Louis Thomas Villaret De Joyeuse

Louis Thomas Villaret De Joyeuse

Louis Thomas Villaret de Joyeuse

Louis Thomas Villaret de Joyeuse
Villaret-Joyeuse.jpg
Naissance 29 mai 1748
Auch
Décès 24 juillet 1812 62 ans)
Venise
Origine Français
Allégeance Royaume de France Royaume de France
Drapeau français Royaume de France
Drapeau français République française
Drapeau de l'Empire français Empire français
Arme
Grade
  • Contre-amiral (1793),
  • Vice-amiral (1794),
  • Capitaine général
Service 1763 - 1812
Conflits
Commandement amiral commandant la 12e région militaire
Faits d’armes
Distinctions
Hommage son nom sur l’Arc de Triomphe
Autres fonctions
Famille Son frère, le marquis Villaret de Joyeuse, est général

Thomas Villaret de Joyeuse, puis (1789) Louis Thomas de Joyeuse, et en 1792 Louis Thomas Villaret-Joyeuse (29 mai 1747[1], Auch – 24 juillet 1812, Venise), fut amiral de la flotte française.

Son prénom à la naissance est Thomas, il change de prénom est 1789 sur les actes officiels où l'on peut lire Louis Thomas. Il signe Dejoyeuse avant 89, mais son nom Villaret de Joyeuse devient Villaret-Joyeuse en 1792 ou Villaret.

Sommaire

Sous l’Ancien Régime

Une origine aristocratique douteuse[2]

Contrairement à une idée reçue y compris de son vivant, son origine aristocratique est douteuse (son grand père était ébéniste à Auch et connu sous le seul nom de Villaret) et certains biographes sont perplexes sur l’origine du « de Joyeuse » qui semble avoir été usurpé par son père, ancien militaire puis fonctionnaire royal devenu fortuné. Témoigne notamment de ses origines roturière le fait qu’il ait commencé sa carrière maritime comme volontaire plutôt que comme garde-marine, voie normale pour tout aspirant issu de la noblesse. Si des aristocrates ont suivi des carrières d’officiers bleus, c’était essentiellement pour des raisons d’absence de fortune suffisante pour assurer le train de vie requis pour un garde de la marine or la famille Villaret n’avait aucun problème sur ce plan. Toutefois, ses états de service exceptionnels, notamment sous Suffren, et l’ambiguïté de son nom d’usage, lui permettront d’intégrer tout de même le « Grand Corps » des officiers de la marine royale après avoir servi comme officier bleu. Un autre événement douteux, systématiquement cité dans la plupart de ses notices biographiques, bien qu’aucun document concret ne vienne étayer sa réalité, serait qu’il soit d’abord entré aux Gendarmes de la Maison du Roy en 1763, et qu’il ait quitté ce corps à la suite d’un duel.[3] Il n’est pas exclu que cet épisode ait été forgé a posteriori par lui-même pour dissimuler son origine roturière.

Il fut un « aristocrate d’apparence » mais dut transformer son nom dès le début de la Révolution en « Villaret-Joyeuse » voire en « Villaret » tout court.

Apprentissage dans la Royale et la Compagnie des Indes

Il entre dans la marine royale comme volontaire (certains disent dès 1763) et navigue essentiellement aux Antilles de 1765 à 1770 d'abord la flûte la Nourrice, destinée à Cayenne. En 1766, Thomas part sur l'Éléphant, armé à Bordeaux, transportant des troupes aux Antilles, le navire est désarmé à Rochefort.

Enseigne de la Compagnie des Indes, sur la flûte Parham, destiné à l'Île de Saint-Domingue, désarmé à Bordeaux. Il rentre à l'amirauté pour y subir des examens lui permettant d'être capitaine au long cours. En 1773, il transporte des troupes à l'Isle de France (ancien nom de Maurice) sur la Fortune, armée à Brest. Il reste à l'Isle de France fin 1773 et début 1774 et navigue dans l'océan Indien, sur le Coromandel jusqu'au 20 mai 1775 et navigue en face des côtes du Bengale.

En 1776, Thomas Villaret de Joyeuse repart à destination de Pondichéry et Mahé avec la corvette L'Athalante. En 1778, il repart de l'Isle de France (ancien nom de Maurice) sur une flûte, la Pintade à destination de Pondichéry et Mahé. C'est alors qu'éclate la guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique.

Siège de Pondichéry (1778)

Lieutenant de frégate, il se retrouve sans bâtiment sur lequel embarquer à Pondichéry lorsque les Britanniques viennent mettre le siège devant cette place en 1778. Il offre ses services au gouverneur et déploie en ces circonstances des talents et une bravoure tels qu’il obtient le commandement de la flûte la Pintade, en 1779, grâce au récit que fait Guillaume Léonard de Bellecombe, au roi, de sa belle défense de Pondichéry. Il part en croisière sur la Côte de Coromandel

Flûte hollandaise

Capitaine de la corvette La Dauphine

En 1779, Thomas de Joyeuse est capitaine de la corvette La Dauphine et fait du cabotage pendant 6 mois entre l'île Bourbon et Madagascar.

L'année suivante, il est l'un des officiers du vaisseau le Brillant[4] et part de l'Isle de France en croisière sur le Banc des Aiguilles[5], pendant 23 mois et 4 jours.

Un officier bleu promu par Suffren

Pierre André de Suffren le nomme capitaine de frégate en 1781 après la bataille de Gondelour et lui confie successivement le Pulvériseur, puis la Bellone, et enfin la corvette Naïade.

Envoyé pour une mission de confiance très risquée, il tient tête pendant plus de quatre heures au vaisseau le Sceptre (64 canons) mais doit finalement amener son pavillon. Rapidement libéré, il sert sur le Héros, en tant qu’aide de camp de Suffren; en 1784 il commande une prise, la frégate Coventry, avec le grade de lieutenant de vaisseau. Suffren lui obtient aussi la grand-croix de l’ordre de Saint-Louis. C’est donc Suffren en campagne dans l’océan Indien qui le fait entrer dans le « Grand Corps » ce qui aurait été éventuellement plus difficile en France où ses quartiers de noblesse auraient probablement fait l’objet d’un examen préalable.

Thomas Villaret de Joyeuse rentre à Brest et prend le commandement de la frégate La Railleuse. Il se marie avec Félicité de Villars de Roche, à Versailles en 1787. Ils ont une fille et deux fils, dont Alexis Jean Marie, né à Lorient en 1788, futur capitaine de vaisseau, chevalier de l’ordre de Saint-Louis et de la Légion d'honneur.

Toutefois Thomas Villaret de Joyeuse n'est que lieutenant de vaisseau. Le Grand Corps des officiers de la Marine accepte difficilement qu'un officier qui n'est pas l'un des leurs devienne capitaine de vaisseau. Villaret de Joyeuse n'est ni ancien Garde, ni un aristocrate. Il n'est pas non plus Provençal ou Breton.

Comme Pierre André de Suffren, avant lui, il devient membre de la loge L’Union de Lorient. Beaucoup d'officiers de la Marine royale sont francs-maçons.

Officier de la marine républicaine

Un capitaine efficace

Il commande la Prudente aux Antilles en 1790/91 avec une division envoyée pour y rétablir l’ordre. L’opération sera un échec total, la plupart des équipages se mutinant. La Prudente sera l’un des seuls bâtiments où la discipline sera maintenue ce qui fait attirer l’attention sur son commandant.

En 1793, il est enfin capitaine de vaisseau et commande le Trajan dans l’escadre de Morard de Galles pendant les troubles qui agitent la plupart des navires à l’exception du Trajan, notamment lors de l’affaire de Belle Isle.

Un amiral nommé précipitamment

À la destitution de l’amiral en novembre 1793, Jeanbon Saint André le fait nommer contre-amiral, et lui confie aussitôt le commandement en chef de l’armée navale de Brest où il s’efforce de rétablir la discipline et un semblant d’organisation.

La campagne de Prairial

Article détaillé : Bataille du 13 prairial an II.

Avec son pavillon sur le vaisseau la Montagne (118 canons), il conduit cette flotte lors de la campagne de Prairial qui culmine dans les combats du 10 Prairial (29 mai 1794) et surtout la grande bataille du 13 Prairial (1er juin 1794) où il perd 7 vaisseaux à l’ennemi. Il réussit toutefois à écarter la flotte de lord Richard Howe de la route du convoi Van Stabel et lui permet ainsi d’atteindre Brest.

Les désastres de la marine républicaine

Article détaillé : Bataille de Groix.

Il est promu vice-amiral en décembre 1794. Il doit ensuite mener la campagne du Grand Hiver (décembre 1794 / janvier 1795) à la tête d’une flotte mal réparée, privée de vivres et hors d’état de prendre la mer dans une période de l’année particulièrement défavorable. Cinq vaisseaux sombrent lors de cette croisière inutile ordonnée par des politiciens incompétents.

En juin 1795, il conduit une escadre de 12 vaisseaux au secours de l’amiral Vence et d’un convoi, bloqué près de Belle Isle par l’escadre de Bridgeport. Près de Groix (combat naval de Groix le 23 juin 1795), malgré une nette supériorité numérique et son courage personnel, il ne peut empêcher la débandade de nombre de ses capitaines qui s’enfuient honteusement vers Lorient. Il y perdra encore trois vaisseaux et cet épisode lui laissera une grande amertume contre les capitaines incompétents responsables de ses échecs répétés.

Première disgrace

Article détaillé : Expédition d'Irlande (1796).

Désapprouvant les plans de l’expédition Hoche à destination de l’Irlande. Il fait preuve de mauvaise volonté dans la préparation de ses bâtiments et est en conflit constant avec le jeune général auquel il admet mal d’être soumis. Le ministre Truguet le révoque et le remplace par Morard de Galle, revenu, lui, en grâce. Cette campagne sera un l’échec lamentable, car là encore mal préparée et pourvue de moyens insuffisants.

Un amiral politique

Député au Conseil des Cinq-Cents (1796)

Louis Thomas Villaret-Joyeuse est élu fin 1796 au Conseil des Cinq-Cents, par le département du Morbihan. Il siège avec un groupe de tendance monarchiste : le club dit des « Clichyens » (clichiens avec Dumas, Boissy d'Anglas, Pichegru, Viénot de Vaublanc et Barbé-Marbois). Les députés composant ce club étaient des modérés qui ne souhaitaient pas un retour à l’Ancien Régime mais plutôt une monarchie constitutionnelle qui accepterait certains acquis de la Révolution ; Villaret entre alors en conflit assez violent avec le ministre de la marine et des colonies Truguet qui cherche à faire enfin appliquer l’abolition de l’esclavage dans les colonies. Villaret dont le frère possède une grande plantation à l’île de France (île Maurice) devient le principal porte-parole du lobby colonial et esclavagiste[6].

Il fait partie des proscrits lors du coup d'État du 18 fructidor an V. Échappant de peu à la déportation à Cayenne, il est assigné à résidence à l’île d’Oléron.

Le Consulat

Transport du corps expéditionnaire à Saint-Domingue

Bonaparte cherche à rallier à sa cause les anciens clichyens qu’il fait libérer. Il confie à Villaret de nouveau le commandement de l’escadre de Brest en mars 1801. À la veille de la Paix d'Amiens il conduit l’expédition du général Leclerc à Saint Domingue, envoyée pour combattre Toussaint Louverture. Il reste aux Antilles comme gouverneur général de la Martinique et de l’île de Sainte Lucie à partir de 1802.

Capitaine général de La Martinique et de Sainte-Lucie (1802-1809)

Les Britanniques occupent la Martinique jusqu'en 1802, date à laquelle le traité d'Amiens rend l'île à la France. Villaret-Joyeuse est nommé Capitaine général de l'île Martinique et dépendances en avril 1802. Il reprend donc possession de l'île où il a de bonnes relations avec les colons.

Le Premier Empire

Nouvelle disgrâce

En 1809, avec seulement 2000 hommes, il tente de résister courageusement au corps expéditionnaire de 18 000 hommes mené par l’amiral Cochrane. Il s’enferme dans les forts mais doit capituler sous le nombre au bout de trois semaines.

Lorsque Villaret revient en France, le ministre de la marine et des colonies Denis Decrès qui le considère comme un prétendant sérieux à sa succession saisit l’occasion pour le blâmer abusivement comme responsable de la perte des îles. Villaret doit faire face à un conseil d'enquête aux ordres du ministre et il est exilé à Rouen jusqu’en avril 1811.

Venise

En 1811, Napoléon Ier relève Villaret de sa disgrâce et le nomme commandant de la 12e région militaire puis gouverneur de Venise; mais une crise d’hydropisie le terrasse peu après, le 24 juillet 1812.

Louis Thomas Villaret de Joyeuse est enterré à Venise et son nom est sur l’Arc de Triomphe de l’Étoile.

Conclusion

Villaret de Joyeuse fut un capitaine exceptionnel sachant maintenir ordre et discipline dans son équipage lorsque tous les autres se mutinaient et fut aussi un combattant courageux très estimé par Suffren.[réf. nécessaire] Si son bilan comme amiral se solde par une suite de défaites, voire de désastres, son talent de tacticien et ses qualités de général en chef restent indéniables, alors même qu’il a dû exercer ses commandements d'escadre dans la période la plus sombre de l'Histoire de la Marine française, sans avoir eu seulement le temps d’acquérir la moindre expérience de la fonction.[7] « On ne lui a donné à commander que des escadres mal équipées, de mauvais équipages et des officiers pire encore. On ne pouvait faire mieux que ce qu’il a réussi à accomplir avec eux et malgré eux. »[8]. Reconnaissons qu’il fallait du courage pour accepter fin 1793 le commandement d’une flotte « réorganisée » par un Jeanbon Saint André et du talent pour la conduire dans un combat, certes perdu, mais de façon honorable en Prairial. De ce fait, la présence de son nom n’est pas déplacée sur les piliers de l’Arc de Triomphe.

Toutefois son rôle de porte-parole du lobby esclavagiste sous le Directoire ternit sérieusement son image. La seule défense – si c’en est une – que l’on puisse lui trouver sur ce plan c’est qu’il fut loin d’être le seul : la quasi-totalité des élites et de ses pairs furent à la même époque ou sous le Consulat des partisans de l’esclavage (Bruix, Forfait, etc.) ; les prises de position courageuses de l’amiral Truguet dans ce domaine furent une exception rarissime.

Voir aussi

Notes

  1. Villaret de Joyeuse est né en 1747 selon les registres paroissiaux de la cathédrale Sainte Marie d'Auch. D'autres sources donnent 1748 ou 1750: son Dossier/Marine Archives/Villaret de Joyeuse; Michel Vergé-Franceschi, La Marine française au XVIIIe siècle, p. 429; William S. Cormack, Revolution & Political Conflict in the French Navy 1789-1794.
  2. Sur sa filiation, voir la biographie très fouillée : l’Amiral Villaret Joyeuse, des Antilles à Venise 1747-1812 par le colonel Henri Ortholan, Bernard Giovanangeli Editeur, Paris 2005.
  3. Henri Ortholan (même source que ci-dessus) relève notamment que le nom de Villaret de Joyeuse n’apparaît sur aucune liste des gendarmes du roi dans les années concernées.
  4. Vaisseau de la Compagnie des Indes de 1100 tonneaux et 58 canons.
  5. Sud de l'océan Indien.
  6. Discours de Villaret-Joyeuse, député du Morbihan; sur l’importance des colonies & les moyens de les pacifier : séance du 12 prairial an 5.
  7. O. Troude le classe comme le meilleur amiral français de la période (avec Latouche Tréville mais qui n'eut pas l'occasion de commander lors d'une bataille navale majeure) dans ses Batailles Navales de la France
  8. H.E. Jenkins : Histoire de la Marine Française

Sources

  • Bordonove (Georges) : Les Marins de l’An II, Éditions Robert Laffont, Paris 1974
  • Caron (c-a François) : La Guerre incomprise : le mythe de Suffren, Service Historique de la Marine, Vincennes, 1996
  • Castagnon Robert, Gloires de Gascogne, éditions Loubatière (en partie sur Villaret de Joyeuse)
  • Cunat Charles, Histoire du bailli de Suffren (Consultable en ligne)
  • Cormack William S., Revolution & Political Conflict in the French Navy 1789-1794, Cambridge University Press; Édition : New Ed (9 mai 2002)
  • Glachant Roger, Suffren et le temps de Vergennes, éditions France-Empire, 1976
  • Granier (Hubert) : Histoire des Marins Français 1793 – 1815, Les Prémices de la République, Marines Éditions, Nantes 1998.
  • Jenkins (H.E.) : Histoire de la Marine Française, Mac Donald and Jane’s, Londres, 1973 ; Albin Michel, Paris, 1977 pour la traduction française.
  • Klein Charles-Armand, Mais qui est le bailli de Suffren Saint-Tropez ? - Mémoires du Sud - Éditions Equinoxe, 2000.
  • Le Pelley-Fonteny, Monique, Itinéraire d'un marin granvillais : Georges-René Pléville le Pelley (1726-1805). Neptunia (les mémoires un autre grand marin navigant à la même époque)
  • Ortholan, colonel Henri, L’Amiral Villaret-Joyeuse : des Antilles à Venise 1747-1812, Bernard Giovanangeli (26 janvier 2006)
  • Presles, Claude des, Suffren dans l'océan Indien (1781 - 1783), Economica, 1999
  • Roux Joseph Siméon, Le Bailli de Suffren dans l'Inde(Consultable en ligne)
  • Six (Georges) : Dictionnaire biographique des Généraux et Amiraux de la Révolution et de l’Empire, Librairie Historique et Nobiliaire, Georges Saffroy éditeur, Paris 1934
  • Suffren, Pierre André de, Journal de bord du bailli de Suffren dans l'Inde (1781 - 1784), avec une préface par le vice-amiral Edmond Jurien de La Gravière, Henri Moris, Paris : Challamel, 1888
  • Unienville, Raymond d', Hier Suffren, Mauritius Printing 1972
  • Vergé-Franceschi Michel, La Marine française au XVIIIe siècle, SEDES, 1996
  • Villaret de Joyeuse, Louis Thomas, 1747-1812, Discours de Villaret-Joyeuse, député du Morbihan; sur l’importance des colonies & les moyens de les pacifier : séance du 12 prairial an 5, Paris : de l’Imprimerie nationale, 1797

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