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Le droit musulman, ou aussi droit coranique, est un système de nature essentiellement religieuse dans lequel la science du droit (fikh) fait corps avec la théologie. Ce droit, d'origine révélée qui trouve sa source dans les prescriptions du Coran, ne doit pas être confondu avec le droit positif qui peut être aussi en vigueur dans les États de tradition musulmane, dans la mesure où ce dernier, qui diffère selon les pays, s'écarte souvent de celui-ci.

Selon le juriste Jean-Paul Payre [1], « Le droit musulman est un système de devoirs comprenant des obligations rituelles, morales et légales, mises sur le même plan, toutes soumises à l’autorité du même impératif religieux ». En principe, le droit musulman ne s'applique qu'aux musulmans. Sous la charia (« loi divine »), les non-musulmans sont soumis au régime juridique de la dhimma (« protection tutélaire »).

Sommaire

Sources du droit

Le droit musulman a plusieurs sources, dont les sources fondamentales que sont le Coran et la sunna d'une part, et d'autre part les sources secondaires, fondées sur la raison humaine, qui comprennent le consensus des juristes (ijma), le raisonnement analogique (qiyas) et l'interprétation (ijtihad). La coutume ('urf) et la loi ne sont pas officiellement sources de loi, mais ont permis d'adapter le droit d'origine religieuse à la diversité des pays et des cas.

Une jurisprudence diverse s'est développé selon les régions, en fonction de quatre écoles juridiques (madhhab) principales pour le sunnisme, et deux autres pour le chiisme. L'élaboration du fikh (science du droit) élaboré dans le cadre de ces écoles a, en théorie et pour l'essentiel, pris fin au Xe siècle, avec la fermeture de la « porte de l'interprétation (ijtihâd) », ce qui explique le caractère archaïque et désuet de nombre de ses institutions [2]. Toutefois, nombre de juristes ont continué par la suite à réfléchir sur le droit musulman, et à poursuivre l'effort de leur prédécesseurs [2].

La colonisation a réduit l'étendue du droit musulman principalement au statut personnel (droit du mariage, etc.). Des efforts de modernisation ont été faits, dans certains pays (Turquie, Égypte, Tunisie, Maroc, etc.) au XXe siècle. Le droit pénal musulman a été délaissé par les juridictions d'États de tradition musulmane, bien que le poids de l'islamisme contemporain ait conduit certains États à le réhabiliter partiellement (Libye en 1972-1974, Pakistan en avril 1979, Iran en 1979, Soudan au début des années 1980, Koweit dans les années 1980, et Égypte après le référendum de mai 1980 [3]). Dans les autres domaines juridiques (droit constitutionnel, droit public, etc.), les réformes au XIXe siècle et au XXe siècle ont conduits à une occidentalisation croissante du droit. Celle-ci n'empêche pas un certain nombre de systèmes juridiques nationaux de faire allusion aux principes du droit musulman dans leurs Constitutions (Maroc, Tunisie, Algérie, Mauritanie, Yémen, Iran, Pakistan, Soudan et Égypte [2]). Enfin, l'Organisation de la conférence islamique a signé en 1990 la Déclaration des droits de l'homme en islam.

Le droit musulman s'appuie sur quatre sources principales (Usûl al-Fiqh), qui constituent la charia (« loi divine ») : le Coran, la sunna, l' ijmâ (consensus des savants) et le raisonnement analogique (qiyas). Le juge (qâdî) s'appuie principalement sur « les livres où sont exposées les solutions consacrées par l'ijmâ », et non sur « le Coran » ou « les recueils de Traditions » :

« Le qâdi (ou juge) qui s'aventurerait à interpréter de sa propre autorité les passages du Coran ou à apprécier lui-même l'authenticité probable de hadîth commettrait un acte tout aussi contraire à l'orthodoxie que le croyant catholique qui prétendrait fixer avec les seules lumières de son intelligence individuelle le sens des textes invoqués par l'Église à l'appui de ses dogmes... Cette troisième source du droit musulman, l'ijmâ, a une importance pratique exceptionnelle. C'est à leur consécration par elle que toutes les règles du fiqh, quelle que soit leur origine première, doivent leur applicabilité actuelle. » [4]

Le Coran

Article détaillé : Coran.
Selon Louis Massignon, « le Coran constitue essentiellement le code révélé d’un État supra-national ». Les contenus à caractères légaux du Coran sont insuffisants pour régler l'ensemble des questions de droit. Un tafsir (exégèse musulmane) du Coran est rendu nécessaire de par plusieurs passages peu clairs. Le type et la méthode de tafsir vont créer plusieurs écoles de droit, ou rite (cf. infra).

Sunna

Article détaillé : Sunna.

Elle est consignée dans le hadith du prophète de l'islam Mahomet et de ses compagnons relatés par des chaines d'intermédiaires appelés aussi garants (isnad). Mahomet est considéré comme un exemple pour l'ensemble des musulmans. Ces hadiths vont donc servir de matière première lors de l'élaboration des lois : ce qu'a fait Mahomet en telle circonstance aura force de loi, en première approximation.

Sources secondaires

À ces quatre sources s'ajoutent plusieurs autres sources secondaires :

  • l'opinion personnelle ou istihsân (approbation)
  • l'istislâh (en), prise en considération de l'intérêt général
  • la coutume ('orf ou `âda). C'est ainsi que certaines coutumes pré ou post-islamiques ont pu être intégrées dans le droit musulman, ces dernières étant jugées compatibles avec l'islam. Toutefois, la jurisprudence édifiée à partir de la coutume a pu parfois aller à l'encontre de la lettre de la sharia, par exemple en ce qui concerne la répudiation: alors que celle-ci prévoit, selon les sunnites, qu'elle doit s'effectuer en trois fois, la jurisprudence a toutefois entériné la répudiation en une seule fois dans l'immense majorité des pays musulmans [5]. La coutume n'est toutefois pas, en général, considérée comme source de droit (de même pour la jurisprudence, ou 'amal): ce n'est « pas une source légale », mais « une source spontanée et de caractère secondaire », qui permet « d'adapter la loi » plutôt que de la « modifier » [6].
  • l'imitation des décisions des anciens (taqlid), par opposition à l'ijtihad
  • l'ijtihad, effort de réflexion personnelle basée sur les principes généraux de l'islam. Elle est pratiquée par les juristes (muftis) ou les savants (mujtahids). Les mujtahids sont supérieurs aux fakîh, ceux qui ont l'intelligence de la loi (le fikh) et peuvent l'interpréter: en effet, non seulement ils interprètent le droit, mais peuvent encore le créer, lorsque les contextes nouveaux causés par l'expansion de l'islam obligent à cette invention [7].
  • la loi', ou kânûn (kânûn siyasî: règlement administratif; on dit aussi firman, hatti, etc., en Turquie; karar ou code en Égypte; amr bey ou décret beylical en Turquie, dahir ou décret royal au Maroc). Le Dahir formant Code des obligations et des contrats promulgué par le sultan Moulay Youssef en 1913 est toujours en vigueur au Maroc et en Tunisie [8]. Le Medjellet (en), codification des obligations et contrat selon le rite hanéfite, commencée en 1869 et terminée en 1876, est toujours applicable en Israël et en Cisjordanie [8].

Principes du droit coranique

La loi islamique est structurée en deux parties :

Bien que surtout connu pour son statut personnel et son aspect pénal, ce droit englobe l'ensemble des activités humaines, incluant aussi des règles de commerce et de gouvernement. Selon les écoles juridiques (madhhab), différentes règles de droit ont été produites.


Consensus

Article détaillé : Ijma`.

Reconnu par le sunnisme, il se fonde sur un hadith : « Ma communauté ne s’accordera jamais sur une erreur ». Il repose sur le consensus unanime des mujtahid, les théologiens-juristes qualifiés qui appartiennent à une même génération (karn). Les écoles se divisent à propos de savoir de qui l'accord doit être reconnu [9] :

  • le malékisme ne reconnaît que l'idjmâ des Compagnons du Prophète (les Sahaba, témoins de sa vie) et des Suivants de Médine (cf. le hadith « L'Islam reste attaché à Médine comme le serpent à son trou ») [9];
  • les hanbalites ne reconnaissent que celui des Compagnons [9];
  • les chiites (en particulier les imumites et les zaidites) n'admettent que l'avis collectif des descendants du Prophète [9].

Avec l'expansion de l'islam, qui s'étend bientôt de l'Espagne jusqu'à la Chine, le consensus entre les juristes devient difficile à obtenir, en l'absence d'autorité centrale [9]. On ne peut plus distinguer l'idjmâ des opinions doctrinales: après le Xe siècle, il n'y a plus de véritable mudjtahid, et l'idjmâ doit laisser la place à une quatrième source du droit, le raisonnement par analogie [9].

Règles d'interprétation du droit

Analogie

Article détaillé : Qiyas.

Si une règle est connue concernant un élément particulier, il est possible de décliner cette règle sur un élément similaire. Les écoles sunnites utilisent plus ou moins la méthode de raisonnement par analogie, l'école hanafite lui accordant la plus grande importance. Contrairement aux sources révélées que sont le Coran et la Sunna, il s'agit ici d'utiliser le raisonnement humain afin de comprendre la loi divine.

Diverses règles gouvernent l'usage de l'analogie (importance du texte dont provient la règle de droit, etc.). Comme toute règle de droit est instituée pour le bien commun (maslaha (en), l'intérêt public), si l'interprétation analogique conduit à une solution contraire à l'équité, le mujtahid peut faire prévaloir, selon le rite hanafite, une solution contraire: on parle d' istihsân (en) (« préférence juridique ») [7]. Les chaféites et les malékites limiteront la portée de cette préférence.

Abou Hanîfa, le fondateur de l'école hanafite, est le premier à avoir « défini un ordre légal sur la base d'une interprétation des sources qui fait appel au jugement humain (râ'y arabe : رأْي), non pour se substituer à la révélation, mais pour faire un emploi plus complet des sources révélées. Sa méthode n'est pas seulement exégétique, mais spéculative » (Louis Milliot, 1953 [10]). En d'autres termes, dans le cadre de la charia, l'école hanafite admet l'opinion personnelle du juge, que l'on appelle aussi le « jugement préférentiel » (istihsân, ar. استحسان), lorsque les sources fondamentales traditionnelles (Coran et hadiths) ne permettent pas d'élucider un cas. Cette démarche, ainsi que la décision qui en résulte, doit toutefois « avoir pour base un élargissement de la troisième source du droit, le qiyâs, ou raisonnement analogique » [11].


L'adaptation des règles par l'appel à la coutume et aux conventions et le rôle des cadis

Le droit musulman a historiquement été appliqué par les cadis, institution apparue sous les Omeyyades. Ces jugements provenant de tribunaux religieux ne sont toutefois pas source de droit : pas d'effet de jurisprudence. De plus, à côté de ces juridictions traditionnelles coexistait un ou plusieurs types de juridictions (juridiction de la police, de l'inspecteur des marchés, d'équité du calife ou de ses délégués [2]), qui appliquaient les coutumes locales ou les règlements pris par les autorités politiques [2]. La jurisprudence de ces tribunaux-là pouvait s'écarter nettement des règles du droit musulman [2]. Au XXe siècle, les juridictions spéciales chargées d'appliquer le droit musulman ont été éliminées (en 1772 en Inde britannique; 1924 en Turquie; mais aussi en Égypte, en Tunisie, en Bengale, en Algérie, au Maroc, en Guinée, au Mali, tandis que leurs compétences ont été sévèrement limitées en Indonésie [2]). La République islamique d'Iran fait figure, depuis 1979, d'exception, avec l'institution des tribunaux civils spéciaux et des tribunaux révolutionnaires [2]. En Inde, la charia a été appliquée par des juges formés à l'école anglo-saxonne du common law, conduisant à un système hybride, s'écartant largement du droit musulman traditionnel [2]. Ainsi, selon Joseph Schacht (en):

« Le droit musulman est devenu dans la British India un système juridique indépendant, comportant des différences substantielles avec le droit musulman pur, et que l'on désigne à juste titre sous le nom de Anglo-Muhammadan law. » [12]

L'appel aux coutumes, aux conventions et aux règlements du souverain ont permis d'adapter le droit musulman par des procédures externes au droit religieux strictement dit [2]. La charia classe en effet les actions humaines en cinq catégories [2]. Ces catégories correspondent à cinq valeurs morales appelées al-akhām al-khamsa :

  1. ce qui est prescrit, désigné sous le terme de fard (aussi dénommé obligatoire — wajib, muhattam— ou requis — lazim)
  2. ce qui est recommandé, désigné sous le terme de mandub (aussi dénommé préférable — mustahabb — méritoire — fadila— ou désirable — marghub fih)
  3. ce qui est indifférent (mubâh),
  4. ce qui est blâmable désigné par le terme makrûh
  5. ce qui est interdit désigné par le terme haram

Dès lors, les coutumes et les conventions privées permettent d'adapter le droit: la coutume peut ainsi ordonner quelque chose qui est seulement recommandé par le droit, ou interdire quelque chose qui est blâmable ou permis [2]. De même, un hadîth affirme qu'« il n'y a aucun crime à faire des conventions en sus de ce que la loi prescrit » [2], ce qui permet de modifier les règles proposées, mais non imposées, par le droit musulman [2]. La jurisprudence a pu ainsi conférer à l'époque le pouvoir de se répudier elle-même en fonction du contrat de mariage (la Syrie a ainsi modifié considérablement les règles du mariage [2]; de même, on a appliqué à Java le système de la coutume pour écarter le régime matrimonial de séparation des biens prévu par le Coran [2]).

Outre la coutume et la convention, les juristes font aussi appel aux stratagèmes juridiques (hiyâl) et à des fictions pour écarter des règles archaïques ou non adaptées [2], [13]. Diverses procédures permettent ainsi de décourager la polygamie et la répudiation de la femme par le mari (en accordant par exemple de lourds dommages et intérêts à la femme [2]), ou de contourner l'interdiction du prêt à intérêt, du louage de terres ou de l'assurance [2].

Les règlements du souverain ont aussi une influence importante. En Turquie, ils ont par exemple permis d'introduire un concept de prescription extinctive, ignoré par le droit musulman [2]; en Égypte, les tribunaux ne peuvent pas être saisis pour des affaires se rapportant à des mariages qui n'ont pas été enregistré à l'état civil [2]; en Algérie, la police peut ne pas appliquer la prohibition religieuse de consommation d'alcool [2].

Historique

Plusieurs écoles d'interprétation de la foi (madhhab) sont apparues selon les conceptions religieuses des penseurs musulmans. Aux premiers temps de l'islam, les plus importantes étaient celles de Kufa, Médine, Bassorah et La Mecque. Par compétition, ces écoles ont peu à peu laissé place à certains courants de pensée inspirés par un grand juriste et son école et ne sont plus cantonnées à un emplacement géographique.

On dénombre de nos jours plusieurs courants s'inspirant des écoles majeures, et autant de déclinaisons de la charia, ou loi musulmane. Il en existe quatre majeures pour le sunnisme et deux pour le chiisme. Un évènement très important eut lieu au Xe siècle (IVe siècle siècle de l'hégire), un calife abbasside ferme les « portes de l'interprétation » (bab el ijtihad) et fige les quatre écoles qui se reconnaissent mutuellement. De fait elles rejettent les autres y compris les écoles chiites. Le motif profond de cette décision résulte dans la volonté de conserver un droit à vocation universel, conformément à une religion elle-même universelle [2]. Cette stabilisation de la science du droit s'est accentué avec la prise de Bagdad par les Mongols en 1258 et la fin du califat abbasside [2]. Certains juristes contemporains veulent aujourd'hui ré-ouvrir cette porte, mais cela risquerait d'hypothéquer l'unité de la doctrine du droit musulman, en raison de la grande diversité des pays où celle-ci peut avoir une influence [2]. Aussi, on préfère en général adapter le droit en utilisant d'autres procédés, extérieurs au droit musulman lui-même, tels la coutume, la convention et les règlements du souverain [2].

Il existe par ailleurs deux écoles chiites principales, ainsi que l'ibadisme (présent aujourd'hui à Oman, à Djerba en Tunisie, à Mzab en Algérie, etc.) :

Plusieurs points de divergences séparent ces écoles, bien que parmi les écoles sunnites, il y a consensus autour des principes généraux [15]. Il y a désaccord, par exemple, à propos de la différence de traitement des versets du Coran abrogeants et abrogés, la pondération relative des diverses sources de savoir, ou, de façon importante, sur l'application de la sharia. Les quatre rites sunnites admettent l'idjmâ' (accord ou consensus) en tant que source du droit; le malékisme reconnaît l' idjmâ' des Compagnons et des Suivants de Médine, ville du Prophète, alors que le hanbalisme ne reconnaît que celui des Compagnons [16].

De plus, les juristes peuvent changer d'école [2], et peuvent aussi, pour un cas donné, emprunter à une école rivale [2]. Le souverain peut aussi prescrire aux juges d'appliquer des règles provenant d'une autre école que celle qui est majoritaire dans le pays [2]. Certaines tentatives de rapprochement et de synthèse entre ces écoles ont été faites [2], tandis que la codification effectuée par les législateurs utilise souvent une méthode éclectique faisant appel à toutes les écoles [2].

Selon la science du droit musulman, le système juridique du droit musulman est indépendant de tout autre système juridique. Toute ressemblance, sur des points précis, avec d'autres systèmes juridiques, est théoriquement considérée comme ne formant que des coïncidences. Cependant, une influence limitée a historiquement eu lieu a l'époque de sa formation, provenant en particulier du « droit talmudique, du droit canon des églises orientales et du droit perse sassanide », bien qu'elle ne s'ait exercée que « dans un petit nombre de cas isolés » [17]. En outre, le rite hanéfite a été « manifestement influencé par les règles du droit romain de la tutelle et de la curatelle. » [18]

Secteurs du droit

Le droit musulman couvre l'ensemble des domaines du droit, bien qu'il ait été souvent réduit, depuis la colonisation européenne, au droit des personnes (droit de la famille en particulier, disputes de terrain) et au droit pénal, lequel est lui aussi tombé en désuétude. Pourtant, dès le VIIIe siècle, la science du droit musulman s'intéressait à d'autres domaines. Ainsi, 800 ans avant Grotius, le juriste Mohamed al-Shaybani (en), un disciple d'Abou Hanîfa, écrit d'importants traités sur le droit de la guerre, le droit des traités et le droit des étrangers.

Le Coran comporte environ 70 versets relatifs au statut personnel; 70 également relatifs au « droit civil »; 30 qui concernent le droit pénal; 13 qui ont trait à la procédure judiciaire; 10 qui se rapportent à l'organisation constitutionnelle; 10 à l'économie et à la finance; et 25 au « droit international » [2].

Activités cultuelles

Ce secteur comprend les obligations religieuses proprement dites, en particulier les règles régissant la prière ou la nourriture.

Statut personnel

Le statut personnel musulman est appliqué d'une façon ou d'une autre dans 52 États à majorité musulmane [19]. Il régit particulièrement le mariage, la filiation et l'héritage.

Il se distingue d'autres formes de droit par l'importance qu'il apporte à la filiation paternelle : un enfant ne peut être privé de filiation paternelle. C'est dans cette optique que l'islam prohibe l'adoption, a laquelle il substitut la kafala, mesure de recueil légal qui n'altère pas la filiation de l'enfant. L'adoption au sens strict existe toutefois en Turquie, en Tunisie et en Indonésie [20],[21].

Par rapport à la période préislamique (dite jahiliya en arabe), dominée par le patriarcat, les prescriptions du Coran ont rééquilibre les rapports hommes-femmes, en accordant notamment à la femme mariée une personnalité juridique distincte et séparée, et la dotant d'un patrimoine propre qu'elle est libre d'administrer (il n'y a pas de communauté de biens, mêmes meubles, dans le mariage musulman) [22]. Dans la période préislamique, au décès de son mari, la femme passait à son héritier le plus proche, qui pouvait se marier avec elle ou la marier avec un autre (Coran, IV-19) [22].

Outre le Code tunisien de 1956, d'importantes réformes ont été admises dans plusieurs pays, notamment au Maroc avec la Moudawana (Code de la famille) de 2004, qui fait par exemple de la « fidélité mutuelle » des époux un devoir conjugal. En Algérie, c'est le Code de la famille de 1984 qui est en vigueur. Les Codes civils de l'Égypte (1948), de la Syrie (1949), de l'Irak (1951) et de l'Algérie (1975) exigent des juges qu'ils comblent les lacunes de la loi en se référant aux principes du droit musulman [2].

Droit commercial et financier

Article détaillé : Finance islamique.

Le droit musulman régit les activités commerciales et financières, de plusieurs manières.

Tout d'abord en interdisant les activités commerciales fondées sur des activités interdites par d'autres branches du droit musulman : c'est le cas par exemple de la vente d'alcool.

Il prohibe aussi le prêt à intérêt, interdisant aussi bien le fait de prêter que d'obtenir un tel prêt. Toutefois, de nombreuses méthodes mettent à profit d'autres obligations pour construire un système financier viable. Il est par exemple permis de prêter de l'argent contre rémunération si celui-ci sera employé pour l'établissement d'une entreprise au sens large.

Dès le VIIIe siècle, les manuels de fiqh citaient le système informel de paiement, appelé hawala et encore en vigueur aujourd'hui, qui est fondé principalement sur le respect de la parole donnée.

Droit pénal

Article détaillé : Droit pénal musulman.

Le droit pénal distingue, selon la sharia, plusieurs infractions :

  • les hudud sont des crimes graves, qu'on dit avoir été commis « contre Dieu », pour lesquelles la peine, prescrite par la shariah, doit être strictement appliquée par les juges, auxquels aucune latitude d'interprétation n'est laissée.
  • les tazir sont les crimes pour lesquels les peines sont laissées à l'appréciation du cadi, qui juge notamment en fonction des coutumes locales.

Ce sont les hudud qui sont les plus controversés (voir par exemple le rétablissement au Soudan de l'amputation pour vol, qui n'était plus en vigueur depuis le XVIe siècle). Si la Libye a réintroduit plusieurs peines issus de la shariah en 1972, 1973 et 1974, de même que le Pakistan en avril 1979 (sous la direction du général Zia-ul-Haq), l'application de ces peines est restée très limitée dans ce dernier pays [3]. De même, si elles sont en principe en vigueur en Libye, Mauritanie et dans le golfe arabo-persique, elles ont eu « un caractère essentiellement théorique » [3]. En 2006, l'Ordonnance sur les hudud (en) promulguée au Pakistan en 1979 a été amendée par le Women's Protection Bill (en) (Loi sur la protection des femmes) votée le 15 novembre 2006, sous la présidence de Pervez Musharraf.

Juridictions et procédure

Il n'existe pas d'avocats dans le système du droit musulman, pas plus qu'il n'existe de procureur.

Cadi

Le cadi est le juge de droit musulman. Un appel contre ses décisions peut être interjeté auprès du mufti.

Mufti

Le mufti, ou mollah pour les chiites, est une personne connaissant le droit musulman à qui le requérant (personne physique ou morale) demande de rendre un avis sur un problème juridique ou pratique, une demande de conformités aux préceptes du droit musulman. Il s'agit d'un jurisconsulte. Au terme de cette consultation, le mufti émet une fatwa. Le premier mufti est Dieu (Allah), parlant par l'intermédiaire de Mahomet. À la disparition de celui-ci, la fonction de mufti est endossée par les califes, puis par des personnes spécialisées (oulémas) et muftis. Le mufti est donc dans le système de droit musulman un substitut de Dieu, un héritier de Mahomet. Il est celui qui distingue les actes licites (halal) des actes illicites (haram).

En l'absence de mufti pour le conseiller, un musulman ne sera en théorie pas tenu responsable de ses actions s'il commet une erreur, quoi qu'il ferait : il serait considéré comme « ignorant » (jehel). Il est donc parfois considéré nécessaire à toute société régie par le droit musulman d'avoir un mufti, y compris aujourd'hui. Bien que les États modernes n'aient plus techniquement besoin de lui, par la mise sur papier d'un code, il n'est pas rare que des muftis soient en ligne sur internet ou répondent à des questions à la télévision.

L'adel

L'adel (pluriel en arabe : adoul) est le notaire de droit musulman. Au Maroc, c'est lui qui a la charge de célébrer les mariages.

Notes et références

  1. docteur en droit et diplômé de l’Institut d'études politiques de Grenoble
  2. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n , o , p , q , r , s , t , u , v , w , x , y , z , aa , ab , ac , ad , ae , af , ag , ah , ai , aj , ak , al , am , an , ao , ap , aq , ar , as , at  et au René David et Camille Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporains, Dalloz, 11e édition, 2002, p.  349-372 (chapitre sur « Le droit musulman »)
  3. a , b  et c René David et Camille Jauffret-Spinosi, op. cit., p. 371
  4. Edouard Lambert, Fonction du droit civil comparé, 1908, p.  328, cité par René David et Camille Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporain, Dalloz, 2002, p.  355, qui ajoutent : « Les codifications récentes intervenues de plus en plus dans des domaines traditionnellement régis par le fiqh classique confortent l'opinion émise par Snouck Hurgronje (en), et rappelée par Édouard Lambert. »
  5. François-Paul Blanc, Le Droit musulman, Dalloz, 2e édition, 2007, 128 p., p.  33-34.
  6. François-Paul Blanc, op. cit., p.  31
  7. a  et b François-Paul Blanc, Le droit musulman, Dalloz, 2e édition, 2007, 128 p., p.  27-28.
  8. a  et b François-Paul Blanc, Le droit musulman, Dalloz, 2e édition, 2007, 135 p., p.  35
  9. a , b , c , d , e  et f François-Paul Blanc, Le droit musulman, Dalloz, 2e édition, 2007, 128 p., p.  19-20.
  10. Louis Milliot, Introduction à l'étude du droit musulman, Paris, Sirey, 1953, p. 12.
  11. Louis Gardet, Islam, religion et communauté, Desclée de Brouwer, 1970, p. 190.
  12. Joseph Schacht (en), Problems of Modern Islamic Legislation, Studia Islamica XII4', 1960, p.  99-129, cité in René David et Camille Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporain, Dalloz, 2002, p.  371.
  13. René David et Camille Jauffret-Spinosi citent notamment Le Livre des ruses, publié chez Phébus en 1976 par René R. Khawam.
  14. François-Paul Blanc, Le Droit musulman, Dalloz, 2e édition, 2007, 128 p., p.  21.
  15. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m  et n François-Paul Blanc, Le droit musulman, Dalloz, 2e édition, 2007, 128 p. Cf. en particulier avant-propos.
  16. François-Paul Blanc, Le Droit musulman, Dalloz, 2e édition, 2007, 128 p., p.  19.
  17. Encyclopédie de l'islam, 2e éd., art. Fikh par Joseph Schacht, tome II, p.  906, et Schacht, Introduction au droit musulman (trad.), 1983, cité in René David et Camille Jauffret-Spinosi, op. cit., p. 358.
  18. François-Paul Blanc, op. cit., p. 104
  19. François-Paul Blanc, Le droit musulman, Dalloz, 2e éd., 2007, conclusion (p. 131)
  20. Vulbeau A., « La kafala ou le recueil légal de l’enfant », Informations sociales 2008/2, N° 146, p. 23-24. [lire en ligne]
  21. Pour la Tunisie, voir la Loi n° 1958-0027 du 4 mars 1958 relative à la tutelle publique, à la tutelle officieuse et à l’adoption
  22. a  et b François-Paul Blanc, Le Droit musulman, Dalloz, 2e éd., 2007, p. 53

Annexes

Articles connexes

Systèmes juridiques
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(Tous)
Common law
Droit civil
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Droit religieux
Droit international

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