- Occident
-
Pour les articles homonymes, voir Occident (homonymie).Pour l’article homophone, voir Oxydant.
L'Occident, ou monde occidental, est une zone géographique qui désignait initialement l'Europe. L'extension de l'espace considéré a varié au cours de l'histoire. À une période donnée, elle peut également varier en fonction du locuteur et du contexte.
Au tournant du XXIe siècle, on admet généralement que l'Occident regroupe essentiellement l'Europe, l'Amérique latine et l'Amérique du Nord[1],[2]. On y adjoint aussi généralement les autres extensions directes de l'Europe, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. L'emploi du mot et du concept d'Occident repose le plus souvent sur l'idée sous-jacente d'une civilisation commune à cette zone (voir l'article Civilisation occidentale), et sur une opposition sémantique entre l'Occident et, soit le reste du monde, soit une ou plusieurs autres zones géographiques (notamment les oppositions Occident / Orient et Occident / Bloc communiste). Il faut cependant nuancer cette répartition géographique au vu des dimensions multiples (politiques, économiques, sociales...) qui entrent en jeu derrière une telle délimitation.
Sommaire
Étymologie du terme
Le terme Occident est emprunté au latin occidens, participe présent de occidere. Ce verbe est composé de la particule ob signifiant « objet » et de cadere qui signifie « tomber, choir », « tomber à terre », « succomber, périr »[3]. En parlant d’un astre (notamment du soleil), le terme signifie « se coucher » et peut se traduire littéralement par « soleil couchant »[4]. La première utilisation suit donc la logique des points cardinaux et est d'ordre astronomique. Il est intéressant de noter que l'opposition Orient-Occident a longtemps été utilisée dans le monde occidental en inversant la connotation suggérée par l'étymologie latine. En effet, l'Occident a souvent été, et est encore par beaucoup, associé à une entité capable d'invention, de progrès, de puissance (et non de chute, de dépérissement). À l'inverse, l'Orient (du latin oriri, naître, surgir) ne saurait que reproduire, étant incapable de créer par lui-même (selon le terme et non pas la réalité).
Diversité du terme : langues latines et germaniques
Les langues latines (italien, français, espagnol ou portugais notamment) ne possèdent pas la diversité d'autres langues comme l'anglais ou l'allemand pour expliciter le mot « Occident ». En effet, derrière ce terme sont concentrés tant les caractères géographiques et historiques de cet espace relativement flou, mais également les traits relevant d'une culture supposée supérieure, avancée, dominante. À l'inverse, l'allemand use, selon le sens, de trois termes aux racines différentes : Westen, Abendland, Okzident. Ceci permet plus de nuances et des subtilités de sens qui sont impossibles en français, même si le terme Ponant (opposé à Levant) existe. Quant à l'anglais, il propose deux termes, West ou western ainsi qu’occident, généralement réservé à un usage académique[5].
Diversité du terme : langue arabe
Le Maghreb (en arabe : المغرب al-Maghrib) désigne « le Couchant », « l'Occident ». Roumi (de l'arabe rûm, littéralement romain) a désigné l'occidental et plus spécifiquement le colon européen[6].
Évolution historique du terme
Durant la période antique, on appelait Empire d’Occident l’ancien Empire romain. L’« Occident » se définissait déjà comme la partie ouest du continent européen. Par extension, « Occident » va désigner toute la portion ouest de la Terre dans une vision eurocentrée. Il sera dès lors orthographié avec une majuscule[7].
Au XVIe siècle, le mot « occident » est généralement utilisé dans son sens figuré, celui de « ruine, déclin », lié au verbe latin occidere[réf. nécessaire]. Mais il semble que les historiens modernistes aient nourri un discours quelque peu anachronique, appuyant les spécificités d'une culture occidentale (traditions gréco-romaine et judéo-chrétiennes : Athènes et la première expérience démocratique, Rome et l'invention du droit privé, apparition du Christ à Jérusalem et diffusion de la spiritualité biblique dans l'empire romain)[8], du point de vue démographique, de l'organisation de la société, de l'économie adoptée par cette dernière ainsi que des mentalités. En ceci, l'« Occident » de l'époque moderne renvoie à la « vieille » Europe. Dans le dictionnaire de Furetière[9], le terme « Occident » renvoie premièrement à l'astronomie, mais se dit également de certaines nations selon leur position géographique par rapport à d'autres. Par exemple, les Amériques sont qualifiées d'Indes occidentales. Ce qui aujourd'hui est nommé « océan Atlantique », est appelé à cette époque oceanus occidentalis. Il faut noter que le terme s'emploie aussi dans un sens moral : être dans son occident signifie être dans sa décadence. De plus, la question des Amériques est importante. En effet, avec l'arrivée des Européens (Espagnols, Portugais, Français, Britanniques…) dans ce qu'on a longtemps appelé le « Nouveau monde », le territoire européen et donc occidental s'est en quelque sorte élargi par cette colonisation dite de « peuplement ».
Au XIXe siècle, le terme est passé d’un usage purement pratique (qui est également représentable sur une carte car il n'est pas connoté) à des usages « idéologiques ». Selon Laurent Testot[10], la culture « occidentale » se base sur cinq aspects fondamentaux, cinq moments clés : loi humaine et non divine, droit grec (idée des individus citoyens et non sujets), sécularisation et affranchissement progressif vis-à-vis de l'Église (propriété privée...), création d'institutions démocratiques. L'Occident est donc défini par les territoires dotés de ces caractéristiques qui le composent.
Dans une définition politique du XXe siècle, le mot englobe les États membres de l'OTAN (1952). Cette signification, pour Occident et ses dérivés, a changé de sens avec la disparition et/ou l’évolution des régimes des pays d’Europe de l'Est (Europe orientale), en 1989-1990. Ce n'est que récemment que l'Amérique latine – que l'on appelle parfois Extrême-Occident – va souhaiter se démarquer de cet Occident, revendiquant des origines autochtones et donc non européennes.
La question de l'opposition Islam/Occident est aussi épineuse. C'est souvent en termes antagonistes que ces notions sont instrumentalisées pour justifier par exemple un « choc » de civilisations, expliquant les clivages actuels sur la planète. Il s'agit là d'un système de pensée qui oppose d'un côté le monde occidental, démocratique et presque laïc à un autre un monde dont le caractère religieux serait la dimension centrale. Ceci fait référence à l'idée de Samuel Huntington qui partage le monde selon des civilisations différentes, point de vue qui fait grandement débat, en raison de sa dimension réductrice des rapports culturels. De plus, il est impossible aujourd'hui de concevoir l'Europe comme un tout unique et homogène ni même y inclure les États-Unis dans un grand ensemble unifié et constituant « un » Occident. De la même manière, considérer l'Islam comme un tout homogène est faux, car la religion est vécue de façons très diverses au sein des pays où vivent des musulmans.
C'est depuis le XIXe siècle seulement que la notion est investie de significations autres, liées à une idée de progrès, de hiérarchie parmi les sociétés, et renvoie donc à une forme de domination et de supériorité que l'Occident porterait. De nos jours, « Orient et Occident constituent deux axes fondamentaux de notre perception du monde » : ce sont des catégories qui nous permettent d'ordonner et de structurer le monde.
Délimitation géographique – quelles frontières ?
Étant donné que la notion d'Occident, quand elle n'est pas utilisée pour désigner une direction cardinale, fonctionne par opposition à un « autre », à un ailleurs (Orient), sa signification et sa délimitation territoriale varient selon que l'on parle de caractères sociétaux, religieux, politico-administratifs, idéologiques, etc. Les deux exemples les plus connus en Europe, qui territorialisent sur les cartes de manière claire un Occident auquel s'oppose un Orient sont celui de l'Empire romain, de sa division (Empire romain d'Occident et Empire romain d'Orient) jusqu'à la chute de sa partie occidentale, en 476, lors de l'abdication de son dernier empereur, Romulus Augustule et celle de l'église chrétienne qui, suite au Schisme de 1054, se divise en Église d'Occident et Église d'Orient. Par la suite, la cartographie ne va plus proposer de fixation claire quant à cette opposition Orient-Occident. Il est cependant possible de mentionner le cas du Timor, aujourd'hui divisé entre Timor occidental et Timor oriental, division liée dans ce cas à la position géographique de ces deux États.
Avec la conquête des Amériques (conquête missionnaire, commerciale, militaire ou institutionnelle) par les Européens qui façonnent alors l'idée fausse de la notion de supériorité de la civilisation occidentale et y diffusent leurs technologies et le christianisme[8], la question des limites de l'Occident se repose. Généralement, le nord du continent américain reste associé à l'Occident, en ce sens que la colonisation de ce territoire s'est faite essentiellement depuis l'Europe et il n'y a eu que peu de « mélange » avec les populations y existant. Le sud du continent, quant à lui, tente aujourd'hui de s'éloigner de l'aire culturelle dite latine et occidentale, et ceci est essentiellement dû à des revendications liées aux métissages : en effet, les habitants d'Amérique latine sont nés de mélanges de populations d'origines et d'identités plus diverses entre autochtones, immigrés du continent africain, immigrés européens et plus tardivement asiatiques.
Durant la guerre froide, qui oppose sur un plan mondial deux blocs d'idéologies différentes, il est aisé de dessiner la limite entre les pays appartenant au bloc capitaliste, les pays « occidentaux », et ceux appartenant au bloc communiste, au Bloc de l'Est, regroupant l'Union soviétique et les pays de sa zone d'influence, et à la Chine communiste de Mao Tsé Toung. On trouve l'écho de cette partition du monde dans les trois blocs antagonistes imaginés en 1948 par George Orwell dans 1984[11]. Les pays qui n'appartiennent pas clairement à l'un de ces blocs sont les pays non-alignés. À la chute du mur de Berlin en 1989 dans la capitale divisée, qui est un point de cristallisation fort de cette opposition Ouest-Est, la définition même de ce qu'est l'Occident est questionnée à nouveau. Où se trouvent désormais les frontières de l'Occident ? À noter que dans le cas de la guerre froide, il est plus courant d'utiliser l'opposition Est-Ouest plutôt qu'Orient-Occident. Est-ce dû aux limites linguistiques du français par rapport aux langues germaniques ou est-ce du fait que le bloc communiste ne correspond pas à la définition stéréotypée d'Orient ?
Délimitations actuelles
Fichier:Terminology.pngBien qu'il soit possible d'en dresser une représentation cartographique comme ci-dessus, les pays ou les régions qui constituent à l'heure actuelle l'Occident ne peuvent pas être identifiés de manière arrêtée et fixe : ceci en raison du fait que la notion même d'Occident renvoie à des dimensions culturelles, idéologiques, politiques, économiques et sociales diverses. De plus, certains pays révèlent certaines tensions ou hésitations quant à leur inclusion ou exclusion au monde occidental/oriental, comme c'est le cas de la Turquie ou de la Russie. Moins pour les raisons évidentes de la situation géographique de ces deux pays, le Japon est lui aussi un exemple de nation difficilement assimilable exclusivement à l'une ou l'autre de ces deux catégories. Aujourd'hui donc, les limites géographiques de l'Occident sont très floues et dépendent de ce que la personne qui l'emploie lui donne comme signification. Cette dernière varie donc grandement d'un auteur à l'autre, d'un journaliste à l'autre, d'un politicien à l'autre. Il faut également être conscient de la tendance actuelle à calquer la vision contemporaine de l'Occident à des périodes plus anciennes, ce qui est une erreur. Claude Prudhomme[12] cite notamment l'exemple de Charlemagne, à qui certains auteurs donnent le titre d'Empereur d'Occident au lieu du titre utilisé à son époque, qui était Empereur des Romains. De même, on parle dans les années 1960 de civilisation occidentale ou d'Occident médiéval à propos du Moyen Âge, ce qui a le net avantage de faire référence à un territoire doté de traits sociaux et politiques relativement homogènes à l'époque. Cependant, il est nécessaire de remettre en question ce postulat d'un Occident dont on pourrait suivre l'histoire qui serait continuelle et harmonieuse à travers les âges.
Les délimitations actuelles de l'Occident ne sont donc pas claires et dépendent de l'usage commun, des débats et enjeux liés à ce terme.
Principaux pays
Note : les pays ci-dessus sont classés selon leur produit intérieur brut total. Chiffres de 2010.
Traits communs des nations occidentales
Les nations occidentales ont plusieurs caractéristiques communes :
- des institutions politiques démocratiques (élections tenues régulièrement, stabilité des institutions...) ;
- un système juridique basé sur l'État de droit (présomption d'innocence, plaidoirie ou non de culpabilité, jugement par un juge et/ou un jury, etc.) où la jurisprudence est très importante ;
- un système éducatif proche (méthodes d'apprentissage…) ;
- Une organisation économique capitaliste ;
- Un alphabet latin.
« Occident » aujourd’hui
Usage commun
Outil fort mobilisé pour penser la mondialisation, le terme « Occident » dans son utilisation courante est souvent marqué d'une majuscule. Avec la minuscule celui-ci renvoie à une situation géographique, d’un positionnement à l’ouest par rapport à une autre région, un autre emplacement. C’est donc souvent son dérivé occidental qui est employé dans ce cas comme un humain. L’exemple de l’Empire romain d’Occident illustre non seulement un positionnement géographique, mais déjà une notion politique. Cette dimension politique est celle qui prévaut aujourd’hui dans le langage courant. L’usage du mot continue à s’imposer dans le discours politique, les sciences politiques, l’histoire et la géographie. L’utilisation de Occident avec majuscule renvoie à l’Europe ainsi qu'à l'Amérique du Nord et plus généralement aux membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). C’est donc un point de vue politique et aussi culturel. Occident est, comme Orient, ce que Georges Corm, un économiste et historien du Proche-Orient, appelle une méga-identité[13] . Souvent utilisée dans les médias et les discours politiques pour l’opposer par exemple au pays en voie de développement, à l’Islam ou aux pays du Moyen-Orient, la notion d’Occident décrit donc l’Europe de l’Union Européenne et les États-Unis, présentés dans ce cas comme un monde occidental homogène, démocratique, développé et chrétien dans sa majorité. C’est une construction géopolitique et culturelle.
Lacune ou état de fait ?
L'entrée « occident » semble manquer dans plusieurs ouvrages de référence, notamment historiques ou géographiques. Parmi d'autres, citons quelques principaux: le Dictionnaire de géographie et de l'espace des sociétés[14], l'ouvrage Les Concepts de la géographie humaine[15] ou le Dictionnaire de l'histoire, le Petit Mourre[16]. Est-ce par simple lacune académique, par souci de clarté à propos d'un terme qui ne détient pas qu'une seule signification ? Peut-être est-ce parce qu'il s'agit d'une notion galvaudée et qui est trop utilisée pour en défendre la définition ? Quoi qu'il en soit, il paraît intéressant à relever cette lacune à propos d'un terme qui est sans cesse mobilisé aujourd'hui.
L’« Occident » vu d’ailleurs
Bien que ce soit l’Europe qui, dans sa construction historique, a principalement participé à entretenir cette étiquette d’Occident moderne et avancé, par rapport à d’autres régions qui s’en démarquaient du point de vue culturel, idéologique, politique, confessionnel, les pays non compris dans cette aire géographique participent à cette catégorisation. À l’heure où l’histoire a montré le rôle d’une Europe occidentale puissante et moderne dans la dynamique des interventions militaires, scientifiques et religieuses dans de nombreuses régions de la planète, il faut constater que Occident devient aussi une catégorie (ré)utilisée par les pays qui ne s’y incluent pas, afin de s’en démarquer, afin de revendiquer certains droits ou dénoncer des pratiques occidentales qui les menacent. Notamment dans les régions colonisées où l’homme occidental, perçu comme barbare et étranger s’impose avec des valeurs et des pratiques différentes et exerce inévitablement une influence sur les populations partagées entre le rejet et l’attirance. C’est parfois en tant que victimes que les personnes concernées par le clivage Occident - reste du monde discutent de cette partie du globe située à l'Ouest de manière générale. C’est donc un processus qui va dans les deux sens et qui participe de ce besoin de s’identifier en s’opposant à un autre monde, à une autre vision du monde. Dans ce sens, il faut souligner l'idée d'Edward Saïd qui affirme que l'Orient est lui-même une pure construction issue du monde occidental[17]. Prudhomme note aussi que lorsque l’Occident prétend ne plus savoir ce qu’il est, les autres viennent lui rappeler ce qu’il représente pour eux[18]. De plus, historiquement, les Chinois par exemple, grâce au contact de quelques uns de leurs lettrés, ont changé leur représentation de la terre pour inscrire l’Empire du milieu dans une cartographie du monde[19].
Critiques du terme
Ordonner un certain système monde
L’Occident apparaît comme une véritable frontière de l’esprit. C’est un terme réutilisé pour accentuer les disparités culturelles, politiques voire économiques, c’est un mot fétiche issu de l’histoire et fort utile aujourd’hui pour ordonner le monde[20]. Il s’agit actuellement d’une notion favorisant une certaine vision du monde, une espèce de catégorie pour amener et penser un ordre du système monde dirigé en premier lieu par les États-Unis (et aussi d’autres forces dites justement « occidentales » comme l’Union européenne ou l’Australie) et qui dispute sa propre vision du monde, son propre système de pensée.
Georges Corm écrit : « La notion d’Occident, aujourd’hui plus qu’hier, lorsqu’elle suscitait des querelles entre Européens, n’est plus qu’un concept creux, exclusivement géopolitique, sans contenu enrichissant pour la vie de l’esprit et pour bâtir un avenir meilleur. C’est la culture politique américaine qui a repris la notion à son compte et en a fait un usage si intensif au temps de la guerre froide qu’elle ne semble plus pouvoir l’abandonner. En Europe, les vieilles et redoutables querelles philosophiques, mystiques et nationalistes, qui s’étaient polarisées sur ce terme chargé d’émotion, désormais apaisées, c’est avec délectation que le concept est employé pour confirmer sa fonction mythologique d’une altérité unique par rapport à tout ce qui est hors d’Occident et d’un sentiment de supériorité morale à laquelle le reste du monde doit s’ajuster ». Bien que très critique et sceptique, cette idée de désuétude du terme permet de déconstruire une notion qui est constamment mobilisée. Elle permet d'aborder avec prudence et d'être conscient de ce qui cache derrière le mot « Occident ».
Y aurait-il plusieurs Occidents ?
L’Europe (et les USA aujourd’hui) se pensent en modèle et ce qui s’affiche continuellement dans les médias fait état d’un seul Occident, d’un seul monde occidental qui incarne cette base de références culturelles, politiques, économiques. Malgré la polysémie qui se cache derrière ce terme, c’est une notion qui dans son sens englobant oriente les recherches académiques, les réflexions politiques, les débats journalistiques. Il y aurait plusieurs Occidents si l’on accepte de remettre en question l’unité de ce monde des pays capitalistes développés de religion chrétienne et de tradition libérale[21].
Entre aire religieuse...
Ceci souligne l'épineuse question des aires d'influence religieuse, qui participe, elle aussi, à la définition de la civilisation occidentale et de l'Occident. Il faut nuancer ces particularités trop généralisatrices du monde occidental, vu comme homogène. La situation tend à se compliquer dans le monde moderne, précisément parce que l'un des traits caractéristiques de la "civilisation occidentale" contemporaine est, surtout en Europe, l'athéisme, ou plus justement une forme croissante d'indifférence religieuse. De ce point de vue, la confrontation actuelle entre l'Occident et le monde musulman est moins un choc entre Christianisme et Islam, qu'un frottement entre une civilisation occidentale où la religion tend, comme l'a fait remarquer Marcel Gauchet (Le Monde, 13 mars 2006), à n'être plus envisagée que sur le mode de la croyance privée, voire de la dérision, et des sociétés où le religieux reste structurant à tous les niveaux de l'organisation sociale. Il ne faut pas oublier que les valeurs et les modes de vie véhiculés par l'Occident ne sont pas uniquement subversifs pour les sociétés de tradition musulmane, mais également pour l'Inde ou la Chine traditionnelles, qui, bien que semblant suivre à moyen terme l'exemple du Japon, voient des changements rapides dans leur structures familiales et sociales.
... et culturelle
La recherche d'une définition exacte du mot continue de souligner son imprécision. Par exemple, dans quelle catégorie doit être classé le Japon ? D'un point de vue géopolitique, économique et militaire, le Japon est souvent assimilé à l'Occident ; or sa population n'est pas liée aux populations originaires d'Europe occidentale. Néanmoins, c'est aussi un pays d'Extrême-Orient qui s'est développé sur le modèle occidental et en a adopté les valeurs et la vision du monde. L'affiliation du Japon à l'Occident n'est donc que la prise en compte de ce fait. A contrario, les pays d'Europe centrale et de l'Est, qui sont désormais considérés comme des pays occidentaux au sens propre étaient, il n'y a encore qu'une vingtaine d'années, dans la phraséologie de l'époque, les « pays de l'Est ».
L'Occident mythique
La conception d’un Occident a un caractère mythique, car reposant sur une soi-disant homogénéité, elle nie les différences qui ont toujours structuré le continent européen. Il n’y a pas de continuité historique qui voit une Europe homogène et pacifique. Claude Prudhomme, historien, a soulevé que l’évolution du terme d’Occident va vers le triomphe d’une véritable « essentialisation » du terme géographique au profit de valeurs et de comportements[22]. On essaie de mettre avant un caractère mystifié d’un Occident dominant, pacifiste, homogène. S'en élèvent plusieurs risques :
« Dérive ethniciste et raciste, qui attribue le succès de l’Occident à des données démographiques et biologiques ; dérive culturaliste qui affirme la supériorité du modèle par son fondement religieux (chrétien en l’occurrence) ou philosophique (l’avènement de la raison). (…) Le raisonnement tiré de l’analyse historique est alors effacé au profit de l’affirmation de vérités ontologiques qui attribuent à l’Occident le privilège d’avoir fait triompher la raison et la science et revêtu une signification et une valeur universelles ».
Il faut alors se détacher de cette idéalisation de l’histoire du continent européen qui aurait trouvé une unité culturelle, philosophique, voire politique. L’existence et la mise en place du marché commun participe de cette volonté.
Notes et références
- Dictionnaire Hachette, édition 2006, entrée occident : «... 3 (avec une majuscule) Ensemble des pays d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord »
- Dictionnaire Petit Robert, édition 1993, entrée occident : «... 3 POLIT L'Europe de l'Ouest, les États-Unis et, plus généralement, les membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN). La défense de l'Occident (autrefois opposé à Est, pays de l'Est) »
- Oswald Spengler dans son œuvre de synthèse historique Le Déclin de l'Occident qui contribue à assimiler occident et civilisation. Cette étymologie est utilisée par le philosophe
- Hakim Karki, Edgar Radelet, Et Dieu créa l'Occident : la place de la religion dans la conceptualisation de la notion d'Occident, L'Harmattan, 2001 [lire en ligne], p. 182
- Prudhomme, Claude, "Occident", in Christin, Olivier (dir), Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Éditions Métailié, Paris, 2010, p. 360
- Ambroise Queffélec, Le français en Algérie : lexique et dynamique des langues, De Boeck Supérieur, 2002 [lire en ligne], p. 491
- Prudhomme, Claude, "Occident", in Christin, Olivier (dir.), Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Éditions Métailié, Paris, 2010, p.357
- Jean-Christophe Victor, « Occident, l'Empire du soleil couchant ? », Le Dessous des cartes, mars 2011
- Bayle, Pierre (préface), Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, Rotterdam, 1690, (posthume)
- Testot, Laurent, "Comprendre l'hégémonie occidentale", in "L'ascension de l'Occident. Un débat historique", Sciences humaines, coll. Les Grands Dossiers n°12, 2008
- Orwell, Georges, 1984, Gallimard, Paris, 1972
- Prudhomme, Claude, "Occident", in Christin, Olivier (dir), Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Éditions Métailié, Paris, 2010, p.353
- Corm, Georges, L’Europe et le mythe de l’Occident – la construction d’une histoire, La Découverte, Paris, 2008
- Lévy, Jacques, Lussault, Michel, Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, Belin, Paris, 2003
- Bailly, Antoine (Dir), Les Concepts de la géographie humaine, Armand Colin, Paris, 2005
- Mourre, Michel, Dictionnaire de l'histoire. Le Petit Mourre, Larousse, Paris, 2001
- Saïd, Edward, L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident, Éditions du Seuil, Paris, 1978
- Prudhomme, Claude, "Occident", in Christin, Olivier (dir), Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Éditions Métailié, Paris, 2010
- Prudhomme, Claude, "Occident", in Christin, Olivier (dir), Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Éditions Métailié, Paris, 2010, p. 357. Il cite Lévy, 1986
- Corm, Georges, L’Europe et le mythe de l’Occident – la construction d’une histoire, La Découverte, Paris, 2008, p. 17
- Brunet, R., Ferras, R., Théry, H., Les Mots de la géographie – dictionnaire critique, Reclus – La Documentation française, Paris, 1993, p. 356?
- Prudhomme, Claude, "Occident", in Christin, Olivier (dir), Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Éditions Métailié, Paris, 2010, p. 350. Il s’inspire aussi d’écrits de Weber
Voir aussi
Bibliographie
- Bailly, Antoine (Dir), Les Concepts de la géographie humaine, Armand Colin, Paris, 2005
- Bayle, Pierre (préface), Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, Rotterdam, 1690, (posthume)
- Bessis, Sophie, L'Occident et les autres. Histoire d'une suprématie, éd. La Découverte, Paris, 2003 (ISBN 9782707142559)
- Boia, Lucian, L’Occident. Une interprétation historique., éd. Les belles lettres, 2007
- Brunet, R., Ferras, R., Théry, H., Les Mots de la géographie – dictionnaire critique, Reclus – La Documentation française, Paris, 1993
- Corm, Georges, L'Europe et le mythe de l'Occident - la construction d'une histoire, La Découverte, Paris, 2008
- De Dainville, François, Le Langage des géographes, Éditions A&J Picard, Paris, 1964
- Mourre, Michel, Dictionnaire de l'histoire. Le Petit Mourre, Larousse, Paris, 2001
- Nemo, Philippe : Qu'est-ce que l'Occident ?, PUF, 2004, 155p., (ISBN 978-2-13-054628-3)
- Prudhomme, Claude, "Occident", in Olivier, Christin (dir), Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Éditions Métailié, Paris, 2010
- Rey, Alain (dir), Le Robert Dictionnaire historique de la langue française, Robert, Paris, 1998
- Rosaye, Jean-Paul, Les Sens de l’Occident, Arras, Artois Presses Université, 2006
- Testot, Laurent, "Comprendre l'hégémonie occidentale", in "L'ascension de l'Occident. Un débat historique", Sciences humaines, coll. Les Grands Dossiers no 12, 2008
- Zard, Philippe, La Fiction de l'Occident, Paris, PUF, 1999. Texte intégral : http://atelier-albert-cohen.org/images/stories/Documents/ouvragezard.pdf
- « L'Occident est-il fini ? », Courrier international, hors-série, février-mars-avril 2011.
- Farandjis, Stelio, "L'Occident entre mythe et réalités. Le poids de l'histoire, le défi de l'avenir", in Assadi, Djamchid, d'Angelo, Mario (dir.), "Regards croisés sur l'Occident", Eurorient, n° 31, 2011,l'Harmattan, ISBN : 978-2-296-54307.
Liens internes
- Sur l'Occident et la civilisation occidentale :
- Plusieurs pays et régions situés à l'ouest d'un ensemble géographique ont un nom comportant les mots « occident » ou « occidental » :
Liens externes
Catégories :- Orientation
- Civilisation
- Sphère culturelle d'influence
Wikimedia Foundation. 2010.