- Affaire de Quiberon
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Expédition de Quiberon
Le débarquement des émigrés à Quiberon débuta le 23 juin et fut définitivement repoussé le 21 juillet 1795. Organisé afin de prêter main-forte à la Chouannerie et à l'armée catholique et royale en Vendée, il espérait soulever tout l'Ouest de la France afin de mettre fin à la Révolution française et de permettre le retour de la monarchie. Cette opération militaire de contre-révolution eut un grand retentissement, et porta un coup funeste au parti royaliste.
Sommaire
Prélude
L'aide anglaise
Dés le début de la guerre de Vendée et de la chouannerie les insurgés avaient espéré l'aide des Britanniques. Ainsi lors de la Virée de Galerne à l'automne 1793 les Vendéens avaient mis le siège devant Granville avant d'être finalement repoussés. Cette défaite avait provoquée la chute de l'armée catholique et royale dont les débris tentaient désormais de résister par la guérilla.
À cette même époque Joseph de Puisaye, ancien général des girondins de Normandie, battu par les Montagnards à la bataille de Brécourt, gagna la Bretagne. Caché dans la forêt du Pertre il tenta d'entrer en contact avec les Vendéens lors de la Virée de Galerne, puis, suite à la déroute de cette expédition, il voulut relancer la lutte au nord de la Loire et se faire reconnaître général en chef des chouans. Au bout de quelques mois il parvint à recevoir l'appui de quelques chefs.
C'est ainsi que le 11 septembre 1794, Joseph de Puisaye s'embarqua à Saint-Enogat, en Dinard, à destination de l'Angleterre. Il laissait en Bretagne son second, le major-général Pierre Dezoteux de Cormatin, chargé de l'intérim. Arrivé à Londres, Puisaye entra en relation avec le comte Charles d'Artois, oncle de Louis XVII[Note 1], et William Pitt le premier ministre britannique. Son but était de convaincre les Britanniques d'effectuer un débarquement sur les côtes bretonnes afin de soulever les populations du nord-ouest de la France, majoritairement favorables aux royalistes et ainsi d'ouvrir un nouveau front qui prendrait les républicains à revers. Puisaye alla même jusqu'à avancer même qu'il disposait d'or et déjà de 40 000 hommes sous ses ordres en Bretagne alors que son autorité était loin d'être unanimement reconnue. Néanmoins son éloquence lui permit de convaincre rapidement le comte d'Artois. Le 15 octobre celui-ci nomma Joseph de Puisaye lieutenant général des royalistes de Bretagne, il fut en outre officiellement reconnu comme le successeur de La Rouërie. Quant à William Pitt, s'il ne pouvait agir rapidement, promit un débarquement en Bretagne pour le printemps.
Le comité de Paris
Mais parallèlement en France la mort de Robespierre le 28 juillet 1794 et la chute de la Terreur laissait entrevoir la possibilité d'ouvrir des négociations entre républicains et royalistes.
Article détaillé : Agence royaliste de Paris.Rapidement un comité clandestin se forma dans la capitale; l'Agence royaliste de Paris composée de conventionnels . Ses principaux membres étaient l'abbé Brottier; dit AA ou AG, Lemaître, dit Le Juif ou Castel Blanco, Despomelles, dit Thébault, Charles Honoré Berthelot de La Villeheurnois, dit Étienne et Thomas Duverne de Presle, dit Dunan[2]. Le but de ce comité soutenu par le comte de Provence était d'instaurer une monarchie constitutionnelle par le biais des élections. Cependant ce plan déplaisait au conservateur comte d'Artois favorable à la restauration de la monarchie absolue.
Pour ce comité la première étape était la paix intérieure, aussi en novembre 1794, au nom du régent, le comte de Provence, il lança un appel aux chefs chouans et vendéens leur donnant l'ordre de cesser toute attaque, condition contre laquelle il promettait l'instauration d'une monarchie modérée qui permettrait au différents partis de s'entendre. L'appel fut entendu et la plupart des chefs chouans limitèrent leurs actions à la défensive[3].
Les négociations
Le 23 décembre 1794 les autorités républicaines prirent contact avec le général Charette principal commandant vendéen qui dirigeait le Pays de Retz breton et le Haut-Poitou. Le 26 du même mois Boishardy colonel chouan des Côtes d'Armor rencontra le général républicain Jean Humbert. Cette rencontre permit à Cormatin d'ouvrir des pourparlers avec les républicains par l'intermédiaire de Humbert.
Malo Colas de La Baronnais, colonel des chouans de Dinan et Saint-Enogat, s'inquiéta de ces démarches prises sans l'avis du général en chef, écrivit à Puisaye pour l'avertir, mais celui-ci, croyant que seule une trêve était négociée, répondit qu'il approuvait les actions de Cormatin qui selon lui donnerait du répit aux chouans dans l'attente du débarquement.
Cependant certains royalistes souhaitaient bel et bien une paix durable, le 12 février 1795, les négociations s'ouvrirent en Vendée à Saint-Sébastien-sur-Loire entre Charette et le conventionnel Albert Ruelle, en fait proche de l'Agence royaliste de Paris. Elles aboutirent le 17 février, le Traité de La Jaunaye prévoyait que les vendéens pouvaient conserver des troupes, la liberté religieuse était rétablie, et la conscription militaire abolie. Un dernier article conclu secrètement prévoyait également la mise en place d'une monarchie constitutionnelle, la libération de Louis XVII et de sa sœur Marie Thérèse de France qui devaient être confiés à Charette. Le traité fut également signé par le général Sapinaud.
De son côté Nicolas Stofflet, le deuxième chef majeur de la Vendée, refusa d'abord de signer par jalousie avec Charette mais finit par céder le 2 mai 1795.
Parallèlement, le 1er avril 1795, chouans et républicains se réunirent à la Mabilais près de Rennes. Les conditions de paix étaient les mêmes qu'à La Jaunaye mais l'attitude de Cormatin ne suscita pas la confiance des chefs chouans qui s'indignèrent en apprenant qu'ils devaient reconnaître la République. Cette condition apparût comme suspecte et au final seulement 21 chefs chouans, dont Cormatin et Boishardy, sur 125 acceptèrent de signer le traité le 20 avril 1795. Les non-signataires s'engagèrent toutefois à ne pas reprendre les armes.
Reprise de la guerre
Mais la paix fut de courte durée, lorsque Puisaye apprit qu'un traité et non une trêve avait été signé il accusa Cormatin de trahison. De plus le général Lazare Hoche, commandant en chef des Républicains de l'Armée des côtes de Brest, s'il fut favorable à la paix avec les vendéens, considérait que les chouans ne représentaient pas une menace suffisamment sérieuse pour que l'on négocie avec eux, de plus il ne faisait pas confiance à Cormatin qui selon lui avait cherché à gagner du temps.
Les doutes de Hoche se confirme lorsque le 23 mai 1795, un émissaire royaliste fut saisi près de Ploërmel, les trois lettres qu'il portait apportaient la preuve du double-jeu du major-général chouan. Hoche ordonna donc l'arrestation immédiate de Cormatin et de tous les chefs chouans non-signataires. Le 26 mai au moment Cormatin était mis aux arrêts à Rennes, le général en chef à la tête de 2 000 hommes attaqua le camp de la Mabilais, défendu par 250 chouans. 4 républicains et 7 chouans furent tués, un vingtaine d'autre faits prisonniers mais le gros des royalistes était parvenu à s'enfuir.
Hoche se rendit ensuite à Fougères le 27 mai d'où il invita Aimé du Boisguy, le principal chef chouan de l'Ille-et-Vilaine, à le rejoindre. Mais la ruse échoua, Boisguy fut prévenu par un officier républicain et regagna sa base. Hoche retourna alors le soir même à Rennes avec seulement 6 guides à cheval tandis que plus tard dans la nuit Boisguy avec 400 hommes mettait en déroute un détachement républicain au combat de la Chène pensant que le général républicain le commandait. Les républicains capturés par les chouans, au nombre de 14 à 21, furent ensuite libérés et renvoyés à Rennes, portant un message de Boisguy à Hoche qui accusait ce dernier de perfidie[4].
Quant au Morbihan, le 28 mai, l'adjudant-général républicain Josnet à la tête de 1 500 hommes attaqua Grand-Champ, base du général chouan de Silz. Au terme de la bataille de Grand-Champ, 20 républicains et 13 chouans étaient morts dont le général de Silz, son second le colonel Georges Cadoudal prit le commandement et organisa la retraite. Josnet continua sa lancée et, le 30 mai avec 4 000 hommes il livra la Bataille de Saint-Bily à Elven, les 1 000 chouans de Pierre Guillemot, Lantivy et Jean Jan retranchés dans un fort dans les bois, furent écrasés et perdirent 250 hommes tués[5]. Josnet reçoit des renfort et pousse jusqu'à Saint-Jean-Brévelay. Guillemot se replie sur Bignan, d'où il lance un appel à ses capitaines de paroisse et peut ainsi repousser Josnet. De son côté Jean Jan s'empare de Locminé forçant les Républicains à battre en retraite vers Vannes. Lors de la retraite, Cadoudal tend une embuscade avec ses 600 hommes à la bataille de Floranges, les 4 500 républicains perdent 150 hommes, tués ou blessés, les chouans ne comptaient que 4 morts et 3 blessés. L'offensive républicaine est repoussée[6]..
Dans l'attente du débarquement, les Chouans se réarment mais ont besoin de poudre. Début juin l'amiral William Cornwallis débarque de la poudre dans le Morbihan, celle-ci est convoyée de nuit par les Chouans du colonel Pierre Guillemot jusqu'au village de Drénidan dans la commune de Radenac. Mais la poudre est humide, et Guillemot, Le Thiais et 22 hommes décident de la réchaffer à la poêle dans une maison du village. Mais un accident se produit, la poudre s'enflamme et explose. Plusieurs hommes sont tués et Guillemot est grièvement blessé et presque défiguré[7].
De son côté Boisguy avec 1 300 hommes repoussa les 1 500 soldats du général Jean Humbert à la bataille d'Argentré le 6 juin. 80 chouans et 300 républicains étaient morts ou blessés.
Suite à la reprise des combats Boishardy finit également par reprendre les armes mais le 17 juin, et ce malgré les ordres de Hoche, il fut assassiné par une colonne de soldats à Moncontour et sa tête promenée sur une pique à Lamballe.
La guerre se généralisa d'autant plus la nouvelle de la mort de Louis XVII le 8 juin se propageait. Sa libération plusieurs fois réclamée par Charette était prévue pour le 13 juin[8], mais elle n'aurait de toute façon probablement pas eu lieu.
Dés lors le 15 mai les chouans du Morbihan apprirent que le débarquement était imminent. Le 17 mai une escadre anglaise levait l'ancre à Portsmouth et faisait voile vers le Morbihan. Le même jour 500 chouans effectuent un raid à Pont-de-Buis où ils s'emparèrent de 16 000 livres de poudre.
Charette avait été prévenu du débarquement le 15 mai, il protesta contre le choix de débarquer en Bretagne, préférant Saint-Gilles-Croix-de-Vie en Vendée, mais il était trop tard pour discuter le plan. Dés lors après avoir tenté de se réconcilier avec Stofflet le 20 mai, Charette attendit que les républicains lui fournissent un prétexte pour reprendre les armes, ce qui arriva le 24 juin, où il justifia la reprise de la guerre par la volonté de républicains de lui confisquer ses armes[9]. Le 27 les combat reprirent, Pagot, lieutenant de Charette, prit d'assaut le camp des Essarts avec 1 800 hommes. Les 300 soldats républicains faits prisonniers furent libérés et envoyés aux Sables-d'Olonne sur ordre de Charette qui espérait un échange de prisonniers mais le représentant en mission Martin Gaudin refusa d'en libérer aucun[10].
La guerre recommençait donc également en Vendée même si ni Stofflet, ni Sapinaud n'avaient repris les armes. Peu de temps après le comte de Provence, devenu depuis Louis XVIII, nomma Charette lieutenant général de l'armée catholique et royale de Vendée
Expédition de Quiberon
Préparation de l'expédition
Pendant cette période à Londres, le cabinet de Saint-James planifiait l'expédition. Soutenu par Puisaye la Bretagne fut choisie aux dépens de la Vendée. Cette dernière était affaiblie par deux années de guerre et les troupes républicaines y étaient plus nombreuses tandis qu'en Bretagne l'insurrection devenait de plus en plus importante. Les Côtes d'Armor furent d'abord retenues comme lieu de débarquement, puis rejetées suite à l'annonce de la signature du traité de la Mabilais par Boishardy. Le Morbihan fut donc choisit.
Cependant si Puisaye était parvenu à obtenir de William Pitt la promesse d'un débarquement de troupes, les Britanniques rechignaient à engager leurs hommes, bien que depuis l'invasion des Provinces-Unies par la France, ils n'avaient plus de soldats engagés sur le continent. On fit donc appel à l'Armée des émigrés. Ces royalistes français avaient intégré les armées prussiennes, autrichiennes et hollandaises au début de la première coalition mais en querelle constante avec l'état-major des alliés, ils s'étaient finalement tournés vers l'Angleterre.
Avides de retourner combattre sur le sol français, les émigrés acceptèrent avec enthousiasme le plan de Quiberon. Cependant les forces émigrées étant à ce moment très faibles, 2 848[11] soldats républicains prisonniers des anglais furent recrutés et incorporés aux divisions royalistes dont les forces s'élevèrent ensuite à 5 437 hommes répartis en 2 divisions. La première division commandée par le maréchal de camp Louis Charles d'Hervilly et forte 3 600 hommes devait accoster la première, la deuxième division, composée de près de 2 000 sous les ordres du maréchal de camp Charles Eugène Gabriel de Virot de Sombreuil devait suivre une semaine plus tard suivie à son tour par le comte d'Artois et 10 000 soldats britanniques qui devaient débarquer en Ille-et-Vilaine en vue de prendre Saint-Malo. En attendant l'arrivée du frère du roi le commandement de l'expédition était échut à Joseph de Puisaye.
La Royal Navy rassembla ses navires dans la baie de Spithead près de Portsmouth. 60 navires de transports avaient été rassemblés pour transporter les troupes et les approvisionnements, cette flotte devait être escortée par 9 navires de guerre dont, outre les troupes, ces derniers transportaient une grande quantité d'équipements pour les Chouans: 17 610 uniformes d'infanterie complets, 5 000 uniformes de cavalerie, 60 000 paires de souliers, 35 000 fusils, 8 canons de 4, 2 canons de 8, 600 barils de poudre de 120 livres chacun, 600 caisses de munitions, des vivres pour trois mois, 2 millions de livres en pièces d'or et pour 10 milliards de faux assignats[12].
Le comte d'Artois n'avait même pas été consulté sur le choix ni sur la date de l'expédition. C'était cependant en son nom que Joseph de Puisaye agissait puisque le comte d'Artois assumait théoriquement la responsabilité des opérations dans l'Ouest de la France.
Cependant avant même le départ de la flotte l'autorité du lieutenant général était discutée. Charles Brottier, le chef de l'Agence royaliste de Paris s'était opposé aux projets d'expédition et avait de nombreux soupçons à propos de Puisaye. Ces soupçons étaient nés du fait des relations de Puisaye qui semblait davantage traiter avec William Pitt et William Windham qu'avec le comte d'Artois. Puisaye était également connu pour être un admirateur de la monarchie parlementaire anglaise et ses relations n'étaient pas très bonnes avec plusieurs émigrés qui n'oubliaient pas qu'il avait été proche des républicains. Ces éléments firent penser à Brottier que Puisaye était, non pas au service des Bourbons, mais au service des Britanniques. Aussi il écrivit une lettre au comte d'Artois qui la reçut le 5 juin[13].
La première division émigrée
La première division du corps expéditionnaire était formée de 5 régiments émigrés, la plupart des effectifs étaient constitués d'insurgés royalistes rescapés du siège de Toulon et surtout de prisonniers de guerre républicains enrôlés:
- Le Régiment d'Hervilly, ancien Royal-Louis, 1 238 soldats, 80 officiers.
Maréchal de camp: Comte d'Hervilly
Lieutenant-colonel: Comte d'Atilly
Composé de Toulonnais et d'anciens soldats du Royal-Louis auxquels il fut ajouté 500 marins républicains faits prisonniers[14].
- Le Régiment d'Hector ou Marine Royale, 700 hommes.
Colonel: Comte de Soulange
Composé de marins et d'officiers toulonnais et de prisonniers républicains[14].
- Le Régiment du Dresnay ou du Léon, 600 hommes.
Colonel: Comte de Talhouët
Formé à Jersey, entièrement composé de Bretons, officiers de marine émigrés comme prisonniers républicains[14].
- Le Royal Artillerie ou Rotalier, 600 hommes, 10 canons.
Colonel: Comte de Rotalier
Majoritairement composé de Toulonnais mais comportait également des prisonniers républicains[14].
- Le Loyal-Emigrant, 250 hommes.
Major: d'Haize (remplace le colonel Vicomte de La Châtre, malade).
Entièrement composé de nobles vétérans de plusieurs batailles, divisés en deux compagnies, dont la première, forte de 120 hommes, était intégralement composée de vieux soldats décorés de l'Ordre de Saint-Louis[14].
La traversée
Le mercredi 17 juin 1795, l'escadre britannique commandée par le commodore John Borlase Warren leva l'ancre pour Quiberon. Avant le départ l'Amirauté avait remis trois lettres à Puisaye avec instruction de ne les ouvrir qu'une fois en mer. La première lettre était de Henry Dundas, le secrétaire d'État à la guerre, elle chargeait le comte du commandement de l'expédition, de la distribution des armes et de l'approvisionnement. La deuxième lettre était de William Windham, ministre de la guerre, et confirmait la précédente. La dernière, également de Windham, informait que le général d'Hervilly aurait autorité sur les troupes tant que celles-ci seraient en mer[15]. Cette instruction était peut-être une conséquence de la lettre de Brottier.
La flotte
- HMS Pomone, frégate de 5e rang, 44 canons, vaisseau amiral, commodore John Borlase Warren.
- HMS Robust, navire de ligne de 3e rang, 74 canons, capitaine Tornbarough.
- HMS Thunderer, navire de ligne de 3e rang, 74 canons, capitaine Bertie.
- HMS Standard, navire de ligne de 3e rang, 64 canons, capitaine Ellison.
- HMS Anson, navire de ligne de 3e rang, 44 canons, capitaine Durham.
- HMS Artois, frégate de 5e rang, 38 canons, capitaine Nagle.
- HMS Arethusa, frégate de 5e rang, 36 canons, capitaine Robinson.
- HMS Concorde, frégate de 5e rang, 36 canons, capitaine Hunt.
- HMS Galatea, frégate de 5e rang, 32 canons, capitaine Keats.
Outre les 60 navires de transport, la flotte était accompagnée du HMS Lark, sloop de 22 canons, de 2 cotres, 6 canonnières, et 2 lougres[16].
La bataille de Groix
Article détaillé : Bataille de Groix.Jusqu'au 21 juin le voyage se fit sans incident pour la flotte britannique, mais à Penmarch le commodore Warren aperçut derrière lui les premières voiles de la flotte républicaine française. Celle-ci forte de 13 navires sous le commandement de l'amiral Louis Thomas Villaret de Joyeuse était sortie de Brest et avait prit en chasse la flotte anglaise après son passage. Warren n'avait que 9 navires de guerre, il envoya donc une de ses frégates avertir l'escadre de l'amiral Bridport qui croisait à proximité. Celle-ci, forte de 15 navires, put intervenir avant que la flotte française n'eut rattrapé le convoi. Villaret était à son tour en position défavorable mais il ne put éviter l'affrontement au large de l'île de Groix. Le 23 juin la flotte française fut écrasée et dut se réfugier à Lorient. 670 français contre seulement 31 anglais avaient été tués en outre les Britanniques s'était emparés de 3 vaisseaux. Le capitaine français Charles Alexandre Léon Durand de Linois faisait partie des prisonniers, blessé, il avait perdu son œil gauche. Grâce à cette victoire les Britanniques étaient désormais maîtres de la mer.
Débarquement à Carnac
Le 23 juin au soir, peu après la victoire des Britanniques, la frégate HMS Galatea avec à son bord Vincent de Tinténiac et Paul Alexandre du Bois-Berthelot fut détachée du convoi et envoyée en éclaireur. Les deux hommes avaient pour mission de de prévenir les Chouans du débarquement et de s'assurer que la côte était bien libre.
Le 25 juin toute l'escadre mouillait dans la baie de Quiberon, Tinténiac avait donné le signal convenu. Menés par Georges Cadoudal, 5 000 Chouans s'étaient emparés de Carnac, la côte entre Lorient et Vannes était dégagée. Cependant le 26 juin à bord de la Pomone une première dispute éclata entre Joseph de Puisaye et Louis Charles d'Hervilly. Le premier voulait effectuer une action rapide, un débarquement immédiat afin de profiter de la désorganisation des républicains. Mais d'Hervilly s'y opposa, car le jour même il avait reçut une lettre de Charles Brottier, celle-ci accusait purement et simplement Puisaye d'être un agent de l'Angleterre et affirmait que ses plans étaient hostiles au retour des Bourbons, Brottier encourageait d'Hervilly à la prudence et à n'obéir qu'après avoir mûrement réfléchit aux ordres. Le maréchal de camp tint compte de l'avis de Brottier et il exigea d'effectuer au préalable des missions de reconnaissances sur les côtes environnantes.
Une journée fut ainsi perdue, après s'être assurés que la côte était bel et bien dégagée, les émigrés, régiment d'Hervilly et Loyal-Emigrant en tête, mirent pieds à terre sur la plage de Carnac, le 27 juin. Cependant le même jour les chouans durent s'opposer à la première réaction républicaine, un détachement de 200 hommes commandés par l'adjudant-général Balthazar Romand tenta de s'opposer aux chouans mais ses forces étaient trop faibles. Vincent de Tinténiac avec 700 hommes s'empara du tumulus Saint-Michel dit « Mont-Saint-Michel » et y planta sa chemise blanche fixée à un mât en guise de drapeau[17]. Romand fut ensuite chassé de la côte et se replia sur Auray.
Armement des Chouans
Suite à ce premier combat les Britanniques débarquèrent les armes et les munitions. Celle-ci furent remises aux chouans dans la plus grande pagaille, plusieurs jeunes chouans à peine armés s'exercèrent au tir sans la moindre prudence, il y eût même quelques blessés . Le général d'Hervilly, particulièrement strict sur la discipline, fut scandalisé par ce spectacle, désormais il ne témoigna plus que du mépris envers les chouans, qui avec une telle absence de discipline étaient incapables de combattre efficacement selon lui.
La nouvelle du débarquement provoqua un afflux de renforts vers Carnac, au bout de quelques jours les forces chouannes furent bientôt portées à 15 000 hommes. Du 27 au 29 juin on s'employa à enrégimenter les chouans. 6 divisions furent créées, dirigées par les colonels, et chaque groupe de 2 divisions était sous les ordres d'un maréchal de camp. Les colonels Georges Cadoudal et Lantivy étaient sous les ordres de Vincent de Tinténiac, maréchal de camp, les légions de Jean Jan et Jean Rohu furent placées sous la direction de Jacques Anne Joseph Le Prestre de Vauban, arrière petit-neveu du maréchal Sébastien Le Prestre de Vauban, quant à Pierre-Mathurin Mercier, dit la Vendée et d'Allègre, il furent placés sous les ordres de Paul Alexandre du Bois-Berthelot.
Le 28 mai, une messe est célébrée sur la plage de Carnac par Urbain-René de Hercé, évêque de Dol-de-Bretagne, accompagné de 40 prêtres, en hommage à Louis XVII. Cependant d'Hervilly refusa de se mêler aux chouans et les émigrés allèrent entendre une messe à part dans l'église de Carnac[18]. Cet acte provoqua une coupure entre les émigrés et les chouans.
Division des royalistes
Le soir du 28 mai, un conseil de guerre se tint à Carnac, Puisaye soutenu par Tinténiac, Bois-Berthelot et Vauban voulait se mettre en marche le plus tôt possible. Cadoudal proposa également d'attaquer le fort Sans-culotte qui bloquait le passage de la Presqu'île de Quiberon mais d'Hervilly refusa de bouger, il contesta même le titre de général en chef à Puisaye.
La division était également d'ordre politique, Puisaye, ancien girondin, était un monarchiste constitutionnel, alors que d'Hervilly, était partisan de l'Ancien Régime[19]. Une journée de plus fut perdue en discussions orageuses, en négociation entre les deux chefs. Puisaye dut envoyer un cotre porteur d'un courrier à Londres afin de confirmer le commandant en chef. Finalement la réunion se termina par un partage du commandement, en attendant les réponses de Londres le commandement était échu à d'Hervilly, Puisaye n'avait plus autorité que sur les chouans.
Les combats
Contre-attaque des Républicains
Dans l'attente de l'offensive les chouans se déployèrent et s'emparèrent de quelques villes et villages abandonnés par les républicains. Tinténiac occupa Landévant, Vauban prit Locoal-Mendon et Bois-Berthelot contrôlait Auray. Mais les chouans ne purent aller plus loin et durent se résoudre à camper sur leurs positions.
La division des royalistes profitait grandement aux Républicains, lors du débarquement l'armée était totalement dispersée et Hoche, alors à Vannes, ne commandait qu'à 2 000 hommes. Il écrivit alors à tous les généraux de l'Armée de l'Ouest auxquels il réclama des renforts d'urgence et principalement de la cavalerie et de l'artillerie, il s'adressa particulièrement au généraux Jean Baptiste de Canclaux à Nantes, Louis Chabot à Brest et Louis Chérin à Rennes, exigeant qu'ils lui fournissent chacun 4 000 hommes[20].
Dés le 28 mai Hoche avec 400 fantassins et 30 cavaliers avait lancé une première mission de reconnaissance. Le 30 juin les Républicains passèrent à l'attaque Josnet de Laviolais à la tête de 1 000 soldats attaqua Landévant pendant que Hoche avec 2 000 hommes assaillait Auray. Les chouans n'avaient pas la discipline des soldats républicains et n'étaient pas à l'aise dans les batailles rangées, néanmoins l'avantage du nombre leur permit de repousser les bleus lors de la première journée.
Cependant malgré leur victoire les chouans restèrent inactifs car les émigrés refusaient toujours de bouger de Carnac. Pendant ce temps chez les républicains les renforts affluaient des autres départements.
Les chouans d'Ille-et-Vilaine et du Maine avaient les moyens de s'opposer à ces renforts mais des instructions venues de Brottier leur ordonnèrent de ne pas se soulever avant d'en avoir reçu l'ordre. Quant à Aimé du Boisguy en Ille-et-Vilaine il n'apprit le débarquement que le 2 juillet, il regretta amèrement de ne pas avoir été prévenu assez tôt pour pouvoir se rendre dans le Morbihan avec ses 5 000 hommes afin d'appuyer Puisaye. Dés lors Boisguy et d'autres chefs s'employèrent à détruire les ponts et à harceler les colonnes de renforts mais il était bien tard.
Le 3 juillet, Hoche disposait désormais de 13 000 hommes sous ses ordres et une nouvelle offensive fut lancée contre les 15 000 chouans de Puisaye. Le bourg de Landévant fut attaqué le premier, il fut pris par les républicains puis repris par les chouans qui finirent par en être définitivement expulsés le 5 juillet. Tinténiac se replia ensuite à Locoal-Mendon tandis que Auray tombait à son tour. Risquant d'être pris à revers, Vauban dut abandonner Locoal-Mendon. À la fin de la journée les chouans s'étaient repliés sur Ploemel, Erdeven et Carnac.
Cependant le même jour le fort Sans-culotte attaqué par les émigrés et la flotte britannique avait capitulé.
Prise du fort Sans-culotte
Le fort Sans-culotte était défendu par Délise et 700 hommes du 41e régiment d'infanterie de ligne.
Attaqués le 30 juin par les troupes émigrées et 1 500 chouans, les défenseurs du fort, à court de vivres, se rendirent le 3 juillet. Les émigrés proposèrent aux 700 soldats républicains de s'enrôler dans les forces royalistes, 400 acceptèrent les 300 autres furent embarqués sur les navires britanniques. Le fort Sans-culotte reprit ensuite son ancien nom de fort Penthièvre.
Retraite sur la Presqu'île
Le 6 juillet les généraux républicains Jean Humbert, Jean Valletaux et Louis Lemoine lancèrent l'attaque respectivement sur Erdeven, Ploemel et Carnac. Les chouans demandèrent de l'aide aux émigrés, d'Hervilly envoya alors son régiment ainsi que le Loyal Emigrant mais il lança rapidement un contre-ordre et les émigrés se replièrent[21].
La bataille sombra dans le chaos, 30 000 civils, habitants du pays ou famille des chouans, se trouvaient entre les lignes républicains et royalistes. Certains cherchèrent à franchir les lignes républicains, d'autres, plus nombreux, fuyaient vers la presqu'île au sud chercher la protection du fort Penthièvre. La bataille fut acharnée et aucun des deux camp ne prit l'avantage; la tombée de la nuit mit fin aux affrontements.
Le 7 juillet au matin les royalistes prirent la décision d'entamer une retraite progressive sur la presqu'île de Quiberon afin de s'abriter vers le fort Penthièvre. Les républicains ne leur laissèrent pas le temps de l'effectuer cette manœuvre en bon ordre; cette fois-ci les défenses des chouans cédèrent dans la matinée et leurs lignes furent percées à l'est, Carnac fut pris, puis le bourg de Plouharnel. Les chouans à Erdeven et Ploemel étaient en passe d'être encerclés. Le sort de la bataille se jouait alors à Sainte-Barbe, petit village situé dans la commune de Plouharnel. Pendant que les troupes de Tinténiac et Vauban retraitaient sur Quiberon sur une fine bande de terre, Cadoudal et Rohu tentaient de retenir l'offensive républicaine. Le temps était d'autant plus compté que la marée montait. Les républicains avaient l'opportunité d'encercler les chouans et de les écraser mais Cadoudal et Rohu parvinrent à résister suffisamment longtemps pour permettre l'évacuation, puis ils se replièrent à leur tour et se mirent à l'abri dans la fort Penthièvre.
Puisaye cependant, ne voulut pas en rester là, il parvint à convaincre d'Hervilly de lancer une contre-attaque pour reprendre Sainte-Barbe. Le 8 juillet, à deux heures du matin, les Chouans de Tinténiac et Cadoudal, épaulés par 2 000 émigrés passèrent à l'attaque. Les premiers s'emparèrent des avants-postes. Les républicains de Humbert, d'abord surpris, répliquèrent avec l'artillerie, les transfuges républicains du Royal Louis prirent alors la fuite et jetèrent la confusion dans leurs rangs. D'Hervilly ordonna alors à ses troupes de faire retraite, Puisaye dut faire de même. Peu d'hommes avaient été tués lors de l'affrontement mais Sainte-Barbe était définitivement aux mains des Républicains. Le général Louis Lemoine se chargea de l'occuper avec les 5 000 hommes de la division de Rennes[22]
Quelques heures plus tard, le général Hoche pouvait écrire au général Chérin:
« Mon cher ami, les anglo-émigrés-chouans sont, ainsi que des rats, enfermés dans Quiberon où l'armée les tient bloqués. J'ai l'espoir que dans quelques jours nous en seront quittes[23]... »Offensive émigrée
Le 9 juillet, l'état-major royaliste tint conseil. Cadoudal proposa un plan pour tenter de briser les lignes républicaines, le but étant de profiter de leur domination sur la mer pour débarquer des troupes au-delà des lignes républicaines afin de pouvoir les attaquer de dos. Ce plan soutenu par Tinténiac, Bois-Berthelot et Vanban fut approuvé par le conseil. Le 10 juillet, deux colonnes chouannes, l'une de 2 000 hommes commandée par Lantivy et Jean Jan, l'autre de 3 500 hommes, commandée par Tinténiac et Cadoudal, renforcés de la deuxième compagnie du Loyal-Émigrant, s'embarquèrent à Port Haliguen sur les navires britanniques et furent débarqués, la première à l'ouest au Pouldu en Clohars-Carnoët, la seconde à l'est à Sarzeau. Les Chouans, vêtus d'uniformes britanniques, avaient pour mission de lever un maximum de troupes et de prendre les lignes républicaines à revers pour le 16 juillet afin de lancer une attaque combinée avec l'armée des émigrés[24].
Pendant ce temps le nombre des troupes républicaines augmente, au moment du débarquement 9 200 soldats occupaient déjà le Morbihan sans compter la garnison de Belle-Île, entretemps Hoche a reçut en refort 4 000 des Côtes-du-Nord ayant passés par Ploërmel, ils furent placés sous les ordres du général Valletaux. La division de la Loire-inférieure, forte de 5 000 hommes commandés par le général Lemoine est arrivée de Nantes en passant par La Roche-Bernard. À Rennes le général Chérin a envoyé le général Drut avec 3 600 hommes. Ainsi à partir de la mi-juillet, Hoche put compter sur près de 23 000 hommes dans le Morbihan concentrés essentiellement sur Quiberon entre Lorient et Vannes[25].
En revanche les général Chabot à Brest, et le général Aubert du Bayet, commandant de l'armée des côtes de Cherbourg en poste à Saint-Malo, craignant de nouveaux débarquement britanniques, n'envoyèrent que peu de troupes. Aubert du Bayet n'envoya que 500 hommes à Quiberon.
Le 15 juillet, une nouvelle flottes de navires de transport britannique commandée par Francis Rawdon-Hastings, lord Moira fit son apparition dans la baie de Quiberon, elle transportait la deuxième division émigrée sous les ordres du marquis Charles Eugène Gabriel de Virot de Sombreuil ainsi que la réponse du gouvernement britannique à la lettre de Puisaye envoyée le 27 juin. Cette lettre, écrite par William Windham, mit fin à la discorde entre d'Hervilly et Puisaye en confirmant ce dernier comme chef de l'expédition. Afin de clarifier la situation, le gouvernement promut Puisaye au grade de Lieutenant-général au sein de l'armée britannique[26].
Sombreuil demanda à Puisaye de différer l'attaque d'une journée afin d'avoir le temps de débarquer et d'armer ses hommes pour qu'ils puissent eux aussi prendre part au combat. Mais Puisaye dut refuser afin de pouvoir agir de concert avec Tinténiac. Dans la nuit du 15 au 16 juillet, Vauban s'embarqua avec 1 500 Chouans sur les navires de Warren, il fut débarqué à Carnac avec ses troupes afin de tenter une diversion. Un code avait été convenu avec Puisaye, losque Vauban aurait engagé le combat, il devait envoyer une première fusée, si il était repoussé, il devait en envoyer une deuxième. Le 16 juillet, à trois heures trente du matin, le combat s'engagea à Carnac et Vauban fit tirer sa première fusée.
Au fort Penthièvre, Puisaye, croyant entendre une clameur dans le camp républicain, crut à une attaque de Tinténiac et ordonna une offensive générale. 2 500 émigrés et 1 600 Chouans menés par le général d'Hervilly se mirent en mouvement. Le régiment du Dresnay et 600 Chouans commandés par le duc de Lévis occupaient le flanc droit, le régiment d'Hector était placé au centre-droit, la première compagnie du Loyal-Émigrant au centre, elle formait l'avant-garde, le Royal Artillerie derrière elle avec 8 pièces d'artillerie, Le Régiment d'Hervilly occupait le centre-gauche et les Chouans le flanc gauche. Face à cette armée se trouvaient 18 000 soldats républicains. Vauban avait été forcé de réembarquer et avait lancé sa deuxième fusée, mais Puisaye ne l'avait pas vue.
Les émigrés arrivèrent au contact avec l'avant-garde républicaine commandée par Jean Humbert, celui-ci se replia rapidement sur ses lignes.
La deuxième division émigrée
- Le Régiment de Rohan, Lieutenant-colonel: Comte de La Villéon.
- La Légion de Béon, Colonel: Comte d'Anceau.
- Le Légion de Damas, Lieutenant-colonel: Comte de Rouhaut.
- La Légion du Périgord, Lieutenant-colonel: Comte Bozon de Talleyrand-Périgord.
- La Légion de Salm-Kiburg, Lieutenant-colonel: Comte de Bailly.
Chacun de ces régiments était fort de 300 à 400 hommes[27].
Assaut des Républicains sur Quiberon
Prise du fort Penthièvre
Les émigrés repoussé, le général Hoche tint un conseil de guerre avec ses officiers et les représentants en mission pour savoir s'il convenait d'attaquer le fort Pentièvre qui barrait le passage vers la presqu'île. Les officiers du génie étaient d'avis de mettre de un siège en règle devant le fort, ce n'était pas l'opinion de Hoche, celui-ci voulait en finir au plus tôt, son plan était de prendre le fort par surprise[28].
Mais le même jour, trois soldats du 41e régiment d'infanterie de ligne se présentèrent à l'état-major. Il s'agissait des sergents-majors Antoine Mauvage et Nicolas Litté et du canonnier David Goujou. Ces soldats faisaient partie de la garnison républicaine du fort au moment de sa prise par les émigrés, ils avaient ensuite acceptés de s'enrôler dans l'armée royaliste et étaient toujours affectés à la défense du fort qu'ils avaient discrètement désertés afin de rejoindre les Républicains. Les trois hommes affirmaient que la majorité des soldats de la garnison étaient près à se retourner contre les Royalistes et se proposaient de guider les troupes républicaines afin de prendre le fort par surprise[28].
Hoche hésitait, il craignait un piège et interrogea longuement les trois hommes. Finalement le canonnier Goujon se proposa de retourner au fort, puis de revenir afin de rapporter lui-même le mot d'ordre, ces déclarations finirent par convaincre Hoche qui décida de tenter l'attaque surprise. Cependant la longue et fine bande de sable qui séparait le village de Sainte-Barbe du fort Penthièvre était gardée par la flotte britannique du commodore Warren. Hoche décida d'attendre qu'un vent fort et une mer agitée ne pousse les navires à s'éloigner de la côte, afin de pouvoir lancer de nuit une attaque discrète et de passer au nez et à la barbe des Anglais. Les trois déserteurs regagnèrent le fort Penthièvre afin de prévenir leur compagnons et l'attaque fut fixée pour la nuit du 19 au 20 juillet[29].
À Vannes, le 19 juillet, Lazare Hoche adressa ses instructions à ses officiers:
« La presqu'île de Quiberon sera attaquée aujourd'hui, 1er thermidor, à onze heures du soir.
Le général Humbert, à la tête de 500 hommes d'élite de son avant-garde, et conduit par un guide que je lui enverrait, se portera sur le village de Kerostin, en passant par la laisse de la basse mer, laissant le fort Penthièvre à droite et la flotte anglaise à gauche. Il fera marcher sur deux files, avec le moins de bruit et à la moindre distance possibles. Arrivé près du village, il tournera brusquement à droite et fera courir jusqu'au fort, dont il s'emparera en franchissant la palissade; il égorgera tout ce qui s'y trouvera, à moins que les fusiliers ne viennent se joindre à sa troupe. Les officiers, sergents d'infanterie et canonniers n'auront point de grâce.
Le général de brigade Botta suivra Humbert dans le même ordre avec le reste de l'avant-garde. Il s'emparera de Kerostin, et fera fusiller tous les individus armés qui voudraient sortir des maisons. Les soldats sans armes qui viendront le joindre seront accueillis; les officiers et sous-officiers seront fusillés sur-le-champ.
En arrivant dans la presqu'île, ces deux officiers généraux feront crier par leur troupe: « Bas les armes ! À nous les patriotes ! »
L'adjudant-général Mesnage favorisera l'attaque d'Humbert en attaquant lui-même les grand'gardes ennemies; il les culbutera, leur passera sur le corps et les poussera jusqu'au fort. La palissade franchie, il suivra par sa gauche le fossé jusqu'à la gorge.
Mesnage ne fera pas tirer un coup de fusil; il fera passer à la baïonnette tout ce qu'il trouvera d'ennemis. La troupe qui doit faire cette attaque sera l'élite du général Valletaux.
Valletaux soutiendra l'attaque de Mesnage avec le reste de sa brigade; il fera en sorte de se précipiter au fort en se rapprochant le plus possible pour éviter son feu.
Humbert se mettra en marche par la gauche à minuit précis; Ménage par la droite un quart d'heure après. Les deux colonnes suivront la marée, dussent-elles marcher un peu dans la mer.
Le général Lemoine portera sa brigade à la hauteur de l'avant-garde. Il y laissera un bataillon avec deux-pièces de quatre, marchera en bataille à la hauteur de la colonne Valletaux qu'il doit soutenir.
Garde du camp: deux bataillons de la réserve et la troisième de la demi-brigade, commandée par le général Drut, qui fera tirer à boulets rouges sur les bâtiment qui voudront nous inquiéter[30]. »Lazare Hoche put alors ordonner l'assaut décisif, dans la nuit du 20 juillet, malgré un violent orage, il attaqua le fort de Penthièvre, défendu par 4 000 hommes et couvert par les tirs des navires britanniques. Mais des transfuges républicains désertèrent et livrèrent le fort à Hoche par trahison, de nombreux défenseurs furent massacrés [31].
Les Britanniques firent alors feu depuis leurs navires, mais leurs tirs touchèrent aussi bien les royalistes, que les républicains ou même encore les civils. Joseph de Puisaye, jugeant la situation désespérée, ordonna à ses hommes de réembarquer et se rendit à bord du vaisseau amiral afin de limiter la défaite : on l'accusa par la suite d'avoir déserté pour sauver sa vie, toutefois 2 500 émigrés et chouans purent être évacués grâce à l'aide des chaloupes britanniques.
Plus rien n'arrêtait la progression des républicains, seul Sombreuil et ses hommes, acculés, tentèrent une ultime résistance. Le 21 juillet, au matin Hoche et Sombreuil entamèrent des négociations, les royalistes capitulèrent peu de temps après, sous promesse, semble-t-il, de la vie sauve pour tous les soldats royalistes.
Combats sur la Presqu'île
Capitulation des Royalistes
Marche de l'« armée rouge »
Les instructions de l'agence de Paris
Le 11 juillet, la deuxième division chouanne commandée par Vincent de Tinténiac, forte de 3 600 hommes, avait été débarquée comme convenu près de Sarzeau dans la la Presqu'île de Rhuys qui avait été désertée par les troupes républicaines. La route étant libre les Chouans campèrent le soir au moulin de Callac, près du bois de Saint-Bily, dans la commune de Plumelec. Tinténiac réorganisa ses troupes et chercha à rallier de nouvelle troupe, l'objectif était toujours de prendre les lignes républicaines à revers pour le 16 juillet. Mais à Plumelec, les Chouans furent rejoints par le chevalier Charles de Margadel, porteur d'un courrier de l'Agence royaliste de Paris. Ce message donnait l'ordre au général de Tinténiac, au nom du Roi Louis XVIII, de se porter au château de Coëtlogon afin d'y recevoir de nouvelles instuctions. Hors marcher sur Coëtlogon, c'était tourner le dos à Quiberon. Tinténiac hésita, les officiers émigrés, en particulier le Vicomte de Pontbellanger dont la femme, qu'il n'avait pas vue depuis plusieurs années, résidait à Coëtlogon, étaient d'avis d'obéir aux ordres. Les officiers chouans en revanche émirent un avis contraire, en particulier Georges Cadoudal qui avança que Louis XVIII se trouvant à Vérone en Italie n'était pas en mesure de modifier les opérations. Tinténiac finit par se ranger à ce dernier avis et se porta vers Quiberon[32].
Le 13 juillet, Tinténiac prit position entre Colpo et Locqueltas, le lendemain il reçut plusieurs Chouans de la division de Bignan en renfort. L'« armée rouge », surnommée ainsi en raison de la couleur des ses uniformes, était désormais forte de 5 000 hommes. Mais un nouveau courrier, envoyé par l'abbé Bourtillic, se présenta au général de Tinténiac, il lui réitéra l'ordre de se porter à Coëtlogon pour recevoir de nouveaux ordres. Malgré l'avis toujours défavorable des officiers chouans, Tinténiac finit par obéir, il rassembla son armée et se mit en route vers le nord-est à Coëtlogon[33].
Le 16 juillet, alors que l'armée émigrée se faisait battre à Quiberon, l'armée chouanne dut attaquer Josselin défendue par 300 à 400 soldats républicains. Les Chouans culbutèrent un premier détachement devant la ville puis entrèrent dans la place par la porte Saint Nicolas. Les Républicains abandonnèrent la ville aux Chouans pour se retrancher dans le château. Dépourvus d'artillerie, les Chouans renoncèrent à s'emparer du château. Apprenant l'arrivée de renforts de deux colonnes républicaines, la première sur la route de Ploërmel, la seconde sur celle de Loudéac, il décidèrent d'évacuer Josselin et se portèrent sur Mohon. Les pertes étaient de 5 morts et 15 blessés pour les Républicains et de 8 hommes tués pour les Chouans, ainsi que plusieurs blessés[34].
Marche sur la baie de Saint-Brieuc
Le lendemain de la bataille, les Chouans de la division de Loudéac commandés par Pierre Robinault de Saint-Régeant se joignirent à l'armée rouge. Le 18 juillet, après quelques escarmouches face à la division républicaine du général Champeaux, les Chouans entraient dans Coëtlogon. Au château, dans la soirée, mesdames de Guernissac et de Pont-Bellanger invitèrent les officiers à dîner, Tinténiac et les émigrés acceptèrent, en revanche les officiers chouans préférèrent rester avec leurs hommes qui campaient dans les jardins du château. Lors du dîner, Tinténiac reçut les nouvelles instructions, elles lui ordonnaient de se rendre à Châtelaudren afin d'assurer un nouveau débarquement de soldat britanniques. Mais au même moment, un détachement de soldats républicains lançait une attaque surprise sur le château de Coëtlogon et bousculait les Chouans désorganisés. Les Républicains en nette infériorité numérique battirent rapidement en retraite, mais Tinténiac qui, dès les premiers coups fusils était sortit prendre la tête de ses hommes, fut frappé au cœur par une balle républicaine et tué sur le coup[35].
Tinténiac mort, les officiers royalistes se réunirent en conseil pour désigner un nouveau général. Les chouans, officiers et soldats, réclamèrent unanimement Cadoudal, mais les officiers émigrés choisirent l'un des leurs, le vicomte de Pontbellanger. Les émigrés étant majoritaires au conseil, ce fut ce dernier qui fut élu général, Pontbellanger ordonna alors de continuer la marche en direction de la baie de Saint-Brieuc[36].
Peu après, les Chouans reçurent encore en renfort la division de Ploërmel et de Malestroit commandée par César du Bouays et celle de La Trinité-Porhoët sous les ordres de Troussier. Néanmoins si certains soldats venaient renforcer l'armée, d'autres désertaient, l'Armée rouge ne comptait plus que 3 000 hommes[37]. Le 19 juillet les Chouans arrivèrent près de Loudéac, la ville était faiblement défendue, mais les Chouans, pressés d'atteindre la côte, ne l'attaquèrent pas et se contentèrent de la contourner. Le 20 juillet, les Chouans étaient à Plœuc-sur-Lié. Après avoir bousculé un nouveau détachement républicain, ils pénétrèrent dans la forêt de Lorge d'où ils débouchèrent le 21 juillet à Quintin[38].
Quintin était faiblement défendue, la petite garnison avait évacué la ville pour se retrancher près de la porte de l'ouest, elle fut aisément battue et mise en fuite par Jean Rohu.
Exécution des royalistes
6 332 chouans et émigrés avaient été faits prisonniers ainsi que des membres de leurs familles. Lazare Hoche aurait promis verbalement que les royalistes seraient considérés comme prisonniers de guerre. Cette promesse ne fut pas tenue. Les femmes et les enfants furent libérés quelques jours après la bataille, mais les soldats furent mis en accusation par le commissaire Jean-Lambert Tallien. Charles de Virot, marquis de Sombreuil et 750 de ses compagnons furent jugés par des commissions militaires et fusillés à Auray, les chefs dont Sombreuil et Mgr de Hercé à Vannes dans le jardin de la Garenne. 430 étaient nobles : beaucoup d'entre eux avaient servi dans la marine de Louis XVI.
À l'endroit des exécutions, un pré le long du marais de Kerzo en Brech sur la rive ouest du Loch en amont d'Auray, appelé depuis le Champ des martyrs, leurs dépouilles demeurèrent enfouies sur place jusqu'en 1814. En 1829, on édifia une chapelle expiatoire en forme de temple. Les ossements exhumés sont aujourd'hui conservés dans le mémorial construit sur le domaine de la Chartreuse d'Auray.
La Charteuse d'Auray conserve la liste gravée en hâte et un caveau contenant les restes de 952 prisonniers de l'armée royale passés par les armes du 1er au 25 août 1795 après la défaite du débarquement de Quiberon.
Dans la littérature
L'expédition de Quiberon figure dans l'un des romans de C. S. Forester, Mr Midshipman Hornblower[39]. Cet épisode figure également dans la série télévisée britannique basée sur la série des « Hornblower ».
Sources
Bibliographie
- Études historiques
- Abbé Angot, Quiberon, du 6 juin au 25 juillet 1795, dans Revue historique et archéologique du Maine, t. XLI (1897), p. 335-347. [1]
- Jacques-Philippe Champagnac, Quiberon, la répression et la vengeance, Perrin, 1989
- Jean-François Chiappe, Georges Cadoudal ou la Liberté, Perrin, 1971
- Jacques Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire, 1840
- Roger Dupuy, La Bretagne sous la Révolution et l’Empire, 1789-1815, éditions Ouest-France université, Rennes, 2004
- Roger Garnier, Hoche, Payot, 1986
- Yves Gras, La Guerre de Vendée, Economica, 1994
- Pierre Lecuyer, Jean Jan, lieutenant de Cadoudal, Yves Salomon, 1985
- Jean-Clément Martin, Blancs et Bleus dans la Vendée déchirée, Découvertes/Gallimard, 1986
- Nathalie Meyer-Sablé et Christian Le Corre, La chouannerie et les guerres de Vendée, éditions Ouest-France, 2007
- Jean Sibenaler, Quiberon, pour le Roi et l'Autel, éditions Cheminements, 2007
- Jean Tabeur, Paris contre la Province! Les guerres de l'Ouest, 1792-1796, Economica, 2008
- Mémoires
- Joseph de Puisaye, Mémoires du comte J. de Puisaye, etc., qui pourront servir à l’histoire du parti royaliste français durant la dernière révolution, 1803
- Julien Guillemot, Lettre à mes neveux, 1859
- Toussaint Du Breil de Pontbriand, Mémoires du colonel de Pontbriand sur les guerres de la chouannerie, édition Plon, Paris, 1897 (réimpr. Y. Salmon, 1988)
- Claude-Augustin de Tercier, Mémoires politiques et militaires du Général Tercier (1770-1816), édition Paris, Plon, 1891
Références
- ↑ Parmi lesquels 751 seront fusillés et environ 2 500 qui parviendront à s'évader.
- ↑ Jacques-Philippe Champagnac, p.228
- ↑ Mémoires du colonel de Pontbriand, Tome I, p.102
- ↑ Mémoires du colonel de Pontbriand, Tome I, p.132-133
- ↑ Pierre Lecuyer, Jean Jan, lieutenant de Cadoudal, p.146-147
- ↑ Pierre Lecuyer, Jean Jan, lieutenant de Cadoudal, p.148
- ↑ Jean-François Chiappe, Georges Cadoudal, ou la liberté, p.117
- ↑ Jean Sibenaler, p.12-13
- ↑ Yves Gras, p.151-152
- ↑ Yves Gras, p.152
- ↑ Chroniques de la Révolution, éditions Larousse, 1988, p.488.
- ↑ Jean-Philippe Champagnac, p.13
- ↑ Jean-Philippe Champaignac, p.229
- ↑ a , b , c , d et e Jean Sibenaler p. 16-17.
- ↑ Jean Sibenhaler, p.23
- ↑ Jean Sibenhaler, p.24
- ↑ Jean-Philippe Champagnac, p.11
- ↑ Roger Dupuy, p.175
- ↑ Roger Dupuy, p.174
- ↑ Roger Dupuy, p.176
- ↑ Jean-François Chiappe, Georges Cadoudal, ou la liberté, p.134-135
- ↑ Jacques-Philippe Champagnac, Quiberon, la répression et la vengeance, p.45
- ↑ Robert Garnier, Hoche, p.227
- ↑ Jean-François Chiappe, Georges Cadoudal, ou la liberté, p.139-140
- ↑ Jacques-Philippe Champagnac, Quiberon, la répression et la vengeance, p.40
- ↑ Jean Sibenhaler, p.73
- ↑ Jean-Philippe Champagnac, p.14.
- ↑ a et b Robert Garnier, Hoche, p.230
- ↑ Robert Garnier, Hoche, p.231
- ↑ Jean Sibenhaler, p.80-82
- ↑ Le général Claude-Augustin Tercier, qui eut le bonheur d'échapper au massacre, avait la garde du fort avec 400 hommes le 19, Il fut remplacé dans ce poste le 20 juillet à midi par Charles du Val de Beaumetz, jeune homme d'une famille noble d'Artois, qui fut fusillé à Vannes le 21 septembre 1795.
- ↑ Jean-François Chiappe, Georges Cadoudal, ou la liberté, p.21-23
- ↑ Jean-François Chiappe, Georges Cadoudal, ou la liberté, p.23
- ↑ Istorhabreiz, l’armée rouge en Bretagne
- ↑ Jean-François Chiappe, Georges Cadoudal, ou la liberté, p.24-27
- ↑ François Cadic, Histoire populaire de la Chouannerie, Tome 2, p.11.
- ↑ Jean-François Chiappe, Georges Cadoudal, ou la liberté, p.28
- ↑ François Cadic, Histoire populaire de la Chouannerie, Tome 2, p.12.
- ↑ C.S. Forester, Mr Midshipman Hornblower, Michael Joseph Ldt., Londres, 1950, 253 p. (ISBN 0316290602)
Notes
- ↑ Le comte Louis de Provence et et le comte Charles d'Artois s’étaient partagés les affaires et les zones d’’activités contre-révolutionnaires :
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