Droits de l’Homme

Droits de l’Homme

Droits de l'homme

Les droits de l'homme[1] sont un concept selon lequel tout être humain possède des droits universels, inaliénables, quel que soit le droit positif en vigueur ou les autres facteurs locaux tels que l'ethnie, la nationalité ou la religion.

Selon cette philosophie — combattue ou éclipsée aux XIXe siècle, XXe siècle et XXIe siècle par d’autres doctrines — l’homme, en tant que tel et indépendamment de sa condition sociale, a des droits « inhérents à sa personne, inaliénables et sacrés » et donc opposables en toutes circonstances à la société et au pouvoir. Ainsi, le concept de droits de l’homme est-il par définition universaliste et égalitaire, incompatible avec les systèmes et les régimes fondés sur la supériorité ou la « vocation historique » d’une caste, d’une race, d’un peuple, d’une classe ou d’un quelconque groupe social ; incompatible tout autant avec l’idée que la construction d’une société meilleure justifie l’élimination ou l’oppression de ceux qui sont censés faire obstacle à cette édification[2].

Les droits de l'homme, type de prérogatives dont sont titulaires les individus, sont généralement reconnus dans les pays occidentaux par la loi, par des normes de valeur constitutionnelle ou par des conventions internationales afin que leur respect soit assuré, si besoin est même contre l'État. L'existence, la validité et le contenu des droits de l'homme sont un sujet permanent de débat en philosophie et en sciences politiques.

Sommaire

Histoire

Antiquité

Des droits naturels ou intrinsèques à l'homme sont déjà explicitement mentionnés chez Platon, parlant d'un homme intérieur qu’il faut toujours protéger puis dans les pensées de Marc-Aurèle reprenant par là Platon. Ils sont également écrit dans des textes religieux (comme les Dix Commandements qui commandent le droit à la vie, à l'honneur, etc.) ou de Saint-Paul, dans l’épître aux Corinthiens, qui parle de l’homme intérieur totalement vierge en accordant une dignité absolu, littéraires (comme la pièce de théâtre Antigone de Sophocle (naît en 495 ou 496 av. J.-C.)[3], ou purement philosophiques (comme dans les textes de l’école de pensée des stoïciens).

Article détaillé : Cylindre de Cyrus.

On lit parfois que la Perse marque l'origine du concept des droits de l'homme au VIe siècle av. J.-C., sous le règne de Cyrus le Grand. Après sa conquête de Babylone en -539, le roi fit exécuter le cylindre de Cyrus, découvert en 1879. Ce document est parfois mentionné comme la « première charte des droits de l'homme ». En 1971, l'Organisation des Nations unies (ONU) l'a traduit dans toutes ses langues officielles. Le cylindre décrète les thèmes normaux de la règle persane : tolérance religieuse, abolition de l'esclavage, liberté de choix de profession et expansion d'empire. On peut en fait le resituer dans une tradition mésopotamienne présentant l'idéal du roi juste, dont le premier exemple connu est celui du roi Urukagina de Lagash, ayant régné au XXIVe siècle av. J.-C., et dont un des autres illustres représentants est Hammurabi de Babylone, avec son fameux code datant du XVIIIe siècle av. J.-C.. L'inscription de Cyrus présente pourtant quelques caractères novateurs, notamment sur les décisions concernant la religion.

Ce document retrace les événements ayant précédé la prise de Babylone, puis expose les décisions de Cyrus pour les Babyloniens : il règne pacifiquement, délivre certaines personnes de corvées injustes. Il octroie aux gens des pays déportés le droit de retour dans leur pays d'origine, et laisse les statues de divinités autrefois emmenées à Babylone revenir dans leurs sanctuaires d'origine. Il proclame la liberté totale de culte dans son empire.

Époque moderne

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen adoptée par l'assemblée nationale française le 26 août 1789

La notion de droits minimaux dus à la seule qualité d'être humain, ou droits naturels, est à la fois ancienne et générale. Ce qui caractérise l'idée des droits de l'homme, c'est l'idée de les inscrire explicitement dans le droit (oral ou écrit), de leur reconnaître une application universelle et une force supérieure à toute autre norme. On passe alors souvent par une forme de proclamation, plutôt que par les règles ordinaires d'édictions des normes légales ; les termes utilisés sont ceux d'une évidence préexistante et indiscutable, qu'on découvre et qu'on reconnaît, plutôt qu'une simple convention discutable. L'unanimité est implicitement convoquée comme source de la légitimité de ces droits. Même si des références au divin ou des influences religieuses peuvent se trouver, ils se distinguent bien d'une règle religieuse par leur caractère universel.

Avec cette définition (non du contenu, mais de la forme), on peut remonter au moins jusqu'au Moyen Âge pour trouver les premières manifestations, concrètes et avec des effets réels dans les pratiques, de l'idée des droits de l'homme[réf. nécessaire].

Un événement marquant dans cette évolution a été la Magna Carta qui date de 1215 mais n'a été véritablement utilisée qu'à partir du XVIIe siècle comme instrument contre l'absolutisme royal des Stuart. Elle est considérée dans le monde anglo-saxon comme la base du concept actuel de droits de l'homme.

Pendant le XVIe siècle, en Occident, la découverte des peuples indigènes de l'Amérique par les Européens et les premières pratiques de déportation d'Africains vers le "Nouveau Monde" sont à l'origine de l'activisme pour les droits humains de Bartolomé de Las Casas et certains secteurs de l'Église catholique romaine qui se manifestent avec les actes Veritas ipsa et Sublimis Deus

La première déclaration des droits de l’homme de l’époque moderne est celle de l’État de Virginie (États-Unis), écrite par George Mason et adoptée par la Convention de Virginie le 12 juin 1776 (appelée en anglais le Bill of Rights américain).

Elle a été largement copiée par Thomas Jefferson pour la déclaration des droits de l’homme incluse dans la Déclaration d'Indépendance des États-Unis 4 juillet 1776, par les autres colonies pour la rédaction de leurs déclarations des droits de l’homme, et par l’Assemblée française pour la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu'elle aura inspiré largement la Déclaration universelle des droits de l'homme votée par l'ONU en 1948.

L’Assemblée nationale française, dès qu’elle s’est déclarée constituante, décide de rédiger une déclaration. La discussion débute le 9 juillet et débouche sur un vote le 26 août 1789, sous l’influence des leaders du tiers état et de la noblesse libérale. Ratifiée seulement le 5 octobre par Louis XVI sous la pression de l’Assemblée et du peuple accouru à Versailles, la déclaration de 1789 servira de préambule à la première Constitution de la Révolution française, adoptée en 1791. Elle est promulguée par le roi le 3 novembre 1789.

Dès 1790, Edmund Burke dénonce la Révolution française, l'abstraction de ses droits de l'homme. En 1791, dans ses Vindiciae Gallicae — ouvrage publié en réponse aux Réflexions sur la Révolution de France d'Edmund Burke, parues l'année précédente — le philosophe britannique James Mackintosh (1765-1832) exprimait le point de vue philosophique d'un libéral sur les événements de la Révolution française jusqu'au printemps 1791. Les excès des Révolutionnaires et de la Terreur l'amenèrent quelques années plus tard à s'opposer à eux et à rejoindre Burke dans sa critique, mais sa défense initiale des droits de l'homme constitue un témoignage intéressant du point de vue d'un whig cultivé à cette époque, représentatif de la philosophie libérale issue du Siècle des Lumières. Jeremy Bentham critique de son côté les droits de l'homme d'une perspective utilitariste.

En 1791, le pape Pie VI a condamné la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dans son encyclique Adeo nota parce que celle-ci n'était que philosophique et se substituait au droit naturel ainsi qu'au droit de l'Église.

La notion de droit de l'homme restera pratiquement stable pendant près d'un siècle, puis, sous l'influence de la prise en compte de problèmes sociaux et après plusieurs décennies, les droits dits de « deuxième génération » (ou « droits-créance » garantis par l'État sur les autres êtres humains) ont été ajoutés par la Déclaration universelle des droits de l'homme (ONU, 1948).

Depuis la création de l'ONU

La place de l'organisme des Nations unies dans la légitimation et la promotion des droits de l'homme est essentielle. Le qualificatif d'universel a été inscrit dans le titre de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 à l'ONU à l'initiative de René Cassin.

Depuis la Charte des Nations unies (1945) et la Déclaration universelle des droits de l'homme, la notion de droits de l'homme a été étendue, légiférée et des dispositifs ont été créés pour surveiller les violations de ces droits. Citons certains événements marquants :

Un concept en extension

Droits de l'homme - Peinture murale

La philosophie des droits de l'homme s'interroge sur l'existence, la nature et la justification de tels droits face aux reproches que peut encourir l'affirmation de leur universalité dans un monde tenté par le relativisme. C'est une question particulièrement importante de la philosophie politique contemporaine.

Les droits de l'homme sont des prérogatives dont les individus ou des groupes sont titulaires, qui commandent à l'État et aux institutions de les respecter et de les faire respecter.

Les droits de l'homme sont inaliénables (personne ne peut les perdre, temporairement ou définitivement, volontairement ou non) et universels car fondés sur la raison et non sur les particularismes culturels.

Pour une part des militants contemporains des droits de l'homme, ceux-ci sont des normes internationales, qui doivent concerner tous les pays et tous les peuples, justifiant ainsi le droit d'ingérence.

Les points initiaux concernaient principalement la liberté, la sûreté, la propriété et la résistance à l'oppression (déclaration de 1789), qui sont des droits contre l'État et trouvent leur inspiration dans le libéralisme. Des versions ultérieures y ajoutèrent des questions de dignité et de bien-être (éducation, santé, etc.), qui sont des droits sur l'État, inspirés du socialisme au sens large. Les premiers droits, contre l'État, sont toujours classés comme un droit de première génération. Les droits ultérieurs, quand ils sont reconnus, sont qualifiés de droits de deuxième génération ou séparés entre plusieurs générations, jusqu'à une hypothétique et contestée quatrième génération.

Chaque nouvelle génération, qui est chronologiquement décalée par rapport aux autres, fait souvent l'objet de critiques et est souvent mal acceptée. Ainsi, au XIXe siècle, les droits de la première génération étaient déjà critiqués. Les droits de la deuxième génération, eux, ont été critiqués également au XXe siècle (jusque dans les années 1970-1980, on a pu voir des doctrines qui s'y opposaient), mais ils sont eux aussi admis par la quasi totalité des juristes. Restent encore les droits de la troisième et de la quatrième générations. Si les droits de la troisième sont très mal définis (dans leur contenu) et donc très mal acceptés, les droits de la quatrième, eux, résultent de doctrines isolées, ce qui fait qu'il n'existe aujourd'hui aucun consensus sur leur contenu et encore moins sur leur existence.

  • La première génération est celle des droits de l'homme civils et politiques ;
  • Deuxième génération : droits économiques et sociaux ;
  • Troisième génération : droits de solidarité ;
  • Quatrième génération : droits globaux.

Première génération

La première génération des droits de l'homme est celle des droits civils et politiques. Ce sont des droits que l'individu peut opposer à l'État, qui ne peut agir en un sens contraire pour limiter ou supprimer ces droits ou libertés ; on les nomme ainsi les "libertés résistance". Historiquement, ces droits, déjà embryonnaires dans la Constitution coutumière anglaise, se sont développés à la fin du XVIIIe siècle et ont été reconnus lors des révolutions américaine (1787) et française (1789).

Classiquement, on distingue :

Elles recouvrent entre autres les libertés des cultes, de conscience, de l'enseignement, de communication, d'association, etc.

Aujourd'hui, les deux types de libertés sont mêlés, notamment en raison d'une revendication et d'une protection concomitantes.

Deuxième génération

Les droits de la deuxième génération sont des droits qui nécessitent l'intervention de l'État pour être mis en œuvre; l'individu, contrairement à l'hypothèse des droits résistance, est ici en mesure d'exiger de l'État une certaine action. On les nomme aussi classiquement les droits-créances, que l'État doit, en retour d'un abandon d'une part de la liberté de ses citoyens. Ce sont aussi les droits sociaux. La notion apparaît à la suite des luttes socialistes, et elle est aujourd'hui considérée comme part entière de l'État de droit.

Historiquement, la plupart de ces droits ont été reconnus au lendemain de la Seconde guerre mondiale[4]. Néanmoins le droit au travail ainsi qu'à la protection sociale était revendiqué dès le début de la Révolution française de 1789, et inscrit dans la loi du 19 mars 1793, qui affirmait : « Tout homme a droit à sa subsistance par le travail s'il est valide ; par des secours gratuits s'il est hors d'état de travailler. Le soin de pourvoir à la subsistance du pauvre est une dette nationale. » [5]. De même, l'article 21 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 affirme : « Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. »

Il inspira par la suite la création des Ateliers nationaux, sous la direction de Louis Blanc, durant la Seconde République.

On peut en donner une liste non-exhaustive :

Conflit entre droits de la première et de la deuxième générations

Il existe un certain conflit entre les droits contre l'État et les droits sur l'État, qui recouvre l'opposition entre deux conceptions des droits de l'homme, la conception libérale et la conception socialiste[6].

Les partisans, libéraux, des droits résistance qualifient fréquemment les droits créance de faux droits [réf. nécessaire], car l'État ne peut satisfaire les droits de deuxième génération des uns qu'en imposant à d'autres de le faire, ce qui violerait leurs droits de première génération [réf. nécessaire]. On cite souvent comme exemple le droit au logement (de seconde génération) qui s'oppose au droit de propriété (de première génération)[réf. nécessaire].

Cependant l'antinomie entre droits ne recouvre pas simplement l'opposition entre droits de première et de deuxième génération, mais peut aussi être interne aux droits d'une même génération. Ainsi, le droit à la liberté d'expression trouve sa limite dans le droit à ne pas être injurié ni diffamé, limite explicitement affirmée dans l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

La Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui affirme par exemple le « droit à la sécurité sociale » (art. 22) ainsi que le « droit au travail » (art. 23) et à l'éducation (art. 26), est accompagnée de deux pactes internationaux des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques (première génération) et aux droits économiques, sociaux et culturels (deuxième génération) (16 décembre 1966). Ces deux pactes ont rarement été signés tous les deux ensemble ; les pays du Bloc de l'Ouest signaient plus volontiers le premier tandis que ceux du Bloc de l'Est signaient le second[réf. nécessaire].

En France, le Conseil constitutionnel n'admet pas une hiérarchisation de ces deux catégories de droits, puisqu'il est amené à concilier, plus que faire prévaloir l'une sur l'autre, ces deux générations, même si en pratique cela l'amène à avoir une préférence pour l'application des droits de la première génération.

Troisième génération

Les droits solidarité, qui tiendraient à une solidarité nationale, ont émergé dans les doctrines dans les années 1980.

Bien que les doctrines se divisent encore sur le contenu, les droits de l'homme de la troisième génération s'articulent tous autour du principe fondamental de l'égalité ou de non discrimination.

On peut citer ainsi[7] :

Une quatrième génération ?

Certains comme Emmanuel Kobla Quashigah[8] parleraient d'une quatrième génération des droits, qui seraient globaux ; ainsi, tous les acteurs de la société auraient intérêt à mettre en œuvre ces droits.

Néanmoins, le contenu de ces droits n'est pas clair. Les théories reprennent certains droits de la troisième génération pour les mettre dans la quatrième (droit de l'environnement, bioéthique, etc.), la différence étant, pour eux, que les droits des trois premières générations s'attacheraient à l'homme vivant en société (avec un glissement de la liberté vers l'égalité matérielle), tandis que les droits de la quatrième seraient des droits rattachés à l'être humain en tant qu'espèce.

Aspects institutionnels et juridiques

Les droits de l'homme ont ainsi de plus en plus une consistance juridique dans le monde, du fait tant :

  • de leur intégration dans des Constitutions et des lois
  • que de la création de juridictions internationales, telles que la Cour européenne des droits de l'homme. C'est ainsi que la jurisprudence construite progressivement par cette dernière concernant les différends entre les États et les particuliers commence à être prise en compte par la doctrine juridique dans de nombreux pays, même non européens.

Droits de l'homme et démocratie

La source du droit dans le domaine des droits de l'homme vient de l’existence de l’individu, alors que la source du droit dans des régimes démocratiques dérive par définition de la volonté générale. C’est lorsque ces deux sources de droit entrent en conflit que la société doit trouver un équilibre et un moyen de concilier ces deux impératifs. Par exemple, nous bénéficions de la liberté d’expression, mais la loi pénale interdit que l’on insulte son voisin ; nous avons chacun le droit fondamental de nous marier, mais la loi civile interdit le mariage entre frères et sœurs ; dans plusieurs pays, le droit à l’avortement existe sans que cela soit considéré comme une violation du droit fondamental à la vie.

Les lois dans ces exemples ne violent pas pour autant nécessairement les droits de l’homme mais ceci pose la question difficile de savoir quelles sont les limites acceptables que la loi peut imposer aux droits de l’homme, dans une société démocratique régie par le droit.

Droits de l'homme et État de droit

Les démocraties assument en principe le respect des droits de l'homme, notamment à travers la doctrine de l'État de droit. Toutefois, il ne faut pas confondre le respect des droits de l'homme par un État et son caractère démocratique, même si les deux vont souvent de pair.

Un État démocratique peut violer les droits de l'homme. Pour l'éviter, on admet généralement qu'il faut limiter la souveraineté du peuple par des garde-fous indépendants, un rôle souvent tenu par les instances judiciaires (au niveau national, par des juges constitutionnels ou des Cours suprêmes[9] ou, comme indiqué ci-après pour la Cour européenne des droits de l'homme (au niveau régional).

Inversement un État autoritaire viole par définition les droits de l'homme (par le non-respect de la liberté, et la menace qu'il fait peser sur les autres droits). Mais il arrive fréquemment que, dans une situation où les droits de l'homme (à commencer par le respect de la vie) sont violés par des individus ou des groupes non étatiques ou étrangers, le peuple croit préférable (à tort ou à raison) de faire appel à des régimes autoritaires pour faire face à la situation.

Les droits de l'homme sont l'enjeu d'une lutte entre l'affirmation de la souveraineté des États et l'établissement d'une sphère inviolable autour de chaque individu.

Droits de l'homme et droit de la guerre

Au XVIe siècle, le désir d'améliorer le sort des peuples non européens, et notamment celui des Amérindiens, a abouti à leur conversion souvent par la force[10]. La conquête de l'Amérique a été motivée par l'or, mais aussi par l'évangélisation et l'humanisme de Juan Ginés de Sepúlveda[11].

Aujourd'hui, l'idéologie des droits de l'homme est devenue l'un des principaux arguments cités par les hommes politiques des États-Unis et d'Europe pour justifier leur participation à des actions préventives ou répressives contre des États souverains[12].

Les guerres récentes, celle du Kosovo en 1999 et d'Irak en 2003, ont vu une justification par l'idée de guerre juste. L'objectif est de convaincre l'opinion publique que l'ennemi est le Mal, qu'il cultive les charniers, comme au Kosovo ou à Timisoara afin de légitimer une action de guerre contre eux[13].

Le plus grand projet géopolitique et conflictuel actuel, ayant pour essence les droits de l'homme, se retrouve probablement dans le projet du remodelage du Grand Moyen-Orient voulu par les États-Unis. Des intellectuels surtout américains voudraient une démocratisation de tout le Moyen-Orient par différents moyens, y compris par la guerre.

Certains analystes, proches de la politique américaine comme Guy Millière, soutiennent que cette volonté de démocratiser le Moyen-Orient est sincère[14]. D'autres en revanche, attribuent à des intérêts pétroliers et économiques cette idéologie des droits de l'homme.

Critiques des droits de l'homme

Edmund Burke, conservateur irlando-britannique, est le premier grand critique connu des droits de l'homme. Dans ses Réflexions sur la Révolution de France publiées en 1790, il dénonce la Révolution française, son rationalisme, son abstraction qui conduirait à la tyrannie et au désastre.

L'école utilitariste dénonce également les droits de l'homme à travers la philosophie de son représentant le plus illustre, Jeremy Bentham. Dans Anarchical Fallacies[15], écrit en français entre 1791 et 1795 mais publié seulement en 1816, Bentham attaque les déclarations de droits produites par la Révolution. Pour Bentham, les droits sont créés par la loi et la loi est le commandement du souverain; les droits naturels n’existent pas. Leur généralité les conduit à l’impotence. L’idée même qu’il existerait des droits antérieurs au gouvernement mène à l’anarchie puisque ceci signifie que la loi ne peut limiter ces droits naturels[16].

Le philosophe du droit Michel Villey, critique conservateur de la notion des droits de l’homme distingue plusieurs « fruits » des droits de l’homme[17].

Selon Villey, la philosophie des droits de l'homme apparaît avec Thomas Hobbes qui définit un état de nature peuplé d’individus isolés doté du droit absolu de leur conservation, premier droit de l’homme. Ils entrent en conflit de sorte que le premier fruit des droits de l’homme est « la guerre perpétuelle de tous contre tous, l’insécurité, la peur, la misère.»

Pour empêcher cet état, les hommes abandonnent au terme d’un contrat social leurs libertés à un despote omnipotent. La philosophie des droits de l’homme a pour deuxième fruit la justification de l’absolutisme, objectif d’un Hobbes au service des Stuart qui cherchent à asseoir leur pouvoir. L’État assure la paix mais l’homme est désarmé contre l’État.

John Locke appartient au parti contraire, celui des bourgeois, hostiles à l’absolutisme du souverain. Il expose un état naturel dans lequel les hommes ne sont pas en conflit mais au contraire sont soumis à une loi commune qui commande le respect de la propriété. L’homme, selon Locke, détient la propriété de lui-même mais encore de ce qu’il produit grâce à son travail, avant tout contrat social. Le contrat social ne sert pas à aliéner les libertés mais à instituer un État qui va assurer le respect du droit naturel de propriété. Locke justifie un grand nombre de droits tels que la liberté de conscience et la liberté d’opinion. Mais ces droits ne concernent pas également tous les individus. En profiteront ceux qui ont les moyens de les mettre en œuvre, à savoir les riches. Karl Marx dénoncera plus tard des « droits formels », réservés en fait à quelques-uns. Le troisième droit de l’homme est ainsi la « domination politique de la classe bourgeoise ; dans l’économie, du capitalisme. » A sa suite, de nombreux marxistes, à commencer par son propre gendre Paul Lafargue, dédaigneront les « phtisiques » et « pompeux » droits de l'homme comme un concept bourgeois ne représentant guère plus que les « droits de l'exploitation capitaliste » (Paul Lafargue, Le droit à la paresse).

Vont être opposés à ces « droits formels » des « droits substantiels » tels que le « droit au bonheur, à la santé, à la culture ». Il en résultera tout d’abord les despotismes éclairés, puis les dictatures et enfin la construction de l’État socialiste tel celui déterminé par les Constitutions staliniennes qui revendiquent ces droits de l’homme. Les droits de l’homme ne profitent jamais à tous, ils sont exercés par certains hommes aux dépens des autres. Pour assurer les droits substantiels il est donc nécessaire de recourir à la contrainte. Le quatrième fruit des droits de l’homme serait ainsi le totalitarisme.

Selon Alain de Benoist, le discours de l'idéologie des droits de l'homme cherche à faire passer ses idées comme des dogmes qu'on ne saurait critiquer ou questionner sans se placer en dehors de l'humanité. Cet effet serait obtenu en présentant les droits de l'homme comme des droits « universels ». Les tenants du credo des droits de l'homme se considèrant comme investis de la mission d'en imposer les principes au monde entier, l'idéologie des droits de l'homme se révèle ainsi porteuse d'intolérance et de rejet total alors que théoriquement elle est fondée sur un principe de tolérance[18].

La critique relativiste

Article connexe : Relativisme culturel.

Les droits de l'homme sont parfois présentés comme une invention occidentale moderne. Bien que des proclamations similaires existent en fait en d'autres lieux et d'autres époques, elles sont simplement plus mal connues, comme la Charte du Manden dans l'actuel Mali. En outre, ils sont parfois utilisés comme un moyen de pression des pays dits « occidentaux » sur d'autres pays du monde. Certains y voient même une arme idéologique de destruction culturelle et religieuse, et d'asservissement économique des autres nations.

Ainsi, le principe d'universalité des droits de l'homme est parfois contesté par certains pays. Les pays occidentaux sont accusés de vouloir relancer indirectement une politique colonialiste, remodelant le monde à l'image qu'ils souhaitent donner d'eux-mêmes. Cette crise a été particulièrement aiguë en ce qui concerne le principe de l'ingérence humanitaire, qualifiée par Bernard Kouchner de droit d'ingérence, reprenant un concept créé par le philosophe Jean-François Revel en 1979, voir de devoir d'ingérence (obligation faite à tout État de fournir assistance, à la demande de l'autorité supranationale).

Ce constat a amené l'Organisation de l'unité africaine (OUA) à déclarer en 1981 la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Cette charte reprend le principe de la Déclaration universelle de 1948, en y ajoutant un certain nombre de droits qui y ont été négligés : le droit à l'autodétermination des peuples ou l'obligation faite aux États « d'éliminer toutes les formes d'exploitation économique étrangère » par exemple.

Selon Robert Badinter, la perte de crédibilité vient de ceux qui proclament les droits de l’homme sans les respecter[19].

On peut également citer la Déclaration des droits de l'homme en islam adoptée le 5 août 1990 par l'Organisation de la conférence islamique, qui proclame dans son article 10 que l'islam est la « religion naturelle de l'homme ».

L'universalisme - ou l'universalité - des droits de l'homme, tels que définis en Occident, est souvent mise en opposition au relativisme culturel qui promeut une notion d'égalité des cultures - fussent-elles les plus brutales du point de vue du monde occidental, et qui peut aussi aller jusqu'à rejeter toute possibilité d'évolution des valeurs ethniques en vertu du principe de la lutte contre l'acculturation.

La vision occidentale des droits fondamentaux, fondée sur les libertés civiles et politiques, s'est longtemps opposée au sein de l'Organisation des Nations unies (ONU) à celle du bloc socialiste privilégiant les droits économiques, sociaux et culturels et la satisfaction des besoins élémentaires. L'effondrement de cette idéologie concurrente à la fin du XXe siècle a, par contrecoup, favorisé la diffusion actuelle du modèle occidental. Cependant, l'État et le Parti communiste chinois continuent de publier régulièrement des documents qui défendent et illustrent une vision socialiste modernisée, en taisant la répression qui s'exerce contre ceux qui invoquent avec trop d'insistance la vision occidentale [20].

Le respect des droits de l'homme dans le monde d'aujourd'hui

La violation des droits de l'homme est l'abus de personne d'une façon qui abuse n'importe quel droit humain fondamental. C'est un terme utilisé quand un gouvernement viole le droit national ou international relatif à la protection de droits humains. Selon la Déclaration universelle des droits de l'homme, les droits humains fondamentaux sont violés quand, entre autres choses :

  • Une certaine race, foi, ou groupe se voit nier sa reconnaissance comme une « personne ». (articles 2 & 6)
  • les hommes et les femmes ne sont pas traités comme égaux. (article 2)
  • les groupes différents, raciaux ou religieux ne sont pas traités comme égaux. (article 2)
  • la vie, la liberté ou la sécurité de personnes sont menacées. (article 3)
  • une personne est vendue comme ou est utilisée comme esclave. (article 4)
  • une punition cruelle, inhumaine ou dégradante est utilisée sur une personne (telle que torture ou peine de mort). (article 5) (voir aussi Prisoners' rights)
  • les victimes d'abus se voient dénier une défense juridique efficace. (article 8)
  • les punitions sont traitées arbitrairement ou unilatéralement, sans droit à un procès juste. (article 11)
  • l'intervention arbitraire dans les vies personnelles ou privées par les agents de l'État. (article 12)
  • interdiction aux citoyens de partir ou retourner à leur pays. (article 13)
  • la liberté d'expression ou la liberté de religion est niée. (articles 18 & 19)
  • Le droit de joindre un syndicat est nié. (article 23)
  • le droit à l'éducation est nié. (article 26)

Les violations des droits humains et les abus sont en partie répertoriés par les organisations non gouvernementales telles que Amnesty International, la Fédération internationale des droits de l'homme, Human Rights Watch, l'Organisation mondiale contre la torture, Freedom House, International Freedom of Expression Exchange et Anti-Slavery International. Très peu de pays ne commettent pas de violations de droits humains significatives, selon Amnesty International. Dans son rapport de 2004 sur les droits humains (couvrant 2003) la Hollande, la Norvège, le Danemark, l'Islande et le Costa Rica sont les seuls pays qui n'ont pas violé au moins quelques droits humains significativement[21].

Certaines personnes pensent que les abus de droits humains sont plus courants dans les dictatures que dans les démocraties parce que la liberté d'expression et la liberté de la presse ont tendance à découvrir les abus orchestrés par l'État et à les exposer. Néanmoins, les abus de droits humains arrivent aussi dans les démocraties. Par exemple, Amnesty International a dénoncé la gestion de la prison de Guantánamo par les États-Unis, et l'a qualifiée de « scandale de droits humains » dans une série de rapports[22].

Variantes de dénomination

Depuis la fin du XXe siècle, nombreux sont ceux qui préfèrent le terme de « droits humains » (qu'ils trouvent moins sexiste et plus cohérent, et qui se trouve être la traduction littérale de l'équivalent dans les autres langues romanes ou en anglais : « diritti umani » (italien), « derechos humanos » (espagnol), « direitos humanos » (portugais), « human rights » (anglais).

La dénomination française héritée du XVIIIe siècle est la seule parmi les langues romanes à véhiculer l'ambiguïté entre droits de l'homme « mâle » et droit de l'homme « être humain ». La commission française consultative des droits de l'homme a réfuté ces arguments dans un avis daté du 19 décembre 1998[23] et la dénomination traditionnelle reste la plus utilisée en France.

Cela dit, les Français utilisent souvent l'expression « droits des femmes » lorsqu'il est explicitement question de femmes, ce qui rajoute à l'ambiguïté d'origine en suggérant que les femmes auraient des droits différents de ceux des hommes. Pour sortir de ces ambiguïtés, même en France certains, comme le Mouvement français pour le planning familial (MFPF), proposent de parler de « droits de la personne », comme on le fait au Canada ; Amnesty international en France a explicitement choisi de parler de « droits humains » comme le fait la section suisse de cette organisation dans ses publications en français.

Enfin, l'usage « droits de l'Homme » avec un « H » majuscule à « Homme » n'est guère attesté dans les dictionnaires de langue française, il est par contre constant chez les juristes ainsi que dans l'ensemble des textes normatifs français. Comme les directives « Norma » émises par le Conseil d'État et suivies par le secrétariat général du Gouvernement et les Journaux officiels. Dans un texte juridique français l'omission de la majuscule change le sens du terme et constitue donc une faute de rédaction comme pour plusieurs termes juridiques.

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article en anglais intitulé « Human_rights#Human_rights_violations ».

  1. Parfois : « droits humains », ou « droits de la personne », ce dernier terme est utilisé au Canada francophone.
  2. Thierry, Sur, Combacau et Valée, Droit international public, 1986, MontChrestien.
  3. La loi qu'Antigone invoque pourrait cependant être la tradition
  4. Par exemple en France dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
  5. Pierre Rosanvallon, La nouvelle question sociale. Repenser l'Etat-providence., Le Seuil, 1995, p.134-135.
  6. cf les travaux de Michel Villey ou Norberto Bobbio
  7. Légamédia : droits de l'homme
  8. TROISIÈME PARTIE — DIMENSIONS POLITIQUES12. Les droits de l’homme et l’intégration1: Centre de recherches pour le développement international
  9. Un exemple intéressant s'est récemment produit en Suisse, où la décision quant à la naturalisation de certains individus fut soumise, conformément à la procédure locale en vigueur, à une votation populaire. Les candidats à la naturalisation se divisaient en gros en deux groupes : des individus d'origine italienne et d'autres d'origine ex-yougoslave. Le résultat de la votation populaire fut que les candidats italiens furent tous admis à la nationalité suisse, alors que tous ceux d'origine ex-yougoslave furent rejetés. Ces derniers firent recours au Tribunal fédéral suisse (la Cour suprême du pays), qui annula la décision populaire, considérant celle-ci discriminatoire, et partant contraire aux droits de l'homme (tels que reconnus et protégés par la Constitution fédérale suisse). Selon les termes de l'arrêt du Tribunal fédéral, « lors du vote sur des demandes de naturalisation, les citoyens doivent respecter les droits fondamentaux », et de conclure : « la liberté de vote ne leur confère aucun droit à la validation d'un résultat incompatible » avec les droits de l'homme. Voir: décision du 9 Juillet 2003, ATF 129 I 217, Auszug aus dem Urteil der I. öffentlichrechtlichen Abteilung i.S. A. und Mitb. gegen Einwohnergemeinde Emmen und Regierungsrat des Kantons Luzern (recours de droit public admis).
  10. Thomas Gomez, Droit de conquête et droits des indiens, Armand Colin, Paris, 1996
  11. ibid
  12. P. Moreau Desfarges, "Punir les tyrans", in Défense nationale, janvier 1999, pp 46-54
  13. Aymeric Chauprade, Géopolitique. Constantes et changements dans l'Histoire, 3e édition, ellipses, 2007, pp 837-840
  14. Guy Millière, Ce que veut Bush, Éditions La Martinière, mai 2003
  15. Anarchical Fallacies peut être lu sur ditexte.com
  16. The internet encyclopedia of philosophy, article sur Jeremy Bentham
  17. Michel Villey, le droit et les droits de l’homme, puf, 1983, p140 et suivantes
  18. Alain de Benoist, Au-delà des droits de l'homme. Pour défendre les libertés, éditions Krisis, 2004, p. 3 et 4 [lire en ligne]
  19. Entretien avec M. Robert BADINTER
  20. (fr) Progrès de la cause des droits de l'homme en Chine en 2004 sur China Internet Information Center, 2004. Consulté le 17 février 2008
  21. (en) Amnesty International Report 2004, Amnesty International (ISBN 0862103541) 
  22. Amnesty website
  23. Avis de la Commission française consultative des droits de l'homme sur la modification de l'expression "Droits de l'Homme"

Voir aussi

Articles connexes

Les déclarations

À travers l'histoire, plusieurs textes reconnaissent ou accordent différentes prérogatives à l'individu :

Au Canada et au Québec 

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