- Siège de Toulon (1793)
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Le siège de Toulon eut lieu de septembre à décembre 1793, après que les royalistes s'emparèrent de la ville et la livrèrent aux Britanniques.
Sommaire
Contexte : la Terreur
Suite à la mise en accusation des députés girondins, le 31 mai 1793, éclate une série d'insurrections à Lyon, Avignon, Nîmes et Marseille. À Toulon, les fédéralistes chassent les jacobins, mais sont bientôt supplantés par les royalistes, encore nombreux dans la flotte de guerre.
Du 25 au 29 août 1793, les équipages de la flotte sont en rébellion contre leur commandant le contre-amiral royaliste Trogoff, menés par le contre-amiral républicain Saint-Julien.À l'annonce de la reprise de Marseille et des représailles qui y ont eu lieu, les 1 500 insurgés, dirigés par le baron d'Imbert, font appel à la flotte britanno-espagnole, jusqu'alors au large en soutien des troupes engagées dans la guerre du Roussillon. Le 28 août, les amiraux Samuel Hood et Juan de Langara font débarquer 17 000 hommes : 2 000 Britanniques, 7 000 Espagnols, 6 000 Napolitains et 2 000 Piémontais dans la baie des Islettes.
Le 29, la flotte anglo-espagnole entre dans la rade de Toulon ; Saint-Julien ordonne le branle-bas, mais seulement quatre vaisseaux sur dix-sept lui obéissent[1] et il doit se réfugier dans la petite rade, avant de se rendre. Les troupes britanniques entrent dans la ville de Toulon.
Le 1er octobre 1793, d'Imbert fait proclamer l'enfant du Temple, Louis XVII, roi de France et hisser le drapeau blanc à fleur de lys, l'amiral Trogoff livre alors la flotte et l'arsenal à la Royal Navy.Déroulement
Entre-temps, les troupes de la Convention, l’armée dite des « Carmagnoles », sous le commandement du général Carteaux, après ses reconquêtes d'Avignon et de Marseille, puis d'Ollioules, le 8 septembre, sont arrivées devant Toulon et rejointes par les 6 000 hommes de l’armée d'Italie, stationnée dans les Alpes-Maritimes, commandée par le général Lapoype, qui venait de s'emparer de La Valette, et cherchait à s'emparer des forts du mont Faron, dominant la ville à l'est.
Elles sont renforcées par 3 000 marins et soldats de la garnison, qui, suivant l'exemple du contre-amiral Saint-Julien, refusent de servir les Britanniques (au contraire du commandant de la flotte, le contre-amiral Trogoff, et de la majorité des capitaines, presque tous royalistes) et se sont échappé de Toulon, désertant parfois à la nage. Le tout forme l'armée provisoire dite « du camp devant Toulon ».Le chef de l'artillerie de Carteaux, le lieutenant-colonel Elzéar-Auguste Cousin de Dommartin, ayant été blessé à Ollioules, les représentants spéciaux de la Convention, Robespierre le Jeune et Antoine Christophe Saliceti, lui imposent le jeune capitaine Napoléon Bonaparte, présent à l'armée depuis Avignon, malgré l'antipathie réciproque entre les deux hommes.
Après une reconnaissance, Napoléon Bonaparte conçoit un plan qui prévoit de prendre les fortins de l'Eguillette et de Balaguier, sur la colline du Caire, pour ensuite interdire la passe entre la petite et la grande rade du port, ce qui couperait le ravitaillement maritime, nécessaire aux assiégés. Carteaux, réticent, n'envoie qu'un faible détachement sous l'adjudant général Delaborde, qui échoue dans sa tentative de conquête du 22 septembre. Les Alliés, prévenus par l'alerte, édifient alors une grande redoute de terre, au sommet de la colline, baptisée « Fort Mulgrave », en l'honneur du commandant britannique. Elle est appuyée par trois plus petites, nommées : « Saint-Philippe », « Saint-Côme » et « Saint-Charles ». L'ensemble apparemment imprenable est surnommé par les Britanniques le « Petit Gibraltar ».
Bonaparte, insatisfait de sa seule batterie, dite de « la Montagne, » positionnée sur la hauteur de Saint-Laurent depuis le 19, en établit une, le 21, sur le rivage de Brégaillon, dite des « Sans Culottes ». L'amiral tente de la faire réduire au silence par le Puissant, sans succès, et la flotte britannique doit se résoudre alors à longer la côte au niveau des hauts-fonds du Mourillon et de la Tour Royale. Le 1er octobre, après l'échec du général Lapoype contre le Fort Est du Faron, on demande à Bonaparte de bombarder le grand fort de Malbousquet, dont la prise conditionne celle de la ville. Il fait alors réquisitionner de l'artillerie dans toute la campagne environnante, portant l'effectif à cinquante batteries de six canons. Promu chef de bataillon le 19 octobre, il organise alors une grande batterie dite « de la Convention », face au fort, sur la colline des Arènes, appuyée par celle « du Camp des Républicains » sur la colline Dumonceau, celle « de la Farinière » sur la butte des Gaux et celle « de la Poudrière » à Lagoubran.
Le 11 novembre, Carteaux, limogé, est remplacé par Doppet, ancien médecin, dont l'indécision fait échouer une tentative par surprise contre le Fort Mulgrave, le 16 ; conscient de son incompétence, il démissionne. Lui succède un soldat de métier, Dugommier, qui aussitôt reconnaît la valeur du plan de Bonaparte, et prépare la prise du petit Gibraltar. Le 20, dès son arrivée est établie la batterie « des Jacobins », sur la crête de l'Evescat, puis sur la gauche, le 28 novembre celle des « Hommes Sans Peur », enfin le 14 décembre, celle des « Chasse Coquins » s'intercale entre les deux. Deux autres batteries sont organisées pour repousser l'intervention éventuelle des navires alliés aussi bien de la rade que de la mer libre, elles sont dites de la « Grande Rade » et des « Quatre Moulins ».
Pressés par le bombardement, les Britannico-Napolitains exécutent une sortie le 30 novembre et s'emparent de la batterie de la Convention. Une contre-attaque, menée par Dugommier et Bonaparte, les repousse et le général britannique O'Hara est capturé. Il entame des tractations avec Robespierre le Jeune et Antoine Louis Albitte pour une reddition honorable. Les bataillons fédéralistes et royalistes sont alors désarmés.
Dugommier, Lapoype et Bonaparte conviennent de lancer un assaut général dans la nuit du 16 au 17 décembre. Le 16, vers minuit, l'assaut est donné sur le Petit Gibraltar, le corps à corps dure toute la nuit, Bonaparte y est blessé d'un coup d'esponton à la cuisse par un sergent britannique, mais au matin, la position prise, Marmont peut y placer de l'artillerie contre l'Eguillette et Balaguier, que les Britanniques évacuent sans combat le jour même. Pendant ce temps, Lapoype prend enfin les forts du Faron et celui de Malbousquet.
Les Alliés décident alors d'évacuer par la voie maritime. Le commodore Sidney Smith fait brûler une partie de la flotte livrée et l'arsenal, et les troupes embarquent.La répression
Les troupes de la Convention entrent dans la ville livrée à elle-même le 19 décembre. Environ 15 000 Toulonnais se réfugient sur les navires britanniques et sont débarqués à La Valette. Dans une ville réduite à 7 000 habitants, la répression, dirigée par Paul Barras et Stanislas Fréron, est sanglante : on estime que 7 à 800 personnes, arrêtées sur les indications des prisonniers libérés du Thémistocle, sont fusillées sommairement, sur le champ de Mars, jusqu'au 31 décembre. Par la suite, la commission révolutionnaire prononce 290 autres condamnations[2]. Bonaparte, soigné par Jean François Hernandez après sa blessure, n'assiste pas à la curée : promu général de brigade, le 22 décembre, il est déjà en route pour sa nouvelle affectation à Nice, comme commandant de l'artillerie de l'armée d'Italie. Une porte faisant partie de l'ancienne muraille de la ville de Toulon évoque ce départ ; une plaque commémorative y est apposée. Cette porte est nommée « Porte d'Italie ».
Le 4 nivôse an II (24 décembre 1793) la Convention vota un décret disposant que : « Le nom infâme de Toulon est supprimé. Cette commune portera désormais le nom de Port-la-Montagne ».
Conséquences
Cette victoire permet de rendre disponible une partie des forces terrestres françaises participant au siège.
Le 27 décembre 1793, le Comité de Salut Public nomme Jacques Dugommier général en chef de l'armée des Pyrénées orientales, qui arrive avec 12 000 hommes en renfort, afin de repousser les troupes espagnoles.Côté maritime, la flotte de la Méditerranée perd la majeure partie de ses équipages (morts lors du siège, exécutés en décembre ou réfugiés chez les Britanniques), le contenu des magasins de l'arsenal et la moitié de ses vaisseaux :
- Hood emporte avec lui quelques-unes des plus belles unités de la marine française : le Commerce de Marseille (un 118 canons, chef d'œuvre de Sané lancé en 1788, navire amiral de la flotte du Levant), le Pompée (un 74, lancé en 1791), le Scipion (74, datant de 1790), et le Puissant (74, de 1782) ;
- les Britanniques ont totalement brûlé huit vaisseaux, y compris des unité neuves : le Thémistocle (74, de 1791), le Duguay-Trouin (74, de 1788), le Tricolore (74, de 1785), le Suffisant (74, de 1782), la Liberté (74, de 1782), le Triomphant (un 80 canons, lancé en 1779), le Héros (74, de 1778) et le Destin (74, de 1777) ;
- quatorze vaisseaux seront néanmoins repris par l'armée de la République en décembre 1793, mais la plupart seront retrouvés forts endommagés (souvent en partie brûlés ou dégradés), et peu seront en état de prendre la mer à court terme : le Sans-Culotte (118), le Tonnant (80), le Languedoc (80), l’Entreprenant (74), le Généreux (74), le Mercure (74), l’Heureux (74), le Centaure (74), le Censeur (74), l’Alcide (74) ; les autres vaisseaux survivants sont particulièrement vieux : le Conquérant (74, lancé en 1749), le Peuple Souverain (74, datant de 1757), le Guerrier (74, de 1753) et le Hardi (64, de 1750). Beaucoup de ces unités seront coulées ou prises lors des batailles du cap Noli et des îles d'Hyères en 1795, et surtout lors de celle d'Aboukir en 1798.
La Royal Navy domine désormais la Méditerranée, ce qui encouragera Nelson dans ses initiatives audacieuses et comblées de succès en Méditerranée, jusqu'à son triomphe à Trafalgar.
Sources
Notes et références
- Cosmao, le Commerce de Marseille commandé par l'équipage, le Tonnant et le Commerce de Bordeaux de Saint-Julien. Le Duguay-Trouin de
- Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Quadrige/PUF, 1989, p. 1041, entrée « Toulon » par Michel Vovelle
Bibliographie
- Paul Collin, Toulon et les Anglais en 1793, 1898.
- Naval history of Great Britain, p. 63-81
- Fulgence Girard « Toulon livré aux Anglais » in La France Maritime, édition 1837, vol. 3, p. 302 : Contexte et déroulement du siège de Toulon, vu par un républicain en 1837 <<lecture en ligne>>
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