- Pierre Nora
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Pierre Nora, né le 17 novembre 1931 à Paris, est un historien français, membre de l'Académie française, connu pour ses travaux sur le « sentiment national » et sa composante mémorielle, sur le métier d'historien, ainsi que pour son rôle dans l'édition en sciences sociales. Son nom est associé à la Nouvelle histoire. Il est le frère du haut fonctionnaire Simon Nora et le fils du médecin Gaston Nora.
Sommaire
Carrière
Pierre Nora occupe une position particulière, qu'il qualifie lui-même de « latérale », dans le milieu historien français.
L'enseignement
Il est dans les années 1950 élève en hypokhâgne et en khâgne au Lycée Louis-le-Grand, mais il n'est pas reçu, contrairement à une légende tenace, à l'École normale supérieure. Il obtient par la suite une licence ès lettres en philosophie. Reçu à l'agrégation d'histoire en 1958, il est professeur au lycée Lamoricière (aujourd'hui lycée Pasteur) d'Oran (Algérie) jusqu'en 1960 ; il en rapporte un essai publié sous le titre Les Français d'Algérie (1961).
Il est pensionnaire de la Fondation Thiers de 1961 à 1963, et assistant, puis maître-assistant à l'Institut d'études politiques de Paris de 1965 à 1977. Depuis 1977, il est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales.
L'édition
Parallèlement, Pierre Nora a mené une carrière importante dans l'édition. Il entre d'abord en 1964 chez Julliard, où il crée la collection de poche Archives. En 1965, il rejoint les éditions Gallimard : la maison d'édition, déjà bien installée dans le marché de la littérature, souhaite développer son secteur des sciences sociales. C'est Nora qui accomplira cette mission en créant deux collections importantes, la Bibliothèque des sciences humaines en 1966 et la Bibliothèque des histoires en 1970, ainsi que la collection Témoins en 1967.
Chez Gallimard, Nora publie dans les collections qu'il dirige des travaux importants qui constituent généralement des références incontournables[réf. nécessaire] dans leurs champs de recherche, notamment :
- Dans la Bibliothèque des sciences humaines, Raymond Aron (Les Étapes de la pensée sociologique, 1967), Georges Dumézil (Mythe et épopée, 1968–1973), Marcel Gauchet (Le Désenchantement du monde, 1985), Claude Lefort (Les Formes de l'histoire, 1978), Henri Mendras (La Seconde Révolution française, 1988), Michel Foucault (Les Mots et les Choses, 1966 ; L'Archéologie du savoir, 1969).
- Dans la Bibliothèque des histoires, François Furet (Penser la Révolution française, 1978), Emmanuel Le Roy Ladurie (Montaillou, 1975, meilleure vente de la collection avec 145 000 exemplaires), Michel de Certeau (L'Écriture de l'histoire, 1975), Georges Duby (Le Temps des cathédrales, 1976), Jacques Le Goff (Saint Louis, 1997), Jean-Pierre Vernant (L'Individu, la mort, l'amour, 1989), Maurice Agulhon (Histoire vagabonde, 1988–1996), Michel Foucault (Histoire de la folie à l'âge classique, 1972 ; Surveiller et punir, 1975 ; Histoire de la sexualité, 1976–1984).
- Des chercheurs étrangers qu'il contribue à introduire en France, comme Ernst Kantorowicz (Les Deux Corps du roi, 1959, publié en 1989), Thomas Nipperdey (Réflexions sur l'histoire allemande, 1983–1992, en 1992), Karl Polanyi (La Grande Transformation, 1944, en 1983).
Ce rôle important donne à Nora un pouvoir certain dans l'édition française et il a été l'objet de critiques. Ainsi, il refuse en 1997 de faire traduire l'ouvrage d'Eric Hobsbawm The Age of Extremes (1994), en raison de l'« attachement à la cause révolutionnaire » de son auteur. Nora explique que le contexte d'hostilité au communisme en France n'est pas approprié à ce genre de publication, que tous les éditeurs « bon gré mal gré, sont bien obligés de tenir compte de la conjoncture intellectuelle et idéologique dans laquelle s'inscrit leur production »[1]. Il rapporte aussi que François Furet, qui appelait à la traduction du livre dans une longue note infra-paginale du Passé d'une illusion (1995), lui aurait conseillé : « Traduis-le, bon sang ! Ce n'est pas le premier mauvais livre que tu publieras[2]. » Le livre est finalement publié en 1999 sous le titre L'Âge des extrêmes aux éditions Complexe à Bruxelles avec la collaboration du Monde diplomatique. Hobsbawm écrit à cette occasion un article dans Le Monde diplomatique intitulé « "L’Age des extrêmes" échappe à ses censeurs » dans lequel il déclare notamment que « la résistance des éditeurs français, seuls parmi les éditeurs des quelque trente pays qui ont traduit L’Âge des extrêmes, ne laisse pas d’intriguer »[3].
La vie intellectuelle
En mai 1980, Nora fonde chez Gallimard la revue Le Débat avec le philosophe Marcel Gauchet ; elle devient vite l'une des revues intellectuelles françaises majeures. Il a participé à la Fondation Saint-Simon, créée en 1982 par François Furet et Pierre Rosanvallon et dissoute en 1999.
Il s'est opposé à la loi du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur de Français rapatriés » en cosignant une pétition dans le quotidien Libération intitulée Liberté pour l'histoire [4]. Cette loi, dont l'alinéa 2 de l'article 4 a été abrogé le 15 février 2006, établissait que les programmes de recherche devaient accorder plus d'importance à la place de la présence française outre-mer et que les programmes scolaires devaient en reconnaître le rôle positif.
Pierre Nora est également très connu pour avoir dirigé Les Lieux de Mémoire, trois tomes se donnant pour but de faire un inventaire des lieux et des objets dans lesquels s'est incarnée la mémoire nationale des Français.
Il est signataire de l'Appel de Blois, le 10 octobre 2008.
Récompenses et distinctions
Pierre Nora a reçu le Prix Diderot-Universalis en 1988, le Prix Louise-Weiss de la Bibliothèque nationale en 1991, le Prix Gobert de l'Académie française en 1993 et le Grand Prix national de l'histoire en 1993.
Il a été président de la Librairie européenne des idées au Centre national du Livre de 1991 à 1997 et membre du Conseil d'administration de la Bibliothèque nationale de France de 1997 à 2000. Il est membre du Conseil scientifique de l'École nationale des chartes depuis 1991, du Conseil d'administration de l'Établissement public de Versailles depuis 1995, et du Haut Comité des célébrations nationales depuis 1998.
Le 7 juin 2001, il est élu au vingt-septième fauteuil de l'Académie française, où il succède à Michel Droit. Il est reçu le 6 juin 2002 [1] par René Rémond. En 2006, il est Commandeur de la Légion d'honneur, Officier de l'Ordre national du Mérite et Commandeur des Arts et des Lettres.
Notes
- Le Débat (ISSN 0246-2346), nº 93, janvier-février 1997 [présentation en ligne], p.nbsp;93-95 Pierre Nora, « Traduire : nécessité et difficultés »,
- La pensée réchauffée (22 avril 2005), article écrit en réponse au livre de l'historien britannique Perry Anderson qui, dans La Pensée tiède. Un regard critique sur la culture française, évoquait l'attitude de Pierre Nora dans cette affaire.
- Eric Hobsbawm, « L’Âge des extrêmes échappe à ses censeurs », Le Monde diplomatique (ISSN 0026-9395), septembre 1999, p. 28-29 [lire en ligne] ; Serge Halimi, « La mauvaise mémoire de Pierre Nora », Le Monde diplomatique (ISSN 0026-9395), juin 2005, p. 35 [lire en ligne]
- Il préside l'association éponyme
Bibliographie
- L'œuvre propre
- Les Français d'Algérie, préfacé par Charles-André Julien, éditions Julliard, Paris, 1961.
- « Ernest Lavisse: son rôle dans la formation du sentiment national », Revue historique, n° 463, 1962.
- Présent, nation, mémoire, Gallimard (Bibliothèque des histoires), Paris, 2011
- Historien public, Gallimard (Blanche), Paris, 2011
- Principales directions d'œuvres collectives
- Faire de l'histoire, avec Jacques Le Goff, Gallimard (Bibliothèque des histoires), Paris, 1974, 3 tomes : t. 1 Nouveaux problèmes, t. 2 Nouvelles approches, t. 3 Nouveaux objets.
- Les Lieux de mémoire, Gallimard (Bibliothèque illustrée des histoires), Paris, 3 tomes : t. 1 La République (1 vol., 1984), t. 2 La Nation (3 vol., 1986), t. 3 Les France (3 vol., 1992)
- Essais d'ego-histoire, Gallimard (Bibliothèque des histoires), Paris, 1986. Essais autobiographiques par sept grands historiens : Maurice Agulhon, Pierre Chaunu, Georges Duby, Raoul Girardet, Jacques Le Goff, Michelle Perrot et René Rémond.
- De quoi l'avenir intellectuel sera-t-il fait, avec Marcel Gauchet, Paris, Gallimard (Le débat), 2010
- Sur Pierre Nora et l'histoire culturelle
- Philippe Poirrier, Les enjeux de l'histoire culturelle, Paris, Seuil, 2004.
- Sur Pierre Nora
- François Dosse, Pierre Nora. Homo historicus, Paris, Perrin, 2011
Liens externes
- Notice biographique de l'Académie française
- Le catalogue de la Collection Archives Gallimard Julliard (fondée par Pierre Nora en 1964)
- Conférence de Pierre Nora à Blois le 15 octobre 2005
Précédé par
Michel DroitFauteuil 27 de l’Académie française
2001-Suivi par
Membre actuelCatégories :- Historien français du XXe siècle
- Historien des Annales
- Agrégé d'histoire
- Enseignant à l'École des hautes études en sciences sociales
- Membre de l'Académie française
- Commandeur de la Légion d'honneur
- Officier de l'ordre national du Mérite
- Commandeur des Arts et des Lettres
- Naissance en 1931
- Naissance à Paris
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