Port-royal-des-champs

Port-royal-des-champs

Port-Royal-des-Champs

48°44′39″N 2°0′58″E / 48.74417, 2.01611

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Le site de Port-Royal-des-Champs est un ensemble constitué des ruines de l’abbaye de Port-Royal, du musée des Granges et d’un domaine forestier et paysager. Situé au cœur de la vallée de Chevreuse, au sud-ouest de Paris, dans la commune de Magny-les-Hameaux (Yvelines), il est le témoin de l’histoire de l’abbaye de Port-Royal et du jansénisme.

Malgré un riche passé, il ne reste aujourd’hui presque rien de ce monastère fondé en 1204.

Cet endroit fut le théâtre d’une intense vie religieuse, intellectuelle et politique du XIIIe siècle à nos jours. D’abord simple abbaye cistercienne féminine au cœur du bassin parisien, Port-Royal devient au XVIIe siècle l’un des symboles de la contestation politique et religieuse, face à l’absolutisme royal naissant et aux réformes théologiques et ecclésiologiques de l’Église tridentine.

Qualifié d’« affreux désert » par la marquise de Sévigné[1] en raison de son isolement, Port-Royal apparaît comme une « thébaïde » pour les admirateurs des Solitaires[2], c’est-à-dire un endroit privilégié où le chrétien est à même d’œuvrer pour son salut sans être tenté par le monde matériel. Attirant ou repoussant, il fascine le monde intellectuel et religieux du XVIIe siècle.

Détruits au début du XVIIIe siècle sur ordre de Louis XIV, l’abbaye et son domaine deviennent des lieux de mémoire et d’histoire, séduisant et inspirant visiteurs et intellectuels.

Port-Royal-des-Champs est aujourd’hui classé musée national.

Le site de Port-Royal sur les cartes de Cassini

Sommaire

Une abbaye cistercienne (1204-1609)

La fondation

Le site de Port-Royal, au fond d’un vallon, est dans la tradition cistercienne

L’abbaye de Port-Royal est fondée en 1204 par Mathilde de Garlande. Apparentée aux familles royales de France et d’Angleterre[3], celle-ci décide de créer cette abbaye avec des fonds que son mari Mathieu de Marly, partant pour la quatrième croisade, a mis à sa disposition pour des œuvres pieuses.

Son choix se porte sur un lieu peu éloigné de l’abbaye des Vaux-de-Cernay, abbaye masculine. Elle souhaite, pour sa part, fonder un monastère féminin. Le lieu s’appelle « Porrois » et abrite déjà une chapelle dédiée à Laurent de Rome.

Le site de Porrois est marécageux et boisé. Son nom viendrait des poireaux sauvages qui y poussaient. Par la suite, le nom s’est transformé en « Port-Royal » en raison de l’appui que lui ont apporté les rois de France, tels Philippe-Auguste puis Louis IX, de même qu’Odon de Sully, évêque de Paris. L’abbaye est donc dès ses débuts liée au pouvoir royal[4].

L’abbaye est au départ considérée comme une simple extension féminine des Vaux de Cernay, comme un prieuré dépendant de ce monastère, c’est-à-dire dépourvue d’autonomie hiérarchique, financière et d’autorité. De même qu’aux Vaux de Cernay, les religieuses de Port-Royal adoptent la règle de saint Benoît en y adjoignant les grands principes de l'ordre des cisterciens.

Les premiers directeurs spirituels viennent également de l’abbaye voisine. Mais en 1214, à la suite de trois prieures, une première abbesse est élue. Elle s’appelle Éremberge[5]. Port-Royal gagne ainsi son autonomie et un véritable statut d’abbaye. Cependant son importance est numériquement faible : autour d’Éremberge, la communauté ne compte qu’une douzaine de membres. En 1223, le pape Honorius III lui accorde le privilège de célébrer la messe même en cas d’interdiction dans tout le pays.

Même si les premières religieuses viennent de monastères bénédictins, Port-Royal prend très vite une orientation cistercienne. Le site est typiquement cistercien : Port-Royal se trouve au fond d’un vallon fermé, parcouru par une rivière, le Rhodon. Le vallon est barré en son fond pour créer des étangs, ce qui favorise l’utilisation de la force hydraulique. Cet emplacement répond au désir de Bernard de Clairvaux d’inciter à l’humilité et à la vie intérieure par un retrait du monde. Les fréquentes visites des généraux de l’ordre cistercien laissent penser que Port-Royal s’est inscrit très tôt dans l’orbite cistercienne.

Architecture de l’abbaye

Plan de Port-Royal des Champs, tableau peint d’après les gravures de Louise-Magdeleine Horthemels

L’architecture est caractéristique de l’ordre cistercien. Dès la fondation de l’abbaye en 1204[6] et la construction des premiers bâtiments, comme la partie conventuelle achevée en 1208, l’appartenance de Port-Royal à l’obédience de Cîteaux, évidente dès ses débuts même si elle n’est officielle qu’en 1240[7], décide de l’organisation générale du lieu. La seule élévation est celle du clocher de l’église, qui est terminée en 1229. Le cloître est adossé au côté sud de l’église, comme dans la plupart des abbayes cisterciennes. Le chapitre et le réfectoire, lui-même surmonté du dortoir, forment le côté est du cloître, dans le prolongement du transept.

L’église est construite sous la direction de Robert de Luzarches, architecte de la cathédrale d’Amiens, engagé et rémunéré par les Montmorency[8]. Son plan suit également la tradition architecturale cistercienne : l’église a une forme de croix latine à base carrée, dont le tracé ne comporte que des lignes droites se coupant en angle droit. L’édifice comprend une nef de six travées flanquée de bas-côtés, et sa longueur totale est de 55 mètres. Le transept saillant est large de 28 mètres. Le sanctuaire est assez court (seulement deux travées) et se termine en chevet plat. Ceci s’explique par la tradition cistercienne, où le chœur des moines et des moniales n’est pas placé après la croisée du transept mais dans la nef centrale. À Port-Royal, le chœur occupe les troisième, quatrième et cinquième travées, et se termine par une grille.

Les gravures montrent que l’église est élevée à trois niveaux dans un style gothique archaïque, avec de grandes arcades en arc brisé. Cependant, malgré l’emploi de voûtes sur croisées d’ogives, renforcées à l’extérieur par des arcs-boutants, l’église ne comporte que des fenêtres hautes, de petite taille et en plein cintre, sans doute par volonté (là encore typiquement cistercienne) d’humilité. Les arcs de la voûte reposent sur d’épaisses colonnes simplement ornées de feuillages sculptés.

À l’ouest de l’église, un pigeonnier, toujours visible aujourd’hui, est édifié au XIIIe siècle.

Les aménagements ultérieurs, assez peu nombreux, ont lieu essentiellement au XVIe siècle sous l’impulsion de l’abbesse Jeanne II de La Fin (1513-1558), qui fait réparer l’église et reconstruire partiellement le cloître, le dortoir et l’infirmerie. Le chapitre est alors déplacé dans le bras droit du transept dont la grande arcade est murée. C’est également à cette époque que sont installées dans le chœur des stalles et des boiseries sculptées, considérées comme « fort belles » deux siècles plus tard, lorsqu’elles sont vendues aux Bernardins de Paris avant la démolition de l’église. Ces boiseries ont disparu à la Révolution.

La deuxième vague de restauration se situe au milieu du XVIIe siècle, à partir du retour des religieuses aux Champs en 1648. Malgré les travaux de drainage des Solitaires, l’église est régulièrement inondée par les eaux qui dévalent du plateau des Granges. L’abbesse Angélique Arnauld décide donc de faire surélever de sept pieds (environ 2,30 m) le sol de l’église. Ces travaux enlaidissent l’ensemble, puisque les chapiteaux arrivent alors à hauteur de tête, ce qui prive l’église de son harmonie. Mais cela ne dérange pas l’abbesse, pour qui seule la prière compte, et qui dit : « J’aime par l’esprit de Jésus-Christ tout ce qui est laid »[9], préférant que l’argent aille aux pauvres plutôt qu’à l’ornement de l’église. Dans ses lettres, elle fustige d’ailleurs les Carmélites qui embellissent leurs couvents.

Une abbaye riche

Port-Royal devient l’une des plus puissantes abbayes du bassin parisien. Elle tire ses ressources de la possession de terres agricoles et forestières aux alentours et sur des terroirs plus éloignés. Les religieuses ont rang de seigneurs sur la plupart de leurs terres, on les appelle les « dames de Port-Royal ». Elles ont l’intégralité des droits seigneuriaux et reçoivent « foi, hommage, aveux et dénombrement »[10].

On évalue le patrimoine principalement de par le partage qui a lieu en 1669 entre l’abbaye des Champs et celle de Paris, lorsque celle-ci reçoit son autonomie (voir infra). La singularité de Port-Royal vient du fait que les religieuses ont converti en rentes une grande partie de leurs biens. Elles ont progressivement transformé ces rentes en prêts, ce qui fait que le monastère fonctionne comme une banque.

En plus de la propriété originelle du vallon de Port-Royal, les religieuses reçoivent par don, au cours du XIIIe siècle, celles de Magny, Champgarnier, Germainville, Launay et Vaumurier, situées sur la paroisse de Saint-Lambert des Bois, donc juste autour de l’abbaye.

En 1230, les religieuses reçoivent des terres à Villiers-le-Bâcle, puis en 1479 à Buc et Châteaufort, et enfin à Buloyer en 1504, ce qui permet d’augmenter les revenus fonciers. L’abbaye se met alors à acheter des fermes plus éloignées. Elle en reçoit aussi comme dons pieux. C’est ainsi qu’en 1258 un seigneur, Jean de Montfort, fait don de sa forêt et de 240 arpents de terre au Perray en Yvelines, à douze kilomètres à l’ouest de Port-Royal. Au sud et à l’ouest du monastère, les seigneuries de Gourville et de Voise s’ajoutent également au patrimoine pendant le Moyen Âge.

Au XVe siècle, l’abbaye entre en possession d’une importante seigneurie, celle de Mondeville, à 35 kilomètres de distance, entre Melun et La Ferté-Alais. Elle y détient les droits de haute, moyenne et basse justice, ainsi que le droit de notariat.

Au XVIe siècle, Port-Royal contrôle les terres et des forêts dans un rayon de huit kilomètres. Les deux fermes qui constituent sa principale source de richesse sont celles des Granges et de Champgarnier. Au cours du XVIe siècle, le monastère acquiert autour de Nanterre de vastes propriétés qui lui fournissent des rentes considérables.

En 1659, l’abbaye achète la terre et la seigneurie de Montigny, puis d’autres domaines à Voisins-le-Bretonneux et Trappes. Au terme de ces acquisitions, le territoire de l’abbaye touche au parc de Versailles, ce qui peut représenter un motif de dissension avec le roi, notamment sur la question du contrôle des sources. À partir de la fondation du monastère de Port-Royal de Paris, les religieuses achètent également des maisons dans la capitale, situées dans le faubourg Saint-Jacques.

Port-Royal est donc extrêmement riche. Lors de la séparation des deux monastères en 1669, environ un tiers des terres est dévolu au couvent parisien, le reste demeurant en possession de celui des Champs.

La richesse matérielle de l’abbaye, fondée sur le foncier, est extrêmement dépendante des aléas politiques. Malgré un patrimoine important dès ses débuts, les périodes de troubles causent des pertes de richesse conséquentes qui entraînent un déclin du monastère à la fin du Moyen Âge.

Les difficultés de l’abbaye à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance

Connaissant un rapide développement à ses débuts, l’abbaye entre ensuite dans une période de relatif déclin. La guerre de Cent Ans est particulièrement destructrice pour Port-Royal, les épidémies se succèdent, l’insalubrité, la baisse des vocations et des difficultés économiques laissent croire un temps à la fermeture du monastère. En 1468, l’abbesse Jeanne de La Fin parvient cependant à récupérer les biens et les terres perdues dans le chaos de la guerre. En 1513, elle démissionne en faveur d’une de ses nièces, Jeanne II de La Fin, qui poursuit les travaux de restauration : l’église est embellie, le cloître et les autres bâtiments sont rénovés.

Au XVIe siècle, commence à se poser un problème de moralité parmi les religieuses. Le premier à s’en préoccuper est Jean de Pontallier, abbé de Cîteaux. En décembre 1504, il effectue une visite à Port-Royal et organise une restauration matérielle. Choqué par ce qu’il y voit, l’abbé dénonce le peu de piété des moniales, qui expédient le plus vite possible les prières et font preuve d’un mauvais état d’esprit, selon lui. Les manières cavalières des résidentes de Port-Royal ne semblent pas s’arranger avec le temps, car à la fin du XVIe siècle, un de ses successeurs, Nicolas Boucherat, remarque au cours d’une visite de l’abbaye que les religieuses y sont « coutumières de prendre noise, de dire injures atroces, sans avoir égard au lieu et à la compagnie où elles sont »[11]. Il leur recommande de respecter le silence et de recommencer à pratiquer les aumônes à la porte du monastère.

Vue de Port-Royal des Champs par Louise-Magdeleine Horthemels

N’étant pas concerné par le concordat de Bologne, qui permet au roi de nommer les évêques, abbés et abbesses de France, Port-Royal continue à élire ses propres abbesses. L’abbesse Catherine de La Vallée, qui dirige Port-Royal de 1558 à 1574, est tellement peu encline à réformer son monastère qu’elle est menacée d’excommunication après ses refus répétés d’obéir aux ordres de Cîteaux. Elle finit par s’enfuir, prenant prétexte des guerres de Religion[12].

La pratique de la commende est devenue banale, comme dans la plupart des monastères de l'époque. C’est ainsi qu’en 1599 une petite fille de huit ans à peine, Jacqueline Arnauld, est nommée coadjutrice de l’abbesse Jeanne de Boulehart. Elle prononce ses vœux en 1600, et le chapitre l’élit abbesse en 1602. À cette époque, Port-Royal est un exemple symbolique des abus que l’Église issue du concile de Trente cherche à éradiquer : les sœurs vivent dans le relâchement et parfois dans la licence avec leurs domestiques. Philippe Sellier dit de cette élection : « Un abus de plus dans une petite communauté dont plusieurs historiens ont écrit le relâchement »[13].

En prononçant ses vœux, Jacqueline Arnauld prend le nom d’Angélique de Sainte-Madeleine. Elle poursuit son éducation à l’abbaye de Maubuisson, qu’elle ne quitte que le jour de son élection comme abbesse, sous la conduite de son père, Antoine Arnauld. La communauté ne compte plus alors qu’une douzaine de moniales.

Dans son autobiographie de 1655, Jacqueline Arnauld indique que le monastère est en « très mauvais état ». Ses parents s’inquiètent pour elle. Ils demandent donc au général de l’ordre de Cîteaux l’autorisation de placer auprès d’elle une religieuse d’une autre maison, Madame de Jumeauville. Celle-ci a pour tâche de terminer l’éducation de l’enfant et de surveiller la conduite du monastère. La jeune Mère Angélique s’interroge sur sa vocation, lorsqu’en 1608 un Capucin vient prêcher pour l’Annonciation. « Dieu me toucha tellement que, de ce moment, je me trouvais plus heureuse d’être religieuse que je m’étais estimée malheureuse de l’être »[14], dira-t-elle. Ce choc religieux marque le début de la renaissance du monastère.

La réforme d’Angélique Arnauld et les Solitaires

Une réforme dans la lignée du concile de Trente

La mère Angélique Arnauld par Philippe de Champaigne, Musée d'Evreux

Après sa « révélation » de 1608, Angélique Arnauld entreprend doucement une réforme de son monastère. À la fin de l’année, elle fait nommer un nouveau directeur spirituel, le cistercien Claude de Kersaillou, qui engage la communauté à respecter les règles cisterciennes.

L’année 1609 marque un tournant dans l’histoire de l’abbaye de Port-Royal. En effet, Angélique Arnauld rétablit la communauté des biens entre religieuses. La clôture monastique est également remise en vigueur. Le 25 septembre a lieu un événement important, connu sous le nom de « journée du Guichet » : donnant l’exemple, la jeune abbesse, âgée de dix-huit ans, interdit à sa famille de franchir la clôture du monastère, au nom du respect de la Règle. Port-Royal reprend une vraie vie monacale, sans plus de dérogation pour l’abbesse que pour ses religieuses.

En 1613, Port-Royal se dote d’un nouveau directeur, le père jésuite Jean Suffren, qui devient le directeur spirituel de l’abbesse pendant douze ans. Le monastère revit, accueillant de nouvelles religieuses. Plusieurs sœurs de l’abbesse rejoignent ainsi Angélique Arnauld à Port-Royal.

La mère Angélique quitte le monastère de 1618 à 1623, se donnant pour mission de réformer également l’abbaye voisine de Maubuisson. Elle confie Port-Royal à la prieure Catherine Dupont, et à sa sœur Jeanne (en religion mère Agnès de Saint-Paul) qui devient en 1620 sa coadjutrice. C’est à cette époque qu’Angélique Arnauld entre en relation avec Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran. C’est son frère, Robert Arnauld d'Andilly, qui les met en relation épistolaire en 1621. Ils se rencontrent à Paris en 1623.

À cette date, Angélique Arnauld vient de réintégrer Port-Royal, amenant avec elle une trentaine de novices et de professes de Maubuisson. Le monastère compte alors environ quatre-vingts personnes. Saint-Cyran y introduit une spiritualité rigoureuse mais qui reste dans la ligne de la Réforme catholique, telle que peuvent la vivre à la même époque François de Sales ou Jeanne de Chantal, avec lesquels l’abbesse est également en contact étroit.

Les religieuses font également un effort de réforme dans l’exercice de la prière et des célébrations. Alors que le plain-chant grégorien est progressivement abandonné dans la liturgie tridentine, elles sont parmi les seules, non seulement à le conserver, mais à faire en sorte qu’il soit bien maîtrisé par l’ensemble des religieuses[15]. Une certaine rigueur dans la prononciation des prières est également demandée, y compris chez les jeunes filles qui sont élevées dans l’abbaye. Jacqueline Pascal, sœur de Blaise Pascal et religieuse à Port-Royal, rédige à cet effet un Règlement pour les enfans qui détaille la méthode d’apprentissage de la liturgie.

Cette méthode se fonde sur une maîtrise de l’écriture et de la mémoire et une répétition des chants et prières, les plus grandes faisant répéter les plus petites. Le règlement stipule que ces apprentissages se font de manière régulière. Ainsi, les jours de fêtes, le temps entre les célébrations est employé « à apprendre par cœur ce qu’elles doivent savoir, qui est toute la théologie familière, l'exercice de la sainte messe, le traité de la confirmation ; après cela elles apprennent tous les hymnes en français qui sont dans leurs Heures, et puis toutes les latines du bréviaire, et quand elles sont venues jeunes dans le monastère, il y en a beaucoup qui apprennent leur psautier en entier. Elles n’y ont pas grande difficulté pourvu qu’elles y soient exhortées et poussées »[16].

L’enseignement n’est pas réservé aux jeunes pensionnaires de l’abbaye. La charité des religieuses (remise en vigueur par la mère Angélique) s’exerce aussi auprès des enfants du voisinage. Le portier du monastère, sans doute un Solitaire, enseigne la lecture et l’écriture, comme le rapporte un prêtre venu visiter Port-Royal : « Il y a un portier de condition, qui n’a que l’usage d’une main et d’une jambe, lequel fait pourtant trois ou quatre métiers. Il sert à la porte ; il fait des balais tous les jours ; il enseigne le plain-chant, à lire et à écrire aux petits enfants qui viennent de la campagne. Au reste, c’est un homme d’une vertu solide, intelligent, édificatif et très charitable aux pauvres qui sont là à toute heure »[17].

L’abbé de Saint-Cyran, conseiller spirituel de Port-Royal

Cette réforme et l’essor qui en résulte sont brusquement arrêtés par une forte mortalité qui ravage l’abbaye pendant la décennie 1620. Le paludisme, dû au caractère marécageux du site, décime les religieuses. Sur le conseil insistant de sa mère, Angélique Arnauld se décide en 1624 à acheter un hôtel dans le faubourg Saint-Jacques, à Paris. L’abbé de Cîteaux et l’évêque de Paris donnent leur accord pour le transfert de la communauté. Angélique quitte donc Port-Royal le 28 mai 1625 avec quinze religieuses, pour s’installer à Paris. Les autres religieuses les rejoignent progressivement.

C’est de cette époque que datent les appellations de Port-Royal-des-Champs et Port-Royal-de-Paris. En effet, si les religieuses s’installent dans le faubourg Saint-Jacques où se développent alors les couvents féminins, elles gardent l’abbaye des Champs, qui fournit de substantiels revenus à la communauté. Le site de Port-Royal n’est plus alors habité que par un chapelain qui assure les offices pour les personnes s’occupant de l’entretien du monastère et de la ferme des Granges, située sur le plateau qui surplombe l’abbaye.

La règle du monastère de Port-Royal se modifie à cette époque : la mère Angélique change le mode de nomination de l’abbesse. Celle-ci est dorénavant élue tous les trois ans. Elle-même démissionne de sa charge en 1630. La sœur Marie-Agnès Le Tardif lui succède alors, elle-même remplacée en 1636 par la jeune sœur d’Angélique, la mère Agnès Arnauld. La mère Le Tardif redevient simple religieuse et meurt, aveugle, en 1646[18].

Un lieu attractif

Les religieuses n’étant plus présentes sur le site de Port-Royal des Champs, celui-ci devient un lieu d’attraction pour des hommes souhaitant se retirer temporairement du monde.

La maison des Solitaires aux Granges de Port-Royal

Le premier à s’y installer est Antoine Le Maistre, qui séjourne à Port-Royal de mai à juillet 1638, avec ses frères, d’autres Solitaires et des enfants. Mais ils sont dispersés par ordre de la Cour, qui ne voit pas d'un bon œil cette nouvelle expérience. Antoine Le Maistre et son frère Simon Le Maistre de Méricourt reviennent cependant à Port-Royal à l’été 1639. C’est le début de la période des Solitaires à Port-Royal des Champs. Pendant une dizaine d’années, des hommes jeunes ou moins jeunes viennent se retirer à Port-Royal, attirés par le goût de la solitude et de la pénitence. L’abbé de Saint-Cyran leur rend visite pendant le court temps séparant sa libération de la Bastille (mai 1643) et sa mort, en octobre de la même année.

À Port-Royal de Paris, la communauté prend de l’ampleur. La mère Agnès Arnauld laisse sa place d’abbesse à sa sœur, la mère Angélique, en 1642. Réélue sans interruption jusqu’en 1651, elle a le projet de faire revenir la communauté aux Champs, qui ont été profondément assainis par les travaux des Solitaires. Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, autorise en 1647 la mère Agnès à envoyer quelques religieuses aux Champs. L’année suivante, la mère Angélique elle-même revient à Port-Royal des Champs avec neuf religieuses.


Le bâtiment construit aux Granges pour les Petites Écoles, précédé du verger planté par Robert Arnauld d’Andilly

Les Solitaires quittent alors le site de l’abbaye pour s’installer aux Granges, comme le décrit Angélique dans une lettre écrite le 14 mai 1648 à la reine de Pologne : « Les ermites, qui occupaient nos bâtiments, nous reçurent en très grande joie, et chantèrent le Te Deum, nous quittant la place de très bon cœur. Quelques-uns se sont retirés bien affligés : on ne les abandonnera pourtant pas. Ils ont loué une maison à Paris, en attendant que Dieu nous donne la paix. Mes neveux et quelques autres se sont retirés à une ferme qui est au-delà de la montagne »[19]. La mère abbesse passe son temps entre les deux monastères, qui n’ont qu’une seule autorité. Elle regrette cependant dans ses écrits de ne pas habiter en permanence Port-Royal des Champs, qu’elle appelle sa « chère solitude ».

La vie s’organise entre l’abbaye réinvestie par les religieuses et les Granges qui accueillent les Solitaires. Le 21 décembre 1649, Louis-Isaac Lemaistre de Sacy est ordonné prêtre à Port-Royal des Champs. Dans le monastère de Port-Royal de Paris, c’est son oncle Henri Arnauld qui est sacré évêque, le 29 juin 1649. La famille Arnauld est alors toute puissante dans un monastère qui fait figure de phare spirituel. Le Maistre de Sacy devient le confesseur des religieuses et des élèves des Petites Écoles, installés aux Granges où à partir de 1652 est construit le grand bâtiment de style Louis XIII qui accueille actuellement le musée[20]. On compte parmi les Solitaires installés en haut de la colline, Louis-Isaac Lemaistre de Sacy, Antoine Arnauld, Claude Lancelot, Jean Hamon, Pierre Nicole et d’autres moins célèbres. C’est dans ce cadre que Blaise Pascal vient faire deux courtes retraites aux Granges, en 1656.

Plaque commémorant la présence des Solitaires aux Granges

La période est alors celle de l’âge d’or de Port-Royal, malgré la Fronde qui commence. Celle-ci touche durement l’abbaye. Les pauvres affluent, cherchant un refuge. Le monastère est défendu par les Solitaires. Du 24 avril 1652 au 15 janvier 1653, la tension est telle que les religieuses doivent se réfugier à Paris avec la mère Angélique, en raison de la « guerre des Princes ». Les Solitaires, au nombre d’une vingtaine, sont eux restés garder l’abbaye et les Granges. C’est à cette période que le duc de Luynes fait construire sur le territoire de l’abbaye un château, le château de Vaumurier.

La controverse janséniste

Article détaillé : Jansénisme.

Port-Royal entre dans l’histoire avec la controverse janséniste. Même si, lorsque celle-ci touche véritablement le monastère en 1656, les idées de Jansenius sont exposées depuis près de vingt ans, même si Saint-Cyran est déjà mort, même si la spiritualité du monastère est déjà fortement teintée de cet augustinisme rigoureux, les religieuses et les Solitaires ont été épargnés bien longtemps. Les tracasseries du pouvoir royal, qui refusait périodiquement la vie communautaire des Solitaires, étaient davantage dues à des raisons politiques : les Solitaires ont attiré à eux un certains nombre d’anciens frondeurs, dont leurs chefs de file, la duchesse de Longueville et le prince de Conti.

En 1655 et 1656, la Sorbonne est agitée par de violents combats théologiques opposant Antoine Arnauld, accompagné de plusieurs docteurs en théologie, à ceux qu’ils nomment les « molinistes », c’est-à-dire les partisans du libre arbitre[21].

Le 14 janvier, Antoine Arnauld est condamné et exclu de la Sorbonne[22]. Fait sans précédent, il est rayé de la liste des docteurs. À Port-Royal, les Solitaires, les maîtres des Petites écoles et les enfants doivent quitter les Granges. Peu avant, Blaise Pascal qui était venu se retirer quelques jours a commencé l’écriture des Provinciales, pamphlets réguliers et cinglants envers les Jésuites. Le succès des Provinciales donne une popularité certaine au monastère à Paris. Cette campagne polémique est doublée par un miracle, qui semble fort à propos donner une onction divine aux positions théologiques de Port-Royal : le 24 mars 1656, la nièce de Pascal, Marguerite Périer, est guérie d’une fistule lacrymale après avoir touché une relique de la Sainte-Épine (morceau de la couronne du Christ)[23]. Ce miracle est rapidement reconnu par l’Église, ce qui oblige l’entourage royal à cesser ses pressions sur le monastère. Robert Arnauld d'Andilly et plusieurs Solitaires reçoivent de nouveau l’autorisation de résider à Port-Royal des Champs.

Les Cent-Marches, qui relient les Granges au site de l’abbaye

À la fin de l’année 1658, la mère Agnès Arnauld est à nouveau élue abbesse, et ce jusqu’en décembre 1661. L’abbaye compte alors cent trente religieuses, dont cent treize professes. C’est donc un monastère important et en pleine expansion. Mais le 13 avril 1661, les difficultés reprennent : le Conseil d’État, par un arrêt, rend obligatoire pour les religieuses comme pour tous les ecclésiastiques de France la signature du Formulaire d'Alexandre VII, qui condamne cinq propositions tirées de l`Augustinus de Jansenius[24]. C’est une grande source de problèmes en perspective pour le monastère, où l’on considère que les propositions sont bien « hérétiques » en droit, mais qu’ en fait elles ne se trouvent pas exposées telles quelles dans l’ouvrage du théologien. Cet argument est à la source de ce que l’on appelle dans l'histoire du jansénisme la distinction du droit et du fait. Les religieuses (appuyées par Blaise Pascal et Antoine Arnauld) vont essayer par ce biais d’esquiver la signature du Formulaire. Les religieuses de Paris, puis celles des Champs, signent finalement le formulaire en y adjoignant la précision du droit et du fait, ce qui aboutit ensuite à l’annulation de ce texte par le Conseil du Roi. À partir du moment où on leur interdit la distinction du droit et du fait, une partie importante des religieuses du monastère refuse catégoriquement de signer le Formulaire.

Mais le même jour Louis XIV, qui depuis sa majorité exerce personnellement le pouvoir, interdit à la communauté de Port-Royal de recevoir désormais des novices et des pensionnaires. Celles qui sont présentes sont dispersées. C’est signer l’arrêt de mort de l’abbaye, puisque la communauté ne peut se perpétuer sans recrutement. Les directeurs spirituels (Antoine Singlin, qui doit se cacher, Louis-Isaac Lemaistre de Sacy et d’autres prêtres proches des religieuses) doivent quitter l’abbaye[25].

C’est également à cette époque que la mère Angélique, fatiguée et malade, quitte l’abbaye des Champs pour rentrer au monastère parisien. Impuissante dans cette crise, elle meurt le 6 août 1661. Son corps est enterré sous les dalles du chœur du monastère parisien et son cœur ramené aux Champs. Jacqueline Pascal, sœur de Blaise Pascal et sous-prieure aux Champs, meurt peu après, le 4 octobre. Le 12 décembre, la mère Agnès cède sa place d’abbesse à la mère Madeleine de Sainte-Agnès de Ligny, qui occupe cette fonction jusqu’en 1669[26]. C’est un mandat marqué par d’importantes crises, puisque la mère Madeleine de Sainte-Agnès connaît en huit ans l’affrontement avec l’archevêque de Paris, l’emprisonnement et l’enfermement aux Champs.

Dans les deux années qui suivent, les religieuses cherchent à échapper à une nouvelle signature du Formulaire. Mais la crise se réveille en 1664. En effet, le 8 juin de cette année, le nouvel archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe de Beaumont, fait publier un nouveau mandement : il demande la foi divine pour le droit et la simple foi humaine pour le fait. C’est-à-dire qu’il demande aux religieuses de croire comme un article de Foi que les propositions condamnées sont hérétiques, mais qu’il ne leur est demandé qu’une simple approbation humaine, sans notion de sacrilège, au sujet de la présence (ou non) de ces propositions dans l'Augustinus de Jansenius.

Cependant, malgré une visite de l’archevêque à l’abbaye, les religieuses refusent toujours de signer. Péréfixe se rend alors, le 26 août 1664, dans le couvent de Port-Royal de Paris. Il décide d’exiler seize religieuses dans différents couvents de la capitale. Elles sont emmenées de force. À la mi-novembre de la même année, il se rend aux Champs, où les religieuses non signataires sont privées de sacrements et de leurs confesseurs habituels. On leur interdit également tout contact avec l’extérieur[27].

La coupure avec Port-Royal de Paris

La duchesse de Longueville, protectrice du monastère

Alors qu’aux Champs on résiste à l’archevêque Beaumont de Péréfixe, les religieuses de Paris, et notamment la prieure, signent le Formulaire dans le courant de l’année 1665. Les religieuses parisiennes récalcitrantes, accompagnées des seize religieuses exilées, sont envoyées à Port-Royal-des-Champs. Le monastère compte alors quatre-vingt-seize religieuses, surveillées en permanence par quatre gardes, qui leur imposent brimades et interdictions. L’abbesse de Port-Royal des Champs n’est plus reconnue en tant que telle : l’archevêque ne reconnaît comme légitime abbesse que celle de Paris. La mère Madeleine de Ligny n’assure donc plus que la fonction de supérieure de la communauté. Les religieuses sont coupées du monde jusqu’à la Paix de l'Église[28] qui survient à l’été 1668[29].

Le 13 février 1669, l’évêque de Meaux, qui est aussi le frère de l’abbesse, se rend à Port-Royal, accompagné secrètement par Antoine Arnauld et Louis-Isaac Lemaistre de Sacy. Tous trois convainquent les religieuses de signer la requête de l’archevêque[29]. Le 18 février, elles peuvent à nouveau recevoir les sacrements et accueillir pensionnaires et novices. En revanche, le monastère de Port-Royal de Paris reste séparé de celui des Champs. Quelques mois plus tard, l’abbesse est remplacée par la mère Marie de Sainte-Madeleine Angennes du Fargis, qui prend Angélique de Saint-Jean Arnauld d'Andilly, nièce de la Mère Angélique et de la mère Agnès, comme prieure.

Les Solitaires et les amis de Port-Royal, comme la duchesse de Longueville, reviennent s’installer aux Granges ou à l’abbaye. De nombreux travaux sont entrepris, notamment l’achèvement des quatre côtés du cloître. Celui-ci est prolongé jusqu’à l’infirmerie et aux bâtiments des enfants. Les travaux sont achevés en 1671[29].

La fin de la Paix de l'Église

Le 3 août 1678 Angélique de Saint-Jean Arnauld d'Andilly est élue abbesse. Cette nièce des deux grandes abbesses Arnauld a passé presque toute sa vie à Port-Royal. Elle a été maîtresse des pensionnaires, puis des novices, aux Champs comme à Paris, avant de prendre la tête du refus de signature du formulaire. Elle est l’âme du monastère à cette époque, comme prieure puis comme abbesse. Elle communiquera son énergie aux religieuses, qui s’apprêtent à affronter plusieurs épreuves : le 15 avril 1679 meurt la duchesse de Longueville, principale protectrice du monastère que, par sa qualité de cousine du roi Louis XIV, elle a rendu quasi-intouchable. Le 21 juillet de la même année, c’est au tour de Nicolas Choart de Buzenval, évêque de Beauvais et appui du monastère, de disparaître. Le monastère se retrouve privé de deux importants soutiens, l’un politique et l’autre religieux. Le monastère est alors presque au complet : on y compte quatre-vingt-douze sœurs professes, treize postulantes et quarante-deux pensionnaires[30].

Le nouvel archevêque de Paris, François Harlay de Champvallon, fait une visite aux Champs le 17 mai 1679. Il apprend à l’abbesse que le roi a décidé, à nouveau, d’interrompre le recrutement de novices, de limiter le nombre de professes de chœur à cinquante, au lieu des soixante-douze alors présentes, et de renvoyer postulantes et pensionnaires[31]. Les Solitaires doivent également quitter les lieux. C’est la fin de la Paix de l'Église.

Les proches de l’abbaye doivent donc partir : Louis-Sébastien Le Nain de Tillemont, Louis-Isaac Lemaistre de Sacy et quelques autres se retirent sur leurs terres. Antoine Arnauld rejoint alors les Flandres[32].

En 1684, plusieurs décès marquent l’abbaye. Celui de Louis-Isaac Le Maistre de Sacy le 4 janvier, puis Angélique de Saint-Jean Arnauld d'Andilly le 29 janvier. La mère Marie de Sainte-Madeleine du Fargis est réélue abbesse. Elle prend comme prieure Agnès de Saint-Thècle Racine, tante de Jean Racine. En 1690, cette dernière succède à la mère Marie de Sainte-Madeleine quand elle démissionne de sa charge pour cause de maladie. Agnès Racine sera réélue abbesse en 1693 et 1696. Durant ces années, les grandes figures de Port-Royal disparaissent peu à peu. L’abbé de Pontchâteau, la mère de Fargis, Mademoiselle de Vertus, Antoine Arnauld, Claude Lancelot et Pierre Nicole meurent tous entre 1690 et 1695[33].

Cette année 1695 voit arriver au siège de Paris un nouvel archevêque, Louis Antoine de Noailles. Il est réputé favorable aux jansénistes. Mais il ne parvient pas à faire lever l’interdiction royale de faire entrer de nouvelles religieuses dans l’abbaye. Même Jean Racine se voit refuser l’entrée de sa fille Marie-Catherine à Port-Royal des Champs en 1699.

En 1699, la dernière abbesse de Port-Royal est élue. Il s’agit de la mère Élisabeth de Sainte-Anne Boulard de Denainviliers, auparavant prieure de la mère Agnès Racine. Elle doit faire face à une recrudescence des débats théologiques à la Sorbonne : la bulle du pape Clément XI, proclamée en 1705, est sévère : tous les ecclésiastiques et religieux de France doivent condamner les erreurs dénoncées par Rome. Les religieuses acceptent de signer en 1706, mais elles ajoutent : « Sans déroger à ce qui s’est fait à l’égard de ce monastère à la Paix de l'Église, sous Clément IX », ce qui rend contestable leur soumission[34]. Louis XIV est très irrité par cette résistance[35].

La fin du monastère

Anonyme, début du XVIIIe siècle. Des pauvres secourus à la porte de l'abbaye. Gouache sur parchemin.

En 1706, la mère Élisabeth de Sainte-Anne Boulard de Denainvilliers[36] meurt. Elle a auparavant désigné la sœur Louise de Sainte-Anastasie du Mesnil pour prendre sa suite. Mais la communauté n’a pas le droit de procéder à l’élection. La mère Louise reste donc prieure, jusqu’à la fin de l’abbaye[37]. L’année suivante, Louis XIV donne l’ordre de donner les revenus de Port-Royal des Champs à l’abbaye de Port-Royal de Paris. C’est signer, à très brève échéance, la mort de l’abbaye. L’archevêque de Paris interdit aux religieuses de recevoir la communion. Il les déclare également « contumaces et désobéissantes aux constitutions apostoliques et comme telles incapables de participer aux sacrements de l’Église[38]». Les sœurs sont donc privées à la fois des nourritures spirituelles et des nourritures temporelles. Leur nombre se réduit, au fur et à mesure des décès.

Le 27 mars 1708, une bulle pontificale retire aux religieuses l’usage de leurs terres, ne leur laissant que l’église et le monastère. Une deuxième bulle, datée de septembre, ordonne la suppression de Port-Royal des Champs. Louis Phélypeaux de Pontchartrain, chancelier, essaie de s’opposer aux décisions royales et pontificales. Mais le parlement de Paris enregistre les textes du pape et du roi.

L’archevêque de Paris confirme en 1709 la suppression du monastère. Après une visite orageuse de l’abbesse de Port-Royal de Paris le 1er octobre, qui n’est pas reconnue comme supérieure par les religieuses, le Conseil d’État rend un arrêt confirmant les droits du monastère parisien sur celui des Champs. Le 26 octobre, il ordonne également l’expulsion des religieuses.

Le lieutenant de police d’Argenson est désigné pour procéder à l’expulsion. Le 29 octobre 1709, il se rend à l’abbaye, accompagné de soldats. Les quinze sœurs professes et les sept sœurs converses présentes sont emmenées vers différents couvents d’exil. Une dernière sœur, malade, est expulsée le lendemain en litière[39].

Quelques mois plus tard, en janvier 1710, le Conseil d’État ordonne la démolition de l’abbaye[40]. Entre le mois d’août 1710 et l’année 1711, de nombreuses familles de proches du monastère viennent exhumer les corps des religieuses enterrées dans l’église. Certaines dépouilles, comme celles des Arnauld, sont transférées à Palaiseau, d’autres à Magny-Lessart. Près de 3 000 corps sont enterrés à Saint-Lambert-des-Bois, dans une fosse commune encore identifiable aujourd’hui et appelée « carré de Port-Royal ». Les dépouilles de Jean Racine, Antoine Lemaître et Louis-Isaac Lemaistre de Sacy sont emmenées à Saint-Étienne-du-Mont à Paris.

Au cours de l’année 1713, l’abbaye est rasée à la poudre. Ses pierres sont vendues ou récupérées par les habitants des alentours, parfois comme reliques mais le plus souvent comme matériau de construction.

La succession des abbesses au XVIIe siècle

Dates de la charge Nom de l’abbesse En religion ... Naissance - décès
1575-1602 Jeanne de Boulehart ? ?
1602-1630 Jacqueline Arnauld Mère Angélique Arnauld 1591-1661
1630-1636 Marie-Geneviève Le Tardif Mère Marie-Geneviève de Saint-Augustin ? - 1646
1636-1642 Agnès Arnauld Mère Agnès Arnauld 1593-1672
1639-1654 Jacqueline Arnauld Mère Angélique Arnauld 1591-1661
1654-1658 Marie Suireau Mère Marie-des-Anges Suireau 1599-1658
1658-1661 Agnès Arnauld Mère Agnès Arnauld 1593-1672
1661-1669 Madeleine de Ligny Mère Madeleine de Sainte-Agnès de Ligny ?
1669-1678 Marie Angennes du Fargis Mère Marie de Sainte-Madeleine Angennes du Fargis 1618-1691
1678-1684 Angélique Arnauld d’Andilly Mère Angélique de Saint-Jean Arnauld 1624-1684
1684-1690 Marie Angennes du Fargis Mère Marie de Sainte-Madeleine Angennes du Fargis 1618-1691
1690-1699 Agnès Racine Mère Agnès de Saint-Thècle Racine 1626-1700
1699-1706 Élisabeth Boulard de Denainvilliers Mère Élisabeth de Sainte-Anne 1628-1706

Le site de Port-Royal au XVIIIe siècle

Le pigeonnier du XIIIe siècle, un des rares vestiges du monastère

Dès sa destruction, le site de Port-Royal devient un lieu de pèlerinage et de mémoire. Les habitants des villages alentour viennent sauver de la destruction ce qui peut l’être. De nombreux éléments architecturaux sont ainsi réutilisés dans les alentours. Le transport des ossements des religieuses et des proches de Port-Royal, lors de la destruction, a été tellement rapide qu’il reste aux fidèles du monastère de nombreuses « reliques » à collecter. Ainsi, dans son Manuel des pélerins de Port-Royal publié en 1767, l’abbé Gazaignes décrit la scène : « Les cahots que firent ces sortes de voitures, furent cause que plusieurs parties de ces précieux restes tombèrent le long du chemin, et que des Passants les ayant trouvés, les ont enterrés sur le chemin même »[41]. Cela permet donc au site de garder un caractère sacré qui lui amène des pèlerins de façon régulière.

Le site connaît une constante dégradation. Augustin Gazier écrit que « les ruines de l’abbaye furent longtemps une sorte de carrière où l’on venait chercher des pierres à bâtir ; les buissons et les ronces finirent par les envahir, si bien qu’au début du XIXe siècle il était impossible de retrouver la place exacte de l’église et du sanctuaire »[42].

Alors que la présence physique (par ses habitants et ses pierres) de Port-Royal a cessé, le souvenir prend le relais. Ainsi commence la seconde histoire de Port-Royal, celle de son inscription dans la mémoire collective.

Dès avant la destruction du monastère, Madeleine Boullogne, peintre morte en 1710, a représenté les différentes parties du monastère en une quinzaine de tableaux, d’un style réaliste et assez naïf. Magdeleine Horthemels a reproduit ses gouaches en gravures, qui après la destruction du monastère ont eu un grand succès. D’abord saisi par la police, l’album est rendu par le lieutenant de police d’Argenson, et peut ainsi être vendu.

Une grande partie des manuscrits de Port-Royal a été récupérée, juste avant l’expulsion des religieuses, par Marguerite de Joncoux, une laïque amie de la mère du Mesnil. Elle put les faire sortir du monastère et les conserver. Grâce à son action, ces manuscrits ont ensuite été remis à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, puis à la Bibliothèque nationale.

Les tableaux, eux, sont pour la plupart emmenés au monastère de Port-Royal de Paris. Le grand tableau de la Cène de Philippe de Champaigne est replacé sur l’autel de la chapelle parisienne, pour laquelle il avait été conçu. Le tableau appelé les Religieuses est placé dans le chapitre des religieuses. Mais la plupart des portraits sont entreposés dans les greniers parce qu’ils n’intéressent personne, ce qui permet de les sauvegarder. Un fidèle de Port-Royal, Jean-Philippe Gaspard Camet de La Bonnardière (un des fondateurs de la Société de Port-Royal au début du XIXe siècle), peut ainsi les acheter pour un prix très modique pendant la Révolution, lors de la vente des biens de l’abbaye parisienne comme « biens nationaux »[43].

Durant tout le XVIIIe siècle, les fidèles du jansénisme, qu’ils soient convulsionnaires ou non, viennent en pèlerinage sur les ruines. Le domaine appartient en droit au monastère de Port-Royal-de-Paris mais les religieuses ont abandonné les ruines. Elles ne font que tirer les ressources des terres agricoles. Les pèlerinages ont donné lieu à de nombreux écrits déplorant la ruine du monastère. Les titres en sont évocateurs : Gémissements sur les ruines de Port-Royal[44], par exemple. Les nombreux « manuels de pèlerinage », édités du XVIIIe siècle au milieu du XIXe siècle, témoignent également de cette vivacité du souvenir à Port-Royal[45].

Dès 1710 en fait, la littérature s’empare de la mémoire de Port-Royal et donne des textes qui ont pour but de continuer le souvenir du monastère, même si celui-ci n’existe plus physiquement. C’est avec les quatre livres attribués à l’abbé Jean-Baptiste Le Sesne d’Étemare, et intitulés Gémissements d’une âme vivement touchée de la destruction du saint monastère de Port-Royal des Champs que commence vraiment l’histoire littéraire de Port-Royal[46]. La publication de ces ouvrages suit les derniers soubresauts de l’histoire de Port-Royal, et sont donc nourris de l’indignation du témoin. Mais ils sont ensuite plusieurs fois réédités, et remaniés au gré de l’évolution du jansénisme au XVIIIe siècle. Le souvenir de Port-Royal est donc nourri et mélangé avec la vision convulsionnaire du monde.

Dans le sillage de l’abbé d’Étemare, de nombreux opuscules sont diffusés, afin d’entretenir le souvenir et d’aider au pèlerinage à Port-Royal.

Le site, bien que déserté par les religieuses, n’en reste pas moins habité. Les Granges (en haut du plateau) sont habitées par un agriculteur qui travaille pour le compte du monastère de Port-Royal de Paris, qui tire une grande part de ses revenus des terres de Port-Royal des Champs.

Le site de la Révolution à nos jours

Les ruines de l’abbaye

Les ruines de l’église de l’abbaye de Port-Royal dans leur état actuel

Au commencement de la Révolution française, le site de Port-Royal des Champs est toujours à l’abandon, seules les terres agricoles sont utilisées. Les ruines du monastère sont devenues presque invisibles.

À la suite du décret du 2 novembre 1789, qui déclare les biens de l’Église « mis à disposition de la Nation », les religieuses du couvent parisien n’ont plus de droits sur Port-Royal des Champs. Le 14 mai 1790, un nouveau décret décide de la mise en vente des biens du clergé, en tant que biens nationaux. Le site de Port-Royal des Champs est vendu de façon séparée : un agriculteur achète les Granges et une veuve, Marie-Françoise Humery de La Boissière de Plémont, veuve d’Antoine Desprez, achète les ruines de l’abbaye en 1791, pour la somme de 90 200 livres[47]. Cette veuve appartient, pour ce qu’on en sait, au milieu janséniste parisien. En tout cas, elle vit dans le souvenir de Port-Royal et invite fréquemment dans sa retraite (elle habite une des maisons attenantes au monastère, non détruite) des personnes qui partagent sa dévotion.

Ainsi, l’abbé Grégoire et ses amis de la Société de philosophie chrétienne lui rendent souvent visite à partir de 1797. Ils viennent notamment le 29 octobre, date anniversaire de la fin du monastère. À la suite de ces visites l’abbé Grégoire publie en 1801 ses Ruines de Port-Royal des Champs dans les Annales de la religion. Ce texte exalte le souvenir de Port-Royal dans une écriture tantôt poétique et tantôt politique, qui fait du monastère et de ses habitants un lieu précurseur de la lutte contre l’absolutisme[48].

En 1809, une cérémonie célèbre le centenaire de la dispersion des religieuses. Y sont présents une grande partie des membres des diverses mouvances du jansénisme. L’abbé Grégoire, mais aussi Louis Silvy et les membres de la Société de Port-Royal (qui ne porte alors pas de nom), ainsi qu’Eustache Degola, prêtre janséniste italien proche de Scipion de Ricci. Environ 200 personnes assistent à ce qui est la première démarche de commémoration à Port-Royal[49].

En 1810, madame Desprez vend Port-Royal à son neveu Charles-Joseph de Talmours, pour la somme de 140 000 francs. Celui-ci meurt rapidement et sa veuve, Marie-Adélaïde Goulé, ne vient que rarement à Port-Royal, qu’elle entretient très peu. Elle revend la propriété en 1824 pour moitié à Louis Silvy, figure importante du jansénisme parisien, et pour l’autre moitié à quatre membres de la Société de Port-Royal, regroupés en association tontinière. Outre un début de restauration du site, les nouveaux propriétaires installent en 1829 une congrégation de frères enseignants, les Frères des Écoles chrétiennes du faubourg Saint-Antoine, autrement appelés « Frères tabourins », qui sont de tradition jansénisante. Partagés entre Port-Royal et la maison de Louis Silvy à Saint-Lambert des Bois, ils enseignent gratuitement aux élèves du secteur. Louis Silvy rachète à la tontine « janséniste » en 1829 sa part du domaine.

Louis Silvy fait construire à l’emplacement de l’autel de l’ancienne église un oratoire, afin de perpétuer le souvenir de Port-Royal ; celui-ci est une chapelle « carrée, plafonnée, carrelée, sans décoration d’architecture. Au-dessus de la porte, une inscription[50] de sa composition, en vers français, rappelle que là autrefois Jésus-Christ était immolé chaque jour par les mains des plus saints personnages »[51]. Louis Silvy a placé dans cet oratoire des objets rappelant le souvenir des religieuses et des Solitaires, principalement des peintures, des gravures et des autographes[52]. Outre la construction de cet oratoire, Louis Silvy fait également creuser un bras formant croix sur le grand canal qui traversait le domaine, et planter des tilleuls à l’emplacement de l’ancien cloître, en en reprenant le plan, ce qui matérialise bien les dimensions de ce cloître (même si les fouilles récentes montrent qu’il a commis quelques erreurs dans l’emplacement).

En 1832, Louis Silvy fait une donation du domaine de Port-Royal à la congrégation des Frères des Écoles chrétiennes du faubourg Saint-Antoine. Celle-ci décline rapidement, malgré son financement assuré par la Société de Port-Royal. Le supérieur, peu honnête, a tendance à réclamer toujours plus d’argent à la Société, et semble en détourner une partie. En 1868, il menace de donner le domaine aux Jésuites, la congrégation étant moribonde. Cela oblige la Société à racheter le domaine, pour une somme de 80 000 francs[53].

L’oratoire construit à la fin du XIXe siècle.

À partir du moment où la Société est propriétaire des ruines, elle entreprend une longue série d’améliorations, ainsi qu’une progressive ouverture au public. Elle commence par faire démolir l’oratoire de Louis Silvy, qui était en très mauvais état. Elle fait construire un nouvel édifice en 1891, sur des plans de l’architecte Mabille. Cet oratoire est toujours visible de nos jours, même si son état de délabrement n’en permet plus la visite depuis les années 1990. Il renferme les objets que Louis Silvy avait mis dans le précédent, augmentés de fragments de l’ancienne abbaye provenant des fouilles qui sont faites de manière régulière depuis le début du XIXe siècle.

À la fin du XIXe siècle, le domaine s’ouvre de façon régulière au public. Un gardien en assure l’entretien et les visites, tandis qu’un fermier occupe le bâtiment restant, à côté du pigeonnier. Les visites à Port-Royal sont dès lors payantes. Le site compte en moyenne entre 15 000 et 20 000 visiteurs chaque année, des années 1920 à la fin de la Seconde Guerre mondiale[54]. Il est également habité par une veuve, Félicité-Perpétue de Marsac, vicomtesse d’Aurelle de Paladines, fidèle de l’esprit port-royaliste, qui se définit elle-même comme « la dernière Solitaire de Port-Royal » et donne un aspect pittoresque au lieu en menant une vie de dévotion démunie et exaltée au milieu des ruines[55].

En 1899, une importante cérémonie commémorative a lieu à Port-Royal des Champs, pour célébrer le bicentenaire de la mort de Jean Racine. C’est l’occasion pour le monde intellectuel de se retrouver, de nombreux académiciens sont présents. Le site de Port-Royal acquiert ainsi une notoriété certaine dans toute la France. De nombreux professeurs y emmènent leurs élèves et Port-Royal entre dans les « lieux de mémoire » français[56].

Les Granges

Le puits de Pascal restauré, dans la cour intérieure de la ferme des Granges

Pendant ce temps, la ferme des Granges a vu se succéder plusieurs propriétaires, d’abord agriculteurs puis bourgeois. La famille Goupil, propriétaire des Granges à partir de 1860, y fait construire en 1896 un grand logis de style Louis XIII, appelé « château », dans le prolongement de la maison des Solitaires. Ce bâtiment renferme aujourd’hui l’essentiel du musée national des Granges de Port-Royal[57].

Les Granges sont vendues en 1925 à Charles Ribardière, directeur du journal L’Intransigeant. Celui-ci meurt rapidement et son épouse néglige le domaine, qui est d’ailleurs coupé en deux : la partie agricole (ferme, terres cultivables) est vendue à des agriculteurs, madame Ribardière conservant seulement le « château » et le parc l’entourant. En 1952, constatant la forte dégradation des Granges, de nombreux intellectuels se mobilisent. La création de la Société des Amis de Port-Royal deux ans auparavant, le succès du Port-Royal de Montherlant et la mobilisation de François Mauriac, notamment, poussent l’État à acquérir le château des Granges et le logis des Solitaires. On y installe rapidement un musée, qui retrace l’histoire de Port-Royal et conserve un certain nombre de tableaux, notamment de Philippe de Champaigne. La ferme, qui contient en son centre le puits de Pascal, est acquise par l’État en 1984.

Les écuries des Granges de Port-Royal, témoins de la vocation agricole du site

Pendant toutes ces années, le site de Port-Royal est donc morcelé. Le visiteur, s’il veut faire une visite exhaustive du site, doit d’abord visiter les ruines de l’abbaye, puis contourner les bois de Port-Royal pour recommencer une visite, cette fois-ci aux Granges.

Outre le côté peu pratique et attrayant de cette division, l’incohérence du morcellement de Port-Royal se fait de plus en plus évidente, d’autant plus qu’au fil des années, les conservateurs du musée des Granges et les membres de la Société de Port-Royal, qui gèrent toujours les ruines, ont de bons rapports et travaillent ensemble à la promotion de Port-Royal. Le poids financier de l’entretien des ruines devient également très important pour la Société de Port-Royal. C’est ainsi qu’au printemps 2004, la Société de Port-Royal a fait don à l’État du site des ruines de l’abbaye[58]. Pour la Société, il s’agit à la fois de réunifier un site partagé depuis plus de 200 ans, et donc de redonner une cohérence à l’ensemble, mais également de mener de plus ambitieux projets d’animation du site[59].

L’aile rajoutée à la fin du XIXe siècle et qui abrite aujourd’hui le musée

Le musée actuel, qui est le plus petit des musées nationaux français, contient essentiellement des œuvres picturales. Il s’agit principalement de tableaux de Philippe de Champaigne et de gravures des XVIIe siècle et XVIIIe siècle, qui retracent la vie du monastère. On peut également y voir le masque mortuaire de la mère Angélique Arnauld, ainsi que divers objets de dévotion janséniste. L’intérêt de ce musée est principalement de retracer l’histoire du monastère. Une salle est dédiée aux livres anciens, principalement ceux écrits par les Solitaires. Depuis les années 2000, le musée s’est dirigé vers une mise en valeur des jardins. C’est ainsi qu’un programme a été lancé pour tenter de reconstituer le verger des Solitaires, devant le logis principal. On y replante des essences anciennes (notamment des poiriers) pour redonner vie à ce qui a fait, au XVIIe siècle, une part de la renommée des Granges.

Le site de Port-Royal est par ailleurs fréquemment demandé pour des créations théâtrales, des concerts (dans la grange médiévale) et des colloques. La majeure partie des bâtiments de Port-Royal-des-Champs a été classée à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1947[60]. Les granges ont été classées en 1953[61], de même que le parc[62]. Puis en 1984, c’est la maison du portier qui a bénéficié de cette mesure[63]. L’ensemble est un site classé depuis 1972.

Un lieu d’inspiration

Dès le XVIIe siècle, Port-Royal-des-Champs a inspiré les écrivains et les artistes, que ce soit pour déplorer les soucis récurrents du monastère ou faire revivre, de manière plus ou moins véridique, le site et ses occupants.

Une inspiration engagée

Sa fille paralysée ayant été miraculeusement guérie au couvent de Port-Royal, Philippe de Champaigne peint en 1662 cet Ex-voto.

Pendant l’histoire tumultueuse du Port-Royal janséniste, les artistes qui l’ont fréquenté ont eu des liens spirituels forts avec ce lieu, tel le peintre Philippe de Champaigne, dont la fille était religieuse au monastère. Il a peint des portraits de moniales et des ex-voto qui rendent une image pieuse, austère — et sans doute assez fidèle. À la fin de la vie monastique, Louise-Magdeleine Horthemels fait œuvre militante en gravant et en diffusant des vues du monastère et de la vie quotidienne des religieuses.

De même, Jean Racine, dans son Abrégé de l’Histoire de Port-Royal, souhaite édifier les lecteurs futurs.

Les écrivains du XVIIIe siècle qui s’intéressent à cette question sont plus des militants que des artistes, souvent entraînés dans le mouvement convulsionnaire. On trouve tout de même des textes sur Port-Royal qui forment une sorte de poésie, ou de prose poétique. Ainsi, les Gémissements d’une âme vivement touchée de la destruction du saint monastère de Port-Royal des Champs[64] attribués à l’abbé d’Étemare sont un ensemble d’écrits qualifiés de « pastiches bibliques »[65] qui mènent une réflexion poétique sur la notion de persécution et d’Église souffrante.

L’abbé d’Étemare, comme ses contemporains jansénistes, utilise ce qu’on appelle le figurisme, c’est-à-dire qu’il transpose les protagonistes dans le monde hébraïque et cherche dans la Bible les événements qui correspondent à ce que vivent ou ont vécu les jansénistes. Cela donne, par exemple, un parallélisme entre la mère Angélique, Deborah, Ève et Marie. Il reprend les formes de la poésie hébraïque et innove en même temps une prose poétique mais méconnue. On trouve mêlés dans ses textes lyriques les thèmes bibliques comme les évocations du drame de la destruction de Port-Royal :

« Mais ô mon Dieu, pourquoi, au lieu de pousser de loin des soupirs, ne m’est-il pas plutôt permis d’imiter le zèle du Lévite ; de me transporter dans cette vallée de carnage et de sang ; et là, après avoir ramassé dans mes mains ces os épars, ces membres déchirés et encore tout couverts de leur sang, de les porter par toute la terre sous tous les yeux d’Israël ?[66] »

Tout en se lamentant, d’Étemare ne manque pas de relever la poésie qui émane des ruines de Port-Royal : « Que ceux qui l’ont aimée, cette demeure de grâce, pleurent avec moi sur elle, Seigneur ; que ses ruines, toutes tristes qu’elles sont, aient encore pour vos serviteurs des charmes et des attraits comme les ruines de Sion, et que la douleur naissant de leur amour, ils aient compassion de cette terre ; de cette terre désolée. »[67] On n’est pas loin ici du préromantisme, même si les références de l’auteur sont davantage les Psaumes bibliques.

Cette évolution vers une attirance pour les ruines en elles-mêmes et ce qu’elles signifient, plus que pour la réalité historique et théologique de Port-Royal et du jansénisme, éclate avec les écrits du début du XIXe siècle.

Vers une vision mythique

Une littérature liée à Port-Royal apparaît dès le début du XIXe siècle. Ainsi Henri Grégoire, dans Les Ruines de Port-Royal-des-Champs (1801 et 1809), dresse un tableau romantique du site, où « la clématite, le lierre et la ronce croissent sur cette masure ; un marsaule élève sa tige au milieu de l’endroit où étoit le chœur »[68]. Mais l’abbé Grégoire est aussi le premier à considérer Port-Royal comme un symbole de lutte contre l’absolutisme et comme un précurseur de la Révolution française :

«  Sur le point de vue politique, les savans de Port-Royal peuvent être cités comme précurseurs de la révolution considérée, non dans ces excès qui ont fait frémir toutes les âmes honnêtes, mais dans ses principes de patriotisme qui, en 1789, éclatèrent d’une manière si énergique. (…) Depuis un siècle et demi presque tout ce que la France posséda d’hommes illustres dans l’Église, le barreau et les lettres, s’honora de tenir à l’école de Port-Royal. C’est elle qui, dirigeant les efforts concertés de la magistrature et de la portion la plus saine du clergé opposa une double barrière aux envahissements du despotisme politique et du despotisme ultramontain. Doit-on s’étonner qu’en général les hommes dont nous venons de parler aient été dans la Révolution amis de la liberté ?[68] »

Chateaubriand, dans la Vie de Rancé[69], compare la Trappe à Port-Royal en ces termes : « La Trappe resta orthodoxe, et Port-Royal fut envahi par la liberté de l’esprit humain. » Reprenant la description des ruines du monastère qu’avait faite l’abbé Grégoire, il dépeint avec une violence tragique l’exhumation des corps en 1710.

La grange médiévale dans la ferme des Granges, lieu actuel de concerts et colloques

Mais celui qui va donner ses lettres de noblesse littéraire à ce thème est Charles Augustin Sainte-Beuve. Dans un cours professé à Lausanne en 1837-1838, il brosse un portrait élogieux d’un monastère composé d’intellectuels brillants et de religieuses exaltées mais pures. Il fixe pour longtemps cette vision dans l’imaginaire collectif, avec la publication de son monumental Port-Royal à partir de 1848. Il voit en Port-Royal un exemple de rigueur et de courage, et élabore une lecture à la fois très précise sur le plan historique et elliptique concernant les aspects dérangeants du jansénisme.

À sa suite, de nombreux intellectuels se réfèrent à cette image mythique pour écrire des romans ayant pour cadre le monastère, ou pour invoquer l’esprit de Port-Royal au milieu d’autres réflexions[70]. Au début du XXe siècle on trouve même des romans mettant en scène des personnages réels, mais avec un comportement déconnecté de la réalité historique[71]. Les port-royalistes sont des « héros », combattant l’Église et la monarchie. Dans un contexte d’installation difficile de la Troisième République et de lutte anticléricale, Port-Royal est un argument de poids, souvent utilisé comme tel.

En 1954, Henry de Montherlant écrit une pièce de théâtre en un acte, Port-Royal, dont l’action se concentre sur la journée du « 26 d’août » 1664, c’est-à-dire la visite de Mgr de Péréfixe au couvent du faubourg Saint-Jacques. Cette œuvre remet au goût du jour les vestiges du monastère. Montée dans le contexte du rachat par l’État d’une partie du site des Granges (voir supra), elle attire de nombreux visiteurs sur les lieux.

À la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, Port-Royal-des-Champs reste une référence intellectuelle et patrimoniale. Si son histoire et celle du jansénisme sont de moins en moins connues du grand public, son exemple représente un symbole, comme le montrent les créations artistiques contemporaines : un écrivain comme Gabriel Matzneff, qui fut l'ami de Montherlant, ne manque pas d'évoquer dans nombre de ses livres l'abbaye. Le film de Vincent Dieutre, Fragments sur la grâce, sorti en 2006, a remporté un succès d’estime surprenant. Des œuvres littéraires ayant le monastère pour objet ou pour cadre sont régulièrement éditées comme (en 2007) le roman de Claude Pujade-Renaud, Le désert de la grâce. Elles sont souvent empreintes d’une vision idéalisée de la réalité, mais reflètent bien la fascination que Port-Royal continue d’exercer.

Bibliographie

  • « Un lieu de mémoire : Port-Royal des Champs », Chroniques de Port-Royal, no 54, 2004.
  • « L’abbaye de Port-Royal des Champs. VIIIe centenaire », Chroniques de Port-Royal, no 55, 2005.
  • Augustin Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste depuis ses origines jusqu’à nos jours, 2 tomes, 1924 (Tome I , Tome II en ligne).
  • Jean Lesaulnier, Images de Port-Royal, Nolin 2002, 594 p.
  • Dictionnaire de Port-Royal, sous la direction de Jean Lesaulnier et Anthony McKenna, Honoré Champion 2004, 1775 p.
  • Charles Augustin Sainte-Beuve, Port-Royal, (1840-1859), (7 volumes en ligne).
  • Henri Grégoire, Les ruines de Port-Royal des Champs en 1809, année séculaire de la destruction de ce monastère, introduction et notes par Rita Hermont-Belot, Réunion des Musées Nationaux, Paris 1995, 168 p.

« Port-Royal. La fracture janséniste », Les Lieux de Mémoire, t. III. Les France. 3 De l'archive à l'emblème, Paris, Gallimard, 1992, p. 471-529.

Liens externes

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Notes et références

  1. « Je vous avoue que j’ai été ravie de voir cette divine solitude, dont j’avais tant ouï parler ; c’est un vallon affreux, tout propre à inspirer le goût de faire son salut » dans la lettre à son oncle de Sévigné le 24 janvier 1674 ; cité par Sainte-Beuve, Port-Royal, T. IV, p. 408
  2. Nom donné au XVIIe siècle aux hommes qui se retiraient à Port-Royal-des-Champs pour y mener une vie ascétique et studieuse.
  3. Elle est proche des familles royales par son mari Mathieu de Montmorency, seigneur de Marly
  4. Jean Mesnard explique cette relation entre Port-Royal et le pouvoir royal dans « Les naissances de Port-Royal », Chroniques de Port-Royal n° 55, Paris, 2005, p. 9.
  5. On ne sait rien d’elle hormis son nom.
  6. Un bon résumé de l’architecture de Port-Royal est fait par Sandrine Lély, « Architecture et peinture à Port-Royal », Chroniques de Port-Royal n° 54, Paris, 2004, pp. 75-86.
  7. Année où le chapitre général de Cîteaux décide de rattacher les abbayes de femmes non plus aux abbayes d’hommes mais directement à l’ordre cistercien, cf. Jean Lesaulnier, « Chronologie de Port-Royal des Champs », Chroniques de Port-Royal n° 54, Paris, 2004, p. 14.
  8. Sandrine Lély, « Architecture et peinture à Port-Royal des Champs », Chroniques de Port-Royal n° 54, Paris, 2004, p. 75.
  9. Voir les Lettres de la Mère Angélique Arnauld, éditées et introduites par Jean Lesaulnier, Paris, Phénix, 2003.
  10. Les données sur le patrimoine foncier de Port-Royal proviennent du travail d’Ellen Weaver-Laporte, « Le patrimoine de Port-Royal : seigneuries, fermes, rentes », Chroniques de Port-Royal n° 55, 2005, pp. 42-50. Mme Weaver-Laporte précise qu’elle n’a pas intégralement terminé ce travail d’analyse du foncier, qui fera l’objet d’une publication complète ultérieure.
  11. Cité par Marie-José Michel dans « L’histoire de Port-Royal des Champs », Chroniques de Port-Royal n° 54, Paris, 2004, p. 28.
  12. Jean Lesaulnier, « Chronologie de Port-Royal des Champs », Chroniques de Port-Royal n° 54, Paris, 2004, p. 15.
  13. in Chroniques de Port-Royal n° 54, Paris, 2004.
  14. Angélique Arnauld, Autobiographie, 1655, contenu dans Perle Bugnion-Secrétan, La Mère Angélique Arnauld (1591-1661) d’après ses écrits : abbesse et réformatrice de Port-Royal, textes choisis, Paris, Cerf, 1991, 274 p.
  15. Cécile Davy-Rigaux, « La pratique liturgique et le chant », Chroniques de Port-Royal n° 54, Paris, 2004. p. 92.
  16. Jacqueline Pascal, « Règlement pour les enfans », dans L’Image d’une religieuse parfaite et d’une imparfaite : avec les occupations intérieures pour toute la journée, C. Savreux, 1665, in-12°, 464 p.
  17. Lettre intéressante du P. Vincent Comblat, prêtre des frères mineurs, à un évêque, sur le monastère de Port-Royal, s.l.n.d., 166 p., pp. 25-27. Repris dans Cécile Davy-Rigaux, op. cit.
  18. L’essentiel de la chronologie de Port-Royal est tiré de Jean Lesaulnier, « Chronologie de Port-Royal », Chroniques de Port-Royal n° 54, Paris, 2004.
  19. Mère Angélique Arnauld, Lettres, Introduction par Jean Lesaulnier, Paris, Phénix Éditions, 2003, 3 vol.
  20. Thérèse Picquenard, « Les Petites écoles et la ferme des Granges », Chroniques de Port-Royal n° 54, Paris, 2004, p. 60.
  21. Augustin Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste, tome 1, H. Champion, Paris, 1924. p. 100.
  22. idem, p. 101 : « Ce fut un véritable coup d’État que la condamnation d’Arnauld (…) La question de fait fut résolue contre lui le 14 janvier 1656 ; et la question de droit fut immédiatement entamée ».
  23. idem p. 108 : « Il (Pascal) s’était senti encouragé, au plus fort de la composition des Provinciales, par un évènement véritablement extraordinaire, la guérison subite de la petite Marguerite Périer, sa nièce, qui était rongée par un ulcère épouvantable. »
  24. Françoise Hildesheimer, Le jansénisme, l’histoire et l’héritage, Desclées de Brower, Paris 1992, p. 48 : « S’impose désormais une gestion politique du problème janséniste (…) Les mesures autoritaires s’abattent avec l’imposition de la signature du Formulaire en 1661, l’expulsion des pensionnaires et postulantes de Port-Royal, la recherche policière de ses directeurs internés ou contraints à la fuite, la dispersion des Petites Écoles et des Solitaires ».
  25. Françoise Hildesheimer, op. cit., p. 48.
  26. La mère Madeleine de Sainte-Agnès de Ligny est entrée au monastère comme postulante. Elle a fait sa profession en 1640. Lorsqu’elle est élue abbesse, elle a quarante-cinq ans. Elle est alors la prieure de la mère Agnès Arnauld et une de ses proches.
  27. Françoise Hildesheimer, op. cit., pp. 50-51.
  28. Ce qu'on appelle la « Paix de l'Église » est la période s'étendant entre 1668 et 1679, qui voit un apaisement dans la lutte entre les jansénistes et le pape. On l'appelle aussi parfois la « Paix clémentine », puisqu'elle se déroule sous les pontificats de Clément IX et Clément X.
  29. a , b  et c Jean Lesaulnier, Chronologie de Port-Royal des Champs, p. 23.
  30. Recensement fait par deux envoyés de l’archevêque de Paris venus aux Champs le 9 mai 1679, in Jean Lesaulnier, « Chronologie de Port-Royal des Champs », op. cit..
  31. Augustin Gazier, op. cit. p. 210 : « Il défendit aux religieuses, de la part du roi, de se recruter en recevant des novices tant qu’elles seraient cinquante professes de chœur. »
  32. Augustin Gazier, op. cit., pp. 210-211.
  33. Augustin Gazier, op. cit., pp. 211-217.
  34. Augustin Gazier, op. cit., p. 226.
  35. Voir Sainte-Beuve, Port-Royal, Tome VI, p. 184 : « Il était singulier et ridicule que seules une vingtaine de filles, vieilles, infirmes, et sans connaissances suffisantes, qui se disaient avec cela les plus humbles et les plus soumises en matière de foi, vinssent faire acte de méfiance, et protester indirectement en interjetant une clause restrictive ».
  36. Élisabeth de Sainte-Anne Boulard de Denainvilliers est la grande-tante d'Henri-Louis Duhamel du Monceau
  37. Jean Lesaulnier, « Chronologie... », p. 25
  38. Augustin Gazier, op. cit., p. 228.
  39. Augustin Gazier, op. cit., pp. 228-229.
  40. Augustin Gazier, p. 230 : « Restaient les bâtiments. Après bien des tergiversations, on résolut de les détruire et de n’y pas laisser pierre sur pierre ».
  41. Abbé Gazaignes, Manuel des pèlerins de Port-Royal, Au Désert, 1767, p. 24.
  42. Augustin Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste depuis ses origines jusqu’à nos jours, Paris, H. Champion, 1924. T. I, p. 231.
  43. Augustin Gazier, op. cit., T. I, p. 230.
  44. Ces écrits ont été analysés par Marie-Christine Gomez-Géraud, Si je t’oublie, Jérusalem... Pèlerinage aux ruines de Port-Royal et mémoire d’Israël, Chroniques de Port-Royal n° 53, 2003, pp. 199-214 et « Culte des reliques et dévotion aux ruines de Port-Royal », Chroniques de Port-Royal n° 55, 2005, pp. 169-183.
  45. L’étude de ces manuels a été présentée par Marie-Christine Gomez-Géraud, « Culte des reliques et dévotion aux ruines de Port-Royal », Chroniques de Port-Royal, n° 55, 2005, pp. 169-183.
  46. Ces écrits ont été étudiés par Tony Gheeraert dont sont reprises ici les analyses publiées dans « Les Gémissements de l’abbé d’Étemare ou la poésie des ruines », Chroniques de Port-Royal n° 55, 2005, pp. 143-168.
  47. Véronique Alemany, « Le renouveau de Port-Royal des Champs au XIXe siècle », Chroniques de Port-Royal n° 55, 2005, pp. 185-207.
  48. Henri Grégoire, Les ruines de Port-Royal des Champs, Réunion des musées nationaux, Paris, 1995. Introduction et notes par Rita Hermon Belot.
  49. Augustin Gazier, Histoire générale... op. cit., T. II, 175-177.
  50. Le texte de l’inscription est le suivant :
    « Entrez dans un profond et saint recueillement
    Chrétiens, qui visitez la place, en ce moment,
    D’un autel où Jésus, immolé pour nos crimes,
    S’offrait à Dieu son père, entouré de victimes
    Qu’avec lui l’Esprit-Saint embrasait de son feu.
    Figurez-vous présents ces Prêtres vénérables,
    Ces humbles Pénitents, ces Docteurs admirables,
    Lumières de leur siècle, et l’honneur de ce lieu ;
    Retracez-vous ce chœur où s’assemblaient des anges.
    Du Seigneur, jour et nuit, célébrant les louanges ;
    Et de ces souvenirs recueillez quelque fruit,
    Dans ce vallon désert où l’homme a tout détruit. »
  51. François de Guilhermy, Notes de voyage, BNF, ms nouv. acq. françaises 6114, fol. 160-162.
  52. L’inventaire fait en 1870 par Louis Morize a été publié par Pierre Gasnault, dans « À Port-Royal des Champs au XIXe siècle », Chroniques de Port-Royal n° 56, 2006.
  53. Augustin Gazier, Histoire générale... op. cit., T. II, pp. 272-274.
  54. Procès-verbaux de la Société de Port-Royal, à la bibliothèque de Port-Royal (dossiers non cotés).
  55. Voir la thèse de Véronique Alémany-Dessaint, Survivances jansénistes aux XIXe et XXe siècles à travers les archives de Perpétue de Marsac, vicomtesse d’Aurelle de Paladines, dernière Solitaire de Port-Royal (1845-1932), Université Paris XIII, décembre 2006.
  56. Pierre Nora et Mona Ozouf, Les Lieux de mémoire, T. III « Les France », Paris, Gallimard 1992.
  57. Véronique Alémany, « Il y a cent ans au château des Granges », Chroniques de Port-Royal n° 54, 2004, pp. 151-153.
  58. Arrêté d’acceptation signé par Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la Culture et de la Communication, le 15 avril 2004, parution au Journal Officiel du 29 avril 2004.
  59. Voir Bernard Gazier, « Domaine de Port-Royal des Champs : le sens de la donation de 2004 », Chroniques de Port-Royal n° 54, 2004, pp. 199-200.
  60. Dossier de classement en ligne, 120 p., nombreuses figures, photographies et plans. Cette première inscription concerne les parties suivantes : enclos, cimetière, cour, cloître, jardin, étang, église, chapelle, communs, parties agricoles, colombier, atelier, enceinte. Voir également le en ligne concernant la commune de Magny-les-Hameaux, qui signale les plans existants avec cotes d’archives.
  61. Dossier de classement en ligne, 37 p., nombreuses figures, photographies et plans. Le classement concerne les parties suivantes : cour, jardin, parc, logement de domestiques, chapelle, puits, grange, hangar, pressoir, étable, glacière.
  62. Parties concernées : jardin, canal de jardin, escalier indépendant, verger, mare, colombier, oratoire, ferme.
  63. Dossier de classement en ligne, 6 p., photos.
  64. Les gémissements d’une âme vivement touchée par la destruction du saint monastère de Port-Royal des Champs. Troisième édition, plus correcte que les précédentes, attribués à l’abbé d’Étemare, s. l., 1734.
  65. Tony Gheeraert, « Les Gémissements de l’abbé d’Étemare ou la poésie des ruines », Chroniques de Port-Royal n° 55, Paris, 2005, pp. 145 et suivantes.
  66. Troisième Gémissement, chap. IX, p. 139.
  67. Second gémissement, chap. II, p. 51.
  68. a  et b « Les ruines de Port-Royal des Champs en 1801 », Annales de la Religion, T. XIII. [Paris], Mai 1801.
  69. La Vie de Rancé, livre troisième, 1844 (Texte complet).
  70. Le journaliste et écrivain André Hallays, au début du XXe siècle, est ainsi un ardent prosélyte de Port-Royal et écrit Le pèlerinage de Port-Royal en 1909, qui sert quasiment de guide pour la visite de la vallée de Chevreuse.
  71. Par exemple Louis Artus, Au soir de Port-Royal, Paris, Grasset, 1930, qui imagine un héros athée et libertin amoureux d’une religieuse. Ou encore les nouvelles de Jean Quercy, Dans la lumière de Port-Royal, publiées en 1931, où interviennent les religieuses et les Solitaires.
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