Morphine

Morphine
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Morphine
Morphine
Morphine
Général
Nom IUPAC 7,8-didéhydro-4,5-époxy-17-méthylmorphinan-3,6-diol
No CAS 57-27-2
No EINECS 200-320-2
Code ATC N02AA01
DrugBank DB00295
PubChem 5288826
SMILES
InChI
Apparence Poudre blanche • Solution limpide
Propriétés chimiques
Formule brute C17H19NO3  [Isomères]
Masse molaire[1] 285,3377 ± 0,016 g·mol-1
C 71,56 %, H 6,71 %, N 4,91 %, O 16,82 %,
pKa 7,9
Propriétés physiques
T° fusion 195 à 200 °C
T° ébullition 254 °C
Masse volumique 1.31
Précautions
Directive 67/548/EEC
Nocif
Xn
Phrases R : 22,
Classe thérapeutique
Analgésique opioïdeStupéfiant
Données pharmacocinétiques
Biodisponibilité Orale : ~30 %
Sous-cutanée : ~50 %
Liaison protéique 3040 %
Métabolisme Hépatique (90 %)
Demi-vie d’élim. 2 à 3 heures
Excrétion Urinaire (90 %)
Biliaire (10 %)
Considérations thérapeutiques
Voie d’administration Orale, sous-cut., IV, IM,
péridurale, intrathécale
Grossesse Utilisable, dans
certaines conditions
Conduite automobile Dangereuse
Précautions Dépresseur respiratoire
Antidote Naloxone
Caractère psychotrope
Catégorie Stupéfiant
Mode de consommation Absorption, inhalation,
injection
Risque de dépendance Très élevé en cas d'usage
non thérapeutique
Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

La morphine (du grec Μορφεύς, Morphée dieu du sommeil et des rêves) est un alcaloïde de l'opium utilisé comme médicament contre la douleur (analgésique). Découverte en 1804, sa nature chimique et son usage pharmaceutique furent établis dans les années suivantes par l'Allemand Friedrich Wilhelm Sertürner. Son emploi en tant que drogue au début du XXe siècle posa de nombreux problèmes dus à la dépendance qu'elle induit. Aussi est-elle listée comme stupéfiant au niveau international.

Principal alcaloïde issu du pavot somnifère, la morphine est considérée comme la référence à laquelle sont comparés tous les autres analgésiques en termes d'efficacité. Elle est le plus souvent utilisée sous la forme d'un sel, de sulfate ou de chlorhydrate, d'efficacités identiques. À ce jour, la morphine est le médicament analgésique le plus efficace pour soulager divers types de douleur physique.

Sommaire

Découverte

La morphine fut découverte simultanément en 1804 par Armand Seguin et Bernard Courtois, ainsi que par Charles Derosne, mais c’est à F. W. Sertürner, pharmacien de Hanovre, que revient le mérite (dans ses travaux publiés en 1805-1806 et 1817) d’avoir vu que la substance cristallisée isolée était un alcaloïde « alcali végétal ». C'est le premier alcaloïde connu et Sertürner le nomme aussitôt morphium car ses effets rappellent le dieu des songes de la Grèce antique, Morphée.

« L'année suivante, il fit partie des jeunes chimistes qu'Armand Séguin plaça dans le laboratoire qu'il venait d'ouvrir, pour travailler à l'avancement d'une science à laquelle il devait son immense fortune. Dans la répartition des travaux que Séguin voulait entreprendre, Courtois fut désigné pour l'étude de l'opium. Il se consacra avec dévouement à ces recherches et il parvint à isoler de l'opium un corps cristallisé, doué de réactions alcalines, et susceptible de se combiner avec les bases. Cependant, comme il obtenait cette substance par l'intermède de l'ammoniaque, il n'osa pas affirmer que celle-ci fût étrangère aux propriétés alcalines qu'il accusait. Plus hardi que lui, Serturner donna le nom d'alcali végétal à la substance cristalline que Courtois avait découverte, et il eut l'honneur de mettre la science sur une voie nouvelle, en révélant l'existence d'une série de corps, aujourd'hui désignée sous le nom d'alcaloïdes. Le travail de Courtois donna lieu à un mémoire sur l'opium que Séguin lut à l'Institut, le 24 décembre 1804, et qui ne fut inséré que dix ans après, dans les annales de chimie. L'alcaloïde de l'opium y était si nettement indiqué, que Vauquelin n'hésita pas de réclamer en faveur de Séguin la priorité de sa découverte de la morphine, lorsque Serturner publia son travail (1816). Mais ce travail était réellement le fruit des habiles recherches de Courtois. »

— Paul-Antoine Cap, Études biographiques pour servir à l'histoire des sciences, 1857

Histoire[2]

La morphine (Codex 1818) et ses sels (Codex 1866) est l'analgésique par excellence des syndromes douloureux, aigus ou chroniques. Elle va rencontrer l’invention de la seringue hypodermique à aiguille creuse mise au point en 1850 par le médecin lyonnais Charles Pravaz. L’injection intraveineuse d’un principe actif d’une plante est réalisée pour la première fois dans l’histoire des sciences. La morphine fut ainsi le premier médicament réellement puissant et inaugura l’ère moderne de la pharmacologie et de la médecine. À partir de cette date, une utilisation massive de la morphine contre la douleur devient possible tant à l'hôpital que sur les champs de bataille.

Ampoule de morphine avec aiguille hypodermique pour injection immédiate, période de la guerre de 1939-1945.

C'est cet usage sous sa forme injectable sur les champs de bataille (guerre de Sécession aux États-Unis, guerre de Crimée en Russie, guerre austro-prussienne, guerre franco-prussienne de 1870 en Europe...) notamment pour les amputations qu'elle rend supportables qui va être à l'origine de ce que l'on appela alors la « maladie du soldat » puis morphinisme et enfin morphinomanie. Les premières descriptions de morphinomanie apparaissent dès 1871 d'autant qu'elle est alors en vente libre dans de nombreuses préparations pharmaceutiques artisanales pour soigner les maux les plus divers. En 1877, le Dr Levinstein et le pharmacologue Louis Lewin introduisent la notion de manie issue de la psychiatrie, alors naissante, et décrivent pour la première fois ce que l'on appellera toxicomanie stigmatisant pour le grand public la morphine dans cette image péjorative. Son prix moins accessible que l'alcool en fait un produit en vogue dans l'aristocratie jusqu'au début du XXe siècle et nombre de personnages connus sont réputés pour leur morphinomanie (Baudelaire, John Pemberton, Bela Lugosi, Hermann Göring, Otto von Bismarck, Alphonse Daudet, le général Boulanger, Edith Piaf...).

Outre son usage comme antidouleur (analgésique), elle était utilisée aux États-Unis d'Amérique pour soigner toute une gamme d'affections mentales (alcoolisme, dépression, psychose maniaco-dépressive, hystérie, les mères en donnaient à leurs enfants pour les endormir, etc.) jusqu'aux mesures prises par l'Opium Act en 1906 (qui prohibent la production, le commerce, la détention et l'usage des drogues d'opium et ses dérivés aux États-Unis). Et c'est à l'initiative des États-Unis que se tiendront les premières conventions internationales sur les stupéfiants dont la Convention Internationale de l'Opium qui réglemente spécifiquement la morphine et sur laquelle se sont moulées la plupart des lois anti-drogue mondiale jusqu'à nos jours.

Ce n'est qu'en 1925 que sa structure moléculaire complexe est établie par le chimiste britannique Robert Robinson (1886-1975).

Au début des années 1950, on redécouvre les bienfaits de la morphine grâce au cocktail de Brompton, mais en le réservant pour apaiser les souffrances à la fin de la vie.

À partir de 1952, il est possible de synthétiser chimiquement la morphine ou ses dérivés. L'extraction de l'opium restera utilisée malgré tout du fait de son coût plus faible que la méthode industrielle. Néanmoins, la synthèse chimique donnera naissance à des composés chimiques de structure proche mais d'effets différents comme le levorphanol (puissant analgésique) ou le dextrorphane.

En France, Henri Laborit élabore un cocktail injectable associant opiacés et neuroleptiques qui fut utilisé pendant la guerre d'Indochine pour faciliter le transfert des blessés vers l'arrière où on pouvait les opérer. Ce mélange fut précurseur de la neuroleptanalgésie.

À partir des années 1970, l'utilisation de la morphine augmenta du fait des infirmières, qui les plus à l'écoute de la douleur de leurs patients, réclamèrent une meilleure prise en charge de la douleur. Parallèlement, la recherche fondamentale fit de grands progrès dans la compréhension du fonctionnement de la morphine.

En 1973, des chercheurs suédois et américains mettent en évidence, in vitro, l'existence de récepteurs spécifiques aux opioïdes au niveau du système nerveux central.

En 1975, en Écosse, Hughes et Kosterlitz partent de l'hypothèse que la morphine "végétale" doit prendre la place sur les récepteurs de molécules endogènes. Ils découvriront ainsi les endomorphines, "morphines" naturellement produites par le corps humain, qu'ils nommeront enképhalines. Cette découverte ouvrira la voie à une multitude d'autres qui permettront dans les années 1980 de mieux comprendre le fonctionnement de la douleur et de l'action de la morphine.

Dans les années 1980, on continua le progrès dans l'adaptation des doses aux besoins des patients et on découvrit de nouvelles voies d'administration (voie médullaire, voie cérébro-ventriculaire, voie intraveineuse ou sous-cutanée continue). On voit aussi apparaître les premiers comprimés ou gélules à action prolongée qui permettent au patient de ne prendre qu'une dose toutes les 12 heures et retrouver ainsi une part de son autonomie. Des versions à une seule prise par jour apparaîtront dans les années 1990.

Mode d'action

Le mode d'action exact des opiacés reste inconnu. On considère que la morphine agit sur le système nerveux central (système limbique et hypothalamus) par saturation des récepteurs aux opiacés (nommés récepteurs Mu), impliqués dans le phénomène de perception de la douleur. L'action de la morphine sur les récepteurs opiacés dans le reste du corps est à l'origine des effets secondaires : constipation, dépression respiratoire, etc.

Formes pharmaceutiques

La morphine existe sous différentes formes selon l'usage ciblé :

  • Voie parentérale :
    • injection intraveineuse ;
    • injection sous cutané ;
    • injection intraveineuse en perfusion : en général cet usage est réservé aux patients sous assistance respiratoire ;
    • injection péridurale ;
    • injection intrathécale ;
    • les pompes à morphine sont de plus en plus utilisées en soins post-opératoires ou en soins palliatifs  ;(PCA Page d'aide sur l'homonymie)
  • Voie orale :
    • comprimé ou gélule;
    • comprimé ou gélule à libération prolongée (LP) : utilisés dans le traitement des douleurs chroniques. Il existe des versions en gélule à deux prises par jour (BID) et plus récemment des versions à une prise par jour (OAD, de l'anglais "Once a day")[3]. Dans les deux cas, le comprimé ou la gélule ou son contenu a subi un traitement afin d'obtenir une libération étalée dans le temps ;
    • Sirop;
    • Solution buvable.

La dose requise dépend de la voie d'administration, la morphine par voie orale subissant un premier passage hépatique, seulement 30 % de la dose ingérée est utilisé par le corps. Il existe donc des tableaux d'équivalence (pour l'adulte) :

Voie orale Sous-cutanée Intraveineuse péridurale Intrathécale
1 mg·kg-1·j-1 0,5 mg·kg-1·j-1 0,3 mg·kg-1·j-1 0,1 à 0,05 mg·kg-1·j-1 0.02 à 0,005 mg·kg-1·j-1

Mode d'utilisation

La mise en route d'un traitement par morphine dépend de l'indication.

  • Dans le cas du traitement d'une douleur aiguë, (fracture ouverte lors d'une évacuation vers les centres de soins, réduction de luxation très douloureuse comme la hanche ou l'épaule) on réalise une titration de la dose de morphine. On commence par diluer l'ampoule de 10 mg dans une seringue de 10 ml de sérum physiologique puis on réalise une première injection dont la dose est précisément 0,1 mg·kg-1 (soit 7 mg pour une personne de 70 kg) puis on renouvelle l'injection à demi dose (soit 0,05 mg·kg-1) toutes les cinq minutes jusqu'à obtenir un effet analgésique suffisant. Le niveau de la douleur s'évalue au départ et par la suite grâce à des "échelles" visuelles ou numériques. Toute injection morphinique par voie intraveineuse doit être réalisée sous surveillance stricte du patient comprenant son état de conscience, sa fréquence ventilatoire et si possible sous monitorage de la tension, de la fréquence cardiaque et de la saturation artériolaire en oxygène étant donné le risque de dépression respiratoire.
  • Dans le cas de douleurs chroniques, la mise en route du traitement par morphine vient en remplacement d'un autre traitement antalgique. On estime que la dose de départ correspond à environ 1mg/Kg/jour, c’est-à-dire que pour un adulte de soixante kilogrammes, la dose initiale journalière débutera à 60 mg par jour sous forme orale, 30 mg par jour en injection sous cutanée…etc. Le titrage s'effectue progressivement en fonction de la réponse antalgique ressentie par le patient. Les doses sont augmentées régulièrement par palier de 60 mg quotidien. Après 3 jours à une dose (par exemple 60mg/j PO), si la réponse antalgique est insuffisante, la dose est augmentée de 60 mg par jour (cad 120mg/jour PO) et ainsi de suite jusqu'à la satisfaction du patient. Il est à noter qu'il n'y a pas de dose plafond (limite) pour l'administration de la morphine, ce sont les effets indésirables qui en limitent l'usage. Un patient souffrant d'un cancer en phase terminale avait commencé à une dose de 20 mg aux quatre (4) heures pour finir avec une dose de 800 mg aux quatre (4) heures. À cause du phénomène de tolérance (le corps s'habitue au médicament et celui-ci est moins efficace) la dose doit être augmentée régulièrement et cela même si la douleur n'a pas augmenté.

Effets indésirables

La morphine possède de nombreux effets secondaires dus à son mode de fonctionnement dont les plus fréquents sont les troubles digestifs (la constipation, les nausées et vomissements). En cas d'administration de longue durée des troubles du système nerveux central (somnolence, vertiges, stimulation excessive) peuvent apparaitre. Les nausées et les vomissements vont disparaître d'eux-mêmes mais la constipation doit être traitée. Il existe également des troubles cardio-respiratoires (hypotension, bradycardie, bradypnée, dyspnée, dépression respiratoire), troubles du comportement (euphorie, agressivité). Il y a six points à retenir pour les effets indésirables lors des traitements, il est indispensable de surveiller leurs apparitions :

  1. Somnolence avec plus ou moins de troubles cognitifs ;
  2. Nausées et vomissements surtout au début de l'administration ;
  3. Prurit (rare) ;
  4. Rétention urinaire ;
  5. Bradypnée (lors de surdosage) ;
  6. Dépression respiratoire (lors de surdosage).

Morphine et dépendance

Comme tout opiacé, la morphine provoque une dépendance physique et est susceptible de provoquer une dépendance psychologique dans certains contextes précis hors du contexte médical. Sa prescription engage la responsabilité des médecins puisque c'est un produit qui peut engendrer une toxicomanie ou faire l'objet d'un trafic illicite. Sous contrôle médical, la prescription stipule des prises à heure fixe et contrôlées qui permettent la prise avant la réapparition de la douleur afin d'éviter toute association entre médication et soulagement immédiat ainsi qu'un arrêt progressif permettant d'éviter le syndrome de sevrage. Afin d'éviter l'apparition d'une dépendance psychologique le médecin ne devrait jamais prescrire la morphine "au besoin" mais à intervalles réguliers. La tolérance (le corps s'habitue au médicament et nécessite une augmentation de la dose pour obtenir le même effet thérapeutique) qui se développe est un phénomène normal et ne doit pas être vécu par le patient ou le médecin comme un signe d'une éventuelle toxicomanie, dans un cadre médical, la prescription de morphine n'entraîne de toxicomanie que dans 4 cas pour 10 000. Si la morphine est un produit qui a posé de nombreux problèmes de toxicomanies au début du XXe siècle, notamment du fait qu'elle était essentiellement administrée sous forme injectable, de nos jours, son usage détourné est relativement anecdotique ; elle n'est plus guère utilisée par les toxicomanes qu'en substitution empirique de l'héroïne. Elle peut exceptionnellement servir de traitement de substitution après l'échec du Subutex et de la Méthadone dans le traitement de l'héroïnomanie, même si cet usage ne correspond pas, en France, à son autorisation de mise sur le marché (AMM).

Surdosage (overdose) et toxicité

Dose létale de morphine chez différentes espèces
Espèces voie d'administration DL50 en mg/kg
Rat orale 170
intraveineuse 46
Souris orale 670
intraveineuse 200
Chien intraveineuse 316

Le surdosage de morphine est un événement grave dont les symptômes sont l'apparition d'un état de somnolence, d'hypothermie et d'hypotension, et rapidement une dépression respiratoire (difficulté à respirer). Les cas les plus sévères peuvent mener au coma et au décès.

Le traitement débute en priorité par une ventilation assistée pour pallier la dépression respiratoire puis un lavage gastrique ou absorption de charbon actif pour éliminer le médicament non absorbé, lorsqu’une formulation à libération modifiée a été avalée.

Le traitement médicamenteux passe ensuite par l'utilisation d'un antagoniste des récepteurs des opiacés, en général de la naloxone, antidote spécifique de la dépression respiratoire par les opiacés. Le traitement débute à 0,2 mg de naloxone par voie intraveineuse suivie par des administrations supplémentaires de 0,1 mg toutes les deux minutes.

Lors d'un surdosage massif, on administre de le naloxone à la dose de 0,40,8 mg par voie intraveineuse. Les effets de la naloxone sont d'une durée relativement brève, une perfusion de naloxone peut être installée jusqu'à ce qu'une respiration spontanée revienne. La morphine peut persister dans le sang jusqu'à 24 heures après l'administration, et le traitement du surdosage de morphine est adapté en conséquence.

Le naloxone est administrée avec précaution chez les personnes ayant une dépendance physique à la morphine, une inversion brutale ou complète des effets des opiacés pouvant précipiter un syndrome de sevrage aigu.

La dose nécessaire pour atteindre une toxicité par surdosage dépend de la présence d'un état douloureux ou non et de son intensité. Ainsi, des cas de patients traités pour des douleurs chroniques, avec du sulfate de morphine par voie orale, sont connus pour avoir pris plus de 3 000 mg par jour sans ressentir d'effets toxiques. Néanmoins, les données disponibles suggèrent que la dose létale puisse être atteinte dès 60 mg de sulfate de morphine par voie orale pour une personne normale, sans état douloureux et ne recevant pas déjà de la morphine.

Chimie

La morphine est décrite dans les pharmacopées, entre autres la pharmacopée européenne qui en donne les techniques de caractérisation ainsi que les normes et les méthodes d'analyse pour son utilisation en tant que médicament.

Synthèse

Vue 3D de la molécule de morphine

Des méthodes de synthèse chimique existent mais la production à partir du pavot reste la plus rentable. Les dérivés semi-synthétiques sont préparés à partir de la morphine extraite du pavot. Les dérivés synthétiques comme la méthadone ou la péthidine sont préparés totalement par synthèse chimique.

Industriellement la morphine peut être obtenue de deux façons :

à partir de pavot Oeillette
On utilise la capsule égrenée et l'extrémité de la tige du pavot oeillette (papaver somniferum nigrum) récolté "vert" pendant l'été. En France, la plante est cultivée essentiellement en Champagne-Ardenne. Les parties de la plante sont séchées, puis la morphine est extraite en milieu hydroalcoolique avec d'autre opiacés. Elle sera séparée par une précipitation sélective avant d'être purifiée.
à partir de l'opium 
L'opium est issu de pavots (papaver somniferum), cultivés en Inde, par évaporation du latex qui s'écoule d'incisions faites sur la capsule. La morphine (et d'autres alcaloïdes) est obtenue par extraction aqueuse acide depuis l'opium qui en contient à peu près 10 %. Elle est ensuite obtenue seule par une précipitation sélective.

Sulfate et chlorhydrate de morphine

La morphine est souvent utilisée sous forme de sel afin de faciliter son utilisation et son absorption par l'organisme dans les formes non injectables.

Il existe deux sels, sulfate et chlorhydrate de morphine qui une fois dans le corps seront sous forme de morphine base.

Le sulfate de morphine est obtenu par réaction de la morphine en solution hydroalcoolique (eau + éthanol) avec de l'acide sulfurique dilué. Une réaction similaire dans l'acide chlorhydrique est utilisée pour l'obtention du chlorhydrate de morphine.

Le sulfate a la particularité d'être un pentahydrate incluant deux molécules de morphine

DCI Sulfate de morphine Chlorhydrate de morphine
nom IUPAC Sulfate de di(7,8-didéshydro-4,5α-époxy-17-méthylmorphinane-3,6α-diol) pentahydraté Chlorhydrate de 7,8-didéshydro-4,5α-époxy-17-méthylmorphinane-3,6α-diol trihydraté
Formule brute C34H40N2O10S, 5H2O C17H20ClNO3, 3H2O
numéro CAS 6211-15-0 52-26-6
Masse molaire 759 g/mol 375,8 g/mol
Aspect poudre cristalline blanche poudre cristalline blanche ou aiguilles incolores, ou masses cubiques
solubilité soluble dans l’eau, très peu soluble dans l’éthanol, pratiquement insoluble dans le toluène soluble dans l’eau, très peu soluble dans l’éthanol, pratiquement insoluble dans le toluène

source: Pharmacopée européenne 5.5, EDQM, 12/2005 ; The Merck index', 13e édition

Impuretés

De par la complexité de la composition de l'opium et de la ressemblance des produits qui le compose, on retrouve systématiquement certains autres alcaloïdes dans la morphine que l'on considère comme des impuretés. Leur teneur dans la morphine est limitée à 1 % (0.2 % pour chaque impureté et 0,4 % pour la pseudomorphine)[4]:

  • Codéine (impureté A de la pharmacopée européenne)
  • Pseudomorphine (impureté B de la pharmacopée européenne)
  • Oripavine (impureté C de la pharmacopée européenne)
  • 10R-hydroxymorphine (impureté D de la pharmacopée européenne)
  • morphinone (impureté E de la pharmacopée européenne)
  • Thébaïne
  • Morphine N-oxide
  • Apomorphine

Législation

La morphine est inscrite au Tableau I de la convention unique sur les stupéfiants de 1961 et son usage est réglementé dans de nombreux pays. En Belgique et en France, la morphine et ses sels sont des stupéfiants. De ce fait, la morphine est soumise à une réglementation particulière pour la prescription (ordonnance particulière limitée dans le temps - 4 semaines en France), la délivrance (le pharmacien doit la noter sur un cahier spécial), l'usage (uniquement pour le malade) et la détention (considéré comme une drogue).

Comme tout narcotique, la morphine est une substance dopante et, dans certains pays, il est interdit aux sportifs participant aux compétitions d'en utiliser.

Préjugés face à la morphine

La morphine administrée en fin de vie accélère la mort 
Lorsque qu’elle est administrée de façon appropriée la morphine n'accélère pas la mort du patient.
La morphine provoque des délires 
Les gens confondent souvent l'agonie et le délire, ainsi ils croient que ce dernier est causé par la morphine. Il est possible que la morphine soit à l’origine de confusions, cela se produit seulement au début d’un traitement à base de morphine lorsque que le patient n'est pas encore habitué au produit ou que la dose prescrite est trop élevée.
La morphine cause une dépendance psychologique 
Lorsque la morphine est administrée de façon adéquate le risque de dépendance psychologique est faible. Par contre la dépendance physique est quasi automatique, voire inévitable si la dose est élevée. Il ne faut pas confondre la dépendance physique et la dépendance psychologique. La dépendance physique est normale et attendue lors d'un traitement par opiacé. Les médecins ont un rôle à jouer afin d'éviter qu'une dépendance psychologique et/ou physique ne se développe, notamment en prescrivant la morphine à intervalles réguliers et non "au besoin" et en surveillant la disparition de ses effets en fin de traitement. Également en diminuant progressivement la dose lors de l'arrêt tout en veillant les réactions du patient pour détecter les signes de dépendance.
L'utilisation de la morphine devrait être réservée aux personnes en fin de vie 
Une personne qui souffre de douleur chronique a le droit d'être soulagée et la morphine étant un produit peu toxique, elle peut être administrée pendant de nombreuses années sans problème. La morphine est aussi utilisée pour soulager les douleurs des personnes gravement blessées. Priver quelqu'un d'un soulagement de sa douleur sous prétexte qu'elle devrait être réservée en fin de vie seulement serait cruel et inhumain.

Termes apparentés

  • Morphinomanie : terme composé de morphine et de manie, du grec mania pour « folie, passion ». Il désigne une consommation régulière et non contrôlée de morphine, amenant un état de dépendance.
  • Morphinomane : désigne la personne atteinte de morphinomanie.

Notes et références

  1. Masse molaire calculée d’après Atomic weights of the elements 2007 sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. L’opium, la morphine et la douleur, Docteur Evelyne Pichard, Institut Gustave-Roussy
  3. ;specid=60254117&typedoc=R&ref=R0084958.htm Résumé des caractéristiques du produit, ZOMORPH L.P. 200 mg, gélule à libération prolongée, AFSSAPS, 09/11/2005
  4. Pharmacopée européenne 5.5, EDQM, 12/2005

Voir aussi

Articles connexes



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