactif. Après plusieurs années, après que la radioactivité a suffisamment diminuée, l'extraction des isotopes avec une longue durée de vie, dont le technétium 99, devient possible. Plusieurs processus d'extraction chimique sont ensuite utilisés qui permettent d'obtenir du technétium métallique très pur[7].
Il est donc préparé en le séparant chimiquement du combustible appauvri des réacteurs. Les deux tiers de la production mondiale de 99Tc proviennent du réacteur national de recherche universel des Laboratoires nucléaires de Chalk River, en Ontario, au Canada[28].
Production par activation neutronique du molybdène ou d'autres éléments purs
L'isotope métastable 99mTc est produit lors de la fission de l'uranium ou du plutonium dans les réacteurs nucléaires. Dans une organisation conventionnelle du traitement des déchets nucléaires, le combustible usagé peut être stocké pendant plusieurs années avant le retraitement, de sorte que la totalité du 99Mo et du 99mTc qu'il contient se soit désintégrée avant d'être séparée des actinides majeurs. Le produit de raffinement PUREX contient une forte de concentration de technétium sous forme de TcO4-, mais il s'agit en quasi-totalité de l'isotope 99Tc.
La majeure partie du 99mTc utilisé en médecine est produite à partir de 99Mo, lui-même produit par activation neutronique de 98Mo. 99Mo a une demi-vie de 67 heures, de sorte que le 99mTc à faible durée de vie (demi-vie égale à 6 heures) qui est produit par sa désintégration est produit en continu[29]. Dans les hôpitaux, on extrait ensuite le technétium de la solution par un procédé chimique en utilisant un générateur de technétium 99m (appelé en anglais technetium cow, vache à technétium, ou encore molybdenum cow). Le générateur de technétium standard est une colonne d'alumine contenant du molybdène 98. Dans la mesure où l'alumine a une très faible section efficace pour les neutrons, la colonne peut être facilement irradiée par des neutrons afin de produire le molybdène 99 radioactif[30].
Une méthode alternative consiste à irradier de l'uranium enrichi afin de produire le 99Mo comme produit de la fission[31]. Mais il faut ensuite séparer le molybdène des autres produits de fission par un procédé chimique complexe que la première méthode ne nécessite pas.
Les autres isotopes du technétium ne sont pas produits en quantités significatives par fission. En cas de besoin, ils sont fabriqués par irradiation de neutrons sur des isotopes parents. Par exemple, 97Tc est fabriqué à partir de 96Ru.
Utilisations
Utilisation en médecine
Article détaillé : technétium 99m.Le technétium 99m est particulièrement intéressant pour les applications médicales : la radiation émise par désintégration de cet isotope a la même longueur d'onde que les rayons X utilisés en radiographie classique, ce qui lui confère une longueur de pénétration adaptée tout en causant des dégâts minimes pour un photon gamma. De plus, la demi-vie très courte de cet isotope conjuguée à la demi-vie relativement longue de l'isotope fils Tc-99 lui permet d'être éliminé du corps avant de se désintégrer à nouveau. Ceci permet de réaliser un diagnostic nucléaire au prix de l'introduction d'une dose relativement faible de radiation dans l'organisme (mesurée en sievert)[7].
Le technétium 99 métastable (99mTc) est le radioisotope le plus utilisé en imagerie médicale nucléaire en tant que traceur[32]. Ses caractéristiques physiques sont presque idéales pour cet usage :
- la demi-vie de 6 heures est assez longue pour permettre de suivre les processus physiologiques d'intérêt, mais assez courte pour limiter l'irradiation inutile.
- l'énergie du photon gamma, 140,5 keV, est idéale puisque assez énergétique pour traverser les tissus vivants, mais assez faible pour pouvoir être détectée commodément : elle peut être absorbée efficacement par un cristal d'iodure de sodium d'épaisseur typique de l'ordre de 10 à 15 mm.
- l'émission de photons gamma est élevée (88,5 photons pour 100 désintégrations). Peu de particules non pénétrantes sont émises, d'où une plus faible absorption d'énergie par les tissus vivants.
De plus, il est facilement disponible dans les hôpitaux grâce à un générateur de technétium (de la taille d'une batterie automobile). Le générateur contient du molybdène 99 radioactif, attaché (adsorbé) sur une colonne d'alumine. Le molybdène se désintègre pour donner du 99mTc, qui est récupéré par rinçage de la colonne (élution) dans une solution physiologique sous la forme de pertechnétate de sodium (Na+ TcO4-).
Fixé à de nombreuses molécules présentant un intérêt biologique, le 99mTc permet d'en suivre la distribution dans le corps humain, grâce à des détecteurs de radioactivité appelés gamma-caméras (voir scintigraphie).
Le 99mTc est notamment utilisé en médecine nucléaire pour le repérage du ganglion sentinelle en particulier dans le traitement chirurgical du cancer du sein.
Le 99mTc est aussi utilisé sous forme de technétium-méthoxyisobutylisonitrile (Tc-MIBI) pour marquer les cellules du muscle cardiaque et faire une scintigraphie tomographique. Cet examen sert à diagnostiquer la présence de tissus non irrigués dans le myocarde.
Le marquage des globules rouges lors d'une scintigraphie ventriculaire, est aussi fait avec du 99mTc sous forme de pertechnétate de sodium. Le but d'une ventriculographie est de caractériser la fonction cardiaque (volume d'éjection, fraction d'éjection, etc...).
La scintigraphie osseuse utilise le Tc combiné à la molécule vectrice HDP ou HMDP.
L'hexa-methyl-propylene-amine-oxime (HMPAO) est une molécule de synthèse qui peut être marquée par le 99mTc. Après injection intraveineuse, l'HMPAO se fixe dans le cerveau (entre autres) quasiment proportionnellement au débit sanguin cérébral. On peut ainsi avoir une idée du débit sanguin cérébral régional en mesurant la quantité d'HMPAO fixée.
Utilisations industrielle et chimique
Le technétium 99 se désintègre par radioactivité β en émettant des particules β de faible énergie mais sans émission de rayons γ. Le taux d'émission décroît très faiblement dans le temps grâce à sa longue demi-vie. Il peut être extrait avec une grande pureté chimique et isotopique des déchets radioactifs. Pour cette raison, il est utilisé comme émetteur de particules β pour l'étalonnage des équipements du NIST[7]. Le technétium 99 a aussi été utilisé en optoélectronique et dans les batteries nucléaires nanométriques[33].
Comme le rhénium et le palladium, le technétium est peut être utilisé comme catalyseur. Pour certaines réactions comme la déshydrogénation de l'alcool isopropylique, il est de loin plus efficace que le palladium et le rhénium. Cependant son activité radioactive pose des problèmes de sûreté[7].
Dans certaines circonstances, une petite concentration (5×10−5 mol/L) d'ion pertechnétate dans l'eau peut protéger le fer et l'acier de la corrosion. Une expérience a montré qu'un échantillon placé dans une solution de pertechnétate pouvait rester intact pendant 20 ans sans être attaqué. Par comparaison, l'ion chromate CrO42− peut également inhiber la corrosion, mais pour des concentrations 10 fois plus élevées. Le pertechnétate a donc été proposé[34] comme inhibiteur de la corrosion anodique bien que sa radioactivité pose problème.
Le mécanisme par lequel le pertechnétate empêche la corrosion n'est pas bien compris, mais semble lié à la formation réversible d'une fine couche à la surface de l'échantillon. Une théorie[réf. nécessaire] soutient que le pertechnétate réagit à la surface de l'acier pour former une couche de dioxyde de technétium qui empêche la corrosion. Ce même effet permet d'expliquer pourquoi il est possible de retirer le pertechnétate de l'eau en la filtrant avec de la poudre de fer. Le même résultat est obtenu en utilisant du charbon actif. L'effet disparait rapidement si la concentration en pertechnétate tombe en dessous de la concentration minimale ou si d'autres ions sont ajoutés en trop forte concentration.
Références dans la littérature
Le technétium est l'élément que parie Qfwfq dans Cosmicomics d'Italo Calvino. Il constitue la mise des paris faits avec le Doyen (k)yK, et vaut à Qfwfq une forte déception lorsqu'il en découvre l'instabilité, et que tout son fonds se volatilise.
Notes et références
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article en anglais intitulé « Technetium ».
- ↑ a , b , c , d et e EnvironmentalChemistry.com, "Technetium", Nuclides / Isotopes
- ↑ The Encyclopedia of the Chemical Elements 1968, p. 691
- ↑ a , b et c Tableau périodique du LANL
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- ↑ The CRC Handbook, 85th edition, Line Spectra of the Elements
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- ↑ a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k et l Schwochau 2000
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Voir aussi
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- Nudat 2 nuclide chart from the National Nuclear Data Center, Brookhaven National Laboratory
- Nuclides and Isotopes Fourteenth Edition: Chart of the Nuclides, General Electric Company, 1989
s1 s2 g f1 f2 f3 f4 f5 f6 f7 f8 f9 f10 f11 f12 f13 f14 d1 d2 d3 d4 d5 d6 d7 d8 d9 d10 p1 p2 p3 p4 p5 p6 1 H He 2 Li Be B C N O F Ne 3 Na Mg Al Si P S Cl Ar 4 K Ca Sc Ti V Cr Mn Fe Co Ni Cu Zn Ga Ge As Se Br Kr 5 Rb Sr Y Zr Nb Mo Tc Ru Rh Pd Ag Cd In Sn Sb Te I Xe 6 Cs Ba La Ce Pr Nd Pm Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu Hf Ta W Re Os Ir Pt Au Hg Tl Pb Bi Po At Rn 7 Fr Ra Ac Th Pa U Np Pu Am Cm Bk Cf Es Fm Md No Lr Rf Db Sg Bh Hs Mt Ds Rg Cn Uut Uuq Uup Uuh Uus Uuo 8 Uue Ubn * Ute Uqn Uqu Uqb Uqt Uqq Uqp Uqh Uqs Uqo Uqe Upn Upu Upb Upt Upq Upp Uph Ups Upo Upe Uhn Uhu Uhb Uht Uhq Uhp Uhh Uhs Uho ↓ g1 g2 g3 g4 g5 g6 g7 g8 g9 g10 g11 g12 g13 g14 g15 g16 g17 g18 * Ubu Ubb Ubt Ubq Ubp Ubh Ubs Ubo Ube Utn Utu Utb Utt Utq Utp Uth Uts Uto Métalloïdes Non-métaux Halogènes Gaz rares Métaux alcalins Métaux alcalino-terreux Métaux de transition Métaux pauvres Lanthanides Actinides Superactinides Éléments non classés - Portail de la chimie
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