Gouvernement de Flensbourg

Gouvernement de Flensbourg

Le gouvernement provisoire du Reich (Geschäftsführende Reichsregierung), appelé aussi gouvernement de Flensbourg, est l’éphémère administration qui tenta de gouverner l’Allemagne en mai 1945 après les suicides d’Adolf Hitler et de Joseph Goebbels, durant la chute de Berlin.

Le grand-amiral Karl Dönitz, successeur désigné de Hitler, est président du Reich ; Joseph Goebbels est chancelier du Reich (cabinet Goebbels) puis, après son suicide, Lutz Schwerin von Krosigk est désigné à son poste mais en tant que « chef de gouvernement provisoire du Reich ». Cette administration doit son surnom à la ville de Flensbourg, proche de la frontière avec le Danemark, où se situait le quartier général de Dönitz à ce moment-là ; le territoire que contrôlait ce gouvernement était limité au voisinage de la ville en raison de l’avance des armées alliées. Il essaya de traiter une paix séparée avec ces derniers.

Sommaire

Histoire

Contexte

Adolf Hitler condamne Hermann Göring et Heinrich Himmler comme traîtres et les exclut tous deux du parti nazi[Quand ?]. Göring se trouve en Bavière et Himmler auprès de Dönitz, mais sans que ce dernier soit informé de la condamnation par le Führer (titre qu'Hitler s'était octroyé en fusionnant les postes de chef d'État et de gouvernement). En avril, Himmler a en effet décidé d'entrevoir un après-Hitler. Conséquemment à un entretien avec Lutz Schwerin von Krosigk (à l'époque ministre des Finances), il décide unilatéralement (avec cependant le soutien du responsable des services de contre-espionnage, Walter Schellenberg, qui s'entretenait avec le ministre du Travail, Franz Seldte) de traiter avec les Alliés afin de laisser entrevoir un avenir politique après la défaite. Le vice-président de la Croix-rouge suédoise, le comte Folke Bernadotte essaya ainsi de négocier un armistice entre l'Allemagne et les Alliés. À la toute fin de la guerre, il reçoit l'offre faite par Himmler d'une reddition complète du IIIe Reich vis-à-vis de la Grande-Bretagne et des États-Unis, à la condition que celui-ci soit autorisée à poursuivre la résistance contre l'Union soviétique. Il aurait alors annoncé par les médias qu'Hitler, très malade, n'était plus à même d'assurer ses fonctions[1]. Le parti national-socialiste aurait néanmoins dû être dissous. Cette offre fut transmise au Premier ministre britannique Winston Churchill, au président américain Harry S. Truman et au commandant des troupes Alliés Dwight Eisenhower. Il souhaite d'ailleurs rencontrer ce dernier. Bien qu'architecte d'une paix séparée avec les Alliés, Himmler comptait (contre l'avis de Bernadotte, qu'il rencontre le 21 avril près de Berlin) obtenir un poste dans le futur gouvernement de transition. Le problème ne se pose pourtant pas, car le 22 avril, le président des États-Unis déclare exclure toute paix séparée avec l'Allemagne[1].

Le 30 avril 1945, Hitler se suicide dans le Fuhrerbunker (le Bunker de la Nouvelle Chancellerie de Berlin). Dans son testament politique, il sépara de nouveau les fonctions de chef d'État de celles de chef de gouvernement, qu’il avait fait réunir à son profit en 1934. Il désigna Dönitz comme président du Reich (Reichspräsident), et le ministre du Reich à la Propagande, Joseph Goebbels, comme chancelier du Reich (Reichskanzler). Cependant, ce dernier se suicide le lendemain, 1er mai.

Création et initiatives du gouvernement

Trois membres du gouvernement de Flensbourg. De gauche à droite, le général Alfred Jodl (chef d'état-major des armées), Albert Speer(ministre de l'Économie) et le grand amiral Karl Dönitz (président du Reich), après leur arrestation par les Alliés.

Le 1er mai 1945, Karl Dönitz devint le seul représentant du Reich vacillant lorsqu’il apprit que Goebbels s’était également suicidé. Il demanda alors le jour même à Lutz Schwerin von Krosigk d’endosser la charge de chancelier du Reich. Von Krosigk décline l’offre, et tous deux conviennent qu’il porterait finalement le titre de « chef du gouvernement provisoire du Reich ». Le 2 mai, Dönitz rencontre le général britannique Bernard Montgomery[2].

Le 4 mai, Dönitz donne l'ordre par un radiotélégrammme non codé à tous les sous-marins (Unterseeboot) de se rendre aux Alliés, sans se saborder[3]. Les navires envoient des messages (codés) de confirmation, ayant peine à croire que le nouveau chef de l'État puisse prendre une telle décision, en raison de sa carrière passée dans la marine. Certains se sont alors dirigés vers le Royaume-Uni, la Norvège, voire l'Argentine (comme le U-977 du commandant Heinz Schäffer), d'autres enfin rentrèrent dans les ports allemands ou se sabordèrent.

Le cabinet, qui comprenait notamment le feldmarechal Wilhelm Keitel, le général Alfred Jodl et Albert Speer, tient sa première réunion à Flensburg le 5 mai. Heinrich Himmler et Alfred Rosenberg sont tous deux démis de leurs fonctions le lendemain. Certains récits rapportent que ces démissions auraient été imposées en vue de rendre le gouvernement plus acceptable aux yeux des Alliés, d’autres parce que Himmler et Rosenberg interféraient avec le fonctionnement du nouveau régime.

Au cours de la courte période durant laquelle il est chargé des affaires, Dönitz consacre la majeure partie de ses efforts à s’assurer de la loyauté des forces allemandes et à essayer qu’elles se rendent aux Britanniques ou aux Américains plutôt qu’à l'Armée rouge soviétique dont il craint, à juste titre, des représailles. Il pense en outre que le communisme pourrait être un ennemi commun, les Alliés occidentaux et l'Allemagne ayant au moins comme point commun de reposer sur un système capitaliste.

Le 7 mai 1945, Dönitz autorise le général Alfred Jodl, chef d’état-major des forces armées allemandes à signer la reddition inconditionnelle des forces allemandes à Reims. Le lendemain, le feldmarechal Wilhelm Keitel signe la capitulation du Troisième Reich à Berlin.
À l'annonce de la nouvelle, Paul Giesler se suicide en compagnie de son épouse.

Une tentative de gouverner réaliste ?

Albert Speer suggère qu’après la capitulation, le gouvernement de Flensburg devrait prononcer sa propre dissolution. Dönitz et ses ministres choisisent de continuer dans l’espoir de pouvoir gouverner l’Allemagne d’après-guerre en tant que gouvernement provisoire. Toutefois, les Alliés ne veulent pas moins que la reddition inconditionnelle de l’État allemand, de son gouvernement et de ses forces armées. Une fois l’acte de capitulation formellement signé, ce n’était plus qu’une question de temps avant que les occupants ne tiennent le gouvernement allemand responsable de la Seconde Guerre mondiale. Les tentatives du gouvernement de Flensburg de travailler en coopération avec les forces d’occupation sont ignorées par le général Dwight Eisenhower, commandant suprême des Alliés en Europe.

Dönitz et ses ministres s’efforcent de gérer ce qui reste de l’Allemagne. Ils communiquent les instructions du gouvernement par le truchement du Reichssender Flensburg, seule station de radio locale encore entre leurs mains. Ces efforts se révélent infructueux.

Le 20 mai, le gouvernement soviétique fait clairement savoir ce qu’il pensait du gouvernement de Flensburg. Il s’en prend à l'administration dirigée par Dönitz désigné comme le « gang Dönitz ». La Pravda écrit : « Les discussions relatives au gang fasciste entourant Dönitz se poursuivent. Plusieurs cercles alliés éminents considèrent qu’il est nécessaire d’utiliser les services de Dönitz et de ses collaborateurs. Au Parlement britannique, ce gang a été désigné sous le terme « administration Dönitz »… Un reporter de la presse réactionnaire, Hearst, a déclaré l’enrôlement de Dönitz comme un acte de sagacité politique. Il faut donc en conclure qu’un scribouillard fasciste a trouvé opportun de faire cause commune avec un camarade de maraude de Hitler. Au même moment, la presse fasciste des deux bords de l’Atlantique a évoqué les conditions qui régnaient en 1918 en Allemagne, lorsque les extrémistes de droite allemands répandirent les mêmes sornettes concernant l’imminence d’un chaos. À l’époque, les unités allemandes intactes furent utilisées pour de nouvelles aventures à l’Est immédiatement après la capitulation. La présente campagne a des objectifs similaires. De nombreux cercles réactionnaires du camp alliés sont opposés à la création d’une nouvelle Europe sur les bases formulées lors de la conférence de Crimée. Ces cercles considèrent que la préservation des États fascistes et de leurs viviers comme un moyen de contrecarrer les aspirations de toutes les nations qui aspirent à la paix ».

La fin du gouvernement de Flensbourg

Le 23 mai 1945, un officier de liaison britannique se rend au quartier général de Dönitz et demanda à parler à tous les membres du gouvernement. Il lit alors un ordre émanant du général Eisenhower qui prononçait la dissolution du gouvernement et l’arrestation de tous ses membres.
Ces arrestations mirent fin aux derniers espoirs de certains dignitaires du régime nazi quant à une certaine survie d'un Troisième Reich collaborant avec les alliés occidentaux. Plusieurs d'entre eux préférèrent alors mettre fin à leurs jours, d'autant plus que la plupart étaient susceptibles d'être poursuivis pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. En effet, ce 23 mai, Himmler se suicida en avalant une fiole de cyanure, tout comme l'amiral Hans-Georg von Friedeburg, dernier commandant en chef de la Kriegsmarine.

De tous les membres du gouvernement de Flensbourg, seul Julius Dorpmüller ne sera pas inquiété pour ses activités politiques antérieures. On lui proposera même de contribuer à la future restructuration des transports allemands, mais il mourra quelques semaines après son arrestation.
Les autres furent appelés à répondre de leurs actes devant les tribunaux (soit au Procès de Nuremberg, soit au Procès des ministères), mais trois d'entre eux moururent avant de comparaître : Herbert Backe et Otto Georg Thierack se suicidèrent, tandis que Franz Seldte succomba dans un hôpital militaire américain.
Des six survivants, seuls Alfred Jodl et Wilhelm Keitel furent condamnés à mort et pendus. Karl Dönitz fut emprisonné dix ans à la Prison de Spandau, tandis que Albert Speer y passa vingt années. Lutz Schwerin von Krosigk fut interné six ans, alors que Wilhelm Stuckart ne le sera que pendant quatre années.

Le cabinet Dönitz

Ministère Photographie Nom du ministre
Président Karl Dönitz.jpg Karl Dönitz
Chancelier puis chef de gouvernement Johann Ludwig Graf Schwerin von Krosigk.JPG Joseph Goebbels (jusqu'au 2 mai) • Lutz Schwerin von Krosigk (photo)
Affaires étrangères Johann Ludwig Graf Schwerin von Krosigk.JPG Lutz Schwerin von Krosigk
Intérieur Paul Giesler.jpg Paul Giesler (photo) (jusqu'au 6 mai) • Wilhelm Stuckart (à partir du 6 mai, jusque là à la Culture)
Justice Bundesarchiv Bild 183-J03230, Roland Freisler und Dr. Otto Thierack.jpg Otto Georg Thierack
Finances Johann Ludwig Graf Schwerin von Krosigk.JPG Lutz Schwerin von Krosigk
Économie Albert Speer Neurenberg.JPG Albert Speer
Alimentation, Agriculture et Forêts Bundesarchiv Bild 183-J02034, Herbert Backe.jpg Herbert Backe
Industrie et Travail Bundesarchiv Bild 102-01258, Hugenberg, von Stephani und Seldte.jpg Franz Seldte
Guerre Karl Dönitz.jpg Karl Dönitz (président)
Transports Bundesarchiv Bild 183-E00795, Julius Dorpmüller.jpg Julius Dorpmüller
Postes et aux Communications Bundesarchiv Bild 183-E00795, Julius Dorpmüller.jpg Julius Dorpmüller
Armes et Production Albert Speer Neurenberg.JPG Albert Speer
Chef d’état-major des forces armées allemandes et le représentant de Dönitz dans les négociations avec les Alliés Bundesarchiv Bild 146-1971-033-01, Alfred Jodl.jpg Alfred Jodl
Représentant de Dönitz dans les négociations avec l’Armée rouge Bundesarchiv Bild 183-1998-0112-500, Wilhelm Keitel.jpg Wilhelm Keitel

Références

Articles connexes


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